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Le Maghreb avec ou sans l'Europe ?

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Academic year: 2022

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http://anneemaghreb.revues.org

Appel à contribution

Dossier de recherche de L'Année du Maghreb IX, 2013

Le Maghreb avec ou sans l'Europe ?

Échanges, réseaux, nouvelles dynamiques infra et supra nationales

Ahmed Mahiou (directeur de recherche émérite, Iremam) Rafaa Ben Achour (universitaire tunisien)

Khadidja Elmadmad (universitaire Maroc)

Le Maghreb avec ou sans l’Europe ? Les soulèvements maghrébins de 2011 ont souligné, s’il en était besoin, les différentes facettes de cette question, qui relève à la fois du vrai et du faux dilemme. D’une part, ils semblent consacrer l’échec des politiques euro- méditerranéennes depuis le processus de Barcelone jusqu’à l’Union pour la Méditerranée : leur déroulement a souligné les atermoiements de pouvoirs publics européens face aux mobilisations tous azimuts des sociétés maghrébines, de ces « sociétés civiles » qui furent les parents pauvres des politiques euro-méditerranéennes. Mais d’autre part, la persistance de dynamiques d’échanges, de projets migratoires, de circulations d’idées, etc. attestent de la profondeur des liens tissés entre le Maghreb et l’Europe. Bien que les relations euromaghrébines aient déjà fait l’objet de nombreuses publications (voir la brève bibliographie indicative jointe à la fin de cette note) il nous est apparu opportun de formuler cette interrogation et de poser ce dilemme.

Certes, il est difficile d’imaginer le Maghreb sans l’Europe, et se poser cette question apparaît, à bien des égards, comme une interrogation quelque peu provocatrice. En réalité, il ne s’agit nullement de souhaiter ni même de sous-entendre l’éventualité d’une rupture entre les deux ensembles, car cela est tout simplement irréaliste tant les multiples liens tissés entre eux depuis longtemps - pour le meilleur (périodes d’échanges pacifiques et de coopération) ou pour le pire (période de conflits ou de tensions) – sont solides et aussi parce que la proximité géographique impose des contraintes que l’on ne peut pas ignorer. Le détroit de Gibraltar (14 kms) et le détroit de Messine (plus large, environ 100 kms) relient plus qu'ils ne séparent les deux espaces comme le montrent les différents échanges entre les deux rives, surtout les mouvements humains, légaux ou clandestins, qui les traversent et préoccupent sérieusement l’Europe comme le Maghreb. Mais, si le Maghreb avec l’Europe apparaît comme une évidence, celle-ci n’en appelle pas moins à une nouvelle réflexion sur ces relations.

Il n'est pas inutile de rappeler une autre évidence souvent oubliée : ces mouvements humains ont toujours été dans le passé d'une grande ampleur, avec les multiples invasions respectives venant du nord ou du sud et la mémoire toujours à vif des exclusions mutuelles.

Dans le contexte aujourd’hui préoccupant des barrières européennes posées à l’immigration, des expulsions de clandestins qui tendent à devenir massives, la comparaison historique avec l’expulsion des juifs d'Espagne puis celle des musulmans et, enfin, celle des morisques

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(musulmans convertis au christianisme) a-t-elle une pertinence scientifique ? Peut-on aussi, en sens inverse et dans un contexte différent – puisqu’il n’y a pas eu de décret d’expulsion – établir un parallèle avec les migrations post-coloniales au cours desquelles plus d'un million et demi d'Européens (mais aussi des centaines de milliers de musulmans et de juifs) ont quitté le Maghreb ?

Ces mouvements humains ont souvent pris une forme militaire aussi bien dans le passé que plus récemment, comme le montrent les événements de Libye qui révèlent un autre aspect préoccupant des rapports entre le Maghreb et l’Europe. Celle-ci n’a pas réellement renoncé à l’utilisation de la force, quand bien même l’intervention de l’aviation et de la marine de l’OTAN ont eu lieu avec quelque apparence de légalité internationale

Aujourd’hui, l'ambition affichée des différents projets euromaghrébins ou euro- méditerranéens, des accords d'association avec l'Union européenne et des multiples accords bilatéraux de coopération entre chacun des pays du Maghreb et chacun des pays européens, semble aller dans le sens de la recherche de nouveaux types de relations. Ce tissu d'accords a remplacé les liens de domination coloniale par de nouvelles relations d'une grande densité prenant souvent l'allure d'un partenariat privilégié. Toutefois, on peut s'interroger sur la nature, la finalité et les effets de ce partenariat non seulement sur chacun des pays maghrébins mais aussi et surtout sur le Maghreb comme ensemble régional encore en construction.

Il suffit de se référer à quelques simples données chiffrées concernant les échanges économiques des pays maghrébins pour avoir un tableau aussi intéressant que préoccupant.

En matière d'échanges économiques, la part de l'Union européenne représente entre 60 et 75%

des importations de l'Union du Maghreb arabe (UMA) et les exportations maghrébines vers l'Union européenne représentent entre 50 et 70% de leurs exportations totales. Par comparaison, la part de l’UMA dans les échanges extérieurs mondiaux, déjà faible, ne cesse de décliner depuis deux décennies, pour passer d’environ 2 % au début des années 1980 à environ 0,60% aujourd’hui. Quant aux échanges intermaghrébins, ils se situent dans une fourchette fluctuant, selon les États, entre 1 et 5 % de leurs échanges globaux.

De la simple juxtaposition de ces chiffres, on serait tenté de conclure que les relations privilégiées avec l’Europe restent un handicap pour le Maghreb qui serait trop dépendant d’elle, compromettant ainsi son intégration régionale et une meilleure insertion dans les échanges économiques internationaux. En effet, pourquoi construire un espace régional maghrébin limité ou s’engager dans un marché international incertain alors que la majeure partie des échanges est déjà orientée vers l’Union européenne qui constitue la première puissance économique mondiale ? C’est dire, par conséquent, l’intérêt d’une réflexion sur le degré de dépendance du Maghreb vis-à-vis de l’Europe et sur la dynamique des relations avec d’autres pays ou régions.

Par ailleurs, les États du Maghreb se trouvent, depuis la dernière décennie du XXe

siècle, au centre d’une sorte de toile d’araignée qu’ils ont accepté de tisser sans peut-être en prévoir toutes les conséquences. Sans oublier les expériences d’union sans lendemain entre eux, rappelons qu’ils ont été ou sont membres (ou aspirent à le devenir) de plusieurs institutions qui envisagent diverses modalités de coopération et parfois d’intégration politique ou économique1.

1 En les citant par ordre chronologique, il s’agit des suivantes :

- la Ligue des Etats arabes (créée en 1945) qui regroupe 22 membres et dont l’objectif politique initial inclut désormais un volet économique, en prévoyant même une zone de libre échange et un marché commun arabe dont le fonctionnement effectif laisse encore à désirer;

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Par ailleurs, chacun des pays du Maghreb est engagé dans un partenariat bilatéral avec les deux grandes puissances économiques que sont les États-Unis et la Chine. Sur le terrain, l’influence des Etats arabes du Golfe, de leurs investisseurs notamment, comme les échanges humains avec les sociétés d’Afrique Sub-Saharienne, se manifestent voir de façon frappante : les relations Nord-Sud paraissent de moins en moins confinées à l’axe Maghreb-Europe.

D’autant qu’en retour, les Etats de l’Union européenne et leurs sociétés entretiennent des relations à géométrie variable avec le Maghreb. Certains ont de longue date avec lui des échanges denses et complexes ; d’autre au contraire, au Nord ou à l’Est de l’Europe sont plus volontiers tournés vers d’autres régions ou coopération. Les lignes de clivages se déplacent : L’Espagne, le Portugal ou la Grèce, non seulement sont l’objet au sein même de l’Union, de stéréotypes qu’on croyait réservés aux rives sud de la méditerranée, mais ces Etats connaissent eux aussi des mouvements de protestation importants de la part « d’indignés » contre les politiques néo-libérales, et proposent aujourd’hui aux sociétés maghrébines leurs propres modèles de sortie de la dictature par exemple.

C’est dans ce contexte qu’il nous apparaît pertinent de procéder à l'examen de ce qui s'apparente pour le moment à un simple scénario, celui où le Maghreb s'affranchirait partiellement de l'Europe pour chercher et développer d'autres partenariats, en privilégiant ici le niveau des relations interétatiques mais en accordant également une important aux niveaux infra-étatiques, échanges humains, commerciaux, politiques, culturels, etc.

Le Maghreb serait-il à la croisée des chemins au moment où l’UMA est bloquée et empêchée de définir une position commune sur les multiples échiquiers internationaux où les enjeux régionaux, continentaux et mondiaux s’interpénètrent de plus en plus ? C’est donc en ayant en arrière plan tout cet écheveau de réseaux ou de cercles qui se juxtaposent ou s’interpénètrent au point que l’on doit se demander s’il s’agit de cercles vertueux ou vicieux au regard de la construction maghrébine. C’est en quelque sorte sous cet angle qu’il convient de réexaminer et de resituer les relations entre les deux ensembles que constituent l’Union

avec la Communauté économique africaine (CEA instituée en 1991). Il convient de relever que ces deux traités prévoient tout un processus d’intégration économique continentale englobant les 53 membres et basé sur cinq communautés régionales correspondant aux régions suivantes : l’Afrique occidentale, l’Afrique centrale, l’Afrique orientale, l’Afrique australe et l’Afrique du Nord au sens large des Nations Unies. Par conséquent, les pays du Maghreb – à l’exception du Maroc qui n’est pas membre – sont normalement tenus par ce processus africain dont le contenu et le calendrier sont définis de manière assez précise ; dans la logique de ce processus d’intégration, il est prévu, entre autres, que la Communauté régionale de l’Afrique du Nord doit s’entendre au sens géographique de l’Atlantique à l’Océan indien pour comprendre le Maroc, l’Egypte, Djibouti et éventuellement le Soudan, ce qui suppose donc un élargissement considérable de l’UMA ;

- le Comité permanent consultatif maghrébin qui a fonctionné de 1964 à 1975 ;

- le dialogue euro-arabe lancé au début des années 1970 qui s’est effiloché ensuite du fait de la question palestinienne;

- l’Union du Maghreb arabe instituée par le traité de Marrakech du 17 février 1989 qui prévoit un marché commun entre les cinq partenaires et qui est bloquée depuis le milieu des années 1990;

- l’Organisation mondiale du commerce née des accords de Marrakech de 1994 et dont les objectifs sont la libération de tous les échanges commerciaux; à laquelle ont adhéré trois membres de l'UMA puisque deux autres membres (Algérie et Libye) sont toujours en négociation pour y entrer;

- l’espace de la Méditerranée occidentale avec l’initiative de 5 + 5 au début des années 1980 qui a connu une période de blocage avant d’être relancé ;

- le partenariat euro-méditerranéen prévu par la Déclaration de Barcelone du 27 novembre 1995 et dont l’aboutissement devait être une zone de libre échange;

- enfin, la récente Union pour la Méditerranée (2008) qui tente de relancer le processus de Barcelone sur la base de projets communs limités d’abord à un certain nombre de domaines plutôt techniques et qui connaît également une période de crise en liaison avec la question palestinienne, la crise de la zone euro et les révoltes en cours dans le monde arabe.

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européenne et l’UMA, en ouvrant les autres voies susceptibles de se présenter pour chacun des pays du Maghreb et pour leur projet d’un ensemble régional intégré.

L’approche du sujet pourrait s’ordonner autour de bilans et de perspectives concernant respectivement :

- les relations euromaghrébines dans les domaines les plus importants pour en évaluer les forces et les faiblesses : échanges économiques, techniques, humains, culturels, etc.; cela permettrait de voir les perspectives pouvant s’ouvrir pour les pays du Maghreb individuellement ou collectivement ;

- les relations du Maghreb en dehors de l’Europe, notamment avec le Monde arabe, l’Afrique, les États-Unis, les pays dits émergeants (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud);

- les domaines où l’intégration maghrébine pourrait progresser malgré les crises ou blocages politiques qu’elle connaît actuellement.

Bibliographie indicative

(limitée aux principaux ouvrages, car les articles sont trop abondants)

- L'Année du Maghreb, 2004, L’espace euro-maghrébin. Des hommes au péril des politiques (direction J.-R. Henry)

- Annuaire de l’Afrique du Nord, 1990, Le Maghreb, l’Europe et la France (direction J.-R.

Henry et K. Basfao) ; Le Maghreb, encontre avec le troisième millénaire : l’impératif de Barcelone (direction A. Sid Ahmed)

- Annuaire de la Méditerranée, 1998, Perspectives euro-méditerranéennes et coût du non- Maghreb

- Bichara K., 1992, Le grand Maghreb et l'Europe Enjeux et perspectives, Paris, Publisud.

- Bistolfi, R. (dir.), 1995, Euro-Méditerranée : une région à construire, Paris, Publisud.

- Brondino, M., 1990, Le grand Maghreb. Mythes et réalités, Casablanca, Alif-Éditions de la Méditerranée.

- Cahiers de Confluence Méditerranée, 1997, Le partenariat euro-méditerranéen après la conférence de Barcelone

- Confluences Méditerranée, 2000, n° 35, Euro-Méditerranée, un projet à réinventer.

- de La Guérivière J., 2004, Amère Méditerranée. Le Maghreb et nous, Paris, Seuil.

- Oualalou F., 1996, Après Barcelone le Maghreb est nécessaire, Casablanca, Toubkal.

- Sid Ahmed A., 1996, Les flux d’échanges en Méditerranée, Casablanca/Tunis, Toubkal/Alif.

- Sid Ahmed A., 1998, Économie du Maghreb - L’impératif de Barcelone, Paris, Éditions du CNRS.

- Toumi M., 1982, Le Maghreb, Paris, PUF, Collection Que sais-je ?, n° 2024.

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Liste indicative des sujets de contribution

Relations euro-maghrébines :

- les relations économiques entre le Maghreb et l’Europe

- les relations humaines entre le Maghreb et l’Europe (1) : problème des migrations - les relations humaines entre le Maghreb et l’Europe (2) : la place de la religion

dans les relations entre le Maghreb et l’Europe - bilan des accords d’association

- le modèle de construction européenne et le Maghreb Autres relations du Maghreb

- Le Maghreb dans le système régional arabe - Le Maghreb et les États-Unis

- Le Maghreb et les pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud) - Le Maghreb et l’OMC

- le Maghreb et l’Afrique

Domaines de coopération ou d’intégration maghrébine - les problèmes de sécurité régionale au Maghreb - l’autosuffisance alimentaire au Maghreb

- les institutions de l’UMA sont-elles adaptées pour une politique d’intégration ? - le Maghreb des droits de l’homme

- les échanges formels et informels au Maghreb - le Maghreb des entrepreneurs

- le Maghreb de l’énergie

- quelle politique maghrébine de la mer ? - le Maghreb face à la crise

- points de vue sur la construction du Maghreb : interview ou bref texte d’un responsable maghrébin (secrétaire général de l’UMA) et d’un responsable européen (haut dirigeant de l’UE)

La réponse à cet appel à contribution s’effectuera en deux temps :

- Une proposition d’article, à envoyer avant le 15 octobre, appuyé sur un corpus original de sources, sous la forme d’un titre et d’un résumé. Le formulaire est à renseigner en ligne en cliquant sur le lien. Une réponse sera donnée sur l’acceptation ou non du projet d’article avant le 15 novembre 2012.

- Un article, à renvoyer à l’adresse : lannee.dumaghreb@gmail.com avant le 31 janvier 2013.

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