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CHAPITRE III : LA PRÉCARITÉ EN BELGIQUE : QUEL RÔLE ATTRIBUER AUX TRANSITIONS SUR LE MARCHE DU TRAVAIL ? Introduction

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CHAPITRE III :

LA PRÉCARITÉ EN BELGIQUE : QUEL RÔLE ATTRIBUER AUX TRANSITIONS SUR LE MARCHE DU TRAVAIL ?

Introduction

Les deux chapitres précédents ont montré que vivre une expérience de chômage peut avoir des conséquences dommageables sur la réinsertion des individus sur le marché du travail. Le chômage peut en effet mener vers des emplois moins bien payés et plus instables. Cependant, s’il engendre effectivement une baisse de revenu (qu’elle soit liée à la perte de l’emploi actuel ou à la présence de pénalité salariale lors de la réinsertion sur le marché du travail), il peut également conduire à une dégradation des conditions de vie ou encore à une vie sociale moins active par rapport aux personnes en emploi. Le travail occupe, en effet, une place importante dans notre société, non seulement comme moyen d’acquérir des ressources mais également en tant que principal vecteur d’identité sociale (Bourguignon D. et Herman G., 2007). Une expérience de chômage peut ainsi enclencher un processus de marginalisation en entraînant une succession de privations dans divers domaines des conditions de vie. En outre, en cas de présence de persistance dans le phénomène du chômage, celui-ci peut être concentré de manière disproportionnée sur une partie de la population. Il serait, par conséquent, une cause importante d’inégalité de revenus, de pauvreté et d’exclusion sociale (Taylor M., 2002).

Ce chapitre se propose d’étudier les connexions existantes entre le chômage et différentes facettes

de la pauvreté en Belgique. Cependant, cette corrélation est difficile à mesurer. En effet, les

indicateurs de pauvreté actuels sont définis au niveau du ménage. Ainsi, un individu sera

considéré comme pauvre si ce dernier appartient à un ménage qui a été défini comme pauvre. La

mesure de la pauvreté au niveau du ménage fait l’objet de fortes critiques étant donné notamment

qu’elle suppose une répartition uniforme des ressources entre ses différents membres, ce qui peut

s’avérer discutable. Certains économistes ont donc essayé de définir des indicateurs de pauvreté

individuelle en faisant des hypothèses sur une distribution inégalitaire des revenus au sein du

ménage. Ces études démontrent généralement que, dans ce cas, le nombre de femmes pauvres est

beaucoup plus élevé que ce que laisse envisager la mesure de la pauvreté au niveau du ménage et

inversement pour les hommes (voir par exemple Findlay J. et Wright R., 1996). Il est cependant

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très difficile de mesurer la pauvreté au niveau individuel, notamment à partir du PSBH, étant donné l’absence d’informations relatives à la répartition des ressources au sein du ménage.

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Etant donné la mesure actuellement employée, la position d’un chômeur sur l’échelle des revenus et son degré d’intégration sociale sont interférés par une série de facteurs complexes tels que le statut sur le marché du travail et le salaire des autres membres du ménage ou encore la structure et la stabilité du ménage (McKernan S. et Ratcliffe C., 2005). Ainsi, la situation financière d’un chômeur vivant seul n’est pas comparable à celle d’un chômeur qui a des enfants à charge ou qui vit encore chez ses parents. En outre, une naissance ou une séparation peuvent accentuer la situation de pauvreté des individus. Ces différents éléments mettent l’accent sur le fait que la relation entre chômage et pauvreté repose davantage sur une corrélation dynamique que transversale. L’ensemble de ces considérations nous a conduit à élargir notre cadre d’étude et à analyser de manière plus générale l’impact des transitions sur le marché du travail des différents membres du ménage ainsi que les modifications dans la structure familiale sur les mouvements d’entrée dans et de sortie de la pauvreté.

La majorité de la littérature sur le sujet se cantonne à une analyse portant sur la pauvreté monétaire (voir par exemple Oxley H. et al., 2000 ; Bourreau-Dubois C. et al., 2003 ; Valletta R., 2006). Or, plusieurs articles ont démontré que cette mesure recouvre une facette particulière de la pauvreté qui ne recoupe pas forcément celles mesurées à l’aide d’autres approches (Fall M. et al., 1997 ; Lollivier S. et Verger D., 1997; Delhausse B. et Sluse M., 2004). En outre, il est fort probable que la mesure de la pauvreté monétaire réagisse de manière beaucoup plus volatile suite aux transitions sur le marché du travail par rapport à d’autres approches de la pauvreté. Un revenu additionnel peut en effet mener à la conclusion qu’un ménage n’est plus à risque en termes de pauvreté monétaire. Ce n’est pas pour autant que ses conditions de vie ou que le sentiment d’insécurité s’améliorent. Nous avons dès lors élargi notre champ d’investigation des flux d’entrée dans et de sortie de la pauvreté en y incorporant une mesure subjective ainsi qu’un indice des conditions de vie. Si la mesure de la pauvreté subjective que nous avons choisie est également une approche monétaire de la pauvreté, elle reflète davantage la perception des ménages en ce qui concerne leur niveau de vie. La pauvreté des conditions de vie, quant à elle, ne se résume pas au revenu des ménages mais inclut également les conditions de logement, la possession de biens d’équipement et l’accès aux services. L’ajout d’indicateurs supplémentaires a pour objectif de mieux cerner les effets que peuvent entraîner des évènements dit

« déclencheurs » sur la situation réellement vécue par les individus.

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Toutefois, le groupe de travail « Belgian Gender and Income Analysis » (BGIA) est actuellement en train de

travailler sur la mise en place d’indicateurs permettant de mesurer la pauvreté au niveau individuel en Belgique.

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Pour pouvoir étudier cette problématique, il est nécessaire d’avoir recours à une base de données en panel pour pouvoir suivre les évolutions des individus dans le temps, qu’elles concernent les trajectoires sur le marché du travail, les modifications dans la composition familiale ou encore les conditions de vie. La base de données la plus appropriée est le Panel Démographie Familiale (« Panel Study on Belgian Households » (PSBH)) qui couvre les années 1992-2002. Cette dernière aborde en effet de nombreux thèmes dans son questionnaire qui permettent de couvrir les différentes problématiques de notre analyse.

Ce chapitre est structuré de la façon suivante. Dans un premier temps, nous dresserons un tableau récapitulatif des différentes mesures de la pauvreté existantes dans l’intention de sélectionner les indicateurs les plus adéquats pour étudier la relation entre pauvreté et transitions sur le marché du travail au niveau individuel en Belgique. La deuxième section sera consacrée à une revue de la littérature portant sur les flux d’entrée dans et de sortie de la pauvreté, ainsi que sur les évènements déclencheurs pouvant les expliquer. La section 3 décrira la base de données, l’échantillon et les variables utilisés afin de mener à bien notre étude. On développera ensuite le modèle économétrique sur base duquel seront estimées les probabilités d’entrée et de sortie de la pauvreté. Enfin, avant de conclure et de passer aux recommandations d’ordre politique, on analysera les résultats des différentes régressions qui ont été effectuées.

1. Les définitions et approches de la pauvreté

Pour pouvoir étudier la pauvreté, il est préalablement nécessaire de répondre à deux questions :

qu’est-ce que ce concept englobe et comment l’appréhender ? Au vu des innombrables écrits sur

le sujet, il semblerait que répondre à ces questions n’est pas chose aisée. La pauvreté est en effet

une notion relativement subjective et complexe, qui recouvre des facettes multiples. Ceci explique

les nombreuses difficultés rencontrées par les économistes et les statisticiens dans leur tentative

de l’approcher et de définir les méthodes les plus appropriées pour la mesurer. L’objectif de cette

section consistera à dresser un tableau récapitulatif des principales conceptions et mesures

existantes. Celui-ci sera accompagné d’une analyse des avantages et inconvénients de chacune des

approches. A partir de là, il nous sera possible de déterminer l’indicateur le plus approprié pour

mesurer la relation entre pauvreté et transitions sur le marché du travail au niveau individuel en

Belgique.

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1.1 Définitions

Initialement, les personnes pauvres étaient considérées comme des individus en marge de la société, suffisamment peu nombreux pour être pris en charge par l’Etat grâce au système d’aide sociale (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001). La définition de la pauvreté utilisée jusqu’aux années 60 se basait essentiellement sur la notion (économique) de pauvreté absolue, « liée à une carence dans le domaine des besoins vitaux fondamentaux et à une défaillance du pouvoir d’achat des ménages » (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001, p.21). Cependant, suite aux nombreuses critiques émises envers cette définition, notamment par rapport à son inadaptabilité vis-à-vis des sociétés industrialisées

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, on a vu apparaître, dans le courant des années 60, la notion de pauvreté relative, qui compare les ressources des pauvres par rapport au niveau de vie standard reconnu comme minimum par la société.

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Début des années 80, suite à une période de forte récession économique, une certaine métamorphose du phénomène de pauvreté s’est opérée. Reprise sous le terme de « nouvelle pauvreté », elle touche des groupes sociaux plus étendus (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001).

Plusieurs facteurs sont à l’origine de l’émergence de ce phénomène, tels que la montée massive du chômage (et plus particulièrement du chômage de longue durée)

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ou encore la nouvelle gestion de la main d’œuvre sur le marché du travail (contrats à durée déterminée ou montée de l’emploi à temps partiel non désiré). Cette période correspond également à un élargissement du cadre d’analyse de la pauvreté. Les mesures existantes à cette époque sont fort critiquées du fait qu’elles n’intègrent que des notions de revenus ou de consommations. Certains scientifiques ont donc décidé d’élargir les besoins pris en compte dans la mesure de la pauvreté en y incorporant des aspects liés aux conditions de vie et au bien-être social (voir par exemple les travaux de Townsend P., 1979 ; Sen A., 1985).

On voit donc que la notion de pauvreté a évolué et s’est étendue au cours du temps, accompagnant les mutations de la société. Elle est aujourd’hui souvent caractérisée comme relative, dynamique et multidimensionnelle, ce qui en fait une notion ambiguë, un phénomène difficile à comprendre, à définir ou encore à mesurer :

« La pauvreté est en fait un phénomène d’une grande complexité. Un premier indice de celle-ci apparaît dans la multiplicité des termes employés dans le discours social ou politique […] : pauvreté,

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La mesure de la pauvreté absolue se base principalement sur l’estimation des coûts relatifs aux besoins alimentaires.

Or, ceux-ci prennent une place de moins en moins importante dans le budget des ménages des pays industrialisés (Hourriez J. et Legris B., 1997).

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Cf. plus bas pour une définition plus complète des notions de pauvretés absolue et relative.

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On peut trouver, par exemple, parmi les nouveaux pauvres des jeunes sans qualifications qui n’ont pas réussi à

trouver un emploi stable ou des travailleurs âgés licenciés qui ne parviennent pas à retrouver un emploi.

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misère, quart-monde, situations défavorisées, précarité, grande pauvreté, nouvelle pauvreté, galère, groupes marginaux, bas revenus, exclusion sont parmi les termes qui sont le plus souvent utilisés et dont l’emploi est sujet à des phénomènes de mode économique et statistique » (Herpin N. et Verger D., 1997, p.7).

Si bien qu’il est aujourd’hui impossible de trouver une définition unique de la pauvreté étant donné qu’elle varie non seulement dans l’espace et dans le temps mais également en fonction des idéologies politiques et de la perception de l’Etat Providence. En outre, aucune branche en sciences humaines n’est capable de fournir de définition précise permettant son opérationnalisation:

« La définition de la pauvreté échappe au domaine de la science : définir un pauvre est souvent un acte politique normatif empreint de toute une série de conventions et qui doit s’ancrer dans les traditions et modes de vie spécifiques de chaque société » (Verger D., 2005, p.13).

Néanmoins, afin de se faire une idée de la façon dont la pauvreté est approchée dans la littérature, on peut reprendre la définition « officielle » employée par l’Union européenne, rédigée au sein du Conseil européen en 1984 : « On entend par personnes pauvres les individus, les familles et les groupes de personnes dont les ressources (matérielles, culturelles et sociales) sont si faibles qu’ils sont exclus des modes de vie minimaux acceptables dans l’État membre dans lequel ils vivent » (CEE, 1985).

Il s’agit d’une définition très vaste et assez floue de la pauvreté où cette dernière est considérée comme un réseau de privations touchant toute une série de domaines concernant aussi bien la vie individuelle que collective et qui sépare les personnes pauvres du mode de vie largement accepté par la société. Elle souligne ainsi le caractère multidimensionnel de la pauvreté lié aussi bien aux types de ressources qu’aux personnes considérées (individus, ménages ou groupes de personnes).

Il s’agit également d’une vision relative de la pauvreté qui prend en considération le niveau de vie moyen de chaque État membre (Glaude M., 1998 ; Peña-Casas R. et Pochet P., 2001).

Elle ne précise cependant pas exactement en quoi consiste précisément le manque de ressources et le seuil de pauvreté n’est pas clairement défini (sur base de quels critères est défini le niveau de vie minimal ? Quel est son niveau acceptable ?).

« Cette absence de définition précise est un bon révélateur des nombreux problèmes sous-jacents, tant

au plan conceptuel qu’au niveau de la mesure, qui frappent toute approche de la pauvreté » (Verger

D., 2005, p.15).

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1.2 Conceptualisation: de l’approche traditionnelle à l’analyse multidimensionnelle

Etant donné qu’il n’existe pas de définition unanime de la pauvreté, sa conceptualisation et sa mesure ne sont pas des tâches aisées. Cependant, une analyse des différentes approches nous conduit rapidement à la conclusion que la mesure de la pauvreté est souvent assimilée à un concept dichotomique. En effet, quel que soit l’indicateur retenu, les individus composant la population considérée sont séparés en pauvres et en non pauvres. Ceci implique la détermination d’un critère permettant de les distinguer, communément appelé seuil de pauvreté. Plus précisément, est considérée comme pauvre toute personne dont les ressources (quelles qu’elles soient) sont inférieures à un seuil de pauvreté. L’objectif consiste à quantifier la proportion de la population qui a un niveau de vie inférieur à ce seuil, définissant ainsi ce qu’on appelle le taux de pauvreté. Cependant, dans la réalité, il n’existe aucune rupture nette dans la distribution des caractéristiques observées entre les pauvres et les non pauvres. Dès lors, la fixation du seuil et la construction d’indicateurs reposent sur de nombreux choix méthodologiques et des conventions purement subjectives et arbitraires, variant avec les différentes approches de la pauvreté mais également au sein de ces dernières (Glaude M., 1998).

« Elle [la fixation d’un seuil pour séparer les pauvres des non pauvres] est utilisée pour la facilité de compréhension, aucune étude ne pouvant démontrer une quelconque signification statistique à un seuil plutôt qu’à un autre » (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001, p.26).

En outre, l’élargissement de la notion de pauvreté à des concepts de conditions de vie, de capacité ou d’épanouissement social, allant au-delà de l’insuffisance de revenus a conduit les scientifiques à élaborer des indicateurs de plus en plus complexes, permettant de mieux traduire la situation réellement vécue par les personnes précarisées.

Etant donné les nombreuses dimensions de la pauvreté, il existe différentes manières de l’approcher. En fonction des ressources intégrées dans la mesure de la pauvreté, il est possible de distinguer deux courants principaux partant respectivement des approches traditionnelles et multidimensionnelles de la pauvreté. L’approche traditionnelle

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est basée sur la construction d’un indicateur unique calculé à partir des revenus ou de la consommation des individus. On y retrouve les notions de pauvreté absolue, relative, administrative ou encore fiscale. L’approche multidimensionnelle (ou méthode directe) étudie les conditions de vie de façon plus générale en intégrant, dans un indice composite de pauvreté, différents aspects de privation de ressources et

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Également appelée méthode monétaire par Sen A. (1973), méthode indirecte par Ringen S. (1988) ou droit à un

niveau minimum de ressources par Atkinson A. et al. (1998).

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où le bien-être matériel n’en représente qu’une partie (Muffels R. et Fouarge D., 2000; Szeles M., 2004). On retrouve dans cette catégorie l’approche de la pauvreté des conditions de vie ou encore des capacités, cette dernière ayant été définie initialement par Sen A. (1985). Enfin, il existe une approche dite subjective de la pauvreté qui, en fonction de sa conceptualisation, peut être classée aussi bien dans l’approche traditionnelle que dans l’approche multidimensionnelle. Cette mesure cherche principalement à refléter la perception qu’ont les ménages de leur niveau de bien-être à différents égards.

1.2.1. Pauvreté monétaire (ou approche traditionnelle)

Parmi les multiples approches de la pauvreté, celle qui s’intéresse à la mesure de la pauvreté monétaire est la plus utilisée par les économistes. Il s’agit également de l’indicateur le plus répandu dans les milieux médiatiques et politiques (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001). La théorie du bien-être est à la base de cette approche. Cependant, le niveau d’utilité des individus étant inobservable, la pauvreté monétaire s’exprime généralement à partir du niveau de vie et découle d’une insuffisance de ressources engendrant un niveau de bien-être trop faible (Marniesse S., 1999).

Dans ce cadre conceptuel, le seuil peut être défini à partir des revenus (forte variabilité) ou à partir de la consommation (plus stable) traduite en valeur monétaire. Il existe un grand nombre de méthodes alternatives pour fixer ce seuil et différentes approches de pauvreté peuvent être spécifiées en fonction de la méthode employée. On peut ainsi définir, entre autres, la pauvreté absolue, la pauvreté relative, la pauvreté administrative ou encore la pauvreté fiscale.

Pauvreté absolue

L’approche de la pauvreté absolue considère comme pauvre toute personne qui ne parvient pas à satisfaire, faute de moyen, un certain nombre de besoins jugés comme fondamentaux pour la survie quotidienne (alimentation, habillement, logement, santé) indépendamment du niveau de vie des couches supérieures de la société (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001). Le seuil de pauvreté correspond, dans ce cadre, à l’équivalent monétaire du panier de biens et de services permettant de répondre aux besoins de base. Il est calculé aux prix les plus bas et en tenant compte de la disponibilité des biens offerts sur le marché (Verger D., 2005).

Le premier à proposer une mesure de pauvreté absolue est Rowntree S. (1901) dans le cadre

d’une étude sur la pauvreté dans la ville de York en Angleterre. En se basant sur les travaux des

nutritionnistes américains du XIX

ème

siècle et en partant d’une hypothèse d’existence de besoins

de base, l’auteur a déterminé les besoins nutritionnels vitaux en calories par jour en fonction du

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sexe, de l’âge ainsi que du type d’activité des individus. Il a ensuite calculé l’équivalent monétaire de ces niveaux minimums de consommation. Etant donné que les autres besoins de base ne s’observent pas directement et qu’il est donc difficile d’en établir le coût minimum, Rowntree ajoute une somme forfaitaire aux coûts des besoins nutritifs journaliers, correspondant à l’achat des biens non alimentaires indispensables (Herpin N. et Verger D., 1997).

Actuellement, cette mesure n’est pas utilisée en Europe mais bien aux Etats-Unis où elle constitue la définition officielle de la pauvreté depuis les années 60. Le concept de pauvreté absolue est également employé dans certains pays anglo-saxons comme l’Australie ainsi que dans des pays de l’Est de l’Europe et dans de nombreux pays en voie de développement (Verger D, 2005).

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Plusieurs critiques peuvent être émises à l’égard de cette mesure. Une approche en termes de besoins de base peut sembler assez sommaire pour approcher les conditions de vie des personnes les plus pauvres. Plus particulièrement, cette mesure n’est plus tout à fait adaptée à l’analyse de la pauvreté dans les pays industrialisés. Elle demande également la détermination d’une norme concernant la définition des biens jugés comme « fondamentaux » qui peut être biaisée si elle reflète davantage le point de vue du scientifique ou du politique que les désirs et besoins réels des pauvres étant donné un certain degré d’ethnocentrisme ou de paternalisme (Fleurbaey M. et al., 1997). Enfin, elle suppose également un accès égalitaire à l’offre de biens et services aux prix les plus bas ce qui peut sembler un peu irréaliste pour les personnes les plus précarisées.

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L’ensemble de ces remarques fait que de nombreux pays, particulièrement au sein de l’Union européenne, sont passés à une mesure relative de la pauvreté.

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Il faut cependant faire remarquer que la mesure actuelle n’est plus tout à fait absolue étant donné qu’elle diffère en fonction des lieux et des périodes. Une mesure complètement absolue serait totalement irréaliste (Glaude M., 1998).

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Cf. Peña-Casas R. et Pochet P., 2001 ; Verger D., 2005.

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Pauvreté relative

Dans le cadre de l’analyse de la pauvreté relative, les pauvres sont comparés au reste de la société.

« Est considéré comme pauvre un individu qui vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à un seuil de pauvreté, généralement fixé comme une fraction du niveau de vie moyen ou médian

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de la population » (Cohen-Solal M. et Loisy C., 2001, p.7). L’objectif est de tenir compte de la distribution des revenus de la société à laquelle l’individu appartient. « Politiquement, ce choix est motivé par la volonté de faire bénéficier le plus grand nombre du niveau de prospérité moyen (ou médian) de chaque pays, et non d’un niveau de vie minimal (approche absolue) » (Guio A., 2004, p.10). Il ne prend pas uniquement en compte la satisfaction des besoins basiques et permet également de comparer l’état de la pauvreté dans des pays aux pouvoirs d’achats différents.

Néanmoins, et contrairement à l’approche absolue, l’utilisation d’un seuil relatif ne rend pas compte de l’amélioration objective des conditions de vie des pauvres dans le cas d’une augmentation uniforme du niveau de bien-être de l’ensemble de la population. Il est en effet facile de voir que, mathématiquement, si la distribution relative des revenus ne se modifie pas, le taux de pauvreté ne changera pas non plus (Glaude M., 1998).

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Par conséquent, les pays utilisant la notion de pauvreté relative orienteront leurs politiques de lutte contre la pauvreté sur la réduction de l’écart de revenu entre les personnes les plus précarisées et le reste de la population ainsi que sur l’amélioration du niveau de bien-être des personnes les plus pauvres. Par contre, dans cette optique, une croissance de l’économie ne changera en rien le sort des personnes les plus démunies. La notion de pauvreté relative est donc plutôt utilisée comme un indicateur d’inégalité (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001).

On remarquera également que si, contrairement à l’approche absolue, la problématique associée à la fixation d’une norme concernant les besoins fondamentaux ne se pose plus, il reste cependant une grande part d’arbitraire parce qu’ « à toutes les étapes de la construction de la mesure, des choix s’imposent et qui n’ont rien de scientifique » (Verger D., 2005, p.15).

Un premier choix concerne la mesure du niveau de vie. Ce dernier est généralement approché par la consommation ou, plus fréquemment, par le revenu monétaire

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annuel ou mensuel. Le choix quant à la périodicité du revenu est complètement arbitraire. Certains économistes considèrent

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Le revenu médian est tel qu’il partage exactement en deux la population: la moitié dispose d’un revenu plus élevé, l’autre d’un revenu moins élevé. L’avantage du revenu médian est de ne pas être sensible aux incertitudes des enquêtes relatives aux revenus extrêmes (plus particulièrement aux revenus élevés). Il est également plus stable d’une année à l’autre (Cohen-Solal M. et Loisy C., 2001). D’un point de vue plus philosophique, on peut considérer que « être pauvre c’est vivre à l’écart du mode de vie courant et celui-ci n’a pas à dépendre de la situation des plus riches » (Verger D., 2005, p.15). En effet, alors que la moyenne prend en compte les revenus les plus bas comme les plus élevés, la méthode d’analyse par la médiane consiste plutôt en une comparaison avec les classes moyennes.

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Ce qui est une critique qui lui est fréquemment adressée.

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Qui comprend les revenus du travail et les transferts sociaux.

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cependant qu’il serait également plus pertinent d’intégrer les revenus en nature (loyers fictifs, production domestique, etc.) qui influent sur la richesse et donc sur le bien-être du ménage. De même, il serait intéressant de prendre en compte l’existence de solidarités externes entre ménages que ce soit sous forme d’avantages en nature (tels que la garde d’enfants par des membres de la famille), de loyers ou factures payés par la famille ou encore d’octroi de pension alimentaire. Ces aides peuvent créer des différences significatives sur le niveau de pauvreté des individus (Hourriez J. et Legris B., 1997).

Après avoir déterminé le revenu à utiliser dans le calcul de la pauvreté relative, il est encore nécessaire de le transformer afin de pouvoir comparer des situations vécues par des ménages de taille et de composition différentes en tenant compte de l’importance des économies d’échelle réalisées par les ménages de grande taille. Ces dernières proviennent de la consommation commune de biens collectifs tels que le logement ou l’équipement ménager. Il est également nécessaire de tenir compte du coût d’une personne supplémentaire (l’arrivée d’un enfant ou la mise en couple), c’est-à-dire le revenu supplémentaire nécessaire pour garder le même niveau de vie (Hourriez J. et Olier L., 1997). Pour calculer ce revenu dit « équivalent

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», le revenu total est divisé par le nombre d’unités de consommation que compte le ménage. Il s’agit d’une formule pondérée appelée échelle équivalente qui assigne un poids de un au chef de ménage et un poids inférieur aux autres membres. Initialement, chaque adulte supplémentaire

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se voyait attribuer un poids de 0,7 et les enfants de moins de 14 ans un poids de 0,5. Cette mesure, appelée échelle d’Oxford, se basait sur les besoins nutritionnels des ménages évalués par des experts durant la seconde guerre mondiale (Glaude M., 1998). Actuellement, l’échelle équivalente dite de l’OCDE modifiée est plus fréquemment utilisée. Celle-ci a été définie de façon à mieux prendre en compte les parts plus importantes que certains postes de dépense ont pris dans le budget du ménage au cours du temps tel que le logement par exemple (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001). Cette échelle attribue un poids de 0,5 à chaque adulte supplémentaire et un poids de 0,3 aux enfants de moins de 14 ans. Ces méthodologies considèrent que plus le nombre d’adultes, et dans une moindre mesure le nombre d’enfants, dans le ménage est élevé, plus la compensation monétaire nécessaire pour maintenir le niveau de vie du ménage est importante. Ainsi, par exemple, le revenu d’un couple avec deux enfants de moins de 14 ans est divisé par un coefficient de 2,1 pour pouvoir être comparé avec le revenu d’un isolé, selon l’échelle de l’OCDE modifiée.

L’échelle d’équivalence est souvent soumise aux critiques en raison de son caractère arbitraire.

Elle considère d’une part que le coût du ménage est équivalent quel que soit l’âge des individus

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Il est également appelé revenu par unité de consommation.

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Est considéré comme adulte tout individu âgé de plus de 14 ans.

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qui le composent.

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D’autre part, la définition de l’échelle suppose une répartition égalitaire des ressources au sein du ménage, hypothèse assez forte à y regarder de plus près (Hourriez J. et Legris B., 1997).

Enfin, le dernier choix concerne la détermination d’un seuil séparant les pauvres des non pauvres.

On retrouve différents niveaux dans la littérature (40%, 50%, 60% ou 70% du revenu moyen ou médian ; les comparaisons européennes se faisant généralement sur base de 60% du revenu médian). Il s’agit, à nouveau, d’un choix complètement arbitraire.

Les pauvretés administrative et fiscale

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Le seuil de pauvreté peut également être fixé de façon administrative ou fiscale. La définition de la pauvreté administrative est fonction du contexte institutionnel du pays ou de la région considérée. On peut, par exemple, utiliser comme seuil de référence le salaire minimum. Les pauvres peuvent également être définis comme étant les bénéficiaires d’allocations sociales.

Cependant, selon certains auteurs, cette approche serait trop sensible aux changements qui surviennent dans la législation sociale ou au manque d’information sur les cumuls des prestations sociales. Elle ne considérerait également que les situations les plus précaires, le taux de pauvreté calculé à partir de cette méthode étant généralement inférieur à celui issu de la pauvreté relative (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001). Enfin, cette méthode rend difficile les comparaisons internationales.

La pauvreté fiscale consiste, quant à elle, à mesurer le revenu des ménages sur base des données fiscales qui ont l’avantage de reprendre les données de revenus sur toute la population.

L’inconvénient est que ces données ne portent que sur les ménages imposables, ne reprenant donc pas les individus les plus pauvres (ceux disposant de revenus sociaux immunisés ou trop bas pour être imposés), rendant ainsi les résultats biaisés vers le haut et ne donnant donc pas une bonne vision de la pauvreté.

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A titre d’exemple, elle considère que le coût d’un enfant est le même quelque soit son âge. Or, il serait plus vraisemblable d’imaginer une fonction de coût qui varierait avec l’âge de l’enfant (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001).

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Peña-Casas R. et Pochet P., 2001.

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Avantages et inconvénients de la mesure monétaire de la pauvreté

Si l’approche monétaire de la pauvreté, fortement critiquée, peut sembler réductrice au premier abord, elle n’est cependant pas totalement dénuée d’intérêt puisque nous vivons dans une société où l’échange marchand est prépondérant. L’accès aux ressources (facilité lorsque l’individu possède un emploi) permet d’acquérir des biens et services influant in fine sur le niveau de bien- être des individus. Le succès de cette approche peut aussi être expliqué par la grande disponibilité des données relatives à la distribution des revenus. Egalement, il s’agit d’un indicateur unique et basé sur un calcul moins complexe que celui permettant d’approcher la pauvreté multidimensionnelle

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, conduisant à des implications directes en matière de politique de lutte contre la pauvreté. Enfin, cet indicateur monétaire rend les comparaisons internationales relativement faciles.

Cependant, comme on a pu le voir tout au long de la section, l’approche monétaire est soumise à de nombreuses critiques au niveau de sa fiabilité. Elle repose en effet sur un grand nombre d’hypothèses et de choix méthodologiques. Cela fait d’elle une notion arbitraire, chaque convention donnant des valeurs différentes au taux de pauvreté. Le simple fait de déterminer un seuil est fortement subjectif étant donné le continuum de situations diverses que représente la pauvreté. Mais surtout, la principale critique adressée à la mesure de la pauvreté monétaire est qu’elle ne prend en compte que le revenu (ou la consommation plus rarement) pour juger d’une situation de précarité, ce qui peut être réducteur. Certains chercheurs sont donc allés plus loin dans la mesure de pauvreté en dépassant les notions de revenu et de consommation. On a ainsi assisté à un élargissement du cadre d’analyse pour arriver à des mesures de carences multiples incluant des dimensions autres que celle relative au revenu. Certaines approches ont été jusqu’à inclure des privations liées à la participation sociale, étendant ainsi la notion de pauvreté à celle de l’exclusion sociale. La section suivante se propose de passer certaines de ces mesures en revue.

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Cf. section suivante.

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1.2.2. La pauvreté multidimensionnelle

La pauvreté multidimensionnelle traduit l’impossibilité d’accéder à un certain mode de vie matériel, culturel et social, permettant de mener une vie décente dans une société donnée (Marniesse S., 1999). Il s’agit généralement d’une vision relative de la pauvreté mais qui est cette fois plus qualitative et basée sur la notion de minimum social. Dans ce cadre, la pauvreté peut toucher divers domaines tels que l’alimentation (déséquilibre nutritionnel, manque d’eau), l’habillement, l’équipement ou le logement. On peut également envisager une approche qui touche à la difficulté d’accès à certains services (scolarité, santé) ou à des domaines plus sociaux (relations, emploi, loisirs, etc.). L’élargissement des besoins pris en compte a permis une meilleure compréhension du concept de pauvreté à plusieurs égards. Premièrement, l’implication directe fut une mise en évidence du caractère multidimensionnel de la pauvreté. Deuxièmement, l’intégration de domaines sociaux a montré les connexions qui pouvaient exister entre la pauvreté et le phénomène plus vaste qui est celui de l’exclusion sociale. Enfin, cette approche souligne la nécessité d’envisager la pauvreté sous un angle dynamique, en tant que processus d’accumulation d’handicaps dans les domaines matériel et social (Peña-Casas R. et Pochet P., 2001). Dans ce cadre d’analyse ont notamment été définies la pauvreté des conditions de vie ou encore la pauvreté des potentialités.

La pauvreté des conditions de vie ou pauvreté d’existence

Selon cette approche, la distinction entre les pauvres et les non pauvres ne se fera plus sur base du revenu mais plutôt à partir des conditions d’existence et des modes de consommation des ménages. Dans ce cadre, l’objectif est d’identifier l’existence de manques ou de privations dans les différents domaines pris en considération. Sera pauvre l’individu qui cumulera les carences. Etant donné les multiples aspects pris en compte dans cette mesure de la pauvreté, cette dernière ne se traduit plus par un indicateur unique mais bien par un indicateur composite.

Cette approche particulière de la pauvreté est utilisée depuis la fin des années 70 avec Townsend P. (1979) figurant comme précurseur. Des auteurs comme Mack J. et Lansey S. (1985), Desai M.

et Shah A. (1988), Dickes P. (1992) ou encore Nolan B. et Whelan C. (1996) se sont également penchés sur le sujet par la suite.

La conceptualisation de cette approche n’est pas simple et fortement soumise à des choix

méthodologiques et à l’arbitraire, sans doute plus fort que dans l’approche monétaire. Pour

construire un indicateur composite des conditions de vie, il est en effet nécessaire de faire un

choix concernant les biens jugés comme nécessaires et les modes de consommation jugés

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normaux. Divers auteurs comme Townsend P. (1979) ou Dickes P. (1992) ont tenté d’élaborer des règles conceptuelles basées sur la construction d’axiomes afin de réduire la part de subjectivité dans la sélection d’indicateurs des conditions de vie (Lollivier S. et Verger D., 1997).

Deux idées essentielles ressortent de la réflexion de Dickes P. (1992). Premièrement, ce qui est important dans l’approche multidimensionnelle de la pauvreté, ce n’est pas tant un manque dans tel ou tel domaine mais plutôt le cumul des handicaps. Deuxièmement, ce mode de vie normal dont chacun devrait disposer doit se définir à partir des conditions d’existence qui expriment un manque de bien-être matériel et social perçu comme défavorable par la majorité de la population (Lollivier S. et Verger D., 1997).

Dickes P. (1992) a développé différents critères afin de mettre le plus d’objectivité possible dans la construction de l’indicateur des conditions de vie. Deux de ces critères sont particulièrement répandus dans la littérature. Premièrement, il est nécessaire que les biens et services ainsi que les pratiques et modes de consommation soient massivement répandus au sein de la majorité de la population. Il s’agit du critère de fréquence. Deuxièmement, il faut que les manques soient considérés comme défavorables ou inacceptables par la majorité de la population. Il s’agit du critère de consensus (Lollivier S. et Verger D., 1997).

Les domaines qui sont généralement pris en considération et que l’on retrouve régulièrement dans les questionnaires destinés à approcher cette conception de la pauvreté sont :

– la possession de biens de consommation durables largement répandus dans la population (TV, téléphone, électroménager de base, etc.) ;

– la possibilité d’acheter régulièrement des biens et services jugés indispensables (tels que pouvoir manger un repas composé de viande ou de poisson au minimum un jour sur deux, pouvoir acheter des vêtements neufs, posséder au moins un manteau chaud ou au moins deux paires de chaussures par individu) ;

– les conditions de logement (surface, confort (disposer d’une douche et d’un WC à la disposition exclusive du ménage), environnement, chauffage) ;

– le patrimoine et l’aisance financière des ménages (possession d’un logement, capacité d’épargne, réserves financières, pouvoir offrir des cadeaux, pouvoir inviter chez soi, etc.).

Une fois les éléments des conditions de vie sélectionnés à partir des critères de fréquence et de

consensus, un indice de privation peut être construit, valant un ou zéro selon que le manque est

observé ou non. Celui-ci peut être utilisé en tant que tel comme indicateur non monétaire de la

(15)

pauvreté. Ces items de privation peuvent également être combinés entre eux pour la construction d’un indice composite.

La critique principale adressée à cette approche concerne le choix normatif décidé par le scientifique ou le politique qui peut être influencé par une forme de paternalisme ou d’ethnocentrisme. Le chercheur pourrait très bien assimiler un comportement ascétique comme étant le résultat d’un manque de ressources ou une absence de besoins comme étant une frustration (Lollivier S. et Verger D., 1997). On pourrait également considérer comme trop facile ou futile d’assimiler une situation de précarité au fait de ne pas pouvoir partir en vacances au moins une fois par an ou d’avoir ses WC sur le palier (Delhausse B. et Sluse M., 2004).

Cependant, c’est le cumul de ces différentes privations relatives au confort moderne qui mène à des situations de pauvreté. « Ne pas recevoir d’amis faute d’un intérieur adéquat, ne pas pouvoir se maintenir propre faute de confort sanitaire, ne pas pouvoir rester en prise avec le monde par l’intermédiaire de la radio, de la télévision ou des journaux, tout cela a des conséquences dans tous les domaines, y compris sur celui de l’emploi, conséquences qui peuvent être déterminantes pour l’individu et ses enfants » (Lollivier S. et Verger D., 1997, p.18).

La pauvreté des potentialités ou des capacités

Cette approche de la pauvreté tente d’appréhender le bien-être humain au sens large. Ce dernier va dépendre des capacités des individus, qui peuvent revêtir de nombreuses formes (capacité de produire des revenus, capacité à rester en bonne santé, capacité de prendre des décisions, etc.).

Ces dernières vont donc bien au-delà des notions de revenus ou de privations matérielles. Ainsi, si un niveau de revenu élevé accroît le niveau de fonctionnement des individus, la relation entre revenu et capacité est interférée par une série de facteurs tels que l’âge, le sexe, le rôle social, le lieu d’habitation ou l’état de santé (Wagle U., 2002) : « Une personne instruite sera sans doute plus capable, par exemple, de transformer son revenu en un niveau de fonctionnement élevé. De même, une certaine faiblesse de revenu peut traduire un manque de capacité » (Wagle U., 2002, p.197). En outre, plus le niveau de capacité est élevé, plus l’individu bénéficiera d’un niveau élevé de liberté, ce qui élargira sa gamme de choix et de possibilités. Cette notion a été notamment introduite par Sen A. (1985) et est actuellement utilisée par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Dans ce cadre, la pauvreté est caractérisée par un manque de capacités dont la mobilisation aurait

permis de saisir les opportunités qui se présentent, rendant ainsi possible de se soustraire à la

pauvreté et de vivre correctement. Ce manque de capacités passe par une accumulation

insuffisante de capital. Cela peut concerner le capital physique (accès à la terre, aux équipements),

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le capital financier (accès aux actifs financiers, au crédit), le capital humain (niveau d’instruction) ou encore le capital social (réseaux des relations sociales, possibilité de se faire entendre) (Marniesse S., 1999). Etant donné la gamme très large de possibilités, dont beaucoup sont difficiles à mesurer, la conceptualisation de cette approche de la pauvreté reste encore aujourd’hui extrêmement difficile.

Selon Marniesse S. (1999), la pauvreté des potentialités peut être considérée comme une conséquence à long terme des deux autres formes de pauvreté et a pour effet d’accroître la vulnérabilité des individus face aux circonstances extérieures. Ainsi, la pauvreté monétaire, soumise à une grande variabilité à court terme peut avoir des conséquences à moyen terme sur les conditions de vie et, à plus long terme, sur les potentialités :

« Par exemple, au niveau microéconomique, un ménage se voit obliger de retirer ses enfants de l’école en raison de la baisse de son revenu. La pauvreté monétaire entraîne la non scolarisation des enfants et donc une pauvreté de conditions de vie, qui se traduit par l’arrêt de l’accumulation de capital éducatif, entraînant à terme une pauvreté de potentialités » (Marniesse S., 1999, p.3).

Cependant on peut également voir la relation entre ces trois approches de la pauvreté comme une boucle, un cercle vicieux au travers d’un cycle des générations.

Pour conclure, « alors que la pauvreté monétaire fournit une mesure facile de la pauvreté, la pauvreté des conditions de vie en retrace les principales caractéristiques et la pauvreté des potentialités en exprime les causes » (Marniesse S., 1999, p.3).

Il reste encore une forme de pauvreté que l’on retrouve régulièrement dans la littérature et qui peut se trouver classifiée aussi bien dans la pauvreté traditionnelle que dans la pauvreté multidimensionnelle en fonction de la manière dont elle est traitée. Il s’agit de la pauvreté subjective.

1.2.3. La pauvreté subjective

Dans le cadre de l’approche subjective de la pauvreté, les ménages sont interrogés directement

sur leur perception et leur niveau de satisfaction concernant leurs conditions de vie. Cette mesure

particulière est approchée sur base d’enquêtes dans lesquelles on peut retrouver des questions

destinées à appréhender les sentiments des ménages quant à leur situation, leurs priorités et leurs

difficultés budgétaires, leur capacité à pouvoir joindre les deux bouts, de pouvoir mettre de

l’argent de côté, etc. « L’avantage de cette démarche est qu’elle évite tout jugement normatif

extérieur, elle accorde une valeur extrême aux préférences individuelles » (Verger D., 2005, p.30).

(17)

Différentes méthodes permettent, sur base des réponses aux questionnaires, d’établir un seuil de pauvreté subjective. On peut, par exemple, définir une insécurité d’existence objective et une insécurité d’existence subjective (Delhausse B. et Sluse M., 2004).

La mesure d’insécurité d’existence subjective consiste à reprendre simplement les réponses des ménages aux questionnaires d’enquête sans les retravailler. On peut, par exemple, inventorier le nombre de ménages qui déclarent s’en sortir difficilement à la fin de chaque mois avec le revenu dont ils disposent.

L’insécurité d’existence objective consiste à retravailler les réponses aux questionnaires afin de les rendre plus objectives. Ainsi, à titre d’exemple, l’inconvénient de la variable relative au montant minimum dont le ménage devrait disposer mensuellement afin de pouvoir mener une vie décente est que les besoins et préférences des ménages ne sont pas identiques, à niveau de vie égale. En outre, l’interprétation de la question peut être différente en fonction du ménage considéré, certains répondant plutôt en termes de souhait et d’autres en termes de nécessité. Enfin, en fonction de la position des ménages sur l’échelle des revenus, la notion de « vie décente » ne correspond pas forcément au même concept.

16

Afin de rendre cette variable plus objective, on va déterminer un revenu médian minimum considéré comme nécessaire pour différentes catégories de ménage.

Dans les deux types de mesures énumérées ci-dessus, la pauvreté subjective est assimilée à la notion de pauvreté monétaire. Néanmoins, cette démarche peut aussi être utilisée pour la mesure des autres formes de pauvreté à condition de concevoir les questions de façon appropriée au contexte (Marniesse S., 1999).

Comme toutes les approches de la pauvreté, la notion de pauvreté subjective est soumise à un certain nombre de critiques. Le problème principal est que le seuil de pauvreté est fixé à partir de réponses à des enquêtes, qui peuvent être fortement influencées par la formulation et la compréhension des questions. Il est également difficile de mener des comparaisons internationales sur base de l’approche subjective de la pauvreté parce que les nuances de la langue n’assurent pas que les questions soient comprises de la même façon d’un pays à un autre (Herpin N. et Verger D., 1997).

16

Gardes F. et Loisy C. (1997) étudient comment le minimum déclaré varie avec les caractéristiques du ménage en

particulier en fonction de son revenu réel et détectent d’intéressantes variations selon la place occupée dans l’échelle

des ressources. Aux deux extrémités, la sensibilité des seuils minima au revenu réel semble plus faible que dans la

zone médiane comme si les pauvres et les riches avaient une conception de la pauvreté proche de la pauvreté absolue

alors que les classes moyennes raisonnent plus en terme relatif.

(18)

1.3 Conclusion

Cette section a démontré le nombre relativement important d’indicateurs existants qui permettent de mesurer la pauvreté, qu’ils soient de nature monétaire ou multidimensionnelle. Chacune de ces mesures a ses spécificités propres. Néanmoins, elles ont un point commun : elles incorporent toutes un fort degré de subjectivité, d’arbitraire et d’ethnocentrisme. « Le nombre de pauvres reste une grandeur purement conventionnelle qui dépend de multiples choix techniques, qui ont pour la plupart un contenu normatif implicite et souvent mal identifié. La recherche d’une mesure unique de la pauvreté s’apparente à une infructueuse quête du Graal » (Verger D., 2005, p.13).

Chacune de ces approches exhibe des apports spécifiques et mène à des résultats différents. Ne considérer qu’une forme de pauvreté mettrait ainsi l’accent sur une dimension particulière de cette dernière, laissant les autres de côté. Afin d’approcher le concept le mieux possible, certaines études économiques et économétriques ont multiplié les mesures de la pauvreté. Le plus souvent, on peut retrouver une mesure monétaire de la pauvreté, doublée d’une approche subjective auxquelles vient s’ajouter un indice des conditions de vie. L’objectif initial consistait à reproduire une image aussi fidèle que possible du niveau de bien-être des individus précarisés en analysant de quelle manière ceux-ci cumulent plusieurs formes de pauvreté, qui est donc dans ce cas perçue comme un phénomène multidimensionnel. Les analystes espéraient que le cumul des différentes mesures de la pauvreté convergerait vers la détermination d’un noyau commun de la population pauvre. Cependant, ces études (Fall M. et al., 1997 ; Lollivier S. et Verger D., 1997 ; Lollivier S. et Verger D., 1999 ; Delhausse B., 2003 ; Delhausse B. et Sluse M., 2004 ; Fahmy E. et Gordon D., 2005) démontrent que si ces trois mesures sont toujours positivement corrélées, cette corrélation est généralement assez faible même lorsque que les mesures sont prises deux à deux, en tout cas pour la France, la Belgique, la Slovaquie ou encore la Grande-Bretagne. Ainsi, sur base d’une coupe transversale, Lollivier S. et Verger D. (1997) démontrent que seule 2% de la population française cumule pauvretés monétaire, subjective et d’existence. 6% des ménages français font face à deux formes de pauvreté. A l’opposé, ils sont près d’un sur quatre à vivre dans au moins une forme de pauvreté. Les auteurs trouvent également que la dimension subjective de la pauvreté est un peu moins reliée à la dimension monétaire qu’à celle de la pauvreté d’existence.

Fall M. et al. (1997) obtiennent des ordres de grandeur tout à fait comparables pour la Slovaquie.

En Wallonie mais également en Belgique de façon plus générale, le noyau dur est plus élevé (5-

6%) et près d’un tiers des ménages vivent dans au moins une forme de pauvreté (Delhausse B.,

2003 ; Delhausse B. et Sluse M., 2004). Egalement, et contrairement aux études précitées, la

corrélation est plus forte entre la pauvreté subjective et l’approche monétaire. Si, à partir de

données en panel, Lollivier S. et Verger D. (1999) trouvent des corrélations supérieures à celles

(19)

obtenues à partir de données en coupe, elles restent néanmoins plus faibles que ce qu’on aurait pensé à priori. Par conséquent, les auteurs concluent que la « non-coïncidence des formes de pauvreté n’est pas un artefact » (Lollivier S. et Verger D., 1999, p.248).

A partir de ces résultats, on peut conclure que chacune des conceptions, si elles analysent le même phénomène, recouvrirait finalement des réalités différentes, soulignant la forte multidimensionnalité du phénomène de pauvreté. Par conséquent, cette dernière ne peut se réduire à une mesure unique. Néanmoins, si les trois approches de la pauvreté ne se recoupent pas complètement, elles ne sont pas non plus complètement indépendantes. Par conséquent, le cumul des trois mesures « permet de réduire les conséquences des imperfections de l’observation ou des insuffisances conceptuelles » (Herpin S. et Verger D., 1997, p.19).

A noter que, comme l’explique si bien Lollivier S. et Verger D. (2005), la prise en compte de la multidimensionnalité de la pauvreté au travers de trois dimensions doit plutôt être vue comme un minimum que comme un optimum. Dans leur étude, ils incluent ainsi sept facettes différentes de la pauvreté et démontrent que la détermination d’un noyau dur n’a finalement que peu de sens.

Ce qui compte c’est la manière dont les différentes formes de pauvreté s’ordonnent. Ils mettent ainsi en avant les multiples relations de causalités (retardées ou non) existantes entre toutes ces facettes. Ils concluent que l’incorporation de dimensions multiples permet finalement de mieux s’approcher de la réalité vécue par les personnes précarisées et se demandent donc s’il y a réellement un sens à vouloir un indicateur unique de la pauvreté.

Sur base de cette revue de la littérature concernant la définition et la conceptualisation de la

pauvreté, il a été décidé de cumuler trois définitions de la pauvreté, à savoir l’indicateur de

pauvreté monétaire relative, une mesure de la pauvreté subjective et enfin l’indice des conditions

de vie. Etant donné les résultats des études précitées, nous partons en effet du postulat que ces

trois mesures de la pauvreté couvrent des populations différentes. Par conséquent, le cumul de

trois insuffisances permettrait de se rapprocher plus de la réalité par rapport à la prise en compte

d’une mesure unique. Notre objectif consiste donc à déterminer dans quelle mesure les

transitions vers et hors du chômage affectent de façon différente les trois populations pauvres

identifiées. Ceci dans le but de mieux discerner les différentes réalités que ces trois indicateurs

recouvrent. Cependant, pour pouvoir mettre en place le modèle adéquat, il est nécessaire, au

préalable, d’étudier ce qui s’est fait et s’est dit au niveau international en matière de transitions

vers et hors de la pauvreté et des évènements déclencheurs qui y sont associés. C’est ce que se

propose de faire la section suivante.

(20)

2. Dynamique de la pauvreté et transitions sur le marché du travail : une revue de la littérature

Les premières recherches portant sur la dynamique de la pauvreté sont apparues dans les années 70 aux Etats-Unis (voir par exemple Morgan J., 1974 ; Levy F., 1977 dans Evanson E., 1981).

Elles sont nées plus tardivement en Europe (vers la fin des années 80), de telles études étant tributaires de l’existence de bases de données longitudinales. Néanmoins, suite à la disponibilité progressive de ces dernières, un nombre important de publications sur le sujet est apparu.

Par rapport à une analyse transversale, l’étude de la problématique de la pauvreté sous un angle dynamique permet d’élargir le cadre d’analyse et d’étudier le parcours des individus sur plusieurs années. Deux types d’étude sont possibles, qui ont mené à deux courants principaux dans la littérature portant sur l’analyse de la dynamique de la pauvreté. Le premier se concentre sur la persistance et la durée des épisodes de pauvreté tandis que le deuxième s’intéresse plutôt à la nature des mouvements d’entrée et de sortie de la pauvreté (à savoir celui qui nous intéresse étant donné la problématique de notre étude).

Les résultats relatifs à la littérature portant sur les transitions vers et hors de la pauvreté ont montré une image nouvelle de cette dernière, incorporant plus d’hétérogénéité que ce que les études transversales ont bien voulu montrer. Il semblerait, en effet, que les taux de pauvreté instantanés sous-estiment la part des personnes qui se retrouvent dans une situation de pauvreté.

Ainsi, sur base d’une comparaison internationale, Oxley H. et al. (2000) démontrent qu’entre 12 et 40% de la population étudiée (parmi les 6 pays de leur étude, à savoir le Canada, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis) fait face au moins une fois à une situation de pauvreté sur une période de 6 ans. Duncan G. et al. (1993) arrivent à des conclusions similaires pour le Canada, la France, l’Allemagne, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et les Etats-Unis. En outre, si les taux de pauvreté longitudinaux sont plus élevés que les transversaux, les périodes de pauvreté seraient par contre de durées relativement courtes (cf.

Oxley H. et al., 2000 ; Duncan G. et al., 1993). A titre d’exemple, Bane M. et Ellwood D. (1986)

ont reporté, pour les Etats-Unis, que 60% des personnes touchées par la pauvreté en sortent

endéans deux ans. Enfin, Duncan G. et al. (1993) concluent que: « the characteristics of the

temporarily poor are not very different from the characteristics of the rest of the population. Relatively

few families are immune to the possibility and economic consequences of about of unemployment or

the departure or death of a spouse » (Duncan G. et al., 1993, p.228). Pour ces pays, la pauvreté

(21)

semblerait donc être essentiellement un phénomène transitoire

17

pouvant toucher une large part de la population, aucune famille n’étant à l’abri.

Un pan important de la littérature a par conséquent voulu mieux comprendre les processus menant à la pauvreté ou permettant d’en sortir. Cette analyse est habituellement menée à partir du concept de pauvreté monétaire relative. La section précédente a montré que celle-ci est mesurée à partir du ratio du revenu disponible du ménage sur l’échelle d’équivalence. Par conséquent, les évènements déclencheurs sont définis comme faisant soit varier le numérateur (changement dans le revenu), soit varier le dénominateur (changement dans les besoins). Plus particulièrement, les changements sont le plus souvent subdivisés de la façon suivante :

- Modifications dans les rémunérations du ménage provenant du marché du travail ; - Modifications dans les revenus du ménage hors marché du travail ;

- Modifications dans la structure et dans la composition du ménage, qui incluent le divorce ou la séparation, le mariage ou la mise en ménage, l’arrivée d’un nouveau membre dans le ménage (une naissance par exemple) ou encore le départ d’un membre.

Ainsi, un changement dans la taille du ménage (telle que, par exemple, l’arrivée d’un nouvel enfant) va affecter le revenu équivalent parce que le revenu disponible sera distribué entre plus de membres. En cas de séparation ou de divorce, des économies d’échelle sont perdues parce que deux nouveaux ménages sont formés. Dans ce cas, il se peut que le revenu du ménage initial ne soit pas forcément redistribué selon les besoins respectifs des deux nouveaux ménages.

En partant de la théorie du capital humain et du modèle relatif aux choix de fécondité de Becker G. (1975, 1991)

18

, McKernan S. et Ratcliffe C. (2005), ont identifié les déterminants majeurs des revenus et de la taille des ménages. A partir de là, ils ont défini les différents évènements déclencheurs pouvant influencer la situation de pauvreté des individus.

Ainsi, les variations dans les revenus du travail peuvent être décomposées en un effet d’offre (changement dans les heures de travail prestées ou dans le statut d’emploi (emploi-non emploi)) et en un effet prix (changement dans le salaire horaire). Le nombre d’heures travaillées est

17

Il faut cependant faire remarquer que lorsqu’un ménage perdure dans une situation de pauvreté, la probabilité d’en sortir diminue de sorte qu’un groupe réduit de la population demeure dans cette situation avec peu de chances de s’en sortir (Oxley H. et al., 2000).

18

Becker G. (1991) a intégré la décision d’avoir des enfants dans la modélisation micro-économique du

comportement des ménages. Ainsi, les choix en matière de fertilité découlent d’une analyse coûts-avantages. Les

parents retireront une certaine utilité de leurs enfants mais devront également faire face à des coûts, notamment

d’opportunité du fait du temps accru consacré à la production domestique. Dans son modèle, le coût de l’enfant

augmente avec la productivité de la mère, ce qui implique que la fertilité décroît avec le niveau de salaire de la mère,

alors qu’elle a tendance à croître avec le niveau de revenu global du ménage (Landais C., 2007).

(22)

fonction du salaire (au travers des effets de substitution et de revenu), des revenus non salariaux (par un effet revenu), du nombre d’adultes dans le ménage (plus ils sont nombreux, plus les heures prestées peuvent être élevées), du nombre d’enfants (qui peut influencer le nombre d’heures consacrées à la production domestique, bien que l’effet ne soit pas le même en fonction du genre

19

), de l’âge des adultes et des enfants, de l’état de l’économie et des préférences (de par le goût pour le travail et sa valeur relative par rapport au loisir et à la production domestique). Le salaire horaire est, quant à lui, notamment déterminé par le niveau de capital humain, l’âge, le sexe, l’origine, l’état de l’économie et les politiques du marché du travail (notamment l’existence d’un salaire minimum).

Les revenus non salariaux consistent en la somme des transferts publics et des revenus privés.

Enfin, les déterminants de la taille et de la composition du ménage sont les coûts associés à la présence d’enfants et les revenus (selon la théorie de Becker G. (1991), les revenus jouent un rôle important dans la détermination de la taille du ménage, les ménages disposant de revenus élevés étant plus à même d’agrandir leur famille).

Les analyses de la nature des mouvements vers et hors de la pauvreté sont globalement de deux types. Une première catégorie d’études est de type plutôt descriptif. On y retrouve, entre autres, les études de Bane M. et Ellwood D. (1986)

20

pour les Etats-Unis, de Jenkins S. (2000)

21

et Jenkins S. et Rigg J. (2002)

22

pour la Grande-Bretagne ou encore de Duncan G. et al. (1993)

23

pour une comparaison internationale.

Ces études mettent en avant que les changements de situation sur le marché du travail d’un des membres du ménage comptent toujours pour une part importante (souvent la plus importante) aussi bien dans l’explication des probabilités d’entrée dans que de sortie de la pauvreté. Ces transitions sur le marché du travail expliquent toutefois plus les sorties de la pauvreté que les

19

Cf. par exemple l’étude de Kaufman G. et Ulhenberg P. (2000).

20

Bane M. et Ellwood D. (1986) ont été les premiers à s’intéresser aux évènements déclencheurs associés à des transitions en termes de pauvreté sur base du « Panel Study on Income Dynamics » (PSID), et ce pour les années 70.

21

Jenkins S. (2000) se base sur le « British Household Panel Survey » (BHPS), 1991-1996. Pour déterminer le nombre de personnes pauvres, il part du revenu disponible du ménage ajusté pour les économies d’échelle à partir de l’échelle d’équivalence « McClements Before Housing Costs ». Le seuil de pauvreté est fixé à 50% du revenu moyen de la population étudiée. Il étudie les mouvements hors de et vers la pauvreté en appliquant la même méthodologie que Bane M. et Ellwood D. (1986), à savoir déterminer l’évènement principal associé à une entrée ou à une sortie de la pauvreté.

22

Jenkins S. et Rigg J. (2001) utilisent les neuf premières vagues du « British Household Panel Survey » (BHPS) (1991- 1999). Pour déterminer le nombre de personnes pauvres, ils partent du revenu disponible du ménage ajusté pour les économies d’échelle à partir de l’échelle d’équivalence « McClements Before Housing Costs ». Le seuil de pauvreté est fixé à 60% du revenu médian.

23

Duncan G. et al. (1993) mènent une comparaison internationale de la dynamique de la pauvreté au cours des

années 80 pour huit pays: le Canada, la France, l’Allemagne, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et les

Etats-Unis. L’échantillon est restreint aux familles avec enfants. Les auteurs définissent comme pauvre un ménage

dont le revenu équivalent est inférieur à 50% de la médiane du revenu équivalent (défini à partir de l’échelle

d’Oxford) de la population considérée.

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