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Les institutions

Dans le document 1906; afiche symbolisant (Page 24-28)

I. Le SPD

« Grande puissance de l'Internationale » pour reprendre l'ex- pression de la socialiste hollandaise Henriette Roland-Holst, le SPD avait parfaitement conscience de son importance. A. Bebel, le dirigeant le plus prestigieux du SPD, également considéré comme le leader moral de l'Internationale, souligna à plusieurs reprises dans les congrès de son parti le rôle directeur qu'il esti- mait devoir lui incomber. Cette conscience se fondait sur l'essor du mouvement ouvrier en Allemagne à la fin du XIX siècle, sur la Puissance du parti unifié, électoralement puissant et sur le pres- tige de ses théoriciens.

En effet, en 1890, lorsque s'acheva en Allemagne la période des lois d'exception contre les socialistes, le SPD sortit d'une clan- destinité qui n'avait pas entamé son audience, bien au contraire, ainsi qu'en témoignent les élections au Reichstag de 1890, les pre- mières auxquelles il participe à nouveau ouvertement :

L'un des problèmes essentiels qui se posent alors au mouvement ouvrier allemand est celui de sa place et de son rôle dans la socié- té Tenu par elle en marge, il constitue néanmoins une forme politique et sociale avec laquelle l'Allemagne wilhelminienne doit compter.

La fin du XIX siècle marque également un tournant sur le plan stratégique dans le SPD. L'espoir d'un effondrement rapide du capitalisme s'estompe, l'influence parlementaire rétablie fait naître celui d'une conquête légale et progressive du pouvoir. A la demande des dirigeants du SPD, August Bebel et Wilhelm Lieb- knecht, et à la lumière des succès électoraux de 1893, Friedrich Engels définit, principalement dans sa préface à l'édition de 1895 de La Lutte des classes en France, la nouvelle stratégie que Karl Kautsky précisera plus tard et baptisera « lutte de classe légale ».

Ainsi, ce qui pour Engels n'était qu'une stratégie circonstancielle, valable dans l'Allemagne wilhelminienne du tournant du siècle et conditionnée par la conjoncture économique spécifique à cette période, deviendra la norme pour le SPD dans son ensemble et notamment pour l'orthodoxie du SPD jusqu'à la Première Guerre mondiale

De cette stratégie parlementaire découle également la structure organisationnelle du SPD, organisation centralisée, subdivisée en groupes locaux dont la zone de recrutement et d'influence recouvre respectivement une circonscription électorale au Reichstag (Wahl-

1. Dieter FRICKE, Zur Organisation und Tätigkeit der deutschen Arbeiter- bewegung (1890-1914). Dokumente und Materialien, Leipzig, 1962.

2. Cf. Gerhard RITTER, Die Arbeiterbewegung im Wilhelminischen Reich. Die Sozialdemokratische Partei und die Freien Gewerkschaften, 1890-1900, Berlin, 1959.

3. Cf. Georges HAUPT, Programm und Wirklichkeit. Die Internationale 1914, Luchterhand, Berlin-Neuwied, 1970 ; ainsi que Hans-Josef STEIN- BERG, Sozialismus und deutsche Sozialdemokratie. Zur Ideologie der Partei vor dem I. Weltkrieg, Hanovre, 1967.

kreis). Chacun de ces groupes locaux est dirigé par un respon- sable (Vertrauensmann, littéralement : homme de confiance). Les organisations des principales villes d'Allemagne disposent de leurs Propres organes, elles se doublent d'une multitude d'associations éducatives, culturelles, sportives, etc., qui contribuent à constituer une sorte de contre-société social-démocrate à l'intérieur même du Reich. C'est surtout ultérieurement à la période étudiée qu'appa- raîtra l'importance de l'orientation parlementaire de cette struc-

ture organisationnelle 4

Depuis sa fondation, le SPD a rassemblé des courants divers et divergents. Sans porter directement ses problèmes sur la scène internationale, jaloux qu'il était de son autonomie et de sa liberté de manœuvre, il cherchait toutefois à y imposer ses solutions, e les d'un parti uni et fort qui admettait en son sein les contra- dictions sans exclure les hétérodoxes et sans compromettre l'unité organisationnelle. C'est ce que devaient démontrer les congrès de Paris et d'Amsterdam de la II Internationale où furent pronon- cées la condamnation du révisionnisme et la nécessité de l'unifi- cation des partis français et russe sous la pression directe du SPD.

Pour le premier, la pression internationale se solda par la création en 1905 de la SFIO, alors que le dossier russe, non résolu, grossit sans cesse et demeura l'un des soucis constants du Bureau socia-

liste international jusqu'à la Première Guerre mondiale

II. Le POSDR

Au moment même où s'articulait le révisionnisme en Allema- gne, où Bernstein, l'un des plus proches collaborateurs d'Engels,

« s émancipait » après la mort du maître pour formuler sur le plan théorique les implications de la pratique réformiste qui avait tou- jours coexisté dans le SPD avec l' « orthodoxie » marxiste, se développaient en Russie deux courants divergents par rapport à ce qui fut considéré comme le marxisme authentique. L'un d'eux, l'« économisme », se fondait sur l'espoir d'une prise de conscience 4. Cf. Carl SCHORSKE, German Social-Democracy 1905-1917. The Deve- lopment of the Great Schism, Cambridge, Mass., 1955, p. 358.

5. Correspondance Lénine-Huysmans, op. cit.

progressive du prolétariat russe de sa mission libératrice, à travers les luttes contre les capitalistes individuels, à travers la sponta- neité prolétarienne. Cette tendance fut qualifiée d'« économiste D, parce qu'elle postulait le primat de la lutte économique, au jour le jour, sur la lutte politique, et ne faisait pas du renversement de l'autocratie un préalable absolu à toute autre revendication. Ses porte-parole dans la social-démocratie russe furent les militants qui s'étaient regroupés autour du journal Rabočaja Mysl, publié partiellement à Berlin par Prokopovic et son épouse Kuskova, auteur d'un document non destiné à la publication mais qui, par- venu en Sibérie et baptisé « Credo », fut soumis à une vive critique de la part d'Uljanov et des exilés qui l'entouraient. Par assimila- tion, on qualifia également d'« économiste » un autre groupe à l'existence moins éphémère, connu aussi sous le nom de « jeunes » qui s'opposait dans l'Union des social-démocrates russes à l'étran- ger aux « vieux » du groupe Libération du travail, c'est-à-dire sur- tout à Plekhanov et s'était regroupé autour du journal Rabočee Delo et de son rédacteur en chef, Boris Kricevskij. C'est parce qu'ils croyaient possibles des améliorations à l'intérieur même du système que ceux qui sont entrés dans l'histoire sous le nom de

« marxistes légaux » s'éloignèrent des principes de l'orthodoxie social-démocrate. P. Struve entreprit de réviser le marxisme, s'attaquant au fondement même de la théorie de la valeur, alors que Bulgakov réfutait Kautsky sur le plan de l'économie agraire.

En fait, quoique semblable en apparence, ce révisionnisme était d'une tout autre nature que celui des Allemands. Si en Occident ce furent les mouvements démocratiques bourgeois qui donnèrent progressivement naissance au socialisme, en Russie le processus fut inversé. Struve, le futur théoricien du libéralisme russe, commença par être marxiste, par placer dans la classe ouvrière tous les espoirs de changement de la société russe, parce que la bourgeoisie resta longtemps léthargique, récupérée par le tsarisme ou insuffisamment puissante pour affirmer son désir d'hégémonie Lorsqu'au début du siècle, les manifestations étudiantes servirent de révélateur aux aspirations politiques de la bourgeoisie russe,

6. Pavel B. AXELROD, « Die historische Berechtigung der russischen Sozialdemokratie », Neue Zeit, 1897-1898, XVI, t. 2, p. 140-150.

Il s'agit fondamentalement, dans cet ouvrage, de la for- mation du P.O.S.D.R. (parti ouvrier social-démocrate de Russie) et de la scission qui intervient dès 1903 — moment crucial dans l'histoire du mouvement ouvrier.

Et cela, sous un angle mal connu et pourtant essentiel :

Dans le document 1906; afiche symbolisant (Page 24-28)

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