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La construction de la voie technologique

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Academic year: 2021

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CONTRIBUTION DU SNES-FSU

Voie technologique, voie démocratique

L'existence de trois voies de formation au lycée : voie générale, voie technologique, voie professionnelle, est une originalité du système éducatif français. La présence de la voie technologique trouve son explication et sa légitimité dans le développement historique du système de formation, mais elle répond surtout à une demande sociale, contribue à relever les défis économiques, participe à l'acquisition d'une culture commune par le développement de pédagogies spécifiques, et est un élément majeur du service public de formation et de sa démocratisation.

La construction de la voie technologique

Lorsque vers 1830 les Ecoles Primaires Supérieures sont mises en place, elles s'intéressent à "l'étude des sciences et de leurs applications dans l'industrie". Dès les années 1850, les municipalités des villes où les industries se développent, créent des écoles qui dispensent un enseignement technique théorique puis pratique.

Dans le même temps, les gros industriels créent des écoles dont la mission est de former des "ouvriers qualifiés et dociles". Une commission de l'enseignement professionnel créée entre 1863 et 1865 définit que l'objet de l'enseignement technique est "la pratique des arts utiles et l'application des connaissances scientifiques aux différentes branches de l'industrie, de l'agriculture et du commerce". L'ensemble de ces initiatives est une réponse au besoin d'ouvriers qualifiés dû à l'essor de la révolution industrielle. La révolution, en mettant fin au système des corporations et de protection des métiers, avait porté un coup important à l'apprentissage, le compagnonnage parce que trop limité et trop entouré de secret ne pouvait pas répondre aux besoins du développement industriel en terme de transmission de savoirs. Mais c'est au début du 20ème siècle que les Ecoles Nationales Professionnelles (E.n.p.) de l'industrie et du commerce se voient confier la tache de "former des techniciens constituant le cadre intermédiaire entre le personnel dirigeant et le personnel ouvrier". Avant la seconde guerre mondiale, on compte plus de 250 établissements ( Ecoles Nationales Professionnelles, Ecoles Pratiques) qui scolarisent environ 70.000 élèves dont 15.000 filles. Les Brevets d'Enseignement Industriel, Brevet d'Enseignement Commercial, Brevet d'Enseignement Hôtelier ont été créés et c'est après la Libération que le Brevet Supérieur d'Etudes Commerciales est mis en place ainsi que le baccalauréat "mathématiques et technique" et le baccalauréat "techniques économiques de gestion".

Dans les années 60, les baccalauréats sont diversifiés et en plus du bac E « mathématiques et techniques », sont créés les bacs de techniciens F et G en 1965 qui deviendront bacs technologiques en 1985. Conservant leur logique de former les "cadres intermédiaires de l'industrie et du commerce", ces diplômes débouchent sur des formations supérieures préparant au B.t.s. (Brevet de technicien Supérieur) préparé dans les lycées et au D.u.t. (diplôme universitaire de technologie) préparés dans les Instituts Universitaires de Technologie.

Depuis 1985, les trois voies de formation du lycée se développent de façon complémentaire, les effectifs de bacheliers généraux augment de 65% pour atteindre 320 000, ceux des bacheliers technologiques passent de 82.000 à 129.000 et ceux des bacheliers professionnels de 0 à 150.000 (chiffres 2011). 15.000 bacheliers technologiques poursuivent leurs études en l.u.t. et 55.000 préparent un B.t.s.

Une demande sociale

Depuis le début du XXe siècle, la démocratisation du système éducatif et l'élévation du niveau de qualification ont accompagné l'évolution de la demande sociale des jeunes et des familles. Celle-ci s'est d'abord centrée sur le certificat d'études puis sur le brevet, sur le baccalauréat, et aujourd'hui elle vise le niveau de qualification III (bac + 2) et au delà.

Le système actuel s'est ainsi construit, au travers des luttes sociales, au carrefour des besoins de l'économie et de la demande sociale.

La réponse à cette demande est certes passée par le développement des séries existantes, mais aussi par la création de nouvelles, comme par exemple la série Sciences Economiques et Sociales (SES). Les gouvernements ont souvent mis en place de nouvelles filières interdisant la poursuite d'études à la fin du cursus, mais la demande sociale a régulièrement débordé cette volonté, ainsi avec les IUT et plus récemment avec le bac Pro. (90% de titulaires de DUT et 40 % des titulaires de bac pro poursuivent une formation initiale).

Face à la demande, confirmée par toutes les études et les sondages, ce qui est essentiel c'est la réussite des jeunes, de tous les jeunes, y compris parfois dans des séries qu'ils n'ont pas choisies au départ mais qui leur permettent de renouer avec le succès et la confiance en leurs possibilités. C'est dans la diversité des voies et des séries que chaque jeune pourra trouver les conditions lui permettant de développer ses capacités à son propre profit et à celui de la société.

Et dans cette perspective, la voie technologique est une forme de diversité dans la diversité des voies, avec ses séries et leurs spécialités recouvrant des champs technologiques variés.

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Chacun de ces champs technologiques devrait être assez large pour permettre de construire des savoirs transférables, tout en gardant une cohérence qui permette aux jeunes de s'y insérer, de s'y projeter.

Dans les années 80-90, la voie technologique a contribué à l'élévation du niveau de qualification des jeunes par le développement massif des BTS, devenus le débouché naturel pour la plupart des bacheliers technologiques.

Le dépassement du niveau bac+2 est aujourd'hui également une demande sociale ; les prépas ATS (post-BTS en 1 an) et licences professionnelles constituent probablement des réponses possibles à cette question, mais certainement pas les seules. Une réflexion est nécessaire pour construire une voie technologique aux niveaux Licence et Master.

Comme l'ont montré les "Assises des Formations Technologiques" organisées par le SNES en janvier 2010, la voie technologique contribue à une réelle démocratisation du lycée en permettant l'accès à de hauts niveaux de qualification à des jeunes qui n'auraient pas eu cette opportunité sans elle. http://www.snes.edu/Assises-des- formations,18606.html . Mais en même temps, la répartition par origine socio professionnelle des jeunes dans les séries technologiques est la moins déséquilibrée de l'ensemble des formations du second degré. La voie technologique peut donc d'une certaine façon être considérée comme un espace de non-ségrégation sociale au lycée. Elle peut être, selon nous, considérée comme la « voie démocratique du lycée » associant diversité et équilibre.

Origine socio professionnelle des élèves

On note que la répartition des élèves de la voie technologique correspond à la répartition moyenne de la population.

Un enjeu économique

Les formations technologiques permettent aux jeunes non seulement d'obtenir un diplôme mais également de prétendre à une insertion professionnelle. Les études de la DEPP montrent que les bacs technos ont plus de chances de décrocher un diplôme supérieur que les bacs généraux (et plus encore que les bac pro), il s'agit essentiellement de sorties à bac+2 ; au delà les chances s'inversent, et que les BTS et DUT sont, juste après les écoles d'ingénieur et de commerce, les diplômés dont l'insertion est la meilleure.

Dans un monde en évolution générale, les technologies évoluent encore plus vite. Les titulaires du BTS et/ou le DUT, de part leur capacité à prendre en compte les mutations des domaines professionnels, réussissent à suivre les évolutions, ce qui montre a posteriori l'intérêt d'une culture technologique large qui a permis aux étudiants de se forger « des savoirs transférables » au travers de l'étude d'un champ plus ciblé, et ceci sans enfermement dans un secteur étriqué.

L'enquête «Prospective formation-emploi à l'horizon 2015» pointe la nécessité, plus ou moins importante selon les scénarios, d'augmenter le nombre de sortants aux niveaux III ainsi que II et I, ce qui passe par un élargissement des BTS et une poursuite d'étude accrue pour eux.

Enfin, les formations technologiques comme nous les connaissons sont assez spécifiques à la France. Mais les diplômés français de la voie technologique intéressent nos voisins : Cela se traduit par la construction de "BTS européens" : l'exemple du BTS hébergement à référentiel européen qui pourrait être un élément de réponse aux difficultés du modèle allemand, et également au manque de techniciens qualifiés en Grande-Bretagne ou dans d'autres Etats.

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Des approches pédagogiques spécifiques

Si la voie technologique s'est construite en parallèle des deux autres voies, son existence ne repose pas uniquement sur un "antécédent historique", sa force et la justification de son développement viennent des approches pédagogiques spécifiques que les enseignants ont développées dès le début et jusqu'à nos jours.

Qualifiées d'inductives, les pratiques pédagogiques consistent à la mise en activité, dans des domaines professionnels cernés, pour arriver à la conceptualisation des connaissances.

Ce que Bernard Decomps appelle "formation par la technologie ou, pour être plus précis, de formation par des technologies" place la technologie comme objet de l'étude, avec pour objectif d'accéder à la culture, dont la culture technique et une composante à part entière. La voie technologique permet à de nombreux jeunes d'accéder à la culture commune, mais elle est elle-même un des espaces où se construit cette culture, notamment par les relations constantes qu'elle tisse avec le monde professionnel et ses acteurs.

La question des passerelles

Tantôt sélectives, tantôt moyen pour des jeunes en difficulté scolaire de poursuivre leurs études, les séries technologiques ont toujours cherché à centrer leurs enseignements autours de champs technologiques restreints (comptabilité, communication, mécanique, électronique...) mais en faisant tout pour que les compétences ainsi acquises soient transférables à d'autres champs technologiques voire à d'autres domaines. Cette ambition est un des éléments de construction structurelle des formations au lycée : puisque l'on forme dans un domaine précis avec pour objectifs d'ouvrir le champ des orientations futures, il est naturel de se poser la question, des passerelles entre les trois voies. Ainsi sont nées les premières d'adaptation, permettant l'accès des titulaires de Brevet d'Etudes Professionnelles au Baccalauréat Technologique, des classes de mise à niveau pour les bacheliers généraux qui souhaitent préparer certains B.t.s, (par exemple dans le domaine des Arts Appliqués) ou pour les bacheliers professionnels qui souhaitent poursuivre leurs études. Toujours fragiles, rarement institutionnalisées, ces passerelles sont trop souvent des variables d'ajustement pour les gestionnaires du système éducatif, mais il est remarquable que ces ponts entre voie générale, voie technologique et voie professionnelle s'appuient tous sur la voie technologique.

Les réformes gouvernementales

En niant les spécificités de la voie technologique, en essayant de la rapprocher de la voie générale ou d’intégrer certaines de ses formations spécifiques dans les spécialités des séries professionnelles, les réformes en cours risquent de porter un coup fatal à l’ensemble des formations en lycée. Que ce soit dans le secteur industriel et bientôt dans ceux des services et médico-sociaux, les évolutions, misent en œuvre, risquent de créer une frontière infranchissables entre les séries générale (où les jeunes seraient amenés vers des études supérieures) et les formations professionnelles réservées à la seule insertion professionnelle. L’application de cette politique, si elle se poursuivait, construirait un véritable « apartheid » social au lycée. Toute l’histoire du second degré, ses espoirs, ses réussites, seraient effacés du système d’éducation et de formation.

Et pourtant, héritière d'une riche histoire, lieu de recherche et d'expérimentation pédagogique, espace de construction culturelle, la voie technologique ne devrait pas avoir à craindre pour son avenir.

Pourtant des apprentis sorciers par soucis d’économie et aussi par idéologie égalitariste cherchent à supprimer une des richesse majeur du second degrè. L’histoire ne leur donnera pas raison.

Thierry Reygades

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