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1906; afiche symbolisant

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1 1906 ; affiche symbolisant la fraternisation entre proletaires russes et allemands.

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BIBLIOTHEQUE SOCIALISTE

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marxistes russes et social-démocratie allemande

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claudie weill

marxistes russes et social-démocratie allemande 1898-1904

FRANÇOIS MASPERO 1, place paul-painlevé, 5 PARIS 1977

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© Librairie François Maspero, Paris, 1976 ISBN 2-7071-0859-6

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A la mémoire de mon père

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LISTE DES ABREVIATIONS

I.I.H.S. : Institut international d'histoire sociale, Amsterdam.

Br. L.H.A. : Brandenburgisches Landeshauptarchiv : Archives princi- pales du Land de Brandebourg, Potsdam.

D.Z.A.M. : Deutsches Zentralarchiv, Merseburg (Archives centrales allemandes).

D.Z.A.P. : Deutsches Zentralarchiv, Potsdam (Archives centrales allemandes).

GOT : Gruppa osvo boždenie Truda.

LS : Leninskij Sbornik.

SDDvR : Social'demokratičeskoe dviženie v Rossii.

PTP : Protokoll über die Verhandlungen der Parteitage der SPD.

SPD : Sozialdemokratische Partei Deutschlands.

POSDR : Parti ouvrier social-démocrate de Russie.

BSI : Bureau socialiste international.

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La social-démocratie russe, en tant que parti poli- tique, a grandi sur le terrain de la littérature marxiste allemande et sous l'influence de la pra- tique politique de la social-démocratie allemande.

Th. DAN,

« Meister, Genosse und Freund »,

Karl Kautsky zum 70. Geburtstag, Die Gesell- schaft, Berlin, 1924, p. 117.

Introduction

L influence de la social-démocratie allemande dans la genèse et formation du parti social-démocrate russe est incontestable, quoique parfois contestée. Le sujet n'est pas inédit. Il constitue en quelque sorte le cadre de la majorité des ouvrages consacrés au parti russe naissant, notamment des travaux de Dietrich Geyer, qui ont servi de point de départ et de référence constante à cette thèse 1 Mais le sujet que je me propose de traiter ne constitue pas la matière même de ces études. L'accent est plus placé sur les relations idéologiques que sur leurs incidences pratiques. A cet égard, un autre ouvrage m'a permis d'entrevoir la possibilité d'une nouvelle orientation de recherche, celui de Botho Brach- mann traitant des social-démocrates russes résidant à Berlin.

S'il n'est pas exempt de certaines déformations dues au contexte dans lequel il a été publié, cet ouvrage se distingue néanmoins par le souci de présenter objectivement une abondante et précieuse documentation d'archives que j'ai pu consulter à mon tour.

1. D. GEYER, « Lenin und der deutsche Sozialismus », in Deutsch-rus- sische Beziehungen von Bismarck bis zur Gegenwart, Stuttgart, 1964; 1903-1905», «Die russische Parteispaltung im Urteil der deutschen Sozialdemokratie, International Review of Social History, 1958, n° 2, p. 195- 219 ; n° 3, p. 418-445; Lenin und die russische Sozialdemokratie. Die Arterbei bewegung im Zarenreich als Organisationsproblem der revolu- tionären Intelligenz, Böhlau Verlag, Köln-Graz, 1962, 447 p. Akademie Verlag, Berlin, 1962, 216 p. 2. Botho BRACHMANN, Russische Sozialdemokraten in Berlin, 1895-1914,

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A partir de ces deux groupes de travaux embrassant une pro- blématique différente, j'ai tenté de brosser un tableau plus syn- thétique des relations entre social-démocrates russes et allemands aux différents niveaux auxquels elles se situent. Traiter la ques- tion des relations sous toutes les facettes eût été un sujet trop vaste et trop complexe pour faire l'objet de la présente étude. Je me suis donc contentée de les illustrer à travers des épisodes caractéristiques.

« Si nous considérons le mouvement ouvrier en Russie comme une entreprise impuissante et relativement démunie qui nous est plus un boulet au pied qu'un allié digne de ce nom, la classe ouvrière en Allemagne en revanche se dresse à la tête du monde e n t i e r écrit Rosa Luxemburg en 1902, caractérisant ainsi les rapports de forces qui se reflètent dans les relations entre le SPD — puissant, structuré, opposition dont l'Allemagne wilhel- minienne doit tenir compte et qui exerce une influence considé- rable sur le socialisme international — et le Parti ouvrier social- démocrate de Russie (POSDR) — jeune parti numériquement faible, persécuté sur son territoire d'implantation, la Russie tsariste qui du point de vue du socialisme allemand et international est un pays clé. La stratégie du mouvement ouvrier international s'articule en effet, depuis Marx et Engels, autour du « bastion de la réaction » qu'est l'Empire des tsars. Aussi longtemps que le mouvement révolutionnaire y a été inexistant, le socialisme inter- national a considéré la Russie comme son principal ennemi en politique extérieure ; avec la naissance du mouvement ouvrier, une translation s'est opérée pour aboutir, chez Kautsky notam- ment, à un espoir maintes fois exprimé : c'est de Russie que doit jaillir l'impulsion, l'étincelle qui embrasera toute l'Europe et déclenchera la révolution socialiste.

Ces considérations forment la trame des relations entre les deux partis : le POSDR cherche à profiter de l'expérience et de la puissance organisationnelle et matérielle de son « riche aîné », alors que pour le SPD le soutien au mouvement russe revêt un intérêt stratégique à long terme.

A l'étranger ou plus précisément en Allemagne, les rapports entre les deux partis, rapports d'inégalité entre un parti établi,

3. Rosa LUXEMBURG, réplique au PPS, reproduit dans Internationa- lismus und Klassenkampf, Luchterhand, Neuwied, 1972, p. 162.

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internationalement reconnu et l'autre minuscule, à peine en for- mation, s'établissent à trois niveaux :

1. Les dirigeants de la première génération de marxistes, les plus prestigieux, sont liés par d'anciens rapports d'amitié datant de l'époque héroïque où le SPD était dirigé de l'étranger, par l'émigration en Suisse, où résidait également le groupe Libération du travail. P. B. Axelrod notamment était en relations très étroites avec la direction du parti allemand, avec Kautsky, Bernstein, Bebel, y compris sur le plan personnel. Plekhanov avait acquis par ses travaux et par ses interventions dans tous les grands conflits auxquels la social-démocratie avait été confrontée une notoriété, un prestige internationaux en tant que théoricien du marxisme. Au niveau de la vieille garde des dirigeants du POSDR, les rapports qu'ils entretenaient avec leurs homologues allemands se situaient donc sur deux plans indissociables : personnel et théo- rique.

2. Les jeunes « orthodoxes », la rédaction de l'Iskra, Uljanov, Potresov et Martov ainsi que leurs agents délégués auprès de la direction du SPD, c'est-à-dire principalement ceux qui résidaient à Berlin, entretenaient avec le parti frère des relations se situant surtout sur le plan politique et organisationnel.

— Organisationnel : ce furent en effet des militants de premier plan du parti allemand tels Clara Zetkin et Adolf Braun qui assistèrent Lénine et Potresov lorsqu'ils entreprirent d'installer en Allemagne les éditions de l'Iskra-Zarja. Ces échanges passaient aussi par l'intermédiaire de membres du SPD originaires de Empire russe et liés au parti russe tels Parvus puis Rosa Luxemburg.

— Politique : le Vorwärts ouvrit ses colonnes à la polémique entre la Zarja et le Rabocee Delo, organe des « économistes », tandis que la discussion sur la question agraire qui s'était dérou- lée dans les années 1890 dans la social-démocratie allemande ser- vit à Lénine de point de départ dans la définition d'une stratégie d alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie.

3. Les rapports de la social-démocratie russe avec la social- démocratie allemande se situaient également au niveau de l'acti-

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vité quotidienne. Les étudiants russes condamnés ou menacés par la police russe pour leurs activités politiques ou les étudiants juifs originaires de l'Empire, soumis à la rigueur du numerus clausus, se voyaient contraints d'émigrer pour pouvoir poursuivre leurs études ou les entreprendre. Une grande partie d'entre eux s'éta- blissaient en Allemagne où ils entraient en contact avec les social-démocrates russes ou allemands. Des groupes politiques se constituaient ainsi dans les principales villes universitaires.

Bien vite, ces groupes furent appelés à collaborer à l'entreprise du transport de l'Iskra, et c'est ainsi que se dessinèrent deux réseaux parallèles, l'un russe, l'autre allemand, liés l'un à l'autre, qui permirent d'acheminer en Russie les publications social-démocra- tes russes imprimées à l'étranger. Ce sont ces réseaux que devait dévoiler partiellement le procès de Königsberg, intenté à des social-démocrates allemands en 1904, précisément parce qu'ils avaient collaboré à ce passage clandestin.

Ces trois niveaux ne sont pas strictement cloisonnés ; ils s'in- terpénètrent selon la nature des problèmes posés, selon leurs différentes composantes.

En outre, ce schéma constitue la structure, le moule dans lequel s'établit un certain type de rapports, qu'a défini Robert Michels 4 fondé sur le rôle hégémonique de la social-démocratie allemande sur le plan international.

Même si l'on ne dispose pas pour cette période des archives officielles du SPD, on peut se rendre compte, à travers le volume et la diversité des correspondances de ses dirigeants (par exemple Kautsky) de l'étendue et de la nature des relations inter-socialistes du SPD. Elles vont de l'aide financière aux jeunes partis, dési- reux de mettre sur pied un quotidien, aux suggestions théoriques et aux conseils stratégiques qu'on attend de Liebknecht, Bebel, Kautsky. Pour la direction des divers partis social-démocrates ou pour les théoriciens socialistes du monde entier, avoir accès aux colonnes des journaux du parti, le Vorwärts, organe central, la Leipziger Volkszeitung, etc., revêt une importance capitale, alors que la revue théorique dirigée par Kautsky, la Neue Zeit, est l'organe marxiste par excellence ; en devenir le collaborateur

4. Robert MICHELS, « Die deutsche Sozialdemokratie im internationalen Verbande », Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, 1907, t. XXV.

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occasionnel revient pour les jeunes mouvements et avant tout pour les socialistes russes et polonais, à acquérir droit de cité et répu- tation dans le socialisme international, ou tout au moins dans sa frange marxiste.

L aide du SPD aux partis en voie de formation est-elle l'expres- sion de l'internationalisme prolétarien ? Ou bien, le sentiment de supériorité qui résulte de cette position prédominante dans le socialisme international débouche-t-il sur une certaine forme de paternalisme ? Il faut distinguer ici entre la façade et la cou- lisse : la solidarité internationale proclamée recouvre en fait un paternalisme humanitaire.

Ces observations préliminaires ont déterminé la structure de cette étude. Toutefois, pour rendre le texte plus lisible et assurer sa cohésion, le plan de l'ouvrage publié n'est pas identique à celui de la thèse. Ainsi, l'aspect pratique de la collaboration entre les deux partis fait l'objet d'une annexe alors que les quatre parties initiales ont été regroupées sous deux rubriques. Avant d'illustrer la nature des relations, je me suis attachée à définir le cadre dans lequel elles se sont inscrites, tout d'abord sur le plan des institu- tions (SPD, POSDR, II Internationale), puis sur celui des diri- geants, (c'est-à-dire les relations aux deux premiers niveaux définis Plus haut), et enfin sur celui des militants de base du socialisme russe en Allemagne.

Dans une seconde partie, à travers l'analyse de cinq points précis — le rôle de Plekhanov dans la querelle révisionniste, celui de Kautsky dans l'affaire de la scission du POSDR, la polémique entre l'Iskra-Zarja et le Rabočee Delo dans le Vorwärts, le débat manqué sur la terreur suscité dans le SPD par le procès de Konigs- berg et les réflexions léniniennes sur la question agraire à partir de la discussion dans le SPD —, j'ai tenté de démontrer le fonc- tionnement et les incidences idéologiques des relations, c'est-à- dire : 1. l'interaction des affinités politiques et des rapports de forces entre les deux partis. Ainsi, tout le prestige international de Plekhanov ne suffit pas à compenser la faiblesse de son parti.

Son intervention dans les affaires du parti allemand pèse par conséquent bien moins lourd que celle de Kautsky dans les affaires du parti russe ; 2. l'influence de la social-démocratie alle- mande sur la social-démocratie russe à l'issue d'un double pro- cessus : l'exemple du SPD incite les dirigeants du POSDR à

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utiliser un matériau déjà existant et qui a fait ses preuves dans leurs élaborations programmatiques et organisationnelles. En revanche, le soutien au POSDR confronte le SPD à un type de problèmes qui n'est pas issu de sa propre praxis, celui des moyens de l'action révolutionnaire soulevé par l'utilisation de la terreur en Russie. La discussion sur ce point apparaît d'ailleurs au SPD comme intempestive, et ce n'est pas sans animosité envers les Russes qu'elle se voit contrainte à ouvrir le dossier.

En définitive, l'atmosphère des rapports entre les deux partis revêt divers aspects qui vont d'une sympathie chaleureuse à une irritation réciproque, provoquée chez les Russes par l'autorita- risme du SPD, chez les Allemands par la turbulence du POSDR.

Bien qu'il exerce sur le POSDR une influence indéniable mais médiatisée, le SPD se contente dans les faits d'accomplir son devoir de solidarité internationale ; alors que pour le POSDR, entre l'exemple, le modèle ou le prétexte offerts par le parti alle- mand, c'est le prétexte qui prévaut.

Sur le plan de l'histoire des idées socialistes, la période qui s'étend de 1898 à 1904 et que je me propose d'étudier présente une certaine homogénéité : elle est limitée par la naissance du révisionnisme d'une part, et par un premier aboutissement des tentatives d'expliciter la scission intervenue dans le POSDR d'autre part. Sur le plan organisationnel, 1898 marque la nais- sance du POSDR, alors qu'à la fin de 1904 la fraction bolchevi- que décide de fonder son propre organe, par conséquent de maté- rialiser son autonomie organisationnelle.

En outre, la première phase de collaboration entre militants russes et allemands, celle de l'entreprise de l'Iskra commencée en 1900 s'achève en juillet 1904 avec le procès de Königsberg. Les liens sont devenus publics et les social-démocrates allemands se voient contraints de devancer de nouvelles attaques émanant des milieux dirigeants. Ils décident donc à la fois de faire preuve d'une plus grande prudence et d'officialiser leur soutien au mou- vement russe. C'est la fin de la « période artisanale » de collabo- ration entre social-démocrates russes et allemands.

Cette étude se limite aux contacts et rapports entre social-démo- crates russes et allemands en Occident et plus précisément sur le territoire de l'Allemagne, à l'exclusion des événements qui se produisent en Russie même. Plus qu'une description des relations entre états-majors, il s'agit ici d'une tentative de définition du

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mode de vie politique de l'émigration social-démocrate russe à l'ombre du grand parti frère. Cela exclut par conséquent l'analyse d un problème important, commun à l'Allemagne, à l'Autriche et à la Russie : celui de la Pologne et, au-delà du cas spécifique de la Pologne, de ceux qui surgissent pour la social-démocratie russe du fait du caractère multinational de l'empire des tsars.

Pour des raisons analogues, il ne sera question du Bund, du parti letton et de la SDKPiL que lorsqu'ils auront une incidence directe sur les rapports entre SPD et POSDR. Quant aux socialistes révolutionnaires, ils ne seront mentionnés qu'à propos de la confusion qui s'établit et s'installe dans l'esprit des social-démo- crates allemands lorsqu'il s'agit pour eux de tenter de différencier les nombreuses tendances du socialisme russe, et dans la mesure où leur existence même influe sur l'appréciation du POSDR par le SPD. C'est notamment le cas pour le problème de la terreur qui prendra ses vraies dimensions lors du procès de Konigsberg.

Ces limitations du sujet étaient inévitables, surtout si l'on tient compte de la nature et de l'abondance, ou des carences, des sour- ces. Elles vont des correspondances entre militants, publiées ou inédites, conservées : 1. à l'Institut international d'his- toire sociale à Amsterdam, où ma reconnaissance va à MM. Leo van Rossum, Götz Langkau, Boris Sapir ; 2. aux archives de la maison de Plekhanov à Leningrad, où je remercie M Irina Nikolaevna Kurbatova pour l'aide qu'elle m'a apportée ; 3. aux instituts de marxisme-léninisme de Moscou et Berlin, aux archives de l'Institut d'histoire du Parti à Varsovie, auxquels je n' ai malheureusement pas eu accès (devant en ce cas me contenter des sources imprimées), aux rapports de police et de chancelle- ries : ministère de l'Intérieur, chancellerie du Reich, ministère des Affaires les étrangères, administration des Länder, conservés dans les Archives centrales allemandes (où je remercie M. Botho Brachmann, qui y collaborait à l'époque, pour ses précieux conseils) à Merseburg et à Potsdam, les Archives de la province de Brandebourg à Potsdam, dans les Archives de Bavière à Munich — pour ne mentionner que les archives que j'ai consul- tées et utilisées.

Pour ces documents d'archives se sont posés les problèmes habituels de l'exploitation de ce type de sources, non pas des problèmes d'authenticité, car la documentation est connue et

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répertoriée, mais de partialité, notamment en ce qui concerne les rapports sur les socialistes émanant des milieux gouverne- mentaux. Ainsi, ils sont souvent répertoriés à la rubrique « anar- chistes », par suite d'une tentative d'assimilation qui devait faci- liter la répression, en référence d'ailleurs à l'accord sur la lutte contre les anarchistes conclu entre différents gouvernements à Rome en 1898 et à Saint-Pétersbourg en 1904 qui prévoyait les extraditions mutuelles La qualité, la valeur d'information d'un rapport dépend bien évidemment de l'agent chargé de la surveil- lance qui en est l'auteur, de son degré d'information sur la réalité et l'évolution de l'objet de son information. Ces rapports concer- nent aussi bien des personnes qui ont été soumises à une surveil- lance particulière (rapports de police), que des mouvements (minis- tère des Affaires étrangères, ambassades, etc.).

A l'autre pôle, les correspondances des militants socialistes révè- lent ce qui se passe dans les coulisses, les menus détails d'une prise de décision, et surtout les éléments subjectifs qui interviennent dans des rapports aussi complexes que ceux que les social-démo- crates russes entretiennent avec les social-démocrates allemands.

Un autre type de sources largement utilisé a été la catégorie des imprimés : périodiques des différentes tendances des socialismes allemand et russe, dont l'apport est aussi précieux par ce qu'ils révèlent que par ce qu'ils taisent. Ainsi, il est intéressant de noter quelles sont les sources d'information de l'organe central du SPD, le Vorwärts, pour les affaires russes : dépêches d'agences, « spécia- listes des affaires russes » dans le SPD, très souvent le Bund, par- fois le POSDR et plus particulièrement l'Iskra. Quant à la Neue Zeit, les débats qu'elle engage ou qu'elle refuse d'engager à propos du développement du POSDR sont assez bien connus, et on peut mesurer leur importance lorsqu'on sait la place qu'occupe cette revue dans le socialisme international.

C'est également parmi les sources imprimées, peu différentes dans leur essence des articles paraissant dans les revues théoriques que se situent les brochures émanant de militants de premier ou de second plan. Ce type de documents, pour la plupart écrits polé- miques de circonstance, intervient pour les social-démocrates

5. Cf. Dieter FRICKE, « Policejskie presledovanija socialdemokratov v Germanii v konce XIXogo veka », Novaja i Novejšaja Istorija, 1959, n° 4, p. 92-101.

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russes lorsqu'il s'agit pour eux de clarifier les motifs de la scission qui s' est produite lors du II Congrès du POSDR. Les corres- pondances permettent d'ailleurs de mieux les situer et de mieux les utiliser Là aussi, on peut recueillir à travers la coloration circonstancielle de la polémique de nombreux éléments caracté- ristiques du climat dans lequel se déroulent les débats ; c'est là Principalement que l'exemple du SPD sert d'argument qu'utilisent

les différents camps.

Les rapports des congrès des deux partis et ceux de l'Interna- tionale se rattachent également à cette catégorie de sources imprimées. Ils sont la traduction d'un certain style de travail. Ceux du SPD se présentent toujours selon le même modèle, sont Publiés peu de temps après les sessions et reflètent amplement la vie du parti. Ceux du POSDR émanent clairement d'un mouve- ment en gestation. Le premier ne comporte que les résolutions adoptées et ne reproduit nullement les débats qu'il faut reconsti- tuer à travers les témoignages des participants, alors que le second est pléthorique et désordonné, dans la mesure où, pour rattraper le temps perdu, ce congrès s'était donné pour tâche de fixer à la fois les principes théoriques, stratégiques et tactiques. Les rapports des deux congrès de l'Internationale qui siégèrent dans la période étudiée, Paris (1900) et Amsterdam (1904), ont été imprimés à une époque où l'organisme permanent de cette institution, le Bureau socialiste international, n'avait pas encore trouvé le rythme et le style de fonctionnement qu'allait lui imprégner son secrétaire suivant : Camille Huysmans. Celui de Paris (1900), sorte de règlement de compte entre les tendances rivales du socia- lisme français, ne reflète qu'imparfaitement le caractère houleux des débats. Les versions françaises et allemandes divergent, comme c'est encore le cas pour celui d'Amsterdam 7 Et pour la période étudiée, les documents du Bureau socialiste international, dont le secrétaire est alors Victor Serwy (1900-1904), n'apportent 6. On découvre ainsi dans les archives Axelrod, à l'I.I.H.S. d'Amster-

dam, la traduction en allemand de ses « feuilletons », parus dans l'Iskra n 55 et effectuée par son fils Sacha et destinée à Kautsky. Elle est reproduite dans Paul AXELROD, Die russische Revolution und die Sozia-

listische Internationale, Karl Zwing, Jena, 1932, p. 34-53.

7. Cf. Georges HAUPT, La Deuxième Internationale. Etude critique des sources. Essai bibliographique, Mouton, Paris, 1962, p. 189.

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pas de renseignements notables. Le B.S.I. ne jouera d'ailleurs qu'ultérieurement un rôle important dans les affaires russes

Enfin, une dernière catégorie de sources a pu être exploitée pour cette étude, celle des mémoires et des témoignages (dont un bref manuscrit de Buchholz aimablement mis à ma disposition par Boris Sapir). Souvent rédigés bien après les événements qu'ils décrivent, ils portent inévitablement la marque de préoccupations contemporaines à leur rédaction. C'est notamment le cas des mémoires suscités en U.R.S.S. sur la période « héroïque » de la fondation du POSDR. Le SPD dans son ensemble y est, la plupart du temps, présenté comme un parti réformiste, parlementariste et légaliste à tout prix, par opposition au POSDR naissant, révolu- tionnaire. J'ai d'ailleurs tenté, à titre d'exemple, d'effectuer une analyse comparative des documents émanant de la plume de Ljadov-Lydin-Mandelstam à différentes époques, de mettre en parallèle l'année où ils furent écrits et les thèmes qu'ils abordent.

Avant d'entrer dans le cœur du sujet, je tiens encore à remercier monsieur R. Philippot, qui a dirigé cette thèse, et monsieur Geor- ges Haupt, qui m'a conseillée tout au long de son élaboration, ainsi que le Russian Institute de l'Université de Columbia, New York, qui m'a accordé une bourse de recherche.

Paris, mars 1973.

8. Cf. Bureau socialiste international. Comptes rendus des réunions.

manifestes, circulaires, vol. I, 1900-1907, présenté par Georges Haupt, Mouton, Paris-La Haye, 1969 ; ainsi que Correspondance Lénine-Huysmans 1905-1914, présentée par Georges Haupt, Mouton, Paris, 1963, p. 166.

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1

Les institutions

I. Le SPD

« Grande puissance de l'Internationale » pour reprendre l'ex- pression de la socialiste hollandaise Henriette Roland-Holst, le SPD avait parfaitement conscience de son importance. A. Bebel, le dirigeant le plus prestigieux du SPD, également considéré comme le leader moral de l'Internationale, souligna à plusieurs reprises dans les congrès de son parti le rôle directeur qu'il esti- mait devoir lui incomber. Cette conscience se fondait sur l'essor du mouvement ouvrier en Allemagne à la fin du XIX siècle, sur la Puissance du parti unifié, électoralement puissant et sur le pres- tige de ses théoriciens.

En effet, en 1890, lorsque s'acheva en Allemagne la période des lois d'exception contre les socialistes, le SPD sortit d'une clan- destinité qui n'avait pas entamé son audience, bien au contraire, ainsi qu'en témoignent les élections au Reichstag de 1890, les pre- mières auxquelles il participe à nouveau ouvertement :

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L'un des problèmes essentiels qui se posent alors au mouvement ouvrier allemand est celui de sa place et de son rôle dans la socié- té Tenu par elle en marge, il constitue néanmoins une forme politique et sociale avec laquelle l'Allemagne wilhelminienne doit compter.

La fin du XIX siècle marque également un tournant sur le plan stratégique dans le SPD. L'espoir d'un effondrement rapide du capitalisme s'estompe, l'influence parlementaire rétablie fait naître celui d'une conquête légale et progressive du pouvoir. A la demande des dirigeants du SPD, August Bebel et Wilhelm Lieb- knecht, et à la lumière des succès électoraux de 1893, Friedrich Engels définit, principalement dans sa préface à l'édition de 1895 de La Lutte des classes en France, la nouvelle stratégie que Karl Kautsky précisera plus tard et baptisera « lutte de classe légale ».

Ainsi, ce qui pour Engels n'était qu'une stratégie circonstancielle, valable dans l'Allemagne wilhelminienne du tournant du siècle et conditionnée par la conjoncture économique spécifique à cette période, deviendra la norme pour le SPD dans son ensemble et notamment pour l'orthodoxie du SPD jusqu'à la Première Guerre mondiale

De cette stratégie parlementaire découle également la structure organisationnelle du SPD, organisation centralisée, subdivisée en groupes locaux dont la zone de recrutement et d'influence recouvre respectivement une circonscription électorale au Reichstag (Wahl-

1. Dieter FRICKE, Zur Organisation und Tätigkeit der deutschen Arbeiter- bewegung (1890-1914). Dokumente und Materialien, Leipzig, 1962.

2. Cf. Gerhard RITTER, Die Arbeiterbewegung im Wilhelminischen Reich. Die Sozialdemokratische Partei und die Freien Gewerkschaften, 1890-1900, Berlin, 1959.

3. Cf. Georges HAUPT, Programm und Wirklichkeit. Die Internationale 1914, Luchterhand, Berlin-Neuwied, 1970 ; ainsi que Hans-Josef STEIN- BERG, Sozialismus und deutsche Sozialdemokratie. Zur Ideologie der Partei vor dem I. Weltkrieg, Hanovre, 1967.

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kreis). Chacun de ces groupes locaux est dirigé par un respon- sable (Vertrauensmann, littéralement : homme de confiance). Les organisations des principales villes d'Allemagne disposent de leurs Propres organes, elles se doublent d'une multitude d'associations éducatives, culturelles, sportives, etc., qui contribuent à constituer une sorte de contre-société social-démocrate à l'intérieur même du Reich. C'est surtout ultérieurement à la période étudiée qu'appa- raîtra l'importance de l'orientation parlementaire de cette struc-

ture organisationnelle 4

Depuis sa fondation, le SPD a rassemblé des courants divers et divergents. Sans porter directement ses problèmes sur la scène internationale, jaloux qu'il était de son autonomie et de sa liberté de manœuvre, il cherchait toutefois à y imposer ses solutions, e les d'un parti uni et fort qui admettait en son sein les contra- dictions sans exclure les hétérodoxes et sans compromettre l'unité organisationnelle. C'est ce que devaient démontrer les congrès de Paris et d'Amsterdam de la II Internationale où furent pronon- cées la condamnation du révisionnisme et la nécessité de l'unifi- cation des partis français et russe sous la pression directe du SPD.

Pour le premier, la pression internationale se solda par la création en 1905 de la SFIO, alors que le dossier russe, non résolu, grossit sans cesse et demeura l'un des soucis constants du Bureau socia-

liste international jusqu'à la Première Guerre mondiale

II. Le POSDR

Au moment même où s'articulait le révisionnisme en Allema- gne, où Bernstein, l'un des plus proches collaborateurs d'Engels,

« s émancipait » après la mort du maître pour formuler sur le plan théorique les implications de la pratique réformiste qui avait tou- jours coexisté dans le SPD avec l' « orthodoxie » marxiste, se développaient en Russie deux courants divergents par rapport à ce qui fut considéré comme le marxisme authentique. L'un d'eux, l'« économisme », se fondait sur l'espoir d'une prise de conscience 4. Cf. Carl SCHORSKE, German Social-Democracy 1905-1917. The Deve- lopment of the Great Schism, Cambridge, Mass., 1955, p. 358.

5. Correspondance Lénine-Huysmans, op. cit.

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progressive du prolétariat russe de sa mission libératrice, à travers les luttes contre les capitalistes individuels, à travers la sponta- neité prolétarienne. Cette tendance fut qualifiée d'« économiste D, parce qu'elle postulait le primat de la lutte économique, au jour le jour, sur la lutte politique, et ne faisait pas du renversement de l'autocratie un préalable absolu à toute autre revendication. Ses porte-parole dans la social-démocratie russe furent les militants qui s'étaient regroupés autour du journal Rabočaja Mysl, publié partiellement à Berlin par Prokopovic et son épouse Kuskova, auteur d'un document non destiné à la publication mais qui, par- venu en Sibérie et baptisé « Credo », fut soumis à une vive critique de la part d'Uljanov et des exilés qui l'entouraient. Par assimila- tion, on qualifia également d'« économiste » un autre groupe à l'existence moins éphémère, connu aussi sous le nom de « jeunes » qui s'opposait dans l'Union des social-démocrates russes à l'étran- ger aux « vieux » du groupe Libération du travail, c'est-à-dire sur- tout à Plekhanov et s'était regroupé autour du journal Rabočee Delo et de son rédacteur en chef, Boris Kricevskij. C'est parce qu'ils croyaient possibles des améliorations à l'intérieur même du système que ceux qui sont entrés dans l'histoire sous le nom de

« marxistes légaux » s'éloignèrent des principes de l'orthodoxie social-démocrate. P. Struve entreprit de réviser le marxisme, s'attaquant au fondement même de la théorie de la valeur, alors que Bulgakov réfutait Kautsky sur le plan de l'économie agraire.

En fait, quoique semblable en apparence, ce révisionnisme était d'une tout autre nature que celui des Allemands. Si en Occident ce furent les mouvements démocratiques bourgeois qui donnèrent progressivement naissance au socialisme, en Russie le processus fut inversé. Struve, le futur théoricien du libéralisme russe, commença par être marxiste, par placer dans la classe ouvrière tous les espoirs de changement de la société russe, parce que la bourgeoisie resta longtemps léthargique, récupérée par le tsarisme ou insuffisamment puissante pour affirmer son désir d'hégémonie Lorsqu'au début du siècle, les manifestations étudiantes servirent de révélateur aux aspirations politiques de la bourgeoisie russe,

6. Pavel B. AXELROD, « Die historische Berechtigung der russischen Sozialdemokratie », Neue Zeit, 1897-1898, XVI, t. 2, p. 140-150.

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Il s'agit fondamentalement, dans cet ouvrage, de la for- mation du P.O.S.D.R. (parti ouvrier social-démocrate de Russie) et de la scission qui intervient dès 1903 — moment crucial dans l'histoire du mouvement ouvrier.

Et cela, sous un angle mal connu et pourtant essentiel : celui des rapports entre les jeunes mouvements en ges- tation et le « parti guide » de la Deuxième Internationale, la social-démocratie allemande (le S.P.D.). L'influence qu'exerçait le S.P.D. sur le plan idéologique, organisa- tionnel et programmatique, est reconnue explicitement par Lénine : « Pour la social-démocratie de Russie, un peu plus même que pour celle du reste du monde, la social-démocratie allemande était, depuis des dizaines d'années, un modèle. » Le travail de Claudie Weill, met- tant en œuvre une ample documentation, notamment des archives occidentales et soviétiques, en apporte une démonstration concrète et approfondie.

Le rôle des marxistes russes dans la crise révisionniste, les prémisses de la scission entre bolcheviks et men- cheviks constituent les deux axes de l'ouvrage.

Les personnages de ce livre sont aussi bien des militants de base que des personnalités de premier plan : Kautsky, Bebel, les Liebknecht, Bernstein, Plekhanov, Axelrod, Lénine, Martov, et les médiateurs : Rosa Luxemburg, Parvus.

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