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FRANKENSTEIN L’HISTOIRE SUISSE DE

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ALLEZ SAVOIR !JANVIER 201456

NUMÉRO

56

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Janvier 2014 | Gratuit

!

FRANKENSTEIN L’HISTOIRE SUISSE DE

| UNICOM | Image : jsmonzani.com |

Programme complet :

www.grangededorigny.ch

et pages 64-65 d’Allez savoir!

LITTÉRATURE

BIOLOGIE

Pourquoi les vrais jumeaux sont-ils légèrement différents?

28-33

NATURE

Vol au-dessus d’un nid de skieurs 34-38

HISTOIRE DES RELIGIONS

L’invention de Dieu 52-57

(2)

4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne 4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne

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Plus d’informations sur :

www.unil.ch/alumnil/emploi

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ÉDITO

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM Magazine de l’Université de Lausanne

N° 56, janvier 2014 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création de la maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Sonia Arnal Sophie Badoux Elisabeth Gordon Cynthia Khattar Virginie Jobé Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger Muriel Sudano-Ramoni Sandrine Wenger Francine Zambano Correcteur Albert Grun Direction artistique Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Photographie Nicole Chuard Illustration

Eric Pitteloud (pp. 3, 45) Couverture

Luc Frieden – meyk.ch Impression IRL plus SA

Traitement de la couverture KMC, Le Mont-sur-Lausanne Tirage

16 000 exemplaires Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 4) 021 692 22 80

LES DRONES

DÉFIENT LE DROIT

P

lacé sous le sapin de Noël à l’inten- tion du petit neveu, le drone n’a pas mis longtemps avant de sur- voler le jardin du voisin. Outre le plaisir du pilotage, c’est la possi- bilité d’embarquer une caméra qui fait tout le sel de cet ingénieux robot. Ensuite, comme le vante un fabricant, rien de plus simple que d’utiliser «l’interface convi- viale pour transférer votre vidéo en un clic vers YouTube». Et voilà: un générique ajouté, un peu de musique pour l’am- biance et le meeting aérien du quartier est en ligne.

Bien entendu, Junior ignore qu’il vient peut-être de commettre quatre infrac- tions différentes à la Loi sur la protection des données, pour autant que des per- sonnes identifiables se trouvent sur son court métrage. Comme avec d’autres nou- veautés technologiques rendues acces- sibles à tous, les drones traversent une phase d’apprentissage et de jeu avec les limites: ce qui est faisable se réalise.

Dans un rapport publié fin 2006, le Préposé fédéral à la protection des don- nées estimait déjà que «les prises de vues aériennes, notamment par les drones, constituent un plus grand risque d’at- teinte aux droits de la personnalité». Car contrairement aux caméras de surveil- lance, qui sont immobiles et dont le champ de vision est limité dans l’espace, les en- gins volants sont libres comme l’air…

Ces appareils possèdent d’évidentes applications dans le domaine de l’espion- nage. En Suisse, le projet de Loi fédérale sur le renseignement prévoit en son état actuel que le Service de renseignement de

la Confédération pourrait «observer des événements et des installations dans des lieux publics ou dans des lieux librement accessibles et y effectuer des enregistre- ments visuels et sonores. Il peut utiliser à cet effet des aéronefs ou des satellites.» Ce qui comprend donc les drones.

Notre armée cherche à acquérir des modèles modernes auprès de sociétés is- raéliennes, l’un des pays leader de cette industrie. Et c’est évidemment l’utilisa- tion de ces robots dans l’élimination des cadres de haut rang d’Al-Qaïda et de ses affiliés qui soulève le plus de questions.

Emblématiques de la présidence Oba- ma, les drones observent et tuent dans des pays avec lesquels les Etats-Unis ne sont pas en guerre, comme le Pakistan, le Yémen ou la Somalie. Leurs cibles, choi- sies selon des critères secrets, ne portent pas l’uniforme d’une armée régulière. Les frappes, parfois réalisées au mauvais en- droit et au mauvais moment, font des vic- times civiles. Le droit international huma- nitaire s’en trouve bousculé, mais n’est pas totalement démuni (lire en p. 22).

Plus de 50 pays possèdent déjà ces ap- pareils, ou en développent. Une mode ra- tionnelle, puisqu’ils présentent le double avantage de coûter moins cher que les avions de chasse, et de réduire à zéro les pertes humaines – du côté des pilotes.

L’idée que de nombreuses nations, s’inspi- rant du précédent américain, les utilisent pour frapper leurs ennemis n’importe où déboucherait sur un véritable cauchemar, évoqué par le président du CICR Peter Maurer: le monde entier transformé en potentiel champ de bataille. 

EMBLÉMATIQUES DE LA PRÉSIDENCE OBAMA, LES DRONES OBSERVENT ET TUENT DANS DES PAYS AVEC LESQUELS LES ÉTATS-UNIS NE SONT PAS EN GUERRE.

DAVID SPRING Rédacteur, UNIL

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NOM / PRÉNOM ADRESSE

CODE POSTAL / LOCALITÉ

TÉLÉPHONE E-MAIL

DATE ET SIGNATURE

JE M'ABONNE À « ALLEZ SAVOIR ! »

Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch

Allez savoir! et l'uniscope (le magazine du campus) peuvent être consultés partout, grâce à leurs versions pour tablettes et smartphones. Leur contenu est enrichi de vidéos, de sons, de galeries photographiques et de liens.

Disponible via Google Play et App Store.

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SOMMAIRE

!

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Janvier 2014 | Gratuit

NOM / PRÉNOM ADRESSE

CODE POSTAL / LOCALITÉ

TÉLÉPHONE E-MAIL

DATE ET SIGNATURE

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Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch

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BRÈVES L’actualité du campus:

distinctions, formation, international, publications.

PORTFOLIO Musique,

Niger et chouettes.

DROIT Game of Drones.

Quand les drones font décoller la science.

BIOLOGIE Pourquoi les vrais jumeaux

sont-ils légèrement différents?

NATURE Vol au-dessus d’un nid de skieurs.

MOT COMPTE TRIPLE Qu’est-ce que la neurothéologie.

Avec le psychiatre Jacques Besson.

ÉCONOMIE La Suisse est le seul pays à avoir diminué sa dette durant la crise.

RÉFLEXION Les MOOCs, entre nouveauté et déjà-vu. Par Catherine El-Bez et Jacques Lanarès.

SPORT C’est plus fatigant de courir

150 kilomètres que 330.

Pour en finir avec l’abandon.

HISTOIRE DES RELIGIONS L’invention de Dieu.

Thomas Römer raconte la carrière du Yahvé de la Bible.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL De la «Banane» à l’économie.

Rencontre avec Cristina Gaggini, directrice romande d’economiesuisse.

ARCHÉOLOGIE

Quand les images mettent à jour les vestiges du passé.

Avec Bernard Reymond.

LIVRES

Histoire de l’art, Alpes, tatouages, médecine et architecture.

Sept suggestions de lecture.

FORMATION CONTINUE La passion de l’action publique.

L’IDHEAP rejoint l’Université de Lausanne.

Communiquer par écrit.

MÉMENTO Cours publics, conférences, théâtre, musique et expositions.

CAFÉ GOURMAND Saisir les notions à l’origine d’une loi.

Avec Nathalie Dongois.

52 58 59 60 62 64 66

LITTÉRATURE Frankenstein n’aurait pas vu le jour sans la Suisse et ses étés pourris.

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LA NUIT APPARTIENT À TCHAÏKOVSKY

Pendant la journée, l’auditoire 351 de l’Amphimax voit passer des étudiants en Sciences sociales et politiques. Le soir, il accueille régulièrement les répétitions de l’Orchestre symphonique et universitaire de Lausanne (OSUL).

Ainsi, ce 6 novembre 2013, une cinquantaine de musiciens répétait la Symphonie n° 1 de Tchaïkovsky, sous la direction du chef invité Luc Baghdassarian.

Sur un tempo allegro, ce dernier fit retravailler plusieurs fois quelques mesures, demanda

«davantage d’intensité» sur un fa dièse, exigea «des attaques plus lumineuses et ascétiques» de la part des cordes, s’intéressa de près aux contrebasses et prodigua des encouragements. L’intensité du travail se ressentait dans l’auditoire, où la concentration ambiante était palpable. Des moments de musique fascinants à observer. DS

Prochains concerts à Lausanne:

le 19 mars (Bruckner) et le 5 juin 2014 (Schumann). Détails en pages 64 et 65.

Entretien avec Hervé Klopfenstein, directeur artistique de l’OSUL, sur www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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SPÉCULATION SOUS LE SOLEIL NIGÉRIEN

Niamey, mi-novembre 2013.

Propriétaire de terres agricoles, Boubacar Ganda guide Ursula Meyer, doctorante à l’Institut de géographie et durabilité, au travers de la «Ceinture verte». Cette zone périphérique de 2500 hectares est aujourd’hui grignotée de tous les côtés. La croissance de Niamey engendre un étalement urbain largement incontrôlé, et donc de la spéculation. De plus, «le foncier est devenu une marchandise utilisée pour former des alliances politiques, aussi bien à l’échelon local que national», explique la scientifique. Mêlant observations sur le terrain et recherche de type ethnographique pour sa thèse, Ursula Meyer décrypte les enjeux majeurs, mais parfois bien cachés, qui se jouent autour de la Ceinture verte. DS

Reportage photographique et nombreuses informations complémentaires sur www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO MAURICE ASCANI

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LA CHOUETTE N’A PAS TOUT DIT

Assistant au Département d’écologie et évolution, Paul Béziers tient une chouette effraie, à Domdidier (FR). L’Université de Lausanne a posé et contrôle 250 nichoirs installés dans des granges, autour de Moudon, Orbe, Yverdon, Payerne et Avenches.

Les chercheurs du groupe d’Alexandre Roulin s’intéressent à plusieurs aspects de la vie de ces oiseaux. Par exemple, la communication chez les jeunes, qui, en attendant le retour de leurs parents partis chasser, échangent des cris pour déterminer

pacifiquement qui d’entre eux aura la priorité sur la prochaine proie rapportée. «Nous avons montré que les poussins d’une fratrie se reconnaissent les uns des autres, ne se coupent pas la “parole”

et se souviennent de “qui a dit quoi”», explique Amélie Dreiss, post-doctorante. La couleur de ces animaux est un autre objet d’étude (lire également Allez savoir ! 53). Enfin, les scientifiques se sont penchés sur les liens entre la capacité des chouettes à mener à bien une couvée et leur environnement (la présence d’autres rapaces ou le bruit des activités humaines ont de l’influence sur leur reproduction).

(RÉD.)

Vidéo sur www.youtube.com/uniltv.

Pour davantage de détails scientifiques www.unil.ch/dee/page7006_fr.html

PHOTO FABRICE DUCREST © UNIL

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Le mardi 26 novembre 2013, le plan stratégique de l’UNIL 2013-2017 a été adopté à une large majorité par le Grand Conseil. Cette approbation est un pas décisif pour le développement concret des objectifs de l’UNIL. «Le plan stratégique, c’est le contrat que passe l’université avec ses Autorités politiques», explique Dominique Arlettaz, recteur de l’UNIL.

C’est une convention qui garantit l’autonomie de l’UNIL. En fait, l’Etat donne le mandat à l’univer- sité de remplir ses objectifs. Pour la direction, le plan stratégique représente une boussole institu- tionnelle qui lui indique sans cesse dans quelle

direction aller. Le plan se compose de quatre axes stratégiques (enseignement, recherche, contribu- tion à la société, politique institutionnelle), de dix objectifs prioritaires et s’articule autour de sept va- leurs. Trois d’entre elles s’imposent: l’ouverture de l’UNIL vers la cité et, entre autres vers l’interna- tional, la cohérence et la notion de réussite. «En ce qui concerne l’enseignement, la réussite, c’est par exemple offrir les meilleures conditions pour que les étudiants réussissent leurs projets et évitent d’échouer pour de mauvaises raisons», affirme Dominique Arlettaz. FZ

LA STRATÉGIE DE L’UNIL ADOPTÉE

2590

C’est le nombre

d’étudiants qui ont fait leurs premiers pas à l’UNIL lors de la rentrée de septembre 2013, au niveau du bachelor. Plus de la moitié d’entre eux ont 19 ans et moins, tandis que près de 5 % sont âgés de 26 ans et plus.

Ces chiffres sont tirés de l’en- quête annuelle «Comment allez- vous ?», menée auprès des débutants par le Service d’orien- tation et conseil, en partena- riat avec la Fédération des asso- ciations d’étudiants (FAE). DS www.unil.ch/soc/page79295.html

LE CHIFFRE ENTREPRISE

POLITIQUE UNIVERSITAIRE

BRÈVES

CRÉER SA PROPRE BOÎTE, À LA FAÇON CÔTE OUEST

Pendant une semaine, en sep- tembre 2013, un petit groupe d’étudiants des hautes écoles vaudoises s’est frotté à l’esprit d’entreprise californien, dans le cadre du premier Silicon Val- ley Startup Camp, organisé et fi- nancé par la BCV. Parmi eux se

trouvaient quatre étudiants de l’UNIL: Raphaël Gabella, Fran- çois Hofer, Yannick Iseli et Ni- colas Meynet. Un programme très dense attendait les partici- pants: conférences données par swissnex San Francisco, décou- verte des campus de Stanford

et Berkeley, visites d’entreprises comme Twitter ou Square, ate- liers et réseautage. Au final, une motivation gonflée à bloc ainsi que de nombreuses clés de com- préhension du monde particu- lier des start-up. (RÉD.)

www.facebook.com/BCVsvsc RÉSEAU

Vice-doyen de la Faculté des sciences sociales et politiques, Jean-Philippe Leresche a pris la présidence du Comité d’édi- tion de la collection Le savoir suisse. Il remplace Bertil Galland, qui devient membre honoraire.

Edité par les Presses polytech- niques et universitaires romandes, Le savoir suisse compte 95 titres à son catalogue. Autant de livres de poche qui rendent la re- cherche menée dans les hautes écoles accessible à tous. (RÉD.)

DU NOUVEAU

AU SAVOIR SUISSE

© CJD/BCV

Le dernier numéro d’Allez savoir!

mentionnait des références biblio- graphiques incorrectes pour l’ou- vrage Penser la valeur d’usage des sciences, codirigé justement par Jean-Philippe Leresche. Voici les bonnes: Editions des archives contemporaines (2013), 233 p.

RECTIFICATIF

lix Imhof © UNIL

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Les Universités de Genève, Lausanne et Neuchâ- tel, ainsi que les Hôpitaux universitaires de Ge- nève, le CHUV et l’Institut universitaire romand de santé au travail (IST) ont signé une conven- tion qui donne naissance à l’Ecole romande de santé publique (ERSP).

Son objectif principal consiste à coordonner le développement dans le domaine de la santé pu- blique universitaire à l’échelle romande. Elle permettra d’utiliser de manière optimale les res-

sources humaines, matérielles et financières des partenaires pour développer une offre de forma- tion cohérente et attractive en santé publique, une recherche de haute qualité et une expertise pour les pouvoirs publics. La direction de cette structure de coordination forte sera assurée par Fred Paccaud, professeur ordinaire à la FBM et actuel directeur de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP) à Lau- sanne. (RÉD.)

UN PÔLE ROMAND UNIVERSITAIRE DE SANTÉ PUBLIQUE

COLLABORATION

Vous vivez – ou allez partir vivre – à Boston, Montréal, San Francisco, Shanghai ou Tokyo? ALUMNIL, le réseau des diplômés, enseignants et amis de l’UNIL, se déve- loppe à l’international et bénéficie désormais d’une an- tenne dans chacune de ces cinq villes.

Un comité local organise régulièrement des rencontres et se tient à votre disposition pour toute question pra- tique. Connectez-vous sur www.unil.ch/alumnil/inter- national pour trouver contacts, infos et rendez-vous.

Fort utile pour préparer votre départ et vous sentir comme un poisson dans l’eau dès votre arrivée. Pour devenir membre: www.unil.ch/alumnil/adherer.

Photo: rencontre d’une délégation de l’UNIL avec une trentaine d’alumni expatriés au Québec, le 4 septembre au Consulat général de Suisse à Montréal. SW

DES ANTENNES ALUMNIL DANS LE MONDE

ARCHITECTURE ALUMNI

UN NOUVEAU TOIT POUR LE SPORT

Fin 2016, le bâtiment Synathlon devrait être mis en service sur le campus de l’UNIL.

Une dénomination qui mêle les synapses du cerveau et les joutes sportives. Il abritera justement la Fédération internationale des sports universitaires, l’Académie internatio- nales des sciences et techniques du sport, ainsi que l’Institut des sciences du sport de l’UNIL. Ainsi se créera une interface unique en Europe entre les étudiants, les chercheurs

et les nombreuses fédérations sportives in- ternationales présentes à Lausanne et dans le canton de Vaud.

Réalisé par le bureau zurichois Karamuk

*Kuo, l’édifice se situera au sud de l’Insti- tut suisse de droit comparé, juste au-des- sus de la route cantonale. L’enveloppe bud- gétaire se monte à 23 millions de francs. La phase de construction pourrait débuter au printemps 2015. (RÉD.)

© DR © HOJG

DÉVELOPPER UNE OFFRE DE FORMATION

COHÉRENTE ET ATTRACTIVE EN SANTÉ PUBLIQUE.

LES SUISSES SONT RÉFLÉCHIS, PAS LENTS. ILS SONT DANS L’ACTION, PAS DANS LA PRÉCIPITATION. ET LA PAROLE DONNÉE EST IMPORTANTE. LA SUISSE EST UN PAYS QUI AVANCE, QUI PROGRESSE, QUI RÉFLÉCHIT. ELLE A QUELQUE CHOSE DE RASSURANT.

Francine Behar-Cohen. Professeure à l’Université de Lausanne, cheffe du Service universitaire d’ophtalmologie et directrice médicale de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, dans 24 heures du 4 décembre 2013.

© Brenda Andres

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1092

C’est le nombre d’articles que les cher- cheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait pa- raître dans des revues scientifiques en 2013 (d’après Serval, au 16 décembre 2013).

Dans Media, Culture & Society (vol. 35, n° 6) et dans Les cahiers du journalisme (n° 25), Lucie Schoch s’est inté- ressée aux femmes journalistes qui exercent dans les rubriques sportives de la presse écrite romande. «En sociologie, beaucoup de recherches sur la féminisation des professions masculines ont déjà été menées», ex- plique la maître d’enseignement et de recherche à l’Ins- titut des sciences du sport. Mais dans le cas des journa- listes, il est possible d’analyser leurs réalisations, soit les articles publiés, afin de répondre à la question suivante:

«Les femmes produisent-elles un travail différent de ce- lui des hommes?»

La réponse est… oui! Ainsi, l’écriture dite «féminine» s’at- tache particulièrement aux aspects humains, voire «psy- chologisants», à l’enquête, aux portraits et aux interviews, et délaissent les aspects tech-

niques. A première vue, l’idée de peupler les rubriques spor- tives de davantage de rédac- trices est bonne, puisqu’elle débouche sur des contenus différents, qui peuvent tou- cher un nouveau lectorat.

Mais grâce à des entretiens menés avec des profession- nelles, Lucie Schoch a pu

constater plusieurs phénomènes de «ségrégation». Le traitement des sports les plus prestigieux, comme le foot- ball, le tennis et le hockey, revient le plus souvent aux hommes. Pour ne pas se faire d’ennemis et s’intégrer dans les rubriques, les femmes évitent de s’attaquer à ces chasses gardées, à de rares exceptions près. Elles se replient sur les sports mixtes, voire sur ceux que per- sonne ne traite. «En termes sociologiques bourdieusiens, l’intériorisation de cette renonciation à la compétition re- lève de la violence symbolique», explique la chercheuse.

De plus, au sein des rubriques sportives – qui possèdent leurs règles propres, différentes de celles qui règnent ail- leurs dans les rédactions –, les comptes-rendus et l’accent mis sur la technique sont très valorisés, ces manières de traiter l’information qui restent justement… l’apanage des hommes. Ces derniers ne semblent donc pas près de libérer leurs places d’avants-centres. DS

5907

Le nombre de références faites à l’Univer- sité de Lausanne et au CHUV dans les mé- dias en 2013, selon la revue de presse Ar- gus, au 16 décembre 2013. Fin octobre, c’est une recherche publiée dans eLife qui a attiré l’attention. Des chercheurs du CHUV, de l’EPFL et de l’UNIL ont en effet établi une «carto- graphie» des résistances humaines au sida.

Toujours dans le domaine médical, à mi-novembre, les dé- buts d’Euripred ont connu une certaine visibilité média- tique. Ce programme européen vise à accélérer le dévelop- pement de nouveaux vaccins contre les maladies liées à la pauvreté, comme la tuberculose ou le paludisme. Le Labo- ratoire de formulation vaccinale de l’UNIL fait partie des partenaires de cette nouvelle infrastructure.

La région de Crans-Montana-Sierre va-t-elle connaître des pénuries d’eau dans la deuxième moitié du XXIe siècle ? Largement traitée début novembre, l’étude MontanAqua, à laquelle a participé le professeur Emmanuel Reynard de l’Institut de géographie et durabilité, a démontré que cette menace devait être prise au sérieux.

Mi-novembre, c’est une étude de l'Institut de médecine so- ciale et préventive qui a été relayée. Il s’avère que les adoles- cents qui ne font que très peu de sport (moins de 3 heures 30 par semaine), ou alors beaucoup (plus que 17 heures 30 par semaine) se sentent moins bien que les autres.

Enfin, début décembre, ce sont les résultats d’une étude du PNR 60 «Egalité entre hommes et femmes», à laquelle a participé Franciska Krings, professeure à la Faculté des HEC et vice-rectrice de l’UNIL, qui ont été diffusés auprès d’un large public. L’enquête révèle que la moitié des 2400 employés interrogés ont déjà vécu un comportement «non souhaité et potentiellement harcelant» sur leur lieu de tra- vail. Un phénomène qui touche hommes et femmes en parts égales. (RÉD.)

LES FEMMES SUR

LE BANC DE TOUCHE ?

SÉCHERESSE, VIRUS, ADOS ET HARCÈLEMENT

ENSEIGNEMENT

BRÈVES

L’UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

MOOCS EN VUE

Des MOOCs (pour Massive Open Online Courses, ou Cours en ligne ouverts à tous) se- ront bientôt dispensés par le biais de la forma- tion continue UNIL-EPFL.

La plateforme choisie est Coursera, qui propose déjà des cursus en ligne issus de plus d’une cen- taine d’institutions à tra- vers le monde (lire éga- lement en p. 45). Tout un chacun peut avoir accès au contenu de ces cours, qui sont dispensés exclu- sivement en ligne. L’in- teraction avec les en- seignants et entre les participants se déroule via des forums ou les ré- seaux sociaux.

Le premier cours sera donné en anglais par les professeurs de HEC Guido Palazzo et Ulrich Hoffrage dès la rentrée de septembre 2014. In- titulé Unethical Deci- sion Making in Organiza- tions, cet enseignement se penchera sur la ques- tion des décisions non éthiques prises dans les organisations. Un com- portement que même les personnes les plus in- tègres peuvent être ame- nées à adopter, selon le contexte. C’est ce que le cours s’attachera à dé- montrer durant sept se- maines, à raison de 5 à 7 heures d’enseignement par semaine. Suivront un cours sur la durabi- lité, donné par Domi- nique Bourg, et une ap- proche pluridisciplinaire du dopage, par Fabien Ohl. (RÉD.)

www.coursera.org/unil

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QUATRE CHERCHEURS À L’HONNEUR

NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES

Doctorante à l’Institut de po- lice scientifique, Sarah Louise  Leake a été distinguée lors du der- nier congrès de l’International So- ciety for Forensic Genetics, qui s’est tenu début septembre 2013 à Melbourne. Son poster, c’est-à- dire la présentation synthétique de ses recherches, a été déclaré comme étant le meilleur parmi plus de 300. Dans le cadre de sa thèse, dirigée par Franco Taroni, la scientifique travaille sur l’identi- fication humaine à partir des bac- téries trouvées dans la salive.

Grâce à l’ADN de ces dernières, dont il existe des centaines d’es- pèces, il est en effet possible de déterminer si elles proviennent d’un individu ou d’un autre. DS

Kenza Benhima, professeure assistante au Département d’éco- nométrie et d’économie politique (DEEP) à la Faculté des Hautes Etudes commerciales, a été nom- mée Research Affiliate au CEPR (Center for Economic Policy Research), dans le groupe Inter- national Macroeconomics. Indé- pendant, le CEPR est un réseau de chercheurs européens qui a été fondé en 1983 pour dévelop- per la qualité de la politique éco- nomique en Europe et au-delà, en soutenant l’excellence de la recherche économique et en la disséminant parmi des déci- deurs publics et privés et dans la société civile. Son réseau compte plus de 800 chercheurs. (RÉD.)

Myrmécologue passionné, pro- fesseur à la Faculté de biolo- gie et médecine, ainsi que direc- teur du Département d’écologie et évolution (DEE), Laurent  Keller a été élu président de l’European Society for Evolutio- nary Biology (ESEB) à compter du 1er août 2015. Il occupe déjà la fonction de «President Elect»

de la prestigieuse entité depuis le 1er août 2013. L’ESEB est une société académique qui regroupe quelque 1600 biologistes spécia- lisés dans le domaine de l’évo- lution (chercheurs, enseignants, étudiants ainsi que journalistes) provenant d’Europe et du reste du monde. Elle édite le Journal of Evolutionary Biology. (RÉD.)

lix Imhof © UNIL

© DR lix Imhof © UNIL

BIOLOGIE  ET MÉDECINE ENVIRONNEMENT

DES IDÉES DURABLES

Le 12 novembre dernier, les projets de quatre étudiants ont été récompensés lors de la cérémonie annuelle de remise des Prix Durabilis UNIL-EPFL. Ces derniers pri- ment des approches intégrant les dimensions du développement durable, à savoir:

l’environnement, la société et l’économie. Deux étudiants de l’UNIL figurent parmi les lauréats. Il s’agit de Réginald Destinobles, pour son projet Bikeability. Environ- nement cycliste et pratique du vélo et Emilie Crittin, pour La valorisation des eaux usées: pratiques et représentations relatives à l’eau, à l’eau usée et aux combus- tibles de cuisine dans une communauté rurale sahélienne sénégalaise. SB www.unil.ch/durabilis

Le professeur George Coukos, chef du Département d’on- cologie CHUV-UNIL et directeur du LICR@UNIL, Gian- Paolo Dotto, professeur au Département de biochimie et Andrea Volterra, professeur au Département des neuro- sciences fondamentales, voient tous trois l’excellence de leurs travaux saluée par l’octroi d’un «Advanced Grant»

de l’European Research Council (ERC), doté d’environ 3,1 millions de francs chacun pour une durée de cinq ans.

Les projets sélectionnés dans ce cadre sont particuliè- rement ambitieux, risqués et novateurs tant en ce qui concerne les approches méthodologiques que les résultats scientifiques attendus et l’impact potentiel sur la discipline concernée et au-delà. (RÉD.) http://erc.europa.eu

UN SOUTIEN EUROPÉEN POUR TROIS CHERCHEURS

lix Imhof © UNIL © Eric Deroze/Cemcav © Cemcav © DR

Professeur de Littérature fran- çaise médiévale à la Faculté des lettres, Alain Corbellari est l’un des récipiendaires du Prix Mey- lan 2013, qui honore un musico- logue ou un écrivain. Le chercheur se voit récompensé pour son ou- vrage Les Mots sous les notes (Droz, 2010) dédié à la musico- logie littéraire et la poétique mu- sicale dans l’œuvre de Romain Rolland. Parmi les nombreuses spécialités d’Alain Corbellari fi- gurent Joseph Bédier, l’histoire des études médiévales et de la récep- tion de la culture médiévale dans la modernité, en particulier dans la bande dessinée. Il s’intéresse en outre aux figures d’Ernest Renan et Charles-Albert Cingria. (RÉD.)

lix Imhof © UNIL

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Alors qu’un nouveau film consacré au célèbre personnage de Mary Shelley s’apprête à sortir dans les salles romandes, le professeur Neil Forsyth et la présidente actuelle de la section d’anglais Kirsten Stirling rappellent ce que Frankenstein doit à la Suisse et à ses paysages alpins.

TEXTE ANNE-SYLVIE SPRENGER/ILLUSTRATION LUC FRIEDEN – MEYK.CH

LITTÉRATURE

N’AURAIT PAS VU LE JOUR

FRANKENSTEIN

SANS LA SUISSE

ET SES ETES POURRIS

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juillet et août où Mary Shelley, qui ne porte pas encore ce nom, commence à élaborer son premier roman.

La jeune femme séjourne alors dans la campagne ge- nevoise, au bord du lac Léman, en compagnie de son futur époux, Percy Shelley et de leur nouvel ami Lord Byron.

Cet été-là, la météo est des plus maussades, et les trois amis se voient contraints de passer la plus grande par- tie de leur temps à l’intérieur. Pour raccourcir les heures, dans cette cossue Villa Diodati louée par Byron, les voya- geurs décident de se lire des histoires effrayantes, d’es- prits vagabonds et de fantômes. L’atmosphère apocalyp- tique y était des plus propices. Et puis un jour, raconte Mary Shelley dans la préface de la seconde édition de 1831, Byron suggère un concours: chacun devra écrire sa propre histoire de fantômes!

Alors que Lord Byron et Percy Shelley se mettent rapi- dement au travail, Mary peine à trouver une idée convain- cante. Elle sait pourtant ce qu’elle veut: «Une histoire qui devrait parler des peurs mystérieuses de la nature hu- maine et éveiller en nous des frissons d’horreur tels que le lecteur craindrait de regarder autour de lui, une his- toire à glacer le sang et à accélérer les battements du cœur», écrira-t-elle par la suite. Et de raconter encore à ses lecteurs, et non sans humour, comment tous les ma- tins, face aux deux poètes confirmés qui la question- naient sur son avancée, elle était contrainte d’avouer pi- teusement qu’elle n’avait toujours rien en tête…

Peut-être parviendra-t-on à ranimer un cadavre En raison, toujours, de ce temps de chien, qui interdit aux amis toute expédition touristique, les journées se dé- roulent au fil des nombreuses discussions entre Lord By- ron et Percy Shelley, suivies «avec ferveur» par la timide Mary. Au cours de l’une d’entre elles, les deux hommes abordent la question du galvanisme, très en vogue à l’époque, et s’interrogent longuement quant au principe de vie et de la possibilité qu’il puisse un jour être compris et reproduit par la seule volonté humaine. Ils en viennent à évoquer également le bruit qui courait alors, selon le- quel Erasmus Darwin (le grand-père de Charles Darwin, ndlr) avait conservé un morceau de vermicelle dans un bocal en verre et qu’un beau jour, par quelque moyen ex- traordinaire, ce vermicelle s’était mis en mouvement…

Si la jeune femme s’en amuse, sceptique, elle ne remet pas en cause l’hypothèse que «peut-être parviendrait-on un jour à ranimer un cadavre. (…) Peut-être serait-il pos- sible de fabriquer les différentes parties d’un être, de les assembler et de leur insuffler de la chaleur vitale»…

Au petit matin, à l’heure de retrouver son lit après cette passionnante discussion, la jeune femme ne par- vient pas à trouver le sommeil. Des images se bousculent à toute allure dans sa tête. Et soudain, une scène lui appa- raît, aussi nette qu’un rai de lumière: «Je vis, les yeux fer- més, raconte-t-elle, le pâle apprenti en sciences interdites

F

rankenstein. Victor Frankenstein. Sa renommée n’est plus à faire, tant le personnage imaginé en 1816 par la jeune Anglaise Mary Shelley s’est soli- dement ancré dans l’imaginaire populaire. Au cours de ces deux derniers siècles, en effet, ce récit d’un humain qui donne vie à une créature formée de toutes pièces n’a cessé de hanter nombre d’artistes, qu’ils soient auteurs, scénaristes, voire même chansonniers, à l’instar même d’un certain Gainsbourg…

Personne ne s’étonnera donc de voir à nouveau surgir sur les écrans une énième création autour de ce couple aussi mythique que diabolique constitué de Victor Fran- kenstein et de son «hideuse créature». La sortie de ce nou- veau film Moi, Frankenstein (de Stuart Beattie, basé sur une idée originale du bédéiste américain pour adultes Kevin Grevioux) apparaît cependant comme l’occasion idéale pour revenir aux origines de cette fable moderne et mettre en lumière toute l’importance jouée par la Suisse dans cet enfantement imaginaire.

En 1816, les étés suisses étaient déjà pourris Disons-le tout simplement: Frankenstein ne serait pas Frankenstein si nos étés n’étaient pas si pourris… Pour le comprendre, il faut revenir à cette année 1816, comme nous l’expliquent le professeur à l’UNIL Neil Forsyth et Kirsten Stirling, maître d’enseignement et de recherche en littérature anglaise. Et plus précisément à ces mois de

La Section d’anglais   de la Faculté des lettres www.unil.ch/angl

NEIL FORSYTH Professeur honoraire, Section d’anglais.

Nicole Chuard © UNIL

LITTÉRATURE

«ON SAIT QUE MARY SHELLEY ÉTAIT TRÈS IMPRESSIONNÉE PAR LES ALPES»

NEIL FORSYTH,

PROFESSEUR HONORAIRE

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«Le livre a tout de suite connu un énorme succès popu- laire, en raison principalement de son adaptation théâ- trale, jouée à Londres, dès sa publication, relève Neil For- syth. L’histoire est restée dans les consciences plus que le roman lui-même.» Et Kirsten Stirling d’étayer: «Si le suc- cès fut immédiat, le roman était assez mal vu. Il n’était pas considéré comme digne d’intérêt d’un point de vue littéraire. Par contre, il portait en lui quelque chose d’uni- versel, une inquiétude autour de la vie partagée par tous, et qui permit malgré tout que l’histoire subsiste en dehors du cadre du seul livre.»

Neil Forsyth se souvient: «Lorsque j’étais étudiant à Berkeley, en 1968, je me rappelle comme mon profes- seur de littérature se raillait de Mary Shelley. Il lisait des extraits avec emphase et attendait ensuite que la classe éclate de rire. On trouvait cela tellement mal écrit que l’on pensait que c’était une blague!» Il faudra attendre la fin des années 70 et le mouvement féministe, explique-t-il, pour que Mary Shelley soit enfin reconnue en tant qu’au- teure. «Elle est d’ailleurs, sans aucun doute, l’écrivaine qui a le plus bénéficié du féminisme.»

Des critiques acerbes

Il faut dire que l’aspect personnel que l’on peut trouver dans le roman n’a pas joué en faveur de l’auteure. La mère de Mary Shelley (Mary Wollstonecraft, la première fémi- niste anglaise) était morte des suites de l’accouche- s’agenouiller au côté de la créature qu’il avait assemblée.

Je vis, étendue de tout son long, cette créature humaine hideuse née d’un fantasme, donner signe de vie sous l’ac- tion de quelque machinerie puissante, puis s’animer d’un semblant de vie en un mouvement maladroit.» L’histoire de Frankenstein était née dans l’imaginaire de la toute jeune Mary Wollstonecraft Godwin.

Des paysages alpins aux confins du monde civilisé Le lien avec la Suisse aurait pu s’arrêter là, n’être qu’une des circonstances de cette création de l’esprit. Faire par- tie de la genèse du récit sans pour autant y prendre part.

Et pourtant, Frankenstein ou le Prométhée moderne, publié pour la première fois en 1817, est tout habité par la Suisse et ses paysages alpins, aux confins du monde civilisé.

«Sans la Suisse, Frankenstein n’aurait pas vu le jour, déclare, sans détour, Neil Forsyth. D’ailleurs, la scène principale du roman, qui représente la rencontre, le face- à-face entre Victor Frankenstein et sa créature, se dé- roule au cœur de la Mer de Glace, qui surplombe Chamo- nix. C’est comme si la créature était le produit même des Alpes, lieu par excellence du sublime.»

Par sublime, il faut entendre la conjonction indivisible entre la beauté et la terreur, entre l’effroi et l’attraction irrésistible.

«On sait que Mary Shelley était très impressionnée par les Alpes, elle en parle beaucoup dans sa correspondance et son futur mari a consacré un poème au mont Blanc», poursuit le professeur de l’UNIL. «Le sublime, pour ces trois personnages qui ne sont pas du tout croyants, à l’ins- tar des parents de Mary Shelley, représente bien plus que de simples paysages, il se substitue quasiment à Dieu. Ce Dieu que Victor Frankenstein a cherché à imiter en en- gendrant sa propre créature.»

Pour Kirsten Stirling, il n’est pas non plus sans intérêt de noter le rôle joué par ces décors dans le roman même:

«Le monstre est effrayant quand il se trouve dans la socié- té. En revanche, il a sa place lorsqu’il évolue dans ces pay- sages à l’état brut, lointains et solitaires. Dans cette scène à la Mer de Glace, lorsqu’il raconte son histoire à Fran- kenstein, il apparaît aussi éloquent qu’éduqué. On le per- çoit alors dans son humanité. C’est comme s’il avait fal- lu ces territoires sauvages, cette distance avec le monde, pour pouvoir enfin approcher le monstre…»

Un succès plus théâtral que littéraire

La Suisse, si importante dans la création du récit de Fran- kenstein, n’a cependant pas perduré dans l’imaginaire collectif. «Dans les différents films, qui ont joué un grand rôle dans la diffusion du mythe, la Suisse a été suppri- mée, commente Neil Forsyth. Elle a été écartée de la tradi- tion de Frankenstein.» Elle n’est pas la seule. Longtemps, Mary Shelley elle-même a été comme évincée devant la puissance d’évocation de ses personnages.

KIRSTEN STIRLING Maître d'enseignement et de recherche, Section d’anglais.

Nicole Chuard © UNIL

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ndlr) donne un tout autre sens à cette histoire d’engen- drement. D’autant plus que pour elle, dès le début de son existence, la naissance est synonyme autant d’horreur que de fascination.» Et la présidente de la Section d’an- glais à l’UNIL de raconter comment la mort de sa géni- trice continuait de hanter Mary Shelley d’une étrange manière: «Au début de son histoire avec Percy Shelley, on sait que les amoureux se donnaient rendez-vous, au ci- metière, sur le tombeau de sa mère où ils passaient la soi- rée à discuter…»

Au moment d’écrire sa préface pour la seconde édition de 1831, Mary Shelley ose tisser la comparaison entre le savant fou, la mère et l’artiste: «Le moment est de nou- veau venu d’envoyer de par le monde ma hideuse progé- niture en lui souhaitant prospérité.» Et si le roman a long- temps évincé son auteure, il en a été de même pour la créature de Frankenstein qui a pris son nom à son créa- teur… «Aujourd’hui, lorsque l’on parle de Frankenstein, tout le monde pense au monstre», relève Neil Forsyth.

«D’ailleurs, en Angleterre, il y a un terme pour parler de la nourriture génétiquement modifiée: «Frankenstein Food»!» Il n’y a plus aucun doute: la créature a pris son en- vol, loin de nos sommets alpins et il semble peu probable qu’elle y revienne… 

ment, dix-huit jours seulement après sa naissance. En outre, une année avant d’écrire Frankenstein, la jeune An- glaise avait donné naissance à un bébé mort. Elle avait d’ailleurs parlé d’un de ses rêves où elle se voyait avec l’enfant décédé, qu’elle avait frotté, frotté, jusqu’à ce qu’il se ranime…

Il n’en fallait pas plus pour que les critiques, à la fâ- cheuse tendance simplificatrice, ne voient dès lors dans ce roman que «l’expression de ses inquiétudes person- nelles, observe Neil Forsyth. Ils en parlaient avec mépris, comme s’il n’y avait aucun travail d’écriture et que ce livre était arrivé juste comme ça dans son esprit. Il n’était perçu que comme l’équivalent d’une psychanalyse pour cette jeune fille à l’inconscient trouble. Comme si son art ne pouvait pas transcender ses expériences biologiques.»

Frankenstein, c’est aussi l’histoire d’une mère Aujourd’hui, le professeur honoraire de l’UNIL porte un regard des plus étonnés sur ce roman: «L’aspect person- nel de ce récit est assez formidable…» Et pour Kirsten Stirling, ce lien étroit entre Frankenstein et des éléments de la vie de Mary Shelley, loin d’en décrédibiliser l’écri- vaine, ne fait qu’augmenter la force de ce récit: «Le fait que l’auteure soit une mère (son fils William est né en 1816,

LITTÉRATURE

MARY SHELLEY

Portrait de l’auteur de Frankenstein par Richard Rothwell.

© Album/Prisma/AKG

COLOGNY

Cette gravure de 1833 présente Lord Byron étendu

devant la Villa Diodati, le berceau de Frankenstein.

© akg-images

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«I

l faisait nuit noire quand j’ar- rivai dans les faubourgs de Genève; les portes de la ville étaient déjà fermées et je fus obligé de passer la nuit à Sécheron, un village si- tué à une demi-lieue de là. Le ciel était serein. Je ne parvins pas à trouver le repos, aussi décidai-je de me rendre sur les lieux où avait été assassiné mon pauvre William. Ne pouvant traverser la ville, je dus me rendre à Plainpalais en bateau. Durant ce bref passage je vis les éclairs dessiner au sommet du mont Blanc, les figures les plus magni- fiques. L’orage paraissait gagner rapi- dement. Dès que j’eus mis les pieds à terre, je gravis une petite colline afin d’observer sa progression. Il avançait:

le ciel était lourd et je sentis bientôt la pluie tomber à grosses gouttes; sa vio- lence augmenta rapidement.

Je quittais mon poste d’observation, et poursuivis ma route sans me soucier ni des ténèbres ni de l’orage qui gron- dait avec une violence accrue ni de la foudre qui éclatait avec une force ter- rible au-dessus de ma tête. Le vacarme était répercuté par le Salève, les monts du Jura et des Alpes savoyardes. Des éclairs brillants m’aveuglaient, illumi- nant le lac et lui conférant l’apparence d’une immense nappe de feu. L’ins- tant d’après, j’eus le sentiment d’être plongé dans une obscurité complète.

L’orage éclatait simultanément en di- vers points du ciel, comme c’est sou- vent le cas en Suisse. Il était le plus violent au nord de la ville, au-dessus de la partie du lac située entre le pro-

montoire de Bellerive et le village de Copêt. Un autre orage éclairait le Jura de faibles lueurs: un autre encore obs- curcissait et parfois dévoilait le Môle, sommet montagneux à l’est du lac.

J’allais toujours d’un pas rapide tout en observant la tempête, si belle et pourtant si terrible. Le noble tour- noi qui se déroulait dans le ciel éle-

vait mon âme; je joignis les mains et m’écriai: «William, cher ange! Ce sont tes funérailles que célèbrent les éléments, ton hymne funèbre qu’ils chantent!» J’avais à peine prononcé ces mots, que j’aperçus, émergeant de l’obscurité, une silhouette dissi- mulée jusqu’alors derrière un bou- quet d’arbres. Je m’immobilisai et la scrutai intensément. Nul doute n’était permis. Un éclair illumina l’être, me révélant sa forme précise. Sa taille gi- gantesque et la difformité de son as- pect, hideux au point d’en être inhu- main, m’apprirent qu’il s’agissait de la créature misérable, du démon im- monde que j’avais créé. Que faisait- il ici? Se pouvait-il qu’il fût l’assassin de mon frère? Cette idée me fit frémir, mais à peine l’eussé-je conçue que j’acquis la conviction qu’elle corres- pondait à une triste réalité. Mes dents s’entrechoquaient et je dus m’appuyer contre un arbre de peur de défaillir. La créature me dépassa rapidement et se fondit dans les ténèbres. Nul être hu- main n’aurait pu détruire le bel enfant.

Je venais de contempler son meurtrier, j’en étais sûr. (…) Je songeai à pour- suivre le monstre, c’eût été en vain, car un autre éclair me le montra accro- ché aux roches de la face presque per- pendiculaire du mont Salève, une col- line qui délimitait Plainpalais au sud.

Il ne tarda pas à atteindre le sommet et à disparaître.»* 

* Extrait de Frankenstein, de Mary Shelley, paru en 1818. Ici dans une traduction de Paul Couturiau, Editions du Rocher, éditée en 1988.

DANS LA NUIT ET LA TEMPÊTE,

«FRANKENSTEIN» HANTE GENÈVE

Alerté par ses parents du meurtre de son jeune frère William, Victor Frankenstein, alors en Angleterre, revient en Suisse sous les supplications de son père.

1831

Frontispice de l’édition parue chez Colburn et Bentley à Londres.

Gravure en taille-douce de Theodor M. von Holst).

© coll. Maison d'Ailleurs/

Agence Martienne

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DROIT

GAME OF

DRONES Les Etats-Unis emploient des drones pour pister et éliminer leurs adversaires. L’armée suisse cherche à en ache- ter. Le Service de renseignement de la Confédération pourrait en utiliser pour des missions de surveillance.

Les particuliers ont la possibilité d’en acquérir facilement et de les équiper d’une caméra. Enfin, à l’UNIL et ailleurs, des chercheurs les utilisent dans un but scientifique… Quel monde nous prépare la multiplication des drones?

TEXTE DAVID SPRING

L

e 1er novembre 2013, une frappe de drone américaine tuait Hakimullah Mehsud, au Waziristan du Nord, l’une des régions tribales du Pakistan. Ce chef mi- litaire taliban figurait sur la liste des Most Wanted Terrorists établie par le FBI. Loin d’être un cas iso- lé, la mort de cette personnalité s’inscrit dans une poli- tique menée depuis une décennie. En effet, l’utilisation d’engins volants sans pilote pour éliminer des leaders ennemis des Etats-Unis, où que ce soit dans le monde, a été initiée par George Bush Jr. Mais cette pratique est surtout caractéristique de la présidence de Barack Oba- ma. Selon le magazine New Yorker du 6 mai 2013, le pré- sident démocrate a autorisé plus de 300 frappes sur le sol

pakistanais depuis 2009, contre 48 pour son prédéces- seur républicain.

Commandés par des opérateurs installés à des mil- liers de kilomètres, les drones font désormais partie des conflits contemporains. Si une partie d’entre eux est équi- pée de missiles, la majorité effectue des missions de sur- veillance en haute altitude. Ils volent régulièrement en Irak et en Afghanistan, ainsi que dans des pays avec les- quels les Etats-Unis ne sont pas en guerre, comme le Yé- men, la Somalie et le Pakistan.

Les frappes ont provoqué la mort de 3000 à 4000 per- sonnes selon les sources, un décompte rendu très diffi- cile par le secret qui entoure les opérations, souvent

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CIBLE

Image tirée d’un reportage sur la formation des opérateurs de drones, dans une base aérienne du Nouveau- Mexique (USA). Il s’agit d’un exercice et la silhouette humaine a été générée par ordinateur.

© Keystone/Kontinent/Ola Torkelsson

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DANIEL RIETIKER Chargé de cours au Centre de droit comparé, européen et international.

Nicole Chuard © UNIL

menées par la CIA. Parmi les tués figurent des civils, ce qui attise la haine des populations touchées envers les USA. Des ONG comme Human Rights Watch et Amnesty s’en indignent également. Cette dernière parle de «crimes de guerre», dans un rapport du 22 octobre 2013.

Nouveautés technologiques, les drones bousculent le droit international, ainsi que les notions de combattant, de champ de bataille, de guerre et même d’héroïsme.

Théorie de la guerre juste

Comment peut-on juger de la légitimité de l’utilisation de ces appareils? A l’occasion d’un séminaire, Michel Bour- ban, assistant en Section de philosophie, s’est penché sur les problèmes éthiques posés par les conflits contempo- rains. La «théorie occidentale de la guerre juste, qui re- monte à l’époque romaine», constitue l’une des bases du Droit international humanitaire (DIH), dont les Conven- tions de Genève sont l’un des traités fondamentaux. Elle contient deux parties: «le jus ad bellum – ou droit de la guerre – qui essaie de limiter le nombre de fois où les pays entrent en guerre», explique le chercheur.

L’autre versant s’appelle le jus in bello, ou droit dans la guerre. Ce dernier requiert notamment de prendre en compte «deux facteurs: la discrimination et la proportion- nalité». Premièrement, les combattants ne doivent jamais prendre des civils pour cibles de manière délibérée. En- suite, les moyens utilisés doivent être proportionnels aux fins que vise la guerre, afin d’éviter de provoquer des maux superflus. Dans un document daté du 15 mai 2013 1),

le président du CICR Peter Maurer a également insisté sur l’idée que les armes qui permettent de mener des attaques plus précises, et ainsi éviter ou minimiser les pertes ci- viles, sont préférables aux autres.

Chargé de cours au Centre de droit comparé, européen et international, Daniel Rietiker s’est intéressé à la ques- tion des armes dans le cadre de sa thèse. «Les Conven- tions de Genève ne prévoient pas de règles particulières au sujet des drones, qui sont considérés comme des armes conventionnelles», explique-t-il. Au contraire des mines antipersonnel et des armes chimiques, par exemple, ils ne sont pas non plus expressément interdits par des conven- tions spécifiques.

Les robots volants «présentent d’autres avantages, par rapport à des alternatives comme des frappes aériennes, ou un déploiement de troupes au sol», note Michel Bour- ban. Ils permettent d’observer le terrain pendant de lon- gues périodes avant une attaque, des informations uti- lisées ensuite par les services de renseignements pour décider du moment et du lieu d’un tir éventuel, à l’écart de la population.

Les drones ne sont pas prohibés, et ils répondent en théorie aux critères de discrimination et de proportionna- lité. «Mais la pratique actuelle est encore trop permissive, estime le philosophe. On ne connaît pas suffisamment les critères des frappes, et nous n’avons pas de rapports offi- ciels clairs et pertinents sur les civils touchés.» Une confu- sion alimentée par le silence des Autorités américaines et par les obstacles que rencontrent les ONG lorsqu’elles cherchent à récolter des informations sur les dégâts com- mis dans des zones comme les régions tribales du Pakis- tan: ici l’administration Obama devrait faire preuve de plus de transparence.

Guerre globale?

«Les Conventions de Genève s’appliquent dans les conflits, même en dehors d’une déclaration de guerre for- melle entre Etats, expose Daniel Rietiker. Ce qui est dé- terminant, ce sont les faits.» En l’occurrence, la difficul- té vient du fait que les Etats-Unis frappent dans des pays avec lesquels ils ne sont pas en conflit, parfois même avec un certain consentement de la part des gouvernements concernés. Une différence importante qui «plaide contre l’application du Droit international humanitaire», note le chargé de cours.

Un point de vue soutenu par Peter Maurer, président du CICR1). Ce dernier cite le cas d’une personne qui prend part à des hostilités depuis le territoire d’un Etat non bel- ligérant. S’agit-il d’une cible légitime en Droit internatio- nal humanitaire? L’organisation humanitaire est d’avis que ce n’est pas le cas. Car sinon, «[…] cela signifie que le monde entier est un champ de bataille potentiel […]». Evi- demment, les Etats-Unis «aimeraient bien, au contraire, que le Droit international humanitaire s’applique, car

DROIT

Le Centre de droit comparé,

européen et international www.unil.ch/cdcei

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MICHEL BOURBAN Assistant en Section de philosophie.

Nicole Chuard © UNIL

En avril 2013, le Pentagone a dû renoncer à son intention de créer une médaille destinée à récompenser les opéra- teurs de drones et les soldats de la cyberguerre. Cette Dis- tinguished Warfare Medal a suscité l’indignation des vété- rans et des militaires actifs, qui estiment qu’il existe une différence entre le combat au sol et devant un clavier. «La différence est moins à comprendre du point de vue légal (les pilotes de drones sont des combattants légaux) que de celui de l’éthique de la vertu: c’est parce que ce sont des soldats ne faisant plus preuve de courage qu’on hésite tant à les décorer.»

Pour Michel Bourban, «toute stratégie qui vise à limi- ter les risques pris par les soldats d’un camp, sans expo- ser davantage les civils, est préférable». La distance qui sépare un risque très faible du risque zéro «n’est pas per- tinente» pour le philosophe. Il ne fait pas de sens de criti- quer l’opérateur de drones à cause de sa distanciation par rapport à sa cible sans en même temps condamner le sni- per, l’équipage du bombardier à très haute altitude ou l’ar- tilleur qui expédie un missile depuis un navire. Auquel cas, «la guerre deviendrait impossible, ou serait toujours injuste. Le pilote de drone n’est pas plus lâche que ces autres combattants; il est simplement moins vertueux.»

La valorisation du péril encouru relève du paradoxe.

Car «l’aversion des populations face à la perte de leurs soldats est une bonne explication au succès des drones», ajoute encore Michel Bourban. Ces appareils ne sont ain- si pas la cause mais la manifestation d’un nouveau type de conflit, la guerre «post-héroïque».

cela leur donne le droit d’attaquer des objectifs mili- taires où ils le souhaitent, et donc de tuer», ajoute Daniel Rietiker.

Conflit peu intense

Comme on l’a vu, un conflit armé est nécessaire pour acti- ver le Droit international humanitaire, qui exclut expres- sément les «troubles intérieurs» et les«tensions internes».

De plus, «si le DIH ne s’applique pas, ce sont les Droits de l’Homme et le droit national interne de l’Etat concerné qui prennent à priori le relais», indique Daniel Rietiker. D’où une question importante: la lutte menée par les Etats- Unis – hormis en Irak et en Afghanistan – est-elle as- sez intense pour être qualifiée ainsi? «Après le 11-Sep- tembre, elle pouvait l’être. Mais aujourd’hui, je ne suis pas convaincu que cela soit encore le cas», remarque le chargé de cours.

Qui se bat?

Les Conventions de Genève prévoient que les combattants ou les personnes qui prennent part aux hostilités doivent en tout temps se distinguer des civils non impliqués, que ce soit par le port d’un uniforme ou d’armes visibles. Les guerres contemporaines défient cette conception. «Si un terroriste voyage sans armes ou se cache dans un autre pays, est-il encore formellement un combattant?», se de- mande Daniel Rietiker.

Ce même personnage pourrait être observé en train de prendre le thé et de parler avec des connaissances.

Ces derniers en deviennent-ils pour autant des cibles susceptibles d’être supprimées avant qu’elles ne com- mettent un hypothétique acte violent? «De mon point de vue, une frappe préventive n’est ni éthique ni légale, car elle se fonde sur le doute plutôt que sur la connaissance», observe Michel Bourban. Une telle élimination, non dis- criminante, se heurte au jus in bello. Le philosophe est moins critique avec l’idée de frappe préemptive, qui se justifie en cas de danger imminent, établi par des rensei- gnements solides. Mais le secret qui entoure les opéra- tions (et les motivations des frappes) rend la distinction entre prévention et préemption difficile à établir pour les observateurs.

Bataille de lâches?

Les pilotes de drones ne prennent aucun risque physique.

«De manière traditionnelle, le droit de tuer dans la guerre se justifie par le danger réciproque que les combattants se posent les uns aux autres, note Michel Bourban. Si ce principe est interprété comme entraînant forcément une lutte au corps-à-corps, l’arbalétrier médiéval qui tirait sur un chevalier depuis une meurtrière se battait de ma- nière illégitime; il faudrait donc cesser de mettre en avant cette interprétation du droit de tuer, qui est dépassée de- puis longtemps.»

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Supériorité… temporaire

Cette guerre nouvelle reste pour l’heure l’apanage des Etats-Unis, qui sont les principaux utilisateurs de robots volants de combat dans des opérations ciblées se dérou- lant hors de leur territoire. Mais leur supériorité va être rapidement remise en question, car plusieurs dizaines de pays en possèdent aujourd’hui. Dans un texte du 20 avril 2012, James Ross, directeur des Affaires juridiques et po- litiques à Human Rights Watch, se demande «ce que di- ront les USA si la Russie ou la Chine, se basant sur la même approche, attaquaient ceux qu’ils estiment être leurs en- nemis dans les rues de New York ou de Washington?».

La Suisse n’est pas à la traîne

Dans notre pays, l’armée devrait acquérir cette année plu- sieurs appareils israéliens – non armés. Ils serviront à me- ner des reconnaissances aériennes et à soutenir les gardes- frontières. Au civil, l’idée d’utiliser des drones dans un but de surveillance fait également son chemin. Mis en consul- tation ce printemps, le Projet de Loi fédérale sur le Service de renseignement civil autoriserait en l’état l’embarque- ment des caméras sur des drones, comme l’explique Syl- vain Métille, chargé de cours à l’UNIL, sur son blog 2).

Mais pour cet avocat spécialiste des nouvelles techno- logies, il ne s’agit là que d’un aspect marginal du texte.

Car «la vraie nouveauté est que le Service de renseigne- ment de la Confédération pourra utiliser des micros et des caméras dans n’importe quel espace public, sans aucun contrôle judiciaire». Le projet de loi doit être maintenant soumis au Parlement.

Mon voisin sur YouTube

Il n’y a pas que les services secrets qui s’intéressent à ces machines volantes: tout le monde peut en acquérir une pour quelques centaines de francs, plus le prix d’une ca- méra. YouTube propose de nombreuses vidéos prises par des amateurs depuis les cieux helvétiques. En matière de navigation, les règles sont fournies par l’Office fédé- ral de l’aviation civile: «Aucune autorisation n'est néces- saire pour les modèles dont le poids est égal ou inférieur à 30 kg. Le pilote doit toutefois maintenir un contact visuel permanent avec le drone.» Il faut en outre conclure une as- surance responsabilité civile.

En matière de protection des données, la question se corse. Si, grâce à un tel engin, vous filmez votre voisin installé dans son jardin clôturé ou l’intérieur de l’appar- tement de votre voisine au travers des fenêtres de son im- meuble, «cela pose deux problèmes», note Sylvain Métille.

«Le Code pénal – article 179 quater – interdit la prise de vue dans le domaine secret.» Ensuite, en ce qui concerne la protection des données, le pilote doit obtenir «le consen- tement libre et éclairé de la victime, et lui permettre de refuser sans subir de préjudice». Seuls un intérêt pré- pondérant ou une obligation soutenue par une base lé- gale permettent de passer outre: un simple motif de di- vertissement n’en fait pas partie. En prime, prendre ces images, les conserver, les modifier et les rendre dispo- nibles en ligne constituent quatre traitements de données et autant de violations de la Loi sur la protection des don- nées (LPD)…

Filmer des personnes identifiables dans un espace pu- blic constitue également une atteinte à la personnalité se- lon la LPD. Ces dernières peuvent user de leur «droit d’ac- cès» prévu dans l’article 8 de la Loi sur la protection des données. Cela consiste à demander à l’utilisateur du drone de leur montrer les images tournées et d’effacer celles qui les concernent, ou de donner leur accord selon le cas. Une discussion préférable à la solution radicale qui consiste à abattre l’engin en vol d’un coup de fusil. «Vous commet- triez un dommage à la propriété et vous devriez rembour- ser l’appareil», note l’avocat.

Ce dernier constate que les propriétaires de drones ne sont pas malhonnêtes, mais qu’ils ignorent la loi. Sylvain Métille propose l’établissement d’un «permis, avec l’obli- gation d’enregistrer les appareils. L’autorité pourrait ain- si rappeler leurs devoirs aux utilisateurs.» Un message de sensibilisation à faire passer, alors que l’enthousiasme pour les drones s’envole. 

1) http://www.icrc.org/fre/resources/documents/

interview/2013/05-10-drone-weapons-ihl.htm 2) https://ntdroit.wordpress.com/

Références bibliographiques et entretiens complémentaires avec Michel Bourban, Daniel Rietiker et Sylvain Métille sur

www.unil.ch/allezsavoir.

DROIT

OBAMA

Le président des Etats-Unis argumente en faveur de l’usage des drones dans la lutte contre le terrorisme, le 23 mai 2013, à la National Defense University de Washington.

© Reuters/Larry Downing

La Section de philosophie de la Faculté des lettres www.unil.ch/philo

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