Progrèsenurologie(2020)30,551—553
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EDITORIAUX
Chirurgie du prolapsus : la fin d’une
époque . . . aux depens d’une partie de nos patientes ?
Pelvic organ prolapse surgery: The end of an era . . . against the interests of some of our patients?
C’estfait.LeJournalofficieldemars2020apubliél’arrêténousinformantdel’absence dedispositifmédicalinscritdanslacatégoriehomogènedeproduitsdesantédes«dispo- sitifsimplantables(DMI)destinésautraitementparvoievaginaleduprolapsusdesorganes pelviens»àcompterdu27février2020.Iln’estdoncpluspossible,enFrance,deposer deprothèsevaginaledanslecadredusoin,pourletraitementdesprolapsusgénitaux[1].
Le prolapsusgénitalnedoitreleverd’untraitement quesilafemmes’en plaint.En effet, les risques associés à son évolution naturelle sont rares (ulcérations vaginales, dysurie/rétentionurinaire,hydronéphrose).Larééducation périnéalepeut diminuerles symptômesassociésàunprolapsusdestade1ou2,maiselleestinefficacepourlespro- lapsusdestade3ou4,pourlesquelsiln’existequedeuxsolutions:lespessairesoula chirurgie.
Lespessaires,pourtantassociésàdesrisqueslimitésetdeplusenplusutilisés,sesont vus(contretoutelogiquedebalancebénéfice/risque/coûtpourlasociété)neplusêtre remboursésdepuismaintenantdeuxans.
Pourlesfemmeséligiblesàunechirurgie,différentestechniquesserontdiscutées:voie vaginalesans prothèse,promontofixationprothétique,colpocleisis (fermeturevaginale) [2]. Actuellement, le prolapsus de la femme jeune avec hystéroptose et/ou cystocèle prédominante(s) estpréférentiellementtraitéparpromontofixationcœlioscopiqueavec utilisationdeprothèse.Lesrectocèlesprédominantessontplutôttraitéesparvoievaginale nonprothétique.Unehystérectomieconcomitanteestdiscutéeselonlevolumedel’utérus etd’éventuellespathologiesutérinesassociées.
https://doi.org/10.1016/j.purol.2020.06.005
1166-7087/©2020ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
552 Editoriaux Jusqu’à récemment,nous pouvions également discuter
l’indicationd’unechirurgieparvoievaginaleavecprothèse.
En avril 2014, la Commission Européenne avait mandaté des expertsafin d’évaluer la sécurité des prothèses vagi- nales et des bandelettes permettant l’établissement en décembre2015durapportduSCENIHR(ScientificCommittee onEmergingandNewlyIdentifiedHealthRisks)[3].Ilétablis- saitquel’utilisation desprothèsesvaginalesétaitpossible pour des cas complexes, notamment de prolapsus génital récidivant ou à haut risque de récidive et elle prévoyait l’établissement d’un système de certification des chirur- giens. Les recommandations multidisciplinaires franc¸aises (gynécologues,urologues) de 2017, limitaient l’utilisation desprothèsesvaginalesauxcystocèlesetuniquementpour lesfemmesàhautrisquederécidive[4].Pourlacurederec- tocèle,cesrecommandationsstatuaientqu’iln’yavaitpas d’indicationàlamiseenplaced’uneprothèsesynthétique parvoievaginalepourlacured’unerectocèleenpremière intention.Cetteutilisationdesprothèsesvaginalesdansla curedeprolapsus adébutéeil ya unevingtaine d’année avecaudépart desprothèses découpéesparlechirurgien puis,progressivement,ledéveloppementdeprothèsesdes- sinées industriellement et livrées avec des kits de pose.
Ilyaeuune médiatisationimportante decertains casde complicationsgraves.Cescasexistentvraiment,mêmes’ils sontrares etilestvraiquepour certainesfemmes, iln’a pasétépossiblederetirerl’intégralitédumatérielmis en place.Toutefois,ilfautrappelerquecerisquederéinter- ventionpourcomplicationgraveesttoutdemêmelimité(2à 3%).Unessairandomisémulticentriquefranc¸ais(PROSPERE) arécemmentcomparélapromontofixationparcœlioscopie etlachirurgieprothétique parvoievaginale[5].Cetessai amisenévidenceunlégersur-risquedecomplicationgrave pourlavoievaginaleprothétique,cequiaétéconfirmépar unregistrefranc¸ais(VIGIMESH)quin’ad‘ailleurspasmontré dedifférenceimportanteentrela voievaginaleavecpro- thèseetlavoievaginalesansprothèseentermesderisque deréintervention[6].
Depuis5ans,denombreuxfabricantsontretiréleurspro- thèsesvaginalesdumarchéetdepuismars2020,iln’existe plusaucune prothèsevaginaleautorisée sur lemarché en France. En effet, les dernières qui restaient sur le mar- chénedisposaientpas d’étudesdedonnéescomparatives àlong terme.Or, dans uncertainnombredecas (5—10% denos patientes), l’utilisation de ces prothèses vaginales estunevraienécessité:ils’agitdesfemmesayantunhaut risquederécidive (cystocèlevolumineuse,surtout sidéjà opéréedumêmeproblème)etayantunecontre-indicationà lacœlioscopie(pathologierespiratoire,pelvisadhérentiel, promontoire inaccessible...) ou à l’anesthésie générale.
Pourcesfemmes,noussommesmaintenantunpeudésempa- rés,devantdiscuterentredestechniquesderéparationsans prothèseetune fermeture vaginale (colpocleisis) souvent vécue commeune mutilation, inacceptable parbeaucoup defemmes.Ilexistedoncuneminoriténonnégligeablede patientesquiprésenteraitdesrécidivesgênantesdeprolap- susgénitalaprèschirurgievoiehauteet/ouvoiebassesans prothèsequel’onpeutestimerentre500à1500paranen France.Cespatientes n’aurontalorscommeseul recours, que le cloisonnement vaginal,ne pouvant plus bénéficier d’unechirurgieprothétiqueparvoievaginale...
AuxÉtats-Unis,aprèsavoiralerté,en2011,surlerisque d’évènementsindésirablesgraves,laFoodandDrugAdmi- nistration (FDA) a reclassée les prothèses vaginales en dispositif médical de type III (nécessitant leur approba- tionavantcommercialisation),puisle16avril2019,ellea ordonnél’arrêtimmédiatdeleurcommercialisationenesti- mantque leslaboratoiresn’avaientpas fournidepreuves suffisantes concernant la sécurité et l’efficacité de leurs produits.AuRoyaumeUni,leNationalHealthService(NHS)a demandéunerestrictiondeleurutilisationetenavril2019, lesrecommandationsduNICEontpréciséquelesprothèses synthétiques ne devraientêtre utilisées parvoie vaginale qu’en casde cystocèlerécidivéeousi la voieabdominale étaitcontreindiquéeetàlaconditiond’avoirdiscutéducas enréuniondeconcertationpluridisciplinaireetd’uneinfor- mationdelapatientesurlescomplicationspotentielles.
En France, une campagne d’inspections des fabri- cantsmettantsur lemarché cesdispositifs detypeIII est actuellement en cours afin de vérifier la conformité des processusdefabricationetdesproduits(bandelettesetpro- thèses qu’elle que soit la voie d’abord). Leslaboratoires désirant commercialiser lesprothèses doivent maintenant déposerun dossier quiest examinépar la Hauteautorité desanté(HAS)etl’Agencenationaledesécuritédumédi- cament et des produits de santé (ANSM). Par ailleurs, un projetd’arrêtéd’encadrementdespratiquesélaboréparla Directiongénéraledel’offredesoins(DGOS)concernantla chirurgieduprolapsus,esttoujoursencoursd’examenpar laHauteAutoritédeSanté(HAS).LaHASprévoitégalement de réunir les sociétés savantes pour établir de nouvelles recommandations courant2020-2022, concernantlesindi- cations dela chirurgiedu prolapsusetla prise encharge des complications. Certainespistes d’action ont déjà été élaborées : détermination de seuils d’activité par centre ouparchirurgienpourlamiseenplacedeces dispositifs, encouragerladiscussiondescascomplexesenRéunionde concertationpluridisciplinaire(RCP)depelvi-périnéologie, poursuitedesregistreschirurgicauxprospectifsàl’échelle nationale (type VIGIMESH), amélioration de la nomencla- ture des actes CCAMen créant des actesspécifiques aux implantationsprothétiquesdemanièreàpouvoiraméliorer le suivi des complications éventuelles, création de fiches d’informationpréopératoirestransdisciplinaires,améliora- tion de la trac¸abilité de l’implantation detels dispositifs avecinscriptionautomatiquesurleDossiermédicalpartagé (DMP). Il est également important d’améliorer la fluidité duparcoursdesoins, entransmettantlesinformationsau médecintraitantconcernantledispositifmisenplaceetles symptômesàsurveillerquipourraientfaireévoquerlasur- venued’unecomplication.Enfin,ungroupedetravailtente actuellement de déterminer des critères de qualité pour lescentresprenantenchargelescomplicationsdecetype dechirurgie.Eneffet,patientes,associationsdepatientes et médecins traitants rapportent encore trop souvent de grandesdifficultésàconfierleurspatientesprésentantdes complicationsàlasuitedeceschirurgies,enparticulieren dehorsdesgrandesagglomérations.
Cesévolutionsdelaréglementationayantaboutiàune limitationdenospossibilitésthérapeutiques,onttoutefois l’avantagedetendreversunobjectifvertueux:assureraux femmesquelachirurgieprothétiquesoitréaliséeavecdes
Editoriaux 553 matériauxbienévalués etquelaréalisationsoitfaitepar
des opérateursexpérimentés,tant surle plande latech- nique que de celui de l’indication. La mise au point de nouvellesprothèsesvaginalesetleurévaluationesttoujours possible,maisuniquementdanslecadred’essaisrigoureu- sementencadrés.
Pourconclure,l’absencederecourspossiblemêmelimité à des prothèses vaginales renvoie donc une partie de nos patientes à des solutions de chirurgie vaginale sans prothèseslorsquelavoiehauten’estpluspossible.Cestech- niquesparfoismalmaîtriséesparlesplusjeunesetellessont àrisquederécidiveplusélevé.Cecivaégalementcertaine- mententraînerunrecoursplusfréquentàdestechniquesde cloisonnementvaginal,souventvécuescommemutilantes.
Lesouhaitlégitimedemieuxévalueretencadrertechnique- mentl’usagededispositifsmédicauxàrisque,aboutitdonc malheureusementàundéfautdepriseenchargepourune partiedenospatientes...
Déclaration de liens d’intérêts
Xavier Deffieux : participation financière au capital des entreprisesSANOFIetNANOBIOTICS;participationspassées pourdesinterventionsponctuelles(conseilouconférences oufinancementpourdesdéplacements)aveclesentreprises URGOTECH, ASTELLAS, ALLERGAN, LABORIE, MYLAN, PFI- ZER,BBRAUN,LEOPHARMA,GYNECARE(pasdepuis5ans), WELLSPECT,AMI(pasdepuis3ans).
MichelCosson:participationspasséesouprésentespour des interventions ponctuelles (conseil ou conférences ou financement pour des déplacements) avec lesentreprises ASTELLAS, ALLERGAN, GYNECARE(pasdepuis 5ans),AMI, BOSTONSCIENTIFIC.
Références
[1]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=
EFF627177036D203A41C15E743720A85.tplgfr21s3?cidTexte=
JORFTEXT000041679982&dateTexte=&oldAction=rechJO&
categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041679778.
[2]FritelX,FauconnierA,BaderG,etal.Diagnosisandmanage- mentof adultfemale stress urinary incontinence: guidelines for clinical practice from the French College of Gynaeco- logists and Obstetricians. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2010;151(1):14—9.
[3]ChappleCR,CruzF,DeffieuxX,etal.Consensusstatementofthe EuropeanUrologyAssociationandtheEuropeanUrogynaecolo- gicalAssociationontheuseofimplantedmaterialsfortreating pelvicorganprolapseandstressurinaryincontinence.EurUrol 2017;72(3):424—31.
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[5]LucotJP,CossonM,BaderG,etal.Safetyofvaginalmeshsurgery versuslaparoscopicmeshsacropexyforcystocelerepair:results oftheprostheticpelvicfloorrepairrandomizedcontrolledtrial.
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[6]FritelX,Campagne-LoiseauS,CossonM,etal.Complications afterpelvicfloorrepairsurgery(withandwithoutmesh):short- termincidenceafter1873inclusionsintheFrench VIGI-MESH registry.BJOG2020;127(1):88—97.
X.Deffieuxa,∗,M.Cossonb,c
aServicedegynécologie-obstétrique,hôpital Antoine-Béclère,universitéParis-Saclay&
Assistancepublique-HôpitauxdeParis(AP—HP), GHUduSud,157,ruedela-Porte-de-Trivaux, 92140Clamart,France
bServicedegynécologie-obstétrique,facultéde médecine&CHUdeJeanne-de-Flandres, universitédeLille,59000Lille,France
cUniversityLille,CNRS,CentraleLille,UMR 9013-LaMcube-laboratoiredemécanique, multiphysique,multi-échelle,59000Lille,France
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:xavier.deffieux@aphp.fr (X.Deffieux) Rec¸ule8juin2020; acceptéle9juin2020 DisponiblesurInternetle6juillet2020