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Traditions céramiques et ethnies dans le delta intérieur du Niger (Mali): approche ethnoarchéologique

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Traditions céramiques et ethnies dans le delta intérieur du Niger (Mali): approche ethnoarchéologique

GALLAY, Alain

Abstract

Le Delta intérieur du Niger au Mali possède encore actuellement de très riches traditions céramiques caractéristiques des diverses ethnies occupant cette zone. La mission ethnoarchéologique suisse en Afrique de l'Ouest (MESAO) poursuit depuis trois ans dans cette région des recherches extensives sur ce type de production. Cet article constitue une première réflexion sur les fondements ethniques de ces traditions. Comme exemple de démarche ethnoarchéologique la règle suivante est analysée: «Si l'on trouve dans une concession des instruments de potière, on peut admettre que la plus grande partie des poteries découvertes dans cette concession constitue une tradition homogène sur le plan ethnique.» Cette règle est applicable dans une situation où: Hl, il existe des ethnies distinctes partageant un espace géographique commun; H2, la production est une activité spécialisée;

H3, il existe des traditions distinctes dans les techniques de fabrication; H4, la production céramique couvre l'ensemble des besoins requérant l'usage de poteries; H5, nous sommes en présence d'une économie à marchés [...]

GALLAY, Alain. Traditions céramiques et ethnies dans le delta intérieur du Niger (Mali):

approche ethnoarchéologique. Bulletin du Centre genevois d'anthropologie , 1992, vol. 3, p. 23-46

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:99881

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(2)

TRADITIONS CÉRAMIQUES ET ETHNIES DANS LE DELTA INTERIEUR DU NIGER (MALI)

APPROCHE ETHNOARCHÉOLOGIQUE Alain GALLA Y PAR

RÉSUMÉ

Le Delta intérieur du Niger au Mali possède encore actuellement de très riches traditions céramiques caractéristiques des diverses ethnies occupant cette zone. La mission ethnoarchéologique suisse en Afrique de l'Ouest (MESAO) poursuit depuis trois ans dans cette région des recherches extensives sur ce type de production. Cet article constitue une première réflexion sur les fondements ethniques de ces traditions.

Comme exemple de démarche ethnoarchéologique la règle suivante est analysée:

«Si l'on trouve dans une concession des instruments de potière, on peut admettre que la plus grande partie des poteries découvertes dans cette concession cons­

titue une tradition homogène sur le plan ethnique.»

Cette règle est applicable dans une situation où:

Hl. il existe des ethnies distinctes partageant un espace géographique commun,

H2. la production est une activité spécialisée, H3. il existe des traditions distinctes dans les techni­

ques de fabrication,

H4. la production céramique couvre l'ensemble des besoins requérant l'usage de poteries,

H5. nous sommes en présence d'une économie à marchés périphériques,

H6. les modalités de diffusion et d'achat des cérami­

ques induisent des mélanges de poteries de traditions distinctes.

La régularité proposée implique que l'on puisse démontrer sur le plan de la relation vestiges-interpré­

tation les propositions suivantes:

Pl. les poteries des concessions de potières sont le reflet de la production propre,

P2. les poteries de traditions étrangères y sont en nombre restreint,

Bulletin du Centre Genevois d'Anthropologie, 3, 1991-92.

P3. il est possible d'identifier un habitat de potière, P4. il est possible d'identifier un habitat permanent, auxquelles il est nécessaire d'ajouter deux proposi­

tions de façon à limiter les erreurs dues à la présence de quelques poteries de traditions étrangères (P2):

P5. les outils des potières sont le reflet des diverses traditions,

P6. il est possible d'établir un lien entre type d'outils et particularités technologiques et formelles des céra­

miques.

Cette démonstration s'inspire dans sa présentation des recommandations du logicisme énoncées par Jean-Claude Gardin.

SUMMARY

The Inland Niger Delta in Mali still owns nowadays very rich ceramic traditions, typical of the different ethnie groups living in this religion.

The Swiss ethnoarchaeological mission in West Africa (MESAO) has been carrying out extensive researches into this type of manufacture in this region for the last past three years.

This article is a first reflection on the ethnical foundation of these traditions. As an example of an ethno-archaeological process, the following rule will be analysed:

«If potters' instruments are found in a compound, it can be admitted that most potteries found in this compound constitute a homogeneous tradition on an ethnical level ».

This rule can be applied in a situation where:

Hl. Different ethnical groups share a common geo­

graphical space

H2. Production is a specialised activity

(3)

=;

24 A. GALLAY

H3. There are different traditions in the manufac­

turing techniques

H4. Ceramic production covers the total needs for pottery use

H5. We are in an economical system with peripheral markets

H6. The modes of distribution and purchase of cera­

mics induce a mixing of potteries from different tradi­

tions.

The suggested regularity implies lhat the following propositions can be demonstrated in terms of the relation artefacts interpretation:

Pl. The potteries of the potters' compounds are the reflection of its own production

P2. Potteries from foreign traditions are restricted in number

P3. lt is possible to identify a potter's dwelling-place P4. It is possible to identify a permanent dwelling­

place.

ZUSAMMENFASSUNG

Das Binnennigerdelta in Mali besitzt noch heute sehr reiche Keramiktraditionen, die die verschiedenen Ethnien, die diese Zone besiedeln, kennzeichnen.

Die Schweizer ethnoarchaologische Mission in West­

afrika (MESAO) verfolgt seit drei Jahren ausgedehnte Forschungen zu diesem Typ von Produktion.

In diesem Zusammenhang stellt dieser Artikel eine erste Betrachtung zu den ethnischen Grundlagen die­

ser Traditionen dar.

Als Beispiel der ethnoarchaologischcn Vorgehens­

weise soli folgende Grundregel analysiert werden:

«Findet man in einem Wohnkomplex Tôpferwerk­

zeuge, so kann man davon ausgehen, dass der grôsste Teil der in diesem Wohnkomplex gefundenen Tange­

fasse eine einheitliche Tradition auf ethnischer Ebene aufweist.»

Diese Grundregel ist anwendbar in folgenden hypo­

thetischen Situationen:

Hl. Es existieren unterschiedliche Ethnien, die einen gemeinsamen geographischen Raurn teilen.

H2. Die Herstellung ist ein spezialisiertes Handwerk.

H3. Es sind unterschiedliche Traditionen in Bezug auf die Herstellungstechniken vorhanden.

H4. Die Keramikproduktion deckt die Bedürfnisse, die den Gebrauch von Tongefassen voraussetzen.

H5. Wir haben es mit einer Wirtschaft mit peripheren Markten zu tun.

H6. Die Modalitaten der Diffusion und des Verkaufs

der Tongefàsse bedingen eine Vermischung der ver­

schiedenen Traditionen.

Die vorgeschlagene Regelmassigkeit setzt voraus, dass man auf der Ebene Fundgegenstand - Interpre­

tation folgende Proposition anschliessen kann:

Pl. Die Tongefàsse der Tôpferkonzessionen spiegeln eine eigene Produktion wieder.

P2. Die Tôpferware aus fremder Tradition ist nur in beschranktem Umfang vorhanden.

P3. Es ist môglich, das Wohnhaus eines Tôpîers zu identifizieren.

P4. Es ist môglich, eine Dauersiedlung zu identifizie­

ren.

Es ist notwendig, zwei Propositionen hinzuzufügen, um irrtümliche Interpretationen im Zusammenhang mit Tôpferware aus fremden Traditionen (P2) auszu­

schliessen:

P5. Die Tôpferwerkzeuge spiegeln die verschiedenen Traditionen wieder.

P6. Es ist môglich, Verbindungen zwischen den Werkzeugtypen und den sowohl technologischen ais auch formellen Einzelheiten der Tongefii.sse herzustel­

len.

Diese Darlegung orientiert sich in ihrer Darstellungs­

weise an den von Jean Claude Gardin aufgestellten Richtlinien des «logicisme».

Le Delta intérieur du Niger au Mali possède encore actuellement de très riches traditions céramiques caractéristiques des diverses ethnies occupant cette zone. La Mission Ethnoarchéologique Suisse en Afrique de l'Ouest (MESAO) poursuit depuis trois ans dans cette région des recherches extensives sur cei aspect de la culture matérielle des populations sahé­

liennes. Ce travail se développe selon deux axes complémentaires.

- Perspective ethnoarchéologique

Sur le plan synchronique actuel nous étudions les relations existant entre les divers styles céramiques du Delta et les ethnies occupant cette zone ainsi que les mécanismes économiques et sociaux responsables de la diffusion de ces styles dans la zone du Delta.

- erspectives ethnohistorique et archéologique Sur le plan diachronique nous cherchons à préciser l'évolution récente des styles céramiques rencontrés en remontant du Présent vers le Passé. Cette démarche est associée à des fouilles archéologiques sur des sites du 19e siècle, notamment dans la ville d'Hamdallahi (1820-1864), où nous avons déjà effectué trois cam­

pagnes de fouilles (Gallay et alii 1990 et uuuvt:lle dans le présent volume).

(4)

TRADITIONS CÉRAMIQUES ET ETHNIES (MALI) 25 Cet article constitue une première réflexion sur les

fondements ethniques des traditions rencontrées. Nous avons réuni ailleurs (Gallay 1986-2, Gallay et Huyse­

com 1989 et 1991) toutes les informations utiles à la compréhension des problèmes soulevés par l'étude ethnoarchéologique de la céramique en Afrique de l'Ouest. On trouvera également dans l'excellent petit livre de Jean Gallais (1984), Hommes du Sahel, une bonne introduction à la géographie humaine du Delta.

Ce travail fait partie intégrante des réflexions théoriques que nous poursuivons sur l'épistémologie de l'ethno­

archéologie (Gallay 1986-1 et 1991) et s'inspire dans sa présentation des recommandations du logicisme (Gardin 1979, Gallay 1986-1 et 1989, Gardin et alii 1987 et 1988).

1. Objectifs

Compte tenu de nos observations de terrain nous avançons ici qu'il existe des relations (complexes) entre les divers traditions céramiques du Delta intérieur et les ethnies occupant cette zone. Nous nous attache­

rons à présenter ces relations sur le plan ethnographique et nous examinerons, sur le plan ethnoarchéologique, dans quelle mesure ces dernières pourraient être iden­

tifiées dans un contexte archéologique théoriquement restitué.

Formellement parlant, la démonstration comprend deux types de propositions:

1. Les premières sont des références explicites au contexte socio-économique et historique dans lequel se situe l'analyse. A ce niveau, les faits sont donnés comme des hypothèses de base dont on ne discute pas ici les modalités d'approche ethnoarchéologique.

2. Les secondes sont fondées sur les matériaux récol­

tés lors de nos missions et sont formulées dans une perspective ethnoarchéologique dans le sens vestiges archéologiques-interprétation.

Nous formulerons ainsi notre propos:

Contexte ethnographique:

Dans une économie à marchés périphériques (HI) qui englobe plusieurs ethnies distinctes ( H2), possédant leurs propres traditions céramiques ( H3), procédant d'une activité de production spécialisée ( H4) et cou­

vrant l'ensemble des besoins domestiques en poteries ( H5), mais où les modalités d'acquisition induisent des mélanges de traditions au niveau de la consommation (H6),

Proposition:

il est possible d'identifier ces traditions ( P7) à partir des vestiges archéologiques ( POi, P02, P03) dégagés lors des fouilles dans les concessions habitées par les potières (Pl): outils (POi, P2, P3) et céramiques ( P02, P4, P5), si la potière travaille dans un établisse­

ment permanent ( P03, P6).

Cette règle est le développement de l'hypothèse H l 9 que nous présentions dans le rapport de nos deux premières missions (Gallay et Huysecom 1991) et que nous formulions alors comme suit:

Si l'on trouve dans une concession des instruments de potière, on peut admettre que la plus grande partie des poteries provenant de la concession constitue une tradi­

tion homogène.

2. Contexte ethnographique

Situer le contexte ethnographique de notre recherche nécessiterait de longs développements qui ne peuvent avoir leur place ici. Nous devons donc nous contenter de références succinctes renvoyant aux principaux travaux qui ont traité de la question. Six propositions pourraient en effet faire l'objet de discussions appro­

fondies:

Hl. Nous sommes en présence d'une économie à marchés périphériques

L'organisation économique des sociétés ouest-africai­

nes a fait l'objet de nombreux travaux tant historiques qu'ethnologiques. Les aspects historiques sont traités chez Mauny (1961), Tymowski (1967), Malowist (1970), Perinbam (1972), Devisse (1972). D'autres travaux tels que Bohannan et Dalton (1962), Meillas­

soux (1964 et 1971), Dobosiecwicz (1971), Museur (1977) se situent dans une perspective plus ethnogra­

phique. Notre propos retiendra essentiellement les distinctions proposées par Bohannan et Dalton (1962) dans leur introduction à l'ouvrage collectif Markets in Africa. A l'économie d'autosubsistance fonctionnant sur le mode de l'échange et de la redistribution se superposent des échanges marchands qui pouvaient utiliser traditionnellement plusieurs types de mon­

naies de commodité, cauris, lingots de fer, pagnes, etc., mais qui fonctionnent actuellement avec une monnaie d'Etat (les CF A). Ces échanges marchands prennent deux formes institutionnellement séparées:

1. le marché où l'on vend une partie de sa propre

(5)

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26 A. GALLAY

production et qui fait partie intégrante de l'économie de subsistance,

2. le commerce où des négociants achètent pour revendre.

Cette distinction laisse de côté la question du commerce étatique, traditionnel (tel que celui de l'or ou de sel) ou moderne, également présent.

Dans une économie à marchés périphériques, les marchés locaux et régionaux ne constituent pas la source d'approvisionnement principale, notamment au niveau des biens vivriers (mil, riz, etc.) et les participants peuvent échanger ou vendre dans d'au­

tres conditions.

La diffusion de la poterie s'intègre dans la première des formes marchandes dans la mesure où les potières vendent directement leur production au consomma­

teur (ou l'échange avec lui) sur les marchés, ou dans les villages, sans passer par des négociants intermé­

diaires.

H2. Il existe des ethnies distinctes

Nous n'entrerons pas ici en détail dans la question de savoir si l'Afrique a connu ou connaît encore actuellement des réalités ethniques. On sait que l'ethno­

logie contemporaine, à travers notamment les livres édités par Amselle et M'Bokolo (1985) et Chrétien et Prunier (1989), remet radicalement en cause la perti­

nence de ce concept pour désigner certains aspects de la réalité sociale. La critique porte essentiellement sur trois points développés notamment dans les contribu­

tions d'Amselle (1985) et de Bazin (1985):

- Le concept d'ethnie tend à figer îa réaîité sociaîe et à négliger les processus historiques et la malléabilité des appartenances sociales.

- Les réseaux de relations liant les communautés entre elles au sein des Etats sont plus importantes pour comprendre le fonctionnement des sociétés.

- Les dénominations ethniques utilisées appartiennent à des cadres classificatoires imposés de l'extérieur par le voyageur européen, l'administrateur colonial ou l'ethnologue; elles rendent avant tout compte des propres subjectivités de ces derniers.

Sans nier la pertinence de ces remarques parfaite­

ment judicieuses nous adopterons ici un point de vue quelque peu différent, que d'aucuns pourraient juger de «réactionnaire», mais qui se trouve fondé sur une simple perception empirique des données de terrains.

L'appartenance «ethnique» est une réalité présente dans la conscience des gens que nous avons rencontrés;

elle structure effectivement les relations économiques et sociales dans la vie de tous les jours et peut être à l'origine de conflits parfois violents dont on ne peut

nier la réalité. Cette notion idéologique est parfaite­

ment comprise par les gens, même si les termes pré­

sents dans les langues locales - siya en Bambara - pour désigner ce type de réalité semblent recouvrir des composantes quelque peu différentes de ce que l'ethnologue pourrait placer sous le terme français d'ethnie. Les partitions opérées, qui impliquent sou­

vent des notions plus ou moins vagues d'apparente­

ment, rejètent en effet hors du cadre classificatoire les gens de caste et de basses conditions comme les anciens esclaves dans un système où l'on ne distingue pas ce qui est «ethnique» et ce qui est «social».

Nous pouvons donc retenir en première approxi­

mation le terme «ethnie» (à défaut d'un terme moins chargé des préjugés de l'observateur) comme une réalité idéologique indigène, quelle que soit la genèse de cette situation, et du moins dans la région où nous avons travaillé. Cette position ne doit pourtant pas nous faire oublier la complexité du phénomène dans la mesure où les unités retenues se référent simultané­

ment à des réalités que l'ethnologue pourrait juger hétérogènes: langue, appartenance clanique, histoire commune, spécialisation technique et/ou économique, appartenance religieuse (pratique ostentatoire ou non de l'Islam, animisme). On insistera notamment à ce niveau sur l'importance accordée, dans Je Delta, aux spécialisations économiques et professionnelles (Gardi 1989, N'Diaye 1970-1). Les forgerons des Bambara seront appelés Numu, ils ne seront jamais considérés comme des Bamana, etc.

Ces remarques montrent que Je découpage présenté (fig. 1 et 2) ne peut être qu'une première approxima­

tion de la complexité ethnique du Delta. Pour le présent propos, il nous suffi.ra de distinguer ici (cf.

N'Diaye 1970-2):

Les Peul, éleveurs de bovidés dont les parcours de transhumance ont été fixé au début du 19e siècle par Cheikou Amadou.

Les Bambara, agriculteurs céréaliers, liés aux cultures du mil dans les zones sableuses hautes situées à l'abri des inondations. Nous opposerons ici les Bambara du sud OfC_!!pant la M�§opotamfe �ani-Nige_!: d�� Bam­

bara du nord émigrés dans le Gimbala.

Les Bwa ( ou Bobo Oule) d'origine voltaïque, égale­

ment agriculteurs, pratiquant la culture du mil.

Les Bozo, pêcheurs et riziculteurs très directement liés au Delta dont ils sont, selon la tradition, les premiers occupants.

Les Somono, parlant Bozo, également pêcheurs.

Les Songhaï, pécheurs et riziculteurs concentrés dans les zones fluviales de la partie aval du Delta, Gimbala et Niger en aval de Tombouctou.

Ces diverses ethnies coexistent largement dans un

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Fig. 2. LoeaJisa1ioo des diverses ethnies occupant le Delta intérieur du Niger et ses marges, Peul exceptés. Carte établie d'après Brasseur et Le Moal 1963, ballais 1967, N'Diaye 1970 et nos propres informations.

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TRADITIONS CÉRAMIQUES ET ETHNIES (MALI) 29

�ême �pace à l'intérieur duquel elles sont liées à des mches ecologiques propres. Plus les milieux naturels d'une région sont diversifiés (comme par exemple dans le Gimbala), plus la mosaïque ethnique est fine, et plus dense est le peuplement (Gallais 1967 et 1984).

H3. Il existe des traditions céramiques au niveau de la production

A quelques exceptions près, dont les Bozo, toutes les ethnies du Delta intérieur du Niger possèdent leurs propres traditions céramiques (fig. 3 à 6). Ces traditions se différencient au niveau des chaînes opé­

ratoires de fabrication alors que les différences dans l'esthétique des produits finis apparaissent plus subti­

les. Les variations reconnues s'inscrivent sur un fond technique commun caractérisé par l'absence de four à chambre de combustion séparée, le recours plus ou moins important au montage au colombin et la cuis­

son au contact direct du combustible dans des tas construits en plein air ou dans des enceintes confinées à ciel ouvert («fours» circulaires). Les distinctions entre traditions sont donc basées sur les séquences de montage des céramiques (entre parenthèses terme codé désignant les instruments utilisés).

Ces séquences se regroupent en quatre grandes catégories:

1. Le pilonnage en forme concave (façonnage au percuteur d'argile sur moule de bois par ex.).

2. Le moulage sur forme convexe (façonnage sur poterie retournée par ex.).

3. Le moulage sur forme concave (façonnage dans un moule plat reposant sur une tournette par ex.).

4. Le creusage d'une motte (façonnage à la main sur planche ou moule par ex.).

- Tradition Peul maabuuBé ( Sindégué, Gimbala, Kakagna) et bayluuBé ( Kakagna)

Fond et panse façonnés au percuteur d'argile (Parg) sur moule de bois (Mboi) ou sur dépression creusée dans le sol et recouverte d'une natte.

Col façonné au colombin sur les mêmes supports, exceptionnellement sur tournette (Tfac).

- Tradition Peul lawBé ( Babi)

Fond et panse façonnés au percuteur d'argile (Parg) sur dépression recouverte d'une natte.

Col façonné au colombin sur le même support.

- Tradition Bambara du Nord ( Déramané, Korienzé, Gimbala)

Fond et panse (Technique 1) façonnés au percuteur d'argile (Parg) sur moule de bois (Mboi).

Fond et panse (Technique 2) façonnés sur poterie

retournée (sur le sol ou sur tournette), ou sur moule ogival retourné (Mog) sur tournette. Tournette repo­

sant sur un lit de feuilles de ronier.

Col façonné sur tournette reposant sur un lit de feuilles de ronier.

-Tradition Bambara du Sud ( Koniégué)

Fond façonné sur poterie retournée posée sur le sol et décoré d'impressions roulées de tresse.

Panse et col façonnés au colombin sur grand tesson de poterie faisant office de tournette (Ttes).

- Tradition Bobo (Fià, Kià, Lakui)

Fond façonné à la main sur une planche (Pl) ou sur une meule (MEUL).

Panse et col montés au colombin la poterie reposant sur une petite coupelle de bois (Coboi) pouvant pivo­

ter sur la planche ou sur la meule.

Fond repris par raclage et orné d'impressions de tresse roulée.

- Tradition Somono du Nord ( Bango, Kakagna) Fond (Technique 1) façonné au percuteur d'argile (Parg) sur un moule d'argile crue (MAsec).

Fond (Technique 2) façonné à la main dans un moule plat (MAcui) reposant sur une tournette dont la rotation rapide est assurée par une base huilée (cuvette remplie d'argile compactée (CUpl ou dépres­

sion dans le sol comblée de la même argile).

Panse et col montés au colombin sur tournette, la poterie reposant ou non sur le moule ayant permis de façonner le fond.

- Tradition Somono du Sud ( Sahona)

Tradition comparable à celle des Somono du nord, mais absence d'utilisation du percuteur (Parg) et du moule d'argile crue (MAsec) et importance des décors impressionnés au peigne de bois (PEIGboi) et au poinçon (POINC).

-Tradition Songhaï (Korienzé, Gimbala, notam­

ment Kirchamba)

Fond et panse façonnés au percuteur d'argile (Parg) sur moule de bois (Mboi) ou sur dépression creusée dans le sol et recouverte d'une natte.

Col monté au colombin sur dépression recouverte d'une natte ou sur tournette reposant sur un lit de feuilles de ronier.

Cette énumération permet de se rendre compte de l'originalité de chaque tradition qui n'exclut pas cer­

tains recouvrements. A ce titre les composantes tech­

niques de la partie méridionale du Delta (Somono du Sud, Bambara, Bobo) forment des ensembles mieux séparés que celles de la zone nord, région du Debo et Gimbala, où l'on observe de nombreuses interféren­

ces entre les traditions songhaï, peul et bambara du Nord.

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30 A. GALLAY

Fig. 3. Potière peul travaillant sur moule de bois (Mboi). A. Kassé-Kassé, Kakagna-Peul (Dialoubé, Mopti).

I-!4. La production de la

spécialisée est activité

Le concept de spécialisation artisanale représente l'un des principaux critère utilisé en archéologie pour décrire tant la complexité des sociétés que les proces­

sus d'urbanisation, mais la définition de ce concept reste complexe. Nous pouvons retenir comme définition minimale la formulation de Roux (Roux et Pellegrin 1989, Roux et Corbetta 1990): la spécialisation tech­

niqu_e est la p_,-Q!i.uct_jo!I . e:fclusive_ pgr__un _SQus-groupe d'individus d'objets consommés par la communauté vil­

lageoise ou régionale. Des variables supplémentaires peuvent par contre intervenir dans la mesure où cette production est, où n'est pas, à l'origine de revenus économiques distincts. Il convient également de préci­

ser si le spécialiste tire la totalité de ses moyens d'existence de son activité (spécialisation au sens strict), ou s'il participe égaiement aux activités de production des biens vivriers, notamment au niveau de l'agriculture (spécialité selon Meillassoux 1964).

Dans le cas des sûciétés de castes du fv1a1i (Cissuko 1969, Diop 1985, Meillassoux 1975) la poterie est une activité spécialisée féminine propre à certaines castes (mis à part quelques cas exceptionnels, cf. Gallay et Sauvain-Dugerdil 1981). Tout en restant engagées dans les activités de la production vivrière (les potières ne pratiquent pas la céramique tant que les récoltes ne sont pas rentrées), les potières tirent des revenus substanciels de leur activité artisanale. Nous sommes donc en présence de ce que l'on peut appeler une spéctalîsation tecmro-économique. -oans 1a--démon�

stration qui nous occupe ici le concept de spécialisa­

tion ne concernera que la définition minimale du terme.

Dans le Delta et les régions voisines les potières appartiennent aux groupes suivants:

Peul: caste des tisserands (MaabuuBé), des boisseliers (LawBé), des forgerons (WayluBé) et parfois des cor­

donniers (SakkeeBé).

Bambara: caste des forgerons (Numu)

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TRADITIONS CÉRAMIQUES ET ETHNIES (MALI) 3 1

Fig. 4. Potière bambara travaillant sur tournette (Tfac-(B)) selon la technique propre au nord du Delta. F. Konaré-Konaré, Déramané (Sindégué, Mopti).

Bobo: caste des forgerons (Kugukaigu)

Bozo et Somono: caste des forgerons des Somono (Numu)

Somono devenus forgerons (Somono-Numu), et So­

mono (Somono)

Songhaï: caste des forgerons.

H5. La production de chaque caste couvre l'ensemble des besoins domestiques en céramique

D'une manière générale la production de chaque caste couvre l'ensemble des fonctions domestiques remplies par la céramique dans les cultures de l'Afrique de l'Ouest. On peut y distinguer trois grands groupes (Gallay 1986-2):

1. Poteries en relation avec l'utilisation de l'eau.

Fonction remplies: aller chercher l'eau au fleuve ou

Fig. 5. Potière bobo travaillant avec coupelle de bois (Coboi) sur meule (MEUL). B. Keita-Kamaté, Kio (Mandiakui, Tominian).

au puit, stocker l'eau pour les besoins généraux (jar­

res pouvant également servir pour d'autres types de stockage, céréales, poisson sec, etc.), stocker l'eau pour boire (gargoulettes), faire ses ablutions, abreu­

ver les animaux.

2. Poteries en relation avec la cuisson des repas.

Fonctions remplies: préparer les céréales, cuire les sauces.

3. Poteries d'usages spécialisés.

Fonctions immobilières (gouttières) ou mobilières (tabourets, pieds de lit), fabrication et conservation de la bière de mil (en milieu animiste), jeux pour les enfants, etc.

Des différences secondaires se remarquent pourtant au niveau de formes spécialisées, la poterie somono présentant incontestablement une plus grande richesse

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32 A. GALLAY

Fig. 6. Potière somono travaillant sur tournette (Tfac) reposant sur une cuvette remplie d'argile compactée à surface huilée. Tradition somono du nord. A. Samasécu-Nientao, Bango (Bango, Youvarou).

formelle et fonctionnelle. La production des éleveurs peul constitue par contre une exception remarquable à cette règle dans la mesure où l'éventail formel reste beaucoup plus limité. La poterie peul couvre en effet les besoins élémentaires, mais ne comporte pratique­

ment aucune forme spécialisée: tabourets, lave pieds, pieds de lit, gouttières, etc.).

H6. Les modalités d'acquisition induisent des mélanges de traditions au niveau de la consommation domestique.

Les potières assurent elles-mêmes la diffusion de leur production, par vente directe auprès du consom­

mateur, ou en se rendant sur les marchés hebdoma­

daires qui se tiennent dans certains villages. Le trans-

port en pirogue pratiqué par les potières somono et songhaï, et dans une moindre mesure par les potières peul, assure une très large diffusion à certaines pro­

ductions. On peut donc trouver sur certains marchés des potières d'ethnies différentes offrant leurs produc­

tions à l'acheteur. Les choix de ces derniers ne répon­

dent pourtant jamais à des critères ethniques. Les achats sont déterminés par l'offre locale, qui varie de région à région selon la présence de telle ou telle caste de potières, par la qualité du produit, et par l'éventail fonctionnel proposé. L'économie de marchés périphé­

riques assure donc un véritable brassage des diverses traditions au niveau de la consommation. Il s'ensuit que les concessions présentent presque toujours des poteries de plusieurs origines distinctes. Ces mécani­

smes de distribution ont d'importantes conséquences au niveau archéologique, car l'analyse du contenu des concessions ne permet pas, dans ces conditions, d'iden­

tifier les principales traditions. En termes techniques i'archéologue se trouve réduit à rechercher une classi­

fication céramique fondée uniquement sur des critères intrinsèques, classification dont on connaît les gran­

des faiblesses, puisqu'il ne peut recourir à aucun critère extrinsèque (de type L, le lieu ou T le temps) pour élaborer une vraie typologie (Gardin 1979). Ces remarques situent l'enjeu de la démonstration que nous proposons dans ce travail.

3. Approche ethnoarchéologique

Il nous faut désormais nous placer dans une perspec­

tive archéologique et situer le problème à résoudre.

Etant admis que les concessions fournissent habituel­

lement des poteries appartenant à des traditions dis­

tinctes (inconnues de l'archéologue), sur quelles bases retrouver ces traditions, c'est-à-dire comment délimi­

ter une typologie réunissant des critères intrinsèques de type G (géométriques) ou P (physiques) et des critères extrinsèques de type F (fonctionnels, en l'occu­

rence ethniques)? Nous nous fonderons pour cela sur trois catégories d'informations susceptibles d'être identifiées à la fouille: les outils utilisés par les potiè­

res (POl), les poteries présentes dans la concession (P02) et les structures architecturales (P03). Nous réduirons ici le corpus des instruments aux seuls outils spécifiquement liés à la poterie en écartant tous les objets polyvalents (couteaux, poteries communes, etc.) qui pose des problèmes d'interprétation fonc­

tionnelle.

Notre proposition P7, il est possible d'identifier des traditions céramiques sur la base des matériaux des

(12)

TRADITIONS CÉRAMIQUES ET ETHNIES (MALI) 33 concessions des potières dépend de la démonstration

des propositions suivantes.

P 1. Les poteries des concessions sont le reflet d'une production effectuée sur place

La proposition P l souligne que la plus grande partie de la céramique d'une concession de potière, notam­

ment la poterie utilisée dans la vie de tous les jours, a été produite dans la concession même et constitue une tradition homogène.

Cette règle est basée sur l'analyse des inventaires exhaustifs de l'origine des poteries de 2 6 concessions de potières, soit 1301 poteries (tabl. 1 à 3), où nous avons distingué:

T. nombre total de récipients,

a. nombre de récipients produits dans la concession (production propre),

b. nombre de récipients non fabriqués dans la conces­

sion, mais appartenant à la même tradition que les poteries produites localement,

c. nombre de récipients appartenant à d'autres tradi­

tions,

d. poteries dont l'origine est incertaine, c'est-à-dire non connue de la potière enquêtée.

Nous aurons donc:

T

=

a+ b + c+ d

et importance de la production propre (PP) : PP

= (

a/T) 100

Sont inclues dans la valeur a, production propre:

- la production propre de la (ou des) potière(s) de la concession y compris les poteries isolées neuves desti­

nées à la vente,

- la production des parents de la potière enquêtée s'ils résident ( ou résidaient) dans la concession : grands-mères, mères, filles,

- les poteries «héritées» d'un parent de la potière lorsque le lien familial est connu.

Sont exclues de la valeur a, production propre:

- les instruments de potière en argile, percuteurs, moules, tournette etc.,

- les réserves de vente stockées comprenant plu­

sieurs exemplaires de même type, - les poteries non encore cuites,

- les poteries exécutées à la demande de l'informa- teur à titre de démonstration (Sahona),

- les poteries d'une potière parente de la potière enquêtée lorsque cette dernière appartient à une autre ethnie (Diou potière peul dont la mère du mari est une potière songhai),

- les poteries isolées «à vendre», lorsqu'elles sont déposées temporairement par une potière étrangère à la concession,

- les poteries « héritées» lorsque la position familiale du légataire n'est pas connue.

- les greniers mobiles (Bobo).

Les résultats bruts par ethnie sont les suivants (tabl. 3):

Bambara du sud (4 concessions) : 93,7% de production propre

Somono du Sud (3 concessions): 91,5%

Bobo (4 concessions) : 86,8%

Bambara du Nord (4 concessions) : 83,6%

Somono du Nord (3 concessions): 80,3%

Peul (7 concessions) : 67,8%

Songhaï (1 concession) : 60,5 % Total (26 concessions): 79,3 %.

L'importance de la production propre passe globa- lement de 79,3% à 87% (tabl. 3) si l'on écarte le cas des Peul, dont on sait qu'ils n'assurent pas la totalité de la production domestique (cf. hypothèse H5) et le cas du campement d' Aoré afin de ne retenir que les habitats permanents (cf. proposition P6). On peut donc admettre sur la base de ces chiffres que les céramiques rencontrées dans une concession de potière, appartenant à une ethnie assurant la production de l'ensemble des poteries utilisées normalement au niveau domestique et occupant un habitat permanent, appartiennent pour, en moyenne, au moins 87% à une production propre, mais que ce chiffre peut des­

cendre jusqu'à 55%, cas extrême rencontré à Fià en pays Bobo (fig. 12).

Si l'on réunit maintenant la production propre (a) et les céramiques de même tradition d'origine externe (b) dans un même ensemble «tradition propre» (TP), selon la formule:

TP

=

(a+ b/T-d) 100 On obtient les résultats suivants (tabl. 3):

Bambara du Sud : Somono du Sud:

Bobo :

Bambara du Nord:

Somono du Nord:

Peul:

Songhaï:

Total:

99,4% de tradition propre 97,7%

97,5%

93,2%

96,6%

72,6%

80,6%

88, 1 %

L'importance des traditions propres passe globale­

ment de 88,1 % à 97% (tabl. 4) si, comme précédem­

ment, on écarte le cas des Peul et celui des campe­

ments temporaires.

L'analyse des poteries des concessions de potières offre donc à l'archéologue un terrain particulièrement favorable pour décrire des traditions homogènes.

(13)

- �·-�

34 A . GALLAY

P2. Les poteries de tradition étrangère sont en nombre restreint

La proposition P5 est complémentaire de P4 puisque fondée sur les mêmes données, selon la for­

mule « traditions étrangères» (TE) : TE = (c/T-d) 100

Les résultats bruts par ethnie sont les suivants (tabl. 3):

Bambara du Sud : Somono du Sud:

Bobo:

Bambara du Nord:

Somono du Nord : Peul:

Songhaï : Total :

0,6% de tradition étrangère 2,3%

2.5%

6,8%

3,4%

27,4%

19,4%

1 1 ,9%

Comme précédemment, la situation évoquée dans la proposition H5 à propos des Peul apparaît claire­

ment avec un pourcentage relativement élevé de pote­

ries de traditions étrangères. Le cas des Songhaï doit par contre être écarté de la discussion car trop peu significatif (1 concession, 38 poteries). D'une manière générale les poteries d'origine étrangère sont donc relativement peu nombreuses dans les concessions de potières avec une moyenne de 11,9% . Ce chiffre descend à 3% si l'on écarte le cas peul et le campe­

ment temporaire d'Aoré (tabl. 3).

P3. Il est possible de définir archéologiquement une concession de potière

L'identification archéologique d'un atelier présente certaines difficultés car une Cüncession de putièn: m:

se distingue des autres concessions par aucun aména­

gement particulier en relation avec la fabrication de la céramique. Le montage peut avoir lieu sur des empla­

cements divers à l'intérieur d'une case (dans le lieu de séjour ou la chambre à coucher), ou à l'extérieur sous un auvent quelconque. Ces emplacements ne compor­

tent aucuns aménagements particuliers, si ce n'est de petites dépressions vite comblées destinées à recevoir les moules (MAsec et Mboi) ou de l'argile compactée servant de- l5ase de tournëttë (Tfac). etc cuisson a- ,fa général lieu à l'extérieur des villages pour éviter les risques d'incendies, beaucoup plus rarement sur les places des agglomérations (Korienzé), très exception­

nellement à l'intérieur de la concession (Korienzé, Kakagna, Sahona).

Deux seuls critères permettent par conséquent d'identifier une concession de potière: lu présence d'outils spécifiquement liés au travail de la céramique, la présence de réserves de céramiques destinées à la vente.

La présence d'outils de potière est probablement le critère le plus pertinent car la liaison est univoque et toujours présente. Nous n'avons jamais vu de conces­

sions de potières sans outils, ni de concessions étran­

gères à cet artisanat avec des outils. Cette liaison pourrait même se confirmer pour les villages occupés temporairement (présence d'une tournette dans la concession du camp bozo-somono d'Aoré occupée par une potière). La présence de réserves de vente se caractérisant par des accumulations de poteries d'un même type dans certaines pièces des cases, ou à l'extérieur, peut également être utilisé, mais de telles réserves ne sont pas toujours observables.

P4. Il est possible d'identifier un établissement occupé de façon permanente

On trouvera dans Brasseur (1968) un tour d'hori­

zon complet de l'habitat traditionnel au Mali. Nous nous contenterons d'évoquer ici les types d'habitats rencontrés lors de nos propres missions.

Nous définirons ici la « permanence» d'un habitat à deux niveaux:

- Niveau architectural. Un habitat est fixe lorsque les cases ne sont pas déplacées au cours du cycle productif annuel. Il est mobile lorsque les habitations sont déplacées.

- Niveau de l'occupation. Un habitat est permanent lorsqu'il est occupé toute l'année, il est temporaire lorsqu'il est totalement abandonné pendant une période de l'année. Cette distinction ne concerne que les établissements fixes.

Les établissements rencontrés se répartissent comme suit:

1. Villages fixes occupés de façon permanente. Ces villages sont présents dans toutes les ethnies rencon­

trées, mais leur agencement peut varier considérable­

ment d'un groupe à l'autre.

Les Peul et les Songhaï ont des agglomérations très aérées avec de grandes concessions ceinturées d'un mur. Les cases en dur y occupent une faible surface, des cases légères peuvent être présentes. Les Bozo et les Somono ont des agglomérations très denses à ruelles étroites et tortueuses. Les Bobo et les Bambara ont des villages très aérés dont les limites des conces­

sions sont peu marquées. Bien qu'occupés de façon permanente ces établissements peuvent subir des fluctuations démographiques importantes selon les saisuus. Lt:s villages bozu t:l somono i:;e vident en grande partie lors des grandes pêches annuelles; les villages peul se dépeuplent des jeunes hommes lors de la transhumance des troupeaux.

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(14)

TRADITIONS CÉRAMIQUES ET ETHNIES (MALI) 35

I N S T R U M E N T S

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BOBO

• • • • • • · • • •

BAMBARA SUD

• • • •

SOMON O SUD

· • • • • • • • • • •

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SOMONO NORD

· • • • • • • • • • • •

-

PEUL LAW BE

• •

PEUL W AYLUBE

• • •

PEUL MAABUUBE

• • • • · • • • • • •

SONGHAI

• • • •

BAMBARA NORD

• • · • • • • • • •

Fig. 7. Tableau de correspondance entre outils de potières et traditions céramiques. Description des divers outils voir annexe. Gros cercles:

utilisation systématique; petits cercles: utilisation occasionnelle ou jugée moins significative.

Tous ces villages peuvent abriter une production potière plus au moins importante. Les inventaires céramiques des concessions y sont les plus complets.

2. Villages fixes occupés temporairement lors des grandes pêches. Ces villages occupés chaque année par les pêcheurs bozo, somono ou songhaï ont une architecture très particulière. Les cases, alignées le long des rives, sont petites et rectangulaires avec un toit de paille à double pan. Il peut arriver que les potières somono y exercent leur activité (Aoré). Les inventaires céramiques y sont moins riches et présen­

tent souvent des origines plus hétérogènes.

3. Camps fixes d'élevage occupés de façon perma­

nente. Ces établissements comportent de grandes cases couvertes de nattes et des parcs à bestiaux et sont occupés par des pasteurs peul (Déréfou). Ces camps n'ont pas de production céramique, mais les inventaires des cases peuvent être aussi riches que dans les villages stables.

4. Camps mobiles de pêche faits de simples abris de nattes de roseaux. Ces établissements sont montés au bord des lacs et des fleuves pour une durée de quel­

ques semaines au plus et sont occupés par les

pêcheurs bozo et somono. On n'y observe aucune activité potière et les inventaires des cases y sont restreints (Diaré-Ndiré au bord du Débo). La pré­

sence de céramiques dans ces camps très légers s'expli­

quent dans la mesure où les déplacements se font en pirogue, ce qui permet le transport d'objets relative­

ment fragiles.

5. Camps mobiles d'élevage faits de simples abris couverts de nattes occupés par les pasteurs peul lorsque les derniers se déplacent en famille. Ces camps sont dépourvus de toute céramique (Diaka aux environs de Kotiala).

Les établissements de types 3,4 et 5 n'entrent pas dans notre discussion car l'on n'y pratique pas la production de poteries. L'identification archéologique des établissements de type 1 et 2 ne pose pas de problème dans la mesure où les architectures locales sont très différentes. Il est donc possible dans ce contexte de sélectionner un corpus d'établissement de type 1 pour lequel la règle énoncée est applicable.

Nous voyons pourtant surgir deux types de difficul­

tés:

(15)

:::;

36 A. GALLAY

- Il n'est pas certain qu'une fouille limitée à une ou deux concessions permette réellement d'identifier les types 1 et 2 d'architecture.

- La règle garde un caractère trop strictement local, puisque fondée sur des caractéristiques architecturales très spécifiques de la région.

Cette limitation doit nous inciter à rechercher à l'ave­

nir des critères archéologiques plus généraux permet­

tant d'identifier le caractère permanent ou temporaire de l'occupation. Cette recherche reste à entreprendre.

Les quatre règles précédentes sont nécessaires et suffisantes dans les cas où production propre et/ou tradition propre atteignent 100% de l'inventaire de la concession. Il existe pourtant le plus souvent une faible quantité de céramiques appartenant à d'autres traditions. Il est donc nécessaire d'ajouter deux règles permettant d'identifier ces apports étrangers. La pre­

mière (P5) concerne la spécificité des outils de potiè­

res, la seconde les traces laissées sur les céramiques par ces mêmes outils (P6).

P5. Les outils sont le reflet des diverses traditions La figure 7 a été établie sur la base des informa­

tions récoltées sur les outils des potières et sur les séquences de montage que nous avons enregistrées.

La liste des outils comprend à la fois les objets utilisés comme support de la poterie en travail (moules, tournettes, etc.) et les instruments utilisés pour mettre en forme ou décorer la poterie (fig. 8 à 11). De ce premier tableau nous pouvons éliminer certains élé­

ments jugés moins caractéristiques soit:

-- des instruments dont la polyvalence fonctionnelle font qu'il ne s'agit pas obligatoirement d'instruments liés au travail de la poterie. C'est le cas des planches (Pl), des meules (MEUL), des fragments de calebasse (CALfra), des épingles (EPIN) et des cuvettes rem­

plies d'argile (CUpl),

- des instruments qui ne sont pas liés spécifiquement à l'une ou l'autre des traditions. C'est le cas des galets (GAL) et des coquilles (COQ),

- des instruments trop peu fréquents pour être inter­

prétables. C est le cas des calebasses filetées (CAL.FIL) et des palettes étroites (et PAlé),

- les tresses et cordelettes (TRE) permettant d'obte­

nir des décors impressionnés roulés, dont l'étude fine reste à entreprendre sur la base d'un corpus plus riche que celui dont nous disposons actuelîement, car ces instruments sont de types très variés.

On trouvera dans le tableau 5 une caractérisation des diverses traditions reposant sur les instruments restant. La spécificité de chaque ensemble y apparaît

clairement sauf en ce qui concerne les Bambara du Sud, dont l'identification repose uniquement sur la présence de percuteurs de pierre (P.PIER), instrument qui pourrait se révéler polyvalent. Il conviendrait en effet de savoir si cet objet est également utilisé comme molette pour broyer les céréales.

La ségrégation est également maintenue si l'on ne retient que les instruments de métal et d'argile dont la conservation peut être assurée dans les couches archéologiques, contrairement aux instruments de bois (notamment COboi et Mboi) facilement détruits par les termites. Les variations enregistrées au sein des diverses castes peul disparaissent par contre.

P6. Il est possible d'établir des liens entre outils et céramiques

La question des liaisons que l'on peut établir entre les chaînes opératoires de montage (et donc partielle­

ment les instruments) et les propriétés intrinsèques des céramiques, tant au niveau forme (G) qu'au niveau physique (P), est un domaine en soi que nous ne saurions aborder ici. Cette approche n'est du reste pas indispensable (mais seulement complémentaire) à la démonstration que nous proposons. Qu'il nous suffise ici de citer quelques exemples qui pourront faire l'objet à l'avenir d'analyses plus détaillées.

- Les moules de bois (Mboi) et d'argile sèche (MAsec) laissent, lorsqu'ils sont fendus, des traces en relief sur la panse des poteries que l'on peut identifier, sans pour autant pouvoir distinguer Mboi de MAsec.

- Il en va de même des nattes utilisées lors du montage des fonds et des panses chez les Peul et les Songhaï.

- L'utilisation des moules de type MAcui pour mou­

ler le fond donne à la base des récipients somono une forme incurvée en S parfaitement reconnaissable.

- L'utilisation de la coupelle en bois COboi confère à la base des grandes jarres bobo une forme épaissie caractéristique qui, pourtant, n'apparaît pas sur les petits récipients dont le fond est raclé, puis décoré d'impressions de tresses roulées.

- L'·utilisation du percuteur d'argile (P.ARG) per­

met d'obten_ir des parois extrêmement minces dont la porosité est probablement très faible.

On notera que toutes ces relations concernent le fond et la panse des récipients et non l'encolure et le bord. Ce point doit être souligné car les archéologues ont trop tendance, lorsqu'ils sélectionnent un matériel de fouille, à ne conserver que les tessons uppurtenunt aux parties hautes des récipients jugées seules signi­

ficatives des diverses traditions.

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(16)

TRADITIONS CERAMIQUES ET ETHNIES (MALI) 37

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Fig. 8. Outillage des potières du Delta intérieur du Niger.

1. Mboi, moule de bois (Bambara du Nord, Saraféré). 2. Tfac (B), tournette de type bambara (Bambara du Nord, Déramane). 3. MAsec, moule d'argile crue (Somono, Kakagna-Bozo). 4 Coboi, coupelle de bois (avec base façonnée en argile crue (Bobo, Kio). 5. Tfac (S), tournette de type Somono. Ech. 1/4.

(17)

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38 TRADITIONS CÉRAMIQUES E T ETHNIES (MALI)

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Fig. 9. Outillage des potières du Delta intérieur du Niger.

1 . MAcui, moule d'argile cuite (Somono, Sahona). 2. Mog, moule ogival (Bambara du nord, Saraféré). 3. TRE, tresse végétale (Bambara du Nord, Déramané). 4. TRE, tresse végétale à motifs en chevrons (Bobo, Fià). 5. ROULgra, rouleau en aluminium décoré de chevrons (Bobo, Lakui). 6. ROULgra, rouleau en bois décoré de chevrons (Bobo, Lakui). 7. Galet de quartz (Bambara du Nord, Déramané). 8. P. ARG, percuteur d'argile à surface concave (Bambara du Nord, Saraféré). 9. P.A RG(x), percuteur cl'�rgile hémisphérique (Peul MaabuuBé,

Kakagna-Peul). 10. P.ARG, percuteur d'argile à surface convexe (Peul MaabuuBé, Kakagna Peul). Ech. 1/2.

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(18)

A. GALLAY 39

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Fig. 10. Outillage des potières du Delta intérieur du Niger.

1. EPIN, épingle de fer forgé (Somono, Sahona). 2. MEUL, disque de pierre servant de support au montage (Bobo, Kio). 3. P.PIER, molette de pierre (Bambara du Nord, Déramané). 4. COQ, coquille de lamellebranche (Bambara du Nord, Saraféré). 5. RACLbra, racloir métallique en forme de bracelet (Bobo, Kio). 6. PEIG, peigne métallique (Somono, Kobassa). 7. RACL+ PEIG, racloir et peigne métallique (Somono, Sahona). Ech. 1/2, sauf 2, éch. 1/6.

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TRADITIONS CÉRAMIQUES ET ETHNIES (MALI)

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Fig. 1 1. Outillage des potières du Delta intérieur du Niger.

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1 . PEIGboi + POINC, peigne et poinçon en bois (Somono, Sahona). 2. POINC, double poinçon en bois (Somono, Sahona). 3. PEIGboi, double peigne en bois (Somono, Sahona). 4. CAL-FIL, fragment de calebasse réparée (Bambara du Nord, Déramané). 5. RACLboi, racloir de bois (Bambara du Nord, Déramané). 6. PAL, palette de bois (Bambara du Nord, Saraféré). 7. COUT. Couteau (Peul MaabuuBé, Aoré).

8. PAL, palette de bois (Peul MaabuuBé, Aoré). Ech. 1/2.

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