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Contrôle des ressources, Stratégies de pouvoir, Paléolithique : une réflexion en queue de poisson.

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Academic year: 2021

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Contrôle des ressources

C o n trô le des ressources, S t r a t é g ie s de pouvoir,

P a léolithique :

en queue d

François Bon (UTAH - UMR 5608, Maison de la Recherche, Université de Toulouse - le Mirail)

Si les premiers mots de c e titre (le contrôle des ressources) recouvrent un dom aine a p p lica b le à l'arch éologie paléolithique, placer c e tte notion au service d 'u n e seconde (celle des stratégies d e pouvoir) devrait conduire to u t préhistorien raisonnable à poser sa plum e e t à retourner co m p te r d e (petits) cailloux.

En effet, de quelle fa ç o n aborder la notion d e « pouvoir » pour ces sociétés ? L'im age la plus couram m ent véhiculée prend précisém ent le contre-pied d e c e tte idée, en brossant le portrait d e sociétés égalitaires. C ette vision est en partie fo n d é e sur des données ethnologiques comparées, qui attribuent aux sociétés actuelles ou sub-actuelles p a rta g e a n t a ve c celles du Paléolithique le statut d e chasseurs-cueilleurs nomades, le fa it d 'ê tre faiblem ent hiérarchisées. En réalité, la question que nous devons nous poser est la suivante : d e quelle fa ç o n est susceptible d 'ê tre matérialisée l'expression du pouvoir pour de telles sociétés ? Si des notions relatives à la division sexuelle du travail o n t pu être évoquées (en particulier autour d e l'activité d e chasse), si des hypothèses sur l'existence d 'u n certain degré de spécialisation individuelle ont pu être formulées (en particulier dans le dom aine de l'art), si la notion m êm e d e hiérarchie sociale a été occasionnellem ent proposée (en particulier sur la base d e quelques sépultures renferm ant un très riche mobilier), le fa it que la gestion d e ressources participe à l'expression d 'u n pouvoir (d 'u n individu ou d 'u n groupe) n'a, à notre connaissance, jamais é té clairem ent argum enté pour le Paléolithique.

En revanche, le « contrôle des ressources » p e u t être interrogé sous l'an gle de la diffusion de matières premières ou d'objets m anufacturés p o u va n t participer à l'existence d e réseaux d 'é ch a n g e s (sans pour a u ta n t que c e tte pratique n'intègre la notion de « pouvoir »). Ce thèm e de la circulation de matériaux et d'o bjets constitue un vo le t très dynam ique des recherches consacrées au Paléolithique depuis déjà de nombreuses années. Si l'on considère la do cu m e n ta tio n relative à la culture aurignacienne dans le sud d e la France (c'e st l'exem ple d e c e tte culture qui marque, autour de 35-30 000 B.P., l'avè nem ent du Paléolithique supérieur dans c e tte partie d e l'Europe, que nous allons utiliser), plusieurs travaux récents ont a p p o rté des informations sur certains d e ces aspects.

La circulation d'o bjets sur des distances e x cé d a n t largem ent c e que l'on peut envisager com m e é tant le parcours quotidien d 'u n groupe humain a é té fréquem m ent mise en évidence. Les premiers éléments ayant permis de révéler de tels déplacem ents sont des objets d e parures, notam m ent en coquillag e (Taborin 1993) ; il en est ég a le m e n t d e perles e t de pendeloques confectionnées dans des matériaux (com m e certaines roches) d o n t il est possible d e déterm iner la provenan ce (White 1996). Ces ornements corporels ont récem m ent été rejoint par des vestiges plus prosaïques a p p a rte n a n t à l'éq uipem ent lithique. Depuis quelques années, les analyses consacrées à l'origine des m atériaux représentés dans les assemblages lithiques de plusieurs sites ont dém ontré la fréquence d'o bjets m anufacturés dans des variétés de silex originaires de plus d e 100 km des gisements concernés. Des distances d e 100 à 250 km ont égalem ent été enregistrées (au travers d 'o bjets toujours représentés, certes, en pe tit nombre). Ainsi, plusieurs stations pyrénéennes ont livré des objets en silex du nord de l'A quitaine ; réciproquem ent, plusieurs stations périgourdines ou lotoises co m p o rte n t des pièces en silex pyrénéens (Bordes e t al. à paraître ; Bon 2002). L'analyse de ces artefacts montre que, d'u ne fa ço n générale, les objets transportés sur des distances de l'ordre de 100 à 250 km ne sont pas des objets

« exceptionnels », par com paraison a v e c le m obilier co n fe ctio n n é dans les variétés locales d e silex. Au contraire, il s'ag it de pièces abandonnées à l'issue d 'u n e utilisation souvent intense, do n t les spécimens reproduisent une ga m m e d'a ctivités diversifiées (apparem m en t identique à celle illustrée par les objets en silex locaux) : on y trouve associés des nucléus à lamelles (lesquelles sont destinées, vraisemblablement, à participer à la fabrication d'arm es de chasse) et des outils sur lames ou sur éclats (qui forment, dans le contexte de

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l'Aurignacien, l'ou tillage dit domestique). Ces observations invitent à considérer ces objets com m e le reliquat d e l'é q u ip e m e n t a ya n t a c c o m p a g n é to u t ou partie d 'u n groupe au cours d e son d é p la c e m e n t sur d e vastes territoires.

À l'instar des coquillages, les industries lithiques p a rticip e n t d o n c à la mise en é vid e n c e de d épla ce m e n ts sur des distances importantes. Si l'on p e u t supposer que la circulation d e parures matérialise des c o n ta cts relevant d e liens sociaux entre les groupes, les objets lithiques reflètent peut-être d a v a n ta g e des dépla ce m e n ts à v o ca tio n plus directem ent économ ique. Quoi qu'il en soit, de tels déplacem ents tissent des liens entre des régions éloignées, pourtant parfois distinguées du point d e vue des faciès culturels qu'elles a b rite n t ; des régions, parfois séparées les unes des autres par des « barrières naturelles » (à l'instar des Pyrénées), que l'o n pe u t appré cie r com m e correspondant à des écosystèmes diversifiés (cf. les travaux d 'A . Tarrino e t D, O rtega 2002, sur la circulation d'o bjets en silex entre les versants nord e t sud des Pyrénées).

Ces indices d e circulation fournissent des pistes de réflexion sur le c o m p o rte m e n t des groupes, leur mobilité, leur c a p a c ité à exploiter des écosystèmes différenciés, etc.

Face à la question que nous nous posons ici, une notion mérite d 'ê tre retenue : c e transport d'o bjets p e u t être mis en relation a ve c la constitution d e stocks, elle-m êm e mise en relation a v e c une forte a nticipatio n par rapport à l'acquisition de l'éq uipem ent lithique. Or, c e tte pratique repose en partie sur l'exploitation privilégiée d e certains matériaux. Ainsi, dans plusieurs régions, il a p p a ra ît que certaines variétés d e silex ont, plus q u e d'autres, fa it l'o b je t d 'u n e exploitation destinée à constituer de tels stocks. Il en est ainsi du silex m aastrichtien du Bergeracois, d o n t les études consacrées aux occupatio ns aurignaciennes du nord de l'A q uitaine avaient, depuis déjà quelques années, dém ontré l'im po rta nce au sein des assemblages d e c e tte région (Demars 1982 ; Morala 1984). La fouille d e plusieurs ateliers implantés sur les gîtes (com m e celui de Barbas ; Boëda e t al. 1996), les analyses technologiques entreprises sur le mobilier de plusieurs sites d e c e tte région, sa fréquence dans une aire géographique couvrant to u t le Bassin aquitain jusqu'au pied des Pyrénées, sont a u ta n t d'élém ents confirm ant la valeur de son statut, Dans d'autres régions, d'autres matériaux semblent, toutes proportions gardées, revêtir un rôle co m p a ra b le : sans d oute est-ce le cas du silex d e Chalosse dans les Pyrénées atlantiques, celui du silex de Trevino au sud du Pays basque (A. Tarrino), ou encore le silex des Costières du G ard en Languedoc (travaux d e F. Bazile et G. B occaccio) : ces m atériaux ont servi à la constitution d e stocks, com m e l'attestent les séries régionales e t le souligne leur diffusion à m oyenne e t longue distance.

Ces observations nourrissent au premier ch e f une réflexion sur la gestion des ressources. Pour autant, peut-on parler d e « contrôle » (au sens fort du term e) des ressources ? Il n'est guère envisageable d e cerner l'existence d e groupes e t/o u d'individus contrôlant à proprem ent parler des ressources, qui seraient les pourvoyeurs de ces dernières, sous la form e d e m atériaux bruts ou d'o bjets manufacturés. En revanche, l'exploitation d e ressources spécifiques est m anifestem ent à m ettre en relation a v e c la connaissance précise d e gîtes de matières premières : la régularité d e la présence de certains m atériaux d e sites en sites, au fil de stratigraphies couvrant sans d o u te plusieurs centaines d'a n n é e s dans certains cas (ou, au contraire, au sein de plusieurs unités d 'h a b ita tio n contiguës com m e c 'e s t le cas sur le site d e plein air d e Régismont-le-Haut, Hérault, fouilles F. Bon), indique clairem ent que la connaissance de ces m atériaux fa it partie intégrante d 'u n savoir traditionnel, transmis de générations en générations. Ces gîtes fo n t très certainem en t partie d 'u n e géographie hum aine qui est un volet sans d o u te im portant d e l'ide ntité des groupes (Simonnet, 1996). C ette connaissance d e leur environnem ent minéral, qui participe d 'u n e appropriation du paysage, peut-elle être, d 'u n e manière ou d 'u n e autre, reliée à la notion de « pouvoir » ? La connaissance était-elle un p ouvoir pour les sociétés du Paléolithique ?

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Contrôle des ressources

Mer Méditerranée

I 3000 m W 1500 m20» m M W *

SO O m

-:200 m fr^ 100 *o LJôm

Ocean Atlantique

Classement p ar n° d'ordre

1 Flornos d e la Pena 32

2 Castillo 33

3 Pendo 34

4 Morin 35

5 Salitre 36

6 Otero 37

7 Polvorin 38

8 Santimamine 39

9 Ekain 40

10 Labeko Koba 41

11 Lezetxiki 42

12 Aitzbitarte 43

13 C habiague 44

14 Le Basté 45

15 Isturitz 46

16 Gatzarria 47

17 Tercis, Moulin d e Bénesse 48

18 Brassempouy 49

19 Garet 50

20 Cazaubon (Drouilhet) 51

21 Gargas 52

22 Les Abeilles 53

23 Aurignac 54

24 Tarté 55

25 Mas d'Azil 56

26 Tuto d e C am alhot 57 27 C a n e ca ud e 1 58 28 Les Cauneilles-Basses 59

29 Bize (Tournai) 60

30 Régismont-le-Flaut 61

31 La Crouzade 62

Romani Cal Coix Can Crispins Bruguera Arbreda M ollet I Reclau Viver Rothschild

L'Esquicho-Grapaou La Laouza La Balauzière La Salpêtrière Le Figuier Les Pêcheurs Rainaude

Grimaldi (Riparo Mochi, Les Enfants) Ségalar

Les Battuts La Moulinière

Beauville (Hui e t Toulousète) Las Pélénos

Les Ardailloux Laburlade abri Peyrony Le Piage Roc d e C om be Les Fieux Laussel

Le Flageolet, grotte XVI (Cénac-et-St-Julien) C am inade

La Ferrassie

63 La Faurélie 64 Lartet e t Poisson 65 Pataud 66 Cro-M agnon 67 La Rochette 68 Cellier 69 Le Facteur

70 Vallon d e Castel-Merle

(abris Castanet, Blanchard, La Souquette) 71 Labattut

72 Belcayre 73 La Bombetterie 74 Bos del Ser 75 Dufour 76 Font-Yves 77 Bassaler-Nord 78 C hanlat

79 C om ba del Bouïtou 80 Barbas

81 Champ-Parel 82 Pair-non-Pair 83 Roc d e Marcamps 84 Rochecourbon 85 Gros Roc 86 G rotte à Melon 87 C om be de Rolland 88 Les Rois

89 Les Vachons 90 La Quina 91 La Chaise

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François Bon

Éléments bibliographiques

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