PRODUCTION LAITIÈRE ET CONFORMATION
DANS LA RACE MONTBELIARDE
I. - HÉRITABILITÉ DE LA PRODUCTION
LAITIÈRE
ET DE DIFFÉRENTES MESURES COR- PORELLES. CORRÉLATIONSPHHF NOTYPIQU!S
ETGÉNÉTIQUES
ENTRE CES MESURES ET LA PRODUCTIONLAITIÈRE.
P. AURIOL B. MOUGIN
avec la collaboration technique de P. GUILLIMIN et M. Ru!vnuLT.
Station de Recherches sur
l’Élevage,
Centre national de Recherches
zootechniques, Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise).
SOMMAIRE
Afin de déterminer dans
quelle
mesure il estpossible
d’améliorer simultanément, par la sélec-tion, la
production
laitière et la conformation des vaches de race montbéliarde, nous avons étudiéles corrélations
phénotypiques
etgénétiques
entre laproduction
laitière d’une part,5 mensurations corporelles (hauteur
au garrot, tour depoitrine, longueur
du bassin,largeur
aux hanches,longueur
de
tête)
et le rapport « tour depoitrine/hauteur
au garrot n d’autre part.Les mensurations ont été
corrigées
pourl’âge,
laproduction
laitière pour la saison devêlage,
le numéro d’ordre de la lactation et
l’âge
aupremier vêlage.
Nous avons utilisé ¢z7
couples
mère-fillerépartis
entre i3taureaux et 200élevages
duJura.
Les coefficients d’héritabilité des différentes mensurations et de la
production
laitière ont étécalculés par deux méthodes : corrélation mère-fille intra taureau et corrélation entre les demi-soeurs
paternelles.
Cette dernière méthode a donné les coefficients suivants :quantité
de lait, par lacta- tion totale : 0,34 :1: o,x7 ; hauteur au garrot : 0,39 :1: o,r8;largeur
aux hanches : 0,28 :1: 0,15;longueur
du bassin : 0,32 :1: o,i6 ; tour depoitrine :
0,30 ! o,i6 ;longueur
de la tête : 0,54 :1: 0,23 ; 1 tour depoitrine/hauteur
au garrot : 0,14 t 0,10.Les coefficients de corrélation
génétique (méthode
deHAZEL)
entre laproduction
laitière d’une part, la hauteur au garrot, lalargeur
aux hanches, lalongueur
du bassin, le tour depoitrine,
la lon-gueur de la tête et le rapport tour de
poitrine/hauteur
au garrot d’autre part, sontrespectivement
les suivants : -!- o,i5, + 0,17, -!- o,12, -!-
0,23! - OeI5 et - 0,08.
Ces résultats semblent montrer
qu’il
existe une certaineindépendance génétique
entre la pro- duction laitière, la conformation et le format, du moins dans la race montbéliarde. Ils ne nous per- mettentcependant
pas, à eux seuls, de résoudre leproblème posé
par la sélection d’un type àapti-
tudes mixtes « lait - viande n.
I.
- INTRODUCTIONL’orientation
desraceslbovines
laitières vers untype produisant plus
de viandepermettrait,
enparticulier,
de commercialiser dans de meilleures conditions les vaches etgénisses
de réforme ainsi que les veaux et boeufs destinés à la boucherie.Aussi,
pources raisons d’ordre
économique, recherche-t-on,
dans laplupart
des payseuropéens,
des animaux à
aptitudes
mixtes(cf. CHARLET, 1959).
Le
point fondamental,
pour le sélectionneur et legénéticien,
est de savoir s’il n’existe pasd’incompatibilités génétiques
entreproduction
de viande etproduction
de lait chez le même
individu,
dans une race donnée.Certes,
des résultatspratiques
ont été
obtenus, principalement
enAllemagne,
enSuisse,
auxPays-Bas
et en France dans le cas de certaines souches de la race normande. Mais les étudesthéoriques
surce
problème, qui
fontappel
au calcul des corrélationsgénétiques
et nonplus phéno- typiques,
sont relativement peunombreuses ;
elles ont étéréalisées, jusqu’à
cejour,
essentiellement par les auteurs
anglo-saxons.
II.
-ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
En dehors des travaux à orientation
économique,
onpeut
classerschématique-
ment les recherches
portant
sur leproblème
des races bovines àaptitudes
mixtes selonla
façon
dontl’aptitude
à laproduction
de viande a étéappréciée :
- soit par un
pointage
dutype général
del’individu,
- soit par des mesures
corporelles prises
sur l’animalvivant,
- soit par des mesures
prises
directement sur carcasse,-
soit, enfin,
par des mesures de vitesse de croissance.A. - CORRÉLATIONS
GÉNÉTIQUES
ENTRE LE « TYPE », DÉFINI PAR POINTAGE, ET LA PRODUCTION LAITIÈRELe
« type
» est, trèsgénéralement, apprécié
par unpointage n’ayant
pas lapré-
tention d’estimer les
aptitudes
bouchèresmais, plutôt,
la conformation et le formateux-mêmes,
sanspréjuger
aucunement de la valeur de boucherie de l’animaljugé.
Si de nombreuses études entre le «
type
» et laproduction
laitière ont étéeffectuées,
très peu ont
porté
sur l’estimation de corrélationsgénétiques.
Citons toutefois les travaux de TYLER et HYATT
( I94 8), qui
obtiennent une cor-rélation de -!-
0 , 1 8
à -!- o,19 entre les évaluations du «type
» et laproduction
dematière grasse. Les 5 177 vaches examinées
(race Ayrshire)
étaientréparties,
aupoint
de vue du
« type »,
encinq
classes :excellent,
trèsbon,
bon -!-,bon,
moyen.Les travaux de HARVEYet LusH
(i 95 2),
effectués sur des vachesjersiaises,
con-firment les résultats
précédents puisque
ces auteurs trouventégalement
une corré-lation de -!--
o,i8
entre le «type
» et laproduction
de lait(résultats
obtenus àpartir
del’analyse
de 2 00ocouples mère-fille).
R!rrNI!
( 1951 )
aboutit à une corrélation de -!- 0,24entre le «type
» et laproduc-
tion de matière grasse chez des vaches
jersiaises,
au Canada. Ce chiffre estlégèrement supérieur
auxprécédents,
mais l’auteur attribue cette différence à des erreurs d’échan-tillonnage.
Par contre, pour TABLER et TOUCHBERRY
( 1955 ) ( 2 8 IO couples mère-fille)
cettemême corrélation n’est que de !--
0 , 0 8,
la corrélationgénétique
entre «type
» etproduction
laitière s’élevant à + 0,07.P IR Cx N
ER
( I959 ), analysant
les notes depointage
de 932 vaches de la race Brune desAlpes,
obtient une corrélationgénétique
nettementsupérieure :
+0 ,68.
Enfin, signalons
que TOUCHBERRY( 1950 )
ne trouve aucune corrélationgénétique
entre ces deux
caractéristiques,
cequi pourrait s’expliquer
par lenombre
relative-ment faible de
couples
mère-fille étudiés(i8 7 ).
L’étude
deO’B!!n·!ss,
Van V!!cx et H!Vn!xsoV( y 6o)
est un peu différentecar ces auteurs ont utilisé non
plus
la noteglobale
donnée par une table depointage
de
herd-book,
mais une tableplus analytique,
conçuespécialement
à cet effet. Autotal, 8 42 couples
mère-fille ont étéanalysés
et les corrélationsgénétiques
entreproduction
laitière et 27notes calculées. Nous n’avons retenu ici que celles se rap-portant
à la conformation engénéral.
F R EE
MAN et DuxBAR
( 1955 )
ontégalement
travaillé sur des notes correspon- dant à différentesparties corporelles ( 10
notes autotal),
mais ces notes sont cellesdéfinies par le Herd-Book de la race
Ayrshire
aux U. S. A. et attribuées par sespropres
experts.
Cetteétude, qui
aporté
sur 729couples mère-fille,
a conduit à des corrélationsgénétiques
très variables selon les différentes notesexaminées, mais,
trèsgénéralement, négatives
en cequi
concerne les corrélations avec laproduction
dematière grasse. En
particulier,
entre la noteglobale
et cetteproduction,
la corréla-tion
génétique
est de — 0,52.La
majorité
des auteurssignalent
donc des corrélationspositives,
maisfaibles,
entre le
« type
» et laproduction
laitière.Cependant, précisons
que les tables depoin- tage étrangères
tiennentcompte,
comme dans le cas de nos raceslaitières,
non seule-ment de la
conformation,
maiségalement
des caractères de race, des caractères laitiers et del’aspect
extérieur de la mamelle.Aussi,
ces résultats ne donnent que fort peu d’indications sur lapossibilité
de sélection d’animaux àaptitudes
mixtes« lait-viande ».
B. - CORRÉLATIONS
GÉNÉTIQUES
ENTRE DES MESURES CORPORELLES,PRISES SUR L’ANIMAL VIVA)[T, ET I,:1 PRODUCTION LAITIÈRE
A de rares
exceptions près,
ces mesures traduisentplus
le format et la conforma-tion que
l’importance
des masses musculaires.Toutefois,
lerapport
de certaines dimensionspeut
donner des indications intéressantes sur lesaptitudes
bouchères.Il est difficile de donner des résultats
complets
sur ces dernières relations : nousles avons résumés dans les tableaux i et 2. Il ressort de ces
tableaux, malgré quelques
discordances entre auteurs, dues à des erreursd’échantillonnage
et à un matérielanimal
différent,
que la hauteur augarrot
et, à undegré moindre,
lalongueur
ducorps, sont en corrélation
négative
avec lavaleur
bouchère des carcasses. Par contre le tour depoitrine
et, surtout, lesrapports
tour depoitrine/hauteur
augarrot
etpoids/longueur
du corpsprésentent
une corrélationpositive
avec laqualité
des car-(’) Corrélations génétiques estimées à partir des covariances par deux méthodes différentes.
casses.
D’après
LusH( 1932 )
un rendement élevé est associé à un tour depoitrine important,
à un tour d’abdomen et à uneprofondeur
depoitrine
faibles. Cet auteur trouve une corrélation de+ 0 , 5 6
entre lerapport
tour depoitrine/hauteur
augarrot
et l’état
d’engraissement
de l’animal.Ces mensurations
corporelles permettent donc,
dans une certaine mesure, d’esti-mer les
aptitudes
bouchères d’un bovin et, parconséquent,
d’aborder indirectement l’étude des corrélationsgénétiques
« lait-viande ».Les
principaux
travaux effectués sur ces corrélations sont ceux de TOUCHBERRY(1950), MASON,
ROBERTSON etGJELSTAD (1957), BI,ACKMORE,
MCGILLIARD et LusH(IgS!’),
de PIRCHN!R( 1959 ),
et de MILLER et McGUILrIARD(I959)!
ToucHS!RxY,
lepremier,
étudie les corrélationsgénétiques
entre laproduction
du lait et certaines
mensurations,
àpartir
det8 7 couples mère-fille,
sur des vaches derace Holstein
(tableau 3 ).
Dans le même
troupeau,
mais sur un nombre d’animauxplus important ( 334 couples mère-fille),
B!,ACxMOx! et al. trouvent des résultatsquelque
peu différents(tableau 4 ).
Ilfaut,
sansdoute,
incriminer les erreursd’échantillonnage,
considérablesavec un nombre d’observations de cet ordre.
MASON et al.
( 1957 )
donnent une corrélationgénétique
de +0 , 2 6
entre la pro-duction laitière et la hauteur au
garrot.
Pour
P IRCHNER ,
cette même corrélation est de -i- 0,74, alors que les corré- lationsgénétiques
entrequantité
de lait d’unepart,
tour de poitrine etrapport
hauteur au
garrot
, , ..., . o !hauteur
tour depoitrine poitrine d’autre part
sont respectivement
* de -j- 0 , 3 8
et - o,2q..
Enfin,
MILLERet McGuir,W nRD(zg 5 g)
ont calculé une corrélationgénétique
del’ordre de
+
0,3 entre laproduction
laitière et lepoids (estimé
àpartir
du tour depoitrine) .
Bien
qu’il
soit difficile deconclure,
il semblequ’il
y aitopposition génétique
entreles
caractéristiques corporelles
étudiées et laproduction laitière,
sauf pour la hauteurau
garrot.
Ce résultat traduirait donc unelégère incompatibilité
entre la pro- duction du lait et lescaractéristiques
de boucherie(si
nous considérons enparticulier
que le tour de
poitrine
donne une indication de la valeur bouchère et que la hauteurau
garrot
est en corrélationnégative
avec cette mêmevaleur).
C. - CORRÉLATION ENTRE LES
CARACTÉRISTIQUES
DE BOUCHERIE, DÉTERMINÉES SUR LA CARCASSE, ET LA PRODUCTION LAITIÈRECe sont, sans aucun
doute,
ces corrélationsqui permettraient
d’aborder le pro- blème avec leplus
deprécision. Malheureusement,
les études de ce genre sont rares.Nous ne pouvons faire état que de celle de CooK et al.
(ig 4 2).
Elle concerne les corrélations entre les mesures de
production
de viande de8 3
bouvillons et laproduction
de lait de leursmères, rapportée
à 4 p. 100 de matière grasse(race
Shorthorn detype laitier).
Les corrélations obtenues sont les suivantes :La valeur bouchère
semble,
ici encore, enlégère opposition
avec laproduction
laitière. Mais il faudrait vérifier ces résultats sur les races
françaises,
carl’apprécia-
tion de la valeur bouchère n’est pas
effectuée,
auxÉtats-Unis,
sur les mêmes basesqu’en
France. D’autrepart,
les corrélationspeuvent
très bien varier d’une race à uneautre.
Enfin,
ils’agit
ici de corrélationsqui
ne sont pas exactement« génétiques
».D. - CORRÉLATION
GÉNÉTIQUE
ENTRE LA VITESSE DE CROISSANCE ET LA PRODUCTION LAITIÈREA notre
connaissance,
ceproblème
n’a été abordéqu’une fois,
parP LUM ,
SINGHet ScHUI,TZ!
( 1952 ) :
ces auteurs ont étudié la corrélationgénétique
entre la vitessede
croissance,
entre 10 et 12mois,
et laproduction
de matière grasse sur 47couples
mère-fille
provenant
d’un mêmetroupeau.
La vitesse de croissance a été mesurée parl’augmentation journalière
moyenne de la hauteur augarrot
et du tour depoitrine :
il existe une corrélation
génétique
de -!o,6 9
entre laproduction
de matière grasse et la vitesse d’accroissement de la hauteur augarrot.
E. - CONCLUSIONS s
Malgré l’importance
et la diversité des travaux que nous venons de passer en revue, il estcependant
difficile d’en utiliser les résultats pourjustifier
la sélection d’untype
àaptitudes
mixtes :- les différents auteurs n’ont pas la même
conception
de la racemixte ;
- la définition du
«type
», de laconformation,
descaractéristiques
de bouche-rie,
fait souventappel
à des tables depointage qui
n’ont par leuréquivalent
directen
France ;
’
- dans
beaucoup
de cas, les résultats obtenusreposent
sur des corrélationsphénotypiques, qui
tiennent donccompte
à la fois de l’hérédité et du milieu.D’autre
part,
il estimpossible d’appliquer systématiquement,
à desreproduc-
teurs,
des méthodes dejugement
sur carcasse. Il faut donc trouver, sur l’animalvivant,
les mensurationsqui
reflètent leplus
exactementpossible
sesaptitudes
bou-chères et,
ensuite,
étudier les corrélations entre ces mensurations et laproduction
laitière.
III. - DONNÉES
PERSONNELLESCompte
tenu des observationsprécédentes,
nous nous limiterons auproblème particulier
suivant : dans le cadre d’une race àaptitudes
laitièresprédominantes (race montbéliarde)
et àpartir
des corrélationsgénétiques
entre la conformation et laproduction laitière,
est-ilpossible
d’améliorer laconformation,
dans le sens d’uneaugmentation
de laproduction
deviande,
sans nuire à laproduction
laitière ?Une
étudecomplète
de cettequestion
doit sefaire, logiquement,
en deuxtemps : a)
étude des relationspouvant
exister entre la valeur bouchère et certains cri- tères mesurables sur l’animalvivant,
dans le but de retenir les mensurations et la table depointage
lesplus adaptées
pourapprécier
la conformation etl’aptitude
à laproduction
deviande ;
5)
ces critères de sélection étantdéfinis, analyse
des corrélationsgénétiques
entrela conformation et la
production
laitière.Nous n’avons pu aborder ici que l’étude des corrélations entre certaines mensu-
rations et la
production.
Aussi avons-nous été amenés à nousreporter
à des résultatspubliés
par d’autres auteurs pour estimer la valeurprédictive
de ces mensurations pour mesurer lesaptitudes
bouchères.A. - PROBLÈMES POSÉS PAR L’ÉTUDE DE LA RELATION PRODUCTION LAITIÈRE -
CONFORMATION 1
. -
POi92ta!ES
et mensurations ,Les mensurations traduisent le
plus
souvent leformat,
alors que lespointages permettent d’apprécier plus
aisément lafovme.
Mais en raison du caractère très
subjectif
de cesderniers,
il convient de limiter leuremploi
aux seulesparties
du corpsqui
nepeuvent
être mesurées commodément : ellescorrespondent principalement
audéveloppement
de masses musculaires ou de tissusadipeux.
La table de
pointage
du Iierd-Book Montbéliard n’étant pas suffisamment ana-lytique
pour notreétude,
nous avons utilisé les mensurationsprovenant
des archives duSyndicat
deTestage
duJura qui,
au cours de 7années,
a contrôlé la conformation de i 5oo vaches environ.Ce
premier
travailporte donc, essentiellement,
sur la relationproduction
laitière-format.
2
. - Choix des mensurations
Nous avons retenu les 5 mensurations
qui
nous ont paru, apriori,
lesplus
inté-ressantes :
- hauteur au
garrot,
- tour de
poitrine,
-
largeur
auxhanches,
-
longueur
dubassin,
-
longueur
de tête.Ces mensurations sont, en
effet, parmi
lesplus précises,
leur coefficient de varia-tion,
calculé sur une série de mesures consécutivesprises
sur le même individu par le mêmeopérateur,
étant inférieur à i pour les troispremières, compris
entre iet2 pour les deux autres
(A URIOL , zg5 4 ).
D’autrepart,
la hauteur augarrot,
le tour depoitrine,
lalargeur
aux hanches et lalongueur
du bassin caractérisent assez bien le format de l’animal. Misv!x( 1939 )
a pu définir un index de taille des vaches par lasomme des trois mesures suivantes :
largeur
auxhanches, longueur
dubassin,
hauteurau niveau des hanches.
Nous avons
insisté, précédemment,
sur les relationspouvant
exister entre la hauteur augarrot,
le tour depoitrine
d’unepart,
et la valeur bouchère d’autrepart.
Parailleurs,
nous avons montré que le tour depoitrine présente,
dans la race montbé-liarde comme dans les autres races, une forte corrélation
positive
avec lepoids
vif(MouGm, AuRioL, ig6o).
Or ce derniercommande,
engrande partie,
la valeur de boucherie d’un animal.Le choix de la
longueur
de la tête est motivé par la constatation suivante : dans les races à viande trèsspécialisées (Angus,
parexemple),
les animaux ont une tête très courte, serapprochant
mêmequelquefois
dutype
«bouledogue
».Or,
dans lesraces
laitières,
pour des raisonsd’esthétique,
la tête courte est deplus
enplus
recher-chée par les éleveurs. Le
problème
est donc de savoir si le caractère « tête courte » n’est pas,génétiquement parlant,
enopposition
avec laproduction
laitière.De
plus, d’après
uneanalyse
de WRIGHT( 1932 ),
ledéveloppement
de la têteserait,
au moins chez lelapin,
déterminé par un groupeparticulier
de facteursgéné- tiques,
en dehors de ceuxréglant
ledéveloppement corporel
dans son ensemble.Enfin,
la dernièrecaractéristique
de conformation retenue dans cette étude est lerapport
du tour depoitrine
à la hauteur augarrot, qui pourrait
définir lacompacité
de l’animal. Dans le
Jura, compte-tenu
de l’orientation actuelle de lasélection,
cerapport augmente régulièrement lorsque
l’on passe des mères aux filles : letype
laitier traditionnel est en train d’évoluer. Il reste à démontrer que cette modificationne se fait pas au détriment de la
production
laitière.On
pourrait
nousobjecter
que des mesures telles que lalargeur
auxtrochanters,
lalargeur
auxischions,
le « round» ( 1 ),
devraientlogiquement
trouver leurplace
ici.H
ARING
( 1957 ),
à la suite de l’étude de la descendance deplusieurs
taureaux, constate, que lalargeur
auxtrochanters, exprimée
en p. 100de lalongueur
dubassin, permet-
trait de mettre en évidence des différencessignificatives
entre lesaptitudes
bouchèresdes groupes de descendants de
plusieurs
taureaux. Demême,
GREGORY( 1933 )
etJO RD A
O ( 1959 )
utilisent lerapport
&dquo;round&dquo;/hauteur
augarrot, appelé
encore indicemuscle-squelette,
pourdistinguer
letype
laitier dutype
à viande. D’autrepart,
cerapport,
comme leprécédent,
semble être assez héritable.Malgré
tout l’intérêt du« round »,
il n’a pas été retenu dans cetteétude,
en raison de sa difficultéd’appréciation
du moins dans nos conditions de travail(erreurs
( 1
) Le « round » est la distance, de rotule à rotule, mesurée, dans un plan horizontal, en contournant la culotte de l’animal (GREGORY, r933).
de mesure, variation
importante
avec le stade delactation).
Ces dernières considé- rationss’appliquent également
à lalargeur
aux ischions.Quant
à lalargeur
auxtvochanters,
retenueinitialement,
nous n’avons pu l’utili-ser car notre
système
de correction des mensurations pourl’âge
ne lui était pasappli- cable,
comme nous le verrons ci-dessous.3
. - Mensurations brutes et mensurations
corrigées Pour l’âge : a)
Dozarcées duProblème :
Dans le cadre du
Syndicat
detestage
duJura,
les mensurations sontprises,
pour les
filles,
dans les trois moisqui
suivent lepremier vêlage.
Par contre, pour lesmères,
dans la mesure où elles ne sont pas elles-mêmes filles de taureauxtestés,
les mensurations sontprises
à desâges
très variés.L’idéal
aurait été de travailler sur des mensurations brutescorrespondant
à unâge
bien déterminé etidentique
à la foispour les mères et les filles.
Pratiquement,
cela nous aurait conduit à n’utiliserqu’un
très
petit
nombre de données.Aussi,
la solution que nous avonsemployée
est latransformation des mesures observées à un
âge
donnée en mesures « adultes ».(Cf.
Tables de correction des
mensurations,
p. 2j et2 6).
b) Technique de
correction :L’évolution
dechaque
mensuration entre deux et dix ans a été étudiée sur toutes les données recueilliespendant
six ans par leSyndicat
deTestage
sur i 5oo vaches environ. Ledéveloppement
dechaque caractéristique
est défini par deuxcourbes,
l’unecorrespondant
auxmères,
l’autre aux filles(cf.,
à titred’exemple,
lafigure z).
Ayant
constaté que les courbes « mères » et les courbes « filles » sont, pourchaque
mensuration retenue, soit
confondues,
soitparallèles ( 1 ),
toutes les données ont été rassemblées pourpermettre
de n’établirqu’un
seulgraphique correspondant
àl’ensemble de la
population.
Cette courbeexpérimentale
a étéajustée
à une courbe( 1
) La conformation moyenne de la population a en effet évolué assez rapidement en io ans, ce qui explique
les différences observées parfois entre les courbes des mères (ancien type) et celles des filles (nouveau type).
théorique
par la méthode des moyennes mobiles. Pour certaines mesures, telles que lalargeur
auxtrochanters,
il semble y avoir intersection des courbes « mères »et « filles », ce
qui
nousobligera,
àl’avenir,
à utiliser deux tables de correction différentes.La courbe
théorique indique,
pourchaque mensuration, l’âge auquel
l’étatadulte est atteint
(cf.
tableau5 ).
Pour un
âge X,
le coefficient de correction est donné par lerapport
mensuration àl’âge adulte/mensuration
àl’âge
X.T r é y
i ftcation
de La validité de la table de covrectiona. - Afin de tester la validité des coefficients de correction ainsiétablis,
nous avonsrepris
les mensurations de 550 vachesqui
avaientdéjà
été mesurées unepremière
fois au cours des annéesprécé-
dentes et nous avons
comparé
ces mensurations secondes aux mensurationspremières corrigées.
Les conclusions sont les suivantes :-
il n’y
a pas de différencesignificative
entre les deux groupes de mesures,-
il n’y
a pas de différencesignificative
entre les deux groupes de mesurescomparées
ivctra taureau ; autrementdit,
iln’y
a pas de différence entre les groupes de descendants dechaque
taureau,quant
à l’évolution dechaque caractéristique
cor-porelle,
cequi justifie l’emploi
d’une table de correctionunique
pour tous les groupes.4. - Correction des lactations
Dans un milieu aussi
hétérogène
que leJura,
il n’est paspossible
de travaillersur des lactations brutes. Nous avons donc utilisé la table de correction mise au
point
par l’un d’entre nous
(P. A URIOL , 1957 )
sur la mêmepopulation,
cette tableayant
étélégèrement
modifiéequant
à la correction pourl’âge
au deuxièmevêlage.
Cettetable
permet
de ramener toute lactation à une lactation obtenue en saison devêlage
favorable et à
l’âge
adulte. Pour lespremières
et deuxièmeslactations,
il estégalement
tenu
compte
del’âge
auvêlage.
Signalons, toutefois,
que cette table n’est pas annuelle. Deplus,
bienqu’il
soitdangereux
de vouloirintroduire,
dans une telletable,
tous les facteursagissant
surla
production laitière,
en raison même des interactionspouvant
exister entre eux, il sembleimportant
deprendre
en considération la moyenned’étable,
cequi
n’étaitpas encore fait lors de ce travail.
Néanmoins, l’expérience
prouve que lesystème
de correctionemployé permet
d’estimer le
potentiel génétique
des vachesbeaucoup
mieuxqu’on
nepourrait
lefaire à
partir
des lactations brutes.D’un
point
de vuepratique,
nous avonsutilisé,
pour caractériserchaque vache,
la moyenne de toutes ses lactationsdisponibles.
B. -
ÉTUDE
DE LA RELATION PRODUCTION LAITIERE-CONFORMATION.1
. - Méthode et matériel animal
a)
MéthodePar corrélation
génétique,
on entend la corrélation due aux seuls facteursgéné- tiques qui
affectent simultanément deux caractèresdonnés,
chez le mêmeindividu,
alors que la corrélation
phénotypique comprend,
en outre, l’effet de facteurs du milieu(corrélation
« environnementale»).
Dans une
population
enéquilibre,
c’est-à-direqui
n’est pas issue d’un croisementrécent,
on admet que les corrélationsgénétiques
sont causées essentiellement par desphénomènes
depléiotropie
et,également,
par les effets de lasélection,
dans lamesure,
évidemment,
où celle-ci a été efficace.En
fait,
dans le cas des caractèresquantitatifs,
la corrélation « environnemen- tale» englobe également
les effets non additifs desgènes (dominance
etépistasie)
et la corrélation
génétique
calculée ne résulte que de leurs effets additifs(F ALCONER
, ig6o).
’La connaissance des corrélations
génétiques permet,
enparticulier,
deprévoir
les
répercussions
de la sélection d’un caractère sur un ouplusieurs
autres et, parconséquent,
d’établir des index de sélection pourplusieurs
caractères à améliorer simultanément.Les corrélations
phénotypiques
etgénétiques
observées entre deux caractèresmesurés chez le même animal
peuvent
êtrereprésentées
par lediagramme
suivant :Le
problème qui
nous intéresse ici est de savoir comment, àpartir
de la corré- lationphénotypique
r!,., nous pouvons déduire la corrélationgénétique
correspon- dante rG-,(,’Y.En fait
l’équation (i)
ne seprête
pas au calcul direct des corrélationsgénétiques,
car il n’existe aucune méthode valable pour
séparer
l’effet du milieu de l’effet dugénotype. Aussi
l’estimation de ces corrélations repose, comme celle del’héritabilité,
sur la ressemblance entre individus
parents (Hnz!r&dquo; 1943 ).
Nous sommes amenésainsi à calculer des corrélations
phénotypiques,
non pas entre caractères mesurés surle même
individu,
mais entre caractèresmesurés,
parexemple,
l’un sur lamère,
l’autre sur un de ses descendants etréciproquement. Pratiquement,
dans le cas del’étude de corrélations entre la
production
laitière et un autrecaractère, l’analyse
des corrélations
génétiques
se fait leplus
souvent sur la base descouples
mère-filleintra taureau.
Si x et Y sont deux caractères mesurés chez la
mère,
X’ et Y’ les mêmes carac-tères mesurés chez la
fille,
la corrélationgénétique
existant entre eux sera,d’après HA
Z E L
,
donnée par la relation( 2 ) :
r X’Y’
et rX’y sont
appelées
corrélations « croisées » ou «réciproques
».Si l’une des corrélations sous le radical est
négative,
onprend,
enpremière approximation,
lamoyenne arithmétique
des coefficientsfigurant,
selon le cas, aunumérateur ou au dénominateur.
b)
Matériel animalNous avons utilisé 427
couples
mère-fillerépartis
entre 13 taureaux et sur unepériode
de 7 années.I,’échantillonnage
des taureaux estreprésentatif
de l’ensemble desgéniteurs
utiliséspendant
cettepériode
par le centre d’insémination artificielle duJura.
Les mensurations
représentent :
- soit des mensurations
réelles, lorsqu’elles
ont étéprises
sur des vachesadultes,
-
soit,
dans lamajorité
des cas, les mensurationscorrigées
pourl’âge,
-
soit, enfin,
dansquelques
cas, la moyenne de deux mensurationscorrigées, lorsque
les animaux ont été mensurés deux fois au cours de leur existence.De toute
façon, chaque
mensuration brute nereprésente qu’une
seule mesureprise
par le mêmeopérateur (les
auteursanglo-saxons
citésprécédemment
ont utiliséla moyenne de deux mesures consécutives
prise
par deuxopérateurs
diffé-rents).
Les lactations
proviennent
des archives duSyndicat
de contrôle laitier duJura
et ont été
corrigées
comme il a étéindiqué plus
haut. Les filles ont étéjugées
sur unemoyenne de 1,2
lactations,
les mères sur une moyenne de 3,4. Certains auteursétrangers rapportent
laproduction
laitière à un taux de matière grasse standard( 3
>5
ou 4,0p.100 ) :
nous avonspensé qu’il
étaitpréférable
de ne pas tenircompte
dece taux,
caractéristique qui,
sur leplan génétique,
secomporte
defaçon
différente de laquantité
de lait.2
. -
Analyse
des données’a)
HévitabiLité des caractèresLa détermination des corrélations
génétiques donne,
enquelque
sorte commesous-produit,
les éléments nécessaires au calcul de l’héritabilité.Aussi,
étant donnél’importance
de ceparamètre
en matière desélection,
nous avonspensé qu’il
étaitintéressant de donner les résultats de ces calculs dans le cadre de cette étude.
La méthode que nous avons
utilisée,
pour déterminerl’héritabilité,
est celle de la corrélation mère-fille intya taureau, tellequ’elle
a été définie par LUSH( 194 8).
Cependant,
lesavantages
de cette méthode ne sont pas aussiimportants,
dans notreétude,
que dans le cas de son utilisation par I,usH. Eneffet, l’analyse
descouples
mère-fille intra taureau,
permet, lorsque
le taureau est utilisé dans un seultroupeau,
de réduire considérablement l’influence de l’environnement commun pour les différentscouples
mère-fille et, d’autrepart,
l’influence des variations de milieu entre les différentes annéeslorsque
le taureau est utilisépendant quelques
années seulement.Dans ces
conditions,
onpeut
supposer que les différences de milieuqui
ne sont pasréparties
au hasard sontpratiquement supprimées
et que la corrélation mère-filleprovient uniquement
de laparenté qui
lie ces individus et, parconséquent,
de facteursgénétiques.
Dans notre
étude,
les taureaux ne sont pas utilisés dans un seultroupeau,
mais dansplus
de 200, si bien que la corrélation mère-fille tientcompte
non seulement de la relationgénétique,
mais aussi du milieu commun. Nous devons donc nous attendre à ce que les coefficients d’héritabilité soient surestimés. Onpourrait
toutefois tournercette
difficulté,
enparticulier
pour laproduction laitière,
encorrigeant
les lactationsindividuelles en fonction de la moyenne d’étable.
Les résultats obtenus
figurent
dans le tableau 6.Les estimations de l’héritabilité de la
production
laitière et du tour depoitrine
sont
supérieures
à celles habituellement obtenues par la mêmeméthode,
cequi peut
êtreexpliqué
par le fait que ces deuxcaractéristiques
sont certainement lesplus
influencées par le milieu
« troupeau
», commun à la mère et à ses filles.D’autre
part,
l’héritabilité très élevée de laproduction
laitièrepeut provenir,
en
partie,
du faitqu’elle
a été calculée surplusieurs
lactations par animal(J OHANSSON , Ros!R2sorr, 195 1).
Ellepeut également
traduire la validité de la table de correctionqui
aurait réellement minimisé l’influence des facteurs nongénétiques. Enfin,
ellepeut
être due à une
hétérogénéité
relative de lapopulation
étudiée.De toute
façon,
il sera intéressant dereprendre
ces calculs en tenantcompte
de la moyenned’étable,
et en utilisant unplus grand
nombre de données pour réduire les limitesfiduciaires, toujours
trèsimportantes
dans ce genre de calcul(V AN Vr,!cx,
SEARL
E et
HE ND E RSON , 1959 ).
Il est,
quelquefois, préférable
d’utiliser larégression
des filles sur lesmères,
enparticulier lorsque
le groupe des mères est fortementsélectionné,
autrement ditlorsque
les variances des mères et des filles sont différentes. Ce caspeut
seprésenter
en
particulier
pour laproduction laitière, qui,
dans leJura,
semble avoir étél’objet
d’une certaine sélection.Néanmoins,
iln’y
a pas de différencesignificative
entre leshéritabilités calculées par corrélation et
régression (h 2
= 0,72 et0 ,6 7 ,
cf. tableau7),
pour l’héritabilité de la
production laitière,
parexemple.
Le calcul de l’héritabilité par
analyse
des demi-soeurspaternelles (cf. exemple
de
calcul,
tableau9 ) doit,
parcomparaison,
mettre en évidencel’importance
du milieucommun. Les coefficients d’héritabilité obtenus par cette troisième méthode sont donnés dans le tableau 8.
Tableau
d’analyse
de la varianceC
=
—,— ;
N = Nombre de taureaux ; n = En; ; a2 = variance intra taureau ; a2a = variance géné-!ni i
E
tique due au taureau (
C
f. KING et HENDFRSO.’4, 1953).
(Pour
le calcul de ah2, cf. D.awsov, YAO et COOK, 1955).1. - Corrélation intra classe r :
11. - Héritabilité = 4r : 111. - Erreur
k = nombre moyen de descendants par taureau
L’héritabilité,
déterminée par corrélationmère-fille,
est environ deux foissupé-
rieure à celle obtenue par
analyse
de la variance intra taureau des demi-soeurspaternelles (sauf
pour lalongueur
detête),
cequi
montrel’importance
du milieucommun aux mères et aux