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Aspects de l'intégration socio-économique des handicapés mentaux

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Aspects de l'intégration socio-économique des handicapés mentaux

DUBOSSON, Jacques

DUBOSSON, Jacques. Aspects de l'intégration socio-économique des handicapés mentaux . Genève : Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1981, 91 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:33395

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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UNIVERSITÉ DE GENÉVE -FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION Cahiers de la Section des Sciences de !'Education

PRATIQUES ET THÉORIE

JACQUES DUBOSSON

ASPEC TS DE L'INTÉGRATION

SOCIO-ECONOMIQUE DES HANDIC APÉS MENTAUX

Cahier N° 24

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

ASPECTS DE L'INTEGRATION SOCIO-ECONOMIQUE DES HANDICAPES MENT AUX

Jacques Dubosson

Cahier No 24

Pour toute correspondance :

Section des Sciences de l'éducation UNI Il

1211 -Genève 4 (Suisse)

JUIN 1981

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1 NTRODUCTION

Ce fascicule présente des questions, des problèmes liés à l'intégration sociale des handicapés et des synthèses d'observations; celles-ci ont été relevées lors de la mise au travail de jeunes adultes handicapés et sont utilisables lors de tentatives d'intégration socio-économique.

Première question : De quels handicapés va-t-on parler ? De ceux présentant, dès le début, des difficultés éducatives telles qu'ils n'ont pas pu bénéficier d'une scolarisation puis d'une formation complète.

Faut-i 1 parler des handicapés profonds? Moyens ? 1 ls appartiennent peut·-être aux deux niveaux et comportements schématisés par ces termes; la réalité, dans ce domaine, ne se laisse pas facilement enfermer dans une formule et l'on manque encore d'un vocabulaire fondamental accepté par l'ensemble des éducateurs praticiens.

Ce texte désire permettre une discussion utile avec

des parents directement confrontés à de telles diffi cuités, des éducateurs professionnels,

voire même des industriels, donneurs potentiels d'ouvrage.

Je précise l'optique générale adoptée : Je parlerai d'éducation, de scolarisation, de travai 1, étant entendu que toute action entreprise dans ces domaines cherche la solution la meilleure pour chaque per­

sonne ou chaque groupe; je souligne d'emblée que le travail n'est jamais envisagé ici comme un but en soi, avec, pour finalité, le ren­

dement le plus élevé, mais comme un moyen parmi d'autres de facili­

ter l'intégration.

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PREMIERE PARTIE

INTEGRATION SOCIALE

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L'INTEGRATION

Qu'est-ce que s'intégrer? C'est être capable d'agir par ses propres moyens et se situer par rapport au milieu dans lequel on est appelé à évoluer. Agir et se situer impliquent une certaine tolérance, dans le sens de capacité réciproque du sujet et du milieu à se supporter, à parvenir à un certain équilibre et une certaine réussite économi­

que, à réaliser des échanges d'une manière régulière. Si tout enfant a droit à la vie et à la vie sociale, le handicapé peut également en bénéficier, tout comme il peut compter sur toute notre sollicitude et toute notre solidarité. En tant qu'être humain, le handicapé est lui aussi digne de respect et ses droits sont inaliénables et imprescrip­

tibles. Parmi ceux-ci, je relève le droit au travail et à l'expression créatrice. Le travail est autant un droit qu'un devoir puisqu'il enga­

ge et libère l'être humain. Il n'est pas une fin en soi, il est un moyen de progrès, d'épanouissement et de promotion individuelle.

Cette activité doit être stable dans toute la mesure du possible et sanctionnée par un salaire, celui-ci étant envisagé avant tout comme un moyen d'identité et d'affirmation sociale.

PASSER PAR L'EDUCATION

L'intégration passe par l'éducation. Il faut rappeler avec force que l) L'être humain est un tout. Isoler un handicap de la personnalité tout entière est une erreur qui privera l'éducateur de la possibi­

lité d'équilibrer un être malgré son handicap. L'éducation doit s'adresser à la totalité de la personne. Préparer un handicapé à un avenir professionnel, c'est refuser a priori

a) le laisser faire ou l'improvisation

b) l'hospitalisme et le protectionnisme stérilisant et débilitant.

Il est tellement plus tonique d'engager et de poursuivre l'ac­

tion éducative en croyant que chaque handicapé

a sa valeur humaine intégrale, quel que soit son potentiel

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d'aptitudes,

a droit à une éducation aussi complète que possible,

a droit à une place dans la société comme élément actif, ac­

cepté par le groupe social comme un être original.

2) Pour progresser avec l'être à éduquer il faut le connaitre le mieux possible par des examens périodiques et approfondis et une obser­

vation quotidienne attentive.

3) Toute personne peut s'épanouir, quel que soit son niveau mental, à condition de pouvoir créer avec elle les structures et les habi­

tudes indispensables. Celles-ci ne s'établissent pas spontanément chez le débile profond. On doit l'amener à accepter l'effort et à coopérer à son éducation.

L'intégration socio-économique reste un problème capital pour tout être humain, mais spécialement pour les inadaptés et encore davantage pour les handicapés profonds. Est-elle possible dans tous les cas ? Soyons réaliste. Elle est très difficile voire même impossible actuelle­

ment pour un certain nombre de raisons :

Parce qu'on ne connait pas encore, ou mal, tout ce qu'il faudrait faire pour réussir l'adaptation au groupe - ou l'acceptation par

le groupe - du handicapé tel qu' i 1 se présente momentanément.

Parce qu'on ne dispose pas d'une gamme de moyens matériels suf­

fisante et satisfaisante.

Parce que les structures éducatives sont pensées et encore trop orientées unilatéralement, de l'individu vers le groupe alors qu'il faudrait rechercher comment adapter certains éléments constitutifs du milieu pour que le handicapé s'y sente reçu et à l'aise.

L'OBSTACLE DE L'ECOLE

Malgré beaucoup d'efforts et des réussites qu'on aurait tort de mm1- m iser, l'école reste avant tout normative et rejette trop facilement tout ce qui ne lui parait pas conforme. Son organisation ne saurait être, pour le handicapé - et cela pour deux raisons au moins - identique à celle conçue pour les enfants en bonne santé intellec-

tuelle; il existe

- une différence de nature de l'intelligence et du psychisme, - une différence dans le rythme d'évolution et d'acquisition.

Schématiquement exprimé

A) On constate, chez le normal, une aptitude à mettre les structu­

res de la pensée en rapport les unes avec les autres alors qu'elles ne sont, quand elles existent, que juxtaposées chez le handicapé.

La possibilité de mise en rapport n'est pas à exclure chez le se­

cond mais elle exige des efforts beaucoup plus considérables, les habitudes et manières de penser sont beaucoup plus longues à créer.

B) La qualité et l'évolution des acquisitions sont très différentes chez le handicapé de celles qu'on enregistre chez le normal.

Ouand on évoque la trop fameuse trinité laïque "Lire, compter, écrire", l'école pour les handicapés devrait comprendre ces termes d'une manière beaucoup plus souple et plus large et les traduire, par exemple, de la manière suivante :

Lire, c'est percevoir tous les signes extérieurs de la réalité et com­

prendre les messages des objets et non seulement chercher à déchif­

frer la transcription du langage oral par l'écriture. Le déchiffrage passe malheureusement par une technique faite d'abstractions et peut devenir une barrière.

Compter, c'est analyser, toucher, déplacer, organiser à partir de la perception (classification, sériation) à condition qu'on puisse appuyer le comportement sur un langage concret.

Ecrire, ce n'est pas seulement être capable d'écrire des mots mais de s'exprimer par le geste, par son corps, par le dessin; en un mot transcrire par des formes le perçu et l'analysé sans nécessairement se limiter à l'emploi d'un seul outil.

lire, compter, écrire, ce n'est pas seulement équiper un enfant grâce à des techniques mais tout d'abord l'aider à organiser sa formation intellectuelle, ajustée individuellement à partir de la perception sensori-motrice et de l'affectivité. On peut affirmer sans abuser que l'école ne sais pas encore innover vraiment (elle ne fait que réno­

ver), offrir des méthodes respectant celui qui ne sait pas s'exprimer

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spontanément comme les outres. C'est par la confiance créée qu'on atténuera les craintes et les angoisses que le handicapé véhicule malgré lui. Ce manque d'audace ne fait qu'aggraver la situation relationnel le globale et laisse subsister encore trop d'incompréhension réciproque poussant à une ségrégotivité qui ne résoud rien. l'école vise à développer avant tout l'intelligence alors qu'il faut épanouir Io personne tout entière.

REMARQUES SUR LES METHODES ET LA DIDACTIQUE

Un fait d'observation montre qu'il y a évolution des mécanismes mentaux par étapes et stades chez l'enfant normal et chez le débile.

Alors que chez le premier nommé, les stades et le rythme de cette évolution peuvent s'exprimer en termes génétiques, une différence essentiel le subsiste chez le second, mal connue et aggravant, de ce fait, les apprentissages et les acquisitions; le rythme et même cer­

taines formes de cette évolution sont souvent imprévisibles : al lon­

gement du temps séparant deux stades; enchaînement moins specta­

culaire avec réussite partielle, incomplète ou partition en deux ou plusieurs parties de ! 'étape franchie d'un seul coup par le normal.

On peut même enregistrer le non franchissement définitif d'une des étapes.

De plus, le problème du temps requis pour un apprentissage chez le handicapé appelle deux réflexions. Puisque la plasticité est souvent moindre chez le débile, l'apprentissage est souvent plus long. Il importerait donc de ne pas perdre de temps. A celui qui essaiera de m'opposer le propos célèbre de ROUSSEAU ("l'important, avec l'enfant, est de savoir perdre du temps.") je répondrai qu'il n'y a pas I� antagonisme si l'on comprend le sens réel de Io phrase de Rousseau : il est inutile de proposer à l'enfant une acquisition pour laquelle il n'est pas mûr sur le pion intellectuel et affectif.

Quand je rappelle qu'il serait regrettable de perdre du temps, je demande de ne pas oublier, en outre, que le temps opportun d'appren­

tissage est plus limité chez le handicapé, ne serait-ce que par le temps de latence dans le développement ou par le vieillissement pré­

coce. On ne pourra plus, de surcroit, imposer certaines acquisitions sous leur forme "scolaire" quand le jeune est devenu adulte dans

certains aspects de son développement affectif et social. Dons le même ordre d'idées, je signale un fait dont il ne faut pas sous-estimer l'importance : l'attitude des parents d'enfants atteints mentalement face à la scolarisation. Lo nature et les pouvoirs différents de leur enfant vont les confronter à des difficultés accrues par rapport � celles vécues par les parents d'enfants sons problème mental majeur.

le hondi cap est. un obstacle imprévu qu' i 1 faudra être capable de surmonter; je voudrais même écrire encaisser, comme quand on encais­

se un coup dur. Cette acceptation à plus ou moins brève échéance se réalisera avec la participation de toute Io famille, proche et moins proche, des voisins et du groupe social. Souvent les parents appellent à l'aide tardivement : quand le faux problème de leur culpabilité est moins lancinant, quand le réflexe de camoufler les difficultés n'est plus opérant. On retrouve souvent chez eux ce manque de lu­

cidité issu avant tout du manque de connaissances précises qu'on peut aussi constater chez les éducateurs. Cette lacune paraît plus facile­

ment acceptable chez les premiers nommés a) parce qu'ils sont concernés plus directement,

b) parce que les connaissances requises sont ardues à acquérir et parce qu'il y a sons cesse interférence avec leur affectivité pro­

fonde, viscérale. On voit alors apparaître de la revendication plus ou moins élémentaire et un manque aigu du sens du relatif.

(Pour le moment, ou vu du développement, on peut escompter telle acquisition; le reste viendra peut-être plus tord.) On constate, dès lors, qu'une juxtaposition Ecole-Famille se substitue à une véritable collaboration; l'éducation est ressentie comme une obli­

gation, une occupation, une aide soulageante, certes, mais pas d'abord comme un instrument de promotion personnel le et sociale pour l'enfant.

Outre l'aspect rythme de présentation des éléments constitutifs de la notion à apprendre se pose le problème de la méthode à utiliser.

Celle-ci est, d'une manière quasi constante, différente avec le handi­

capé. les différences essentielles se résument dans les termes de rythmes, je viens d'en parler; de forme aussi (aspect plus sensible, plus concret de la présentation, permettant des manipulations). l'ac­

tion propre du sujet, action visible ou intériorisée, est plus essentiel­

le que chez le normal à cause du langage limité et de l'impossibilité d'abstraction spontanée.

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Puisque les méthodes efficaces avec les handicapés s'appuyent très souvent sur l'action, le matériel éducatif a un rôle important à jouer, au niveau sensori-moteur tout d'abord, puis dans l'éduca.tion intellectuelle initiale. Le matériel est une des méthodes commodes

�t efficaces

parce que la formulation du problème à étudier peut se faire d'une manière sensible et attrayante,

parce qu' i 1 permet aisément de rendre l'enfant actif,

parce qu'il agit non seulement matériellement mais mentalement au sens de l'opérativité de PIAGET.

En outre, un matériel bien conçu permet un auto-contrôle du travai 1 par le sujet au moyen de la clé de �orrection: Si c�lle.,-ci est. b_ien élaborée, l'enfant est, là encore, actif, ce qui favorise sa part1c1pa­

t ion à sa propre éducation.

Je signale en passant que l'école est, parmi d'autres, un moyen d'ac­

tion et d'échanges avec le handicapé mais que l'éducateur ne doit pas abuser de ses techniques et de son don de persuasion; ceux-ci risqueraient de devenir contrainte et but en soi.

Je rappelle une autre difficulté pour l'adulte : éviter la projection affective : on choisit pour . • . et c'est très souvent le cas dans l'acte éducatif. Ce dernier ne doit pas devenir étouffant pour le handicapé.

Le véritable éducateur sait créer un climat tellement empreint de confiance et de compréhension que son partenaire se sécurise puis désire s'exprimer. Il arrive même à formuler, ou tout au moins à_

manifester ses désirs et ses besoins. Le jeune n'est plus alors un etre rétréci isolé; i 1 est métamorphosé : i 1 recherche l'échange et ose s'expri

er parce qu'il sait qu'il sera bien accueilli. Pouvoir s'expri­

mer est en effet capital. L'échec est souvent dû à l'insuffisance des ouvoirs d'assimilation verbale que les méthodes traditionnelles mobi­

j

isent de préférence. L'enfant doit pouvoir participer activement à

1 1 " d

sa formation, je l'ai déjà dit, ' penser avec es mains pour repren re une expression consacrée.

EN RESUME

L'éducation du handicapé passe par des étapes importantes liées à l'âge mais aussi aux pouvoirs qu'on a réussi à développer chez lui.

On pourrait résumer ces étapes de la manière suivante :

1) Etape d'observation du sujet, de recherche d'aptitudes; puis dé­

veloppement affectif et mental (application de mesures pédago­

thérapeutiques) . Cette étape correspond à la scolarité obi igatoire de l'enfant sain iusqu'à l'âge de seize ans.

2) Etape d'initiation et d'équilibration de la personnalité; échanges sociaux par des stages dans des ateliers, l'application des mesures pédagothérapeutiques se poursuivant par une formation scolaire spéciale compensatoire et une formation professionnelle initiale.

Cette étape correspond à la période d'apprentissage d'un métier de l'enfant sain.

3) Etape d'intégration professionnelle (socio-économique); préparation au travai 1 en atelier protégé. Cette étape correspond à l'activité professionnelle de l'adulte sain. Dans les cas favorables, l'intégra­

tion du handicapé peut se réaliser dans un atelier, une usine de la vie professionnel le "normale".

Une remarque en passant : ces trois étapes sont ici schématisées dans leur contenu et dans 1 e temps. Le passage de l'une à l'autre impose de la souplesse. On pourra rencontrer de jeunes handicapés manifes­

tant un véritable intérêt pour une activité qu'on peut appeler profes­

sionnelle : le jardinage, l'élevage, la confection d'objets utiles. Il s'agit d'intégrer intelligemment ce besoin dans leur éducation. L'im­

portant étant de ne pas laisser s'éteindre cette potentialité. L'éduca­

tion n'est pas seulement la création d'une série d'inhibitions mais beaucoup plus une suite de paris réussis.

L'éducation du handicapé pourrait se résumer dans les termes d'équi­

libration du comportement et de recherche d'autonomie sans lesquelles toute tentative d'intégration sera bien difficile à réaliser. Des centres ont été créés et fonctionnent comme des instruments permettant d'at­

teindre ces buts. Même si toute l'activité professionnelle du milieu est conçue dans cette optique, il n'en reste pas moins que certains ouvriers ne pourront pas les quitter. Pourquoi? Parce qu'ils ne pour­

ront pas parvenir à un stade suffisant d'autonomie. Voyons de quoi est faite l'autonomie.

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L'AUTONOMIE

Tout d'abord, sur le plan de la personne d'une autonomie physique pour se déplacer,

d'un niveau mental minimum, assurant les échanges avec autrui, d'une stabilité caractérielle et affective qui permet d'accepter

L'AUTRE, LES AUTRES qui, à leur tour, apporteront leur collaboration.

LES AUTRES, ce sont au premier chef la FAMILLE (père et mère, fratrie). li est nécessaire de souligner une différence entre ces deux éléments de la famille. Par l'existence même du handicapé, le père et la mère sont concernés leur vie durant, tandis que si la fratrie est, au début, un élément important pour la vie du groupe, cette importance va diminuer en fonction de l'évolution et de l'intégration socio-économique des frères et sœurs.

A ce sujet, on constate assez fréquemment une différence de compor­

tement chez la mère et chez le père, tout comme chez certains mem­

bres de la fratrie. La mère est plus souvent oblative parce qu'elle a mieux et plus rapidement vaincu les souffrances d'orgueil et d'amour­

propre imposées brutalement et surtout sans préparation par la naissan­

ce de l'enfant handicapé. Elle a puisé les forces nécessaires dans le combat quotidien pour tenter une éducation difficile; dans le fait qu'elle est, au départ, plus directement et d'une manière plus sensible responsable de cette éducation. Il lui faudra, pour vivre harmonieuse­

ment sur le plan personnel et comme éducatrice, surmonter et vaincre son sentiment de culpabilité. Le père a souvent encore plus de peine à accepter cette naissance (qui est un échec à ses yeux), à supprimer l'obstacle de sa croyance à la responsabi 1 ité de sa femme, pour com­

prendre; sans cela, il s'éloigne de l'enfant, voire même de sa com­

pagne. Est-il nécessaire d'ajouter que responsabilité et culpabilité n'ont rien à voir, très souvent, dans cette naissance? C'est la fatalité et des causes inconnues qu' i 1 faut invoquer.

LES AUTRES, ce sont aussi les VOISINS. On ne soulignera jamais assez l'impact de leur présence dans la vie du handicapé et de sa famille. Bien informés, bien acceptants, ils sont un élément positif dans le développement et l'intégration de l'enfant handicap,é.

LES AUTRES seront aussi les contemporains de l'enfant à l'école, que ce soit en classe dite normale avec des camarades non handicapés,

en classe spécialisée, ou encore dans la vie sociale avec les grands­

parents, dans le quartier, dans les loisirs ou lors de séjours de vacan­

ces.

LES AUTRES, ce sont aussi les COMPAGNONS DE TRAVAIL à l'atelier, une fois la scolarité et la période de formation initiale achevée.

11 faut mentionner en passant un paradoxe important. Si, dans la pra­

tique, on recherche l'épanouissement du jeune par le travail, on n'en­

visage pas son épanouissement par l'acceptation de sa sexualité.

Par définition, l'être normal crée, avant tout personnellement, ses instruments d'autonomie; il n'en va pas de même avec le handicapé.

Si l'on accepte l'idée qu'on enseigne les attitudes et les gestes qui font naître le pouvoir de produire un travail, il faut aussi admettre que notre attitude dons le domaine de Io sexualité, obéissant peut­

être à des conventions sociales implicites, à un manque d'audace ou encore à une interprétation des faits, reste "paternaliste". On rétor­

quera que, dans la vie quotidienne et à l'usine tout autant, ces élé­

ments sont mis en sourdine. Ils n'en existent pas moins et contribuent largement à la stabi 1 isation de l'ouvrier. Pour celui-ci, la vie à l'usine n'est qu'une part de la vie personnelle et la vraie vie est ...

ailleurs.

LES AUTRES, c'est enfin tout ce qui se passera plus tard et qui écla­

tera avec ses limites au moment du décès des parents. D'où l'idée que l'autonomie, et par elle l'intégration sociale, passe par les FOYERS D'ACCUEIL.

REMARQUES SUR LA SEXUALITE DU HANDICAPE

Les progrès de la médecine et les moyens matériels accrus font que l'espérance de vie des arriérés profonds a considérablement augmenté au cours des ans et qu'elle est actuellement beaucoup plus grande qu'on ne le croit généralement. D'après une très récente enquête de la Fédération sui.sse des parents de handicapés, les 20% environ de la population totale des handicapés moyens et profonds a déjà plus de trente ans au moment de l'enquête. D'après les sondages réalisés, il semble que la pyramide des âges des handicapés mentaux

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graves se rapprocherait de celle de la population nollllale.

L'existence de handicapés adultes appelle donc une discussion sur le rôle d'une vie sexuelle et affective comme élément d'épanouisse­

ment favorisant l'intégration. Cela pose, et posera de plus en plus, sous l'influence de fa conception de la sexualité et de son évolution rapide dans fa société actuelle, la question d'une vie sexuelle adulte des handicapés. Faut-il l'envisager comme un droit et comme un fac­

teur important d'équilibre? La solution choisie créera inévitablement des problèmes considérables soit dans les relations sociales du groupe des handicapés soit à l'égard du groupe social lui-même. La situation sera encore plus difficile à comprendre en cas de procréation. Oui prendra en charge les enfants? Les géniteurs? Ces deux questions, on le comprend sans plus, posent déjà et poseront encore longtemps des problèmes ardus, impossibles à résoudre complètement, ne serait-ce que par manque de maturité du groupe social à l'égard de la défi­

cience mais aussi par l'absence d'une éthique sérieusement élaborée par fa société, à ce sujet.

J'essaie de résumer mon opinion tout en me souvenant que mes idées sont en partie le reflet d'un milieu social, d'une follllation reçue et qu'on ne peut en éviter l'influence.

Toute l'éducation impartie aux enfants handicapés tend à en faire des adultes, c'est-à-dire des êtres responsables. Cela implique donc de ne pas leur refuser une vie sexuelle. La pratique nous oblige à convenir que l'adulte handicapé ne parvient que trop rarement à un stade adulte de l'affectivité, c'est-à-dire où il est capable d'as­

sumer sa prise en charge et d'assurer une vie de couple autonome.

L'idée de mariage, au sens véritable du telllle, semble donc à écar­

ter. Par contre, on pourrait envisager sérieusement une autre tenta­

tive : celle de la vie en couple dans un foyer, une collectivité.

On pourrait alors voir s'épanouir une vie affective plus proche de celle du groupe social qui, soit relevé en passant, persiste à centrer essentiellement la socialisation et l'intégration sur le développement et le niveau de l'intelligence de l'individu.

Quand on envisage la possibilité pour les handicapés d'engendrer des enfants, on soulève de très graves problèmes, économiques certes, mais aussi affectifs. Si l'aspect matériel ne parait pas essentiel, une évolution de l'opinion se faisant déjà plus ou moins sentir, il n'en va pas de même sur le plan moral. Quel sera le sort d'enfants pro-

bablement débiles qui n'auront pas ·de "parents" au sens profond du mot et qui seront pris en charge par la collectivité? On évoquera peut-être le cas des enfants dits naturels, mais on sait du reste que leur sort n'est pas toujours facile. On trouvera probablement le moyen d'assurer la vie matérielle de tels êtres, mais le "supplément d'âme"

pour épanouir l'enfant parait encore bien problématique. Il semble qu'on le rencontre avant tout chez les êtres d'élite, donc rares, ou chez des êtres que la vie quotidienne a malmenés ou meurtris.

Faut-il donc envisager froidement de stériliser les handicapés mentaux?

Alors que l'adulte nollllal demande maintenant le droit de choisir ou non la procréation, pourrait-on envisager un tel choix pour les handi­

capés sans tomber dans l'utopie? Là encore on se heurte à des problè­

mes relativement simples sur le plan pratique mais combien dépendants de l'éthique personnelle et de celle du groupe social sur le plan hu­

main.

Ces quelques questions font comprendre la gravité du problème. Si elles ne contiennent pas une réponse claire et nette, il m'a néanmoins paru indispensable de les folllluler puisque le problème a de fortes chances de se poser d'une manière impérative avec l'augmentation de l'espéran­

ce de vie des handicapés.

Dans le Centre dans lequel j'ai travaillé, les grands vivaient à côté des petits (et non avec :) ; certaines poussées affectives "paternelles ou maternelles" trouvaient l'occasion de se manifester. Mais cela restait pourtant assez superficiel. Les fi lies adultes semblaient davantage rem­

plir le rôle de grande sœur qu'éprouver ce qu'on nomme instinct ma­

ternel.

En guise de conclusion, je rappelle que la situation actuelle impose une obligation impérative : intensifier toutes les mesures préparant véritablement les handicapés à la vie, c'est-à-dire leur offrant toutes les chances de se réaliser au maximum de leurs pouvoirs évolutifs.

11 n'est plus possible de concevoir leur existence comme une attente et de limiter les investissements éducatifs à la première période de la vie. C'est donc dans une observation intensive et dans des choix raisonnés généreusement que nous trouverons les solutions dont nous avons besoin.

(11)

LES FOYERS D'ACCU El L

Quand on constate combien un changement brutal d'habitudes pertur­

be un handicapé, il pareil raisonnable de préparer le passage du foyer parental au foyer d'accueil avant la disparition des parents.

J'ai pu constater qu'un séjour plus ou moins bref dans un foyer, à l'occasion de la maladie grave ou de l'hospitalisation d'un des parent.s était bénéfique pour le jeune adulte qui percevait cette absence du foyer de toujours comme des vacances. li est moins handicapé par le stage momentané (perçu comme provisoire mais où il est accueilli avec sympathie et amitié par des compagnons connus) que par l'atti­

tude nouvelle et peut-être difficile des parents face à la maladie.

Cette expérience positive aidera peut-être, le moment inéluctable venu, le passage ...

A fa limite, et tant que la famille peut faire face, l'idéal serait l'internat ou foyer de semaine, c'est-à-dire un milieu dans lequel le handicapé rencontre des compagnons et des adultes qui le comprennent et lui permettent d'assumer ses difficultés. Par rapport au Centre de travail, devraH se situer le foyer? Pour ceux qui peuvent se dé­

placer d'une manière autonome et responsable, il ne devrait pas être trop près de l'atelier; cette proximité dans l'espace représente un danger d'autarcie ou de vie en vase clos; elle prive automatiquement la personne handicapée des responsabilités et des prises de conscience impliquées dans son déplacement; elle empêche des échanges avec les autres qui ne sont ni ses compagnons de travai 1 ni 1 es collaborateurs responsables. Ce déplacement pourrait se réaliser à pied ou grâce aux moyens de transport en commun.

Toujours dans l'optique d'intégration, if serait souhaitable que les ou­

vriers d'un atelier soient répartis dans différents foyers pour éviter l'appauvrissement des échanges sociaux. Sans cela, on retrouve une cohabitation difficile à supporter à la longue : on rencontre l'année durant les mêmes personnes. Le retour en fin de semaine ou pendant des vacances courtes ne dépassant pas une à deux semaines dans la famille ou dons une famille d'accueil qualifiée, éviterait cette sorte de mise en bocal dangereuse pour l'épanouissement de l'être ou même de son équilibre affectif.

Le foyer d'accueil est non seulement bénéfique pour l'ouvrier mais

aussi pour sa propre famille qui peut, en son absence, mener une existence normale. On diminue ainsi le risque d'une polarisation de la vie familiale autour du handicapé et un rétrécissement des échan­

ges.

Un .dernier point mérite d'être relevé. Parmi les personnes s'occupant activement des handicapés, une certaine rivalité de conception de vie pour ceux-ci se manifeste. Faut-il préférer la vie en internat ou en externat pour les adultes et même pour les adultes ayant atteint quarante ans? On peut trouver des arguments valables en faveur des conceptions citées ci-dessus.

L'internat est un milieu protégeant et constamment éducatif, ce qui n'est pas toujours le cas dons la famille.

L'externat favorise les échanges sociaux et provoque une plus grande prise en charge personnelle, intensifiant l'autonomie.

Le choix entre les deux types de foyers dépend en fait du degré de développement et de liberté acquise. Ce choix est donc finalement fonction des pouvoirs initiaux (le niveau et les contre-indications irréversibles) et de la première éducation reçue.

La conception "externat" est liée à l'existence d'un milieu de type familial. Elle est donc surtout volable pour les adultes les plus jeu­

nes dont les parents réels ou moraux sont capables d'apporter la col­

laboration complémentaire.

La conception "internat" peut être réalisée sous forme de village au­

tonome, regroupant des familles avec un couple responsable. Quelle est fa meilleure solution? L'internat, avec ses tendances autarciques?

Le village autonome, ma<lgré tout ségrégatif? L'externat, peut-être plus accuei liant, plus souple ?

Quand on soit les difficultés d'accommodation au changement chez fa majorité des handicapés, analogues du reste à celles des adultes nor­

maux mais âgés, on mesure l'importance de ce choix.

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DEUXIEME PARTIE

INTEGRATION ECONOMIQUE

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L'INTEGRATION ECONOMIQUE

Je viens d'insister ci-dessus sur l'aspect social de l'intégration. Pré­

cisons maintenant les conditions essentielles de l'intégration économi­

que. Celle-ci est avanttout·ressentie comme un certain pouvoir de production qui appelle la notion de salaire. L'apparition de la pro­

ductivité est liée à la formation professionnel le ou en tous cas à la création d'habitudes, à la maitrise de gestes qui permettent un travail rémunérable. La production est, je le répète, un signe d'autonomie et non un but en soi.

Dans l'intégration économique, on ne peut négliger de prendre en considération la manière dont le handicapé se situe personnellement, affectivement parmi les autres. Il est souvent conscient, peut-être d'une manière confuse, de ses difficultés spécifiques; il se crispe alors et ne facilite pas, par là-même, les échanges avec autrui. Cette situation pénible pour chacun est atténuée lorsque le "futur ouvrier intégré" évolue dans un milieu protégeant. Celui-ci lui permet de mûrir affectivement, de se stabiliser dans Io mesure de ses moyens à condition qu'il accepte plus ou moins implicitement cette mise à part de la collectivité. Certains ressentent le fait qu'ils ne sont pas com­

me les autres. Quand ils parlent de leur travail, ce n'est pas le nom d'une usine 9u d'un industriel qu'il peuvent donner en référence, mois celui d'un atelier "protégé", tout comme, lorsqu'ils étaient en âge de scolarité, leur école était une "école spéciale", d'où réaction caractéristique dont ils ont l'habitude, mais qui fait mal. Toutefois, ce sentiment reste ambigu. Le jeune désire certes accéder à un état jugé avantageux, mais i 1 le craint aussi comme une nouveauté exi­

geant un effort. Par manque de dynamisme, il pressent ce milieu plus impitoyable à son handicap. Il se retire alors, faute de mieux, dans le circuit qu'il connait bien et qui lui assure une protection quasi familiale. Cette situation parait sans issue; elle découle de la notion même du handicap et de son irréversibilité fondamentale. Une compa­

raison fera comprendre la seule solution qui permettrait d'atteindre l'intégration :

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Le handicapé est comparable à un malade grave. Son traitement nécessite un séjour dans un hôpital où i 1 pourra recevoir les soins intensifs requis. Mais l'hôpital est un milieu relativement fermé.

Une fois la guérison atteinte, le rescapé bénéficie de rééducations progressives. 11 faudrait à un handicapé une médecine aussi efficace que celle du milieu hospitalier mais administrée dans son milieu naturel.

LA NOTION DE RENDEMENT DANS UN ATELIER POUR HANDICAPES

Je répète et précise mon optique à ce sujet parce que le concept de rendement est très important et ne doit provoquer aucune ambiguïté.

Il est la preuve d'un certain équilibre intérieur, affectif et social, preuve de l'adaptation et de l'acceptation des conditions de vie en groupe. Le rendement est l'amorce d'un type d'échange et d'une for­

me de socialisation qui pourra se concrétiser par le .salaire. La pro­

duction avec les ouvriers handicapés ne doit jamais viser à obtenir une augmentation des rendements qui serait sans cesse remise en cause en vue d'un accroissement des salaires. Le contrôle rigoureux du tra­

voi 1 est indispensable à mes yeux. 11 est un argument important pour envisager l'insertion sociale. Une mesure de la production, en quantité et en qualité, est un moyen d'objectiver la réalité. If faut le souli­

gner nettement : si, dans le monde économique, le but ultime de l'activité est la recherche de l'accroissement des rendements, nous accordons, nous, avant tout, une valeur thérapeutique aux activités proposées. Nous recherchons essentiellement les conditions matérielles et psychologiques qui permettent à l'ouvrier de travailler en se sen­

tant heureux. Le prix payé pour une telle production peut être un élément indicatif pour orienter la mise au travai 1 du jeune mais n'est en aucun cas déterminant. Nous préférons de beaucoup proposer une tâche bien adaptée et moins rémunératrice que telle autre qui provo­

quera des tensions nuisibles à l'acquisition de l'autonomie.

Le travail doit être débarrassé de son relent de forçage perpétuel, sous peine de devenir ce qu'on ne désire nullement qu'il soit : une source de détérioration psycho-sociale de l'ouvrier. Par ail leurs, 1 e rôle de centre thérapeutique de l'atelier doit éviter le travail occu-

pationnel, de style ergothérapie. Le handicapé doit sentir qu'il tra­

vaille pour produire quelque chose d'utile, mais ajusté à ses possibi­

lités humaines et techniques. Le travail doit permettre d'assumer 1° des responsabilités partielles,

2° la plus grande autonomie de la personne par des déplacements, 3° la possibilité de satisfaire certains désirs personnels par des achats

et surtout

4° de participer à une vie de groupe.

le handicapé part perdant à cause de l'intolérance grandissante des structures sociales actuelles à l'égard des personnes qui ne correspon­

dent pas à un profil "normal". If fait partie des minorités, tout comme les étrangers, les "vieux" du quatrième âge. Cette intolérance a re­

vêtu des formes diverses au cours des siècles. Au 17e et au 18e siè­

cle encore, l'attitude à l'égard des handicapés ne fait que reprendre les conceptions du Moyen Age. Comme les fous et les criminels, ils sont possédés du diable et sont à rejeter. Le ghetto peut revêtir bien des formes sur lesquelles il est inutile de s'arrêter ici,

Au début du 19e siècle, la notion d'arriération s'autonomise grâce aux premiers travaux scientifiques sans toutefois supprimer les attitu­

des sociales imprégnées avant tout de craintes viscérales. On voit appotaitre une ambivalence du type rejet-protection charitable dont nous ne sommes certes pas encore débarrassés. Plus tard, avec l'insti­

tution scolaire obi igatoire, la débi 1 ité, dont l'étiologie est fort mal connue, apparait essentiellement comme une incapacité scolaire mal distinguée de la maladie mentale.

Mais cette attitude dépend avant tout des conditions sociales et économiques du moment. On a connu des lieux et des époques où

"l'innocent du village" était accepté, voire même parfaitement inté­

gré dans Io collectivité, la communauté. Les différences ou les diffi­

cultés de comportement étaient atténuées : if n'y avait pas le pro­

blème du nombre : il était le seul et surtout le milieu de vie lui convenait beaucoup mieux que nos conditions de vie contemporaines;

de plus, il était connu, aimé. On lui confiait la garde des animaux, lui demandait de menues besognes qu'il réalisait fort bien. l'habitude étant prise. On le payait en nature et non en espèces parce que son travail n'appelait pas nécessairement une sanction financière

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comme dans nos sociétés techniciennes.

LA NOTION D'ETUDE DE POSTE

L'acceptation de l'idée de rendement - signe d'équilibre - est liée à l'organisation du travail, d'où l'impérieuse nécessité d'étudier de très près les conditions de réalisation de la tâche à accomplir.

La notion d'étude de poste doit être comprise dans une optique diffé­

rente de celle de l'industrie (accroissement de rendement égale aug­

mentation du bénéfice, égale but du travail). Elle vii;e à accommo­

der les conditions de réalisation d'une tâche au pouvoir momentané du handicapé. Si l'ouvrier normal trouve seul des positions, des solu­

tions, des "trucs" qui facilitent son travail, il faut les rechercher, les créer pour chaque handicapé. Plus même : i 1 faut vei lier à ce que sa maladresse, son incompréhension partielle du but recherché, ne l'amènent pas à déformer les gestes désirés. Cette mise au point et l'aménagement du poste répond de plus à une exigence particulière.

La fabrication d'un objet simple mais complet n'est guère possible avec un handicapé moyen. Dès qu'on espère une autonomie, même partielle, de l'activité pour réaliser une fabrication, il faut se souve­

nir que la compréhension et l'assimilation des gestes requis ne dépas­

sent pas la moyenne de cinq ou six opérations successives. D'où la nécessité de fragmenter de telles fabrications. Par ail leurs, cette di­

vision des tâches est une nécessité pour pouvoir attribuer à tous les ouvriers un travail, si minime soit-il. Notons encore, à propos de la notion de rendement, que la production réalisée est parfois ressentie, chez le handicapé, comme une identification à l'adulte responsable et une occasion de lui faire plaisir. Particulièrement fiers d'avoir rempli un bac de pièces élaborées de leurs mains, certains handicapés rechercheront, souvent par le truchement de leur fiche de notation de rendement, les félicitations qu'ils estiment mériter pour cet exploit;

cette attitude est le reflet de la pédagogie d'encouragement antérieure, certes, mais aussi le signe de manque partiel d'autonomie affective.

Dans l'insertion économique, ou voudrait faire admettre implicitement l'égalité quantitative des rendements entre handicapés d'un certain niveau et non handicapés. Cela parai'T en fait une utopie : on ne

peut pas supprimer sans autre les différences existant entre eux et les autres dans certains secteurs, dont celui du travail. La pratique est. plus raisonnable : on cherche à atteindre un certain seuil par rapport à la norme admise, ce qui para if plus honnête; on admet bien les différences de rendements entre deux ouvriers "normaux" à qui l'on confie le même travail. Intégrer suppose, pour ceux qui le souhaitent vraiment, ajuster à l'usine ou à défaut, ailleurs, une place et une part conforme aux besoins et aux pouvoirs plus fim ités des handicapés. Je mentionnerai puis discuterai les différences en partie inévitables parce que liées à la nature ou à l'état mental et compor­

temental des deux groupes d'ouvriers. Elles sont sources de difficultés analysables, mais i 1 reste les autres • . .

Enumérons quelques-unes de ces différences. Tout d'abord - le problème d'horaire,

- la compréhension des consignes de fabrication, - fa motivation,

- la polyvalence des aptitudes pour passer d'une fabrication à une autre,

- la nature et la qualité du travail avec la notion de fatigabilité, - l'influence du travail sur la mentalité et les pouvoirs de l'ouvrier.

Voici quelques remarques sur ces différents points.

L'horaire. L'organisation du travail dans un atelier suppose un horaire. Certains responsables sont fiers d'annoncer "le même horaire que dans l'industrie". Premier leurre : Tous les ouvriers d'un atelier (de mise au travail, de formation initiale, protégé, peu importe l'éti­

quette retenue comme correspondant le mieux à l'ensemble de sa population) ne peuvent assumer un horaire complet. Cela pour diffé­

rentes raisons :

a) éloignement du dom ici le de la famille ou du foyer d'accueil, b) horaire des transports en commun à l'ouverture ou à la fermeture

de l'atelier,

c) manque d'autonomie physique ou mentale dans les déplacements, d) manque de résistance physique ou nerveuse. Certains ouvriers sont

présents durant tout le temps d'ouverture de l'atelier; leurs rende­

ments, pour certains d'entre eux, ne dépassent pas 10 à 20% de ceux fournis en usine pour le même temps.

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La compréhension de la consigne de fabrication de la pièce, - même si celle-ci exige peu d'opérations-, et le contrôle de la production ne sont comparables que pour un faible contingent d'ouvriers handi­

capés (les meilleurs).

La motivation. L'ouvrier, dans l'industrie, envisage son travail comme un moy.en de se procurer un salaire, jugé nécessaire pour se réaliser et s'épanouir. Les tâches proposées ne l'intéressent pas vraiment : la prouesse technique, la valeur esthétique (que le potier ou l'ébéniste peuvent ressentir devant la pièce achevée} sont effacées par l'aspect parcellaire, répétitif de la fabrication réalisée à une cadence infer­

nale et par l'état d'esprit revendicatif que provoque l'organisation actuelle du travail. Le handicapé participe plus spontanément.

L'objet confectionné ne l'intéresse guère non plus mais il le ressent comme un symbole d'identification aux autres et un moyen d'échange avec son éducateur si celui-ci ne le bouscule ni ne le harcèle : le travail est pour l'un et pour l'autre un élément du dialogue recherché en commun.

La polyvalence des aptitudes (pour passer d'une fabrication à une autre). Là encore les différences sont souvent considérables, même si la tâche subit une division nécessaire pour donner du travail à tous, et tenir compte du niveau des aptitudes.

La nature et la quantité du travail. Sur ce point au moins, le donneur d'ouvrage et le responsable d'atelier ont la même optique. Le premier nommé craint une mauvaise exécution d'une tâche complexe et a, de plus, tendance à conserver à l'usine une fabrication bien payée, sauf en période de surcharge du carnet des commandes. Mais le second nommé sait qu'une fabrication difficile peut poser un problème aux handicapés qui se fatiguent plus vite, perdent assez facilement une partie de la consigne à exécuter et dont les rendements, par voie de conséquence, diminuent dangereusement. De toute façon, même pour une activité à leur portée, le temps d'assimilation pour parvenir à la réussite est plus long.

L'influence du travail sur l'état d'esprit et les pouvoirs de l'ouvrier.

Là encore, cette influence est différente d'un groupe à l'autre. A l'usine, que l'on aime telle fabrication (ou qu'on ne l'aime pas), il faut s'y soumettre et 1 e rendement exigé est le même dans les deux cas. La participation affective passe au second plan. Pour éviter de

trop longs développements, je schématise les attitudes à l'extrême.

Je m'en excuse. Je sais bien qu'on peut, malgré ce que je viens de dire, tenir compte de certaines préférences en fonction des comman­

des, par exemple, ou à cause de la diversité des travaux. On con­

fiera certaines fabrications aux ouvriers à cause de l'effort physique requis ou d'autres productions aux ouvrières. Elles conviennent mieux à leur motricité digitale plus fine ou à leur goût du travail répétitif permettant une évasion de l'esprit hors de l'usine. Je n'entre pas non plus dons des nuances se rapportant à l'étude des rendements : contrôles qualitatif ou quantitatif permettant de fixer les normes à imposer; octroi de primes de virtuosité dans certaines limites pour maintenir la production générale en harmonie avec les ordres de fa­

brication et les objectifs de l'usine. Elles sortent du cadre de mon sujet.

Par contre, l'affectivité ail niveau du travail, joue un rôle plus impor­

tant chez les handicapés. Ils ont des réactions plus spontanées, sou­

vent viscérales. La motivation peut devenir prépondérante avec eux.

On retrouve la notion essentielle dont j'ai déjà parlé : le travail du handicapé est soumis à des impératifs et des conditions qui relè­

vent plus de l'éducation, du dialogue entre deux êtres ou deux groupes que des contraintes tacites du monde du travai 1. Le dialogue n'est pas avant tout technique ou autoritaire comme à l'usine mais il est le fruit de la combinaison de la technique pour réussir la tâ­

che demandée, de l'autorité affective pour obtenir une bonne concen­

tration ou pour éviter la dispersion d'esprit, et surtout d'un appui moral constant. Un ouvrier handicapé travaille mieux quand il se sent soutenu, quand il comprend que sa participation et sa production comptent aux yeux de l'éducateur.

L'EDUCATION PERMANENTE

On pourrait résumer l'optique requise en disant que le travail du handicapé se déroule sous le signe de la double éducation permanen­

k: celle de l'éducateur, pour qu'il ne fige pas son attitude en stéréotypes mais reste sans cesse disponible devant les situations nou­

velles et celle de l'ouvrier, pour qu'il ne subisse pas son handicap et ne se laisse pas déprimer par un travail se déroulant dans des

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