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UNE FILLE EN OR.

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U N E F I L L E E N OR.

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UNE FILLE EN OR

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ANNE BEAUCHAMPS

UNE FILLE EN OR

ROMAN

LIBRAIRIE TALLANDIER 17, rue Remy- Dumoncel

PARIS ( X I V

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© 1957 bg Librairie Jules Tallandier.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris la Suède et la Norvège.

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UNE FILLE EN OR

I

Au-dessus du cliquetis régulier de trois machines à écrire, une voix s'éleva, triom- phante :

— Vive la loterie ! Vive la France ! Les trois machines s'arrêtèrent net et l'on vit Claudie Brunetière, lâchant le journal qu'elle tenait, exécuter au milieu du bureau un be-bop sensationnel.

Avant que les trois jeunes dactylos aient eu le temps de revenir de leur étonnement, la porte du fond s'ouvrit et celle qu'on appelait « Cara- fon », une vieille archiviste toute ronde, mais avec un cou très long, fit irruption dans la pièce. Elle fut tellement saisie par le spectacle qu'offrait Claudie que ses mains se mirent à trembler et elle balbutia, d'une voix blanche :

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— Je... Qu'est-ce qui vous prend ?... Je pense que vous perdez la tête !

— Il y a de quoi ! cria Claudie, s'arrêtant subitement de danser. Chère madame Larigot, je suis millionnaire ! Multimillionnaire ! Vingt- cinq fois millionnaire ! C'est trop beau !

Sur ce, elle saisit Carafon et, un bras autour de sa taille, lui fit exécuter deux ou trois tours de valse qui laissèrent la vieille demoiselle titu- bante et à bout de souffle.

Maintenant, ses trois compagnes étaient auprès de Claudie.

— Quoi ? Vous avez gagné ? demanda Lucette, la benjamine.

— Le gros lot ! Et comment ! Ah ! mes enfants, c'est le plus beau jour de ma vie !

— Vous êtes bien sûre que c'est le bon numéro ? risqua Nicole Charpentier qui, par nature, doutait toujours de tout.

— Je ne suis pas folle ! 12.743, série V...

Je le connais comme mes poches !

— Faites voir si c'est bien cela, demanda Juliette Bertrand.

— Vous n'avez qu'à regarder le journal : 1,2,7,4,3. Pas la moindre erreur ; d'ailleurs, je l'avais noté sur mon carnet...

Claudie tira de son sac à main un petit

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agenda « Rendez-vous » et montra, triompha- lement, inscrits à la dernière page, les cinq chiffres fatidiques.

— Mais on l'a tirée hier soir ; comment ne l'avez-vous pas su plus tôt ? demanda Lucette.

— Parce qu'hier c'était la fête de maman et que tout le monde à la maison a oublié la loterie.

— Faites voir le billet !

— Je ne l'ai pas. Je ne l'ai pas sur moi.

C'est maman qui l'a rangé. Mais c'est moi qui l'ai acheté, et sur mes économies ! Je peux faire ce que je veux de cet argent !

Claudie se laissa choir sur une chaise, comme accablée, soudain, par le poids de sa for- tune.

— Vingt-cinq millions ! dit-elle. Non ! Quand j'y pense !

— N'y pensez plus ! dit alors M Larigot, qui venait de reprendre ses esprits. Et tapez vos circulaires. Vous savez que c'est urgent...

— Urgent, mon œil ! cria Claudie que les paroles de Carafon venaient de faire bondir sur ses pieds. Je ne travaille pas les jours de fête ! Ah ! ça, non, c'est fini ! A partir d'au- jourd'hui, fini le bureau, fini le métro, fini de courir !

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— Qu'est-ce que vous allez faire ? demanda Nicole.

— J'ai ma petite idée ! Je l'ai depuis long- temps.

— Mesdemoiselles, reprit Carafon, au tra- vail ! Vous avez perdu assez de temps comme ça !

— Ah ! non, par exemple ! reprit Claudie, avec l'autorité que donne aux plus timides un compte en banque bien approvisionné. Non ! Madame Larigot, on arrête cinq minutes.

D'ailleurs, il faut que nous fêtions ça ! Sur ce, Claudie décrocha l'appareil et dit d'une voix joyeuse au bout du fil :

— Allô ! Vous êtes bien la brasserie du Clos ? Voulez-vous faire porter immédiate- ment ... six... non, dix ! Non, douze bou- teilles de Champagne !... Oui, le meilleur !...

Quoi, 1.800 ?... Très bien, ça va, le prix importe peu... Chez Dupont et Vernet... Oui ! Et les coupes avec, s'il vous plaît !

— Je ne sais pas si je dois autoriser une pareille dissipation, objecta M Larigot.

— Vous trouverez la réponse quand les bou- teilles seront là, dit Claudie. Je vous invite bien cordialement !

Tout en parlant, elle feuilletait fébrilement

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l'annuaire du téléphone et, quand elle eut trouvé ce qu'elle y cherchait, elle fit, de nou- veau, un numéro.

— Allô ! la maison Ixe ? C'est une com- mande. Urgente ! Voulez-vous livrer tout de suite... cinq kilos de petits fours frais ! Ça va, cinq kilos ? dit-elle, tournée vers ses com- pagnes qui commençaient de se réjouir sérieu- sement.

— Dites qu'ils en mettent à l'ananas, souf- fla Carafon, rougissante.

— Et un kilo à l'ananas ! reprit Claudie.

— Non, non ! C'est trop ! Qu'ils mettent aussi des pâtes d'amande, reprit Carafon, enhardie.

— Et un kilo à la pâte d'amande ! C'est cela ! Chez Dupont et Vernet, 15, rue Meurice, troisième étage. Qu'on demande M Brune- tière. Tout de suite, hein ! je vous recom- mande !

Un peu honteuse, sentant son autorité com- promise, Carafon se retira dans le bureau d'à côté et disparut pour un instant.

Sitôt qu'elle eut refermé la porte, Claudie reprit :

— Quand je pense que je me suis réveillée multimillionnaire sans le savoir ! Quand je

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pense que je me suis endormie multimillionnaire sans le savoir !

Elle était assise sur sa chaise, devant sa machine à écrire, qu'elle avait déjà recouverte, et elle faisait plaisir à voir.

Tout son corps semblait détendu dans une sorte d'attente heureuse, comme si les liens qui l'avaient enchaînée au train quotidien de la vie et à sa succession d'activités s'étaient subi- tement rompus, en la dotant d'une merveilleuse et fraîche disponibilité.

Son visage resplendissait, illuminé par la joie comme par un projecteur puissant. Ses beaux yeux noirs semblaient encore plus grands, plus vifs qu'à l'ordinaire, sous les boucles brunes et courtes de sa coiffure à l'Aiglon.

De nouveau, brusquement, elle bondit sur ses pieds.

« Quel dommage que maman n'ait pas le téléphone ! dit-elle. Mais, à quoi est-ce que je pense ? Il faut que j'appelle mon frère ! »

— Allô ! fit-elle, après avoir décroché l'ap- pareil. C'est bien l'Assurance-Vie ? Puis-je parler à M. Brunetière, le poste 7 ? Merci...

C'est toi, Pierrot ? Oui, c'est Claudie. Tiens- toi bien, mon vieux. Tu ne sais pas ce qui nous arrive ? J'ai gagné le gros lot ! ! ! On

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est multimillionnaires ! Multimillionnaires, je te jure !... Ah ! non, dis donc, tu peux quand même attendre jusqu'à demain... Tâche de trouver une excuse et de rentrer chez nous à midi. Moi, je plaque tout !... Mon vieux Pierrot, à nous la vie !

Elle raccrocha et dit à ses compagnes :

— Il dit qu'il veut se payer le scooter de ses rêves. Il veut l'acheter tout de suite, il exagère ! On appela la jeune fille. Le champagne arri- vait.

— C'est combien ? demanda Claudie.

— Rien, mademoiselle ; c'est déjà payé.

— Quoi ?

Arrivait la pâtisserie.

— Combien est-ce que je vous dois ?

— Ne vous tracassez pas, mademoiselle, la note est déjà réglée.

— C'est plus mirobolant que tout ! cria Claudie. La preuve qu'on ne prête qu'aux riches ! C'est égal, ajouta-t-elle, tout en faisant sauter le bouchon d'un Hiedsieck de la bonne année, je me demande qui joue le père Noël ? Le bouchon alla frapper celui qu'elle venait d'évoquer. C'était le patron qui entrait...

M. Vernet en personne !

— Oh ! excusez-moi ! fit Claudie.

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— Il n'y a pas de mal, dit-il.

Courtois et épanoui, il avançait vers la jeune fille.

— Mademoiselle, je vous félicite... au nom de toute la direction ! La chance est un don, autant que la beauté... Et la Fortune, quoi qu'on en dise, n'est pas aveugle...,

« Non ! pensait Claudie, qu'est-ce qui le prend ? Il n'a jamais fait attention à moi... » Elle sourit cependant, tout heureuse, et M. Vernet ajouta :

— Permettez-moi de faire les frais de cette petite réception...

Le personnel applaudit, Claudie remercia et la minute d'après, comme elle levait sa coupe, elle comprit l'idée du patron. Deux photo- graphes et un reporter venaient de faire irrup- tion dans la pièce. Ils avaient été convoqués par M. Vernet, le directeur. Celui-ci avait estimé qu'il s'en tirerait à fort bon compte en s'assurant, à si peu de frais, un article dans la presse, où serait largement mentionné le nom de son honorable entreprise.

Claudie faillit perdre la tête. La situation en soi-même était déjà très excitante. Que dire, en outre, du champagne et des éclairs de magnésium ! L'effervescence dans le bureau

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était devenue indescriptible. Lucette, Nicole, Juliette, racontaient aux autres employés com- ment Claudie avait appris la chose. Chacun voulait voir la jeune fille, lui serrer la main et l'interroger.

— Messieurs ! mesdames, mesdemoiselles ! un peu de calme ! criait M. Vernet. Laissez faire la presse ! Vous aurez tout le temps, dans les jours à venir, de féliciter M Brunetière.

« Comme si j'allais revenir les autres jours ! » pensa Claudie.

— Par ici, messieurs ! reprenait le patron.

Vous venez pour Paris-Match ?

— Non, moi, je suis l'envoyé de Photo- Press.

— Pardon, excusez-moi ! disait un autre.

Ici, Jours de France !

Mais Paris-Match arrivait, disputant sa proie lui aussi.

— Une pose pour moi ! disait le photo- graphe. Remettez-vous exactement comme vous étiez tout à l'heure quand vous avez appris la nouvelle dans le journal.

Il prit la jeune fille par la main, la fit asseoir devant sa machine à écrire, dont elle dut enle- ver la housse.

— Là... Bien !... Croisez les jambes, c'est

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plus joli. Vous regardez le Figaro et... Oh !

— Oh ! fit Claudie, feignant de son mieux la surprise, mais craignant, in petto, d'avoir un air stupide.

— Mademoiselle ! criait un autre photo- graphe. Lâchez le journal ! Vous êtes à votre machine ; une collègue, en train de lire l'Au- rore, vous dit le numéro gagnant, et... c'est le vôtre !

Claudie posa une main sur le clavier et, gar- dant l'autre en l'air, exprima comme elle put son étonnement et sa joie.

Un troisième réclama le billet. Elle ne l'avait pas ? Qu'à cela ne tienne ! On lui donna un billet de banque qu'elle fit mine de tirer de son sac avec un geste de triomphe et en riant de toutes ses dents. (Dieu merci, elle les avait belles.)

Enfin, apothéose, on la « prit » avec le patron, en train de choquer son verre contre le sien. C'était on ne peut plus troublant.

M. Vernet lui souriait dans les yeux, comme un époux, le jour du mariage, sur les marches de l'église...

— Attention !...

Hélas ! juste à cet instant, Claudie eut un affreux hoquet, probablement dû au cham-

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pagne, et il fallut reprendre la pose. Mais déjà M. Vernet souriait moins aimablement.

Le bureau était de plus en plus sens dessus dessous. Les trois collègues de Claudie, fran- chement émoustillées, riaient comme de petites folles. Seule, Carafon ne riait pas. Elle n'en avait pas le temps, occupée qu'elle était à absorber tous les petits fours que sa poche sto- macale avait la capacité d'engloutir et la poche d e sa veste la capacité de cacher. Elle y avait droit, en somme, car c'était elle qui avait eu la bonne idée d'aller avertir le patron et de répandre la bonne nouvelle.

Comme elle en était à sa troisième coupe, Claudie commençait à se déchaîner. Une envie de rire sans nom la possédait, et aussi une audace et une faculté d'invention dont elle s'étonnait elle-même.

Les reporters, au nombre de quatre, fai- saient maintenant cercle autour d'elle et la bombardaient de questions.

— Dans l'avenir immédiat, demandait l'un d'eux, aujourd'hui même, qu'allez-vous faire ?

— D'abord, aller toucher le fric ! cria Claudie.

Le patron fut un peu gêné et se racla légè-

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rement la gorge. Il trouvait le mot vulgaire et s'attendait à mieux de la part d'une jeune fille millionnaire.

— Cela va de soi, reprit le journaliste ; mais après ?

— Je me demande, dit Claudie, rêveuse, si je ne vais pas tout simplement aller dîner chez Maxim's... après être passée chez Dior pour me commander une robe de cocktail... Et peut- être coucherai-je au Plazza, plutôt que de ren- trer chez moi...

— Bravo ! s'écria le reporter, qui griffonna vivement ces mots sur son papier.

M. Vernet pensait :

« Regardez-moi ça, cette petite... Elle con- naît les bonnes maisons ! Le fait est que, gen- tille et bien faite comme elle l'est, il ne lui manquait que l'argent pour rivaliser avec les plus chics... »

— A moins, à moins... reprit Claudie, mesu- rant tout à coup la vanité de sa première déclaration, que je n'aille dès ce soir porter la moitié de mon argent à l'abbé Pierre et le reste à l'Armée du Salut...

— Deux moitiés font un entier, remarqua astucieusement M. Vernet, qui avait fait des études supérieures. Je crois, chère mademoi-

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