Europe du médicament
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les enjeux du moment
Danielle Bardelay La revue Prescrire
GRAS Bruxelles - 10 mai 2006
Qui autorise les médicaments vendus dans l’UE ?
• des autorisations de mise sur le marché (AMM) de plus en plus européennes.
• en 2005 :
– 41 nouvelles substances : AMM
européenne procédure centralisée
(dont 15 "médicaments orphelins")
– 30 nouvelles substances : AMM par reconnaissance mutuelle
et les AMM nationales ?
• en France, des rapports laconiques
• pour 2004, selon l ’Afssaps, 2293 décisions
• dont 596 octrois d ’AMM
• combien de nouvelles substances ? mystère ….… 10 ? plus ? moins ?
• et en Belgique ? vous allez le dire.
Qui signe les autorisations ?
• AMM nationale : directeur général de
l ’agence nationale, ou ministre de la santé
• AMM par reconnaissance mutuelle : directeur général de l’agence nationale, ou ministre
(après le directeur d’une autre agence)
• AMM européenne par procédure centralisée :
la Commission européenne
Qui rend l’avis scientifique?
• AMM nationale : commission d’AMM de l’agence nationale ou équivalent
• AMM par reconnaissance mutuelle :
commission d’AMM d’un État membre de l’UE
• AMM européenne centralisée : commission d’AMM (CHMP) de l’Agence européenne du médicament (EMEA)
Où se passent les travaux ?
(relatifs à l ’AMM)
• à Strasbourg ? NON
• à Bruxelles ? OUI
• à Londres ? OUI
• Paris ? Madrid ?... OUI
AMM nationales
• dans les capitales des États membres de l’Union européenne :
– avis scientifique (Commission d’AMM de l ’agence ou équivalent)
– signature (Directeur général de l’agence ou Ministre)
AMM par reconnaissance mutuelle
• à Uppsala, ou
Copenhague, ou La Haye, etc.
– avis scientifique et signature
• puis dans chaque État :
– reconnaissance – signature
• mais aussi :
– coordination pour harmonisation
(CMDh, ex-MRFG) – arbitrage éventuel
(referral ; avis du CHMP)
AMM européenne centralisée
• à Londres :
– EMEA (agence européenne du médicament)
– avis scientifique du CHMP
• puis à Bruxelles :
– Commission européenne
(Direction générale Entreprises - DG E) – signature de l’AMM
Combien ça coûte ?
• redevance pour une demande d ’AMM européenne centralisée : 232 000 euros
• redevance pour un "conseil" : (scientific advice ou protocol assistance) de 69000 à 232 000 euros
• budget 2005 de l ’EMEA : 112 millions d ’euros (dont 77 millions de redevances)
La Commission européenne et les autres institutions de l’UE
• Parlement européen
• Conseil des
ministres de l’Union européenne
• Commission européenne
de la puissance de la
Commission européenne
-1• des fonctions importantes :
– elle est à l’initiative des projets législatifs ; – elle applique les politiques et le budget ; – elle est la gardienne des traités : veille à
l’application du droit ;
de la puissance de la Commission
- 2• 25 commissaires
• et surtout plus de 22 500 emplois permanents dans ses services
(et 6800 emplois externes) en 2006
• une forte présence à Bruxelles
• la connaissance technique des dossiers
Le médicament dans la Commission européenne
• dépend de la Direction Générale Entreprises (DG E) chargée de :
– la bonne santé ... des entreprises – la compétitivité européenne
• mais la Direction Générale Santé et
Protection des consommateurs (DG Sanco) serait-elle vraiment préférable ?
Un aperçu du Parlement
• 732 députés de 25 États membres
• navette permanente entre Bruxelles (travaux en commissions parlementaires) et Strasbourg (votes)
• contradictions inter et intra groupes politiques
• forte pression des lobbies (lobby = couloir)
Un aperçu du Conseil des ministres
• 25 premiers ministres des 25 États
membres de l’Union ( = LE Conseil de l’UE)
• conseils des ministres par domaine
(exemple : conseil des ministres de la santé)
• COREPER : comités des représentants permanents des gouvernements
("ambassadeurs » des États membres à Bruxelles)
et les citoyens dans tout ça ?
exemple du Collectif Europe et Médicament
• comme révélateur du fonctionnement des institutions européennes
• comme preuve de fait que les absents
ont toujours tort, et qu’il vaut la peine
d’intervenir
2001 : deux propositions législatives majeures sur le
médicament
• une Directive sur le médicament destinée à être transposée dans chacun des États de l’Union européenne ;
• un Règlement sur l’Agence européenne et l’AMM centralisée, destiné à une application immédiate.
Objectifs affichés de la
Commission (DG Entreprises)
• un marché intérieur du médicament harmonisé ;
• une industrie européenne du médicament compétitive ;
• simplification des procédures ;
• souplesse et rapidité.
Dérives prévisibles
• des AMM vite octroyées : délai d’examen passant de 210 à 150 jours ;
• des AMM à durée illimitée : suppression de la réévaluation quinquennale ;
• aucune garantie de transparence des procédures et des décisions ;
Risques pour les patients
• pharmacovigilance : aucun renforcement et maintien de l’opacité ;
• autorisation de la DTCA : publicité directe auprès du public pour les médicaments de prescription (sous couvert d’information du public)
Protectionnisme excessif
• allongement important de la durée de protection des données :
– protection différente des brevets, et qui permet d ’empêcher un génériqueur
d’utiliser les données d’évaluation clinique relatives à un médicament princeps
– risque d’augmentation vertigineuse des dépenses de santé
Réactions et mobilisation
• hiver 2001 : consommateurs et patients contactent La revue Prescrire
• janvier 2002 : séminaire de Health Action International - Europe, sur les risques de la DTCA (direct to consumer advertising)
• février 2002 : lettre ouverte des experts du CHMP aux parlementaires européens, sur les risques de dérégulation
Naissance du Collectif
• mars 2002 : les différents acteurs concernés se réunissent à Paris
– associations de patients (Aides, Act ’up, TRT5…) – organisations de consommateurs (UFC, INC...) – professionnels de santé (ISDB principalement) – organismes d ’assurance maladie (FNMF, AIM…)
• créent le Collectif Europe et Médicament et écrivent une plate-forme résumant leurs
Des objectifs communs
• enrayer le processus de dérégulation
• préserver la qualité de l ’évaluation
• renforcer la pharmacovigilance
• exiger la transparence des institutions
• assurer la représentation des patients
• limiter la dérive protectionniste et ses
conséquences financières
Des convergences évidentes
• très vite le Collectif compte plus de 50 organisations membres d’une douzaine d’États membres de l’Union ;
• les organisations européennes
commencent à collaborer : HAI, BEUC,
GPUE, ESIP, etc
(et toujours l’AIM)Une procédure de co-décision complexe et longue
(plus de 2 ans)• projets déposés par la Commission européenne ;
• première lecture au Parlement européen ;
• position commune du Conseil des ministres ;
• deuxième lecture au Parlement européen ;
• phase de conciliation ;
• adoption par le Parlement et le Conseil.
Adapter les méthodes
• un collectif travaillant en réseau
• une structure ultra légère, réactive
• apprendre à connaître les institutions et les règles de fonctionnement
• apprendre à faire savoir, à convaincre
• multiplier les formes d’action
• ne pas se fatiguer trop vite ...
Un Parlement très accessible
• beaucoup de députés très actifs
• des attachés joignables, incontournables
• des traducteurs époustouflants
• l’impressionnante diversité des thèmes
abordés (de la pêche au cabillaud jusqu’au médicament)
• le manque de temps pour approfondir
• la présence massive des lobbyistes dans les couloirs, les restaurants, etc.
Des ministres lointains
• peu présents (travail réalisé par les COREPER, chevilles ouvrières)
• comportements souvent plus nationaux qu’européens
• très sensibles à leurs industries
nationales (GSK pour les britanniques, AstraZeneca pour les suédois, etc. etc., devinez pour la France)
• d’accès très difficile : méthodes toniques nécessaires
La Commission européenne omniprésente
• prépare les propositions de textes
• en concertation avec les lobbies industriels (DG Entreprises oblige)
• est présente aux commissions parlementaires
• est présente aux réunions des COREPER et des ministres
• connaît parfaitement les procédures, les moments clés, les personnes clés
Des méthodes classiques ...
• fiches d’information
• communiqués et conférences presse
• contacts téléphone
• listes de diffusion
• délégations, RV
• participation aux
travaux des députés
aux méthodes...plus toniques !
• pétitions remises en mains propres
• insistance téléphonique
• zapping fax
• blocage d’institutions
• banderoles dans les commissions
parlementaires ...
Impressions positives
• des députés parfois très réceptifs,
demandeurs d’informations techniques ;
• un ministre exceptionnel d’un seul État peut empêcher une dérive, par nécessité du
compromis ;
• il est possible d’intervenir dans le débat, d’éviter que les textes soient adoptés
inchangés, dans l’indifférence et la rapidité
Impressions négatives
• ces actions demandent beaucoup d’énergie et de disponibilité ;
• les lobbies industriels sont beaucoup plus disponibles sur place que les citoyens ;
• l’opacité des phases ultimes de conciliation est encore bien trop grande ;
• la quasi totalité des medias présents manque d’indépendance (financière et intellectuelle)
Résultats concrets positifs
• des obligations de transparence pour les agences (application du règlement européen sur l ’accès aux documents) ;
• petits progrès dans l’indépendance financière des agences (financement pharmacovigilance) ;
• procédure centralisée (plus transparente) pour 6 catégories de médicaments ;
• délai d’examen des demandes d’AMM
maintenu à 210 jours (dont 80 jours pour l ’analyse
et encore ...
• pas d’AMM éternelle : ré-examen après 5 ans de la balance bénéfices-risques ;
• retraits, refus d’AMM et obligations post-AMM rendus publics ;
• usage compassionnel reconnu (mais flou sur le financement) ;
• étiquetage des médicaments amélioré
(braille, DCI maintenue, notices testées, etc.)
et encore ...
• financement indépendant des activités de pharmacovigilance des agences ;
• pas d’autorisation de la publicité directe
auprès du public pour les médicaments de prescription ;
• représentation des patients et des professionnels de santé au Conseil
d’administration de l’Agence européenne du médicament (EMEA)
Résultats négatifs
• toujours pas d’accès véritable aux données de pharmacovigilance ;
• pas de notification directe des effets indésirables par les patients ;
• un allongement excessif de la durée de
protection des données (pour une nouvelle indication, pour un switch, pour une substance d ’usage bien établi ; et
définition floue du biogénérique) qui aura de graves conséquences financières.
Les délais d’application
• 20 novembre 2004:
Règlement appliqué à l’EMEA
• 30 octobre 2005 :
Directive en principe transposée
• 20 mai 2008 :
procédure centralisée élargie
L ’application des acquis
• suivre la transposition de la Directive 2004/27/CE pour éviter :
– manquements en termes de délais
– manquements sur le fond, par agissement ou par omission (exemple de la France)
• contribuer à la préparation de l’opinion :
– ex de la campagne DCI du Collectif
Acteurs de la transposition
par exemple en France
• ministère chef de file (santé) :
• SGCI (secrétariat général du comité interministériel) :
• parlement national :
• prépare le (les)
projet(s) de texte (s)
• discute avec autres ministères et divers
partenaires (dont Com UE)
• seulement si loi ou décret en Conseil
Les prochaines batailles
• AMM conditionnelle
• médicaments pédiatriques
• thérapies
"innovantes"
• information patient (DTCA déguisée)
• santé mentale
• prix européen, etc.
• trop tard !
• en cours de
deuxième lecture
• début de première lecture
• offensive tous azimuths !
• à pas feutrés
• faux-semblants
Médicaments pédiatriques
• comme pour médicaments orphelins : bonnes intentions affichées, et détournements en pratique
• pour quels besoins ?
• avec quelle garanties d’évaluation ?
• quelle information pour parents et soignants ?
• quels délais de mise à disposition ? (pour les
médicaments vraiment utiles)
• des incitations, mais quelle contre partie ?
Thérapies "innovantes"
• thérapie génique, thérapie cellulaire, cultures de tissus (tissue ingineering) ; alias
"advanced therapies"
• une harmonisation bienvenue (avec un statut de médicament)
• mais risque d’une grande flexibilité des exigences sous couvert d’adaptation à la
science (les trois tiers : legislative framework / comitology / guidelines)
Information patient
- 1• en 2002 les députés européens avaient rejeté massivement la proposition de la
Commission d’autoriser la publicité directe au public pour certains médicaments de
prescription (494 voix contre 42)
• en 2006 la Commission y revient … beaucoup mieux préparée !
Information patient
- 2• gommage des mots qui fâchent : exit la
publicité, on parle d ’information ; exit le PPP, on parle de simple partenariat ; etc.
• simulacre de consultation très large pour impliquer tous les acteurs : Pharmaceutical Forum des DG Entreprise et Sanco, unies pour l’occasion
• longue préparation médiatique, recherche de soutiens parmi les députés PIN), etc.
Une bataille très difficile
• beaucoup de démagogie
• des députés nouveaux
• des associations de patients financées par l ’industrie
• le pouvoir des annonceurs !
• un débat intense aux USA, au
Canada et en
Nouvelle Zélande
• des universitaires et chercheurs
dénonçant le
disease mongering
Besoin de toutes les bonnes volontés
• Les îlots de résistance (comme le GRAS!) sont nombreux
• … tellement moins puissants que le lobby industriel et ses alliés
• mais … tellement déterminés !
• Souhaitons nous bon courage et succès !