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Les transformations de l entreprise et de sa gouvernance depuis le XIXe siècle

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Academic year: 2022

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Les transformations de l’entreprise et de sa gouvernance depuis le XIXe siècle

Contents

1 Les débuts du capitalisme jusqu’à la première révolution industrielle 2

1.1 L’émergence du capitalisme . . . 2

1.2 Trois formes d’entreprises ou d’entreprenariat pendant la première révolution industrielle . . 2

1.2.1 Leputting-out system (oudomestic system) . . . 3

1.2.2 Les manufactures . . . 3

1.2.3 Marchands, inventeurs, et entrepreneurs . . . 3

1.3 La naissance de la firme . . . 4

1.3.1 Les structures juridiques . . . 4

1.3.2 Lefactory system. . . 4

1.3.3 Le capitalisme familial à l’honneur . . . 4

2 De la seconde révolution industrielle aux Trente Glorieuses 4 2.1 La concentration des entreprises à partir de la seconde révolution industrielle . . . 4

2.1.1 Qu’est-ce que la concentration ? . . . 5

2.1.2 La recherche d’économie d’échelle . . . 5

2.1.3 Des spécificités par pays . . . 5

2.2 Une organisation interne de l’entreprise en rupture avec la période précédente . . . 6

2.2.1 Une organisation scientifique du travail . . . 6

2.2.2 Une innovation sans risque . . . 7

2.3 La révolution managériale . . . 7

3 Le capitalisme actionnarial des années 1970 à 2000 8 3.1 Un mouvement de déconcentration des entreprises: développement de la firme réseau . . . 8

3.2 La gouvernance actionnariale . . . 8

3.3 Les conséquences de la gouvernance actionnariale . . . 10

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4 2000-2020 : un changement de paradigme ? 11

4.1 Vers une gouvernance partenariale ? . . . 11

4.1.1 La gouvernance partenariale . . . 11

4.1.2 La responsabilité sociale de l’entreprise . . . 11

4.1.3 La participation des salariés dans l’entreprise . . . 12

4.2 Les effets de la transition numérique sur l’entreprise . . . 13

4.2.1 Innovations, clusters, et start-up . . . 13

4.2.2 L’ubérisation : un retour du domestic system ? . . . 13

4.2.3 La question des géants du numérique . . . 14 Comment est construit ce cours ? L’objectif est de mettre en avant les étapes successives de l’Histoire des entreprises. Le cours n’est pensé que comme un outil pour répondre aux questions les plus classiques sur les entreprises (voir la liste des sujets possibles). Il faut distinguer des sujets spécifiques au sujet de l’entreprise (la gouvernance d’entreprise par exemple) les sujets transversaux (liés à la politique de la concurrence), et des sujets d’oraux HEC relativement hors-programme (sur les syndicats, ou le low-cost). Il faut toujours voir les chapitres du programme à travers leurs interconnexions. Par ailleurs, des annexes seront disponibles pour compléter ce cours, notamment sur la politique de la concurrence, les firmes multinationales, les syndicats et l’organisation du travail.

1 Les débuts du capitalisme jusqu’à la première révolution indus- trielle

1.1 L’émergence du capitalisme

L’héritage culturel antique, influencé par Platon et Aristote, met au second plan le travail et les activités marchandes. Jusqu’à la Révolution française, le travail libre n’existe pas. On travaille de force, ou sous un lourd ensemble de règles (travail réglé des corporations par exemple). Cependant, à partir du XIIIe siècle en Italie, notamment à Gênes puis à Venise, on assiste au développement du commerce maritime - des épices notamment - entre l’Orient et l’Occident (J. Favier,De l’or et des épices, 1987). C’est le début d’une forme de capitalisme. On entend par{capitalisme: existence de droits de propriété, échange de biens et de services, et accumulation de capital.Les caractéristiques des marchands vénitiens de la Renaissance rappellent l’esprit d’entrepreneuriat (Le Marchand de Venise, Shakespeare).

Après la Réforme, l’éthique du protestantisme semble aller de pair avec les valeurs qui fondent le capitalisme moderne, et tend à développer le commerce, la recherche du profit, l’épargne et l’esprit d’innovation comme le montre Max Weber dansL’éthique protestante et l’esprit du capitalismeen 1901. En effet, le protestantisme prône une culture de l’effort et de réussite économique.

En France, le décret d’Allarde en 1791 met fin à l’existence des corporations et permet la liberté de travail. Cela s’accompagne de l’unification du territoire français, et de la création d’un marché national (alors que précédemment, le territoire était morcelé et il y avait peu d’échange entre les régions).

1.2 Trois formes d’entreprises ou d’entreprenariat pendant la première révolu- tion industrielle

La première Révolution Industrielle (1750-1800), qui commence avec l’invention de la machine à vapeur par James Watt (1769) et de l’exploitation du charbon, s’accompagne de formes de pré-entreprises, ou de petites structures qui vont constituer - pour certaines - les premières entreprises du XIXe et du XXe siècle. Ces innovations ont surtout lieu en Angleterre au XIXème siècle.

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1.2.1 Leputting-out system (oudomestic system)

Pour F. Mendels (Proto-industrialization: the first phase of industrialization, 1972), on assiste, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, au développement de la proto-industrie. Des marchands-entrepreneurs apportent des matières premières à des ouvriers agricoles qui leur rendent un produit fini en échange d’une rémunération, revendu ensuite par le marchand pour plus cher dans les villes. Dans ces industries rurales (putting-out system ou domestic system), la rémunération se fait à la pièce. Ce système est un prémisse du salariat, et a contribué à la constitution d’une classe d’entrepreneurs. Ces derniers ont été les premiers à investir dans les usines ce qui a contribué à l’industrialisation comme à la croissance économique. Exemple: Les producteurs de soie (soyeux) à Lyon, au XIXème siècle

1.2.2 Les manufactures

Les manufactures concentrent les ouvriers dans un même lieu afin de produire des biens. En France, au XVIIe siècle, les manufactures sont un des outils de la politique industrielle mercantiliste de Colbert, et limitent les importations nécessaires aux dépenses royales. Exemple: Les tapisseries des Gobelins, Manufactures royales de glaces de Saint-Gobain – ont en partie permis l’aménagement du château de Versailles, Manufacture de Jouy-en-Josas emploie 3000 personnes en 1800

1.2.3 Marchands, inventeurs, et entrepreneurs

Au cours de la première révolution industrielle, les besoins en capitaux sont relativement faibles pour créer une entreprise. Ainsi, le Lancashire (proche de Manchester) devient un centre de l’industrie textile anglaise.

Une succession d’innovations y ont lieu pendant le XVIIIème siècle, qui vont augmenter la productivité des tisseurs, puis les remplacer. Ainsi :

• Lanavette volante de John Kay, en 1733 permet de multiplier par 2 la productivité des tisseurs, mais engendre une pénurie de fils à tisser, et souffre de problèmes techniques.

Laspinning jennyde James Hargreaves en 1764 permet de multiplier la productivité des tisseurs par 8, mais les tissus obtenus sont très fragiles.

La waterframe de Richard Arkwright en 1769 permet de produire des tissus résistants, mais la machine est trop grosse pour être utilisée à domicile par les tisserands.

La mule jenny de Samuel Compton en 1779, puis le métier à tisser mécanique d’Edmund Cartwright en 1785 résolvent les principaux problèmes et automatisent la production de tissu.

Des révoltes «luddistes» ont lieu contre ce progrès technique qui fait disparaître les tisserands manuels.

On peut voir notamment que l’innovation se développe par grappe, la nouvelle innovation règle les prob- lèmes de la précédente. Pour Schumpeter (Théorie de l’évolution économique, 1912), il faut distinguer l’entrepreneur de l’inventeur. Ce dernier fait une découverte scientifique (la machine à vapeur, créée par James Watt en 1769) et l’entrepreneur s’en saisit pour monter une affaire (Edmund Cartwight se sert de la machine à vapeur pour fabriquer le métier à tisser mécanique). L’innovation se définit comme une nouveauté produite en masse.

Ces développements dans le secteur textile ont des effets d’entraînements dans la chimie. Chaptal (De l’industrie française, 1819) considère que les progrès dans l’industrie ont bien plus stimulé les avancées scientifiques en chimie que l’inverse.

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1.3 La naissance de la firme

1.3.1 Les structures juridiques

Les modalités varient selon les époques et les pays, mais en résumé: - Société par actions: au moins 2 actionnaires, et un certain minimum de capital d’entreprise, responsabilité limitée à l’apport de l’individu dans l’entreprise (capital investi par les actions par exemple). L’émission d’actions permet de récolter des capitaux mais partage la propriété de l’entreprise entre les différents actionnaires.

- Société à responsabilité limitée : jusqu’à 100 personnes dans l’entreprise.

- Entreprise individuelle: responsabilité limitée ou illimitée (c’est à dire que l’entrepreneur est garant de son entreprise).

1.3.2 Lefactory system

Comme les niveaux de production augmentent, on assiste à l’émergence du «factory system», c’est-à-dire à l’externalisation de la production dans une unité productive qui n’est pas le domicile du travailleur. Les usines permettent de concentrer les travailleurs et les machines dans un même lieu (concentration technique).

On passe du contrat à la pièce (où l’on rémunérait l’ouvrier agricole sur la base de ce qu’il a produit) au contrat journalier (qui permet de contrôler les efforts du travailleur).

1.3.3 Le capitalisme familial à l’honneur

Au XIXème siècle, il y a une polarisation entre les activités domestiques dans le textile, et le développement de petites et moyennes entreprises (PME), voir de géants industriels comme Krupp dans la sidérurgie en Allemagne. La taille des entreprises est donc relativement limitée. Deux causes à cela:

- P. Verley (La révolution industrielle, 1997) constate que les PME étaient préférées car il était plus difficile de contrôler les employés non productifs dans les grandes structures.

- Les entrepreneurs sont réticents à faire grandir leur entreprise (notamment en adoptant le système de société par action), afin d’en garder le contrôle et pouvoir la transmettre à leurs enfants. Les entreprises du XIXème siècle sont des sociétés de personnes, c’est-à-dire que l’entrepreneur se confond avec l’entreprise, et en assume les dettes par sa fortune personnelle.

- Pour Pierres-Yves Gomez et Harry Korine (L’entreprise dans la démocratie, 2009) : les entrepreneurs font des stratégies matrimoniales pour limiter le nombre d’actions diffusées – si leur entreprise est par action - et donc limiter la dilution de la propriété. Il n’y a pas un impératif de croissance, mais de contrôle dans les entreprises du XIXe siècle.

2 De la seconde révolution industrielle aux Trente Glorieuses

2.1 La concentration des entreprises à partir de la seconde révolution indus- trielle

La seconde révolution industrielle (1870-1880) s’appuie sur la chimie, le moteur électrique, le moteur à explosion et in fine le pétrole. C’est l’ère du développement du secteur automobile, qui continuera tout au long du XXème siècle. La seconde révolution industrielle implique les pays européens, ainsi que des pays qui prennent leur envol économique comme les États-Unis, le Canada ou encore le Japon.

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2.1.1 Qu’est-ce que la concentration ?

La concentration ou concentration industrielle est le processus d’accroissement de la taille de l’entreprise qui aboutit au cours du temps au contrôle d’une part croissante du marché par une ou plusieurs d’entre elles. Il y a plusieurs types de concentrations :

{La croissance interne : une accumulation de capital par une entreprise, sans affecter la taille des entreprises du même marché

La croissance externe: opération de rachats de firmes concurrentes (sur le même marché ou non), soit par les faillites des firmes concurrentes.

Pour la croissance externe, on distingue trois types : La concentration horizontale: rachat ou fusion de firmes concurrentes sur le même marché (exemple : Gibert Jeune fusionne avec Gibert Joseph en 2020).

La concentration verticale : rachat ou fusion d’entreprises en amont ou en aval du processus de pro- duction de l’entreprise principale (Un producteur rachète un fournisseur)Concentration conglomérale: rachat ou fusion d’entreprises concurrentes sans lien direct de leur activité. (Un fabricant de console et un studio de développement de jeux vidéos, ici il y a un lien dans le thème de l’activité mais les deux activités sont séparées, et n’impliquent pas les mêmes compétences).

2.1.2 La recherche d’économie d’échelle

Comparé aux entreprises textiles du XIXème siècle, les entreprises industrielles (dans le secteur de métallurgie ou la sidérurgie par exemple) nécessitent des coûts fixes importants avant de pouvoir en retirer une quelconque rentabilité. La concentration industrielle s’impose comme un moyen de dégager du profit dans ces secteurs, et fait naître des structures de marché oligopolistiques ou monopolistiques avec des entreprises de grande taille.

Dans le Capital financier (1910), Rudolf Hilferding montre que le développement du capitalisme externe s’accompagne de la montée en puissance de grands groupes, qui exercent une main-mise sur les produits fondamentaux. Ce mouvement monopoliste est dû à la lutte contre la baisse des prix (causés par les gains de productivité associés au progrès techniques) et des profits dans des secteurs très concurrentiels. Les monopoles recherchent aussi des économie d’échelles. Il y a donc un dilemme fondamental pour le législateur : favoriser les économies d’échelles en réduisant la concurrence, et donc permettre la baisse des prix à la consommation, mais donner aux monopoles le pouvoir de fixer les prix.

Il faut avoir une taille suffisante pour mener des dépenses de recherche et développement dans un con- texte concurrentiel où l’on cherche des gains de productivité et la différentiation des produits. Par ailleurs, les grandes entreprises peuvent plus facilement accéder aux marchés financiers pour financer leurs projets, notamment par la diffusion d’actions.

Enfin, la taille des entreprises augmente aussi suite à des développements industriels comme la création d’un réseau de chemin de fer partout en Europe et aux États-Unis, qui requiert la présence de grandes entreprises pour assurer ces projets.

2.1.3 Des spécificités par pays

Aux États-Unis, il y a une forte concentration des entreprises aux États-Unis, notamment avec l’établissement de géants («trusts») dans le secteur métallurgique et sidérurgique (Standard Oil Company de J. D. Rockfeller). La politique de la concurrence avec le Sherman Act (1890) et le Clayton Act (1914) cherche à démanteler ces trusts, qui abusent de leur position dominante sur le marché au détriment des consommateurs. De fait, ils interdisent la concentration excessive des entreprises, les ententes entre entreprises, et l’abus de position dominante. Cette lutte contre les trusts est mise en pause pendant la crise de 1929, avec le National Industry Recovery Act de Roosevelt (1932) qui les autorise temporairement pour réorganiser la production industrielle. C’est avec le Celler-Kefauver amendment (1950) cherchant à limiter la concentration conglomérale que la politique anti-trust complète les deux Acts précedant.

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En Allemagne, à partir de la seconde révolution industrielle, il y a une forte concentration industrielle en Allemagne mais qui n’est pas subie, à la différence des États-Unis. En effet, les entreprises germaniques font face à plusieurs contraintes: mauvais réseaux de transports, difficulté à collecter du capital, faible demande sur les marchés nationaux. En conséquence, les sociétés anonymes se développent plus rapidement pour récupérer des capitaux, avec un rôle important des banques au sein des entreprises et s’implanter sur le territoire national. Les entreprises développent leur activité sur divers secteurs pour compenser la faible demande, et cherchent des débouchés extérieurs après la crise économique de 1873.

Au Japon, l’ère Meiji (1868-1912) est associé au développement des entreprises japonaises. Plusieurs entreprises d’État, dans tous les secteurs, sont créées, et on cherche à développer une classe d’entrepreneurs.

Cependant, face aux difficultés que certaines d’entre elles rencontrent, on en confie la propriété à plusieurs familles influentes du pays, qui formeront les Zaibatsu. Le Japon, à l’opposé de l’Allemagne, reste dans une logique de capitalisme familial même avec une forte concentration de ses entreprises. Par ailleurs, l’exemple japonais est une bonne illustration de la théorie de A. Gerschenkron (Economic backwardness in a historical perspective: a book of essays, 1962). Plus un pays se développe tard, plus l’État intervient dans son développement.

En France, le mouvement de concentrations des entreprises est une réponse aux demandes importantes, en particulier dans le secteur minier et de la métallurgie (les entreprises Schneider du Creusot). Dans le secteur automobile, figure de proue de la seconde révolution industrielle, il y a une extension très rapide de la taille des entreprises. En France, Renault, créée en 1899 compte 1660 ouvriers en 1906, 4220 en 1914 et 22 800 en 1918. Parallèlement, sa production passe de 4000 à 10 000 voitures produites entre 1906 et 1918.

2.2 Une organisation interne de l’entreprise en rupture avec la période précé- dente

2.2.1 Une organisation scientifique du travail

L’organisation productive est transformée sous l’influence du taylorisme (F. Taylor,Principles of Scientific Management, 1911) dans un premier temps. Chaque ouvrier est au service d’une tâche codifié, et est chronométré pour assurer le plus d’efficacité. Si les tâches peuvent être indépendantes, sous l’influence de Ford, et l’instauration du convoyeur, les ouvriers deviennent interdépendants dans les usines. La production est une œuvre collective qui justifie d’autant plus le salaire journalier que la rémunération à la tâche, vu que chaque ouvrier contribue à sa façon au produit final. Le contrat de travail est une réponse implicite aux risques de grèves, et à l’exploitation abusive des salariés dans le modèle tayloro-fordiste. Ainsi, pour Robert Castel (Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, 1995), le travail se « dignifie », et le salariat permet l’accès à des droits (protection sociale notamment) comme des devoirs (subordination à l’employeur). Les «managers» apparaissent comme un nouveau métier, dont le but est l’encadrement des employés.

Pour A. Chandler (The visible hand. The managerial revolution in American business, 1977), les entreprises sont passées d’un modèle de firme unitaire (en U), définies par un processus de décision centralisé, une forte division des tâches et une spécialisation des fonction – marketing, production, finances, à une firme multidividisionnelle (en M). Dans cette dernière, la firme est séparée en division autonome qui forment une quasi-firme. Cette forme renforce le pouvoir des managers, des financiers et des commerciaux au détriment des ingénieurs vu que la compétence dans un domaine, comme dans la firme en U, n’est plus le principal critère pour prendre des décisions.

Cette transformation de l’organisation du travail est concomitante au développement des firmes multina- tionales (définies comme des entreprises possédant au moins 10% du capital d’une entreprise dans un autre pays). Suzanne Berger (Made in Monde. Les nouvelles frontières de l’économie mondiale, 2005) observe la création de firmes géantes, d’une taille immense, avec une intégration importante du processus de production

; Par ailleurs, Mira Wilkins (The emergence of multination-entreprise, 1976) constate le passage du modèle de la firme en M à un niveau international, ce qui a permis une meilleure intégration des processus productifs.

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2.2.2 Une innovation sans risque

L’entreprise moderne cherche à organiser l’activité inventive et à domestiquer l’innovation. Cela se fait dans un contexte du nombre d’ingénieurs diplômés. Les firmes innovent et déposent beaucoup de brevets pour créer des nouveaux produits.

Le développement de la consommation de masse, comme le montre Alfred Chandler dans Stratégies et structures productives(1962), oblige la firme à chercher d’assurer le plus efficacement possible la production et la distribution des biens et services qu’elle produit. L’action de la firme permet de coordonner ces deux activités et la firme devient un substitut au marché pour l’allocation des ressources, et évite les goulots d’étranglements. Enfin, pour J. K. Galbraith (The affluent society, 1958), les entreprises parviennent à imposer leurs produits aux consommateurs, notamment à travers le marketing et la publicité (théorie de la filière inversée). L’offre crée sa propre demande.

Le modèle fordiste est à son apogée. L’augmentation des salaires va de pair avec l’augmentation de la productivité ce qui incite les ouvriers à consommer les biens qu’ils produisent. On passe de marchés aux produits standardisés à des gammes variées (concurrence monopolistique) qui incitent à consommer plus fréquemment.

L’entreprise cherche finalement à éliminer le risque (pris auparavant par l’entrepreneur), par faire de l’innovation une routine, et en maximisant les profits.

2.3 La révolution managériale

A. Berle et G. Means dansThe modern corporation and private property (1932) montrent que la moitié des grandes entreprises américaines sont contrôlées de manière indépendante par leur management, c’est-à-dire qu’aucun groupe d’actionnaire ne peut réussir à réunir un nombre suffisant de droits de vote pour ébranler l’autorité des dirigeants qui se sont nommés eux-mêmes en imposant les membres du conseil d’administration.

L’émergence de la firme géante ouvre la dissociation entre la possession des actions et le pouvoir : c’est la révolution managériale.

Pour J.K. Galbraith, dansThe new industrial state(1967), on observe une propriété sans contrôle. Les grands patrimoines familiaux sont insuffisants pour détenir la propriété et la validité au conseil d’administration. Par ailleurs, les entreprises sont confrontées à des problèmes trop complexes pour réellement intégrer le processus décisionnel. Ainsi, le pouvoir appartient à «l’intelligence organisée de la firme», sa technostructure: partagé par tous ceux qui prennent des décisions dans l’entreprise (dirigeants, cadres, techniciens) et dont l’expertise est nécessaire.

Pour notre auteur, les managers ont intérêt à une gestion sociale de l’entreprise, négociant avec les salariés, essayant d’augmenter la taille de l’entreprise pour réaliser des économies d’échelles et un plus grand chiffre d’affaire. Ces intérêts sont contradictoires avec ceux des actionnaires, qui recherchent le profit et une aug- mentation de leur dividende dans une logique de court terme.

Pour J. Burnham dans The managerial revolution (1941), la classe des dirigeants” a un pouvoir étendu et ont pris le pas sur les actionnaires par des réseaux d’influences. Plus encore, pour P. Bourdieu et M. de Saint Martin, dansLe patronat(1978), la nouvelle filiale de recrutement des dirigeants se fait dans la technocratie d’État.

Cependant, le capitalisme familial reste présent dans l’économie (même moderne). Il y a toujours des castes de patrons, et des dynasties héréditaires (Dassault, Boygues, Pernord Ricard, Gallimard, Yves Rocher) avec un hériter choisi parmi les enfants du patron. Le mariage de Xavier Niel (PDG d’Illiad) avec Delphine Arnault (fille du PDG de LVMH) en 2010 est une émanation des restes du capitalisme familial.

Finalement, on passe après la seconde révolution industrielle, d’un capitalisme d’entrepreneurs qui cherchent à maintenir leur pouvoir dans l’entreprise à un capitalisme managérial où il y a une distinction entre propriété de l’entreprise et son contrôle. Cette distinction va être remise en question à partir des années 1970.

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3 Le capitalisme actionnarial des années 1970 à 2000

3.1 Un mouvement de déconcentration des entreprises: développement de la firme réseau

A partir des années 1970, les grandes entreprises se recentrent sur leur coeur de métier. Plusieurs causes à cela:

La crise de 1973 baisse la profitabilité des entreprises. Celle-ci est concomitante à une intensification de la concurrence mondiale, et un manque de renouvellement technologique des entreprises de l’hémisphère Nord.

Les marchés financiers prennent une grande importance à partir des années 1970, et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans la gestion de l’entreprise. En parallèle, les industries manufacturières perdent la place qu’elles avaient précédemment (désindustrialisation).

Enfin, la mondialisation commerciale, avec la baisse des droits de douanes et des coûts de transports, favorise les investissements directs à l’étranger (IDE) ainsi que la division internationale des processus productifs.

La baisse des coûts (tant sur le plan des salaires, que ceux liés à la déconcentration de l’entreprise) permet de restaurer les profits et tirer parti des spécificités de chaque entreprise. En effet, ces dernières se spécialisent dans des domaines spécifiques pour être plus efficaces et maîtriser au mieux leurs technologies. En particulier, les firmes occidentales, grâce aux mouvements de délocalisations de production, conservent principalement les activités à forte valeur ajoutée (conception de produit par exemple). Ainsi, Nike est une hollow corporation qui sous-traite 90% de sa production en Asie, et ne maintient seulement que ses activités de conceptions de produits.

On assiste donc à l’émergence de la firme-réseau. La firme-réseau est un réseau de production verticalement intégré, constitué d’entreprises indépendantes, coordonnées par une firme leader (hub firm). La désinté- gration verticale est limitée par le fait que la hub firme doit conserver certaines activités pour des raisons stratégiques. A l’inverse, l’externalisation poussée à l’extrême et la hub firm s’assure juste du contrôle de la chaîne de valeur (Nike, Apple). La coordination peut se faire par les contrats de fabrication, les licences,etc.

La firme-réseau permet de combiner les avantages de l’intégration (économie d’échelles, taille critique) et de la décentralisation marchande (innovation, adaptation, stimulation de la concurrence)

3.2 La gouvernance actionnariale

Après la crise de 1973, avec la diminution des profits des entreprises et donc la perte de valeur boursière des entreprises, dans un contexte de libre circulation, les entreprises sont menacées par la «démission du capital». Il faut souligner que la libre-circulation des capitaux renforce l’idée que l’entreprise est avant tout un projet d’investissement pour l’actionnaire, à l’inverse du modèle fordiste des Trente Glorieuses. Les fonds d’investissements se sont imposés comme les principaux actionnaires des entreprises, et détiennent deux tiers des actions des entreprises côtées aux USA aujourd’hui. Les forts taux d’intérêts des années 1980 limitent les possibilités de financement des entreprises par la dette, et renforcent leurs créances passées. La dépendance aux actionnaires est forte. Les chefs d’entreprises sont vus alors comme une oligarchie ayant pris le pouvoir aux actionnaires, et qu’il faut contrôler.

La question de la gouvernance de l’entreprise devient un thème important à partir des années 1970. On définit la gouvernance d’entreprise comme les mécanismes par lesquels les partis prenantes de l’entreprise exercent un contrôle sur les salariés et le management de sorte que leurs intérêts soient protégés. Dans la vision actionnariale de la gouvernance, les partis prenantes se restreignent aux actionnaires.

• Il y a une légitimation tant sur le plan théorique que légal au retour, sinon à la «revanche des rentiers»

sur les managers, avec le modèle de gouvernance actionnariale.

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D’un point de vue théorique :

Pour A. Alchian et H. Demsetz (Production, Information Costs and Economic Organization, 1972), l’entreprise doit être contrôlée par les actionnaires. En effet, dans une production commune, il faut minimiser les comportements opportunistes des agents. Ainsi, on peut mandater un contrôleur (le manager), mais qui peut s’assurer du contrôle du contrôleur ? Il faut confier le pouvoir de nommer le dirigeant, de contrôler ses actions et de le sanctionner aux actionnaires. En outre, les actionnaires sont ceux qui ont le plus intérêt à une gestion efficace de l’entreprise, vu que les dividendes ne peuvent être versées que s’il reste un solde résiduel, une fois toutes les charges (y compris les salaires) réglées. Les actionnaires sont des créanciers résiduels. Cette vision est confortée par W. Baumol (Business behavior, value and growth, 1959) qui montre que les managers essaie de maximiser le chiffre d’affaire dans une logique de

«prestige» et «d’acquisition» de pouvoir de marché. Cette logique facilite le financement par les banques, et le recrutement des meilleurs salariés, mais elle ne cherche pas à maximiser les profits. De la même façon, pour O. Williamson (Managerial Discretion and Business Behavior, 1963), les managers font des dépenses discrétionnaires pour réaliser leurs objectifs personnels (prestige, pouvoir).

Ce faisant, quelles pratiques pour gouverner les managers ?

La théorie de l’agence (M. Jensen, W. Meckling, Theory of the firm: Managerial behavior, agency costs, and capital structure, 1976) stipule que lorsqu’un acteur économique (le principal) embauche un mandataire (l’agent) pour effectuer une tâche, il y a une asymétrie d’information en faveur de l’agent qui peut dès lors avoir un comportement opportuniste (minimisation des efforts, intérêt contradictoire à celui du principal, etc). Comme le coût de surveillance serait trop élevé, il faut mettre en place des mécanismes de gouvernance d’entreprise pour inciter l’agent à agir dans le sens du principal.

Deux types de mécanismes peuvent être mis en place : des mécanismes externes et des mécanismes internes.

On peut citer notamment :

Les mécanismes externes : la menace d’être remplacé par les OPA (si la performance de l’entreprise est mauvaise, l’entreprise peut être racheté, et le manager remplacé); cabinets d’audits ou de conseils pour évaluer la performance de l’entreprise (mais manque de données pour une analyse vraiment efficace); loi sur la transparence et exigence d’information sur les comptes et les résultats.

Les mécanismes internes : la présence d’actionnaire majoritaire au sein de la firme dont l’influence est décisive lors des conseils d’administrations ; un conseil d’administration de l’entreprise indépendant de ceux qui y participent pour éviter la collusion (Aux USA, en 2000, 3/4 de l’actionnariat était indépendant des entreprises auxquelles il participait) ; stock-options et hauts salaires les PDG pour l’inciter à se conformer aux attentes des actionnaires.

En pratique, c’est surtout par les stock-options que les actionnaires ont incité les PDG à avoir intérêt dans la performance financière de l’entreprise. Selon l’AFL- CIO Executive Paywatch (2009), le rapport entre la rémunération moyenne des PDG de 200 grandes entreprises américaines et la rémunération du travailleur américain moyen à plein temps était de 42:1 en 1980, 107:1 en 1990, 525:1 en 2000 et 319:1 en 2008.

La valeur boursière de l’entreprise devient un indicateur clé. Pour E. Fama (« Efficient Capital Markets.

A review of theory and empirical works», 1970), les marchés financiers sont efficients et la valeur boursière est le reflet de l’attractivité de l’entreprise. Dès lors, il y a certains indicateurs pour évaluer l’attractivité de l’entreprise. Notamment : EVA = (RF-k) x FP (RF, rentabilité financière ; k = rentabilité attendue du capital, et FP les fonds propres de l’entreprise). Ou encore, la mesure de l’effet de levier financier de l’entreprise : RF = RE + D/FP(RE-I) avec RF la rentabilité financière de l’entreprise, D les dettes de l’entreprise, FP ses fonds propres, RE le taux de profit, et I le taux d’intérêts. Ainsi, ce n’est plus à la firme de diversifier son activité, mais à l’actionnaire de diviser son portefeuille.

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3.3 Les conséquences de la gouvernance actionnariale

Les mécanismes internes de gouvernance actionnariale ont notamment conduit à une explosion de la ré- munération des PDG, mais aussi que la rémunération des managers est plus lié à la bourse (à travers les stock-options et les primes) qu’à leur salaire (Frydman, Sachs, 2007).

Comme le financement sur fonds propres (émissions d’actions) dilue la responsabilité de l’entreprise et sert davantage aux investissements qu’aux dividendes, il y a un plus grand recours à l’endettement auprès des banques. Batsch (2007) constate que la valeur des dividendes par action d’une entreprise a doublé entre 1999 et 2005.

Deakin et al. (2017) observent clairement l’accroissement du niveau de protection des actionnaires minori- taires sur deux décennies, entre 1990 et 2013 par le hard law et le soft law. D’un point de vue institutionnel, l’OCDE (Principles of corporate governance, 2015) a établit une liste de recommandation parmi lesquelles on peut relever : l’indexation des rémunérations des managers sur la performance boursière, transparence de l’information à destination des actionnaires, et absence de mesures anti-OPA.

Cependant, ce modèle boursier a eu plusieurs conséquences négatives. D’une part, la recherche de profit de court terme a limité les investissements et a conduit à des prises de décisions douteuses (produits financiers très risqués vendus par Goldman Sachs). La recherche du profit peut même conduire les actionnaires à prendre des décisions qui vont à l’encontre de l’entreprise (OPA sur Ben & Jerry en 2005 qui conduit à ne plus valoriser les agriculteurs au sein du processus de production alors que c’était la raison d’être de l’entreprise). Cela s’accompagne d’une faible confiance des employés dans leurs dirigeants, avec seulement 13% de confiance (Enquête européenne sur les conditions de travail, 2015). Pour A. Shleifer et L. Summers (Corporate takeovers as bread of trust, 1988), il y a une rupture du contrat implicite entre l’entreprise et le salarié (possibilité de promotion et perspective de carrière). Là où les hauts salaires pouvaient être utilisés pour inciter les travailleurs à l’effort, la logique de minimisation des coûts réduit les incitations et donc la performance.

Les OPA n’ont pas représenté une si grande menace pour le management, et cela a pu conduire à des scandales financiers (Enron en 2001, Volkswagen en 2015). Et la forte indépendance du conseil d’administration s’est faite au prix de la compétence, d’autant que la littérature économique n’observe pas particulièrement de lien avec la performance économique.

Les fortes rémunérations devaient servir d’incitation aux patrons pour agir dans l’intérêt des actionnaires.

En pratique, cela veut dire qu’au lieu d’investir les excédents dégagés par la firme (le free cash flow), il faut inciter le manager à le redistribuer aux actionnaires plutôt que d’investir. Cependant, cet excédent repose sur l’idée fausse que seul les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise. A plusieurs égards, on peut aussi considérer que les salariés sont aussi créanciers résiduels vu qu’ils investissent dans du capital humain spécifique à l’entreprise, ou encore les États (investissements en infrastructures, subventions, etc).

Par ailleurs, la question de l’utilisation de cet excédent pose problème. Il y a eu des pratiques de buy-backs (une entreprise rachète ses propres actions) afin de faire augmenter la valeur boursière de l’entreprise, et donc la rémunération du patron par les stock-options. Ces rachats se font au détriment de l’innovation.

Pour R. Reich (Supercapitalism, 2008) l’explosion de la rémunération des grands patrons est justifiée par le fait qu’il est difficile de trouver des managers capables de diriger des grandes firmes. Cependant, ce constat est peu avéré dans la littérature économique. En réalité, la trop forte concentration des entreprises a conduit à créer une très forte distance entre les managers et les besoins de l’entreprises (Lazonick, 2004). Et, ce faisant, la volonté constante de limiter les risques pour les actionnaires n’a pas forcément été compatible l’innovation.

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4 2000-2020 : un changement de paradigme ?

4.1 Vers une gouvernance partenariale ?

4.1.1 La gouvernance partenariale

Pour E. Freeman, dans Strategic Management: A stakeholder approach (1984), l’approche partenariale de l’entreprise consiste à rendre compte des rapports de l’entreprise avec la pluralité des groupes d’acteurs qui peuvent menacer sa survie ou influencer sa performance. Hill et Jones (1992) précisent que la théorie des parties prenantes peut s’apparenter à une théorie de l’agence généralisée où le principal n’est plus restreint aux actionnaires. Cependant, donner un vrai pouvoir de décision à toutes les parties prenantes reviendrait à remettre en cause le droit de propriété des actionnaires. Ce faisant, la réflexion sur un nouveau modèle de gouvernance serait de «s’assurer que les décisions de la firme, ses actifs et les comportements de ses membres vont bien dans le sens des objectifs de l’entreprise, tels qu’ils ont été définis par les actionnaires/propriétaires, et validés/entérinés, de façon plus ou moins explicite, par l’ensemble des parties prenantes » (Persais, 2006).

Ce mode de gouvernance fait écho notamment à la question de la responsabilité sociale de l’entreprise et la participation des salariés dans le processus décisionnel de l’entreprise.

4.1.2 La responsabilité sociale de l’entreprise

Le 20 avril 2010, l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon de l’entreprise BP a considérable- ment pollué les eaux du golfe du Mexique. Cet incident met en évidence la nécessaire responsabilité sociale de l’entreprise, notamment face à l’environnement et aux États. On pourrait encore citer le scandale de la viande de cheval de Spanghero en France. Ces scandales sont associés à la perte de confiance dans l’image de l’entreprise.

En France, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a introduit la RSE dans le Code civil, en ajoutant l’alinéa suivant : « la société est gérée dans son intérêt social en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité». L’idée d’une responsabilité sociale de l’entreprise est ancienne, et intrinsèquement liée à la philanthropie américaine et au protestantisme. H. R. Bowen, dans «Social Responsabilities of the Businessmen» (1953) pose les premiers jalons de la responsabilité sociale de l’entreprise. Il la définit comme : l’obligation pour les hommes d’affaires de réaliser les politiques, de prendre des décisions, et de suivre les lignes de conduite répondant aux objectifs et aux valeurs qui sont considérées comme désirables dans notre société.

La responsabilité sociale de l’entreprise devient un thème concomitant à l’apparition de firmes géantes, avec des managers dont le pouvoir est relativement grand dans la première moitié du XXème siècle. Paradoxale- ment, ces mêmes managers se méfient du pouvoir des syndicats.

Le concept de responsabilité sociale de l’entreprise est critiqué dans deux articles célèbres :

- Levitt, «The Dangers of Social Responsibility» (1958). L’implication du monde des affaires dans la politique est une menace pour la démocratie pluraliste. Il suggère qu’une réponse plus appropriée de la part des entreprises consisterait tout simplement à accepter l’existence de l’action gouvernementale et syndicale et à en reconnaître les bénéfices potentiels.

- M. Friedman, «The Responsibility of Business Is to Increase Its Profits», New York Times Magazine, 1970. L’investissement par un manager de l’argent de son entreprise dans des programmes de RSE va soit à l’encontre de ses obligations fiduciaires par rapport aux actionnaires (en diminuant le profit), soit équivaut à faire supporter par les consommateurs ou par les employés le coût des actions sociales et environnementales de l’entreprise. Il voit la RSE comme une labelisation hypocrite de la recherche du profit.

Pour autant, avec les scandales financiers récents des années 2000, la hausse des inégalités, la question du réchauffement climatique et de la pollution, l’idée que l’entreprise a un rôle a jouer dans la société et une responsabilité vis à vis d’elle s’est instituée. En 2001, la Commission européenne fait paraîtrePromouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, mais la RSE est perçu comme un aveu d’échec

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des gouvernements. Pour autant, en France, en 2001, la loi dite NRE (Nouvelles régulations économiques), introduit une obligation de reddition des comptes pour les entreprises côtées sur les marchés financiers pour assurer plus de transparence. Enfin, la notion de performance société de l’entreprise (PSE) et d’entreprise citoyenne fait son chemin à partir des années 1990.

En particulier, pour D. Matten et J. Moon (Implicit” and “Explicit” CSR : a Conceptual Framework for Understanding CSR in Europe, 2010), il y a deux types de RSE : une explicite, apparue aux Etats-Unis, et au Canada, et une implicite qui a longtemps prévalue en Europe. Historiquement, les entreprises nord- américaines ont gérer les problèmes sociaux et environnementaux de façon privé (RSE explicite), quand des pays européens ont dépendu de l’État pour contraindre le comportement des entreprises.

Une des difficultés liée à la RSE est sa mesure traditionnellement on retient: Indicateur de pollution, Discours, Valeurs et attitudes envers la RSE par questionnaire, réputation, audit extra-financier. Mais ces mesures sont imprécises, et les différentes agences de notations extra-financière ont du mal à définir des normes. Par ailleurs, la corrélation RSE et performance économique est relativement faible (J.D. Margolis et al., Does it Pay to Be Good. . . And Does it Matter ? A Meta-Analysis of the Relationship between Corporate Social and Financial Performance, 2011 ).

Pour M. Porter : “Pourquoi devrions-nous investir dans des initiatives sociales ?” Nous aurons beau tous nous préoccuper sincèrement de sauver le monde, si nous ne pouvons répondre à cette question correctement, nous avons un problème.” C’est ici que la vraie question se pose : comment le social et l’environnemental peuvent-ils être rentables pour les entreprises ? et comment rendre plus social et environnemental les activités traditionnelles des entreprises ?

Une des réponses possibles est de dire que l’institution de normes (environnementales, sociales) va pousser les entreprises à s’y conformer, et les entreprises qui arriveront en première sur ce terrain de la qualité auront un avantage comparatif par rapport aux autres.

Les défis de la RSE, aujourd’hui, sont notamment la résolution du conflit entre les enjeux sociaux et envi- ronnementaux, la meilleure inclusion des partis prenantes dans les processus de décision et la lutte contre le green-washing.

4.1.3 La participation des salariés dans l’entreprise

Depuis la fin des années 1990, on essaie davantage de faire participer les employés au sein de l’entreprise, à travers des Pratiques Hautement Performantes (PHP). Ces dernières cherchent à favoriser la coopération au sein de l’entreprise et l’autonomie des salariés. L’idée est de rendre l’entreprise plus participative. À cet égard, on distingue plusieurs formes de participations salariée:

- La représentation des salariés à travers des représentants du personnel et/ou des délégués syndicaux (pour les entreprises au dessus de 50 salariés) au Conseil Social et Environnementale, une assemblée permettant de rendre transparente les décisions des dirigeants de l’entreprise. C’est dans cette instance qu’il y a une possible négociation des salaires entre dirigeants et représentants du personnel/syndicaux.

- La participation financière, à travers des primes (partages des profits avec les salariés), ou l’actionnariat salarié (le salarié possède des actions de sa propre entreprise).

- La codétermination, c’est-à-dire la présence de représentants des salariés au Conseil d’administration de l’entreprise, où les décisions concernant l’orientation de la firme sont prises. C’est cette forme de partici- pation qui permet de réellement inclure les salariés dans le processus décisionnel de l’entreprise, et donc sa gouvernance. Ce concept est proche de “cogestion”, sans être un synonyme.

L’extension de la codétermination pose un enjeu majeur, d’après H. Hansmann (The ownership of entreprise, 1996) : comment étendre les parties prenantes dans le processus de décision sans nuire à l’efficacité de celui- ci ? En effet, la littérature économique semble montrer une corrélation négative entre taille des conseils d’administrations et performance des entreprises (D. Ferreira et T. Kirchmaier, «Corporate Boards in Eu- rope : Size, Independence and Gender Diversity», 2013).

Pour autant, il y a des arguments en faveur de la codétermination si l’on considère l’exemple allemand.

Par sa loi sur la codétermination de 1951, l’Allemagne a imposé la stricte parité entre représentants des

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actionnaires et représentants des salariés au sein des conseils de surveillance (ou d’administration) dans les entreprises de plus de 1000 salariés du secteur de l’acier et du charbon, et a étendu cette obligation aux plus petites entreprises de tous les secteurs par la suite.

Ce modèle a fait ses preuves notamment pendant la crise de 2008, avec une économie allemande plus résiliente au choc économique (S. Sick, «La codétermination en Allemagne : un modèle de participation des travailleurs dans le cadre d’un modèle économique coopératif », 2013). En effet, pour H. E. Kim et al ( « Labor Rep- resentation in Governance as an Insurance Mechanism », 2018), les entreprises paritaires ont tendance à moins réduire l’emploi en cas de choc adverse, ce qui offre une plus grande sécurité pour les employés. En contrepartie, les salaires sont de l’ordre de 3% plus faible que le salaire médian des entreprises non-paritaires.

En conséquence, le modèle paritaire joue un rôle d’assurance face aux crises, sans affecter la valeur boursière de l’entreprise.

La France semble suivre ce modèle, notamment depuis 2015 avec la loi Eyraud qui impose aux entreprises de plus de 1000 salariés une représentation du personnel au conseil d’administration. Mais le poids de ces derniers reste encore faible.

L’idée d’une entreprise codéterminée est donc à mettre en lien avec la responsabilité sociale de l’entreprise, qui peut améliorer ses performances sociales de cette façon, et favoriser l’émergence d’une véritable démocratie sociale au sein de l’entreprise (P. Crifo, A. Rebérioux,La participation des salariés dans l’entreprise, 2020)

4.2 Les effets de la transition numérique sur l’entreprise

4.2.1 Innovations, clusters, et start-up

La transition numérique a remis au centre de l’activité économique les petites et les moyennes entreprises.

Et c’est de ces firmes dont provient une bonne part de l’innovation actuelle. Avant de devenir des géants, Apple Computer (créé en 1976) et Google (créé en 1998) sont des PME, et ont participé à des innovations majeurs. Plus largement, la transition numérique a permis de réduire les besoins en capital fixe pour créer une entreprise. C’est l’une des principales caractéristiques de la période actuelle, et l’on voit un développement massif des start-up, ces entreprises nouvelles porteuses d’une innovation technologique. Station F, créé par X.

Niel en 2012, en France, est un pôle d’accueil des start-up (incubateur) visant à faciliter leur développement.

Le développement de ces entreprises peut aussi avoir lieu au sein de grandes firmes, c’est l’intra-prenariat où les dirigeants accordent du temps à leurs salariés pour qu’ils développent leurs propres projets.

Il y aussi une ré-organisation géographique des entreprises. On voit apparaître, à partir des années 1980, des «clusters» (M. Porter), c’est à dire des lieux regroupant des entreprises aux activités similaires. En France, on parle de pôles de compétitivité, qui peuvent être développer par l’État, avec la centralisation d’universités et d’entreprises dans des zones géographiques proches. A Grenoble, en France par exemple, il y a un réseau de firmes associés à l’informatique, dont la plus emblématique est Capgemini, et d’universités.

Aux États-Unis, il y a l’emblématique Sillicon Valley qui regroupe les firmes de la tech.

L’organisation de l’industrie avait déjà été théorisée par A. Marshall (Principes d’économie politique, 1890).

Il définit les économies externes comme les gains dus à l’organisation de l’industrie. DansIndustry and Trade (1919), il définit un district industriel comme un ensemble de firmes de taille réduite qui forme un réseau de production pour mener à bien des activités, à côté de grandes firmes. Par exemple, en France, dans le Jura, il y a un district industriel dans la lunetterie, avec une spécialisation accrue des petites firmes dans ce secteur, et une division du travail axée sur la complémentarité entre les firmes, facilitée par la concentration spatiale.

4.2.2 L’ubérisation : un retour du domestic system ?

Le Conseil d’Orientation pour l’emploi (L’évolution des formes d’emploi, 2014) met en évidence la trans- formation de l’emploi initiée depuis les années 1990. On observe un accroissement des contrats à durée déterminée, et de forme hybride de contrat de travail. D’une part, les salariés se retrouvent davantage à

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travailler pour plusieurs employeurs (à temps partiel). La pluriactivité a été multiplié par 2,3 entre 2003 et 2009, et ces chiffres continuent d’augmenter. D’autre part, les indépendants ressemblent de plus en plus à des salariés qui travaillent pour un seul donneur d’ordre. Par exemple, les chauffeurs Uber ne sont pas salariés par l’entreprise, et possèdent les moyens de production (la voiture). C’est ce qu’on appelle un travail ubérisé. Avec la création du statut d’auto-entrepreneur en 2008, en France, ce genre de relation de travail s’est davantage développé. Uber et ses chauffeurs sont uniquement lié par une relation commerciale. Mé- caniquement, ils sont pénalisés par ce statut ambigu : ils bénéficient des désavantages des deux systèmes, la subordination salariale et une moindre protection sociale par rapport aux salariés.

Ce type de travail est lié au développement des plateformes bifaces (Tirole, 2016) qui mettent en relation des offreurs de services (chauffeurs, livreurs) et des demandeurs de services (magasins, restaurants).

Cette relation contractuel rappelle le domestic system pré-industriel (Aurélien Zacquier, « Le capitalisme de plateforme nous renvoie au domestic system pré-industriel»,2017). Pour O. Montel (L’économie des plateformes : enjeux pour la croissance, l’emploi et les politiques publiques, 2017) :

- Si le salariat reste la norme, et qu’il ne semble pas y avoir une explosion du nombre de travailleurs indépendants – en particulier associé aux plateformes, on observe une croissance plus forte de l’emploi dans les entreprises sans salariés qu’avec salariés, en particulier dans des secteurs comme le transport, l’entreposage et les taxis.

- Ce néo-domestic system est la continuité logique de la stratégie d’externalisation d’activité des entreprises à partir des années 1980, et du découpage de la chaîne de valeur. Cette nouvelle forme d’organisation n’est pas sans risques psycho-sociaux (burn-out, incertitude pour les contractuels sur la pérennité de leur emploi, santé)

4.2.3 La question des géants du numérique

Le 16 mars 2020, l’Autorité française de la concurrence a condamné Apple à payer une amende de plus d’un milliard d’euros pour pratiques restrictives dans la distribution de ses produits, qui ont engendré une augmentation des prix pour les consommateurs. Apple fait partie des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). Ce sont de grandes entreprises conglomérales qui ont acquis un énorme pouvoir de marché ces dernières années. Les GAFA ont une stratégie très claire de rachat, en particulier des start-ups positionnées sur des secteurs intéressants, pour ne pas voir émerger de concurrents (Kamepalli et al., 2020).

Relativement à la question de leur régulation, plusieurs scénarios sont possibles :

- Comme ces entreprises peuvent agir sur des secteurs proches, on peut penser qu’il y ait une concurrence à la Bertrand entre ces géants, assurant une non-position de monopole, grâce aux mécanismes de marché.

- Limiter les rachats de start ups innovantes pour que ces dernières aient le temps de se développer et leur assurer une concurrence sur des créneaux précis. En effet, l’innovation ne vient plus des GAFA eux-mêmes, mais des entreprises qu’ils rachètent.

- Cette dernière proposition est importante car les GAFA éjectent les concurrents en les rachetant, ou en changeant les règles du jeu. Ainsi, l’annonce de la suppression des cookies par Google éjecte les entreprises dont le business model reposait dessus, et assure la domination.

Pour résumer, on est passé de grandes structures concentrées, dirigées par les managers à des firmes réseaux complexes, dirigées principalement par les actionnaires (dont on essaie avec la gouvernance partenariale de limiter les dérives), sans pour autant qu’il y ait une réelle disparition des firmes géantes avec un fort monopole (GAFA). Les monopoles semblent refléter les entreprises qui incarnent le plus la révolution industrielle. Le sujet des entreprises est vaste, des annexes sont fournies pour préciser certains points peu développés dans le présent cours.

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