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La Restauration 1815

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La Restauration 1815

Selon les termes de la Charte constitutionnelle de 1814, la monarchie bourbonienne restaurée prétendait «réconcilier» les Français. Même si elle eut la sagesse de ne pas prétendre rayer d'un trait de plume les changements intervenus depuis 1789, dont la stabilisation avait été la clé du consensus politique obtenu par l'Empire, elle ne parvint jamais à passer pour autre chose que le rétablissement des autorités sociales de l'Ancien Régime.

I. La recherche d’une nouvelle légitimité.

1. L'ambiguïté du régime est manifeste dès sa fondation, qui n'est rendue possible que par la défaite militaire de

Napoléon. Installée en 1814 puis rétablie après l'épisode des Cent-Jours, en 1815, par les vainqueurs de Napoléon, la monarchie restaurée est appelée à demeurer un régime imposé par l'Europe conservatrice. La seule vraie

entreprise extérieure, l'expédition espagnole de 1823 (visant à rétablir le très réactionnaire Ferdinand VII), ne fera pas oublier, de ce point de vue, la grandeur

impériale, y compris auprès des anciens soldats. Seule l'ancienne aristocratie pouvait se féliciter, après 1815, du rang retrouvé par la France dans le concert des

monarchies de droit divin.

2. Louis XVIII signe le premier traité de Paris le 30 mai 1815, qui ramène la France à ses frontières de 1792, et octroie aux Français une Charte

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constitutionnelle le 4 juin. D'autre part, la Restauration des Bourbons n'a pu éviter que des règlements de

comptes ne compromettent l'atmosphère de réconciliation nationale qu'elle désirait promouvoir. Les ralliements obtenus pendant les Cent-Jours par Napoléon et son Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire (rédigé par Benjamin Constant) poussaient d'ailleurs à sanctionner avec sévérité les «traîtres» et à ne pas renouveler une

«tolérance» qui avait fait le lit, autrefois, de la subversion jacobine et de l'«usurpateur». Dans cette mesure, il est inexact de décrire les violences de 1815-1816, connues sous le nom de Terreur blanche, comme l'expression

«spontanée» des rancœurs populaires dans des régions, comme le Gard et le Midi marseillais, où les luttes

révolutionnaires s'étaient superposées à des clivages religieux anciens.

3. En réalité, ces violences, dont les cibles sont collectives ou individuelles (arrestations, procès ou meurtres

d'anciens chefs locaux de la république thermidorienne ou de l'Empire), sont guidées en sous-main par la

noblesse royaliste de ces régions, et couvertes par les nouveaux préfets ou par l'ancienne police napoléonienne.

Les bandes armées de nobliaux et de paysans qui se distinguent alors (ou bien les groupes «paramilitaires»

comme les verdets du Midi toulousain) agissent avec la complicité du pouvoir ou des proches du comte d'Artois, le frère du roi.

Certes, c'est Louis XVIII lui-même qui aura la sagesse de faire cesser cette «Terreur légale»: le ministère Richelieu est à l'origine de la dissolution, en septembre 1816, de la fameuse «Chambre introuvable» (ce qui pousse les ultras

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dans l'opposition), puis de la promulgation d'une loi d'amnistie se contentant de proscrire les régicides (d'où, par exemple, l'exil de Sieyès et de David à Bruxelles, de Fouché à Trieste). Néanmoins, beaucoup de mal avait déjà été fait, et avait ressuscité les «deux Frances»,

ennemies irréconciliables, entre lesquelles il serait délicat de faire entendre une voix d'arbitre.

«Tous les efforts de mon gouvernement tendent à faire que ces deux peuples, qui n'existent que trop, finissent par n'en plus former qu'un seul», écrivait le roi à son frère en 1818.

II.Le retour de la paix sociale.

1. Tout en affirmant, dans le préambule de la Charte,

vouloir «renouer la chaîne des temps», la Restauration a effectivement pris soin de ne pas pousser trop loin l'esprit de revanche, par exemple en ne revenant pas sur

l'abolition des privilèges et des droits féodaux, et en ne remettant pas en cause les achats de biens nationaux (qui avaient été en réalité beaucoup plus des biens de l'Église que des terres nobles), alors même que leurs acquéreurs étaient insultés par les émigrés fraîchement rentrés et dénoncés avec ardeur par le clergé.

2. Cependant, les nobles purent, par des pressions et des arrangements divers, par des rachats aussi, récupérer une bonne partie de leur ancien patrimoine: la richesse

foncière de l'aristocratie n'est donc pas, au bout du compte, entamée de façon décisive (elle représente encore près d'un cinquième du sol français).

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3. De même, la Restauration réussit à se tirer assez bien du piège constitué par la réforme de l'armée, en rendant progressivement à la vie civile les anciens soldats de Napoléon, via le système des demi-soldes, et en

introduisant le mérite dans l'avancement militaire, avec la loi Gouvion-Saint-Cyr de 1818.

4. Cette modération va en réalité mécontenter les deux camps. C'est le cas, en 1825, avec la loi d'indemnisation des émigrés, laquelle répond à 25 000 demandes; les fonds proviennent de la conversion de certaines recettes de l'État en rentes (30 millions de francs à 3 % d'intérêt, soit un capital de près de 1 milliard). L'aristocratie

dénonce le projet comme insuffisant, tandis que la gauche le présente, non sans raisons, comme une amende infligée à 29 millions de Français au profit de quelques dizaines de milliers d'autres, récompensant la trahison (c'est-à-dire l'émigration) et punissant la nation. De même, la loi

de 1826 (visant à freiner le morcellement des propriétés rurales de l'aristocratie) modifie le régime des

successions, mais elle est aussitôt dénoncée comme un retour au droit d'aînesse, lequel avait été aboli par la

Révolution, et comme étant en contradiction avec le Code civil. Jugée trop souple à droite, elle provoque cependant le déchaînement de la gauche, qui exprime son

mécontentement par des discours très violents,

notamment ceux de Barante, de Molé ou de Decazes.

III.Aspects positifs de la Restauration.

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1. La Restauration va cependant permettre l'acclimatation en France de la pratique du parlementarisme et du

pluralisme politique, travail qui sera d'ailleurs poursuivi par la monarchie de Juillet. En acceptant, dès 1815, que la Chambre débatte du budget, elle fait d'entrée une

concession décisive pour la prérogative parlementaire, et lorsque ce débat fut, sous les gouvernements Decazes et Villèle, suivi d'un vote, il devint l'un des moments clés de la vie parlementaire. Les séances, rapportées par les

journaux, n'étaient pas censurées, et les députés s'exprimaient très librement, sous couvert de leur immunité.

2. Certes, la Charte ne fut jamais officiellement interprétée dans le sens d'une responsabilité du ministère devant les Chambres, mais cette lecture parlementariste reçut de nombreux soutiens, et dans un éventail assez large. Si on n'est pas surpris de la rencontrer dans l'opposition libérale (Constant, le groupe des doctrinaires de Royer-Collard), il s'en trouva parmi les ultras pour la revendiquer comme conséquence de l'irresponsabilité du roi, ainsi

Chateaubriand dans De la monarchie selon la Charte.

L'autorité du monarque ne pouvant pas être contestée, les ministres doivent être responsables devant l'institution parlementaire, sans quoi celle-ci est tenue de s'adresser à ce dernier (ce qui ne serait pas admissible).

3. On évolue donc véritablement vers un contrôle

parlementaire, ainsi que le montre le retrait de Decazes après l'assassinat du duc de Berry (l'héritier présomptif de

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la dynastie) en février 1820. La Chambre, qui dénonce sa mollesse (et donc sa «responsabilité» dans le meurtre), obtient son départ alors même qu'il a conservé la

confiance du roi. Et il est permis d'interpréter de la même façon le résultat de l'épreuve de force de juillet 1830.

Enfin, la pratique de la dissolution à des fins politiciennes tend à s'imposer: Villèle, au pouvoir de 1821 à 1828, choisit de dissoudre la Chambre, en décembre 1823, de façon à obtenir une majorité plus large, puis la dissout à nouveau en décembre 1827, après le refus de deux de ses projets (loi sur le rétablissement du droit d'aînesse, loi sur la limitation de la liberté de la presse). Mal lui en prend cette fois, car les ultras perdent la majorité aux nouvelles élections, et, ne pouvant se maintenir face à une

Assemblée modérée qui fait de son retrait une question de principe, il démissionne.

III. Charles X. 1824 1830

Néanmoins, l'avènement de Charles X (à la mort de

Louis XVIII, en 1824) marque une régression. Ses positions extrêmes sont connues – de la bigoterie, dont le sacre à Reims en 1825 est une manifestation jugée grotesque par l'opinion, à son exécration du système politique anglais – et ne présagent rien de bon.

1. Elles l'amèneront en effet à mettre fin à l'intermède

«libéral» du ministère Martignac (1828), et à imposer à la tête du gouvernement le duc de Polignac, entouré de toutes les garanties réactionnaires possibles

(notamment la présence de La Bourdonnaye), et

totalement à contre-courant de l'équilibre des forces à la Chambre. C'est sciemment, avec l'accord de ses

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proches, qu'il choisira d'employer des moyens dictatoriaux en juillet 1830.

2. . La vision de la société française qui transparaît dans le système électoral et ses nombreuses modifications est sans doute ce qui permet le mieux d'apprécier la signification historique de la Restauration. L'élite

dirigeante eut très tôt conscience que tout abaissement du cens risquait de conduire à un élargissement de l'audience des libéraux: «Limitez la classe moyenne [bourgeoise], la seule que vous ayez à redouter», disait Villèle. D'emblée, il est clair que le vote n'est pas un droit, mais l'exercice d'une responsabilité qui exige hauteur de vues et indépendance d'esprit, et dont la fortune est le garant le plus crédible. Le seuil fixé par le cens correspond à l'addition des quatre contributions directes, et il est clair que la patente (payée par les commerçants, les boutiquiers et les entrepreneurs) ne suffit pas à elle seule à l'atteindre.

3. C'est donc la propriété foncière qui assoit la position sociale et confère l'aptitude à exercer des droits

politiques: elle définit la capacité de former l'opinion, via les clientèles ou la tutelle sur la paysannerie.

4. Divers moyens sont à la disposition du gouvernement pour accroître la représentation de la noblesse au sein du corps électoral: les dégrèvements d'impôts de 1820 vont permettre d'écarter 14 000 électeurs (sur environ 100 000). La suppression de la patente et des «portes et fenêtres» du calcul de l'impôt, décidée par les

ordonnances de juillet 1830, a exclu du droit de suffrage la majorité de la bourgeoisie commerçante.

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5. Néanmoins, chaque phase «libérale» du régime s'est accompagnée de mesures visant à élargir le droit de suffrage (notamment la loi Lainé, en février 1817, sous le gouvernement Decazes), ou au moins à réduire

l'arbitraire préfectoral dans l'établissement des listes électorales.

Cependant, la monarchie ne put se résigner à réaliser l'intégration politique de la bourgeoisie moyenne et des professions libérales, dans la mesure où elles

incarnaient les catégories bénéficiaires, et bien souvent actrices, du processus révolutionnaire.

6. Charles X, en ordonnant la dissolution de la Garde nationale de Paris, coupable d'avoir crié des slogans hostiles au ministère et aux jésuites pendant une revue, en avril 1827, heurtait la bourgeoisie parisienne à

travers une institution dans laquelle elle voyait la reconnaissance de son mérite civique (et dont l'accès était aussi censitaire). La Garde se bat, en 1830, contre les troupes de ligne, et l'un des premiers actes de

Louis-Philippe, en 1831, sera d'en ouvrir l'accès à toute personne acquittant l'impôt, entre autres aux petits boutiquiers.

7. Enfin, le monde des affaires n'est pas l'objet

d'attentions particulières de la part de la monarchie. Si celle-ci a quelques velléités de moderniser les

infrastructures de transport (routes, canaux), elle ne se donne pas les moyens budgétaires d'encourager les progrès économiques: l'industrialisation de la

sidérurgie et du textile avance lentement.

IV La Révolution de Juillet.

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En somme, la révolution de Juillet sanctionne un pari assez illusoire, celui de pouvoir se contenter d'une base sociale très étroite, et une faute certaine, celle d'avoir assimilé l'opposition à la subversion.

Les nombreux actes d'anticléricalisme (assauts populaires contre le palais épiscopal à Rouen et à Paris, insultes aux prêtres et saccages d'églises ailleurs) et les incendies de châteaux qui l'accompagnent dans les campagnes du

Bassin parisien montrent que le durcissement incarné par Polignac était bien assimilé à une «réaction féodale», thème sur lequel la presse d'opposition (notamment le Constitutionnel de Casimir Perier), la caricature et la chanson brodaient depuis un certain temps.

L'insurrection de Juillet, encadrée et récupérée par des étudiants et des gardes nationaux bourgeois, est d'abord le fait des artisans et des ouvriers de métier (au premier rang desquels les typographes, menacés par l'ordonnance censurant la presse), c'est-à-dire de l'élite du monde du travail à forte tradition politique, mais presque pas du bas peuple, le futur «sous-prolétariat» des Ateliers nationaux et des journées de juin 1848.

Enfin, la crise économique sévissant depuis 1829 avait contribué à lasser les industriels (qui redoutaient

l'incapacité du gouvernement en cas de conflit violent avec les ouvriers, comme à Limoges) et davantage encore la haute banque (nombreuses faillites) – pas au point de souhaiter la chute du régime, mais certainement au point d'en faire réfléchir certains.

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Les financiers Laffitte et Hottinguer, convaincus que les Bourbons conduiraient le pays à l'anarchie s'ils

persistaient dans leur ligne dure, pensaient depuis longtemps au duc d'Orléans comme à un deus ex machina, incarnant une voie médiane.

Thiers et Guizot, avisés historiens, avaient aussi songé à la révolution anglaise de 1688, avec d'un côté son

Jacques II, de l'autre son Guillaume d'Orange.

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