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«Nos villes ne méritent-elles pas mieux?»

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PROCOS Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé

14, rue Coquillière téléphone : 01 44 88 95 60

LE LIVRE BLANC LE LIVRE BLANC

DES BAUX COMMERCIAUX DES BAUX COMMERCIAUX

des 160 enseignes adhérentes à Procos, représentant 23.246 magasins

et 305.000 emplois

Juin 2003

«N os villes ne méritent-elles

pas mieux ?»

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Sommaire

Introduction ... 3

I. Une évolution marquée des dispositions contractuelles des baux commerciaux en faveur des bailleurs... 4

I.1 - Activité... 4

I.2 - Enseigne... 5

I.3 – Aménagement – Travaux... 6

I.4 – Cession ... 6

I.5 – Charges ... 7

I.6 - Non concurrence ... 8

I.7 – Indexation ... 8

I.8 – La durée du bail ... 9

II. Les recours à des procédés contestables et la volonté des Bailleurs de s’attaquer aux fondamentaux du Décret de 1953 ... 11

II.1 - L’utilisation abusive du droit de repentir par les bailleurs... 11

II.2 - La volonté des bailleurs de remettre en cause le principe du droit à renouvellement du bail et de l’indemnité d’éviction ... 13

Conclusion... 15

Annexe : La dérive espagnole ... 17

Les évolutions de la législation... 17

Les conséquences en termes économiques ... 17

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Introduction

Le régime juridique des baux de locaux commerciaux, institué par le Décret de 1953 a permis au commerce français de devenir l’un des plus dynamiques au monde.

Du fait que le bailleur soit obligé de renouveler le bail, confère au locataire une propriété commerciale.

Le statut des baux commerciaux aujourd’hui en vigueur en France a permis aux commerçants français de moderniser leur outil de travail et de le développer grâce aux financements accordés par les banques.

Le commerce français, l’un des plus diversifiés au monde dans ses formats et ses activités, est de même devenu aujourd’hui l’un des plus actifs et créatifs d’Europe, s’exportant dans de nombreux pays.

En sens inverse, la loi française n’a aucunement freiné l’arrivée d’enseignes étrangères en France. Avec la Grande-Bretagne, la France est le pays qui accueille le plus grand nombre de ces investissements.

L’équilibre qui s’était institué dans les rapports entre les commerçants et leur propriétaire grâce à ce statut est aujourd’hui menacé.

En effet, les bailleurs institutionnels, dont l’actionnariat est de plus en plus composé de fonds d’investissement étrangers, remettent en cause depuis une dizaine d’années cet équilibre ; la notion même de propriété commerciale est remise en cause.

Une logique financière de valorisation est en train de s’imposer.

Cette offensive contre la propriété commerciale n’est pas justifiée. En effet, la valeur du patrimoine de ces bailleurs institutionnels s’est améliorée de plus de 10 % en 2002 tandis que l’inflation et la consommation restaient inférieures à 3 %.

Ce livre blanc a pour objet d’illustrer les évolutions récentes intervenues au niveau des baux commerciaux en France. Si certaines clauses peuvent se concevoir, d’autres sont le reflet de la remise en cause du principe même de la propriété commerciale, fondement du patrimoine des commerçants.

Ces dérives ne sont plus acceptables car, à terme, c’est le développement du commerce et la création d’emplois dans notre pays qui seront menacés ; c’est encore l’augmentation trop forte des loyers, et, en conséquence, l’augmentation des prix à la consommation qui menace notre économie ; c’est, au-delà de ces problèmes d’ordre économique tout l’esprit d’entreprise qui est menacé.

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I. Une évolution marquée des dispositions contractuelles des baux commerciaux en faveur des Bailleurs

Les bailleurs institutionnels, dont les actionnaires sont dans une majorité de cas des fonds d’investissements étrangers, s’éloignent de plus en plus de l’esprit des dispositions du Décret du 30 Septembre 1953, pour se rapprocher de la pratique prévalant dans les pays anglo-saxons.

La rédaction de leur contrat de bail commercial type, l’impossibilité croissante des locataires à négocier les termes et conditions de ce bail type, le manque de souplesse des clauses de ce bail type, l’absence croissante d’équilibre et d’équité dans les relations contractuelles, sont autant de facteurs qui illustrent la dérive actuelle des rapports entre bailleurs et locataires vers cette culture anglo-saxonne.

Une analyse approfondie des baux commerciaux signés entre les locataires et les principaux bailleurs institutionnels au cours de ces dernières années prouve une claire intention de la part de ces derniers, de faire supporter par leurs locataires, l’intégralité des risques et des charges locatives.

Nous limiterons cette analyse aux principales clauses suivantes :

I.1 - Activité

Le décret de 1953 prévoit que «les locaux à usage commercial… sont exclusivement destinés à l’activité visée ci-après». Cette disposition a été reprise dans la grande majorité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs.

Cette clause avait donc le mérite d’être souple pour le preneur, n’emportant pas de restriction.

Puis les clauses d’activité ont été rédigées de la façon suivante : «le preneur devra exercer dans les lieux loués de manière permanente la totalité des activités prévues, celles-ci constituant un tout indivisible dans la commune intention des parties, et ce à l’exclusion de toute autre».

Par l’insertion de telles clauses les bailleurs restreignent la souplesse dont bénéficiaient les locataires.

En effet, en insérant cette notion de permanence et d’indivisibilité les bailleurs institutionnels ont pour but de figer les activités de leurs locataires et, en conséquence, de reprendre le contrôle de la destinée de leurs locaux commerciaux

Il en résulte que seule l’activité principale, initialement visée au bail, et, le cas échéant, les activités accessoires expressément autorisées et énumérées au bail peuvent être exercées par les locataires.

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Ce type de clause a non seulement pour effet de faire perdre au locataire la destinée de son commerce, mais il a surtout pour effet d’empêcher l’exploitant d’un fonds de commerce de moderniser ce fonds, de le faire évoluer en fonction de la demande de sa clientèle, de l’adapter à l’exploitation et la distribution de produits toujours plus innovants.

De plus, une énumération exhaustive d’un grand nombre d’activités dans le cadre d’une clause

« Activités » permet certes de contourner partiellement cet obstacle mais représente aussi de très grands risques et obstacles pour le locataire.

En effet, l’existence d’une telle clause a tout d’abord pour effet de contraindre un locataire d’exercer l’ensemble des activités visées au bail ; le bailleur pourrait toujours se prévaloir de la faute de son locataire de ne pas ou de ne plus exercer une seule des activités listées dans cette clause, pour demander la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de son locataire.

Ce type de clause représente ensuite un obstacle indéniable pour le locataire qui souhaiterait céder son droit au bail ou son fonds de commerce à une tierce personne. Ce locataire ne pourrait, en effet, que difficilement trouver un successeur acceptant d’exercer l’ensemble des activités énoncées dans le bail.

Il en résulte que de telles clauses remettent en cause le principe de liberté de cession, et ce en violation des dispositions légales.

En revanche, ce type de clause représente, pour le Bailleur, un moyen de pression qui lui permet de re-négocier le loyer ou les termes du bail, dans des conditions toujours plus favorables au bailleur, à chaque évolution de l’activité du locataire.

I.2 - Enseigne

Le décret de 1953 ainsi que la grande majorité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs ne prévoient aucune clause d’enseigne.

Force est de constater que cette clause d’enseigne est de plus en plus introduite dans les baux par les bailleurs afin de leur permettre de contraindre leur locataire à exercer leur activité sous une enseigne déterminée. Cette clause d’enseigne permet, de plus, à un bailleur d’interdire à son locataire de modifier son enseigne pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements ou de ne l’y autoriser qu’après avoir donné son accord préalable et écrit.

Les bailleurs s’immiscent ainsi dans les affaires de leurs locataires, dans la gestion de leur exploitation. Ils les empêchent de maîtriser l’évolution de leur concept, de moderniser ce concept, de s’adapter aux demandes du marché et de leur clientèle.

A nouveau, cette clause d’enseigne représente, pour le bailleur, un moyen de pression qui lui permet, en contrepartie de son agrément, de renégocier le loyer ou les termes du bail dans des conditions toujours plus favorables au bailleur.

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I.3 – Aménagement – Travaux

La grande majorité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs, certes, prévoyaient une clause interdisant au locataire d’effectuer des travaux sans l’accord préalable et écrit du bailleur.

Cependant, les travaux visés dans ces baux concernaient les travaux touchant à la structure de l’immeuble ou au gros-œuvre mais ne concernaient en aucun cas les travaux d’aménagement. Ces travaux d’aménagement pouvaient être librement effectués par le locataire, sans accord préalable et écrit du bailleur. Ce type de clause était généralement interprété de manière extensive.

Force est de constater que les bailleurs imposent de plus en plus une obligation pour leur locataire de solliciter leur accord préalable et écrit avant d’effectuer tout type de travaux, et ce compris les simples travaux d’aménagement, d’embellissement ou d’adaptation.

Ce type de clause représente un obstacle indéniable pour le locataire qui souhaiterait moderniser son local, son concept, son enseigne ou encore améliorer son image vis à vis de sa propre clientèle ou d’un nouveau type de clientèle qu’il convoiterait.

Le locataire est désormais tenu de solliciter cet accord sous peine de courir le risque d’une résiliation judiciaire de son bail à ses torts exclusifs.

En revanche, cette clause de travaux représente, pour le bailleur, un moyen de pression qui lui permet, en contrepartie de son agrément, de renégocier le loyer ou les termes du bail dans des conditions toujours plus favorables au bailleur.

I.4 – Cession

La grande majorité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs prévoyaient que la cession du droit au bail était autorisée avec l’accord préalable du bailleur, appelé à concourir à l’acte.

De plus, la garantie solidaire du cédant était limitée à la fin du bail en cours.

Aucun droit de préférence ni droit de préemption n’était enfin accordé aux bailleurs en cas de cession du droit au bail.

De son côté, le Décret de 1953 ne prévoit aucune disposition ayant pour effet d’interdire le locataire de céder librement son droit au bail. Bien au contraire et comme nous l’avons déjà noté, l’article 35-1 du Décret (codifié à l’article L. 145-16 du Code de Commerce) déclare nulle toute convention tendant à interdire le locataire de céder son bail à l’acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise. Il est important de rappeler que cette dernière disposition est d’ordre public.

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Force est de constater que les bailleurs interdisent aujourd’hui, dans les termes du bail et ce, de manière systématique, toute cession du droit au bail par le locataire, qu’il s’agisse d’une cession à une tierce personne ou à une société du propre groupe du locataire.

De plus, les bailleurs imposent aujourd’hui, de manière systématique, une garantie solidaire du cédant non seulement jusqu’à la fin du bail en cours mais aussi jusqu’à la fin des renouvellements de ce bail.

Enfin, les bailleurs imposent aujourd’hui, de manière systématique, un droit de préférence ou un droit de préemption à leur bénéfice en cas de volonté du locataire de céder son droit au bail, voire son fonds de commerce.

Certains bailleurs n’hésitent pas à prévoir une augmentation automatique de 10 % (ou plus) du loyer de base en cours, en cas de cession du fonds de commerce.

Ces clauses permettent de consentir aux propriétaires bailleurs un contrôle plein et entier de la destination de leurs locaux loués, au détriment des locataires.

En revanche, ces clauses portent grandement atteinte aux intérêts des locataires. Ces droits de préemption ou de préférence au profit du bailleur entravent le locataire pour toute restructuration juridique au sein de son groupe. Ils empêchent, de plus, de procéder à la cession de plusieurs emplacements de manière simultanée et, de ce fait, de laisser à une enseigne la destinée de sa propre politique d’implantation commerciale. Ces droits de préemption et de préférence consentis au bailleur sont un obstacle à l’obligation de confidentialité à laquelle une enseigne est souvent tenue dans un tel projet ; ils sont la cause, dans certains cas, de l’échec de projets.

A nouveau, ces clauses de cession représentent, pour le bailleur, un moyen de pression qui lui permet, en contrepartie de son agrément, de renégocier le loyer ou les termes du bail dans des conditions toujours plus favorables au bailleur.

I.5 – Charges

La recherche d’une toujours plus grande rentabilité financière par les bailleurs se manifeste par un transfert non seulement des charges courantes mais aussi des charges exceptionnelles du bailleur vers le locataire.

a. Les charges courantes

Un immeuble nécessite un entretien courant et donc des dépenses telles que les frais de peinture, électricité, sécurité, climatisation…, qui sont indispensables pour la pérennisation du local.

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Force est de constater que ce coût est désormais supporté par les locataires qui en acceptent le principe sous la pression des bailleurs.

b. Les charges exceptionnelles

La règle consacrée par le Code civil met à la charge des bailleurs les « grosses réparations » énumérées dans l’article 606 du Code civil. Ces grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, des digues des murs de soutènement et de clôture, etc.…

Force est de constater que les bailleurs imposent aujourd’hui systématiquement la charge des grosses réparations de l’article 606 du Code civil à leur locataire.

Ainsi, les locataires se trouvent dans la situation paradoxale d’assumer pleinement et entièrement le coût financier de la valorisation du patrimoine immobilier de leur bailleur.

A nouveau, cette dérive représente, pour le bailleur, un avantage substantiel incontestable.

I.6 - Non concurrence

Le décret de 1953 ainsi que la grande majorité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs ne prévoient aucune obligation de non-concurrence.

Force est de constater que les bailleurs imposent aujourd’hui de plus en plus un tel type de clause dans leurs baux interdisant, pendant la durée du bail, ses renouvellements ou prorogations éventuelles, d’exploiter une activité similaire à une distance limite fixée au cas par cas.

Cette pratique constitue pour le locataire une atteinte indéniable, d’ailleurs inscrite dans la loi, à sa liberté d’établissement et de commerce. Ce type de clause a, de plus , pour effet d’empêcher le développement des enseignes ou de tout autre commerçant indépendant.

A nouveau, ce type de clause de non-concurrence représente, pour le bailleur, un moyen de pression qui lui permet, en contrepartie de son agrément, de renégocier le loyer ou les termes du bail dans des conditions toujours plus favorables au bailleur.

I.7 – Indexation

La grande majorité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs prévoyaient que l’indexation triennale, voire annuelle, soit initialement révisée à la hausse comme à la baisse en fonction de la variation de l’indice INSEE du coût de la construction.

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Force est de constater que les bailleurs imposent aujourd’hui systématiquement que cette indexation triennale, voire annuelle, se fasse uniquement à la hausse.

A nouveau, cette dérive représente, pour le bailleur, un avantage substantiel incontestable.

I.8 – La durée du bail

L’article 3-1 du décret de 1953 (codifié à l’article L. 145-4 du Code de commerce) prévoit que «La durée d’un contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans». La quasi intégralité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs prévoient que la durée du contrat de bail est de neuf années. Il est aussi fait référence de manière commune à une durée de 3/6/9 années.

Force est de constater que les bailleurs imposent aujourd’hui dans une majorité de baux (voire dans tous les baux concernant des locaux situés dans des centres commerciaux) une extension de cette durée à dix ou douze années qui lui permet ainsi de déplafonner le loyer.

Pire, les bailleurs imposent à leurs locataires de s’engager sur une période ferme de six années, voire de neuf années, en leur demandant de renoncer sans aucune équivoque à leur possibilité de résilier le bail à l’issue de la première et, dans certains cas, de la deuxième période triennale. Cette faculté leur est permise depuis le vote de la loi du 30 décembre 1985 qui autorise les parties à renoncer contractuellement à la faculté pour le locataire de résilier le bail à chaque période triennale.

Cette dérive offre des avantages certains pour les bailleurs :

la fi xation d’un bail d’une durée supérieure à neuf ans permet dans un premier temps aux bailleurs d’échapper à la règle du plafonnement du loyer à l’indice INSEE du coût de la construction ;

la possibilité pour les bailleurs de déplafonner le loyer renouvelé à la valeur locative leur assure une plus grande rentabilité de leur placement immobilier ; elle leur permet ainsi d’appréhender les locaux commerciaux dont ils ont la gestion comme un véritable produit fi nancier ; l’engagement des locataires sur une période ferme de six, neuf, voire douze ans leur permet d’optimiser ce « produit fi nancier » en vue de la cession de toute ou partie de leur portefeuille immobilier à un potentiel acquéreur.

En revanche, cette dérive représente un handicap certain pour les locataires pour les raisons suivantes :

la fi xation d’un bail d’une durée supérieure à neuf ans représente a contrario pour les locataires un coût supplémentaire pour ce qui concerne leur loyer de renouvellement dans la mesure où ce loyer de renouvellement sera fi xé par rapport à la valeur locative et non plus indexé selon l’indice INSEE du coût de la construction ;

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l’engagement des locataires sur une période ferme et incompressible de six, neuf, voire douze années pourrait être très périlleux pour un commerçant, un franchisé ou une enseigne pour les raisons suivantes :

en cas de diffi cultés sérieuses dans l’exploitation de son commerce, le commerçant ou le franchisé pourrait ne plus être en mesure de régler son loyer ; il n’aurait plus alors la possibilité de se dégager aussi rapidement de ses obligations contractuelles en utilisant sa faculté de résiliation triennale et risquerait une faillite personnelle sur ses biens propres ; de son côté, la mauvaise gestion d’un seul local commercial par une enseigne sans possibilité de résilier le bail à brèves échéances pourrait grandement compromettre la pérennité de cette enseigne et mettre en péril l’ensemble de son entreprise.

A nouveau, ces types de clauses représentent, pour le bailleur, un avantage financier substantiel incontestable.

**

*

Ces nouvelles clauses et obligations sont l’illustration de l’évolution des rapports contractuels entre locataires et bailleurs institutionnels.

Ces derniers n’hésitent pas à s’entendre pour imposer à leurs locataires des clauses contractuelles toujours plus contraignantes afin d’assurer un parfait contrôle sur la destinée des locaux commerciaux.

Force est de constater que ces bailleurs institutionnels sont aujourd’hui contraints de se plier aux exigences de plus en plus accrues de leurs actionnaires (le plus souvent des fonds d’investissement étrangers) intéressés par la seule rentabilité accrue de leur placement.

Alors que l’équité était la règle dans l’esprit du Décret de 1953 et dans la quasi unanimité des baux initialement signés entre locataires et bailleurs, les enseignes ayant largement contribué à la valorisation des centres commerciaux, les bailleurs n’ont aucun scrupule pour remettre en cause cet équilibre, imposer une plus grande rigidité contractuelle en vue de bénéficier de toujours plus grands avantages financiers tout au long du contrat de bail..

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II. Les recours à des procédés contestables et la volonté des Bailleurs de s’attaquer aux fondamentaux du Décret de 1953

Non contents d’avoir opéré ce déséquilibre flagrant dans les relations contractuelles avec leur locataires, les bailleurs institutionnels recourent de plus en plus à des procédés contestables et militent aujourd’hui pour que soit remis en cause, par la voie législative ou réglementaire, les principes fondamentaux du Décret de 1953.

II.1. L’utilisation abusive du droit de repentir par les bailleurs

L’article 32 du Décret de 1953 (codifié dans l’article L.145-58 du Code de Commerce) permet au bailleur qui a déjà refusé à son locataire le renouvellement de son bail, de changer d’avis et de consentir, en définitive, audit renouvellement à la condition que le locataire soit encore dans les lieux et qu’il n’ait pas acheté ou loué un autre local pour se réinstaller.

Ce droit de repentir peut s’exercer par le bailleur à tout instant de la procédure de refus de renouvellement et ce jusque dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée.

Ce droit de repentir permet à un bailleur qui considère que le montant de l’indemnité d’éviction ainsi fixée en dernier ressort par les Tribunaux est trop élevée, de revenir sur son refus de renouvellement et de signifier au locataire la poursuite du bail.

Cette procédure résulte des dispositions du Décret de 1953 mais on constate que les bailleurs en font, aujourd’hui, un usage abusif car systématique.

Ce droit de repentir constitue ainsi une véritable arme que les bailleurs n’hésitent pas à utiliser comme formidable moyen de pression sur leurs locataires tout au long de la procédure de renouvellement. En effet, cette arme permet aux bailleurs de se soustraire dans les meilleures conditions possibles au paiement de cette indemnité d’éviction, et ce à toute étape de la procédure de fixation du montant de cette indemnité.

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En revanche, une utilisation abusive de ce droit de repentir présente des inconvénients très importants et des dépenses très lourdes pour les locataires pour les raisons suivantes :

ces pratiques empêchent tout d’abord le locataire d’avoir un aperçu clair sur les perspectives d’avenir de son exploitation : il ne sera pas à l’abri tout au long de la procédure de fi xation judiciaire de l’indemnité d’éviction, et ce jusque dans un délai de 15 jours suivant l’expiration du délai d’appel d’une décision rendue en dernier ressort par le juge de première instance, voire par le juge d’appel, de l’utilisation par le bailleur de ce droit de repentir ;

ces pratiques mettent ensuite en péril l’exploitation commerciale du locataire : dans le cadre de la fermeture de son commerce, ce dernier liquidera ses stocks quelquefois à perte, cessera ses approvisionnements, cessera ses relations avec l’ensemble de ses prestataires et autres partenaires commerciaux.

L’utilisation par le bailleur de son droit de repentir et l’obligation pour le locataire de poursuivre son activité peuvent occasionner des pertes considérables pour ce dernier qu’il est dans l’obligation d’assumer seul en l’état actuel de la législation.

ces pratiques ont enfi n et surtout des conséquences catastrophiques sur la gestion du personnel et des ressources humaines du locataire : ce dernier doit, en effet, anticiper la fermeture de son exploitation ; il doit initier suffi samment à l’avance, une procédure de licenciement de plus en plus lourde et complexe ; il demeure dans l’obligation dans un certain nombre d’hypothèses, de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi, faire bénéfi cier aux salariés dont le licenciement est envisagé une formation en vue d’assurer leur reconversion, fi nancer une cellule d’outplacement, s’acquitter d’indemnités légales et conventionnelles de licenciement de plus en plus lourdes et gérer l’aspect humain de mesures de plus en plus impopulaires et toujours très diffi ciles à faire accepter.

Le locataire restera ainsi jusqu’à la fi n de la procédure de non-renouvellement à la merci d’une décision de son bailleur d’utiliser son droit de repentir et sera responsable du coût fi nancier, humain, relationnel de la fermeture de son exploitation qu’il aura initié sans possibilité de se retourner contre son bailleur en vue d’obtenir un quelconque dédommagement de sa part.

Les inconvénients liés à une utilisation tardive et abusive du droit de repentir peuvent être pour le locataire très importants ; ils peuvent dans certains cas entraîner la faillite du commerçant sans aucune possibilité de se retourner contre le bailleur.

Il conviendrait, en conséquence, de protéger le locataire en limitant dans le temps l’utilisation par le bailleur de son droit de repentir ou en permettant au locataire de se retourner contre son bailleur pour obtenir de sa part les dommages intérêts résultant d’une utilisation tardive de ce droit de repentir.

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II.2 La volonté des bailleurs de remettre en cause le principe du droit à renouvellement du bail et de l’indemnité d’éviction

Le droit à renouvellement d’un bail commercial en faveur du locataire a été instauré en France bien avant la promulgation du Décret de 1953. Il s’inscrivait, dans un premier temps, dans une politique de stabilité économique et d’équilibre entre, d’une part, l’exploitant d’un fonds de commerce et, d’autre part, ses clients, ses fournisseurs, ses banquiers et autres. Il représentait, dans un second temps, un moyen de mettre un terme à l’attitude de bailleurs consistant à ne pas consentir à leur locataire le renouvellement de leur bail et à faire profiter une tierce personne du « goodwill », et de la clientèle liée à ce fonds de commerce en contrepartie de règlement d’un loyer plus élevé.

Ces pratiques ont donc poussé le législateur à protéger les locataires de ces actions déloyales, à consacrer le principe du droit au versement d’une indemnité d’éviction au locataire en cas de volonté du bailleur de mettre fin au contrat de bail à son terme.

Ces principes du droit à renouvellement et du droit à versement d’une indemnité d’éviction ont été réintégrés dans les dispositions du Décret de 1953 ; il s’agit d’ailleurs de dispositions d’ordre public.

De plus, il a été jugé par la Cour de Justice des Communautés Européennes que le droit à renouvellement n’engendre aucune distorsion de concurrence au regard du Traité de Rome et à l’harmonisation des législations nationales au sein de l’Union Européenne, car le texte est applicable à tous les citoyens de l’Union Européenne.

Ce principe du droit à renouvellement ne méconnaît pas la règle posée par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales qui n’admet de restriction légale au droit de la propriété que «pour réglementer l’usage des biens conformes à l’intérêt général pour assurer le paiement des impôts».

La Cour de Cassation a très justement répondu, dès le 27 février 1991, que le décret du 30 septembre 1953 permettait «de réaliser un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.»

Fondement de la propriété commerciale, le principe du droit à renouvellement du bail ne peut être discuté.

L’indemnité d’éviction représente la contrepartie financière en cas de refus du bailleur en fin de bail d’accorder à son locataire le renouvellement du bail.

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Cette indemnité d’éviction avait aussi pour objectif de permettre au petit exploitant de se constituer une capital retraite plus ou moins modeste.

Pour les plus grandes entreprises commerciales, ainsi que pour les enseignes, cette indemnité d’éviction leur permet de compenser en partie la disparition d’un fonds de commerce. Elle représente, de plus, une garantie et un instrument de crédit très important sans lesquels elles ne pourraient avoir recours à l’emprunt. Elle représente enfin un élément d’actif très important dans la capitalisation de sociétés cotées en bourse.

Or, force est de constater que les bailleurs institutionnels souhaitent aujourd’hui favoriser une fluidité accrue des locaux commerciaux dont ils ont la gestion. Dans l’impossibilité d’imposer contractuellement à leurs locataires certaines dispositions en ce sens, du fait du caractère d’ordre public de ces dispositions, les bailleurs institutionnels souhaitent ainsi mettre en place en France, à la demande de leurs actionnaires, généralement étrangers, une politique de gestion immobilière similaire à celle pratiquée dans des pays anglo-saxons. Ils s’activent de plus en plus pour tenter de faire modifier, par la voie législative ou réglementaire, ces dispositions d’ordre public du Décret de 1953.

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Conclusion

Il est important d’insister sur le fait que cette volonté de modifier les principes fondamentaux du décret de 1953 relève d’une minorité de Bailleurs seulement, les investisseurs des Centres Commerciaux.

Comme nous l’avons déjà souligné, ces derniers sont aujourd’hui contraints d’assurer chaque année à leurs actionnaires (le plus souvent étrangers) une rentabilité accrue des biens immobiliers dont ils assurent la gestion. L’accroissement annuel de cette rentabilité demeure leur objectif premier, objectif clairement affiché sur leurs plaquettes de présentation, sites internet et autres moyens de communication et de marketing.

Comme nous venons de le démontrer, les bailleurs institutionnels se sont, dans un premier temps, attachés à imposer à l’ensemble de leurs locataires un grand nombre de clauses dérogatoires aux usages régissant les rapports entre bailleurs et locataires, aux principes énoncés par le Décret de 1953 et ceux énoncées par le Code Civil. Ils entendent maintenant faire modifier par la voie législative ou réglementaire, certaines dispositions d’ordre public du Décret de 1953, en prétextant un soit-disant « vieillissement » de ce Décret. Cette démarche se place dans l’unique objectif d’accroître toujours plus la rentabilité financière, pourtant déjà très élevée, des actifs immobiliers dont ils assurent la gestion, et ce au détriment de l’ensemble des locataires. Ce choix de modifier ou de ne pas modifier les principes fondamentaux du décret de 1953, demeure politique, puisqu’une modification de ce décret entraînerait de graves conséquences, tant économiques que sociales.

En effet, la suppression du principe de la propriété commerciale conduirait, dans un premier temps, les locataires à recourir de manière accrue au contrat de travail à durée déterminée et à augmenter la précarité de l’emploi dans notre pays. Cette suppression de la propriété commerciale entraînerait, dans un second temps, l’augmentation du coût locatif des locataires, augmentation qui se répercuterait sur le prix des produits et, en conséquence, sur le taux de l’inflation.

Cette suppression engendrerait une augmentation importante des prix de l’immobilier commercial dans la mesure où les commerçants préféreront investir dans l’immobilier commercial en procédant à l’acquisition du mur et du fonds de leur boutique plutôt que de signer un bail commercial comme ils le font le plus couramment aujourd’hui.

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Enfin, la remise en cause du principe de la propriété commerciale aurait pour conséquence d’éliminer les petits commerçants et petites enseignes, de tuer le petit commerce, et de favoriser le développement exclusif de très grandes enseignes.

L’enjeu des débats porte donc sur une réelle nécessité pour les Pouvoirs Publics de choisir entre une logique attachée à l’entreprise et l’emploi et une logique financière.

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Annexe : La dérive espagnole

Les évolutions de la législation

La législation espagnole qui protégeait à l’origine les intérêts des locataires a été totalement transformée entre 1985 et 1995.

1. La loi Boyer mise en application en 1985 a contribué à limiter la durée des baux.

Durant 10 ans, deux systèmes ont cohabité :

des anciens baux à durée illimitée, générant un Traspasos (l’équivalent d’un Droit au Bail).

de nouveaux baux à durée limitée : la pratique des baux de 5 ans s’est généralisée.

2. La loi de 1995 a mis fi n aux anciens baux. Depuis cette date, le marché de l’immobilier commercial se caractérise par :

la fi n du Traspasos.

de très fortes augmentations de loyers.

une liberté contractuelle totale au profi t du constructeur c’est à dire des nouveaux propriétaires de locaux commerciaux et en particulier de centres commerciaux.

Les conséquences en termes économiques

Si ces modifications ont indubitablement dynamisé le marché de l’immobilier commercial (les premiers Centres commerciaux espagnols datent de 1982), elles aboutissent aujourd’hui à un suréquipement périphérique et à une explosion des projets qui, à terme, aboutira à la mort des centres-villes :

en 2002, le parc de Centres commerciaux atteint le chiffre de 8 millions de m² Début 2003, on recense 5 millions de m² programmés.

Si le dynamisme de l’économie espagnole des années 80 et 90, largement soutenu par les aides communautaires, a permis une croissance forte du pouvoir d’achat pouvant justifier pour partie ce développement d’équipement commercial, aujourd’hui l’économie espagnole a atteint une certaine maturité qui se traduit d’ailleurs par des débuts de délocalisation de certaines activités économiques du fait de salaires parfois élevés.

Les gains de pouvoir d’achat sont déjà bien moins importants aujourd’hui et la diminution des fonds FEDER en 2005 réduira encore l’impact de la dynamique communautaire.

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Pour preuve de ce « décrochage » dans le domaine des centres commerciaux, toutes les ouvertures depuis 2 ans de centres commerciaux importants tels que la Maquinista et Diagonal Mar à Barcelone, Parque Principado à Oviedo, Bonaire à Valencia par exemple, constituent de véritables échecs. La réalité des chiffres d’affaires est loin des prévisions et un certain nombre de commerçants et enseignes ont arrêté définitivement leur exploitation au bout de quelques mois.

Parallèlement à ces évolutions, d’importantes modifications sont intervenues dans le domaine de la propriété des centres commerciaux. Depuis 1997/1998, divers investisseurs nationaux mais surtout internationaux (fonds de pension Nord-Européens, banques, …..), ont acquis de nombreux et puissants centres qui d’ailleurs pour certains ont déjà été revendus avec des plus values importantes, à une deuxième vague d’investisseurs.

Fort d’une totale liberté contractuelle, les loyers des commerçants implantés dans ces centres, ont augmenté à l’issue de durées de baux limités à 5 ans, voire 7 ans au mieux, dans des proportions qui aujourd’hui ne permettent plus de rentabiliser les exploitations. « La machine » apparaît aujourd’hui totalement grippée.

Soit le commerçant accepte ces augmentations avec le risque d’un résultat d’exploitation déficitaire, soit il doit partir. Si certains grands groupes de distribution, en particulier dans le domaine du textile, disposent d’une capacité de négociation avantageuse, il n’en est pas de même pour la grande masse des commerçants. Dans les nouveaux centres commerciaux, soit le commerçant (franchisé ou succursaliste) accepte les nouvelles conditions de durée de bail limité et de loyer élevé avec des risques équivalents à ceux décrit ci-dessus, soit il ne signe plus nulle part et est amené (pour les enseignes du moins) à fortement diminuer voire arrêter ses ouvertures de magasins. Les conséquences à terme pour le développement du petit et moyen commerce d’enseignes, sont très importantes.

On constate ainsi que les avantages de la loi actuelle, au profit du propriétaire, aboutissent aujourd’hui à une dérive totale ou la logique financière prime sur la logique commerciale.

A terme, l’esprit d’entreprise, les capacités d’initiative se réduisant, la concentration du commerce vers des groupes de distribution puissants disposant des moyens d’un rapport de négociation équilibré est inéluctable si aucun mécanisme législatif régulateur n’est mis en place.

La dynamique du commerce aura été cassée au profit d’un affrontement entre grands groupes.

Nos villes, leurs habitants, la société de demain, méritent mieux.

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