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Éthique 98

L ’éthique de la recherche ou la liberté d’en sortir.

M. de Cenival

Sidaction, Programmes internationaux. France E-mail : m.decenival@Sidaction.org Manuscrit n° 3108-d. “Éthique”. Reçu le 30 août 2007. Accepté le 11 septembre 2007.

É THIQUE

Summary: Ethics of research: the freedom to withdraw.

Because they do not have universal access to health care, the poorest people in developing countries often have no other choice but to participate in medical research. In exchange for their contribution to a clinical trial and their adhesion to the study protocol, they receive a bare minimum of health services. Can the notion of informed and free consent be applied under these conditions? Does the provision of care actually constitute a powerful incentive to participate in biomedical research that contradicts the notion of free will? Suppressing this promise of care will not resolve issues for research participants in resource-limited countries. On the contrary, the promise of care must be extended to all potential research participants who approach the investigators regardless of their participation in the research. Additionally, all participants should be able to withdraw the trial at any time when he/she considers that his/her interest is better dealt with outside the frame. An individual’s consent could be continually renewed, informed by his/her experience throughout the course of the trial independently of the health services that are offered. A standard of care could be offered to those who decide to break the contract that connects them to researchers including the first day after the signature of the consent. Would the provision of care constitute an “even more powerful incentive” for participants to enter into trials and/or create a situation whereby research is no longer possible? Or would it be on the contrary a beneficial reform, forcing research to propose less restricting and heavy protocols, for the obvious potential direct benefits so that the participants would not be tempted to withdraw the programme? This article and the ideas put forward are directly inspired from dialogues presented on the EthicHIV discussion forum, set up by sidaCTION as a part of their program on ethics in HIV-related research in developing countries.

Résumé :

Sans garantie d’accès universel aux soins, les personnes les plus pauvres dans les pays en développe- ment n’ont souvent pas d’autres choix que de participer à une recherche médicale qui pourvoira au minimum vital en échange de leur contribution à l’essai et leur respect du protocole d’étude.

Le principe qui veut que l’on s’assure du consentement libre et éclairé de chaque candidat à la recher- che peut-il être appliqué dans ces conditions ? L’offre de soins dans les essais cliniques ne constitue-t- elle pas une incitation forte à participer à la recherche biomédicale, contradictoire avec l’idée de libre arbitre ? Eliminer cette offre de soins ne résoudrait pas le problème des candidats à la recherche dans les pays à ressources limitées. Il faut au contraire l’étendre à tout participant potentiel qui se présente à l’investigateur, qu’il décide ou non de confirmer sa participation. Tout participant devrait en outre pouvoir sortir à tout moment du cadre strict de la recherche à laquelle il participe, dès lors qu’il esti- merait son intérêt mieux servi en dehors de ce cadre. Le consentement pourrait alors être réitéré à chaque instant, mûri par l’expérience au cours de l’essai, indépendamment de l’offre de soins… Des soins de même niveau pourraient être dispensés à tous ceux qui décideraient de rompre le contrat qui les lie aux investigateurs, fusse le lendemain de leur consentement premier.

Cette offre de soins continue constituerait-elle une « incitation encore plus forte » à entrer dans les essais, au risque que la recherche ne soit plus vraiment possible ? Ou au contraire un principe réformateur, salutaire, puisqu’il imposerait à toute recherche de proposer des protocoles légers, non contraignants, aux bénéfices directs potentiels évidents, pour éviter que les participants ne sortent délibérément des essais à tout moment ?

Cet article et les concepts qu’il avance sont directement inspirés des dialogues parus sur le forum de discussion spécialisé EthicHIV, mis en place par le Sidaction dans le cadre du programme sur l’éthique de la recherche sur le VIH dans les pays en développement.

developing country ethics HIV/AIDS research informed consent human right

pays en développement éthique VIH/sida recherche consentement éclairé droit humain

Introduction

L

e « consentement libre et éclairé » des personnes qui s’engagent à participer à des recherches biomédicales est considéré comme une étape essentielle au respect de l’éthique dans la recherche sur des sujets humains. Les investigateurs

doivent s’assurer que les candidats consentent à participer à leur essai sans y être contraints, en mesurant bien les béné- fices qu’ils peuvent attendre et les risques qu’ils encourent à contribuer ainsi à la recherche. Ce principe fondamental n’est cependant pas toujours appliqué : il n’est pas rare que des malades témoignent avoir testé des médicaments à leur insu.

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Réflexion

S

i le principe est acquis, notamment pour les plus impor- tantes agences de recherche qui travaillent sur le VIH, son application dans les contextes dits « de ressources limitées » ne va pas de soi. Faut-il recueillir ce consentement à l’écrit ou de façon orale, avec ou sans témoins ? Jusqu’où la notice d’information qui accompagne le formulaire de consentement doit-elle être exhaustive ? N’est-il pas présomptueux de la part des investigateurs de prétendre recueillir un consentement

« éclairé », alors que la compréhension des enjeux par les par- ticipants peut varier selon leur origine sociale, leur niveau d’éducation, leur connaissance de la maladie ? Et ce d’autant plus que certains concepts biomédicaux (génome, souche virale…) n’ont pas de traduction dans certaines langues. Il faudrait également, dans l’idéal, garantir que le processus de prise de décision n’a pas été contraint par l’environnement familial ou communautaire de la personne concernée, et peut- être faire intervenir des médiateurs extérieurs à l’essai, pour garantir l’indépendance et la transparence du processus…

Autant de soucis qui expliquent pourquoi certaines « notices d’information du patient » s’étalent maintenant sur plus de cinq pages et demandent aux équipes de recherche comme aux candidats à l’essai de bloquer parfois une journée entière de leur temps pour en prendre connaissance. Du coup, ne fau- drait-il pas que les candidats disposent de plusieurs semaines pour mûrir leur décision ?

À la fin, la question n’est pas là. Fondamentalement, lorsque tous ces dilemmes d’ordre culturels, sociaux, et/ou linguis- tiques sont résolus, le problème n’est pas réglé : lorsque le patient a intimement compris la notice d’information, lors- qu’il accepte sans détours et en pleine maîtrise des enjeux de participer à la recherche tout en sachant qu’il est autorisé à interrompre cette collaboration à tout moment, et sans subir de pression, son libre choix n’est pas pour autant garanti.

Dans un pays au système de soins défaillant, aucune procé- dure ponctuelle de consentement ne protégera les participants du rapport d’aliénation qui peut les lier à la recherche bio- médicale. La raison est simple, presque triviale : en l’absence de soins universels, les volontaires des essais n’ont souvent pas d’autre choix que d’adhérer au protocole d’une recherche qui leur assurera des traitements et des soins gratuits. Dans un contexte où la participation à un essai est une question de vie ou de mort, lorsque les traitements qui sauvent sont indisponibles hors du site de la recherche par exemple, les volontaires ne sont pas en position de négocier la qualité de la procédure de consentement ou du protocole de la recher- che – si tant est que les investigateurs se soucient de savoir si celui-ci a été compris. Il n’y a donc pas de libre arbitre réel, et encore moins d’altruisme de la part des participants là où l’offre de soins disponible avant, autour et au-delà de la conduite d’un essai est nettement inférieure à celle qui est offerte par la recherche.

Les témoignages sur les limites structurelles du concept de consentement « libre et éclairé » sont nombreux sur le forum de discussion EthicHIV animé par Sidaction, regroupant une centaine de personnes atteintes par le VIH, issues majoritai- rement d’Afrique sub-saharienne. D’Ouganda notamment, un médecin témoigne :

« Tous les participants à la recherche ont dûment signé ou apposé leur empreinte sur des formulaires de consentement.

Demandez à l’un d’entre eux de quoi la recherche se mêle

réellement et vous verrez une population qui ne sait que ce que le docteur a dit, que c’était bon pour eux, ou qu’ils auraient des traitements, n’importe quel traitement de l’homme-méde- cine. »

L’idée de s’enrôler dans un essai par nécessité de survie, en ayant peu d’exigences au départ et dans le seul but d’accéder à des soins gratuits ne fait même pas scandale parmi les popu- lations ciblées par la recherche. En revanche, le sentiment d’aliénation devient insupportable lorsqu’un volontaire sou- haite se soustraire du cadre de la recherche, qu’il estime trop contraignant, abusif ou tout simplement parce qu’il n’a plus envie d’y participer. C’est finalement la liberté de sortir plutôt que le choix d’entrer qui semble poser le plus problème.

« Je crois fermement que personne ne devrait être prisonnier à l’intérieur d’un essai, alors qu’on a été si mal informé sur les enjeux et les conséquences pour l’avenir et qu’on n’a pas eu le loisir de faire des demandes, parce qu’on mourait d’accéder à ces traitements de toutes les façons. » O. E., participant à l’essai DART en Ouganda.

Pourtant, la liberté de se retirer d’une étude est inscrite dans le principe du consentement ; ç’en est même un principe fon- damental. Ainsi, la formule type « Je comprends que je peux me retirer de l’étude n’importe quand, sans donner de raison et sans que cela n’affecte mes soins » figure classiquement sur les formulaires de consentement, sans que quiconque ne se formalise de son caractère couramment mensonger. Il est clair par exemple que sortir d’un essai thérapeutique pourra avoir dans de nombreux pays « un impact négatif sur les soins ».

Compte tenu d’une offre de soins encore limitée (notamment de la rareté des médicaments de 2e ou 3e ligne) et pas toujours adaptée aux besoins des malades, le sort de ceux qui décident d’interrompre leur participation à une recherche clinique sur les traitements anti-VIH est tout sauf anecdotique : celui ou celle qui prendra une telle décision risquera peut-être sa vie.

La question de savoir comment traduire « lechiomatose infec- tieuse » en dioula n’a finalement que peu d’intérêt à l’aune de l’absence structurelle de liberté dans laquelle se trouve de fait la grande majorité des candidats à la recherche scientifique et médicale dans le monde. Pour que le libre arbitre puisse s’exercer, il faut avant tout garantir la liberté de fait ; sans choix, pas de libre arbitre. Or la condition sine qua non de cette liberté, c’est l’indépendance aux soins prodigués dans le cadre de la recherche. Il est donc indispensable que soit garantie, dès l’enrôlement, à intervalle régulier et tout au long des essais, une vraie liberté de choisir entre « poursuivre » et

« interrompre » sa participation à une recherche, indépen- damment du niveau de soins environnant. Il s’agirait ni plus ni moins d’assurer des conditions comparables à celles des pays où les soins sont accessibles à tous *.

Paradoxe ? En France, les personnes en situation irrégulières ne bénéficiant pas de la CMU sont exclues des essais théra- peutiques, par crainte justement d’une trop forte aliénation à des soins dont elles ne disposeraient pas par ailleurs…

Une solution s’est dessinée à travers les débats sur le forum EthicHIV. Elle consiste d’abord à réformer la procédure de consentement pour en faire un processus réitéré tout au long de l’essai et non une épreuve unique, assortie d’une garantie de soins de niveau équivalent en cas de sortie de l’essai et ce pour toute la durée de l’essai. Loin d’être utopique, cette pratique est déjà ébauchée sur plusieurs sites de recherche en Afrique sub-saharienne : à Bobo Dioulasso, l’ANRS a mis en place un programme de prévention et de soins (en particulier

* Il existe toutefois des exceptions dans les pays les plus riches : en France, les personnes en situation irrégulière, ne bénéficiant pas de la CMU, sont exclues des essais thérapeuti- ques, par crainte justement d’une trop forte aliénation aux soins dont elles ne disposeraient pas par ailleurs… Enfin, l’accès aux protocoles de recherche n’est pas possible pour les détenus, y compris ceux qui pourtant pourraient directement en bénéficier.

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sur les IST) pour une cohorte de travailleuses du sexe, indé- pendamment de leur participation à la recherche de l’ANRS.

Les femmes de cette cohorte se verront peut-être un jour pro- poser d’entrer dans un essai portant sur les microbicides par exemple, les investigateurs recrutant en priorité sur la cohorte.

Autre exemple, le CDC finance au Kenya un centre de prise en charge familiale sur un site de recherche à Kisumu, qui doit prodiguer soins et traitements gratuits à toute personne qui sortirait d’un essai sur le site, ainsi qu’à ses partenaires et enfants. L’offre présente certaines limites, mais le principe est le même : il n’est pas aberrant d’imaginer que s’instaure de façon systématique une offre de soins parallèle aux essais, sur les sites de recherche et sous la responsabilité des sponsors.

Cette offre courrait au minimum tout au long de la durée de l’essai prévu, tandis que sa poursuite et son extension au-delà de la recherche feraient l’objet de négociations préalables avec les autorités sanitaires, à travers notamment un renforcement ou une amélioration de l’offre déjà existante dans le secteur public (en infrastructure, en formation, en personnel ou en produits, etc.).

Concrètement, voici comment les candidats pourraient être accueillis :

L’investigateur : « Voulez-vous tester avec nous ce nouveau traitement, sachant que nous vous proposons de toute façon un accès aux soins équivalent, que vous acceptiez ou non de suivre le protocole ? Voici les avantages, et les inconvénients pour vous… ».

Ceux qui décideraient finalement, à l’issue du processus de consentement, de ne pas se soumettre aux contraintes impo- sées par la recherche, accéderaient néanmoins, s’ils le deman- dent, à une offre de soins de niveau équivalent à ce qui était prévu dans le cadre du protocole d’investigation proprement dit et, dans le cas d’un essai thérapeutique testant des traite- ments nouveaux, au standard de référence en l’état actuel des connaissances. Ainsi, à l’entrée dans l’essai, le candidat inté- ressé sans doute par une offre de soins garantie, s’interrogerait ensuite sereinement sur le « bénéfice direct » qu’il pourrait avoir à accepter de suivre le protocole, en le comparant aux simples avantages offerts sur le site (une offre de soins gratuits correspondant au standard international). Si le produit ou la technologie testée dans l’essai représentent véritablement un progrès potentiel par rapport au standard connu, l’investiga- teur aura la charge d’en convaincre son interlocuteur. Dans le cas contraire, si les bénéfices directs ne sont pas évidents au premier abord, il devra compter sur l’altruisme de chacun (qui nous pousse à vouloir contribuer à la recherche par solidarité avec d’autres populations ou personnes) ou proposer d’autres modes de compensation (notamment monétaire, comme cela est pratiqué dans certains pays).

Dès l’issue de cette séance de consentement, après avoir apposé sa signature, le volontaire aurait encore à tout moment la possibilité de revenir sur sa décision :

– « je n’ai pas le temps de faire la queue pour les examens, mon travail en souffre. Je ne pensais pas que ça prendrait tout ce temps. Et puis vos aiguilles font mal. »

Ou encore :

– « je ne comprends pas, on dirait que je n’ai pas droit aux mêmes choses que les autres et ma santé décline. Le médecin ne veut rien me dire. »

À ces questions ou ces exigences, l’investigateur pourrait alors tenter de répondre de façon positive, par des compléments

d’information ou en améliorant son protocole. En cas de véri- table impasse, il devrait pouvoir offrir à son interlocuteur la liberté de se soustraire aux contraintes de l’essai, tout en conservant le bénéfice des soins et/ou des traitements qui étaient disponibles (ou le meilleur standard équivalent si les traitements constituaient l’objet même de la recherche).

À l’heure actuelle, sauf exceptions, en quittant un essai le can- didat au départ rejoint les statistiques des « perdus de vue ».

Comptabilisé, mais rarement affiché dans les conférences internationales, le nombre des « perdus de vue » n’est-il pas un bon baromètre de la qualité scientifique et éthique d’un essai biomédical ? Ce statut est peu enviable et les patients perdus mériteraient d’être retrouvés. Il en va de l’intérêt de la recherche autant que de ses volontaires. Si malgré leur désis- tement, les patients accédaient à des soins en entrant dans une sorte de « cohorte parallèle », dégagée des contraintes de la recherche, les « perdus de vue » ne le seraient plus. La taille de cette cohorte parallèle serait un indicateur de l’attraction de l’essai pour les personnes qu’il cible. Un essai qui poserait des questions peu pertinentes compte tenu des besoins locaux serait sans doute exploité pour son offre de soins, mais verrait sa composante recherche désertée.

Une telle réforme présenterait en outre plusieurs avantages : la charge qui pèse sur le moment du consentement serait mieux répartie. L’engagement du candidat à la recherche, qui s’est pris sur la base de document écrits, serait révocable au vu de la réalité vécue par lui dans l’essai.

Les candidats feraient enfin la différence entre le « bénéfice direct » pour les participants (la valeur ajoutée du produit testé) et les simples avantages (monétaires ou sanitaires) à participer à l’essai. Ils pourraient – en l’absence de bénéfi- ces directs comme d’avantages autres que sanitaires, faire la preuve de leur engagement citoyen.

L’évaluation des risques encourus serait plus aisée, car les ris- ques seraient exclusivement liés au protocole proposé et non à l’éventualité de rester sans soins en cas de désistement.

Une telle offre de soins pourrait-elle constituer une incita- tion perverse à entrer dans les essais, au même titre qu’une compensation monétaire trop élevée par exemple ? Bien au contraire. Il faut reconnaître l’effet déjà induit par l’offre de services que procure la recherche dans les pays à faible couver- ture de soins. De fait, le recrutement de la majorité des essais thérapeutiques en cours est « biaisé » par la perspective d’un accès aux soins. En garantissant une offre de soins équivalente autour et au-delà de la recherche, sur le site même où elle est conduite, mais détachée de l’adhésion définitive au protocole, on ne fait qu’atténuer ce biais. C’est avant tout l’absence de soins qui génère l’aliénation à l’essai, tandis qu’il s’agit ici de rétablir l’équilibre entre l’intérieur et l’extérieur de la recher- che pour équilibrer le rapport de dépendance.

Attirera-t-on trop de volontaires ? Peut-être un peu plus, qui sait. Ce qui garantirait une bonne vitesse de recrutement, dans les essais les mieux dessinés. En cas de débordement, les chercheurs auraient toujours la possibilité de refuser l’inclusion de personnes supplémentaires dans la procédure de recrutement lorsque leur quota de soins/recherche serait épuisé. Il est probable toutefois que des essais visant à tester un nouveau produit sur une population qui n’en aurait pas usage auront du mal à garantir un recrutement plus rapide dans le bras « recherche » que dans leur « cohorte de soins pa- rallèle » **.

** Les essais qui recrutent au Nord sur des populations n’ayant pas de bénéfice direct dans la recherche utilisent alors un système de compensation monétaire plus ou moins savam- ment dosé, pour ne pas induire d’aliénation d’un autre ordre. Ils s’interdisent en principe de recruter au sein de populations par définition vulnérables sur le plan économique. Cette stratégie de « compensation monétaire » serait donc délicate à appliquer dans certains pays en développement où la pauvreté est endémique.

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Verra-t-on alors les volontaires quitter l’essai en masse après avoir fait quelques semaines la preuve de leur bonne volonté ? Devra-t-on soigner des centaines de malades sans pouvoir conduire la recherche nécessaire ? Parions que si la recherche est correctement menée, si son objet est scientifi- que, son questionnement de qualité, sa cible choisie et son design juste, les volontaires resteront, autant qu’ils le font dans les contextes plus aisés où le turnover est une variable d’un niveau raisonnable, intégrée dans les calculs budgétaires.

Les investigateurs auront tout intérêt à se donner les moyens d’une recherche de qualité, pour garantir un turnover mini- mal parmi les candidats. Aux investigateurs et à leurs équipes de cliniciens d’être dignes des volontaires qu’ils recrutent, aux sponsors de garantir que ceux-ci auront intérêt à leur rester fidèles tout au long de l’essai. Une logique économi- que pourrait ainsi guider les investigateurs dans l’écriture de protocoles « gagnant/gagnant », pour minimiser le coût de prise en charge des participants qui souhaiteraient se désis- ter en cours de route. Ce coût devra bien sûr être évalué à l’avance et inclus dans le budget de l’essai. Est-il juste que la recherche doive financer dans les pays pauvres ce qui est pris en charge par l’État ou les assurances dans les pays nantis (le

coût des soins et des traitements qui ne sont pas directement liés à la recherche) ? Rappelons qu’il ne s’agit sans doute que de prendre en charge 10 % à 20 % d’individus en plus de ceux qui étaient initialement prévus dans l’échantillon et que ce coût est insignifiant comparé aux coûts engendrés par le simple suivi des participants aux recherches sur les plateaux techniques des sites français ou norvégiens. L’éthique de la recherche est à ce prix.

Conclusion

C

’est en tout état de cause à la double condition d’un con- sentement continu et de soins garantis que l’on pourra, en Afrique, comme aux États-Unis ou en Europe, employer les termes « d’altruisme » sans avoir peur du ridicule, de

« bénéfice direct de la recherche » sans confondre avec les simples « avantages à rentrer dans un essai » ; les chercheurs pourront enfin espérer intéresser les participants à leur recher- che, puisque ceux-ci auront d’autres horizons que leur simple survie. Et l’on pourra reprendre une à une les questions socia- les et culturelles liées à l’obtention du consentement libre et éclairé sans risque d’hypocrisie.

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