Lll M
SUR LES TROUBLES
DE SAINT-DOMINGUE,
f D'Angers
, le ji octobreAÛ PATRIOTE FRANÇOIS.
i Monsieur?
Quoique malade,
etpouvant a peine tenirla plume';jenepuisvoirensilencelesnouvelles qui serépandentsur Saint-Domingue,
mon
paysnatal.Témoin
déjàdetantde faux bruitssemés parlepartidespotique decepays,qui a su sert faireua
siconsidérable sur cette terreoù
jem'étoisbonnement
persuadéque
l'on avoir banni toutcequi pouvoir blesser lèsdroitsde l'humanité,pour
en faire l'asylepur ersacré, jeme
suishabitué, sansy
songer, à recourir àun
cep- ticismeque
les Barnave, lesLameth
, lesMalouet
, lesMaury
,lesBlin,lesGouy
et lesMoreau,
ditSâint-Méry
,
ont suinspirer à 'l'hommeréfléchi. C'est à ce sentiment
que
jedois lesrél&ions
dontje vaisvousfaire part, et- qui, venantd'un "propriétairede lacolonie,qui fortement intéresséà ensuivreavecattention tous lesévénemens,
en ayantlui-même
détourné detrès-funestes, aquelquedroità
lacoofîancepublique,surun
articled'oùdépend
presque toutesa fortune.A J
U)
Lorsqu'il estquestion d'éclairertout
un
empiresurU*
febjet aussi intéressantqu'une desesplus importantes pro- vinces, et surtîfsfaits sur ^lesquels lanation entière doîc tournertous cesregards,Je
bon
citoyen doit écarter de sa penséecette crainte, plussouventaffecéé, de lamo-
destie qui ne permet pas de parlerde soiavec avantage;
animé
duseulamour du
bien, ilpeut indifféremmentciter desfatsauxquelsiia eu part, sur-tout lorsquelesvérités qu'il a à exposer ne tendent à lui attirer ni louanges, ni récompenses. Je l'aiprouvé en ne faisant pas usagede mes
droits à ces dernières,parletemps etlesfaitsdemes
servicès,attestéspair tous lesgouverneursdelà
coloniej souslesordres desquelsj'ai servi, et dontil estplusieurs en France, telsque MM.
deRaynaud
, de Lalancour,de.Peynitr{ tous les colonsqui sontà Paris,tels
même que
MM.
Lavlt,Mortau
, ditSaint-Mey
,Blinyetc.ontpleine connoissance detout,ou
d'une grandepartiedeceque
je Vais dire',etsurquoijenecrainspointderencontrerunseul contradicteur,même
parmimes
envieux de la colonie.Jeparlerai
donc
deceque
j'ai fait, parceque
le genre demes
servicesestnécessairementliéaux
faitsquitroublent lacolonie encemoment
, etque
leshommes
de couleur libres , seuls,comme
l'on verra, peuvent faire cesser^
s'ilssonttraités et
commandés comme
deshommes
, etdeshommes
essentiels et bons citoyens doivent1être. Parce moyen
,ils eussent aussi prévenu,.£9^
bien desannées, les désastres dont la colonie estmenacée
, puisqu'il lui fautdes esclaves.Jeseraipeut-être
un
peu long;maispour unetelle cause,' il faut êtreclair, et la vérité,malheureusement p
à b»-1
(3 )
sainencore
de
s'appuyersurdes exemplespour
persuader leshommes.
Au
surplus,quellessontlesnouvelles arrivéesdeSaint*Domingne
, detant de manièresdifférentes, et en sipeu
de temps!On
avu
qu'elles onttoujours été exagéréesou
tronquées, selonles vuesdu
particolonial dontlefoyer itoit dans le comité de l'assemblée constituante, chargé«l'en connoître5
on
avu
lesénormes
dépensesdes colonspour
gagner une partiede la première législature;on
atu
la versatilité desdemandes
de la fameuse assemblée«îe
5^ni-^
arc» °Iui naP u se^habiliter qu'enflattantet qu'en semblant%fM>^
,e Partibarna™
;on
avu que
le particolonialet lé parti
mi :^
tielélokxxn*Y™»y
l™
reçu de tout le public;
on
avu
,d'unep^V
laIenteur><™
plutôt le criminel silence
du
ministre, lorsqu'ilJ
fairepartir les commissaires pour le déciet du ij
mai ^
etdel'autre sonextrême précipitation pourlesexpédier, lorsqu'il a falluannoncer[la révocation de ce décretqui sàuvoitl'île, s'il eut été accueilli dans la coloniej on àvu
encore l'empressement deceministre àfairepartirdeux
bataillons sur des oui-dires,pour unlieuquiestdevenu
tout ministériel, etque
l'onpeut justement soupçonner decher- cher à se fortifier, pourêtreen état derejeteruhdécret dont il ignoroitlasuppression;on
à vu la crainte et les,manœuvres
des ministériels pour écarter de la seconde législaturelesBrissot, lesClavière et lesFaucher", pour- suivisjusques dansl'assembléemême
; on avu
legrossier stratagèmedu commerce
pour seconderlepartibarnâvien;on
a vul'exagérationdégoûtante durapportde l'armateurdu
Triton,sur lenombre
des nègres tués dans la sortie desblancs contre euxjon
avu
enfin, pour abréger\quV
A*
(4)
h
lettre de lamunicipalitédu
cap, arrivée àNantes
\&27
du courant, réduisoitcenombre
àlacentième partie^Eh
bien! avecun
peu de tempson
apjjxendfa-^e ut-être qu'ilfaut encore réduire cettecentième partie.Mais
en supposant qu'il fàt vrai qu'ily
aiteu
eent nègres tués parles blancs, je n'y verrois rien quiannonçâtune
cons*piraticn générale, mais seulement
une
suitedu
projet, plusieurs foisformé
par quelques nègres déterminés, de- puis plus de quatre-vingt* ans, de secouer le joug de l'esclavage, etdes'isolerdanslesbois.C'est ceque
jevais démontrerpar l'historique suivant desmaronnages
desnègres, depuiscetteépoque
,sousdes chefset pa«*«ks bandes sou*misesà à unesorte dediscipline.
Je
commencerai
par citerPolydor, nègre intrépide et entreprenantquisen1703
, seforma une bande
denègresmarons
, avec laquelle il attaquoit et massacroitimpu- nément
les blancs jusques dans leursmaisons,
portant l'audaceet lecrime jusqu'à leurenlever leursfilleset leursfemmes. On marcha
envain contrelui,on
ne put jamais lejoindre.Ce
neAit qu'après septansdes plus cruels excès, qu'ayantcommis un
actede violenceenversun
desabande,
ilenfut assassiné.
Trois ansaprès il fut succédé par
un
autrenègrenon moins
barbare,courageux
et plusfin,nommé
ChotolatiH
eut bientôtformé
sabande
,etilse mit àcommettra
les
mêmes
atrocités;pIus>droitetplushardique
Polydor,il leseutpousséesbien plus loins'ilnesefûtnoyé
entraversant la rivière àLimonade
, après avoir inquiété et pillé les blancspendantprèsdedouze
ans.Diverses circonstancesayant conduitplusde blancsdans
la colonie, les
campagnes
s'étant établies, cemoyen ds
t 5
)
#arut plus praticableaux esclavesentreprenans pour exé*
cuter leur projet.
Un
nègre,nommé
FrançoisMancandal, homme prefcnJément méchant
et habile àopter
leses- pritsdesessemblables,s'enempara au
pointqu'ilsportèrentpour
lui lerespect, laconfiance et la vénérationjusqu'au plus grandfanatisme;ilscroyoientfermement que Man-
candal étoitenvoyé
tout exprèsdu ciel pourdélivrer tous lesesclavesdeleurjoug, etque,dussent-ilsmême
mourirpour
lui,ils neferoientque
retourner dansleur patrie,au
sein de leur famille, recevoirla récompensedue
à leurcourageux
dévouement.Quand Mancandal
crut êtrebien assuré de l'espritde tous les esclaves, il recourut àun moyen
d'autant plus perfideetplus sûr,qu'il étoitplus difS<«îledes'engarantir.il
employa
,aulieudefer,lepoison,qui
m
lais.sokaucunetracedelamain
qui lavoir préparé.Dès
174$.,H
fîtdesravageseffroyablesdansles villes etdanslescampagnes
:lesblancsnemangeoient
plusqu'en tramblanr.Heureusement* pour la coloniea
Mancandal
fut trahi parune
négresse créole qui aimo
icson maître, erqu'onavoit chargée del'empoisonner.Ce
conspirateurinfâme fut pris etbrûlé;desmilliers de nègres périrentdanslescachots etlesbûchera,et lacolonie fut préservéepour cettefois.L'espoir des esclavesne se perditpoint; inspirés par
un
ebefplus finque
touslesautres, puisqu'il n'a jamaisété découvert, et qu'il avoir su donnerlemot
d'ordre à tous les esclaves,enmoins
d'unmois ils formèrent le dessein horriblede massacrer tousles blancs, à l'instantdel'élé*vatîonde
la messe de minuit.Une
jeune mulâtresse,qui aimoit encore son maître, eneûtconnoissanceet l'en pré-*vint
, ce qui sauva encorelesblancs cetrefois.
Ces
giandej entreprises paraissant àh
plusgrandepartît(6
)tropdifficilesà exécuter
comme
ilfaut, les plusdéterminésne
:songèrenrplusqu'aumarronnage
, dontlesmontagnes
inaccessiblesdelacolonie leur ofFioientdes ressources assu- rées,ïlenpartitun
grandnombre
danslapartiede loues?etdu
sud, qui infestèrent bientôtlesmontagnes
desGrands- BoisetdeN'eyba, d'oùilsravageoient égalementleshabitar tions françoises,et leshattes espagnoles.Lesdeux gouverne-mens
seconcertèrent et firentbientôtmarcher
des troupes de îig^e et demilice contre ces brigands; maisellesne
purent jamais lesdécouvrir., nepouvant
pasmême
péné- trer sur cesmontagnes
trop escarpées et trop éloignéespour
pouvoir yporter desmunitions debouche
etde guerre, etoù on
marchoit des jours entiers sanspouvoir trouverune
goutte d'eau pour se désaltérer. Lesdétachemens
es- pagnols, à qui il fautmoins
de provisions, arrivèrent, jusqu'au pieddeNeyba
; mais des rocherspréparés et sus- pendus furentlancés sur eux, et tuèrentou
blessèrentun
grandnombre d'hommes. On
renonça des deux côtésà
des poursuites démontréesinutiles, et l'on traitaavec cas nègres, qui,s'étantdéclaréslibres,sonttributaire^
l'état, sous condition de ne plus souffrir denouveaux
marroasparmi
eux. Cette clause du traité exactement observée, forçalesnouveaux marrons
àse jetter danslesmontagnes du
Port-de-paix,du Borgne,dePlaisance,du
grosMorne
,
du Dondon
, delaGrande-rivière, deVaslièrç,deLim©- nade
etdu Dauphin
, d'où ils se réunissoient par déta-chemens
avecd'autres redtésdanslesmontagnes
espagnoles deLaxavon
, pourallerchaser les bé\es d«iis leshattes,pour
venir échanger laviande avec les nègres des habi- tations , contre des vivres dfu pays, et contre du plowl*gc de la
poudre
t .
(7)
les
chosesenéto'ent à ce point, lorsque,sous le pre- mier intérim deM.
deRainaud
, les bandes des nègres marrons,devenuesconsidérables,osèrent enlever ouverte-, iK;nt des vivres dans leshabitations des frontières. Les milices necessaient de faire des détachemens contre lesmarrons,
mais toujours sans succès.Une
des principales bandes,commandée
par le nègre Toussaint.,setrouvoit cantonnée dans lamontagne Noire,
dépendante demon
quartier/Plusieurs de
mes
nègress'yétoient retires,Quoi.»que
trè;,jeune,j'obtins,comme
officierdeM. deRaynaud
run
ordrede chassecontre cettebande.Elle étoitcomposée
de prèsdecent nègres. Jepris avecmoi
soixante mulâtres, fciencomposés
, etJeme
portaiau lieude leur retraireBque
j'avoissu découvrir.Us
firent une vigoureuserésis- tance; maisleurchef ayantété tué,ainsique
sesprinci-paux
soutiens,une
grande partie blessés, le restevoyanc fendre sur eux les intrépidesmulâtres iesabreà.lamain
, prirentlafuite>on
enprit quatorze à la course,etneuf qui étoient restéssurlechamp
de bataille, aveclechef etsixautres tués; septmulâtresfurent blessés; maisaucun ne
périt.Le
bruitcourueau capque
j'avoistuédeuxcents nègres et prisplusdecent.Ce
succès dissipaentièrementcettebande,etfîtrentrertous, lesmarrons chezleursmakres.Mais
lesautresbandesn'en continuèrent pasmoins
leurs ravagesdanslesautresquai- tiers, jusqu'en1774,
parceque
les petites vues de pré- séance ne permettoient pas dem'y
envoyer à lageoù
j'étois, n'étant
que
lieutenant,comme commandant un
détachement dansdes quartiersqui n'étoient paslesmiens.Les
nègres ne Tignoroientpas:ils'en formatroisbandes considérables dansles quartiersDauphin
,des Ecrévisses(8)
et de Vallière; quî portèrent l'audace au point de faire justementcraindreunerévolteouverteetgéne'rale.
Le
gou-vernement
recourut à sonmoyen
bannal de mettre la tête des chefs à prix. II réussit à l'égard de labande commandée
parNoël
Barochen, qui avoitosécamper as bord
des habitations; il fut trahi par des siens, ettué par un ancien soldatapposté à ceteffet.La
bandese re- jéttadanscelle deBœuf,
et sur-tontdeCanga
,quigros- sissoitchaque jour, et qui passoit déjà pouravoir plusde
quinze cents nègres.Ces
deux bandesdevinrentplus,achar- nées depuislamort
deNoël,
et exercèrent publiquement desactes de violence,àmain armée
, sur leshabitations.'M/d'Ennery
,quigouvernoitalors lacolcmc
,mitsurpied?touteslesmilices
du
lieu, fitfairecontinuellementdespa- trouilles et des chasses.Mais
tandis qu'on cherchoit le?nègres d'un côté,ils piHoient les habitations d'un
auwe;
plusieursdétachemens étoiegt
tombés
dans4eurs4piégesec s'étoient estropiés.
La
choseparutdevenirplus sérieusequ e jamais:cetoit lesujetdetouteslesconversationsdu pays,
ettoutlemonde
étoitdanslapersuasion, etdefait,qu'ily
avoir, plusdedix millenègres dans ces
deux
bandesseules, Dieusaitcomme
les faitséioientexagéréssurleslieuxmêmesi M.
Fontenel.'e,commandant
d'artillerieau
cap, ayant sesbiensdanslemême
quartierquemoi
,et seressouvenant decequemon
détachement aveit fait contre Toussaint, en fie le récit àM.
d'Ennery, etluiconseilladeformer,un
corps de mulâtres chasseurs àmon
choix, etdem'en,nommer
lecommandant
, l'assurant qu'avantdeux mois
je purgerois le pays d,e ces scé'érats. Le général adppta ce conseil, et
m'envoya
unecommission
pour formes;ce corps.
En
troisjoursj'avoislescent vingt-six mulâtre^(9 )
thasseurs, et six officiers blancs
pour me
seconder. J'caj bientôt découvertoù
se tenoit Jabande
deCanga
j j'al- lail'yattaquer. Il m'opposa une courageuse défense, àla têtede trois cents nègres qui formoint son armée. Ilne blessaque
troischasseurs, dont unseul mourut.Il eue dix-neuf nègres tués,huit blesséset pris surlechamp
de bataille, et vingt troisà la course par les mulâtres intrépides.Canga
reçutune
balle à la tête; maisfortetingambe,
ilsutnous
échapper,etse traîna jusquesdansune
habitation d'unmulâtre,dontlesdeux enfansleprirenr.Le
reste delabandefut dissipé; quatre-vingtetquelques serendirent blesséschezleurs maîtres.Je
me
misaussi-tôt àlapoursuite delabande
deBœuf,
dontj'avoisdécouvert aussi la retraite.Il en futaverti.' Saisi de terreur, ilabandonna
sabande
, qui se rendit dansles habitations d'où elle sortoit. Je pris, enm'en
retournant dansmon
quartier,beaucoup
denègresquelapeur
avoir dissipés dans les bois, et je laissai toute la partieDauphin
sansun marron
; je dissipaiou
pris tous ceux qui s'étoient réfugiés dans leshautesmontagnes
es- gnoles.De
là jeme
portaidans cellesdu Don
et dela partieespagnolequi l'avoisine, et j'en dissipai lesmarrons, dontje pris une trentaine. Surlebruit demes
succèset demon
approche, lesnègres des autres quartiers rentrèrent chezleursmaîtres, et le calmese rétablit par-tout.Ilest.bon
d'observeren passant,que
demes
sixofficiers,ua
seul,
M.
leTellier,putsoutenirunepartiedemes
courses;deux
ensontmortsj maisc'étoit unjeupourles mulâtres."Je n'oubliera pas d'observer aussi que malgré toutce
que
je pusdirepour
attesterlavérité, ilestresté dans la croyance publique dela colonie,que
j'ayois tué plusd»
As
cinqcents nègres, et dissipé plusdedix mille;
que
j'aveis eu cinquante chaleurs detuésdanslesdiverses actions5que
j'avoisété blessé, etc, etc.
Aprèsla
mort
deM.
d'Ennery, jepartispourlanouvelle Angleterre.Sixmoisaprès,lesnègresrecommencèrent
d'al- lermaronner
parbandes, etcesbandesseformoientdéjà dans plusieurs quartiers.Le
corps des chasseurs étoit rentré danslenéant, aveclesouvenirdesesservices.On
enavoitformé
deuxcompagnies
de lamilicedu
quartier5 on les fitmarcher,
sous les ordresdeleurscapisaines, contrelesmarrons
;maislorsqu'ilsvouloientgravirlesmontagnes où
ilspensoient rencontrerlesnègres, leurscapitaines,à
demi
morts de fatigue, s'yrefusoient.•
La bande
laplusconsidérable seforma
sousla directiondu nommé
François,nègretrès-intelligent,etcapableéga- lement par soncourage,des plus grandes entreprises.
Sa bande
assassina, par ses ordres, plusieursblancs françois et espagnols,et pilloient les habitations ec les hattes.Revenu démon voyage,
lavoixpublique, en1789
,m'ap- peloithautementàmon
premier emploi; maisdevenu
pèrede
famille, jene servoisplusque comme
simplemilicien dansmon
quartier, et ne songeois plus à reprendreun
serviceopposéalors peut-être àmon
âge.Le
public s'adressa àM.
Vincent,commandant du
cap,pour
obtenirdeM.Chis-
seau !erétablissementdu
corps deschasseurs, sousmon commandement. Le gouvernement
espagnol s'étoit joint à cettedemande
des habitans françois.M.
Vincentm'en
fitla proposition; maisje consentis seulementà dissiper les attroupemensdes nègres, ne pouvantplus
abandonner
mes
Iiens pour suivre ce service trop assujettissant.Le
général, surma demande
»me
fit«xpédierdes ordresde(
m >
chasse, et lepouvoir de prendre avee
moi
, pourlesexk
cuter, tel
nombre
de mulâtres que je le jugeroisàpropos-En moins
detroismois
j'avois^ prisplusde cinquantenègres, tuéunevingtaine,le chefdu nombre,
et dissipé tousles attroupeniens,sanslesecoursd'aucunbl >nc, n'entrouvant pasun
seul qui voulût hasarder dem'accompagner
dans ces doubles montagnes, à travers mille dangers,sans par- ler de ceuxdu
climat,au
milieu des pluiesde l'été.J'en reçusdebelleslettresdugouvernement
etdu commandant
,
comme
à l'ordinaire; et, l'ordre rétabli par-tout, jem«
retiraitranquillementà
mes
affaires, ettoutfinitparlà.Le
bruitcourut encore,danstoutelacolonie,quej'avois prisou
tué plusde deuxmille nègres; quedis-je?aucapWme
,à huit lieues de l'endroit,on
disoit affirmative-ment que
j'en avoisprisou
tué plus de dix mille.Té- moin
de cette excessive exagération, jepuisdonc
, sans trop hasarder, réduire lescent nègres tués danslasortie des blancsdu Cap
à une dixaine, la révolte à quelques attroupemens,connoissaatl'espritcolonial actuel,quin'est pas porté à diminuerle rapport detels faits.En 1790
, étantdéputé del'assembléedu Nord,
le bruit se répandit tout-à-coupqu'ily
avoitdanslemorne du Cap un
attroupementconsidérable de nègres, bien pourvusde
fusils,canons, etc. qui formoit le
noyau
d'un soulève-ment
général de nègres de la colonie.Jefus chargéd'en prendredesinformations.Mes
recherchesm'apprirent qu'ily
avoit une trentaine de nègres marrons de cemorne
,armés
,lesuns de manchettes,lesautres deserpes,et j'en rendiscompte
à l'assemblée; la bruit subsistoit, jene
pus persuader. L'assembléeme témoigna
le désirque
je( I»)
fisse
une
chasse contre ces nègres. Je aedemandai que
éinquante mulâtres5maison
vouloitdéployerplusdeforce*On me donna
,ma'grécoûtesmes
représentations!, sixcentshommes
de troupes,tant de ligneque
patriotiques,pour
faire cette chasse.Ce
rassemblementconsidérable fit tant d'éclat,occasionnatant d'apprêts,que
lesnègresenfurentimrormés
et décampèrent. Je lesus, etj'enprévîntl'as- semblée, en l'engageantà contremander le détachement.Mais
danslesvues,disoit-elle,assezimpolitiquement,d'en imposer auxesclaves,elleexposalesblancs,quimarchoient à
l'envi,à serendre defatigueàmoitiéroute, erlesmu-
lâtresà faire
une
corvée excessive sanssujet.Jelescondui- sisdanslescasesdes marrons,quivenoientrécemment de
lesabandonner.
De
retourdecettefameuse expédition,j'ap- prisque
cette trentainede nègress'étoienrretirésauprèsde
centautresdanslesmontagnes
duBorgne
,du
Port-de-paix etdu
grosMorne
:je m'offrisà lesy
allerattaquer, à la têtedecentmulâtres;l'assemblée s'y refusa.Ce
n'estque
depuisledésarmement
deshommes
de couleurlibres,que
j'ai supénétrer les vraismotifsdecerefus.
Ne
seroit-il pas possibleque
les nègres eussentformé de
nouvelles bandes demarrons
,etque
cequ'onqualifieà
desseind'un soulèvementgénéral, poureffrayer l'assem- blée, ne fûtqu'un de ces incidens dontje viensdepar- ler,et grossi, selonlacoutume
de touttemps dece lieu, etles vues de l'espric colonial? Car,lescolonsn'ont rien oublié pour faire paroîtrele décretdu
15demai
,comme
enviroenné de tousles dangers poureux.
Mais comment
pourroient-ils attribuer cette révolte desnègresà ce décret,
$ui seul pouvoitlaprévenir\C'esten supposant qu'il
y
( n )
âvoit desblancs etdes mulâtres à la tête desnègres ré*
oltés.
Mais comment
çoncilieroient- ils•cette nouvelle avec cettelettreque
j'ai reçuedu Cap
3en datedu 28
juillet,
où
je trouve cet article? » Soyez sûrquesinous
disionsun mot
,nosesclaves,indignés de l'audace deshommes
de couleurlibresdevouloir s'égaleraux
blancs^ les massacreroient impitoyablement. Ilsnecessentdenous
endemander
la liberté5 mais les sang-milésétant tran- quilles,nousnous
gardons bien de permettreànosesclaves,une
telle action, etqui, en leurmettant les armesàla,main
, finiroit par les leurs faire tourner- contrenous- mêmes
ce.Il se pourroit cependant
que
les esclaves,toujoursen-, clins à la révolte,voyant
les injustices exercéescontre les libres, et voyant désarmerles seulshommes
qu'ils craignissent,etqiii fussent enétat delespoursuivre dans lesmontagnes
escarpéesoù
ilssç tiennentdansleursmar-
ronnages,sûrsdu
ressentimentetdel'impuissancedeleurs, antagonistes , voulussent en profiter, pour secouerlejoug comme
,ilsl'ontdéjà tantdefois tenté. Mais, en ce ças,à qui enseroit lafaute fCe
seroitle fruitd'unbar»r bareet soc préjugé.Mais
pourarrêterlemal
, cescolons orgueilleux qui,foulant leurssauveurs sous* leurspiedssqui arrêtent les navirespouravoir des
hommes peur
les défendre,qui endemandent
àgrandscrisàlamère-patrie,
qu'ils raenaçoient d'abandonner dans leur prospérité-illu- soire,
ou
plutôt,dansleursfollesprétentions,remettront-.ils les armes àla
main
de ceux qu'ilsont avilis etmé-
prisés.
, pour leur confesser leurimpéritie,etles appelés;,
\
les défendre contre leurs esclaves, qu'ilsavoient sen'îfc(
H )
tontenus si
long-temps?
et ceshommes
dégrâdés par Î4 sottise et la vanité , que répondront-ils?.... Oh.! je les,connois; sans réfléchir, oubliant touteslesinfamies exer- cées, sur eux, ils reprendrontleurs armes,pour prouver
eux
colons, dans leur plus grande détresse,combien
ils, lesont peuconnus.Mais
lescolons voudront-ils recourir àçux
,etun
dernier effet deleur pusillanimiténeseroit-t-il pasdelesdédaigner encore?Alors,hélas!jenepuisl,etaire,|acolonie estperdue sans ressource,danslecasd'unsou- lèvement général,ainsi quejel'ai déjà prouvéailleurs.
Je n'ajouterai aucune autre réflexion
aux
faitsque je viens d'exposerj si vous les jugez dignes de passerau
public, soiren toutou
enpartie,illes ferade lui-même:je désirese.lement
que
l'assemblée n'ysoitpas indifférente;lesalutdçlaplus riche des colonies en dépend.
Mais
,dans touslescas, je croisqu'elle teroitbiendenerien précipiter« detellesnouvelles doiventêtreabsolumentofficielles.On
nç doit pas perdre de vuece quela lettredela municipalitédu Cap
rapportey et quirabat déjàquatre-vingt-dix-neuf centièmes de la nouvelle du Triton. Elle ajoute qu'ea poursuivoit les autres nègres vigoureusement.11^est très*certain
que
si lesnègres ctoient généralement eninsur^rection,ilseroit impossible de les poursuivre,eût-ondix mille
hommes
de troupes de ligne; tandisqu'onles cher<- cheroitdansun
quartier,pu
l'on aura mis plus d'une semaine à se rendre, lesautres seraient ravagés et,enmoins
de vingt -quatre heures, il seroit impossibleaux
blancs qui échapperpient à la,fureur des. insurgeasdansks
habitations, delesallerattaqueroù
ils se retranche-;*9V.nt, et
o4
l'on ne po.wrrqic Doçter ni mBnitiqns4e
'(
iT
)guerre,nî provisions
débouche.
Je laisse àvotresagesse à mesurerl'étenduedecette cruelle,mais grandeactivité»J'ail'honneur d'être avec unsincèreetfraternel attache-,
pent, Monsieur
, .Yotre très-afTectionné serviteur,
Muscent,
créole.P. S.
Etant
malade-, jen'aipu
finirma
lettrequ'hie*au soir;et cematin,
on me
remetlesnouvellesJeParis :Je lis lerapportaffligeant
du
Patriote François sur lesfu- nestes troubles dema
patrie,du
lieuoù
j'ailaissépresque toutema
fortune, etunemère
tendreet chérie.Aprèsles larmesdone je n'aipu
retenirlejuste tribut,je réfléchis-, etmon
effroidiminueaussi-tôt.Que
sont-cedesnouvelles venues par unnavire étranger VAyons
assezdesang-froid pour nous bien persuaderque
si la colonie se trouvoi*dans
une
situation aussi urgente, elle enverroit expres- sément,non
pas unaviso,maisdixpourl'annoncer offi- ciellement à sa mère-patrie, dont elle implore les se- cours.Ge
ne sera qu'à ceux qui ne connoissent pas le pays que l'on pourra persuader,que Ço
mille nègreé se soientrassemblés dansune
plainequin'en peut nourrie dix mille; 2..que
lesnègresrassemblés ensigrandnombre
.©'eussent pas de suite ernporté toutes les villesde l'île ,
s'ils se.fussent procuré descanons;3 .qu'ilsaienttrouvé des canonseîdes munitions
de
guerre ensipeu
de temps,puisque la lettre de lamunicipalité
4» Cap
ne parloiçque
d'une poignéed'esclaves,que
lesblancspoursuivoienesi vigoureusement quelques joursauparavant;
4
.que.les,tiègres,
non
expérimentés,ayant su se retrancher sivît*4açs. une plaine
où
ils peuvent çcçe attaqués.4e t©»te&f
II— W
'( yu
partsj5°. qu'ilssachent
même
faireusagedu
canon, sans1 des Artilleurs instruits;6
Ç.qu'onn'a'tque
i500 hommes
à leuropposer; ce seroitcompter
pour rien les troupes patriotiques du pays, ainsique
leshommes
de couleur.Mais
qui nous dira sitout celan'est pasun
jeudu
parti colonial,pouravoir des troupespour mieux
exécuter son dessein lQu'on
n'oublie pas !aprompte
expédition desdeux
bataillonsde troupes deligne,aulieudevolontaires,que
leministre, simomentané
danssa vigilance, vien*d'ordonner. Jedirai
donç
,avecM.
Brissot,ne nouspres- sons pas de nous alarmer et de tout croire; et s'il faut croire absolument, croyonsque
leministresibieninten- tionnén'enverroitpasque deux
bataillons pour secourir«ne
colonie qui auroit à souffrir l'attaque de plusde94
mille nègres enétatdeporterlesarmçs.Le
soindel'assern-*blée de lacolonieàposer
un embargo pour
nousintet>cepter route connoissançe de ce qui s'y passe,
au
lieude
nous en instruire officiellement par dix goélettesqui ne
la priveroit pas debeaucoup
de soldats ; ce soin, dis-je,nous recommande
assez d'êtreen garde contrelesmanoeuvres du
particolonial.[Faits
importuns qu'on ne saurait trop sauvent
re--présenter au public
etaux
législateurs, etqu'il'faut bien poser
avajitdç résoudre
lesproblèmes*
qui
lessuivent.L'assemblée
générale deSaint-Domingue nes'estcons.- Çitueetdlequ'àla majorité de67
voixcontre 46.ïl est
démentie que
les trois cinquièmes seulementj|p( 17)
te colonie sont contrele décret
du
ï$mai
; il cltâon%
prouvéqu'il
y
adansl'îledeuxpartisdistinctement prononcés,}Le
Triton, sortantdeLéogane,
devantdébouquer con*
séquemment
par les îlesTurques
,ou
par ledébouque-
toient anglois, rencontre cependant, surlescôtesdeSaint-
Domingue
, une goélette expédiéedu Cap,
laquelle lai apprend qu'elleestporteuse d'ordresdeM.
Blanchelandeàpour
allerposer l'embargo sur touslesnavires des portsdé
la colonie. Cette goélette faitau
Triton le récit d'une frêvolte des nègres deLimonade
, l'Accul, le
Limbé
et leBorgne
; elle ditque
lesblancsavoienr déjàfaitunesortie contre les rébelles,dont ils avoienc tuédix milles qu'ort se préparoità une seconde sortie, etc.Un
navire arrivé àNantes
le27
d'octobre, venantdâ Cap même
,neportantaucun
détail particulier,mais seu- lemeatune
lettre de lamunicipalitéde
cetteville,
quï
réduit le rapportdu
Triton à lacentième partie.Peu
dejours après,une
frégate angloisesetrouve por^teuse de lettres qui font
monter
lerassemblement des esclaves révoltés à cinquante mille, bien retranchésdans la plainedu Cap,
àdeux
lieuesde
cette ville,ayant à.leur dispositioncanons,poudre,etc:
lorsqu'il s'agissoit d'employer les
moyens
les plus sévèrespour
prévenir les funesteseffets ,de ladivisionde.s esprits dansleur principemême
,on
ne"put obtenirdu
ministre, pétrifié parle parti colonial, de faire partir ; non-seulement les gardes nationaux qui s'y offrbient si généreusement,mais,pasmême
lescommissaires de paixdont
la partie «aine de l'assemblée constituante avoit décrété l'envoi. Cette criminelle inexactitudedu
ministrefat ignorée de l'assembléependanttroismois!S
( i8 )
'Âus«î-tôt
que
lebruit delaséditionde Saint-Domïnguer S'estrépandu, cemême
miniscre,quin'en est pointprérvenu
officiellement,et qui n'en a ni décret ni ordre, s'est empressé de faire partirdeux
bataillonsde
troupesde lignes , qui sans doute lui sont bien connus, et dontM.
Bianchelande n'aura pas à se plaindre.Lorsqu'on apprit la révolution de làFrance àSaint-
Domingue
,et qu'on vouluty
propagerlesheureux
prin*cipes, la crainte
du
pouvoir exécutifdu
pays, o,ueVoù.connoissoit parfaitement,fît imaginer
un
stratagèmesin- gulier pour donnerun
motif apparentàune
prise d'ar-mes
spontanée etgénérale\ce futde répandre subitement, dans la villedu Cap
le bruit d'une invasion prochainede
plus deao
millet nègresarmés
, qui venoientpour
enlever la ville,et là livrer au carnage etàupillage.On
joua lé
mieux du
inondécettecomédie
:ilétoitdixheuresdu
soirj l'obscurité seconda merveilleusementce projetéChacun
courutaux
aimesjon
s'assembla surla placeen moins
d'unqûart-d'heure.Le
peuple étoitde bonne-foij la peurle rendit actif:iln'y avoit
que peu
de personnes' dansle mystère. Enfin, ce fut de cemornerK que
lepeuple s'empara
du
pouvoir, etque
l'exécutif fut obligé"d'yaccéder.
"Problème à résoudre,
i°.
Le même
stratagème ne peut-il pasêtrerépété ? :a Q
.
La
Colonie étant manifestementdivisée d'opinions et deprincipes, qui nous dira si la majoritéde l'assemblée colonialen'est paslepartiministériel, etconséquemmenc
l'opposantau décretdu rimai,
dont il ignoroiî alors la«évocationl
éiii III11
C 19)
3*.
Le
parti opposant , quoique pîus considérable,nô
$>eut-il pas avoir recomru à
un nouveau
stratagèmepour
obtenirdu
ministre,parun
motif assez spécieux pourne
ïc pas
compromettre
, des forces nécessairespour balancée l'autre parti et lè contraindre à céder? et tout celane
poutroit-il pas avoir été soufflé d'icimême
?4°.Cette marotten'a-t-clle paseutout letemps dase*
prépareret d'être envoyée parlesBârnaviens,dontleparcï n'est pas leplus foibleen France,étant confondu avecle ministériel
;°.
L'embargo
posé par le général dévoué au parti colonial,neseroit-il pasune indication d'unenchaînement demanœuvres
perfides? Legénéralnedevoit-il pasexpé- dier desuite des avisos, pour informerlaFrance de l'étatde
lacolonie, qui exige de si promptssecours? 6°,N'est-ii pas inoui, etcomment
expliquer lesilencede
tout l'équipagedu
navire arrivé àNantes,le27
d'octo*bre, sut cetétatdulieu
même
d'oùil vient?7
.Deux
bataillons réunis, àquinzecenshommes,
sont-ils ta état de faire rentrer dans lasubordination cinquante mille esclaves bien retranchés et bien armés,auxquels peuvent se joindre plus de quarante mille autres, sans parler de trente millehommes
de couleux libresqu'on a,réduits à se jeterde leurcôté?
8°.
Le
ministren'ayantfaitpartir nitroupes nicommis-
sairesquand
il l'eûtfallu,comment
expliqueractuellement son empressement?Milscent
, créole.De l'Imprimerie
ditPatriote François,
Place
du
ThéâtreItalien.:
:rr_V
i