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Le temps de l'enfant : analyse sociologique des budget-temps des enfants genevois

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Le temps de l'enfant : analyse sociologique des budget-temps des enfants genevois

CASASSUS, Pelagia Marie du Rosaire

Abstract

Cette étude s'intéresse au temps de l'enfant en tant que décrypteur du quotidien hors école de ce dernier. Concrètement, elle concerne un échantillon représentatif de 900 enfants de 4 à 11 ans de l'enseignement primaire genevois, ainsi que d'un échantillon restreint de 24 enfants et de leurs mères. Elle présente deux types d'analyses sociologiques. Une quantitative, enquêtant les budget-temps des enfants, l'autre qualitative, à partir d'entretiens de mères et des enfants pris séparément. Il s'agit d'une des premières, si non la première enquête budget-temps des enfants en Europe (premier rapport, 2004). Grâce aux analyses statistiques descriptives, elle examine tant les durées des différentes activités enfantines, que les différents types de sociabilité de l'enfant. L'analyse qualitative de cette thèse interroge le quotidien des enfants, tant sous l'angle de leurs motivations, que sur celui des résultats quantitatifs obtenus. Cette double analyse engendre, enfin, une typologie des enfants en fonction des attentes parentales.

CASASSUS, Pelagia Marie du Rosaire. Le temps de l'enfant : analyse sociologique des budget-temps des enfants genevois . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2012, no. SES 784

URN : urn:nbn:ch:unige-239951

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:23995

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:23995

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ANNEXE

L’analyse des entretiens a par dyade mère – enfant.

THÈSE

présentée à la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève

par

Pelagia Casassus

sous la direction des Professeurs

Franz Schultheis et Eric Widmer

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Table des matières

I. Analyse par dyades des familles de milieu populaire.

... 5

Le quotidien de Halima Habib . ... 7

Le quotidien dʼIris Iselin . ... 14

Le quotidien Joao Joalheiro. ... 21

Le quotidien de Kévin Koch. ... 31

Le quotidien dʼOscar Orta.... 42

Le quotidien de Paola Pittore.... 51

Le quotidien de Ronaldo Ribeiro.... 62

Le quotidien de Sonia Sousa.... 71

Le quotidien de Stefan Stein.... 78

Le quotidien de Valentina Villca.... 89

Le quotidien de Yassim Yvart.... 96

Le quotidien de Zahra Zémir. ... 101

II. Analyse par dyades des familles de milieu aisé.

... 109

Le quotidien dʼAlessia Alberti.... 110

Le quotidien de Bénédicte Barraud.... 120

Le quotidien de Camilia Cyrus.... 130

Le quotidien de Damien Dulac.... 138

Le quotidien dʼEmilie Erland. ... 148

Le quotidien de Ferdinand Farel.... 161

Le quotidien de Géraldine Galland.... 172

Le quotidien de Lin Lodge.... 181

Le quotidien de Mathias Mercier.... 192

Le quotidien de Nicolas Nasel.... 202

Le quotidien de Thibaut Thétraz.... 215

Le quotidien de Xavier Xellier.... 223

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I. Analyse par dyades des familles de

milieu populaire.

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Le quotidien de Halima Habib.

Contexte de deux entretiens.

Jʼai pris contact avec cette famille après que Monsieur Habib est venu réparer lʼordinateur de ma fille. A cette occasion, Monsieur Habib a vu le piano de ma fille et a voulu savoir si elle serait dʼaccord de donner des cours à sa fille Halima, chose que ma fille a accepté. Cʼest par la suite que jʼai pris contact avec la ma- man dʼHalima, Madame Habib-Clémenti. Lʼentretien avec Madame Habib-Clé- menti a eu lieu deux semaines après le début du cours de piano dʼHalima. Les deux entretiens ont eu lieu, exceptionnellement, chez moi. Comme cʼest Ma- dame Habib-Clementi qui accompagne sa fille au cours et qui vient ensuite la chercher, jʼai organisé les deux entretiens en fonction de cela, afin de faciliter les choses. Le premier entretien, a eu lieu avec Madame Habib-Clementi autour dʼun café dans la salle à manger attenante à la cuisine et au salon, pendant que sa fille suivait son cours de piano. Madame Habib-Clementi est une personne sociable, souriante et semble plutôt sûre dʼelle. Le deuxième entretien, a eu lieu une semaine plus tard après le cours de piano, dans mon bureau à la maison.

Elle était assise sur un tabouret rouge quʼelle faisait un peut tourner de temps en temps durant lʼentretien. Cʼétait le jour de son anniversaire de six ans et elle était très à lʼaise et contente. Elle était aussi très fière de me montrer ses che- veux bruns qui avaient été lissés par sa maman et qui étaient devenus encore plus longs. Pour sa maman, venir chercher Halima un peu plus tard lui convenait parfaitement ce jour là (préparatifs anniversaire).

Caractéristiques socio-démographiques.

Halima est lʼaîné dʼune famille biparentale avec deux enfants. Elle a six ans et son frère un an et demi. Halima est en deuxième enfantine ; elle se montre joyeuse, parle facilement et semble très attentive derrière ces petites lunettes.

Monsieur Habib a fait sa scolarité au Maroc jusquʼà une première année dʼuni- versité ; ensuite il est venu en Suisse et a fait un apprentissage en informatique.

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Madame Habib-Clementi a fait lʼécole obligatoire en Suisse et ensuite un ap- prentissage en coiffure. Ils ont tout les deux, en dessus de la quarantaine et ont eu le temps de sʼinstaller un peu professionnellement, avant dʼavoir les enfants.

Tous les deux issus de lʼimmigration, mais avec des parcours différents ; Mon- sieur Habib, originaire du Maroc est arrivé adulte, alors que Madame Habib- Clementi, originaire de lʼItalie, est une immigrée de deuxième génération. Actuel- lement toute la famille est aussi de nationalité suisse. Ils habitent dans un quar- tier populaire de Genève et ils travaillent comme petits indépendants.

Points-clés dégagés de la confrontation des deux entretiens.

Le temps extrascolaire d’Halima.

Les jours dʼécole, Halima mange systématiquement au restaurant scolaire et reste aux activités parascolaires après lʼécole, cʼest-à-dire de 16h à 18h. Ceci veut dire quʼHalima passe du matin au soir, toutes ses journées dʼécole à lʼécole. Le lundi, après le parascolaire, son papa lʼamène au cours de natation ; le jeudi, cʼest la maman dʼune fille de sa classe qui lʼamène avec sa propre fille au cours de danse. La maman dʼHalima ne travaille plus le mercredi pour rester avec ses enfants ; cʼest elle, alors qui amène sa fille autour de midi au cours de piano. En dehors de ce cours, Halima passe la plupart du temps son mercredi avec sa maman et son petit frère ; si elle est fatiguée, ça peut lui arriver que sa maman la fasse faire une petite sieste au début de lʼaprès-midi, mais il peut arri- ver quʼelle sorte avec sa maman et son petit frère se promener en Ville ou aller dans un centre commercial. Lorsquʼon demande à Halima ce quʼelle préfère faire quand elle nʼest pas à lʼécole, cʼest sans hésitation, un mot qui sort de sa bouche « jouer ! ». Elle aime, par ordre descendant, jouer avec son petit frère, à

« papa et maman », aux « bébés », aux marionnettes, aux Barbies et aux pou- pées. A lʼécole elle aime aussi beaucoup courir dans la cour avec sa meilleure amie. Elle va au lit entre 20h15 et 20h30 et se lève à peu près à 7h-7h30.

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Dans un esprit de propositions-découverte.

Halima vient dʼavoir six ans et a plusieurs activités en dehors de lʼécole. Elle a des cours de danse, de natation et de piano. De plus, en hiver elle suit des cours de ski. Elle a commencé la danse avant ses trois ans et demi ; elle était très petite me dit sa maman, mais comme elle suivait bien, ils lʼont gardé. Quant aux activités, sa maman mʼexplique pourquoi cʼest eux (les parents) qui propo- sent : « cʼest clair que cʼest pas elle qui va me le dire, elle est petite, elle doit découvrir ». Halima a été dʼaccord, ce qui fait quʼactuellement elle est en troi- sième année de danse. Concernant la natation, cʼest aussi sa maman qui la lui a proposée. En fait, Madame Habib-Clementi raconte que cela ne fait pas très longtemps quʼelle même a appris à nager et cʼest après cela, en raison de cela probablement, quʼelle a voulu que sa fille fasse un cours de natation ; mainte- nant comme elle dit « elle ne risque pas de se noyer, disons elle nʼa pas le fond, mais on a quand même peur, ah… elle va au cours , on la met au cours et avec nous elle aura le fond pour lʼinstant ( ) après on verra ( ) mais elle se dé- brouille» ; Madame Habib-Clementi précise encore un point concernant ses pro- positions « mais cʼest pas moi qui décide à sa place, cʼest-à-dire moi je lui pro- pose et cʼest elle… » elle explique ensuite que pour le piano, par exemple, cʼétait son mari qui lui a proposé et ensuite toutes les semaines cʼétait Halima qui lui demandait quand est-ce que cela allait commencer. Enfin, les cours de ski, ont lieu, pendant lʼhiver, mais pas toutes les semaines ; les dimanches ils vont parfois à la montagne et la maman dʼHalima dit : « elle fait du ski avec nous. Bon, en fait, on lui met un moniteur, parce que nous on fait on nʼest pas des skieurs profs ( ) mais elle aime bien, donc et puis cette année elle mʼa dit

ʻmaman cʼest quand quʼon y va ?ʼ » ( ) « elle adore ! ouais, ouais, ouais je sais

skier maintenantʼ, elle me dit » et ajoute : « elle suit partout, cʼest vrai que je suis pas très, très bonne skieuse ». Par ailleurs, le papa dʼHalima valorise très forte- ment la lecture, alors que sa maman exprime clairement que « cʼest pas mon truc ». Pour Madame Habib-Clementi cʼest son mari qui sʼintéresse à cela et qui lit souvent des livres à Halima. Halima de son côté, me parle aussi avec beau- coup dʼenthousiasme des lectures réalisées par son père. Il lui lit tous les soirs.

Par son explication, je comprends que Monsieur Habib ne lui lis pas uniquement des contes ou des histoires de fées, mais aussi une encyclopédie où Halima découvre le corps humain ainsi que dʼautres thèmes. Elle me dit « cʼest sur le livre de tout !.. oui,.. ( ) oui, sur les muscles, sur le corps, sur les yeux ». On peut constater que les parents dʼHalima montrent assez clairement quʼils tiennent à faire de leur fille quelquʼun qui réussisse mieux quʼeux, à lui proposer des cho-

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ses dont eux-mêmes ne sont pas nécessairement très connaisseurs, mais quʼils croient importantes et nécessaires pour son développement.

Un enthousiasme stimulé par le niveau d’aspiration des parents.

Halima est effectivement une petite fille pleine dʼenthousiasme ; on observe cela a plusieurs reprises. Elle dit aimer « tout ! » lorsquʼà un moment donné, je lui demande sʼil y a quelque chose quʼelle nʼaime pas, elle me répond « jʼaime les devoirs… jʼaime tout ! » étonnée je lui demande si elle a des devoirs et elle me répond « oui, jʼadore les devoirs, mais on en fait pas » et elle ajoute après, un peu déçue « oui, parce quʼen deuxième enfantine, on nʼa pas des devoirs ». Les parents dʼHalima sont très fiers de leur fille et à plusieurs reprises ils parlent de ses facilités. Au début cʼest son père qui, deux ou trois fois de suite, me parle des compétences de sa fille. Ensuite, lors de lʼentretien, sa maman me dit « ah oui, elle est très, très éveillée » et plus tard, en parlant de lʼécole et de son degré scolaire, elle me dit « elle a une année de retard, à cause quʼelle naît le 5 dé- cembre.. ils prennent jusquʼau 31 octobre » et ensuite elle clarifie mieux ses propos « tout à fait.. non, elle est très avancée pour son âge, elle sait déjà lʼal- phabet ( ) elle sait compter ( ) elle sait, elle connaît vraiment le ʻ3 et le 5 cʼest trente-cinqʼ… cʼest pas quʼelle compte et quʼelle sait pas.. ( ) elle sait ! ». Elle me raconte que son mari avait pensé la faire sauter une classe, mais quʼelle nʼétait pas dʼaccord et quʼelle lui a dit : « non, écoute, pour lʼinstant laisse-là comme ça, cʼest très bien, elle est.. en tout cas la maîtresse elle est hyper contente, elle dit quʼon a rien à lui reprocher – elle obéit ». Halima de son côté, ne fait que con- firmer son enthousiasme ; lorsque je lui demande sʼil nʼest pas fatiguée dʼaller au parascolaire, de faire de la danse.. elle me dit, non, en riant et elle ajoute « je fais déjà trois choses ! » et après les nommer.. elle me dit que non seulement elle aime, mais quʼelle voudrait « encore faire de la gym ! » elle me dit « jʼaime- rais bien faire ça ! » et elle ajoute « jʼadore la gym ». Lorsquʼon parle de la pro- position que son papa lui a fait de faire du piano, Halima me dit « et moi jʼai dit bien sûr oui et alors,… alors » ( ) « comme ça je peux me dire quand je serai grande, je vais travailler le piano quoi ! ». Ceci montre comment cette petite fille est en train de se projeter déjà, dans ce quʼelle voudrait faire lorsquʼelle sera une adulte, ce qui est probablement le fruit dʼune aspiration des parents quʼelle ressent très fortement. Enfin, lorsque je lui demande si elle a un rêve, Halima me dit, sans comprendre le sens de mes paroles, quʼelle nʼa que des cauche-

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mars.. mais ensuite lorsquʼelle voit ce que je veux dire elle me dit : « jʼai un rêve de beaucoup, beaucoup cuisiner, de beaucoup, beaucoup travailler ( ) jʼaime bien beaucoup lire des choses, jʼaime bien beaucoup écrire... ». En comparant les deux entretiens, on observe une sorte de stimulation réciproque. Les parents dʼHalima sont très fiers dʼelle et Halima est ravie de rendre fiers ses parents.

La culture de réseau.

Par les conversations que jʼai pu avoir avec les parents dʼHalima, je constate chez eux une grande capacité à fonctionner en réseau et à créer de liens avec dʼautres personnes, comme des parents dʼélèves, le personnel de lʼécole, des client-e-s, etc. ; et, en général, ces relations participent à lʼentraide. Des clients, deviennent des connaissances, des connaissances deviennent des amis favori- sant petit à petit lʼaccomplissement de leurs objectifs ; on peut même parfois se demander ce qui vient avant leurs objectifs ou les personnes quʼils rencontrent qui leur donnent des idées motivant leurs objectifs. Cʼest ainsi, que nous consta- tons que le cours de natation, les cours de ski et le cours de piano se sont orga- nisés suite à un travail de réseau préalable, ce qui signifie quʼun des deux pa- rents connaissait déjà lʼenseignant-e ou moniteur (souvent dans un rapport commercial au départ). En dehors de ces trois personnes, on observe que Ma- dame Habib-Clementi, se réfère aussi à dʼautres personnes, comme la directrice de la crèche, une parent dʼélève qui amène et ramène Halima au cours de danse, les dames du parascolaire qui passent au salon de coiffure pour lui de- mander de nouvelles de Halima, quand elle est malade, etc. Former un petit ca- pital social ou construire un réseau est plus facile pour certaines personnes que pour dʼautres ; la culture de chacun ainsi que son métier peuvent favoriser cette activité. Dans le discours de Madame Habib-Clementi on observe entre autres une attitude souple face aux personnes quʼelle rencontre qui probablement en- courage la création de liens ; par exemple : « moi je pense ah, personnellement ah, … parce quʼon a rien, sans rien… moi je pense quʼil y a des mamans qui se font trop de chichis et je pense quʼil faut quand même un peu arrêter () je pense que cʼest à nous de sʼadapter aussi ». A un autre moment elle dit : « …alors moi ! que je suis dans le commerce, suis pas du tout comme ça, je vais dire, moi, une personne que je la vois une fois, cʼest vraiment le sourire, cʼest vrai- ment le grand bonjour () avec plaisir, donc ça mʼétonnerait que je ne lui ai pas dit… ». Dʼun autre côté, tant la culture magrébine, quʼitalienne sʼinscrivent dans une tradition dʼéchanges réciproques caractéristique du bassin méditerranéen.

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La télévision.

En ce qui concerne la télévision, Halima regarde tous les jours, selon ce quʼelle me dit, des dessins animés ou la « Roue de la fortune », (cette dernière émis- sion passe entre 19h05 et 20h). Quand je lui demande ce quʼelle fait lorsquʼelle arrive à la maison, après lʼécole, elle me répond « mais je regarde la télé… ! ».

Sa maman me dit que ni elle, ni son mari, nʼaiment quʼelle regarde trop la télévi- sion, mais quʼils nʼinterdisent pas à Halima de la regarder ; ils ne mettent pas de restrictions dʼhoraires, mais sa maman peut, à nʼimporte quel moment, décider dʼéteindre lʼappareil ; par rapport à sont attitude,  elle me dit: « cʼest comme ça, cʼest tout ah, il faut pas… on nʼa pas à lui donner beaucoup dʼexplications, ça cʼest sûr, on lui explique un fois et ça suffit ( ) cʼest pas, cʼest pas elle qui com- mande, ah, enfin donc » mais elle me dit que parfois elle a du mal à lui faire comprendre que cʼest fini ; Halima, nʼa pas le droit dʼallumer la télévision sans demander et sa maman me dit quʼelle ne regarde que des dessins animés et pas ceux qui sont violents, parce quʼHalima nʼaime pas « elle est trouillarde, ah » ; par ailleurs, Madame Habib-Clementi ne me parle pas de la « Roue de la fortune », ce qui me fait croire que cʼest moins souvent que ce quʼHalima sem- ble dire, mais qui sait ! Il ne faut pas oublier que deux fois par semaine Halima assiste à un cours après lʼécole, ce qui signifie que quand elle arrive chez elle le temps disponible, avant dʼaller au lit est nettement moins long. Sa maman me dit par ailleurs, que parfois Halima arrive à la maison, se met à jouer et « je nʼal- lume même pas la télé » et puis dʼautres fois, après un quart dʼheure de jeu, elle le lui demande.. et sa réponse positive ou négative apparemment varie selon son état dʼâme « et là, bon bah ça dépend, si je suis bien tournée je lui dis oui, si je suis mal tournée, non, mais non.. ». Tout ceci nous montre que regarder la télévision pour Halima, est une activité toujours possible, mais pas complète- ment ouverte et que le contenu a, en général, comme premier critère, quʼil sʼagisse de dessins animés non violents.

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Les relations sociales d’Halima.

Halima me dit quʼelle ne voit jamais des copines les mercredis, je déduis donc que le mercredi est vraiment un jour où le plus important est le rapport avec sa maman et son petit frère. Sa maman, dʼailleurs, dit clairement que pour elle le mercredi devrait surtout être un jour pour ʻmaman et papaʼ, car il nʼy a pas lʼécole. Il faut pas oublier que Madame Habib-Clementi, travaille du matin au soir et voit donc très peu sa fille les jours dʼécole ; lorsque je lui demande si Halima peut inviter des ami(e)s à la maison, elle me dit que oui, mais me parle assez rapidement de son travail très fatigant (les autres jours) et du fait quʼavec le petit

« cʼest pas évident » dʼinviter dʼautres enfants pour quʼils viennent jouer avec Halima ; ce qui confirme les propos dʼHalima. Quant aux ami-e-s dʼHalima, sa maman me dit quʼelle « a des amis un peu partout.. () à lʼécole, puis il y a des amis de la crèche, .. (). et il y a des amis de mes amis que… bah, ils ont eu des enfants un peu tard et puis on se voit de temps en temps ». Dans le discours dʼHalima, les amis apparaissent surtout quant elle parle de lʼécole. Elle parle de trois copines, mais particulièrement dʼune qui a, comme elle, un père marocain et une mère italienne.

La famille étendue d’Halima et ses origines.

Les grands-parents dʼHalima nʼhabitent pas en Suisse. Dʼailleurs sa maman me dit quʼil nʼy aucun membre de la famille ici. Ce qui contribue peut-être aussi à la formation dʼun réseau dʼamis et de connaissances. La petite Halima est très consciente de ses origines et très fière de dire quʼelle a trois nationalités : maro- caine, italienne et suisse. Elle me dit quʼelle a été au Maroc et que « cʼest en Afrique et dans lʼAfrique il y a le Maroc, lʼAlgérie et la Tunisie ». De fait, tous les étés ils partent au Maroc durant deux semaines et demies environ, mais Ma- dame Habib-Clementi ne peut pas partir plus que dix jours ; elle va aussi juste quelques jours en Italie; je lui demande si cʼest pour voir la famille et elle me dit oui, quand elle va en Italie, mais quand elle va au Maroc, cʼest surtout pour les vacances, car ils sont au bord de la mer, ce qui nʼest pas le cas de sa famille. Au sujet de la famille au Maroc, elle me dit doucement « on voit la famille cʼest clair, parce quʼon habite au même endroit, mais… cʼest vraiment pour les vacances…

ah oui, jʼen ai besoin, jʼai toujours dit, jʼai une semaine par année ou presque alors ». En ce qui concerne les langues, Madame Habib-Clementi parle « de temps en temps » en italien avec ses enfants, mais selon elle, Halima « com- prend tout,.. tout, tout, tout, tout, tout » et elle ajoute « je lui ai toujours parlé en

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italien quand elle était petite et avec Fabrizio (le petit frère), je lui parle toujours en italien ». Quant à lʼarabe Monsieur Habib ne le parle pas du tout avec ses enfants. Sa femme me dit que de toutes façons, presque tout le monde au Ma- roc parle français, quʼil nʼy a que sa belle-mère qui ne parle pas français et elle me dit «mais bon, on se débrouille ».

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Le quotidien d’Iris Iselin.

Le contexte des deux entretiens.

Jʼai rencontré cette famille par lʼintermédiaire de Madame Habib-Clementi. Les deux entretiens ont eu lieu chez Iris, mais pas le même jour. Celui dʼIris, a eu lieu un jeudi de fin décembre, en fin dʼaprès-midi et celui de Madame Iselin un mardi de janvier, au début dʼaprès-midi. Lorsque je suis arrivée pour le premier entretien, jʼai téléphoné quelques minutes avant pour confirmer lʼadresse et jʼai constaté que Madame Iselin avait oublié ma venue ; je lui ai proposé alors, si elle préférait, de changer le rendez-vous, mais elle mʼa dit que ce nʼétait pas nécessaire, mais que ses filles était un peu excitées. Jʼai découvert par la suite, que de plus, ce jour-là, le père dʼIris était malade, ce qui mʼa motivé à raccourcir un peu lʼentretien dʼIris et à proposer un autre jour pour discuter avec sa ma- man. Cette première fois donc, jʼai trouvé effectivement Iris et sa petite sœur très énergiques et jouant un peu partout, surtout au salon. Madame Iselin mʼa reçu très gentiment, mʼa offert une tisane et on sʼest mis dʼaccord que jʼallais discuter avec Iris au salon, pendant quʼelle prenait sa fille cadette dans sa chambre. Il y avait un arbre de Noël, dans une grande pièce qui réunissait le salon et la salle à manger ainsi quʼun coin cuisine. Le décor était simple et so- bre. Une grande télévision (éteinte) ainsi quʼun sofa et des fauteuils autour. Une table, entourée des chaises, placée près du coin cuisine ainsi quʼun buffet. Con- tre un des murs on pouvait voir affiché un grand carton colorée, fait probable- ment à lʼécole par Iris, montrant une sorte dʼarbre généalogique basique, fait avec des photos et au milieu un texte qui disait: « je suis dʼorigine suisse ». Sur un autre mur, moins visible on pouvait apercevoir différentes photos des deux petites filles et leurs parents réunies dans trois tableaux différents. Il y avait aus- si un ordinateur placé sur un meuble assez étroit avec un grand tabouret devant qui était allumé avec un fond dʼécran de Noël.

Le deuxième entretien a eu lieu dans le calme au début dʼaprès-midi autour dʼun café. Jʼai pu interviewer Madame Iselin pendant quʼIris était à lʼécole et que sa petite sœur faisait sa sieste. Madame Iselin était très accueillante, mais un peu sur la défensive et insécurisée. Elle paraissait très attentive à ce quʼelle devait dire.

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Caractéristiques socio-démographiques.

Iris est lʼaînée dʼune famille biparentale avec deux filles. Iris vient dʼavoir cinq ans et elle est en première enfantine ; sa petite sœur nʼa pas encore deux ans.

Le couple parental est jeune (dans la trentaine). Madame Iselin a une présence agréable, mais un excès de poids important ; elle nʼexerce plus une activité pro- fessionnelle depuis environ une année, (avant elle ne travaillait que deux jours par semaine dans une pharmacie). Elle a un CFC dʼaide-pharmacienne et son mari a un CFC de commerce. Cependant, Monsieur Iselin, travaille à plein temps comme employé inférieur réalisant une activité qui se développe plutôt en plein air, dans un complexe sportif ; bien que ce travail ne corresponde pas beaucoup à sa formation, selon Madame Iselin, son mari lʼapprécie beaucoup, car il est en contact avec la nature, il taille des arbres, etc.. Ils habitent dans un immeuble récent (HLM) dans un quartier relativement nouveau situé dans une commune voisine de Genève. Toute la famille est dʼorigine suisse.

Points-clés dégagés de la confrontation des deux entretiens.

Un temps extrascolaire plutôt structuré.

En dehors de lʼécole, Iris a une série dʼactivités qui se répètent systématique- ment chaque semaine. Ses horaires de lever et de coucher sont toujours les mêmes quʼil sʼagisse dʼun jour dʼécole, dʼun jour de congé ou dʼune veille de jour de congé, comme le mardi. Iris se couche tous les jours à 19h45. En gros, lʼor- ganisation de la semaine dʼIris est la suivante : le lundi, après lʼécole, en fin dʼaprès-midi, elle à son cours de natation qui dure une demie heure; le mardi elle passe toute la journée pratiquement à lʼécole : elle mange au restaurant scolaire et reste aux activités parascolaires jusquʼà 18h ; le mercredi matin, sa maman lʼamène à 10h au cours de patinage qui dure une heure. Madame Iselin, attend toujours avec sa fille cadette la fin du cours pour partir après, avec ses deux filles, déjeuner chez ses parents. Iris passe donc tous les mercredis après- midi chez ses grands-parents dans une commune semi-rurale de Genève ; là-

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bas, après le repas de midi et pendant que sa sœur cadette fait la sieste, Iris, comme dit sa maman « regarde la télévision ou elle joue un peu aux cartes » probablement plus la première chose que la deuxième ; vers 17h cʼest le retour à la maison. Le jeudi, une fois sur deux à peu près, elle accompagne sa maman dans un centre commercial pour regarder des boutiques, ainsi que faire quel- ques courses. Une semaine sur deux environ aussi, il arrive quʼelle invite deux amies de sa classe à manger à midi ou, après 16h, à venir jouer chez elle. Par- fois, cʼest elle qui est invitée. Pour ses soins personnels, Iris prend son bain un jour sur deux, par tour de rôle avec sa petite sœur, car toutes les deux ensem- ble, au dire de sa maman « il y en a partout ! ça prend vite une ampleur.. ». En- fin, à lʼheure du coucher, Iris a droit à une petite lecture dʼune quinzaine de mi- nutes, faite soit par sa maman soit par son papa. Par ailleurs, il est intéressant de voir que dans le discours de Madame Iselin, on observe que le mot « rituel » apparaît à plusieurs reprises (six fois). Est-ce que cela est un hasard ou répond à un besoin de sa part de montrer que lʼemploi du temps de sa fille a un rythme structuré, qui est en quelque sorte le fruit de son éducation, mais quʼelle nʼarrive pas à le conceptualiser autrement que par la répétition de ce mot? Au début de lʼentretien, jʼavais lʼimpression quʼelle avait du mal à comprendre lʼintérêt qui pouvaient avoir les activités extrascolaires des enfants et leur emploi du temps..

elle paraissait aussi avoir peur de ne pas répondre de manière juste… comme si jʼallais lʼévaluer, car à un moment donné elle mʼa dit : « oui, cʼest vrai… je ne sais pas si ça peut jouer, mais… ».

Le choix des cours extrascolaires d’Iris.

Comme nous avons vu, Iris suit deux cours de sport : un cours de patinage et un cours de natation. Lorsque jʼai demandé à Madame Iselin quelle avait été la mo- tivation pour lʼinscrire dans ces cours, elle mʼa dit quʼils (son mari et elle) vou- laient que leur fille suive au moins un cours de sport pour quʼelle puisse se dé- penser un peu, je la cite : « …voilà, que cʼétait bien, pour elle de canaliser son énergie, quʼelle a à en revendre donc… et cʼest vrai que ça lui plaît beaucoup..

on a plusieurs… elle a plusieurs choix.. quand on lui a demandé ce quʼelle pré- férais, par exemple le tennis… je ne sais plus, ce quʼil y avait ».. juste après, Madame Iselin mʼinforme que son mari travail au Service de sport, ce qui montre quʼelle perçoit un certain lien entre ça et cette prise dʼinitiative. Selon ce que Madame Iselin mʼa dit, ils (les parents) ont demandé à Iris ce quʼelle aimerait faire, à partir du choix offert par une brochure du Service des loisirs et du sport (que tous les parents reçoivent) et selon elle, Iris a immédiatement choisi « …

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dʼaller sur la glace, sur les patins ». Il est important de savoir quʼIris avait déjà certainement été à la patinoire. En ce qui concerne le cours de natation, les choses se sont passées un peu différemment ; Madame Iselin ne parle pas du choix de sa fille, mais plutôt du fait quʼil sʼagit dʼune activité nécessaire, mais sans pour autant la présenter comme obligatoire, car elle ne voudrait certaine- ment pas faire suivre à sa fille un cours extrascolaire sous la contrainte. Ma- dame Iselin dit : « depuis la rentrée…ça sʼest passé très bien au début et puis là, cʼest vrai que ça fait deux, trois cours où elle a beaucoup moins envie dʼy aller et là cʼest vrai que… pour moi, je trouve que cʼest important dʼapprendre à nager (…) cʼest vraiment la base, pour elle pour plus tard, mais cʼest vrai que.. » ; à la fin de lʼentretien on découvre que la grand-mère paternelle dʼIris a failli se noyer et que lʼinscription au cours de natation a été très probablement inspirée par cet incident, dʼailleurs, comme Iris perd dernièrement un peu sa mo- tivation pour ce cours, Madame Iselin me dit que sa belle-mère explique à Iris lʼimportance de savoir nager. Par ailleurs, ces cours ont lieu au centre sportif où travaille Monsieur Iselin. Le choix des cours de sport pour Iris sont plutôt susci- tés de lʼextérieur du ménage. Soit par lʼinfluence du travail de son père, soit par la brochure que tous les parents reçoivent; soit par lʼexpérience traumatisante de la grand-mère poussant les parents à éviter la répétition de ce genre dʼévé- nement. Madame Iselin me confie que sa fille est moins motivée pour les cours de natation, et peu de temps après mʼavoue quʼIris voudrait beaucoup faire de la danse. Lorsque je lui demande ce quʼelle pense faire de cette demande, elle me dit que devoir lʼaccompagner encore à un autre cours deviendrait un peu lourd pour elle (la maman); enfin, elle me dit quʼIris est encore petite et quʼelle ne sait pas encore ce quʼelle décidera, mais que peut-être elle pourrait commencer lʼannée prochaine. A son avis Iris voudrait faire de la danse surtout pour être avec ses deux autres copines qui en font. Il est intéressant de noter, (en dehors du fait que Madame Iselin cède ou pas à la demande de sa fille), est de savoir comment Iris qui nʼa que cinq ans, pourrait se trouver inscrite à un nouveau cours sous une autre influence extérieure au ménage. On peut constater que les parents dʼIris sont très attentifs à suivre ce qui peut être bien pour leur fille et qui peut lui faire plaisir, mais sans avoir des attentes à priori.

Les activités préférées d’Iris et le rôle subtil de la télévision.

Lʼactivité préférée dʼIris est de faire du patinage sur glace, ce qui correspond exactement au cours quʼelle suit. En deuxième lieu, elle me dit quʼelle aime beaucoup jouer au « Memory » à lʼécole, avec ses copains et sa maîtresse.

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Lorsque je lui demande à quoi elle aime jouer quand elle est à la maison, elle a du mal à répondre ; elle me dit : « à, à, à, à, à, à, à, à, …» On dirait quʼelle ne sait pas trop quoi dire et cʼest après, lorsque je lui repose la question quʼelle me dit jouer au Lotto avec son papa et sa maman. Lorsque je lui demande si elle fait des dessins, elle me dit quʼelle aime faire des dessins et quʼelle en fait beau- coup. Elle aime aussi beaucoup jouer avec sa petite sœur. Leur jeu principal consiste à courir partout, la petite sœur essayant de lʼattraper. Plus tard, elle revient sur le « Memory » et me dit quʼelle joue aussi avec sa maman et son papa. Elle me dit beaucoup aimer la musique et que pendant quʼelle lʼécoute elle aime beaucoup danser. A lʼextérieur, elle aime beaucoup faire du vélo sur son balcon (assez grand). Concernant la télévision elle nʼen parle pas beaucoup et elle me fait comprendre quʼelle préfère beaucoup plus, écouter la musique que regarder la télévision. Ses parents ont pris sur le câble, une chaîne spéciale pour enfants qui sʼappelle TIJI où il nʼy a que des dessins animés, parmi les- quels les deux programmes préférés dʼIris sont :« Tara et Petit Potin » et « Titi ».

Lorsque je parle avec Madame Iselin des activités de sa fille à la maison, elle me dit quʼIris aime surtout les puzzles, les cartes ou les jeux de sociétés, mais quand je lui demande quels jeux de société, elle ne nomme que lʼUNO et en- suite elle me parle dʼun autre jeu « de société » dont elle nʼarrive pas à me dire le nom. Je ne suis pas complètement sûre de la totale véracité des propos de Madame Iselin. Par son attitude, jʼai lʼimpression quʼelle veut faire bonne im- pression. Lorsque jʼai interviewé Iris, elle ne mʼa pas parlé, ni de puzzles, ni de jeux de société ; par contre, elle mʼa montré une caisse calculatrice en plastique, pour jouer au magasin, avec toute sorte des boutons et de bruits spéciaux quʼelle avait reçu pour son anniversaire et qui semblait bien lʼintéresser. Quant à la télévision Madame Iselin me dit quʼIris demande quʼon allume la télévision, mais comme elle dit : « elle ne la regarde pas longtemps, elle joue parfois à dʼautres choses, mais quand elle revient au salon elle veut quʼelle soit allu- mée ». Madame Iselin me dit que sa fille cadette, par contre, semble beaucoup plus attirée par lʼécran, ce qui fait quʼelle essaie dʼéviter dʼallumer la télévision.

Elle dit « oui, disons que ça dépend aussi comment est-ce quʼelle est… si je vois quʼelle arrive de lʼécole et quʼelle est un peu excitée, nʼimporte… jʼévite de lui mettre la télé, je ferais plus un jeu avec elle.. ». Elle ne sait pas me dire combien de temps elle regarde par semaine… remettant les choses dans leur contexte, je lui demande à quelle heure à peu près, après être rentrée de lʼécole, Iris lui demande dʼallumer la télévision et elle me dit « autour de cinq heures », car elle prend son goûter dʼabord. Ensuite elle joue avec sa sœur, cʼest après, quʼelle demanderait à sa maman dʼallumer télévision et cela peut durer, selon sa ma- man, cinq à dix minutes ou un quart dʼheure… Cependant plus tard, lorsquʼelle

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me parle du fait quʼIris a du mal à jouer toute seule, elle me dit, « souvent, enfin, des fois, on la met devant la télévision ou bien sinon elle joue avec sa sœur, mais cʼest vrai que cʼest… elle fait des crises… » le fait quʼelle commence sa phrase en disant « souvent » et quʼelle dit ensuite « on la met devant la télévi- sion», montre quʼà ces moments-là, ce nʼest pas Iris qui demande de regarder la télévision, mais que celle-ci lui est plus ou moins imposée prenant le rôle classi- que de baby-sitter, ceci est dʼautant plus clair si lʼon prend note de ce que Ma- dame Iselin dit juste avant cette phrase « … des fois on va jouer avec elle, mais cʼest vrai que des fois on peut pas trop, on a pas trop le temps ou » ; un peu avant, elle disait quʼelle nʼaime pas que sa fille prenne les jouets de sa chambre et les éparpille partout.. Préfère-t-elle voir Iris « devant lʼécran » plutôt que de mettre du désordre partout ?

Le respect et l’obéissance.

A propos de la télévision, je demande à Madame Iselin si ça lui arrive de dire

« non » à sa fille et elle me répond « oui, ça arrive si elle est trop excitée… mais cʼest vrai quʼelle comprend pas trop parce quʼon est des parents qui sommes assez… assez… comment dire… moi je me trouve assez stricte, quoi ». Sa ré- ponse est significative car, elle commence en disant « ça arrive », sans assumer que cʼest à elle que cela peut arriver, ensuite elle dit : « on est des parents qui sommes » et ensuite elle finit par dire « je me trouve assez stricte, quoi ». En fin de compte, elle est prête à assumer que cʼest plutôt elle qui est « stricte », mais dans la même phrase elle dit que sa fille « ne comprend pas trop ». Si sa ma- nière dʼagir était habituelle, on pourrait imaginer que sa fille comprendrait. Son hésitation de départ puis cette affirmation font croire que probablement elle et son mari nʼont pas le même point de vue concernant certaines règles et quʼelle- même peut-être nʼa pas non plus toujours les même réactions. Lorsque je lui demande quels seraient les choses importantes pour elle où elle se considère stricte, elle me parle du respect et de lʼobéissance, mais pas du tout en lien avec la télévision, mais plutôt en lien avec le rangement et lʼordre (ce qui expliquerait lʼusage de la télévision comme bab-sitter par la mère) ; elle dit « …jʼaimerais bien que ça soit rangé, suis pas du tout maniaque, mais voilà, jʼaime que les choses ( )… oui, quʼelle obéisse à ce quʼon lui dit, quʼon nʼest pas besoin de lui dire plusieurs fois dans la journée ». Quant à lʼaide quʼIris peut lui donner, en dehors de ranger ses jouets, quʼelle ne fait pas toujours comme elle voudrait, Madame Iselin me dit que sa fille lʼaide à débarrasser les assiettes, avec un inté- rêt non déguisé dʼarriver plus vite au dessert et que quand elle (Madame Iselin)

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fait le ménage, Iris enlève la poussière avec un petit plumeau. Par contre, lors- que Iris parle du rangement de ses jouets, elle montre très bien sa tactique pour faire en sorte que ça soit son père qui le fasse pour elle. Elle mʼexplique : « oui, souvent et mon papa aussi… je lui dis toujours “je veux pas ranger me jouets, tu peux venir ranger sʼil te plaît ?” » et ensuite elle raconte quʼelle court partout et on déduit quʼil (son père) le fait alors pour elle. Ceci montre bien, que lʼattitude du père ne doit pas être la même que celle de la mère.

Les relations familiales et sociales d’Iris et le rapport avec son papa.

Quant aux ami-e-s dʼIris on constate que ses relations sociales, en dehors de relations familiales, ne se développent quʼà lʼécole. Lorsque je lui demande si elle a des ami-e-s dans son immeuble, elle me dit « jʼai pas dʼami-e-s ().. jʼai quʼune petite sœur ». Lorsque je lui demande si elle nʼa pas dʼami(e)s dans le quartier, elle ne comprend pas ma question, alors que lorsque je lui pose la même question pour lʼécole, elle me répond quʼelle en a beaucoup et décide de les énumérer afin de me montrer, dʼune part, quʼelle en a beaucoup et dʼautre part et surtout quʼelle commence à savoir compter. Elle me dit quʼavec ses co- pains et copines dʼécole elle joue à « poule, poule , canard » et au « mouchoir ».

Elle me dit aussi quʼelle aime beaucoup jouer avec sa sœur, chose qui mʼest confirmée par sa maman. Iris a deux très bonnes amies dʼécole et, comme déjà dit, elles viennent parfois chez Iris et Iris parfois chez elles. Par ailleurs, à plu- sieurs reprises Iris parle de son père, on constate quʼelle lʼaime beaucoup et que, comme on vient de le dire, elle sait quʼelle exerce un certain pouvoir sur lui.

A un moment donné je lui dis : « tu joues au « Memory » avec ta maman ? et elle me répond : « et mon papa, .. () mais jʼadore mon papa », alors je lui dis :

« tu adores ton papa ? » et elle me répond «puisque je lui dis “tu mets la musi- que ?“ et il me dit “oui“ ».

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Le quotidien Joao Joalheiro.

Le contexte des deux entretiens.

Les deux entretiens ont eu lieu à lʼextérieur, dans un parc situé entre les immeu- bles dʼune cité satellite, pas loin dʼune Maison de quartier. Jʼai dʼabord intervie- wé Joao, un mercredi après le centre aéré. Sa grand-mère paternelle, qui avait été avertie de mon entretien avec son petit-fils, est venue le chercher plus tard ce jour-là. Jʼavais rencontré Joao le premier jour où je me suis rendue à la Mai- son de quartier de cette cité et lorsquʼil a su que je voulais interviewer des en- fants, il a été le premier à vouloir à tout prix que je lui propose un entretien. Il a fallu attendre que je parle avec sa maman pour lui demander la permission et enfin organiser la rencontre aussi avec le père, car le mercredi, cʼest lui ou quel- quʼun de sa famille qui le prend le soir. Lʼentretien avec sa maman a eu lieu deux semaines plus tard, un jour dʼautomne en fin de journée dans un parc, si- tué entre les immeubles de la même cité satellite, mais pas éloigné de chez elle.

Malheureusement je nʼai pas pu me rendre dans son appartement, car jʼavais lʼimpression que si je proposais cela, cʼétait la rencontre-même qui allait échouer. Jʼavais été avertie par les travailleurs sociaux du quartier du fait que Madame Joalheiro était une personne extrêmement occupée et que sa situation familiale était difficile ; Avant de la contacter, je savais déjà quʼelle était divorcée depuis trois ans environ et que les conflits avec son ex-mari ne sʼétaient pas estompés. Jʼavais su aussi quʼelle nʼaimait pas du tout que lʼon entre dans sa vie privée. Dʼailleurs, lorsque je lui ai proposé de participer à cette étude, elle mʼa dit à plusieurs reprises quʼelle était très occupée et quʼelle avait très peu de temps.

Caractéristiques socio-démographiques.

Joao est enfant unique dʼune famille monoparentale. Les parents sont divorcés depuis environ trois ans. Il habite dans une cité-satellite de Genève, parmi les plus défavorisées du canton. Ses parents sont tous les deux portugais. Il habite

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avec sa maman, et ses grands-parents maternels dans un appartement où il par- tage une chambre avec sa maman. Sa maman mʼa expliqué quʼelle a divisée la chambre en deux espaces différents, avec un rideau. Le père de Joao travaille comme ouvrier. La mère, jeune, ayant certainement moins de trente ans, travaille depuis quʼelle a seize ans. Malgré sa formation de vendeuse cela fait plusieurs années quʼelle travaille comme ouvrière horlogère. Il nʼy a pas longtemps, ses patrons lui ont proposé, de faire une formation dans ce secteur et elle est très en- thousiaste de commencer, car sa situation, mʼa-t-elle dit, sʼaméliorerait clairement.

Les grands-parents de Joao travaillent aussi. Le grand-père comme ouvrier à plein temps, la grand-mère comme nettoyeuse, les après-midis.

Points-clés dégagés de la confrontation des deux entretiens.

Le temps extrascolaire de Joao. Forte fréquentation des institutions et présence importante des grand-parents.

Lʼemploi du temps de Joao est directement lié à sa situation familiale où tant sa maman, divorcée, que ses grands-parents maternels, habitant avec lui, tra- vaillent. Joao est inscrit tous les jours dʼécole au restaurant scolaire ainsi quʼaux activités parascolaires. Il arrive à lʼécole à 8 heures et finit à 18h. Le mercredi, il arrive à la Maison de Quartier à 8h et part entre 17h30 et 18h. Par conséquent, le temps total passé par Joao à lʼécole et dans les institutions parascolaires et périscolaires, sʼélève à pratiquement 10 heures par jour, alors quʼil nʼa que six ans.

Les matins de la semaine, Joao ne voit presque pas sa maman, car elle quitte la maison à 7h. Cʼest sa grand-mère qui, tous les jours, comme dit Madame Joal- heiro, « le prend en charge (..) voilà, oui, le petit déjeuner, lʼhabiller et qui lʼamène à lʼécole ». Ce qui signifie que Joao dépend encore dʼun adulte pour sʼhabiller. Par ailleurs, tous les matins dʼécole, Edouard, un copain, rejoint Joao chez lui, car sa maman, devant travailler très tôt aussi, ne peut pas le conduire à lʼécole ; en attendant le départ à lʼécole Joao et Edouard sʼinstallent au salon pour regarder des dessins animés à la télévision.

Le soir, cʼest soit sa grand-mère soit sa maman qui viennent le chercher au pa- rascolaire. Lorsquʼil arrive chez lui, Joao veut toute de suite ressortir pour aller

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jouer dehors et notamment pour faire du vélo avec ses copains. Comme sa maman nʼest pas dʼaccord quʼil y aille tout seul, cela crée souvent des tensions.

Je cite Madame Joalheiro : « après le parascolaire, il veut sortir dehors et bah…

des fois cʼest pas tout à fait possible parce que jʼai des choses à faire à la mai- son, alors cʼest un pʼtit peu la crise…() jʼai besoin dʼavoir lʼœil sur lui alors… des fois il est un tout pʼtit peu puni, quoi, et il reste à la maison au lieu dʼaller jouer avec ses copains ». Quelques fois cependant, soit Madame Joalheiro soit sa mère, descendent avec lui pour le surveiller, pendant quʼil fait du vélo et quʼil joue avec ses copains. Les mercredis, comme on vient de le dire, Joao passe toute la journée à la Maison de Quartier et le soir cʼest la grand-mère paternelle qui vient le chercher pour lʼamener chez son papa. Madame Joalheiro me dit que Joao mange chez son papa et quʼensuite (autour de 21h) son père le ra- mène pour dormir chez elle. Joao de son côté me dit que le mercredi il reste dormir chez son papa. Lorsque je dis à Madame Joalheiro « donc il dort chez vous quand même le mercredi » elle me répond « oui, ils dort toujours chez moi, cʼest tous les quinze jours quʼil va chez son père ». A mon avis, le discours de la mère est plus vraisemblable en effet. Joao à tendance à transformer un peu la réalité ; par exemple, lorsque jʼaborde le sujet du restaurant scolaire, il me dit au départ, quʼil ne reste pas tous les jours. Cʼest seulement au bout de quelques questions quʼil mʼavoue y rester tous les jours et mʼexplique quʼavant il ne restait pas tout le temps. Joao nʼa pas lʼair de beaucoup apprécier le parascolaire. Je constate même parfois un certain malaise ; si pour le restaurant scolaire, il nie dʼabord sa présence habituelle, pour le parascolaire du soir, il explique en détail lʼaspect organisationnel, réglementaire et bureaucratique, plutôt que ludique de cette institution dans son école : « je reste au parascolaire et il faut faire le sac…

à quatre heures il faut… quand on est en haut il nʼy a pas besoin de faire comme ça (montre avec les bras), parce que nous, parce quʼil y a que le choco- lat et le pain et là il y a les jeux, mais si on est en bas, il faut croiser les bras comme ça (montre avec les bras)… (..) cʼest jusquʼà, jusquʼà que David, Mar- tine,….(..)… il faut appeler les autres, mais il faut quʼil y ait les trois, il faut quʼils appellent…(..) mais on peut pas appeler tout le monde…(..) non, mais, des fois je fais.. je reste comme ça.. et je fais comme ça… (..) pas pour le goûter cʼest pour quʼon monte… (..) …non, il faut manger et après attendre pour monter et après, il faut pas manger, il faut que boire et après on joue ». Bien quʼà la fin Joao finisse par parler des jeux, il ne semble pas vraiment sʼépanouir dans cette institution. Par ailleurs, en ce qui concerne le rapport de Madame Joalheiro à lʼécole et au parascolaire, elle dit avoir une « bonne complicité » avec la maî- tresse de son fils et que la dame du parascolaire, lui dit toujours que Joao va bien quʼil est un bon vivant ; mais par la même occasion, elle me dit que la maî-

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tresse lui donne une autre version, plutôt critique, sur lʼavis du parascolaire con- cernant le comportement de sont fils comme quoi il ne serait « pas trop sage ».

Même si Madame Joalheiro ne se montre pas du tout accablée par ces com- mentaires, car elle dit « je pense quʼils prennent leur mal en patience et ils se disent voilà…() de toutes façons tous les enfants sont comme ça, ils font des bêtises », cette remarque indique un problème de communication entre le per- sonnel institutionnel et Madame Joalheiro ; ce qui doit probablement retomber sur Joa, en fin de compte.

La TV et les activités préférées de Joao.

La première activité signalée par Joao comme sa préférée est « regarder la té- lé ». Viennent ensuite : faire du vélo et jouer à la Play-station. A la lecture des deux entretiens, on observe que le rapport à la TV de Joao est un peu para- doxal ; dʼune part, on constate que Joao regarde la télévision, tôt le matin, avant dʼaller à lʼécole, que le soir, dès quʼil arrive de lʼécole il la regarde aussi et de plus, quʼil y a deux télévisions à la maison, dont une dans sa chambre. Par con- tre, on a lʼimpression que Joao nʼa pas le droit de trop regarder la télévision, car sa maman, selon lui, lui dit dʼarrêter, mais finalement on sʼaperçoit quʼil la re- garde quand même, sʼil ne fait pas des bêtises. Je le cite : « ou bien je regarde toute de suite et après elle me dit stop (..) jʼai encore le temps de regarder un peu, mais si je fais de bêtises, jʼai pas le droit ». A aucun moment Madame Joal- heiro ne parle dʼune quelconque restriction à ce sujet. Ce nʼest que Joao qui fait toute de suite allusion aux limites lorsquʼil se réfère à la télévision. Sʼagirait-il de simples menaces proférées par Madame Joalheiro, comme simple moyen de pression pour contrôler le comportement de Joao, mais sans suite effective ? Il est important de noter toutefois, que le grand-père de Joao semble être un télé- spectateur assidu. Madame Joao explique que son père aime regarder la télévi- sion quand il arrive de sont travail afin de se détendre et quʼil nʼapprécie pas lorsque Joao fait du bruit en lʼempêchant dʼentendre ses émissions. Lorsque je demande à Joao le choix des émissions quʼil regarde, à un moment il parle de

« Cartoon, des dessins animés et des films » mais à un autre moment il affirme quʼau salon cʼest son grand-père qui choisit les films à voir. Ces affirmations donnent à penser que dans la famille Joalheiro, la télévision est allumée en permanence. Difficile dès lors, dʼimposer une restriction à moins dʼobliger Joao à aller jouer dans sa chambre.

En deuxième lieu, Joao dit beaucoup aimer faire du vélo. Dʼailleurs lorsquʼil parle de son rêve, cʼest le vélo qui lʼemporte et non pas quelque chose en lien

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avec la télévision. Comme nous lʼavons déjà vu, quand Joao rentre de lʼécole, il demande très souvent de ressortir pour aller jouer dehors avec ses voisins et notamment pour faire du vélo. Cependant il est rare que sa maman le laisse, car elle nʼest pas dʼaccord quʼil y aille tout seul. On peut imaginer que faire du vélo pour lui soit un peu un rêve, car il sʼagit dʼune activité quʼil ne peut pas exercer chaque fois quʼil le veut. Il est fort probable que son choix de la télévision ne soit en fin de comptes que la distraction la plus accessible lorsquʼil est chez lui.

En troisième lieu, Joao parle des jeux électroniques et particulièrement de la Play-Station. A ce sujet, lʼinquiétude de sa mère est patente ; Madame Joalheiro ne trouve pas bien que son fils joue à ces jeux quʼelle ne trouve pas bons pour son âge. Je la cite : « oui, vraiment jʼai du mal à faire comprendre à certaines personnes que la Play-station ça rend stupide…les gens ne comprennent pas…» elle dit ensuite que les gens pensent que cʼest ça la « modernité » et elle fait allusion à son neveu qui joue beaucoup et dont les gens croiraient quʼà cause de ça, il est « super intelligent ». Elle ne croit pas du tout que jouer aux jeux électroniques rende plus intelligent, par contre, elle considère que « ça peut devenir un vice, ça commence par le jeu de PSP, après ça commence par le jeu des machines et puis etc. etc. » enfin elle ajoute « on est en train dʼéduquer nos enfants à ne pas savoir sʼamuser avec une conversation, en rigolant, etc. des trucs complètement… raconter une histoire… ils savent pas ça et ça cʼest jouer ». Elle se réfère à son enfance, sans jeux électroniques et cependant «je ne suis pas plus bête que les autres, quoi ! ». Elle se plaint du fait que son fils ne sait pas jouer, par exemple avec des voitures, sauf sʼil a une nouvelle, alors quʼil en a une trentaine. Elle raconte aussi quʼelle lui a acheté un jeu électroni- que, mais « éducatif », parce quʼelle sait quʼil adore ça, mais elle préfère que ça soit éducatif en ajoutant plus tard quʼen plus il ne sait pas lire, ne sait pas très bien compter. Pour finir, elle dit que Joao joue à ça chez son père ; ce qui est confirmé par son fils. Joao dit que son père aime beaucoup les jeux de la Play- station et quʼil en a beaucoup, même certains qui sont très « dangereux », vou- lant dire probablement « violents ». Joao semble fasciné par les jeux électroni- ques chez son père. Il dit : « parce que je gagne toutes les courses.. (..) et après il y a des jeux dangereux, mon papa il a des jeux qui sont très dangereux.. ouais et il y a encore un qui est dangereux, mais qui nʼest pas de police... ». Ceci montre clairement que les jeux électroniques sont un sujet de total désaccord entre le père et la mère de Joao. La mère de Joao manifeste une très grande préoccupation concernant les dérives auxquelles ce type de jeux peut condui- re et ses arguments se centrent sur sa propre expérience dʼenfant, sur comment on jouait « avant », par rapport à ce qui se fait aujourdʼhui qui serait « moder- ne » et sans doute moins bien quʼavant. A un moment donné elle se réfère à

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lʼâge de Joao en disant quʼà dix ans il aura le temps de jouer à tous ces jeux, mais que maintenant il nʼen a que six ans. Le père, par contre, semble être un fan de ce type dʼactivité et dʼailleurs quand je demande à Joao ce quʼil fait quand il va chez son père il dit « mmh, je joue à la Play ».

Le manque de temps de Madame Joalheiro et les activités de Joao.

Tout au long de lʼentretien Madame Joalheiro nous fait part de sa difficulté à faire des choses du fait quʼelle nʼa pas le temps. La présence de ses parents est une aide précieuse pour Madame Joalheiro et elle ne sait pas du tout comment elle pourra sʼorganiser lorsquʼà la fin de lʼannée, ceux-ci seront partis. Son tra- vail commence tôt, créant déjà une première difficulté. Qui amènera Joao à lʼécole ? Il est étonnant de constater que dans un quartier si défavorisé du can- ton, aucun accueil nʼest organisé à lʼécole pour recevoir les enfants tôt le matin, alors quʼil sʼagit dʼun service qui existe dans dʼautres écoles.. Pour trouver un arrangement il faut avoir du temps, mais Madame Joalheiro arrive tard de son travail ce qui nʼaide pas à trouver de solutions et à sʼorganiser. Ses horaires ne lui permettent pas non plus dʼavoir du temps pour faire des choses avec son fils.

Lorsquʼil veut sortir pour jouer et quʼelle vient de rentrer, elle ne peut pas : « … des fois cʼest pas évident, parce que moi je travaille…je commence à sept heu- res, je rentre à six heures… le temps… jʼai pas le temps.. (..) mais quand je nʼaurai pas ma mère, il faudrait que je fasse tout.. alors automatiquement, jʼaurai encore moins le temps à lui consacrer ». A un autre moment, on parle des activi- tés de Joao et de ses activités extrascolaires ; elle dit « non, parce quʼavec lʼemploi du temps que jʼai, moi… je ne peux pas me permettre, par exemple, le mercredi, le mettre à faire du sport.. ah oui, si je pouvais avoir congé le mercre- di.. jʼaimerais bien quʼil fasse du foot ou quelque chose comme ça quoi, parce quʼil a besoin de se dépenser, mais avec les activités et mon emploi du temps, je ne peux pas ». Lʼorganisation du temps de Joao ainsi que ses activités dé- pendent totalement de lʼemploi du temps de sa maman ; ceci dʼautant plus quʼà son âge, il ne peut pas encore se déplacer tout seul. Plus tard, concernant les liens familiaux, Madame Joalheiro me parle de son frère qui a un fils proche en âge de Joao, mais en fait ils ne se voient que très peu à cause de leurs emplois du temps respectifs. Le seuls moments de détente de Madame Joalheiro qui sont « très, très rares », ont lieu le samedi, où pour « sʼévader » un peu elle va faire des courses et boire un pʼtit café avec des copains et des copines. Les week-ends où Joao est chez son père, elle va parfois danser.

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Vers la fin de lʼentretien, lorsquʼon parle du moment du coucher et de lʼhabitude de certains enfants à écouter une histoire avant de sʼendormir, Madame Joalhei- ro dit quʼelle ne tient pas à donner une habitude de ce genre-là à Joao ; elle pré- fère que chaque soir soit un peu différent ; son principal argument étant le man- que de temps : « … et moi je trouve que ça (lʼhabitude de lire une histoire) cʼest pas la solution non plus, surtout quand on a tellement des choses… on a un pʼtit peu de peine des fois à…à.. à concilier tout quoi, des fois, moi je reste ici trois semaines toute seule avec lui.. ça cʼest super bien passé eh.. pas de problème et tout… mais eh mm.. cʼétait des journées où jʼétais en vacances et elles étaient hyper-remplies, ah.. jʼavais pas le temps de rien et jʼétais en vacances ouf.. je me suis pratiquement pas.. entre la lessive, le ménage… ». Cependant par rapport à lʼheure du coucher elle tient à que celle-ci soit respectée. Elle dit quʼun enfant a besoin dʼavoir un rythme ; cʼest la raison pour laquelle elle veut que Joao aille au lit à neuf heures et même si, comme elle dit, cʼest difficile par- fois de se faire obéir, entre autres un peu aussi à cause de ses parents, elle se sent obligée dʼexiger que cela se fasse ; elle dit : « cʼest pas son père qui va le faire.. il le voit tous les quinze jours et cʼest pas une éducation », montrant par là quʼelle sent peser toute la responsabilité de lʼéducation de son fils sur ses épau- les.

Enfin, en ce qui concerne les cours de portugais et le catéchisme, Madame Joalheiro pense quʼelle inscrira Joao dans ces deux activités quand le moment viendra (Joao est trop petit encore). Bien que Joao parle parfaitement le portu- gais elle voudrait quʼil apprenne à lʼécrire. Quant à la pratique religieuse, elle avoue nʼest plus être pratiquante, mais quʼelle lʼinscrira au catéchisme « pour que quand même il fasse la première communion.. ().. au moins il aura fait déjà ça » ; Joao, par contre semble regretter de ne plus aller à la messe. Il dit quʼavant ils allaient ensemble (la famille) à la messe et que cela ne se fait plus ; il dit : « je peux pas aller, je peux pas aller, mais jʼy pense ». A lʼentendre, on di- rait quʼil en garde un très bon souvenir.

L’insécurité du quartier et les voisins.

Lʼimmeuble de Joao, comme nous lʼavons déjà dit, se trouve proche dʼune cité satellite, dans un quartier très défavorisé du canton. Madame Joalheiro se méfie de son quartier. Elle a peur que quelque chose arrive a Joao. Elle dit souvent quʼelle doit « avoir un œil sur lui » parce quʼelle ne veut pas quʼil aille jouer tout seul en bas de lʼimmeuble, mais plus tard elle précise un peu plus sa peur. Elle dit : « jʼaimerais bien quʼil soit un peu plus responsable, quʼil se rend compte des

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dangers, cʼest plutôt ça que jʼai peur… du fait quʼil est tellement facile de mener..

() si quelquʼun lui dit “vient on va faire un tour” il est capable de partir ».. après elle dit, « parce que pour jouer il est toujours prêt, alors il peut partir avec nʼim- porte qui ». Plus tard, elle dit : « je me dis, si je ne le surveille pas, ça va être ma faute, sʼil lui arrive quelque chose » ou « il arrive un inconnu qui lui parle, il em- barque » . Ensuite, elle ajoute : « cʼest pas tout à fait une peur, mais il vaut mieux prévenir, quoi ! » … « voilà, je préfère le surveiller et ne lui faire pas trop peur de la vie ». Après elle reprend : « on a quʼune enfance, si on la gâche cʼest encore pire, le fait de ne pas avoir papa et maman cʼest déjà une injustice ».

Dans toutes ces interventions on voit que Madame Joalheiro, bien que parfois elle le nie, a peur des dangers du quartier et quʼelle trouve Joao encore très naïf. Le responsabiliser veut dire pour elle quʼil comprenne les dangers. En ce qui concerne les voisins, Madame Joalheiro dit, quʼen dehors dʼune famille qui est partie il y a un an et quʼils connaissaient depuis environ trente ans, ils nʼont de contact avec personne. Elle préfère garder une distance : « trop dʼapproche ça fait parfois des conflits… il vaut mieux des fois dire bonjour et au revoir.. je suis très sociale, mais pas avec les voisins » et concernant Joao, elle ajoute :

« ça me dérange pas quʼil aille jouer avec les enfants ».. ensuite elle précise encore « il faut savoir mettre des barrières comme pour les enfants… si nous on veut être bien dans notre vie, il faut faire comme ça, moi je pense… parce que quand cʼest tout mélangé et il y a tout le monde qui vient à la maison… cʼest pas bon ». Ces propos témoignent dʼun climat dans son immeuble et dans son quar- tier peu convivial ; ce qui a sans doute pour effet dʼaugmenter la méfiance. Cette attitude est assez courante à Genève, surtout lorsque les habitants ont peu de moyens. Cʼest une manière de se protéger.

Les copains, la vie social de Joao et la communication avec ses parents.

Joao est très sociable et a beaucoup de connaissances ; tout au long de lʼentre- tien on constate lʼintérêt quʼil accorde au fait de jouer avec ses camarades. Ce- pendant, il a un seul meilleur ami, Edouard, qui nʼest pas dans sa classe, mais qui vient tous les matins pour aller à lʼécole avec la grand-mère. Aucun autre ami de lʼextérieur vient à la maison. La vie sociale de Joao se passe donc sur- tout à lʼécole, au parascolaire, au périscolaire et en bas de chez lui, quand sa mère ou sa grand-mère lʼaccompagnent. A aucun moment il nʼest question que son grand-père lʼaccompagne en bas pour quʼil puisse jouer avec dʼautres en- fants. Lorsque Joao parle de la Maison de quartier il lʼappelle « lʼautre école » . Il

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ne voit pas encore trop de différence entre lʼécole et cette « autre école » ; pro- bablement à cause du type dʼencadrement reçu. Quant à la présence à la Mai- son de Quartier, il se plaint un peu des camarades qui sont un peu plus grands, car ils lʼempêchent de jouer au football avec eux. Il dit : « oui, je vais pas là, parce que les autres ils me laissent pas.. » « en plus ils sont méchants.. ils sont méchants avec moi ! ». Lorsque je lui demande sʼil y a quelque chose quʼil vou- drait changer, en pensant à son quotidien, il me répond « changer dʼêtre mé- chant », alors je lui demande sʼil trouve quʼil est méchant et il me dit « oui » et enfin il me dit : «oui, dans les autres écoles… je viens ici…parce que des fois je nʼobéis pas.. ». Ensuite, il me dit que parfois il tape et quʼil dit des gros mots et quʼil voudrait changer ça. En fait, Joao a incorporé les consignes du bon com- portement institutionnel et de la vie communautaire, mais en même temps il souffre intérieurement de cet encadrement constant, développant en lui une cul- pabilité ; il croit quʼen fin des comptes sa présence dans « ces autres écoles », (probablement le parascolaire et le périscolaire) est due à son mauvais compor- tement.

En ce qui concerne la communication de Joao avec les membres proches de sa famille, Joao me dit quʼil parle beaucoup avec sa maman et aussi avec sa grand-mère, mais très peu avec son père et son grand-père. Cependant lorsque jʼaborde ce sujet avec sa maman, celle-ci me dit que Joao ne lui raconte rien et quʼelle ne comprend pas pourquoi : « il me dit “non je sais pas”, il me dit “oui jʼai mangé de la viande” ou “des pâtes” sais pas.. () il y a pas une discussion, jʼes- saie en fait je discute, je lʼengueule…() .. non, il ne me parle pas, il ne me parle pas du tout (..) non, non, il est très secret, jʼai lʼimpression cʼest comme si lʼécole, cʼest lʼécole et la maison cʼest la maison et il ne faut pas mélanger () quand jʼessaie de poser une question “pourquoi tu as fait ça à lʼécole ?” il me dit : “cʼest ma tête qui a décidé de le faire” ». En fait, Joao nʼa que six ans ; pro- bablement pour lui « parler » cʼest juste échanger des paroles, mais pas néces- sairement converser ou se confier, ce qui explique la différence dʼappréciation entre lui et sa maman et ce qui montre aussi quʼavec la gent masculine de la famille il nʼy a presque pas dʼéchange verbal. Cela arrive souvent que les en- fants ne racontent pas ce qui se passe à lʼécole ; ce phénomène doit être en- core plus fort, lorsque lʼambiance familiale ne facilite pas la communication et que le temps de disponibilité de la mère pour communiquer est, de plus, particu- lièrement réduit.

3.3.6. Ce qui prime dans l’éducation de Joao.

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Madame Joalheiro ne parle pas beaucoup de ses attentes concernant lʼéduca- tion de son fils. Elle regrette quʼil ne sache pas encore bien lire et compter et cʼest pour cela quʼelle lui a acheté un jeu éducatif, mais il nʼest pas clair, quʼil lʼutilise vraiment. Elle ne veut pas quʼil devienne accro de jeux électroniques, comme nous lʼavons déjà vu, car elle trouve quʼil est trop petit, mais elle ne dé- veloppe aucune activité liée à la lecture ou à la créativité avec lui, à part lʼachat de ce jeu électronique éducatif. Elle voudrait que Joao devienne plus responsa- ble, surtout concernant les dangers. Elle tient beaucoup aussi à une obéissance sans question et au respect des adultes et des membres de la famille en appre- nant quʼil ne faut pas les confondre avec ses copains. Enfin elle parle aussi du fait que Joao doit apprendre à ranger ses affaires, et que cela nʼest pas encore acquis, car souvent cʼest elle qui finit par le faire. Tout cela montre que les va- leurs les plus importantes pour sa maman sont directement en lien avec la facili- tation du fonctionnement quotidien.

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