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Adultes migrants, langues et insertions sociales : dynamiques d'apprentissage et de formation

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Academic year: 2021

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Submitted on 9 May 2018

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Adultes migrants, langues et insertions sociales : dynamiques d’apprentissage et de formation

Fabienne Leconte

To cite this version:

Fabienne Leconte. Adultes migrants, langues et insertions sociales : dynamiques d’apprentissage et de formation. Adultes migrants, langues et insertions sociales : dynamiques d’apprentissage et de formations, 2016. �hal-01789229�

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Adultes migrants, langues et insertions sociales : dynamiques d’apprentissage et de formation

Le début du vingt et unième siècle est marqué par une grande diversification des migrations en Europe, tant sur le plan des origines géographiques, que des niveaux d’études ou des projets migratoires (Withol de Wenden, 2013). La situation actuelle est marquée par l’intensification des mouvements de population en provenance d’aires géographiques plus diversifiées qu’auparavant et concerne des personnes dont les histoires sociales et professionnelles sont aussi, pour partie, assez différentes de leurs prédécesseurs. Cette diversification des migrations a une incidence sur les répertoires langagiers des personnes arrivant en France aujourd’hui et partant sur leurs besoins langagiers et d’apprentissage. Les stratégies qu’elles vont mettre en place pour acquérir le français, s’insérer dans la société d’accueil découlent de leurs répertoires langagiers, mais aussi de leurs éventuelles qualifications professionnelles et de leurs attentes.

Dans ce cadre général, notre équipe a choisi de mener un projet de recherche dès 20101

« Plurilinguisme acculturation linguistique en français et insertion sociale des personnes » afin de mettre au jour l’influence respective des dynamiques sociolangagières dans les pays d’origine et dans les sociétés d’accueil. L’appropriation du français par des migrants est interrogée en lien avec leurs socialisations langagières passées et présentes. Loin de réduire les migrants engagés dans des actions de formation linguistique et professionnelle à leur seule maitrise du français, la posture de recherche développée ici s’appuie sur la prise en compte des répertoires plurilingues et pluriculturels dans les formations, dans les dynamiques d’apprentissage, dans la vie sociale et familiale.

Ce projet a fait suite à de nombreux travaux menés dans le laboratoire de sciences du langage de l’Université de Rouen sur les répertoires langagiers dans les migrations, les questions de transmission des langues premières aux enfants et d’apprentissages pluri-littéraciés. Les connaissances accumulées depuis une vingtaine d’années, par notre équipe et par d’autres, ont confirmé la nécessité de prendre en compte l’intégralité du répertoire des personnes, dans sa complexité ; il s’agit en d’autres termes de ne pas opposer une hypothétique « langue d’origine » au français langue de l’environnement, en faisant abstraction des autres langues du répertoire et des glottopolitiques dont elles font l’objet.

Dans les faits, les travaux menés dans le projet PALIS ont surtout porté sur l’appropriation du français par des adultes migrants, sur leurs représentations des langues et des apprentissages.

En cela, nous avons souhaité compléter des recherches portant sur les représentations des langues et des apprentissages de la seconde génération. Les travaux antérieurs de l’équipe étaient davantage centrés sur les enfants et les adolescents.

À la diversification des migrations a correspondu pendant la même période une structuration et une professionnalisation du champ de la formation pour adultes, notamment migrants. De plus, pendant la durée du projet de recherche est apparue une inflexion forte de la politique linguistique de l’État français envers les migrants. Des exigences accrues en matière de maitrise du français conditionnent désormais la citoyenneté, l’obtention de la nationalité et sont envisagées pour l’obtention d’un titre de séjour. Plus fondamentalement, ce qui est visé est une assimilation des personnes vivant sur le territoire français. La glottopolitique de l’État

1  Ce  projet  a  bénéficié  d’un  financement  de  la  région  Haute-­‐Normandie.  

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français est ainsi prise en charge par la DAIC (Direction de l’Accueil, de l’Intégration et de la Citoyenneté), i.e. par le ministère de l’Intérieur pour le volet migratoire. La politique linguistique affirmée à partir de 2011 fait peu de cas des répertoires plurilingues et pluriculturels des migrants, tendant à les réduire pour aller vers un hypothétique monolinguisme et mono-culturalisme franco-français, centré sur des « valeurs de la république » par ailleurs peu définies. Le débat est toujours vif sur ces questions.

Nous avons souhaité dans cet ouvrage maintenir le positionnement épistémologique et méthodologique choisi au départ : celui d’aller voir ce qui se passait dans les formations linguistiques pour adultes migrants, d’écouter et de donner la parole à des personnes qui l’ont rarement dans l’espace public : des adultes migrants engagés ou non dans des actions de formation linguistique. Nombre de contributions présentées ici s’appuient donc sur des recherches et recherche-actions de terrain. Les méthodologies mises en place ont pu prendre la forme de recueil de biographies langagières, d’entretiens avec différents acteurs des formations linguistiques, d’observations participantes, de mise en place d’outils didactiques, de cours filmés, etc. Ces observables viennent compléter des méthodologies plus éloignées du terrain comme des analyses de discours de textes divers (officiels, politiques, prescriptifs, didactiques) ou l’étude de résultats chiffrés produits par des enquêtes publiques. L’équipe a souhaité diversifier les recueils d’observables et les publics : personnes engagées ou non en formation, en situation régulière ou non, demandeurs d’asile, en France depuis quelques mois, quelques années, voire quelques décennies.

Cet ancrage auprès des personnes concernées est enrichi de recherches portant sur plusieurs dimensions et outils de la formation linguistique des migrants. Pour ce faire, sont développées ici un certain nombre de questions vives portant sur les relations entre langues et insertions en contextes migratoires. On a alors souhaité élargir les contributions à des membres extérieurs à l’équipe initiale.

Il s’agit tout d’abord d’une réflexion portant sur l’évaluation, particulièrement indispensable à l’heure où les certifications linguistiques tendent à être utilisées comme des moyens de mettre en place une immigration choisie dans certains pays européens. L’évaluation des compétences linguistiques à l’aide des certifications du Cadre européen commun de référence pour les langues a tendance à ne plus être au service de l’insertion dans la société d’accueil mais de l’exclusion. La réflexion sur les rapports dialectiques entre langues et insertions est aussi présente lorsqu’il est question de didactiser l’immersion, c’est-à-dire de mettre en place une didactique ayant comme objectif premier l’insertion des personnes et leur autonomie langagière dans leur environnement quotidien. Les relations entre langues et insertions sont aussi interrogées dans une analyse des manuels de français pour migrants lorsqu’ils sélectionnent des contenus langagiers considérés comme prioritaires et qu’ils en taisent d’autres.

Plusieurs thématiques fortes traversent l’ensemble des contributions à cet ouvrage. Les deux premières, inter-reliées malgré les apparences, n’étaient pas forcément prévues au départ du projet. Il est donc intéressant de s’y arrêter : elles nous disent quelque chose de l’état du débat et des préoccupations du terrain.

Il s’agit d’abord des politiques linguistiques actuelles et passées concernant les migrants, qu’elles émanent du Conseil de l’Europe, des États ou des collectivités territoriales. Elles conduisent à des prescriptions institutionnelles qui influencent voire contraignent les formations linguistiques proposées par les organismes de formation, et ce d’autant plus qu’ils sont soumis à des appels d’offre. L’analyse des politiques linguistiques envers les migrants n’était pourtant pas un axe central du projet au départ. Toutefois, la forte prégnance des politiques linguistiques envers les migrants s’explique aisément par les inflexions récentes

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liant « maitrise de la langue » et « intégration », sans que l’univocité du lien n’ait jamais été démontrée.

La seconde thématique transversale qui s’est imposée durant la recherche concerne les besoins langagiers, qu’ils soient exprimés par les personnes, repérés par les formateurs à partir de leur expérience professionnelle ou imaginés dans les prescriptions institutionnelles.

Les besoins langagiers devraient ou pourraient être à l’origine de la sélection des contenus langagiers proposés aux adultes migrants. On voit ici le lien, ancien, entre formation pour adultes, insertions sociales et visée professionnelle. La formation se doit d’être utile. La loi de 2004 instaurant la maitrise de la langue comme une compétence professionnelle est venue renforcer cette visée. À titre de comparaison, la société définit les contenus scolaires et de formation destinés aux enfants et adolescents sans que les principaux concernés ne soient consultés. S’agissant d’enfants, personne n’y trouve à redire. Certains contenus peuvent être contestés mais les instances chargées de les choisir, mises en place par le ministère de l’Éducation nationale, ne le sont pas. Pour des adultes, les projets de formation et d’apprentissage des personnes ne peuvent être ignorés sous peine de voir les actions de formation vouées à l’échec. D’où l’émergence – ou le retour sur le devant de la scène – de la notion de « besoins » langagiers et d’apprentissage qui semble aussi faire contrepoids aux prescriptions institutionnelles élaborées loin des structures de formation, comme le remarque justement E. Lebreton. La légitimité des instances qui élaborent ou prescrivent les contenus des formations linguistiques pour les adultes migrants n’est pas assurée. La volée de critiques qui a accueilli la mise en place du FLI (français langue d’intégration) l’a montré. Le fait que la politique linguistique destinée aux migrants soit pilotée surtout par le ministère de l’Intérieur contribue fortement à cette absence de légitimité. La réflexion autour des besoins langagiers permet aux acteurs des formations de prendre en compte la diversité des apprenants dans l’élaboration des contenus de formation et ce, dans un contexte où les politiques linguistiques tendent à uniformiser et à prescrire en fonction de catégories administratives. Réfléchir aux besoins langagiers permet aux formateurs de revenir aux fondamentaux du métier, à commencer par la centration sur l’apprenant, dans une période où les questions migratoires sont très – trop ? – présentes dans l’espace public et instrumentalisées dans le débat politique.

Enfin, la troisième thématique concerne logiquement la diversité des répertoires langagiers des adultes migrants, de leurs compétences orales et écrites, la pluralité des langues pouvant servir d’appui à l’apprentissage du français. Malgré la présence de ces trois thématiques, il ne sera pas possible de regrouper les contributions en trois parties distinctes, ces thématiques traversant plus ou moins l’ensemble des textes réunis ici. L’organisation de l’ouvrage suivra donc un fil plus exploratoire, partant de considérations générales (Leconte), s’appuyant sur l’analyse de pratiques en situation (Leconte, Boivin, Lebreton), passant par des analyses d’objets particuliers : la conception de dispositifs didactiques (De Ferrari, Laurens, Bruley), l’analyse de manuels (Denimal), l’évaluation (Huver). Sont ensuite adoptés des points de vue décalés, comme celui des sociétés de départ et des parcours linguistiques en terre d’accueil (Kebe) puis celui des pratiques de l’anglais en formation (Gonac’h), avant de revenir à une approche plus générale de l’ensemble des populations potentiellement concernées par la maitrise du français (Mortamet).

La contribution de Fabienne Leconte met en regard une brève comparaison des politiques linguistiques des différents échelons territoriaux (Europe, État français, Régions, etc.) et les parcours et représentations langagiers d’adultes en formation linguistique en français. Elle montre que si la pluralité des répertoires des adultes migrants est prise en compte dans les préconisations du Conseil de l’Europe, elle disparait aux échelons nationaux et territoriaux, pour réapparaitre dans les organismes de formation lorsque les formateurs ont été sensibilisés

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à la pluralité linguistique et culturelle. La politique linguistique actuelle de l’État français destinée aux migrants catégorise différemment ressortissants de l’Union européenne ou non, les « primo-arrivants » (arrivés depuis moins de cinq ans) et les autres, pour ce qui concerne les droits et les exigences linguistiques. À l’opposé de ces catégorisations administratives, des biographies langagières menées auprès de personnes en formation linguistique montrent la grande diversité des parcours et des attentes. Les représentations des langues et des apprentissages langagiers sont à la fois sous-tendues par les habitudes d’apprentissage acquises dans les pays d’origine, par l’âge, le genre, la composition du répertoire, les parcours qui ont mené les personnes jusqu’au centre de formation. Ces éléments du parcours entrent en interaction avec les besoins langagiers ressentis, liés à la dynamique de l’insertion en France et au projet de vie. On est très loin des catégorisations de l’État.

La diversité des répertoires et des parcours scolaires est le point de départ de la recherche- action présentée par Honorine Boivin qui s’est intéressée aux cultures éducatives des apprenants en lien avec les stratégies d’apprentissage mises en place. Elle reprend les notions de culture éducative et de culture d’enseignement proposées pour l’enseignement du FLE dans des contextes culturellement éloignés et se vivant ou perçus comme monolingues et monoculturels. Les entretiens réalisés auprès d’apprenants en formation linguistique en français et l’observation de leurs stratégies d’apprentissage montrent l’influence de la durée de scolarisation. Cela conduit à relativiser l’adéquation de la notion de culture éducative pour appréhender les stratégies des apprenants de français adultes en contexte migratoire. Lorsque le niveau d’études s’accroit, les stratégies d’apprentissage tendent à se rapprocher quelles que soient les origines nationales, et à être de type scolaire. Enfin, la présence de plusieurs ressortissants européens dans la structure étudiée confirme qu’il n’existe pas de spécificité du point de vue des apprentissages langagiers de ce groupe.

Les biographies langagières recueillies auprès d’adultes migrants en formation amènent immanquablement à poser la question des besoins langagiers ressentis et exprimés. Émilie Lebreton propose une réflexion sur les enjeux de l’identification des besoins langagiers dans les formations linguistiques pour adultes migrants. Elle souligne que cette notion reste peu souvent explicitée notamment parce qu’elle recouvre des réalités différentes selon les acteurs : apprenants, formateurs et prescripteurs de la formation. Les premières analyses de la recherche-action qu’elle a menée dans deux dispositifs situés dans l’agglomération rouennaise soulignent la nécessité de dépasser la simple question de l’outillage pour se diriger vers un travail réunissant les acteurs de la formation. Il est alors possible de construire une dynamique associant formateurs et stagiaires.

L’attention portée aux besoins langagiers des personnes migrantes et à l’urgence de l’insertion sociale est à l’origine de la conception de dispositifs didactiques spécifiques centrés sur l’immersion présentée par Mariela De Ferrari, Véronique Laurens et Cécile Bruley. Le contexte d’immersion dans lequel les migrants vivent en France est pris en compte dans la conception de dispositifs didactiques. Les auteures présentent des démarches formatives développées avec les migrants dans une approche actionnelle et interculturelle. Ici l’intégration de dispositifs pluriels permet de développer des compétences (y compris partielles) visant l’autonomie des personnes. Les exemples de didactisation de situations sociales potentielles proposées par les auteurs sont centrés sur les relations des migrants aux institutions.

Les thématiques des besoins langagiers et des relations langues / insertion sociale sont aussi au cœur de la contribution d’Amandine Denimal qui analyse des manuels de français récents conçus pour les publics dits migrants. Les manuels présentent l’intérêt de mettre à plat la conception que leurs auteurs ont des besoins de ces adultes, alors que ceux-ci font toujours l’objet de questions et de débats. Ces manuels révèlent des rapports complexes aux différents

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textes officiels censés cadrer les formations linguistiques et livrent des représentations de la socialisation des migrants à l’intérieur de la société d’accueil. La contribution montre de véritables projections du public auquel ils s’adressent. Ces projections mettent au cœur de l’insertion les relations de l’individu aux institutions et administrations. Certaines formes de stigmatisation sociale peuvent même apparaître, à propos de la scolarisation des enfants ou du respect des lois. On peut alors s’interroger sur les représentations des publics qui circulent dans des manuels censés favoriser « l’accueil », « l’intégration » ou la « formation ».

La contribution d’Emmanuelle Huver est centrée sur la thématique de l’évaluation dans les politiques de migration et d’intégration. Elle vient combler une lacune dans la mesure où l’évaluation est jusqu’à aujourd’hui peu abordée dans la littérature francophone. Pourtant, la place de l’évaluation a grandement évolué ces quinze dernières années dans les politiques migratoires et d’intégration, pour y occuper désormais une place centrale, ce qui influe en amont sur les usages de formation. Le panorama général des travaux existants et des règlementations en vigueur au niveau européen montre une possible instrumentalisation de l’évaluation à des fins de politiques migratoires (restrictives). La réflexion se centre ensuite sur les fondements épistémologiques de l’évaluation, et notamment sur le rapport techniciste au monde dont intégration, langue et évaluation procèdent conjointement. Le partage usuellement effectué entre politique et technique, et plus particulièrement la mise en œuvre de politiques sous couvert d’une prétendue neutralité instrumentale se trouvent remis en cause.

Les nouvelles exigences de l’État français en matière de maitrise de la langue sont au cœur de la contribution d’Abou Bakry Kébé qui propose de revisiter la langue comme « marche » vers l’intégration des migrants sénégalais et mauritaniens en France. La problématique de l’insertion linguistique est replacée dans l’historicité des personnes issues des sociétés subsahariennes en France et des relations entre ces sociétés. Trois biographies langagières de personnes arrivées en France à des époques différentes avec des répertoires langagiers en partie distincts permettent d’analyser des parcours de vie en les mettant en relation avec les représentations et parcours linguistiques en terre d’accueil. L’étude montre aussi comment la question de l’insertion linguistique en France est discutée et prise en charge par les associations de migrants qui ont intégré les nouvelles exigences linguistiques de la société française, notamment à l’écrit. Un autre fait saillant est lié au transfert des savoirs littéraciques du pulaar vers le français, que l’analyse d’extraits de cahiers d’apprenants migrants a permis de mettre en lumière.

Dans un autre contexte mettant en jeu de potentielles langues d’appui à l’apprentissage du français, Jeanne Gonac’h s’intéresse à l’utilisation de l’anglais dans des cours destinés à des demandeurs d’asile. Elle opte pour un point de vue à la fois sociolinguistique et didactique.

En didactique, la question est de savoir si l’utilisation d’une langue tierce est un frein ou un moteur à l’apprentissage d’une nouvelle langue. Les analyses issues d’observations de cours de français pour des demandeurs d’asile montrent que les usages de l’anglais sont loin d’être anecdotiques. Au contraire, ils ne peuvent être dissociés du processus d’enseignement- apprentissage. D’un point de vue sociolinguistique, elle remarque un certain nombre de réticences à l’utilisation de l’anglais en cours au vu de la prétendue menace que cette langue représenterait. L’auteure préconise la mise en place d’une véritable didactique du plurilinguisme dans laquelle l’anglais aurait sa place, y compris et peut être surtout avec ces publics.

Enfin, la contribution de Clara Mortamet sort du cadre des formations linguistiques pour élargir la focale à l’ensemble des personnes non scolarisées en France. Pour ce faire, elle présente d’abord l’enquête « Information et vie quotidienne », enquête nationale réalisée par l’INSEE auprès de la population résidant en France, et les principales questions qu’elle soulève concernant les personnes non scolarisées en France. Puis l’auteure analyse les

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données de l’enquête IVQ 2011, notamment les résultats aux épreuves de compréhension écrite et orale, de lecture de mots, d’écriture sous la dictée et de numératie. Cette étude permet d’appréhender sur un échantillon représentatif de personnes les éventuelles difficultés linguistiques des personnes non scolarisées en France, en comparaison avec les personnes scolarisées en France. Sont interrogées un certain nombre de variables sociales et linguistiques comme la durée du séjour en France, la langue de scolarisation, le pays d’origine, le niveau et type d’études, l’âge, le genre, etc., qui permettent d’avoir une appréhension plus fine des populations concernées et de la réalité de leurs pratiques.

En contrepoint à ces contributions, Silvia Lucchini dans la post-face choisit d’axer son propos sur la tension entre deux pôles : celles de l’aide apportée aux migrants par la formation et la prise en compte des besoins linguistiques et celle des effets opérés par l’action des représentations circulant dans la société et perceptibles dans les politiques linguistiques mises en place. Il s’agit d’abord du lien entre langue et intégration qui a clairement émergé en France à partir de 2011. La problématique est légèrement différente vue de Belgique. Dans les deux pays, pour la première génération, c’est l’accès au travail salarié qui a permis l’apprentissage de la langue. Elle souligne que, pour une langue première comme pour une langue acquise plus tardivement, l’intégration dans des réseaux communicatifs est première dans l’acquisition. À l’opposé des résultats de la recherche, certaines représentations actuelles considèrent la maitrise de la langue comme préalable à l’intégration, la langue devient alors un filtre privilégié dans un but de protection économique, sécuritaire et identitaire. L’auteure appelle à une reconnaissance inclusive de la diversité qui lui semble la seule issue non violente, l’aboutissement étant une société plurilingue et pluriculturelle.

À l’issue de ce travail quelques perspectives se dessinent pour approfondir et compléter les recherches menées. La première concerne les évolutions des pratiques langagières des migrants. Les circulations y compris langagières se sont accrues, favorisées par le développement des outils numériques et la baisse du cout des transports. On a assisté pendant la durée du projet à l’explosion des pratiques langagières numériques, notamment dans les structures de formation. La traduction immédiate sur le téléphone est devenue monnaie courante, elle peut amener de nombreux contresens. Une recherche spécifique sur les usages numériques en formation reste à mener. De plus, des descriptions des usages langagiers des migrants, oraux et écrits, médiés ou non serait nécessaire pour compléter la réflexion sur les besoins langagiers qui émerge en ce moment.

Par ailleurs, les travaux de Gonac’h et Kébé présentés ici montrent tout l’intérêt qu’il y a à prendre en compte les langues de scolarisation et de socialisation qui peuvent être distincts de la langue des premiers échanges. On voit apparaître ici la question de la reconfiguration des identités langagières chez des personnes qui souvent ont été scolarisées dans plusieurs langues voire en ont acquis d’autres dans des pérégrinations parfois longues.

Plus que jamais des travaux de recherche permettant de réfléchir à la reconnaissance inclusive de la diversité sont nécessaires.

Fabienne LECONTE Université de Rouen, EA 4701 – Dysola

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