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Les régimes de retraite en Europe : changements profonds et orientations constantes

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Les régimes de retraite en Europe : changements profonds et orientations constantes

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Les régimes de retraite en Europe : changements profonds et

orientations constantes. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2003, no. 30, p.

63-80

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43748

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE Na 30-2003 6e COLLOQUE DE GENÈVE

63 P.-Y. GREBER

LES RÉGIMES DE RETRAITE EN EUROPE :

CHANGEMENTS PROFONDS ET ORIENTATIONS CONSTANTES*

Prof. Pierre-Yves GREBER Université de Genève

1. ACTUALITÉ, COMPLEXITÉ ET MYTHES ... 1

2. QUELLE EST L'IMPORTANCE DES RETRAITES EN EUROPE ? ... 6

3. LE CADRE DES RÉGIMES DE RETRAITES : QUELS CHANGEMENTS ? ... 10

3.1 Des changements démographiques ... 10

3.2 Des changements dans 1' emploi : la montée des travaux atypiques ... 16

3.3 Des changements politiques et économiques ... 19

4. LE CADRE DES RÉGIMES DE RETRAITES : 5.

*

QUELS ÉLÉMENTS DEMEURENT ? ... 22

4.1 Une population à protéger ... 22

4.2 La nécessité d'une protection convenable ... 25

CONCLUSION ... 32

Version révisée d'un rapport présenté dans le cadre du 6° Colloque de droit européen de la sécurité sociale, GENÈVE, 20 septembre 2002

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P.-Y. GREBER

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE N° 30-2003 COLLOQUE DE GENÈVE

1. ACTUALITÉ, COMPLEXITÉ ET MYTHES

1. Les régimes de retraites, pièces essentielles des systèmes de sécurité sociale, sont sous les feux de l'actualité depuis plusieurs années. Les débats se déroulent autant sur les plans politiques et scientifiques que d'une manière générale au sein des popula- tions concernées.1 Ainsi Patrick BOLLÉ observe que : « La réforme des régimes de retraite est à l'ordre du jour à peu près partout dans le monde. Bien entendu, les raisons changent selon qu'il s'agit des pays développés où les systèmes de pensions existent maintenant depuis plusieurs décennies, des pays dits en transition où toutes les structu- res sociales sont transformées ou des pays en développement dont certains sont à l'aube d'une protection sociale de la vieillesse. Hommes politiques, journalistes, représentants de groupes d'intérêts avancent ici ou là des solutions- souvent présentées comme« in- éluctables » avec pour effet de simplifier à outrance un problème on ne peut plus com- plexe. »2 A juste titre cet auteur souligne l'importance de l'information en la matière, celle-ci «permettant de s'orienter dans ce difficile sujet en évitant les pièges de la sim- plification abusive et des affirmations, plus ou moins catégoriques, motivées par des intérêts économiques ou politiques. »3

2. En effet, l'une des difficultés majeures dans les débats relatifs aux régimes de retraites et à leur avenir est la confusion souvent existante entre les éléments objectifs ou techniques et les choix ou options politiques. Il serait indiqué de distinguer dans toute la mesure du possible :

2

3

les éléments de base ou de faits : p. ex. l'existence, au moment des débats, d'une législation et d'institutions l'appliquant; le vieillissement des populations, l'évolution de la natalité, l'importance des migrations; l'évolution du produit national d'un pays, le taux de chômage, la situation d'un pays face à l'économie mondiale (des éléments déjà sujets à différentes appréciations, à discussion, d'où la nécessité de travailler avec plusieurs hypothèses, régulièrement revues);

les choix d'une population : p. ex. est-elle prête à supporter des prélèvements plus importants (qu'il s'agisse de cotisations ou d'impôts) pour garder un certain niveau de protection? ou préfère-t-elle une stabilité du côté des prélèvements ac- compagnée d'une réduction des prestations? Il est essentiel que la population concernée par le système de sécurité sociale puisse s'exprimer le plus librement possible, car c'est son mode de vie qui est directement enjeu ;

Chacun peut aisément s'en rendre compte, en consultant son journal préféré: difficile de le parcourir sur une semaine sans tomber sur un ou plusieurs articles sur les retrai- tes!

Patrick BOLLÉ : Réforme des retraites : les termes du débat. Revue internationale du Travail, vol. 139, 2000, pp. 221 sv. (p. 221).

Idem, p. 222.

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les options politiques : pour faire simple, les régimes de retraites - comme les systèmes de sécurité sociale en général -, leur futur, leurs qualités et problèmes, ne sont pas vus de la même manière si l'observateur ou l'acteur s'inspire d'une vision sociale-démocrate, libérale ou néo-libérale de la société.4

3. Le domaine des retraites est extraordinairement complexe. Pour le maîtriser pleinement, il faudrait être un bon actuaire, démographe, économiste, juriste, sociologue (faut-il compléter la liste?). Si vous voulez un sujet simple, bien délimité, dans lequel on arrive rapidement à des solutions sûres et acceptables, alors évitez absolument celui des retraites !

4. Dans une étude remarquable et remarquée, le Professeur Nicholas BARR (Lon- don School of Economies and Political Science, London), expose dix mythes, qui

« contiennent peut-être un élément de vérité. Mais un examen attentif montre que cet élément est soit ténu, soit assorti de conditions restrictives ; les indications stratégiques qu'offrent ces mythes sont donc trompeuses ( ... ):

Mythe 1 : La capitalisation résout le problème d'une démographie défavorable ( ... ) ;

Mythe 2: Le seul mode de préfinancement est l'épargne-pension ( ... ) ; Mythe 3 :Il y a un lien direct entre capitalisation et croissance ( ... ) ;

Mythe 4: La capitalisation réduit les dépenses publiques liées aux pensions (

...

) ;

Mythe 5 :Le remboursement des dettes est toujours une bonne chose ( ... );

Mythe 6 : Les régimes financés par capitalisation sont une meilleure incitation au travail ( . . . ) ;

Mythe 7 : Les pensions financées par capitalisation diversifient les risques (

...

) ;

Mythe 8 : Un plus grand choix renforce le bien-être social ( ... ) ;

Mythe 9 : La capitalisation se porte mieux si le rendement réel dépasse la crois- sance réelle des salaires ( ... ) ;

Mythe 10: Les pensions privées détachent le gouvernement du domaine des

. 5

pensiOns. »

Si ces éléments avaient été posés sous forme de questions, plus d'un lecteur au- rait répondu affirmativement à celles-ci. L'analyse de cet éminent économiste britanni- que montre que cela est plus compliqué, plus subtile.

4

5

Voir p. ex. Michel ALBERT: Capitalisme contre capitalisme. Seuil. Paris 1991, pp. 14- 15, 25-26.

Nicholas BARR : La réforme des retraites : mythes, vérités et choix stratégiques. Revue internationale de sécurité sociale, 2/2002, pp. 3 sv.

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5. Ainsi, le domaine des retraites est aussi fondamental que compliqué et il faut se garder des solutions péremptoires. La suite de cet article, écrit par unjuristé, ne concer- nera que l'Europe, mais il va sans dire que la sécurité d'existence pour les vieux jours est une question qui intéresse chaque être humain. 7

2. QUELLE EST L'IMPORTANCE DES RETRAITES EN EUROPE ?

6. Sur le plan social, l'éventualité retraite est généralement considérée comme la plus importante avec celle des soins de santé. Il est en effet très difficile voire tout sim- plement exclu d'obtenir seul un revenu de remplacement adéquat pendant toutes les années de la retraite.

7. Sur le plan des dépenses sociales, les prestations de vieillesse et de survie cons- tituent nettement le poste de dépenses le plus important de la sécurité sociale. Elles en représentent le 45% en moyenne dans l'Union européenne. En Suisse, près de 44% des prestations sociales sont destinées à la protection en matière de vieillesse (Office fédéral de la statistique ; Spartaco GREPPI!Heiner RITZMANN : Les Comptes globaux de la protection sociale. lnfo : social, 2001, N° 4, p. 4).

8. Même si le dossier est de la compétence des Etats membres- sous réserve de l'art. 137 TCE -la Communauté européenne estime nécessaire de renforcer la coopé- ration en matière de sécurité sociale pour moderniser celle-ci, avec une dimension vi- sant à« garantir des retraites sûres et des systèmes de retraite viables. »8 L'optique est la suivante:

«L'objectif fondamental est de garantir à chacun une retraite adaptée et dont le finan- cement soit garanti. Les systèmes de retraite doivent être durables et assurer un revenu de remplacement convenable aux retraités. Cela peut passer par la recherche d'un équi- libre approprié entre système par capitalisation et système par répartition. Outre le bien- être matériel des personnes âgées, il importe d'assurer la continuation de leur participa- tion à la vie sociale et de «stimuler leur vitalité». Cet objectif peut être atteint que s'il est anticipé et soutenu par des incitations appropriées des régimes de prestations et de

6 7

Voir ci-dessus le N° 3 !

Voir p. ex. : Nana Araba APT : Le vieillissement et le nouveau rôle de la famille et de la collectivité : une perspective africaine. Revue internationale de sécurité sociale, 1/2002, pp. 43 sv. -Roger BEATTIE: Systèmes de pensions et leurs perspectives en Asie et dans le Pacifique. Revue internationale de sécurité sociale, 3/1998, pp. 69 sv. - Le nu- méro spécial « La sécurité sociale dans la région Asie et Pacifique ». Revue internatio- nale de sécurité sociale, 4/2002. -Carmelo MESA-LAGO : La réforme structurelle des pensions de la sécurité sociale en Amérique latine : modèles, caractéristiques, résultats et leçons. Revue internationale de sécurité sociale, 4/2001, pp. 79 sv.

COMMISSION EUROPÉENNE : Une stratégie concertée pour moderniser la protec- tion sociale. COM (99) 347 final, 14 juillet 1999, p. 12.

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retraite favorisant la poursuite de la participation au monde du travail, l'apprentissage tout au long de la vie et les systèmes de soins de santé préventifs.

• La nécessité d'anticiper les effets du vieillissement démographique sur les sys- tèmes de protection sociale requiert un dosage cohérent entre les politiques du marché du travail et de retraite et les autres domaines des systèmes de protection sociale (notamment les systèmes de santé et de soins de longue durée) et la poli- tique en matière d'égalité des chances.

• Les systèmes de retraite doivent être conçus et réformés de manière à décourager les départs anticipés du marché du travail, à encourager la souplesse des disposi- tifs de retraite et à favoriser la participation active des personnes âgées à la vie de la collectivité.

• L'objectif de promotion du vieillissement actif ne se borne pas aux politiques re- latives aux anciennes générations mais il influence directement les politiques concernant les générations actuelles de travailleurs.

• Le problème de la pauvreté des femmes âgées, due à leur faible participation sur le marché du travail combinée à l'évolution des structures des ménages, mérite une attention particulière. »9

9. Tous les pays d'Europe ont une législation sur les retraites. Une minorité a ins- titué un régime (de base) universel: Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Pays-Bas, Suède, Suisse ; la plupart ont mis en place une protection fondée sur la situation profes- sionnelle (p. ex. Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Portugal, Ré- publique tchèque). DUPEYROUX!BORGETTOILAFORE/RUELLAN relèvent, à pro- pos de 1 'Union européenne, que : « Des prestations minimales sont versées, dans tous les pays, aux personnes qui atteignent 1' âge de la retraite sans avoir suffisamment cotisé pour acquérir des droits. »10; la Suisse procède de même, sous condition de ressources, avec les prestations dites complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invali- dité. La plupart des pays européens (tous ceux membres de l'Union européenne) ont des régimes complémentaires de retraites, essentiellement pour les salariés; dans cer- tains, l'affiliation est obligatoire (p. ex. Danemark, Finlande, France, Pays-Bas, Royau- me-Uni, Suède, Suisse), dans d'autres elle est facultative (p. ex. Italie).

9 10

Idem, pp. 14-15.

Jean-Jacques DUPEYROUX/Michel BORGETTO/Robert LAFORE/Rolande RUEL- LAN: Droit de la sécurité sociale. 14e éd. Dalloz. Paris 2001, p. 55.

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3. LE CADRE DES RÉGIMES DE RETRAITES : QUELS CHANGEMENTS?

3.1 Des changements démographiques

1 O. L'évolution démographique en Europe est marquée par deux tendances principa- les: le recul de la natalité et l'allongement de l'espérance de vie. En ce qui concerne le premier élément, tous les pays d'Europe ont actuellement un nombre moyen d'en- fants par femme nettement inférieur au seuil de renouvellement de la population (soit 2,1). L'indice s'élève par exemple (chiffres arrêtés à la décimale, valables en principe pour 1997) à: 1,9 en Irlande, 1,8 en Norvège, 1,7 en France et au Royaume-Uni, 1,5 en Belgique et aux Pays-Bas, 1,4 en Suisse, 1,3 en Allemagne, 1,2 en Italie.11 Seule la Tur- quie se situe encore à 2,48 (1980: 4,36).12 Depuis 1965, le nombre moyen d'enfants par femme diminue dans les pays européens ; certains pays ont cependant connu des re- montées de l'indice (Danemark, France, Pays-Bas, Suède).13

11. L'espérance de vie à la naissance, dans les pays de l'OCDE, a évolué comme suit:

1950-1955 : 66 ans 1970-1975 : 71 ans 1990-1995 : 76 ans.14

12. Quelques chiffres plus précis peuvent être mentionnés ici, sous forme de deux tableaux15 :

pays année espérance de vie pour les hommes

àO an 65 ans 70 ans

Allemagne 1992-1994 72.8 14.5 11.4

Danemark 1992-1993 72.5 14.1 11.1

France Italie Suède Suisse

11

12 13

14

15

1992 72.9 15.7 12.5

1992 73.8 15.1 11.9

1994 76.1 16.0 12.5

1993-1994 75.1 16.0 12.6

OFFICE FÉDÉRAL DE LA STATISTIQUE: Annuaire statistique de la Suisse 2000.

OFS/NZZ Verlag. Zürich 1999, pp. 20-21.

Idem, p. 21.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL: L'évolution démographique et la sécu- rité sociale en Europe. BIT. Genève 1991, p. 13.

Colin GILLION/John TURNER/Clive BAILEY/Denis LATULIPPE (Eds): Social se- curity pensions. Development and reform. futemational Labour Office. Geneva 2000, p.

641.

Tableaux établis d'après GILLION/TURNERIBAILEY/LATULIPPE: Social security pensions, cité à la note 14, pp. 644-645.

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pays année espérance de vie pour les femmes

àO an 65 ans 70 ans

Allemagne 1992-1994 79.3 18.2 14.3

Danemark 1992-1993 77.8 17.6 14.0

France 1992 81.2 20.1 16.0

Italie 1992 80.4 18.9 14.9

Suède 1994 81.4 19.8 15.7

Suisse 1993-1994 81.6 20.2 16.1

13. A propos de la Suisse, Géraldine LUISIER/Stéphane COTTER!Ludwig GÂRTNER observent que: «La baisse continue de la mortalité et l'augmentation pro- digieuse de l'espérance de vie qui en résulte constitue une ( ... ) évolution démographi- que importante de notre pays. En 120 ans, l'espérance de vie à la naissance a presque doublé. Il y a toujours plus de personnes qui atteignent un âge élevé et, la plupart du temps, en bonne santé. Les femmes et les hommes de 65 ans peuvent en effet espérer passer en moyenne plus des trois quarts du temps qui leur reste à vivre, sans connaître de handicap majeur. ( ... ) Ces vingt prochaines années, le nombre de jeunes de moins de 20 ans et de jeunes adultes âgés de 20 à 39 ans diminueront à cause de la faible fé- condité de ces dernières années. Pour les groupes d'âges avancés, l'évolution sera tout autre. Quelque soit le scénario retenu, le nombre de personnes de 65 ans ou plus pro- gressera de manière importante puisque les générations nombreuses nées lors des baby- booms atteindront bientôt ces âges. Et parmi ces personnes, c'est le groupe des person- nes très âgées (80 ans ou plus) qui enregistrera la plus forte croissance. »16 Ces auteurs concluent à l'adaptation en conséquence des «différents secteurs de l'action politique.

Ces adaptations auront elles-mêmes des conséquences diverses ; elles pourront indirec- tement favoriser ou entraver la maîtrise des changements démographiques. Toute adap- tation des politiques sectorielles doit donc être étudiée avec soin afin de prévoir les con- séquences (indésirables) qu'elle pourrait avoir dans différents domaines ( ... ) (Des) conflits d'intérêts doivent être identifiés et résolus dans le cadre de stratégies cohéren- tes. »17

14. Les régimes de retraites sont donc confrontés à l'évolution démographique:

comment servir à l'avenir des pensions adéquates à une population âgée s'accroissant, alors que le groupe des jeunes diminue ? Dans tout système de sécurité sociale la part des dépenses affectées aux personnes âgées (soins, retraites, prestations de dépendance) est beaucoup plus importante que celle destinée aux jeunes (maternité, soins, allocations familiales, suppléments à d'autres prestations).

16

17

Géraldine LUISIER/Stéphane COTTER!Ludwig GÀRTNER: Chances, risques et défis de l'évolution démographique. Demos, Bulletin d'information démographique [Office fédéral de la statistique, Neuchâtel], N° 112003, pp. 5-6.

Idem, pp. 33-34.

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15. Roland SIGG relève que les statistiques sont cependant à envisager avec une certaine prudence: les taux de fécondité, l'augmentation de l'espérance de vie et les sol- des migratoires font l'objet d'hypothèses, il y a donc place pour des marges d'erreurs importantes. De plus, la définition des personnes âgées est susceptible d'être revue, re- mise en cause tant par les intéressés que par la situation de l'emploi. Cet auteur souligne aussi que 1' accroissement des âgés se réalise sur le long terme : il faut donc considérer tant les taux que le temps et le phénomène apparaît davantage maîtrisable.18 La dimen- sion la plus préoccupante est celle de 1' accroissement rapide du nombre des personnes très âgées et qui sont souvent dépendantes.19

3.2 Des changements dans l'emploi: la montée des travaux atypiques

16. Le domaine de l'emploi connaît des transformations profondes qui interpellent, parfois bousculent les systèmes de sécurité sociale. Il s'agit essentiellement de la pro- blématique des travaux dits atypiques. Il faut commencer par rappeler ce que l'on en- tend par des travaux typiques: il s'agit d'emplois salariés généralement exercés à plein temps et selon une relation de travail de durée indéterminée. Ils sont toujours présents en nombre, cependant ils ont tendance à perdre de l'importance.20 Dans certains pays, il peut être pratiquement impossible pour un jeune sortant de formation d'accéder à ce type d'emploi, garantie d'une certaine stabilité notamment financière. Un travailleur âgé, qui est licencié, peut aussi éprouver la plus grande peine à retrouver ce statut, qui peut fort bien lui échapper jusqu'à la retraite, malgré tous ses efforts. Sous les termes de travaux typiques peuvent également être classées les activités indépendantes « clas- siques»: professions libérales, de l'agriculture et de l'artisanat. Par définition, les tra- vaux qualifiés d'atypiques se distinguent des typiques: ils s'éloignent des trois éléments réunis dans la formule «normale » : un travail salarié, exercé à plein temps, à durée in- déterminée (ce qui veut dire en fait à longue durée) et il ne s'agit pas d'activités indé- pendantes classiques. Les travaux atypiques, caractérisés par une grande flexibilité, peu- vent revêtir ainsi plusieurs formes : travail indépendant ou auto-emploi21, travail à

18

19 20

21

Roland SIGG : Une sécurité sociale pour tous les âges. Revue internationale de sécurité sociale, 3/1999, pp. 3 sv. (pp. 3-4).

Idem, p. 4.

Ulrich W AL WEI/Heinz WERNER : Employment problems and active labour market policies in industrialized countries. In : Social Security at the Dawn of the 21 st Century.

D. Hoskins/D. Dobbemack/C. Kuptsch (ed.). Transaction Publishers. New Brunswick (USA)/London (UK) 2001, pp. 133 sv. (p. 143).

Ce sont donc de nouveaux travailleurs indépendants qui sont visés ici ; certains auteurs les qualifient de travailleurs auto-employés. Il ne s'agit pas des indépendants « classi- ques », mais de personnes travaillant seules, souvent pour un seul client, indépendantes quant à 1' organisation de leur travail mais dépendantes économiquement de leur co- contractant. Voir p. ex. : Lucia GERMANI : Travail flexible et protection du travailleur.

Analyse en droit du travail et conséquences pour le droit de la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 24-2000, pp. 61 sv. (pp. 74-75).

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temps partiel, travail à durée déterminée mais aussi travail intérimaire, télétravail, tra- vail sur appel. 22

17. Pourquoi de tels travaux «atypiques» se développent-ils? Une première raison est économique : les entreprises recherchent davantage de flexibilité, pour s'adapter aux besoins et contraintes du marché. La production n'est pas forcément stable, elle peut au contraire alterner selon des pics et des périodes calmes, selon les demandes de clients.

Les incertitudes quant à l'avenir, les fusions d'entreprises, l'essai de nouvelles stratégies commerciales incitent à la flexibilité. Pour accompagner ce phénomène et aussi compte tenu de la prédominance d'un courant politique essentiellement libéral, les Etats ont procédé à une certaine dérégulation, autorisant voir encourageant les formes, flexibles d'emploi, en espérant aussi de la sorte réduire l'importance du chômage. Vu du côté des travailleurs, il s'agit d'un cadre imposé, de conditions auxquelles ils doivent s'efforcer de s'adapter. Plus une personne est jeune, en bonne santé et qualifiée, plus elle a de chances de faire face. Une deuxième raison peut résider dans le choix opéré par certains travailleurs : ils souhaitent ne pas s'engager dans un emploi salarié, à plein temps et à longue durée. Les motifs peuvent être multiples : une personne sortant de formation veut d'abord accumuler une série d'expériences professionnelles différentes; des pa- rents ayant de jeunes enfants cherchent un équilibre entre la famille et le travail; une personne à capacité de travail restreinte (maladie chronique, invalidité) souhaite valori- ser ses forces à disposition; un travailleur cherche à réduire son travail avant la retrai- te.Z3 La problématique est alors très différente : la situation est choisie par les intéressés qui sont aptes à lui faire face. Les travaux atypiques sont certainement vécus par les in- téressés de manière complètement différente, selon qu'ils sont subis ou au contraire choisis. Dans le premier cas il s'agira d'une précarité imposée, probablement mal accep- tée, génératrice de troubles familiaux et de santé. Dans le second, ce sera la réponse à une flexibilité souhaitée. Dans les deux, tout dépend évidemment des ressources à dis- position dans le ménage concerné.

18. Quels changements 1' accroissement des travaux atypiques entraîne-t-il sur le plan des besoins de protection? Le travailleur dont l'emploi «se flexibilise », qui est contraint de prendre un travail atypique, garde-t-ille même état général de santé? ou le changement fréquent d'em~loi (d'un travail précaire à un autre) n'augmente-t-il pas le risque d'accident du travail 4 et par là d'invalidité ou de décès? l'exposition plus grande au risque du chômage n'est-elle pas évidente? n'en va-t-il pas de même à l'égard de la précarité ? De manière très vraisemblable, le développement des travaux atypiques ac-

22

23

24

Lucia GERMAN!: Travail flexible et protection du travailleur, cité à la note 21, pp. 61 sv. -Dominique GREINER: Atypical Work in the European Union. fu: Changing Work Patterns and Social Security. EISS Yearbook 1999. Kluwer Law futemational.

London/Den Haag/ Boston 2000, pp. 45 sv. (pp. 45-47).

Erwin MURER : Das Arbeits- und Sozialversicherungsrecht im Gegenwind von Libera- lisierung und Flexibilisierung. fu : Neue Erwerbsformen - veraltetes Arbeits- und So- zialversicherungsrecht? E. Murer (éd.) Stampfli. Bem 1996, pp. 1 sv. (p. 24).

Le nouvel environnement professionnel étant différent.

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croît le besoin de protection sociale. 25 Plus un régime de retraites est contributif, plus les travailleurs atypiques seront désavantagés : ils pourront avoir des lacunes de cotisa- tions, en tout cas des cotisations très variables, parfois basses. Ces carrières irrégulières se répercuteront défavorablement sur le montant des retraites. Or, d'une part les travaux atypiques s'accroissent, d'autre part les réformes récentes des régimes de retraites éta- blissent un lien plus serré entre cotisations et prestations.

3.3 Des changements politiques et économiques

19. A côté des changements démographiques et du monde du travail, les systèmes de sécurité sociale en général, les régimes de retraites en particulier sont appelés à évoluer dans un climat politique et économique modifié. Dalmer HOSKINS, Secrétaire général de l'Association internationale de la sécurité sociale (AISS), l'a remarquablement syn- thétisé:

a) L'achèvement du

xx:e

siècle est un moment approprié pour évaluer le statut ac- tuel et les futurs possibles de l'une des innovations les plus réussies dudit siècle.

Il est généralement admis dans le monde que la sécurité sociale est à un mo- ment crucial de son développement ; une discussion large, incluant les parte- naires sociaux, est nécessaire pour la rendre encore plus pertinente et compré- hensible;

b) La sécurité sociale fait 1' objet de critiques depuis son émergence. Mais actuelle- ment, les débats sont plus intenses et même hostiles. Les discussions ont mainte- nant lieu dans le monde entier.

c) Les causes principales des débats sont :

25

1 o 1 la mondialisation des économies nationales ; très peu de pays peuvent se tenir à l'écart des tendances mondiales de l'économie. Des pans entiers d'économies nationales sont devenus obsolètes. Les capitaux bougent ra- pidement. Même les pays les plus industrialisés sont incapables de dé- fendre leurs propres intérêts. Des doutes s'élèvent ainsi: comment les gouvernements peuvent-ils décider de leur sécurité sociale s'ils ne sont plus maîtres de leurs économies et de leurs finances ? Ils peuvent certes continuer de taxer le travail, mais il leur est beaucoup plus difficile de taxer les flux des investissements et les transactions financières, de ni- veau international ;

Pour continuer, voir: ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SO- CIALE: Sécurité sociale et mutations du monde du travail. Série européenne, N° 28.

AISS. Genève 2002. - Mutations du marché du travail et protection sociale dans une perspective internationale. Voies parallèles ou convergentes ? Hedva Sarfati/Giuliano Bonoli (éds). Peter Lang. Bern 2002.

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2°/ la domination d'un mode de pensée axé sur le marché, qui l'a emporté sur d'autres modèles socio-économiques?6 La possibilité d'une harmonie entre l'économie et la protection sociale est remise en question. Les criti- ques selon lesquelles la sécurité sociale décourage les investissements et accroît le chômage ont de nombreux supporters. Les régimes publics de pensions sont remis en question au profit d'épargnes individuelles;

pourtant les économistes ne partagent pas tous le même point de vue27 ; 3°/ la perte de confiance dans la capacité des gouvernements de faire des

plans pour le futur : ce manque de confiance touche particulièrement les jeunes générations; il concerne la capacité des nations de prendre des mesures collectives et démocratiques pour assurer la prospérité de l'éco- nomie et le maintien d'un certain degré de justice sociale. Il y a ainsi une crise de légitimité qui touche le secteur public et qui n'est pas limitée à une région du monde. Cela s'étend à la sécurité sociale et à l'équité des prestations.

d) Cependant, les informations reçues par l' AISS montrent que le débat évolue vers une discussion plus équilibrée des options de réformes. Cela est dû aux élé- ments suivants :

26 27

1°1 la reconnaissance que les risques couverts par la sécurité sociale ne sont pas en train de diminuer. Le chômage et le risque de pauvreté, p. ex., sont importants dans tous les pays. L'âge est partout un facteur essentiel.

P. ex. aux Etats-Unis, la Social Security Administration estime que 42%

des retraités tomberaient en dessous de la ligne de pauvreté s'il n'y avait pas le programme national de pensions.

2°/ la reconnaissance grandissante que les sociétés ont la capacité de faire face au vieillissement : les réformes entreprises réduisent les retraites an- ticipées, élèvent graduellement l'âge de la retraite, allègent le poids des régimes publics de pensions en encourageant les systèmes à plusieurs étages (ou multi -pillar pension systems) ;

3 o 1 la reconnaissance que la sécurité sociale ne doit pas seulement maintenir le revenu mais aussi aider les gens à atteindre leur indépendance ;

4°/ l'amélioration en cours de l'administration de la sécurité sociale, dont la nécessité varie selon les pays.

Voir p. ex. l'ouvrage de Michel ALBERT cité à la note 4.

Chantal EUZÉBY : Quelle sécurité sociale pour le

:xxr

siècle ? Revue internationale de sécurité sociale, 2/1998, pp. 3 sv. (pp. 4-1 0). - Pour la Suisse : Gabrielle ANTILLE/

Beat BÜRGENMEIER/Yves FLÜCKIGER: L'économie suisse au futur. Une réforme en trois piliers. Réalités sociales. Lausanne 1997.

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Dalmer HOSKINS conclut que l'un des défis les plus importants du XX:Ie siècle sera de trouver un nouvel équilibre entre les buts économiques - mondiaux et nationaux -et la protection sociale de tous les citoyens du monde.28

20. En Suisse, les économistes Gabrielle ANTILLE/Beat BÜRGENMEIER/Yves FLÜCKIGER (Université de Genève) plaident pour une économie qui ne soit pas con- çue pour tourner sur elle-même mais ouverte sur les besoins des populations : « ( ... ) les efforts de réforme doivent viser à associer le progrès technique à un progrès social bénéficiant au plus grand nombre possible d'individus. Si tel n'est pas le cas, un mou- vement social de fond pourrait réduire à néant les énormes potentialités que les chan- gements en cours offrent pour le bien-être économique de demain. ( ... ) Ce n'est donc ni la situation de l'économie dans la concurrence internationale ni la santé des finances publiques qui doivent guider les propositions de réformes du système social. C'est la collectivité dans son ensemble qui est tenue d'établir des choix susceptibles d'orienter les options prises pour le développement de notre société. Il faut redonner à la politique, prise au sens large, sa véritable place dans les débats collectifs pour éviter que celle-ci ne soit systématiquement usurpée par les économistes qui ont trop souvent tendance à vouloir soumettre la sphère sociale à une vision économique étriquée. »29

21. Roland SIGG souligne enfin le poids des personnes âgées, lesquelles prennent de plus en plus d'importance :

28

29

30 31

32

d'une part, la proportion des âgés parmi les votants en fait un groupe de pression remarquable ;

d'autre part, « les personnes âgées ont un pouvoir économique indirect étendu, au travers notamment des placements des fonds de pensions. Cela prend une si- gnification particulièrement importante dans une économie mondialisée où les marchés financiers jouent un rôle crucial. »3

°

Ce dernier point va dépendre de 1' organisation des régimes dans les pays, singulièrement de la représentation des pensionnés. Cette dernière n'est, par exemple, pas imposée en Suisse par la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, mais elle peut être prévue par les caisses de pensions.31 Mais l'on peut penser que le poids des travailleurs s'ap- prochant de la retraite va en augmentant. 32

Dalmer HOSKINS: The Redesign of Social Security. In: Social Security at the Dawn of the 21 st Century, cité à la note 20, pp. 3 sv. (pp. 13, 4, 6, 10, 12).

Gabrielle ANTll..LE/Beat BÜRGENMEIER/Yves FLÜCKIGER: L'économie suisse au futur, cité à la note 27, pp. 10 et 11.

Roland SIGG : Une sécurité sociale pour tous les âges, cité à la note 18, pp. 4-5.

Tel est le cas, p. ex., de la Caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruc- tion publique et des fonctionnaires de l'administration du Canton de Genève (CIA), où les pensionnés sont représentés tant au Comité de la Caisse que dans 1 'Assemblée des délégués.

Sauf s'ils sont devenus des «travailleurs atypiques » ! Voir ci-dessus les N° 16-18.

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4. LE CADRE DES RÉGIMES DE RETRAITES : QUELS ÉLÉMENTS DEMEURENT?

4.1 Une population à protéger

22. Si les éléments démographiques, liés à l'emploi, politiques et économiques changent, il est bon de rappeler, «pour mémoire» qu'il y a aussi des constantes ! La première est la nécessité de protéger une population qui va vivre plus longtemps, dont une part le fera en bonne ou moyenne santé, une autre en situation de perte pro- gressive d'autonomie, en d'autres termes de dépendance.33

23. S'agit-il d'une question sociale ou d'une préoccupation individuelle? Les Etats européens, depuis la naissance de l'assurance sociale dans l'Allemagne de la fm du XIXe siècle34, sont convaincus qu'il s'agit bien d'une question sociale, en d'autres ter- mes, qu'il faut organiser collectivement une protection pour les vieux jours. Si les ré- ponses varient quant aux législations et aux institutions, les retraites représentent et re- présenteront à l'avenir assurément une part essentielle du «modèle européen de sécurité sociale». A propos de ce dernier, mentionnons l'excellente formule de DUPEYROUX/

BORGETTO/LAFORE/RUELLAN: «C'est la nature universelle de la protection et l'étendue du soutien apporté aux populations, ainsi que l'importance de la redistribution des revenus qui en résulte, qui distinguent les systèmes européens de ceux des autres

33

34

Denis BOUGET : Vieillesse, dépendance et protection sociale. In : The New Social Risks/Les nouveaux risques sociaux. EISS Yearbook/Annuaire IESS 1996. Kluwer Law International. London/Den Haag/Boston 1997, pp. 117 sv. -Jean-Louis DUC : L'assu- rance-maladie face à la dépendance. In : 6e Colloque des Rentes Genevoises. Edité par Forces Vives. Genève 1997 =Jean-Louis DUC: Etudes de droit social. Hors Série N° 3 (2001) des Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, pp. 127 sv.- Patrick HEN- NESSY : Le risque croissant de dépendance des personnes âgées : rôle des familles et de la sécurité sociale. Revue internationale de sécurité sociale, 111997, pp. 25 sv. - Xenia SCHEIL-ADLUNG : La sécurité sociale et la dépendance en Allemagne et dans d'autres pays: entre tradition et innovation. Revue internationale de sécurité sociale, 111995, pp. 19 sv.- Bernd SCHULTE: Old Age and Dependency. In: The New Social Risks/Les nouveaux risques sociaux. EISS Yearbook/Annuaire IESS 1996. Kluwer Law International. London/Den Haag/Boston 1997, pp. 149 sv.

Jacques BERRA : La structure des systèmes de sécurité sociale. Etude de droit comparé.

IRAL. Lausanne 2000, pp. 132 sv. -Jean-Jacques DUPEYROUX/Michel BORGETTO/

Robert LAFORE/Rolande RUELLAN : Droit de la sécurité sociale, cité à la note 10, pp.

26 sv. - Eberhard EICHENHOFER : Sozialrecht. 4. Auflage. Mohr Siebeck. Tübingen 2003, pp. 17 sv. - Guy PERRIN: L'assurance sociale - ses particularités - son rôle dans le passé, le présent et l'avenir. In: Beitrage zu Geschichte und aktueller Situation der Sozialversicherung. Max-Planck-Institut ftir auslandisches und internationales So- zialrecht. Duncker & Hublot. Berlin 1983, pp. 29 sv.- Le Reichstag a adopté en 1887la loi sur l'assurance-invalidité et vieillesse (Gesetz über die Invaliditats- und Altersversi- cherung).

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parties du monde. » 35 Ces auteurs relèvent, dans ce modèle, des taux de prestations plus élevés, par exemple pour les retraites. 36 Des retraites élevées se traduisent évidemment par des dépenses élevées. D'après la Commission européenne, les prestations de vieil- lesse et de survie représentaient un peu plus de 12% du PIB dans l'Union européenne (1996).37

24. Les groupes de populations destinés à faire l'objet d'une attention particulière ces prochaines années, du fait d'une protection sociale moindre ou d'une fragilité parti- culière sont certainement les familles monoparentales, les indépendants à faibles reve- nus, les travailleurs atypiques, les immigrés.

4.2 La nécessité d'une protection convenable

25. Dans les pays européens les plus défavorisés - ceux où la transition économique est particulièrement difficile ou qui ont connu des conflits armés ces dernières années - la protection liée à la retraite va d'abord viser essentiellement à garantir à toutes les per- sonnes âgées le minimum de ressources pour vivre. Cette fonction indispensable peut être combinée, dans le cadre de réformes globales, avec l'institution de législations protégeant les travailleurs et dont les objectifs sont plus élevés. Tel est le cas de la Fédé- ration de Russie, qui a mis en vigueur en 2002 à la fois des pensions étatiques et des pensions du travail.38

26. Cette garantie de ressources minimales pour les retraités demeure nécessaire dans tous les Etats, au titre de dernier filet de protection pour ceux qui n'ont pas droit (ou pas suffisamment) aux prestations normales de sécurité sociale. Elle est logique- ment associée à des conditions de ressources. Et cette garantie est d'autant plus im- portante si le régime normal de pensions lie étroitement les cotisations et les prestations, ce qui est une tendance marquant les réformes récentes des législations (cf. les réformes majeures réalisées en Italie39 et en Suède.40 Du fait des travaux atypiques et du chômage

35

36 37

38

39

40

Jean-Jacques DUPEYROUX!Michel BORGETTO/Robert LAFORE/Rolande RUEL- LAN: Droit de la sécurité sociale, cité à la note 10, p. 54.

Idem, p. 54.

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES : Rapport sur la protection sociale en Europe 1999. COM (2000) 163 final. Bruxelles, 21 mars 2000, p.14.- Le deuxième poste - qui intéresse particulièrement les personnes âgées, soit celui des soins de santé -représente un peu plus du 6% du PIB (idem, p. 14).

Fédération de Russie. Vieillesse, invalidité et survivants. Réforme majeure: Les lois nouvelles sur les pensions sont en vigueur. Tendances en sécurité sociale [Association internationale de la sécurité sociale], 2002, N° 2, p. 34.

P. ex.: Emmanuel REYNAUD/Adelheid HEGE: Italie: une transformation fondamen- tale du système de retraite. Revue internationale de sécurité sociale, 3/1996, pp. 79 sv.

P. ex.: Tor ERIK.SEN: Reform of the Swedish Pension System. In: Confidence and Changes. Managing Social Protection in the New Millennium. EISS Yearbook 2000.

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(singulièrement de longue durée), des révisions législatives plus restrictives menées notamment pour des raisons financières, il faut probablement - et malheureusement - s'attendre à un recours accru à ces prestations minimales.

27. Il convient de rappeler qu'un Etat peut instituer un premier étage de pensions, garantissant un minimum de ressources, sur une base universelle (sans conditions de revenus). La population se voit ainsi garantir un premier socle de protection, indépen- dant de critères professionnels. C'est la conception d'une protection liée à la citoyenne- té, caractéristique du modèle scandinave de sécurité sociale.41 L'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (A VS/AI) suisse s'apparente à la même idée.42

28. Pourrait-on, en Europe, en rester sur le plan des politiques publiques de sécurité sociale à ce stade minimal et renvoyer pour le surplus aux produits du marché ? Emma- nuel REYNAUD répond: «Dans le cadre de ce débat [sur les retraites en Europe], cer- tains ont proposé une profonde remise en cause des systèmes existantes. La pointe ex- trême de ces propositions consisterait à démanteler les régimes légaux de sécurité so- ciale. Ceux-ci seraient remplacés par un simple filet de sécurité géré par l'Etat qui aurait . pour fonction d'atténuer la pauvreté parmi les personnes âgées. L'essentiel de la pen-

sion serait constitué par des mécanismes d'épargne obligatoire qui s'appliqueraient à l'ensemble des catégories sociales et seraient gérés par le secteur privé. Au-delà, des dispositifs volontaires permettraient à ceux qui le souhaitent de disposer d'une protec- tion supplémentaire correspondant à l'effort fmancier qu'ils sont prêts à consentir. La mise en place d'une telle démarche paraît largement irréaliste dans le cadre de l'Union européenne, tant elle tient peu compte de la réalité actuelle des Etats membres et de l'histoire de la construction de leurs systèmes de retraite. Cependant, malgré son carac- tère irréaliste, une telle proposition peut exercer une certaine force d'attraction dans la mesure où elle fournit une solution déjà construite- un système disposant de sa cohé- rence interne- pour faire face à des problèmes d'une grande complexité. »43

41

42

43

Kluwer Law International. London/Den Haag/New York 2001, pp. 163 sv. - Et pour les deux : Réforme des retraites et concertation sociale. E. Reynaud éditeur. Bureau inter- national du Travail. Genève 1999.

Stein KUHNLE: Basic historical trends in European social security. In: The Nordic madel of social security in a European perspective/Le modèle nordique de sécurité so- ciale dans une perspective européenne. EISS Yearbook/Annuaire IESS 1994. Acco.

Leuven/Amersfoort 1995, pp. 5 sv.- François-Xavier MERRIEN: L'Etat-providence.

2e éd. Presses universitaires de France. Paris 2000.

Alexandre BERENSTEIN: L'assurance-vieillesse suisse. Son élaboration et son évolu- tion. Réalités sociales. Lausanne 1986.- Peter BINSWANGER: Geschichte der AHV.

Schweizerische Alters- und Hinterlassenenversicherung. Pro Senectute Verlag. Zürich 1986.

Emmanuel REYNAUD: Les retraites dans l'Union européenne: adaptation aux évolu- tions économiques et sociales. Revue internationale de sécurité sociale, 111998, pp. 37 sv. (p. 39).

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29. D'après les constatations faites notamment par la Commission européenne, les Européens attendent beaucoup plus des régimes de retraites, à savoir le maintien du niveau de vie: « ( ... )on peut affirmer sans risque d'erreur qu'à travers la Commu- nauté, tous les individus en situation comparable ont des aspirations similaires en ce qui concerne leur niveau de vie relatif (comparé à leurs revenus antérieurs) pendant la re- traite. En fait, le revenu de retraite ne doit pas seulement permettre au retraité de survi- vre, mais doit lui permettre de bénéficier d'un niveau de vie comparable à celui qu'il avait atteint durant sa vie active. »44 Cette attente, largement partagée, s'est traduite dans la Recommandation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des ob- jectifs et politiques de protection sociale (92/442/CEE).45 Sous chiffres et lettres I, A, 1,

d, le Conseil recommande aux Etats membres « ( d')accorder aux travailleurs salariés, lorsqu'ils cessent leur activité en fin de carrière ( ... ) un revenu de remplacement, fixé au moyen de prestations forfaitaires, ou calculé en relation avec leur revenu d'activité antérieur, préservant leur niveau de vie d'une manière raisonnable, en fonction de leur participation à des régimes de sécurité sociale appropriés ( ... ). » La lettre e) recom- mande d'instaurer ou de développer «une protection sociale appropriée pour les tra- vailleurs non salariés. »

30. Le Code européen de sécurité sociale révisé, adopté le 6 novembre 1990 par le Conseil de l'Europe, fixe les pourcentages que devraient au moins atteindre les presta- tions de vieillesse en fonction du gain antérieur (art. 71) ou du salaire minimal légal ou interprofessionnel (art. 72) : 50% s'il s'agit d'un bénéficiaire considéré isolément, 65%

s'il s'agit d'une personne ayant un conjoint d'un âge prescrit (par la législation) (annexe à la partie XI). Ces pourcentages ne permettent pas encore d'atteindre le maintien du ni- veau de vie, mais rien n'empêche les Etats de les améliorer. A noter qu'il s'agit de l'ins- trument normatif le plus exigeant en Europe.

31. L'objectif du maintien du niveau de vie peut être atteint par le régime légal de retraites (cas p. ex. en Allemagne et en Autriche) ou par la combinaison d'un régime public et d'un régime complémentaire (voire de plusieurs) (cas p. ex. en France, en Scandinavie, en Suisse). Trois questions sont ouvertes en Europe :

44

45

cet objectif, soutenu par les populations et raisonnable quant à son contenu, se- ra-t-il maintenu à l'avenir? Actuellement, les législateurs ont tendance à ré- duire progressivement la protection publique et il n'est pas sûr que ce retrait soit compensé par les régimes professionnels ;

dans certains Etats, tous les travailleurs ne sont pas dans la même situation : là où il y a pluralité de régimes, il peut y avoir pluralité de protections ; les travail- COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES : Communication de la Commission au Conseil. Régimes complémentaires de sécurité sociale : la place des ré- gimes complémentaires de retraite dans la protection sociale des travailleurs et leur in- cidence sur la libre circulation. SEC(91)1332 final. Bruxelles, 22 juillet 1991, p. 3.

Journal officiel des Communautés européennes, du 26 août 1992, N° L 245/49.

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leurs continueront-ils d'accepter ces inégalités et si la réponse est négative, comment combler celles-ci ? Par exemple, la réforme majeure des pensions en Italie46 se traduit par plus d'égalité et moins de protection légale;

le coût des protections minimales (les ressources indispensables pour vivre) et des protections élevées (le maintien du niveau de vie) sera-t-il supportable, dans un contexte de vieillissement de la population 47 et de changements économico- politiques ?48

5. CONCLUSION

32. L'actualité fait une part importante et depuis plusieurs années déjà aux régimes de retraite. Leur réforme est à l'ordre du jour dans le monde entier, en Europe en parti- culier. La question est complexe et il faut se garder des solutions présentées comme inéluctables. Les débats devraient être menés avec davantage de transparence, distin- guant les éléments de base ou de fait, les choix des populations, les options politiques.

Une approche rigoureuse permet d'éviter de prendre des mythes pour des indications stratégiques (N. BARR).

33. Les retraites sont importantes sur le plan social comme sur celui des dépenses.

Cela motive un intérêt de 1 'Union européenne, même si les compétences sont largement dans les mains des Etats membres.

34. D'une certaine manière, le cadre des régimes de retraites change, et cela de ma- nière importante. Les Etats européens connaissent le vieillissement des populations, phénomène majeur mais heureusement progressif. Pour de nombreux travailleurs, l'em- ploi s'est fragilisé: ils n'arrivent pas à accéder à un travail «typique» ou à le garder.

Or, les travaux atypiques risquent de se répercuter défavorablement sur les retraites.

L'environnement politique et économique est peu favorable à la sécurité sociale en gé- néral, aux régimes de retraite en particulier. Va-t-on vers une discussion plus équilibrée, sachant que les besoins de protection ne diminuent pas, bien au contraire ?

35. D'une certaine manière, le cadre des régimes de retraite ne change pas, ou il y a présence d'éléments permanents. Il s'agit toujours de protéger une population, qui vit plus longtemps, pour certains de ses membres, en situation de dépendance. Les Euro- péens ont répondu, depuis la création de l'assurance sociale à la fm du

xrxe

siècle, qu'il y avait là une question sociale. Il ne s'agit pas de quelque chose de «naturel», mais

46 47 48

Voir ci-dessus le N° 26.

Voir ci-dessus les N° 10 sv.

Voir ci-dessus les N° 16 sv., 19 sv.

(19)

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d'un choix de société. La protection à garantir pour les vieux jours consiste d'abord dans la libération du besoin. La garantie d'un minimum de ressources est un objectif qui demeure nécessaire (dans certaines circonstances, il peut être prioritaire) et 1' on peut même penser qu'ille deviendra encore davantage. Mais les Européens attendent plus, ils sont pour la plupart d'entre eux habitués à mieux: c'est la finalité du maintien du ni- veau de vie qui est poursuivie. Une finalité raisonnable, mais qui a son coût !

36. Sans trop s'avancer, l'on peut estimer que la question des retraites continuera de rester aussi complexe qu'importante et qu'elle figurera de manière régulière à l'agenda.49Tout simplement parce qu'elle répond à un phénomène constant: «la capa- cité de produire collectivement de la sécurité et d'assurer à tous des revenus décents après la cessation d'activité.» (E. REYNAUD).

49

50

*****

Voir l'étude de Giovanni TAMBURI: Motivation, objet et processus de la réforme des pensions. Revue internationale de sécurité sociale, 3/1999, pp. 17 sv.

Emmanuel REYNAUD: Les retraites dans l'Union européenne, cité à la note 33, p. 53.

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