HAL Id: jpa-00237474
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Submitted on 1 Jan 1878
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De l’emploi des disques rotatifs pour l’étude des sensations lumineuses colorée
A. Rosenstiehl
To cite this version:
A. Rosenstiehl. De l’emploi des disques rotatifs pour l’étude des sensations lumineuses colorée. J.
Phys. Theor. Appl., 1878, 7 (1), pp.5-19. �10.1051/jphystap:0187800700500�. �jpa-00237474�
JOURNAL
DE PHYSIQUE
THÉORIQUE ET APPLIQUÉE.
DE L’EMPLOI DES DISQUES ROTATIFS POUR L’ÉTUDE DES SENSATIONS LUMINEUSES
COLORÉES;
PAR M. A. ROSENSTIEHL.
,1
extrait.)
Newton s’est servi des
disques
rotatifs pour faire lasynthèse
dela lumière
blanche,
à l’aide de secteurs colorés par des matières colorantes. MM.Plateau,
Helmholtz et Dove les ontemployés
pour démontrer la différencequ’il
y a entre lemélange
des matières colorantes et celui des sensations lumineusesqu’elles provoquent.
NI. Maxwell en a tiré
parti
pour étudier lespropriétés physiolo- giques
de l’oeil et pour classer les matières colorantesd’après
destypes
choisis arbitrairement. Leprésent
travail touche à toutes cesdifférentes
questions. J’avais
à madisposi tion
les ressources d’unegrande fabrique d’impressions.
Lesmanipulations
ont été faitespar un
employé spécial;
lesjugements
del’oeil,
quej’aurai
à con-signer ici,
ne sont pasl’expression
d’un sentimentpersonnel,
ilssont celui d’hommes dont l’oeil a r eçu une éducation
exceptionnelle par les soins journaliers qu’exige
la fabrication des toilespeintes.
Pour
simplifier l’exposé
de mesexpériences, je
suppose connus les travaux de M. Chevreul sur le contraste simultané descouleurs,
et
je
me servirai dulangage qu’il
aadopté quand
il a créé le cerclechromatique qui
porte son nom. Toutes les couleurs dont il seraArticle published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphystap:0187800700500
6
question
ici sontrapportées
à cecercle,
aveclequel
M. Chevreul abien voulu me
permettre
de les comparer.L’ordre que
je
suivrai dans cetexposé
est à peuprès
celui danslequel
lesquestions
se sontprésentées pendant
le cours du travail.J’étudierai,
à l’aide desdisques
rotatifs : 10 comment se modifiel’aspect
d’une matière colorantequand
on lamélange
à du noir1
pour la
rabattre,
ou à du blanc pourl’éclaircir ;
2°je comparerai
les couleurs ainsi obtenues à celles que l’on obtient avec la même matière
colorante, quand,
au lieu de lamélanger
avec des matièresincolores,
onmélange l’impression qu’elle produit
sur l’oeil avecl’impression
de la lumière blanche et du noirabsolu;
3°j’exa-
minerai ensuite
quelle
est la condition que doiventremplir
unesérie de
couleurs,
pourqu’elles paraissent équidistantes
àl’oeil,
en
prenant
pourpoint
dedépart
le cerclechromatique
de M. Che-vreul.
I. - EMPLOI DU DISQUE ROTATIF.
Je me suis servi du
disque
rotatif de trois manières différentes.PRE1BIIÈRE MANIÈRE : 1 Détern2ination des couleurs
COn?pléll2eI2-
taiî-es par
rapport à
la IUlnière blanche. - Les couleurs sontfixées sur de
petits disques
depapier fort, découpés
à l’aide d’unemporte-pièce spécial;
cespetits disques
sont fendus enpartie
selon un rayon, y en
partie
selon unecirconférence,
cequi permet
d’en engager deux l’un dans l’autre et de faire varierrapidement l’angle
relatif des secteurs,jusqu’au
momentoù,
par la rotationrapide
dupetit disque
autour de son centre, la surfaceparaisse
d’un
gris uniforme, parfaitement
incolore.. On n’arriverait à aucun résultat exact si l’on n’avait sous les yeux un
type ;
celui-ci doit être non-seulementparfaitement
inco-lore,
y mais aussi de même hauteur de ton que legris produit
par les deuxcomplémentaires.
Cette condition est réalisée par la dis-position
suivante. Dans une caisse enbois,
fermée de touscôtés,
tapissée
intérieurement de veloursnoir,
estpercé
un trou ; devantcet orifice
circulaire, qui
est d’un noir aussiparfait qu’il
est pos- sible de leréaliser, je place
un secteur blanc(papier peint
avecdu sulfate de
baryte pur)
àangle
variable. Celui-cipeut
être mis7 en rotation
rapide
à l’aide d’un axequi
traverse la caisse et aboutitnormalement au centre du trou. Il se
produit
ainsi ungris
dontje
fais varier à volonté le ton en modifiant
l’angle
du secteur blanc.Au centre du
cercle, je dispose
sur le même axe lespetits disques
fendus dont il a été
question plus haut,
colorés par les couleurscomplémentaires.
Partâtonnement,
on arriverapidement
à obtenirdeux
gris qui,
àla vue, paraissent identiques, quoique
obtenus dedeux manières si différentes. En mesurant
l’angle
des secteurs, on connaît : 10 laproportion
des deux couleursqui reproduisent
lalumière
blanche ;
2° laquantité
de lumière blanchereproduite.
Leprincipal
intérêt de ces chiffres est depermettre
de comparer entre elles toutes les couleursqui
ont même couleurcomplémentaire ,
c’est-à-dire celles
qui
résultent de la modification par la lumièreblanche,
ou par lenoir,
d’une seule et même couleurspectrale.
La suite fera ressortir l’utilité de cette
comparaison.
DEUXIÈME MANIÈRE : 1 Délel’n2iI2(lliOf2 des couleurs
qui
sot2t com-plénzentaires
parrapport
à une lzanière colorée donnée. -Quand
on met en rotationrapide
undisque
couvert de secteurs decouleurs non
complémentaires,
il en résulte une troisièmecouleur, plus
ou moins éclaircie par du blanc et rabattue par dunojr;
cettemême couleur
peut
êtrereproduite
directement par un seul secteurcoloré servant de
tvpe, auquel
onadjoint
des secteurs blancs etnoirs. C’est ainsi que le violet et
l’orangé produisent
le rouge ;l’orangé
et le vertproduisent
dujaune ;
le vert et le violet pro- duisent du bleu.J’ai utilisé ce
procédé
pour étudier larépartition
des couleursprimaires
des artistes : le roube,le jaune
et lebleu,
dans le pre- mier cerclechromatique
de M. Chevreul.TROISIÈME MANIÈRE :
}}lodification
d’iine cozclezcr donnée par la lumièreblanche,
le noiraôsohi,
ou par les deux à lafois.
- Unsecteur coloré par l’une des couleurs franches du
premier
cerclechromatique
de M. Chevreul estplacé
sur undisque qui
est soitblanc, soit noir,
soit les deux à la fois. En le mettant en rotationrapide,
sa surfaceprend
une teinteuniforme,
quej’ai
faitcopier
par un
peintre,
pour la conserver. En variantl’angle
des secteurscolorés,
blancs ounoirs,
on obtient une infinitéd’aspects, qui
constituent autant de couleurs
que j’appelle
dérivées de la couleur8
primitive.
Ces dérivées sontdéfinies
parles angles
des secteursqui
lescomposent.
Dans cette mesure, il y a trois
données,
dont deux sont nette-ment déf ni es : ce sont le blanc et le
noir;
latroisième,
la couleurfranche,
nepeut
être définie que parrapport
à untype
arbitraire.J’ai choisi les couleurs franches du cercle
chromatique
de M. Che-vreul,
telqu’il
a étéreproduit
par lachromolithographie.
Pour que ce
procédé
fût universellementapplicable,
il suffirait que des tissus teints selon les couleurstypes
des Gobelins fussent mis dans le commerce. Lelangage
des ouvragesspéciaux gagnerait
par là en
précision.
II. JB1ANIÈnE DONT SE MODIFIE L’ASPECT D’ GIeTE MATIÈRE COLORANTE, y
QUAND ON LA RABAT PAR DU NOIR OU
QU’ON
L’ÉCLAIRCIT PAR DU BLANC MATÉRIEL.J’ai
imprimé
aurouleau,
sur de l’étoffeblanche, un jaune orangé ;
la couleur
qui
a servi à leproduire
a ensuite été étendue de sonvolume d’un
épaississant incolore,
et le nouveaumélange imprimé
à son tour ; en continuant à affaiblir la couleur par l’addition de matières
incolores,
en suivant uneprogression géométrique,
et enimprimant
surétoffe, j’ai
obtenu une succession de tons de la mêmecouleur,
ce que M. Chevreulappelle
une gamme. Ce pro- cédé est celui que l’onemploie
enimpression quand
on veutéclaircir une couleur. Câ’est aussi celui que l’on
emploie
enpein-
ture à
aquarelle.
C’est le blanc de l’étoffe ou dupapier qui,
appa- raissant à travers la matière colorantetranslucide,
en affaiblit lacouleur.
J’ai déterminé ensuite la
complémentaire
de chacun de ces tons;j’avais pensé
que lacomplémentaire
du ton leplus
foncé serait aussi celle des autres tons, etqu’il n’y
aurait rien dechangé
que lerapport
dessurfaces;
mais il n’en a rien été. Voici lacomplé-
mentaire de
chaque
ton :9
L’écart est
considérable,
et l’altération s’est faite de manière que les tons clairs secomportent
comme s’ils étaientplus verdâtres,
comme si la couleur
primitive
avaitperdu
(lll rouge.Ce
phénomène
est constant : -.je
l’ai constaté pour lebleu,
pour leviolet,
le violet rouge,l’orangé
et lejaune.
Il est maxilnumpour le
jaune
et lebleu ;
il est nul pour le rouge et le vert, inter- médiaire pour les autres couleurs. Il estindépendant
de la com-position chimique
de la matière colorante ou del’épaississant
incolore
employé : qu’une
couleur soit obtenue par des matièrespulvérulentes,
commel’outremer; produite
sur unpoint
par vapo-risage,
comme les bleus aux cyanures defer;
ou parteinture,
comme
l’indigo
et les bleusd’aniline; toujours
on constatera cetteperte de rouge,
qui
sera d’autantplus grande
que la couleur auraété
plus
affaiblie. Lephénomène
est encore bienplus marqué
sil’on
emploie
des matières blanches ou des matièresnoires,
commele noir de fumée. Ce dernier cas est bien connu, et 1B1.
Chevreul, qui
lecite,
l’énonce en disant que le noir matérielagit
souventcomme du bleu. Je pense que l’effet du noir est un cas
particulier
du
phénomène général
queje
viens dedécrire,
etqu’on peut
énoncer ainsi :
Quand
on affaiblit les couleurs d’une matière colorante par des matières incolores(blanclles, grises
ounoires)
y lemélange
estnotablement
plus
vert que la matière colorantequi
lui donne sacouleur.
III . - MÀNIÈPE DONT LA COULEUR SE MODIFIE QUAND ON MÊLE LA
LUMIERE COLORÉE
QU’ELLE
ÉMET AVEC LA LUMIÈRE BLANCHE y OU AVEC LE NOIR ABSOL TI(1)ÎélangG
(lessensations).
J’ai construit la gamme du même
jaune orangé,
enm’imposant
cette condition que
chaque
ton eût mêmecomplémentaire
que la couleur laplus
foncée.L’aspect
d’unepareille
gamme,que j’ap- pellerai
vraie ouphl-siologi,7iie,
estcomplétement
inaccoutun1.é.Les tons clairs
paraissent
notablementplus rougeâtres
que le ton leplus
foncé. Voici laplace occupée
dans le cerclechromatique
de31. Chevreul
par les
tons de la gamme vraie ducinquième orangé :
I0
On
peut vOII’, d’après cela,
combien lalumière
blancheparaît rougir
une couleur ens’y
mêlant. Brücke adéjà
observél’apparence rougeâtre
des tons clairs du bleu et dujaune,
si on les mêle avecde la lumière blanche par le
procédé
Lambert. Le bleu lui a parulilas,
lejaune
d’unorangé pâle.
Il conclut de ces faits que la lu- mière blanche secomporte
comme si elle contenait un excès de rouge. « Enappelant siiifaces
blanches cellesqui
réfléchissent la lumièredu jour
sanschang ements chroIl1atiques,
nous devonsadmettre que la llanière
diffuse dujoiti,
estrougeâtre» (BRUCKE, Physiologie
denlai-betz,
p.46; Leipzig, 1876).
Je fais observer que les tons clairs d’une
couleur, qui
résultentde son
mélange
avec la lumièreblanche, qu’ils
aient été obtenuspar le
procédé Lambert,
par leprisme biréfringent
ou par ledisque rotatif,
ont toits mêmecomplélnentaire.
La
composition physique
de la lumière colorée est donc la même.Les tons clairs ne sont donc pas
plus rougeâtres,
ils leparaissent.
Nous sommes ici en
présence
d’unjugement
del’oeil, qui
n’estétabli que par
comparaison
inconsciente avec les tons clairs obtenus par lemélange
de matières colorantes et de matières inco- lores. Ces derniers sont les seuls que l’on ait connusjusqu’à pré-
sent ; mais
j’ai
démontré que ces tons clairs ontperdu
du rouge,ils ne sont
plus
les vrais dérivés de la couleurqui
a servi depoint
de
départ.
On sait que,
quand
l’0153il se fixependant quelques
instants surun
objet
coloré bienéclairé,
etqu’il
s’en détachebrusquement
pour se reposer sur une surface
incolore,
il en voitl’image
coloréeen une couleur fort différente de celle de
l’objet.
On aappelé
cettecouleur
compléinentaii-e physiologique"
pour ladistinguer
de lacomplémentaire
que fournissent les instrumentsd’optique
fondéssur la
polarisation rotatoire,
et que l’onappelle complélnentaire JJhJÎsique.
Des auteurs affirment que ces deuxcomplémentaires
sontdifférentes,
que lespremières paraissent
constammentplus
rougesque les secondes. Je n’ai pas tardé à reconnaître que c’est une erreur.
II
Que
l’onfixe,
parexemple,
le bleu( 4e
vertbleu,
y i oeton)
com-plémentaire
du 5eorangé,
l’oeil verra,après
s’êtredétaché,
unecouleur chai7-
qu’il
trouve assez bienreprésentée
par le 1 erorangé
rouge, 1 el’ ton. Se fiant à son
jugement,
on dira :Le 4e
bleu vert,i oe ton, a pour
complémentaire physique
le 5eorangé,
Se ton, etpour
complémentaire physiologique
le 1 el’orangé
rouge, y 1 el’ ton ; donc les deuxcomplémentaires
ne sont pasidentiques
entre elles.Mais
j’ai
fait voir que le 1 el’orangé
rouge, 1er ton, faitpartie
de lagamme vraie du 5e
orangé ;
lejugement
de l’oeil est influencé parune
comparaison inconsciente, qu’il
établit entre la couleurqu’il
voit et celle
qui
résulterait dumélange
des matières colorantes et des matières incolores. Il compare entre elles une couleur foncéeet une autre
qui
est éclaircie par de la lumière blanche. On levoit,
iln’y
a lieu de faire aucune différence entre les deuxespèces
decomplémentaires ;
il n’existe que lacomplémentaire physique,
àlaquelle
il fautajouter
les nombreuxdérivés,
que l’on obtient en y mêlant desquantités
variables de lumière blanche.La lumière
blanche,
en se mêlant à la lumièrecolorée, paraît
donc la
rougir
considérablement. Mais ne n’est pas là la seule mo- dificationqu’elle
faitéprouver
àl’aspect
de la couleur : il s’enproduit
encore une autrequi
n’est pas moinsintéressante,
etqui
ne manque pas de
frapper quand
on la voit pour lapremière
fois.Un
exemple
la feracomprendre.
Je couvre la surface d’un
disque
avec un secteur blanc et un sec-teur coloré en bleu par de l’outremer. En mettant en rotation
rapide,
la couleur résultante sera un lilaspassablement gris.
Pourcopier
cettecouleur, je
suisobligé d’employer
non-seulement de l’outremer et du blanc( sulfate
debaryte),
mais encore du carminde
cochenille ,
pour compenser laei-te
de rouge ; cemélange
étant encore
trop vif,
il faut yajouter
du noir pour le rabattre.L’effet de la lumière blanche est donc de ternir la couleur de la matière colorante.
Les diverses matières colorantes dont la couleur est considérée
comme franche ne subissent pas ce rabat de la méme manière.
Les tons clairs de l’outremer bleu et du carmin de cochenille pa- raissent bien
plus
ternir que ceux dujaune
et del’orange
dechrome.
L’explication
de ce faitremarquable
se trouvera très-I2
naturellement dans ce
qui
va suivre. Cequ’il
faut retenir pour le moment, c’est que la lumière émise par une matièreblanche ,
ymêlant son
impression
à celle de la matièrecolorante,
la ternittoujours, quoique,
par lemélange
des mêmesmatières,
il soit pos-sible d"obteiiii- des couleurs très-viçes.
Le noir
absolu,
aucontraire,
exerce une action toute différente : devant l’orificecirculaire, qui
ne renvoie à l’oeil aucunelumière, je place
un secteur coloré en une couleurfranche,
etje
mets enrotation
rapide,
de manière àmélanger
dans l’ceil les sensations de la couleur et du noir absolu. Tout ledisque présentera
unaspect uni,
d’une couleur tellementfoncée,
et en mêmetemps
sivive,
yqu’il
m’a étéimpossible,
dans laplupart
des cas, de lareproduire
avec des matières colorantes. Il
n’y
a que le velours teintqui
serapproche quelque
peu de cettevivacité jointe
à tantd’intensité,
et
qui permette
de se faire une idée de cesphénomènes.
Cesexpé-
riences sont certainement au nombre des
plus
belles que l’onpuisse
faire avec lesdisques
rotatifs. Elles démontrent cette pro-position, qu’il
eût étéimpossible
d’établira y°ioni : Le t2oir absolu
iZe ternit pas la
couleur,
il laf’oj2ce
eT2 lzci laissccz2t savivacité, candis
que la lumière blanche laternit,
ainsiqu’on
l’a vuplus
haut. J’avoue
qu’avant
d’avoir vu cesexpériences je croyais
lecontraire.
Si l’on met sur le
disque
rotatif à la fois des secteurs blancs etdes secteurs
colorés,
en mêmetemps qu’on
laisse des secteursnoirs
(qui
dans cesexpériences
sonttoujours représentés
par l’ori- ficenoir),
onpeut
obtenir de la même couleur une infinité dedérivées,
selon que l’on fait varier lesangles
des mêmes secteurs.parmi
toutes les combinaisonspossibles
quej’ai réalisées, je
neveux en considérer ici
qu’une seule,
y celle oùl’angle
du secteurcoloré reste constant, et où l’on ne fait pas varier les
angles
dessecteurs blancs et noirs. On obtient de cette manière des couleurs
qui
ont toutes un caractère commun : elles émettent la mêmequantité
de lumière colorée par unité desurface ;
mais leuraspect
est fort différent. Celles où le noir domine
paraissent
bienplus
colorées que celles oit la lzcmiène blccnche est en
majorité.
Cesdernzières
paraissent
littéralemejitgrises
par rapport aux pre- mières. Onretrouve
doncici,
sous une autreforme,
les propo- sitions énoncéesplus
haut : I ° Le noir seul ne ternit pas une cou-I3
leur
franche ,
y il lui conserve sa vivacité en lafonçant.
2° Lalumière blanche ternit la couleur d’une matière colorante en l’é- claircissant.
Cependant
laquantité
de lumière colorée est la même dans cesdérivés,
ainsiqu’on
le constate par la mesuredirecte,
en détermi-nant
l’angle
du secteur de leurcomplémentaire
communequi
re-produit
avec elle legris
normal. Cetangle
est pour toutes exacte- ment le même. D’où vient alors cette différenced’aspect? Pourquoi
les dérivés contenant le
plus
de noirparaissent-ils
moins ternis que les dérivés contenant leplus
deblanc,
yquand
les uns et lesautres émettent la même
quantité
de lumière colorée?L’explica-
tion est toute naturelle.
Il
s’agit
ici d’unmélange
de sensations et non d unmélange
dematières. Une lumière
colorée, quelque
vivequ’elle soit,
n’estqu’une
fraction de la lumière blanche incidente. Celle-ci
agit
doncplus
vivement sur l’oeil et affaiblit par là
l’impression
de la lumière colo- rée. Tandis que lenoir, qui
est l’absence de toutelumière,
laisserabriller la lumière
colorée, quelque petite qu’en
soit laquantité,
ydans tout son
éclat,
sans rien yajouter qui puisse
nuire à son im-pression
sur l’0153il.En réfléchissant à l’ensemble de ces
phénomènes,
on arrive àcomprendre qu’une
matière colorantepuisse paraître
douée d’unecouleur
très-franche, quoiqu’elle
contienne en réalitébeaucoup
denoir
absolu,
c’est-à-direqu’elle
absorbe en réalité unepartie
notable de la lumière blanche incidente. Cette
absorption
nedevient visible que si l’on mêle à la lumière colorée de la lumière
blanche;
c’est cequi explique pourquoi
les tons clairs que l’onobtient à l’aide du
disque
rotatif sontplus gris
que la couleurqui
a servi de
point
dedépart.
Mais ce dérivé n’est pas
plus
rabattu que la couleurqui
lui adonné
naissance;
par l’effet de la rotation dudisque
il n’a pasdisparu
de lumièrecolorée,
ainsi que le constate la lumière directe.Si, néanmoins,
il nousparaît
en êtreainsi,
c’est à la suite d’unecomparaison
inconsciente que nousétablissons,
avec la couleur que l’on obtiendrait en mêlant la matière colorante avec la matièreblanche. ’
Il est bon de faire remarquer que les
phénomènes
décrits dans cette Note ne sont nullementparticuliers
aux seulsmélanges
I4
obtenus avec les
disques
rotatifs. Toutprocédé permettant
demêler,
ou mieux de superposer deux sensationslumineuses,
donnele même résultat. Tels sont : le
stéréoscope,
leprisme biréfringent
et le
procédé Lambert, qui
consiste à superposerl’image
d’unobjet,
vu parréflexion,
à un autreobjet
vu partransparence
àtravers une
glace
sans tain. Mais ces diversprocédés
nepermettent
d’obtenirqu’un
seuldérivé,
celuiqui
résulte de lasuperposition
de surfaces
égales
blanches etcolorées,
tandis que ledisque
rotatifpermet
de faire lemélange
desimpressions
en touteproportion.
Les
applications qui
découlent des diversespropositions que j’ai
démontrées
expérimentalement
dans cequi précède sontnombreuses;
je
les décrirai ultérieurement. Pour le momentje
ne veux en dé- duirequ’une
seule conclusionpurement scientifique :
elle esL rela-tive à l’action
physique
des matières colorantes sur la lumière blanche et se résume en deuxpropositions :
La couleur d’une matière colorante varie avecl’épaisseur
souslaquelle
elle est vue;elle est d’autant
plus rapprochée
du rouge quel’épaisseur
en estplus grande
et d’autantplus rapprochée
du vert que cetteépaisseur
est
plus
faible. Toute matièrecolorante, quelque
purequ’elle soit,
éteint totalement une
partie
de la lumière blanche incidente.IV. -
ÉTUDES
SUR. LES CERCLES CHROMATIQUESDE :1B1. CHEVREUL.
’
Une des
plus
intéressantesapplications
des cerclesrotatifs,
c’estl’étude des cercles
chromatiques
de M. Chevreul. On sait que, pour établirces cercles, qui
sont actuellement le moyen leplus
rationnelde définir et de classer les
couleurs,
11. Chevreul apris
commepoint
de
départ
les trois couleurs que les artistes considèrent comteprimaires :
le rouge, lejaune
et le bleu. Les considérant commeéquidistantes
à la vue, il les aplacées
àégale
distance l’une de l’autresur une circonférence et a fait intercaler entre
chaque couple vingt-
trois
intermédiaires,
aussiéquidistants
quepossible.
L’ensemblede ces soixante-douze
couleurs,
choisies à la même hauteur de ton, constitue lepremier
cerclechromatique.
Chacune d’entre elles forme ensuite lepoint
dedépart
de toute une série d’autres cou-leurs,
résultant de sa modification par leblanc,
par lenoir,
ou par les deux à la fois.I5
L’ensemble des
dégradations
d’unecouleur,
allant d’un côtévers le
noir,
de l’autre vers leblanc, s’appelle
glll1’Une. La gammeest divisée en
vingt
tons, dont ledixième,
situé àégale
distance desextrémités, représente
la couleur franche dupremier
cercle. Entre le noir et leblanc,
M. Chevreul a intercalévingt
tons degris
par- faitementincolores ;
le dixième ton de cette gamme est àégale
distance entre le noir et le blanc et
parait
à la vue aussi foncé que les couleurs franches dupremier
cercle. Entre le dixième ton de la gamme du noir etchaque
couleur franche dupremier cercle,
yM. Chevreul a intercalé neuf couleurs
représentant
le passagegradué
de cette couleur augris
incolore. Chacune de ces neuf couleurs forme elle-même le dixième ton d’une ganlnleallant,
comme celles du
premier cercle,
du noir au blanc. Tous les caspossibles
se trouvent donc réalisés par cettecolnbinaison,
etchaque
couleur de la
nature’y
trouve saplace.
Cette construction
chromatique
a été réalisée sous la direction de AI. Chevreul par les teinturiers desGobelins,
c’est-à-dire par des hommes dont l’ocil a reçu une éducationexceptionnelle
pourjuger
des couleurs. Les cercleschr omatiques
constituent donccomme
conception
et comme exécution un doculnent de laplus grande
valeurpour l’étude
desjugements
defil,
en cequi
con-cerne
l’équidistance
soit des couleursfranches,
soit’ des tons d’unemême gamlne, soit enfin des intermédiaires entre la couleur franche et le
gris
incolore de même hauteur de ton.J’ai tenté de faire cette étude à l’aide des
disques rotatifs ;
maisj’ai
été limité dans ce travail par ce fait queje
n’avais pas le cerclechromatique original
à madisposition.
Je me suis servi de lacopie chromolithographiée qui
en a été faite par 31.Digeon,
etqui
setrouve dans le commerce. Cette
copie
ne s’étendqu’aux
dix cerclescomprenant
les couleurs franches et leur modification par le dixième ton de la gamnle du noir. Elle ne donnequ’une
seulegamme, celle du bleu. Cette
copie présente quelques
défauts queje signalerai
dans un travailplus
étendu. M. Chevreul a bien voulume
permettre
de comparer lacopie que j’en
ai faite moi-mêmeavec les
originaux déposés
aux Gobelins.3Iais, malgré
sesimper- fections, j’ai
pu établir par son étudequelques points qui
per-mettent de porter un
jugement
sur lespropriétés
de l’oeil en cequi
concerne l’évaluation des distances entre deux couleurs.I6
Répartition
des couleurs ditesprimaires
rouge,jczzci2e,
bleudans le
premier
cerclechromatique.
- Unexemple
suffira pour fairecomprendre
comment on a pu déterminer laproportion
desdeux couleurs
primaires, qui,
dans laconception
desartistes,
con-stituent ce
qu’ils appellent
une couleurcomposée.
Je supposequ’il s’agisse
de déterminer lacomposition
del’orangé, placé
par l%1. Chevreuil àégale
distance entre le rouge et lejaune.
La
complémentaire du jaune
étant lebleu, je forme
y à l’aide desecteurs
découpés
dans dupapier peint,
undisque
entièrementouvert
d’orangé
et debleu,
etje
mets en rotationrapide.
Le bleureproduira,
avec lejaune
del’orangé,
de la lumièreblanche,
et nelaissera subsister que le rouge. Il
n’y
aqu’à
déterminer par des tâtonnements lesangles
des secteursqui
forment le rouge sans nu- méro des cercleschromatiques.
La couleur résultante ne sera pasfranche;
elle sera rabattue par du noir et éclaircie par du blanc.Il est aisé de
reproduire
cette couleur avec du rouge dont oncouvre des secteurs de blanc et de noir absolu. En
disposant
cetensemble en deux cercles
concentriques,
on facilite lacomparaison
et l’on arrive
rapidement,
en faisantvarier,
partâtonnement
lesangles
des secteurs, à leur donner unaspect identique.
En mettant alors
l’appareil
au repos, on lit sur un cerclegradué
les
angles
dechaque
secteur et l’on trouve que1400 d’orangé + 2200
de bleu
reproduisent
un rouge que l’on areproduit
d’autrepart
par 2180 de rouge, 56° de blanc et 860 de noir. Par unsimple
calcul de
proportion
on trouve que cent surfacesd’orangé
émettentautant de rayons rouges que cent
cinquante-cinq
surfaces du rougequi
a servi detype.
Pour trouver laproportion
dejaune
contenuedans le même
or angé,
on détermine par uneexpérience préliminaire
la relation entre
le jaune
et le bleucomplémentaire,
y et l’on trouveque 288° de bleu neutralisent
79-"
dejaune.
Les 2200 de bleu de lapremière expérience
neutralisent donc 550 dejaune qui
sont émispar
’4o d’orangé;
en réduisant encentièmes,
on trouve que ioo’d’orangé produisentl’impression
de rouge 1 J5°+ jaune 40° == 1950.
On remarque de suite que la somme des sensations
dépasse
I oo,ce que
j’interprète
en disant quel’orangé
du cercle quej’ai copié
est
plus
vif que ne le sont le rouge etle jaune
du mêmecercle;
ilaurait donc fallu le rabattre ou bien choisir comme unité du rouge
ou
du jaune plus
vifs. Le défautque je signale
ne saurait avoirI7
d’influence sur le rapport
qui
existe entre les deux couleursprimaires qui
constituentl’orangé.
J’aiprocédé
de même pourtous les numéros
pairs
dupremier
cerclechromatique,
enrépé-
tant les
expériences
à diversesépoques
pour avoir des valeurs. moyennes.
Dans le cours de ce
travail, je
n’ai pasmanqué
de constaterqu’il
est
impossible
de classer le vert parrapport
aujaune
et au bleu.Ces deux couleurs étant
complémentaires,
lemélange
de leurs im-pressions
neproduit j amais
la sensation du vert; ce résultatn’est,
du r este, pas nouveau ; il confirme les
expériences déjà
anciennesde MM.
Plateau,
Helmholtz et Maxwell. J’ai dûprendre
commeauxiliaire une
quatrième
couleur : c’est lequatrième
vert,complé-
mentaire du
rouge, ‘de
sorteque j’ai opéré
avec deuxcouples
decouleurs
complémentaires,
le rouge et lequatrième
vert, lejaune
et le bleu. Je ne donnerai pas le résultat
numérique
desexpériences :
il suffira d’en
présenter
le résumé.J’ai
porté
sur unpapier quadrillé
les valeursobtenues,
enrepré-
sentant par des ordonnées
équidistantes
laquantité
dechaque
cou-leur
primaire
trouvée danschaque intermédiaire, après
avoir ramenéà l’unité de surface. En réunissant par une
ligne
les extrémités desordonnées,
on constatequ’elle
est à peuprès droite ;
on nepourrait
ila
remplacer
par une courbe vraisemblable. Elle oscille de côté etd’autre de la
droite,
comme le fait un sentier tracé entre deuxpoints.
L’image
du sentierqui serpente
à travers laplaine
rend assez biencompte de la manière dont l’oeil
juge 1"équidistance
des couleurs.Il ne faut pas oublier que
je
n’ai travailléqu’avec
lacopie
d’uncercle
qui
n’est lui-mêmequ’une copie
d’un cerclechromatique.
L’original
desGobelins,
d’une exécution biensupérieure,
auraitassurément donné des écarts encore moindres et le tracé se serait
rapproché davantage
d’une droite.En dehors de cette
question, j’ai
étudiél’équidistancc
à la vueentre une couleur franche et lc dixième ton de
gris
de la gamme du noir. Je n’ai puopérer
que sur le rouge, parcequ’il
est la seulecouleur
qui
ne subisse pas l’altérationque j’ai désignée plus
hautsous le nom de perte de rOll8’e,
quand
on la modifie par du noir oudu
blanc;
car ledisque
rotatif nepermet
de comparer entre elles que des couleursqui
ont mêmecomplémentaires,
parcequ’elles
seulesont une commune mesure. Ici
encore j’ai
trouvé que lali-atdroite
I8
représente
le passagegradué
de la couleur augris
de mêmehauteur,
résultat
qui
a pu être contrôlé par la voiesynthétique.
Dans ce
but, je
compose ungris qui
est à la vue de même hautteur de ton que le rouge du dixième
cercle;
il est obtennu par 32°de lumière blanche et 228° de noir absolu. J’obtiens alors le rouge du deuxième
cercle, qui
est, on lesait,
rabattu dei’-o de noir,
y encouvrant le
disque
d’un secteur de 360 degris
et de 2280 de rouge;on met en rotation
rapide
et l’on constate son identité avec le rougedu deuxième
cercle,
que l’on apeint
sur unpetit disque placé
aucentre du
premier.
Toutes les autres intermédiaires s’obtiennent demême,
en donnant aux secteursgris
et aux secteurs rouges desangles qui
sont entre eux comme les chinres 2 à8,
3à 7, 4
à6,
5 à
5,
etc.On donne à
l’expérience
une formeplus
saisissante endisposant
les différents
disques
dontje
viens deparler
en anneaux concen-triques.
En mettant en rotationrapide,
onvoit, disposés
autour dumême centre, y les différentes couleurs
marquant
pardegré
le pas- sage du rouge augris. L’équidistance
à la vue des neuf intermé- diaires est desplus
satisfaisantes et l’oeiléprouve
unplaisir
incon-testable à
regarder
cet enselnble.Cette
expérience synthétique
prouve quel’équidistance
à la vueest bien
représentée
par uneprogression arithmétique.
Cette pro-gression
ne serapporte
nullement aumélange
des matièresqui
ontservi à
produire
les deuxextrêmes,
maisuniquement
aumélange
des sensations excitées par la vue de ces mêmes extrêmes.
En
prenant
pourguide
ledisque rotatif,
il est facile d’obtenirune
dégradation régulière
d’une couleurdonnée;
mais les teintu- riers des Gobelins n’avaient pas ceguide ;
ils ont su arriver aumême
résultat, uniquement
conduits par leurgrande
habitude dejuger
les couleurs :propriété remarquable
de l’oeilexercé, qu’il
était bien intéressant de constater.
Résumé. 2013
Ainsi,
pourrésumer,
l’étude quej’ai
faite des cer-cles
chromatiques
m’apermis
de constater que ce que M. Chevreula
appelé l’équidistance
entre couleurs est bien le résultat du mé-lange
des sensationscolorées,
suivant uneprogression
arithmé-tique.
Il m’a étéimpossible
de reconnaître la relationqui
existeentre les tons d’une gamme