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Ce que le sport fait aux sciences sociales

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Séminaire EHESS 2016/2017

Ce que le sport fait aux sciences sociales

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Jérôme Beauchez, maître de conférences à l’université de Lyon/Saint-Etienne

Julien Clément, adjoint au directeur du département de la recherche et de l’enseignement au Musée du Quai Branly

Nicolas Damont, doctorant à l’EHESS

Éric Wittersheim, maître de conférences à l’EHESS

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Cadre général

Ce séminaire souhaite interroger ce que l’étude du sport apporte aux sciences sociales. Dans le « programme pour une sociologie du sport » qu’il dresse en 1987, Pierre Bourdieu indique d’emblée que les chercheur-e-s qui s’y emploient apparaissent comme « doublement dominés, et dans l’univers des sociologues et dans celui du sport ». Depuis, tout un foisonnement de travaux ont pourtant été consacrés à ce phénomène – tant en sociologie qu’en anthropologie ou en histoire. À compter du tournant ethnographique des années 1980, certains micro-mondes sportifs (essentiellement le football, la boxe et le rugby) ont ainsi été explorés dans leurs rituels et leur fonctionnement quotidiens. Ces derniers ont dès lors fait l’objet d’une articulation au « genre », à la

« classe », ou à la « race » des pratiquant-e-s, dont les chercheur-e-s ont observé les engagements corporels comme autant d’expressions d’appartenances situées au dehors du seul espace des sports.

Celui-ci a dès lors été érigé en lieu d’« exemplification » (au sens de Glaser et Strauss) de tout un ensemble de théories qui ont précédé les études de cas. Qu’il s’agisse de la correspondance habitus- champ pensée par Bourdieu et ses continuateurs (nombreux en sociologie des sports de langue française), de la gestion de la violence (celle des pratiquants comme celle des supporters) ou du sport en tant que « bastion de masculinité » et lieu d’un véritable travail social opéré sur les corps (autant de thèmes chers à une sociologie anglo-saxonne inspirée par Norbert Elias), ces théories orientent a priori les regards d’une majorité de chercheurs. Ainsi ces derniers s’avèrent-ils souvent novateurs au plan méthodologique, mais plus frileux sur celui des innovations conceptuelles qu’ils abandonnent volontiers à la « grande théorie » sociologique ou anthropologique. En outre, si la question du sport en tant que révélateur de la spécificité des espaces nationaux a reçu un certain écho – notamment parmi les spécialistes d’histoire sociale – le sport a rarement été pensé comme un objet privilégié pour étudier les rapports Nord-Sud, de même que les circulations (des individus comme des capitaux) dans un monde postcolonial et globalisé.

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Au-delà de telles limitations, ce séminaire voudrait se saisir des travaux récents liant sciences sociales et sport afin d’en interroger non seulement les fondements méthodologiques, mais aussi les percées conceptuelles dont ils peuvent être porteurs. Qu’il s’agisse de renouveler la sociologie des élites ou celle des classes populaires, de penser les circulations transnationales, ou de pratiquer une ethnographie des apprentissages moteurs aux confluences des sciences sociales et des neurosciences cognitives, les études du sport sont en mesure d’afficher des ambitions théoriques qui dépassent le seul statut d’une science sociale appliquée – statut auquel elles sont souvent cantonnées. Le séminaire explorera donc « ce que le sport fait aux sciences sociales », mais aussi ce que les sciences sociales font au sport, en tentant d’offrir la vue la plus large possible des pratiques comme des espaces nationaux que nous soumettrons à la discussion.

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Thème de l’année 2016/2017

L’engagement sportif et ses corps d’exception : insiders et outsiders de la performance

Cette première année d’enseignement et de recherche autour des questions sportives articulera notre cadre général à la question des « corps d’exception » – qu’il s’agisse de l’exceptionnalité incarnée par la figure du champion, ou de celle que constituent par exemple les femmes dès lors qu’elles viennent troubler le genre de certains sports typifiés comme « masculins ».

Quoi qu’il en soit de son étendue et de ses variations, cette polysémie des « corps d’exception » nous permettra d’interroger les significations sociales et culturelles des performances sportives dont nous déploierons l’étude en trois sous-thématiques :

1. Les engagements sportifs outsiders saisis à l’intersection du « genre », de la « classe » et de la

« race ».

2. La globalisation des élites sportives envisagée au prisme des rapports Nord-Sud.

3. L’optimisation des corps et la fabrique bio-sociale des champions.

Programme des séances

Nb. À compter de novembre 2016 – et sauf exception indiquée ci-dessous – les séances auront lieu tous les seconds mardis du mois de 14h à 17h au 96 bd Raspail 75006 Paris, salle des artistes.

Les séances d’ouverture (novembre et décembre) seront consacrées au déploiement de la thématique des « corps d’exception » discutée en articulation avec les travaux des porteurs du séminaire. Quant aux sous-thématiques annoncées ci-dessus, à compter de janvier 2017 chacune d’elle fera l’objet d’un traitement en deux séances au cours desquelles nous recevrons des invité-e-s dont les présentations de travaux seront suivies d’échanges avec l’ensemble des participant-e-s.

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2016

Séance 1, mardi 8 novembre 2016

« Le sens de l’exception : entre sensations et significations sociales de la performance »

Jérôme Beauchez et Julien Clément présenteront leurs travaux respectifs sur la boxe et le rugby samoan à partir d’une grille de lecture inspirée de la phénoménologie culturelle. Dans les deux cas, le « sens de l’exception » se comprendra aussi bien dans le travail des corps aiguisés au combat qu’au travers des statuts sociaux occupés par des hommes qui – rugbymen samoans ou boxeurs issus des banlieues françaises – incarnent à maints égards les marges de l’Occident.

Voir notamment :

- BEAUCHEZ, Jérôme (2014). L’empreinte du poing. La boxe, le gymnase et leurs hommes. Paris : Éditions de l’EHESS (http://editions.ehess.fr/ouvrages/ouvrage/lempreinte-du-poing/)

- CLEMENT, Julien (2014). Cultures physiques. Le rugby de Samoa. Paris : Éditions Rue d’Ulm

(http://www.presses.ens.fr/collections_28_sciences-sociales_cultures-physiques_978-2-7288-0515-0.html)

Séance 2, mardi 6 décembre 2016

« Insiders et outsiders de la performance sportive : former des champions et leurs supporters… »

Nb. Exceptionnellement, cette séance se tiendra le premier mardi du mois au 190 avenue de France 75244 Paris, salle 587.

Nicolas Damont et Éric Wittersheim discuteront leurs travaux consacrés à différents aspects d’une ethnographie du football. Tandis que le premier nous ouvrira les coulisses des insiders de la performance footballistique que sont les apprentis-champions, le second nous amènera au plus près du quotidien des groupes de supporters qu’il a interrogés et observés dans les tribunes du Paris Saint-Germain.

Voir notamment :

- Damont Nicolas, Pégard Olivier (2017). « Le masculin haut en couleurs. L’apprentissage du football professionnel », Ethnologie française (à paraître).

- WITTERSHEIM, Éric (2014). Supporters du PSG. Une enquête dans les tribunes populaires du Parc des Princes. Lormont : Éditions Le Bord de l’eau.

(http://www.editionsbdl.com/fr/books/supporters-du-psg/425/)

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2017

Thème 1

Incarner l’exception : engagements sportifs outsiders à l’intersection du « genre », de la « classe » et de la « race »

Séance 3, mardi 10 janvier 2017

Christine Mennesson⃰, « Être une femme dans les mondes sportifs masculins ».

⃰Sociologue, professeure à l’université Toulouse 3 – Paul Sabatier.

CRESCO – Centre de Recherches Sciences Sociales Sports Corps

L’une des principales instigatrices de ce domaine de recherche en sociologie du sport de langue française, Christine Mennesson nous proposera un tour d’horizon des enquêtes qui l’ont amenée à interroger les socialisation sportives féminines – et plus précisément celles qu’un premier regard perçoit volontiers comme « atypiques », dans le sens où elles empièteraient sur des territoires considérés a priori comme masculins (à l’instar de ceux de la boxe, du football ou de l’haltérophilie). Cette biographie d’un objet de recherche sera également liée aux dernières préoccupations d’une chercheure qui s’intéresse, entre autres choses, à ces « corps d’exception » que peuvent incarner les enfants sportifs en butte aux injonctions de performance.

Voir notamment :

- MENNESSON, Christine (2005). Etre une femme dans le monde des hommes. Socialisation sportive et construction du genre. Paris, L'Harmattan.

(http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=20465)

- JOANIN, Delphine & MENNESSON, Christine (2014). « Dans la cour de l’école. Pratiques sportives et modèles de masculinités », Cahiers du genre, n°56, pp. 161-184.

(http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2014-1-page-161.htm)

Séance 4, mardi 14 février 2017

Alain Mueller⃰, « Construire le street workout à l’intersection du “genre”, de la “classe” et de la

“race” »

⃰Anthropologue, chercheur associé et chargé d’enseignement à l’Institut d’ethnologie de l’université de Neuchâtel

Parmi les premiers anthropologues intéressés à la pratique du street workout, Alain Mueller mène depuis 2011 une ethnographie multi-située de cette forme de musculation de rue dont les pratiquant- e-s utilisent essentiellement le poids de leurs corps et s’appuient sur le mobilier urbain pour réaliser des enchaînements où le développement de la force se compose avec celle des qualités gymniques.

Issu des ghettos africains-américains de New York, le street workout connaît depuis le tournant 2010 un processus de globalisation qui en a non seulement étendu la pratique mais les réseaux fédérés autour de la promotion d’un style de vie et de la représentation transnationale d’une véritable « communauté ». Autant de dimensions qu’Alain Mueller a décryptées au contact de celles et ceux dont il a accompagné les entraînements aux États-Unis comme en Europe.

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Voir notamment :

- MUELLER, Alain (2016). « Construire le street workout, faire le genre : snapshots ethnographiques sur le bricolage identitaire engagé par les pratiquant-e-s de “fitness des rues” », Sciences sociales et sport, n°9, pp. 47-82.

(http://www.cairn.info.gate3.inist.fr/resume.php?ID_ARTICLE=RSSS_009_0047)

Thème 2

Globalisation des élites sportives et corps d’exception : formation et circulation des champions

Séance 5, mardi 14 mars 2017

Frédéric Rasera⃰, « Dans les coulisses de la production du spectacle sportif : une ethnographie du travail des footballeurs professionnels »

⃰Sociologue, maître de conférences à l’université Lyon 2 – Lumière Centre Max Weber

Comment travaillent au quotidien les performeurs du haut niveau footballistique dont le labeur ordinaire reste inaccessible aux yeux du public ? Pour répondre à cette question, Frédéric Rasera nous emmènera dans les coulisses d’une enquête ethnographique qu’il a menée au cœur d’un club professionnel. Il y démêlera notamment le nœud des interactions qui concourent à définir le

« collectif de travail » formé par différentes catégories de salariés – les joueurs, mais aussi les entraîneurs et les membres du staff médical ; un collectif traversé par des rapports de domination et de résistance qui définissent les positions de chacun dans cette entreprise du spectacle sportif.

Voir notamment :

- RASERA, Frédéric (2016). Des footballeurs au travail. Au cœur d’un club professionnel.

Marseille : Agone (http://agone.org/lordredeschoses/desfootballeursautravail/)

Séance 6, mardi 11 avril 2017

Niko Besnier⃰, « Un espoir de rédemption par l’engagement sportif : le Sud et ses champions »

⃰Anthropologue, professeur à l’université d’Amsterdam, éditeur de la revue American Ethnologist Anthropologue spécialiste des sociétés du Pacifique – il a notamment enquêté aux Tuvalu et à Samoa –, Niko Besnier dirige un programme de recherche financé par l’European Research Council (ERC) sur la thématique des globalisations sportives articulée à la question des « masculinités précaires ». À partir d’une enquête ethnographique multi-située, le projet GLOBALSPORT (2012- 2017) propose d’étudier les rapports Nord-Sud au prisme d’une circulation des élites sportives dont les représentants issus du Sud global s’efforcent de placer leurs qualités corporelles ainsi que leur capital de masculinité sur les marchés d’un spectacle sportif dominé par les pays du Nord. Chacune des pratiques étudiées – qu’il s’agisse du football, du rugby ou du cricket – incarnent les espoirs de rédemption masculine nourris par de jeunes hommes dont la volonté de réussite sportive emprunte les chemins de la migration. Niko Besnier en décryptera les itinéraires comme les conditions.

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Voir notamment :

- Site internet du programme ERC GLOBALSPORT :http://global-sport.eu/

- BESNIER, Niko (2015). “Sports Mobilities Across Borders: Postcolonial Perspectives,” The International Journal of the History of Sport, Vol. 32, n°7, pp. 849-861.

(http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09523367.2015.1023713)

- BESNIER, Niko & BROWNELL, Susan (2012). “Sport, Modernity, and the Body,” Annual Review of Anthropology, vol. 41, pp. 443-459.

(http://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-anthro-092611-145934)

Thème 3

Dans la fabrique de la performance : dopage et optimisation des corps

Séance 7, mardi 9 mai 2017

Sébastien Dalgalarrondo⃰, « Du normal à l’optimal : l’imaginaire du corps sportif performant »

⃰Sociologue, chargé de recherche au CNRS, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS).

Sociologue spécialiste des questions de santé, Sébastien Dalgalarrondo s’intéresse notamment aux espoirs ainsi qu’aux promesses suscitées par les avancées de la médecine et les améliorations de la médication comme du traitement des corps ; autant de domaines que les approches anglo-saxonnes inscrivent dans le champ de la sociologie des expectations, ou de la sociology of hope. L’un des terrains d’enquête qu’il a ouverts récemment – et dont il viendra nous parler – articule ces questions à l’imaginaire du corps sportif performant en tant que scène bio-sociale d’un passage du normal à l’optimal ; un passage qu’incarnent les sportifs de haut niveau, mais dont le fantasme s’étend à une grande partie du corps social – ce que montre notamment le développement des médecines anti-âge, où la pratique sportive concourt à un maintien de la « performance » comme signifiant d’une lutte sans merci contre le vieillissement.

Voir notamment :

- DALGALARRONDO, Sébastien & HAURAY, Boris (2015). « Les économies de la promesse anti-âge.

Le cas de la DHEA », Sciences sociales et santé, n°33, pp. 5-30 (https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2015-2-page-5.htm)

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Séance 8, mardi 13 juin 2017

« Concevoir un corps d’exception : les logiques sociales du dopage »

En prolongement de la thématique du corps optimal abordée avec Sébastien Dalgalarrondo, cette dernière séance de l’année clôturera notre questionnement des « corps d’exception » en s’intéressant aux prothèses chimiques qui permettent d’en accroître les performances. Au croisement des études du sport et de la déviance, il s’agira de saisir les logiques sociales du dopage que nous tenterons d’examiner au plus près des controverses où s’affrontent les raisons d’y avoir recours, comme celles de le condamner.

Voir notamment :

- DEMESLAY, Julie (2013). L’institution mondiale du dopage. Sociologie d’un processus d’harmonisation. Paris : Éditions Pétra (https://lectures.revues.org/13399)

- BRISSONNEAU, Christophe, AUBEL, Olivier & OHL, Fabien (2008). L’épreuve du dopage. Sociologie du cyclisme professionnel. Paris : PUF (https://www.puf.com/content/L_epreuve_du_dopage)

Contacts :

Jérôme Beauchez : jerome.beauchez@ish-lyon.cnrs.fr Eric Wittersheim : eric.witthersheim@ehess.fr

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