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Maladie des exostoses multiples : étude de deux familles multiplex sénégalaises

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Revue Marocaine de Rhumatologie

Maladie des exostoses multiples : étude de deux familles multiplex sénégalaises

Multiple exostosis disease: study of two senegalese multiplex families.

Niasse Moustapha

1

, Kane Baïdy Sy

2

, Garba Mahaman Salissou

1

, Akpo Gérard

3

, Diouf Alioune Badara

4

, Mbodji Mouhamadou Moustapha

4

, Diouf Coumba

1

, Sané André Daniel

4

, Diallo Saïdou

1

.

1 Service de Rhumatologie, CHU Aristide Le Dantec de Dakar 2 Service de Médecine Interne, CHU Aristide Le Dantec de Dakar 3 Service de Radiologie, CHU Aristide Le Dantec de Dakar

4 Service d’Orthopédie et Traumatologie, CHU Aristide Le Dantec de Dakar

Résumé

Introduction : La MEM est exceptionnellement décrite en Afrique Noire. Nous en rapportons des formes familiales sénégalaises.

Patients et méthode :

d’une MEM dont le diagnostic reposait sur des arguments épidémiologiques, cliniques et radiologiques avaient permis de procéder à une enquête familiale systématique après un consentement des membres familiaux.

Résultats: Les familles regroupaient 88 membres dont 10 cas atteints d’une MEM tous des apparentés de premier degré (prévalence : 11,36%).

Il s’agissait de 8 hommes et de 2 femmes. L’âge moyen était de 6 ans au début de la maladie et de 21 ans au diagnostic. Le taux de consanguinité était de 57 %. Le délai moyen au diagnostic était de 15 ans. Le nombre d’ostéochondromes répertoriés chez un patient variait entre 4 et 17.

Elles se localisaient aux métaphyses des os longs dans 86,2 % des cas (membres supérieurs : 27,5%

et membres inférieurs : 58,61%) et en dehors des membres dans 13,8 % des cas. L’évolution après la d’activité dans 4 cas dont 3 d’entre eux étaient opérés. Des déformations ostéo-articulaires étaient notées dans 2 cas, tout comme des compressions artério-veineuses. Aucun cas de dégénérescence maligne n’a été décelé.

Conclusion : Le caractère familial de la MEM chez nos malades plaide en faveur de l’implication de facteurs génétiques dans le déterminisme de la maladie. Nous incitons sur le dépistage familial systématique devant tout cas de MEM.

Mots clés :

Exostose; Exostose héréditaire multiple; Génétique; Sénégal

Abstract

Introduction : Multiple exostosis disease is exceptionally described in Black Africa. We report senegalese family forms.

Patients and methods : Two patients with multiple exostosis disease diagnosed on the basis of epidemiological, clinical and paraclinical arguments allowed us to systematically examine family members after informed consent.

Results : Families comprised 88 members, including 10 cases of multiple exostosis, all of 11.36%). There were 8 men and 2 women. The mean age was 6 years at the onset of the disease and 21 years at diagnosis. The inbreeding rate was 57%. The average time to diagnosis was 15 years. The number of osteochondromas recorded in a patient varied between 4 and 17. They were localized to the metaphyses of the long bones in 86.2% of the cases (upper limbs: 27.5% and lower limbs: 58.61%) and outside of the members in 13.8% of the cases. The evolution after the end of the growth was marked by a resumption of activity in 4 cases of which 3 were operated.

Osteo-articular deformities were noted in 2 cases, as were arterial and venous compressions. No case of malignant degeneration was detected.

Conclusion : family character of the multiple exostosis disease in our patients is in favor of the implication of genetic factors in the determinism of the disease. We encourage systemic screening of the family for all cases of multiple exostosis disease.

Key words :

Exostosis ; Exostosis hereditary multiple ; genetic ; Senegal.

Rev Mar Rhum 2018; 44:46-53

A R T I C L E O R I G I N A L

Correspondance à adresser à : Dr. M. Niasse Email : moustaphaniasse4@yahoo.fr

Disponible en ligne sur www.smr.ma

DOI: 10.24398/A.275.2018

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L’exostose notamment solitaire est la plus fréquente des tumeurs osseuses bénignes, dont elle représente 20 à 50% [1]. Cependant, la maladie des exostoses multiples (MEM), héréditaire demeure une entité rare [1, 2]. Il s’agit d’une affection essentiellement étudiée en Occident, où, sa prévalence est estimée à 1/50000 dans la population générale [1-5]. En Afrique, notamment subsaharienne, quelques rares observations ont été décrites [3]. Nous rapportons des formes familiales sénégalaises de cette pathologie rare.

PATIENTS ET MéThODES

Il s’agissait d’une étude transversale réalisée dans le service de Rhumatologie du CHU Aristide Le Dantec de Dakar. Nous avons reçu à la consultation deux patients non apparentés, l’un en décembre 2015 et l’autre en mars 2016 qui présentaient des masses diffuses. Le diagnostic d’une MEM a été retenu chez ces deux patients sur la base d’arguments épidémiologiques, cliniques et paracliniques.

A partir de ces deux cas index, un dépistage systématique était effectué à partir de l’arbre familial préétabli à la recherche d’autres cas de MEM. Après recueil du consentement, le dépistage était réalisé chez les apparentés de premier degrés (parents, frères, sœurs ou enfants), de deuxième degré (oncles, tantes, grands-parents), et de troisième degré (cousins germains).

Pour chaque cas retenu, il a été précisé les données suivantes :

-épidémiologiques : l’âge au début apparent et au diagnostic de la maladie, le sexe, l’origine géographique . -cliniques : le nombre d’exostose, la topographie, la taille, le caractère douloureux ou indolore .

-biologiques : existence ou non d’un syndrome inflammatoire, de trouble du métabolisme phosphocalcique . -radiologiques : les données des radiographies standards centrées sur les masses d’allure osseuse, de la tomodensitométrie et de l’angio-scanner des membres inférieurs ;

-histologiques : examen histologique des pièces de biopsies ou opératoires d’exostoses;

-évolutives après la fin de la croissance : stabilité, reprise d’activité (survenue de douleur ou d’augmentation de volume des ostéochondromes), dégénérescence maligne ; -survenue de complications ostéo-articulaires : déformation osseuse, raccourcissement d’un os, fracture, déformation articulaire notamment aux genoux (genu varum, genu valgum, genu recurvatum, flessum du genou) ;

-survenue de compressions des structures adjacentes : compressions vasculaires (artérielles et ou veineuses), nerveuses,

-données thérapeutiques : traitement symptomatique de la douleur (antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens), traitement chirurgical (ablation des exostoses);

RéSuLTATS

Deux familles de MEM avaient été colligées à partir de deux cas index.

Caractéristiques des cas index s,EPREMIERCASINDEX

Il s’agissait d’un homme de 28 ans qui avait consulté pour des tuméfactions d’allure osseuse indolores évoluant de façon insidieuse depuis l’âge de 8 ans. Elles siégeaient au tiers distal de l’avant-bras droit et au niveau des membres inférieurs, aux tiers distaux des cuisses et proximaux des jambes. Elles étaient de de taille variable, entre 2 et 12 cm (Figure 1). L’examen retrouvait aussi un aspect dilaté et sinueux des veines superficielles au niveau du membre inférieur gauche (Figure1). Les pouls périphériques étaient perçus, synchrones et symétriques. Le reste de l’examen clinique était normal. Les explorations biologiques ne retrouvaient pas de syndrome inflammatoire. La calcémie et la phosphatémie étaient normales. Les radiographies standards objectivaient de multiples excroissances osseuses de siège métaphysaires, sessiles intéressant le radius droit, les fémurs, les tibias et les péronés. L’angio- scanner des membres inférieurs mettait en évidence une continuité de l’os spongieux et de la corticale entre les ostéochondromes et les os porteurs et révélait des compressions vasculaires : veineuses (superficielles et profondes) et de l’artère poplitée gauche (figure1). Le diagnostic d’une MEM compliquée de compressions artério-veineuses était ainsi retenu. Le patient était adressé par la suite en Orthopédie pour une résection chirurgicale des ostéochondromes compressives.

s,EDEUXIÒMECASINDEX

Un homme de 42 ans était reçu pour des masses diffuses évoluant depuis l’âge de 2 ans et qui n’avaient motivé jusque-là qu’une consultation chez un tradipraticien (figure 2). La survenue d’une douleur de l’une de ces masses, l’avait orienté par la suite dans notre service. Il présentait à l’examen des tuméfactions d’allure osseuse de de taille variable entre 3,5 et 6 cm qui siégeaient au membres supérieurs, aux extrémités distales, au coude gauche et aux membres inférieurs, aux extrémités proximales et Maladie des exostoses multiples : étude de deux familles multiplex sénégalaises.

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distales des jambes et à l’extrémité distale de la cuisse droite (figure 2). Une masse douloureuse se palpait aussi au flanc gauche et faisait corps avec l’os iliaque. Il existait un syndrome dysmorphique responsable d’une inégalité des membres, caractérisé par une incurvation des avant- bras et un genu valgum gauche. Il n’y avait pas de de syndrome inflammatoire, ni de trouble du métabolisme phosphocalcique. Les radiographies standards retrouvaient au niveau des membres de multiples excroissances osseuses de siège métaphysaire, sessiles et au bassin, un aspect hypertrophique et hétérogène de l’aile iliaque gauche (figure 2). Elles confirmaient les déformations des os des avant-bras avec un raccourcissement du radius gauche associée à une luxation ulno-humérale du côté homolatéral (figure 2). Une exérèse chirurgicale de la masse iliaque gauche a été réalisée. L’examen histologique de la pièce opératoire éliminait une néoplasie et était en faveur d’un ostéochondrome en mettant en évidence des boyaux de tissus osseux et cartilagineux. Le tissu osseux était compact fait de travées osseuses régulières disposées autour des canaux de Havers. Le tissu cartilagineux contenait du tissu médullaire, siège de remaniements fibreux. Le diagnostic retenu était ainsi celui d’une MEM.

s$ESCRIPTIONDESFAMILLES

Les deux familles totalisaient 88 membres dont 10 d’entre eux (8 hommes et 2 femmes, sex-ratio de 4,5), présentaient une MEM, soit une prévalence familiale de 11,36 %.

Tous les membres atteints étaient des apparentés de premier degré (figure 3). L’âge moyen était de 6 ans au

début apparent de la maladie (extrêmes : 1 an et 9 ans) et de 21 ans (extrêmes : 9 ans et 27 ans) au moment du diagnostic. Le taux de consanguinité était de 57 %. Le délai moyen au diagnostic était de 15 ans (extrêmes : 8 an et 18 ans). Le nombre d’ostéochondromes répertorié chez un patient variait entre 4 et 17. Les exostoses se localisaient aux membres dans 86,89 % des cas (membres supérieurs : 31,14 % et membres inférieurs : 55,73 %) et en dehors des membres dans 13,11% des cas (figure 4).

Leur description topographique détaillée figure dans le tableau ci-dessous. Elles étaient toutes indolores pendant la période de croissance. Les radiographies standards étaient réalisées dans 5 cas. Elles montraient un aspect sessile dans tous les cas. L’évolution était marquée après la fin de la croissance par une reprise d’activité dans 4 cas. Des complications ostéo-articulaires et des compressions vasculaires étaient notées. L’atteinte ostéo- articulaires était à type d’incurvation des avant-bras dans 2 cas, de déformations de genou dans 2 cas (un genu valgum gauche et un genu valgum droit). Les compressions vasculaires intéressaient les veines des membres inférieurs (superficielles dans 2 cas et profondes dans 1 cas) et l’artère poplitée gauche dans 1 cas. Aucune compression des structures nerveuses n’a été objectivée. Aucun cas de dégénérescence maligne n’a été répertorié.

La prise en charge thérapeutique chez les 4 patients présentant une reprise d’activité faisait recours aux antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens. Trois d’entre eux avaient bénéficié d’une résection chirurgicale

Figure 1 : Tuméfactions osseuses siégeant au niveau du tiers distal de l’avant-bras droit, des tiers distaux des cuisses et proximaux des jambes associées à varices au niveau de la jambe gauche. L’angio-scanner des membres inférieurs met en évidence une continuité entre les travées de l’os spongieux et celui cortical des exostoses et des os porteurs (flèche verte) et objective un contact étroit entre une ostéochondrome de l’extrémité supérieure du tibia gauche et l’artère poplitée gauche avec prise de contraste du trépied jambier droit contrairement à son homologue (flèches bleus).

Elle montre aussi une dilatation veineuse profonde et des varices du réseau superficiel (flèches oranges).

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d’exostoses symptomatiques (figure.5). Une surveillance était établie chez les autres cas.

DISCuSSION

La MEM est une pathologie rare, essentiellement rapportée en Occident [2, 4,5] et dans une moindre mesure en Afrique du Nord [1, 6,7]. En Afrique subsaharienne quelques rares observations de cette affection ont été rapportées [3]. Elles proviennent à notre connaissance du Congo (4 cas) [8], du Sénégal (3 cas) [3, 9, 10], de la Cote d’Ivoire (1 cas) [11] et du Burkina (1 cas) [12]. La prévalence familiale de la MEM était de 11,36 % dans notre étude, alors que celle-ci est estimée à 1/50000 dans la population occidentale [1, 2,5]. Une étude similaire réalisée en Inde retrouvait une prévalence plus élevée, de 27% [5]. La prévalence plus importante de la maladie

dans un contexte familial suggère l’implication surtout de facteurs génétiques, même si la participation de facteurs épigénétiques ne peut être exclue [13]. Une fréquence plus élevée chez les apparentés de premier degré, comme dans cette étude, par rapport au deuxième et troisième suggère un caractère à la fois multifactoriel et polygénique de cette hérédité [13]. Le mode de transmission de la maladie était difficile à établir dans notre étude. En raison de l’insuffisance de notre plateau technique, l’analyse génétique n’a pas pu être réalisée chez nos patients.

Toutefois, les données de la littérature montrent une implication d’au moins d’un des 3 gènes : EXT1, EXT2 et EXT3 [2, 4, 14, 15]. La mutation de ces 3 gènes serait responsable d’une transmission autosomique dominante retrouvée dans 90 % cas dans la MEM [2, 4, 14,15].

Ces gènes suppresseurs de tumeurs situées respectivement

Figure 4 : Des exostoses localisées en dehors des membres chez nos patients (localisations : iliaques, rachidiennes et scapulaires)

Figure 5 : A : Ablation chirurgicale d’une exostose de de l’extrémité inférieure l’humérus droit chez une de nos patientes. B : Cicatrises opératoires d’exostoses des extrémités inférieure du fémur droit et supérieur du tibia droit chez un de nos patients.

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sur les chromosomes 8q23-q24, 11p11-p12 et le bras court du chromosome 19 codent des glycosyltransférases qui catalysent la polymérisation des héparanes sulfates (protéoglycanes situés à la surface des cellules et dans la matrice extracellulaire) [16, 17]. Une forte diminution des niveaux d’héparanes sulfates ou leurs mauvaise qualité dérangeraient la plaque de croissance normale et ou la fonction périchondriale et serait responsable de la survenue des exostoses [18, 19]. Le mécanisme responsable impliquerait les voies de signalisation empruntant les récepteurs aux BMP (Bone Morphogenetic Protein) et aux SHH (Sonic Hedhehog Protein); BMP et SHH étant des facteurs favorisant la différenciation de la cellule souche vers l’ostéogenèse en diminuant l’adipogenèse [18, 19].

Dix à 15% des MEM sont cependant sporadiques [18, 19]. Ainsi, plusieurs facteurs environnementaux peuvent être responsables d’un développement des exostoses (traumatismes, irradiations notamment pendant l’enfance, ostéomyélites) [1]. Dans notre étude, l’existence de cas

similaires, essentiellement chez les apparentés de premier degré des cas index suggérait une origine héréditaire [3, 5]. Cette hypothèse a été consolidée par l’important taux de consanguinité retrouvé dans nos familles (57%).

La prédominance masculine, de même que l’âge au début apparent de la maladie qui était de 6 ans chez nos patients, concorde avec les données de la littérature [1,2]. En effet, les exostoses sont plus fréquemment rencontrées chez l‘homme avec un sex-ratio pouvant varier de 1,6 à 3,4, comparable à celui retrouvé dans notre étude [1]. Elles se développent surtout pendant la période de croissance [2].

Le diagnostic est souvent précoce dans la MEM, réalisé dans la majorité des cas avant l’âge de 12 ans du fait du caractère souvent accessible des excroissances osseuses [2]. Dans notre étude, le diagnostic a été porté à un âge plus avancé avec un délai moyen de 15 ans après le début des symptômes. Ce retard à la consultation pourrait être expliqué par le caractère indolore des ostéochodromes pendant l’enfance chez nos malades. A ce titre, l’un de

Membres supérieurs Membres inférieurs

Bras Avant-bras Cuisses Jambes

D G Total D G Total D G Total D G Total

Ext> 3 4 7 (11,47 %) 2 1 3 (4,91%) 1 2 3 (4,91%) 7 9 16 (26,22 %)

Ext< 1 0 1 (1,64%) 5 3 8 (13,11%) 4 4 8 (13,11%) 3 4 7 (11,47%)

Total 8 (13,11 %) 11 (18,03%) 11 (18,03%) 23 (37,70%)

Tableau 1 : Répartition topographique des exostoses

Tableau 1 Localisations en dehors des membres

Cotes 2 (3,28%)

Clavicule 1 (1,64%)

Scapula 2 (3,28%)

Rachis 1 (1,64%)

Os iliaque 2 (3,28%)

Total 8 (13,11%)

Légende : Ext > : extrémité supérieure ; Ext < : extrémité inférieure ; D : droite, G : gauche

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nos cas index n’a consulté qu’après avoir présenté une douleur d’une exostose après 40 ans d’évolution. Dans notre étude, les exostoses étaient essentiellement localisées au niveau des métaphyses des membres et prédominant aux genoux (incluant les extrémités inférieures des cuisses et supérieures des jambes), puis aux extrémités inférieures des avant-bras, ensuite supérieures des bras et inférieures des jambes. Cette répartition topographique concorde avec la littérature [2, 19]. Cette localisation préférentielle des exostoses rend compte de leur pathogénie : elles sont absentes des os à ossification membranaire qui donnent directement un tissu osseux sans tissu intermédiaire (face, voûte crânienne) et sont présentes essentiellement sur les os à ossification enchondrale qui produisent un tissu osseux en passant par tissu intermédiaire cartilagineux (versant métaphysaire des os longs et quelques os plats ou courts) [2, 19]. Des localisations plus rarement décrites ont été cependant retrouvées chez nos patients, notamment rachidiennes, iliaques, scapulaires, claviculaires et costales [5, 20].

Le diagnostic des exostoses est essentiellement radiologique [21, 22]. Dans la forme typique, une histologie n’est pas requise [1]. Les formes radiologiques des exostoses sont multiples, mais individualisables en 3 types : les formes pédiculées (implantation étroite et toujours inclinée vers la diaphyse), les formes sessiles qui sont celles retrouvées chez nos malades, caractérisées par une implantation large sur la métaphyse et la diaphyse et les formes en chou-fleur [21, 22]. Le signe radiologique pathognomonique, facile à identifier sur les images tomodensitométriques et décelé chez l’un des cas index est la mise en évidence de la continuité de l’os spongieux et de la corticale entre l’ostéochondrome et l’os porteur [1]. Selon sa localisation et son volume, une exostose peut être responsable de complications rarement révélatrices : ostéo-articulaires (déformations ostéo- articulaires, fractures osseuses, ostéomyélites), compressions de structures adjacentes [5, 16, 22, 23, 24]. C’est ainsi que des déformations ostéo-articulaires responsables d’une inégalité des membres étaient objectivées dans 2 cas dans notre étude. Par ailleurs, des compressions artérielles et veineuses étaient notées dans 2 cas. L’une des déformations les plus frappantes et observée chez nos patients est l’avant- bras court et incurvé qui est retrouvé selon les auteurs jusque dans 60 % des cas [2]. L’inégalité de longueur des membres inférieurs est souvent imputable à une attitude vicieuse du genou et la déformation est habituellement selon Clement et al sous forme de genu valgum dans 2 cas sur 10, comme nous le constatons dans notre étude [2, 25]. Les

complications vasculaires sont rares, observées dans 11 % des cas [10, 16]. Dans une revue de la littérature de 1965 à 2013 les auteurs n’ont répertorié 57 cas de complications vasculaires d’ostéochondromes des membres inférieurs [10, 16, 22]. Elles incluaient les refoulements des vaisseaux, les sténoses, les thromboses, les fistules artério-veineuses et les formations de pseudo-anévrismes [1,16]. Ces complications vasculaires résulteraient du « piégeage » des structures vasculaires par des exostoses adjacentes [16]. L’atteinte de l’artère poplitée, retrouvée dans notre étude est la complication vasculaire la plus fréquente (91 % des cas) en raison de la fréquente localisation des ostéochondromes au niveau de l’extrémité inférieure du fémur et supérieure du tibia [16, 22]. La compression veineuse associée, inhabituelle, était une originalité de cette observation [10]. L’évolution des exostoses s’arrête classiquement avec la croissance [2, 26, 27]. Cependant, une surveillance régulière doit être établie à l’âge adulte, car, toute reprise d’évolutivité indique une ablation chirurgicale des ostéochondromes concernées [1, 26, 27]. Ceci a été proposé chez 3 de nos patients. L’indication chirurgicale se justifie aussi devant des compressions des structures adjacentes, dont celles vasculaires présentées par 2 de nos cas [1, 26, 27]. La reprise d’activité après la fin de la croissance est un signe prédictif de dégénérescence maligne [2, 26]. Ainsi une surveillance régulière a été établie chez tous patients.

Cette éventualité rare, non retrouvée dans notre étude est rapportée chez environ 2 % des cas selon les séries plus récentes [2, 26].

CONCLuSION

Notre étude montre une agrégation des cas de MEM dans un contexte familial et plaide en faveur d’une origine génétique de la maladie. Les caractéristiques épidémiologiques, et clinico-radiologiques des exostoses chez nos patients concordent avec les données de la littérature. Nous avons également retrouvé des localisations d’ostéochondromes et des complications plus rarement décrites. Nous préconisons une enquête familiale systématique devant tout cas d’exostose, notamment dans les formes multiples. Cela permettrait de raccourcir le délai au diagnostic comme nous le constatons chez les apparentés de nos cas index et d’établir une surveillance régulière du fait du risque de dégénérescence maligne.

CONfLITS D’INTéRêT

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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M. Niasse et al.

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Maladie des exostoses multiples : étude de deux familles multiplex sénégalaises.

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