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LA RENAISSANCE DE LA PHILOSOPHIE EN FRANCE

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Discorso del Prof. I. Benrubi

LA RENAISSANCE DE LA PHILOSOPHIE EN FRANCE

Il m ’a paru utile de profiter de l’occasion du IV* con­

grès pour constater jusqu’à quel point le mouvement phi­

losophique contemporain confirme la possibilité d’une mé­

taphysique telle que j ’ai essayé de la définir au congrès de Heidelberg. Si je me borne à considérer ce qui se passe en France, c’est surtout parce que je crois que la grande intensité du mouvement philosophique français me per­

mettra de donner une définition aussi nuancée que possible de ce qui me parait constituer le vrai progrès en philosophie.

Ce qui d’abord nous autorise à parler de renaissance, c’ est que, dans la deuxième moitié du xix* siècle, en France comme dans le monde entier, la philosophie paraissait être condamnée à un évanouissement lent mais sûr. C’est ainsi qu’ un Renan n’hésitait pas à faire de la philosophie une sorte de crème fouettée ou pour employer ses mots « un as­

saisonnement sans lequel tous les mets sont insipides mais qui à lui seul ne constitue pas un aliment ». Et le Docteur Charles Richet ne proclamait-il pas, de son côté, la mort de la philosophie, quand il prophétisait qu’à l’avenir la phi­

losophie n’existerait plus que la côté métaphysique irait aux astronomes, aux mathématiciens, aux physiciens, etc.?

Mais, ce ne sont pas seulement les efforts des savants qui menaçaient la philosophie; c’est aussi, comme l’a fait très bien ressortir M. Boutroux dans son « Rapport sur la philosophie en France depuis 1867 » au congrès de Hei­

delberg, « la substitution à une philosophie une et centrale, des sciences philosophiques autonomes, exclusivement fon­

dées sur les sciences positives correspondantes ».

Cependant, si je partage le pessimisme de M. Boutroux

pour ce qui concerne l’état de la philosophie en France

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vers la fin du xix* siècle, je ne crois pas avec lui que « le présent mouvement tende à l’abolition complète- de la phi­

losophie, et à son remplacement pur et simple par la science ». J1 ai plutôt le sentiment qu’ il y a actuellement en France un souffle nouveau de philosophie autonome qui semble de plus en plus donner naissance à un état de choses entièrement différent de celui dont rêvait le positi­

visme, de sorte qu’on ne pourrait plus appliquer aux phi­

losophes contemporains le mot de Faust:

Du nennst dich einen Teil und stehet doch ganz vor mir ! Les différents représentants des sciences philosophiques particulières voient de plus en plus que nous ne pouvons pas nous passer d’une philosophie centrale. C’est ainsi, pour ne citer qu’un exemple, que M. Durkheim admet la possibilité d’une nouvelle métaphysique, la nécessité d’une science embrassant le tout de l’univers et s’ occupant des questions centrales ; il va même jusqu’ à déclarer la socio­

logie comme- une propédeutique de .la métaphysique de f avenir.

Un des traits caractéristiques de ce nouveau mouve­

ment est, semble-t-il, la conception relativiste de la science chez quelques savants éminents de la France contemporaine.

En effet, des hommes comme MM. Duhem, Wilbois, Le

Roy et même Poincaré s’ efforcent de démontrer, non seu­

lement que la science est conventionnelle, mais aussi qu’elle ne suffit pas à elle-même. « La théorie physique, dit M.

Duhem, ne nous donne jam ais l’explication des lois expé­

rimentales, jam ais elle ne découvre la réalité qui se cache derrière les apparences ». Prétendre cela, et ce qui est plus important, dire que la science est artificielle, symbolique et pratique, c’est reconnaître, comme le fait Le Roy, la légitimité et la nécessité d’une science sui generis capable de rendre compte de ce que la raison scientifique ne con­

naît pas, et de saisir la réalité sans symboles.

Un autre trait caractéristique de la rennaissance de la philosophie est la lutte de quelques savants et philosophes contre la méthode réductrice. Il est vrai que le grand pro­

moteur de ce mouvement est un philosophe. Car c’est M.

Boutroux qui, d’abord dans sa thèse sur la Contingence des lois de la nature et ensuite dans l ’Idée des lois na­

turelles a fait ressortir toute l’absurdité de la méthode réductrice. Mais il faut reconnaître que l’oeuvre de M. Bou­

troux a trouvé un grand retentissement chez les savants aussi bien que parmi les représentants des sciences phi­

losophiques particulières. Le Roy, Poincaré, Wilbois,

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Duhem, etc., voient qu’un fait scientifique n’est pas une pure copie de la matière brute, que tout ne se réduit pas à la pure sensation ou à des différences de quantité, que les choses de l’ esprit présentent un caractère essentielle­

ment irréductible. Jules Tannery se révolte contre M. Le

Dantec quand celui-ci caractérise la pensée comme un épiphénomène. Et encore moins partage-t-il la haine de M. Le Dantec pour la qualité. « Votre monisme, écrit-il à M. Le Dantec, n’absorbera jam ais la diversité des aspects de l’être, la multiplicité des phénomènes, la richesse infinie du vêtement de l’inconnaissable. Parce que nous essayons de construire, avec un jeu de symboles quantitatifs, un schéma qui nous représente le monde, ne prenons pas ce schéma pour la réalité ». Un adversaire non moins résolu de la méthode réductrice et du monisme semble être aussi M. Durkheim quand il parle de l’impossibilité de réduire les catégories aux sensations, d’une part, et le social à l’individuel, de l’autre; de môme quand il caractérise le fait social comme quelque chose de sui generis. On pour­

rait citer aussi la lutte de M. Lalande contre le monisme matérialiste et contre la tendance de l’évolutionisme à ré­

duire la psychique au physiologique, etc.

Tous les adversaires de la méthode réductrice recon­

naissent donc d’une manière plus ou moins franche que la science fait fausse route quand elle essaie par ses propres méthodes d’em brasser le tout de la réalité et que nous ne pouvons pas nous passer d’une science sui generis dont l’objet serait précisément de saisir par une méthode spé­

ciale la réalité vivante qui échappe à la science positive.

Non moins important me paraît être l’effort de quelques néo-criticistes pour dépasser le point de vue de l’agnos­

ticisme. M. Dauriac par exemple, qui, dans son livre de 1899 Croyanee et Réalité, n’ hésitait pas à déclarer que le règne de la métaphysique était fini, s’efforce depuis quelque temps de démontrer que, s’il est salutaire d’avoir passé par la critique, on risque de nier toute philosophie si on ne s’efforce pas de dépasser le criticisme. Il se considère lui-même comme un converti de Hamelin. Et vous savez que celui-ci dans sa remarquable thèse sur les éléments principaux de la représentation fait franchement de la métaphysique, de la spéculation dogmatique en mettant T absolu à la base de la réalité et en construisant une nou­

velle synthèse de vie.

Est-ce que je me trompe si je vois dans l’ existence de ce que M. G. Milhaud appelle le quatrième état, comme suite du troisième état positif d’Auguste Comte, un signe

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de renaissance. Ne doit-on pas considérer le mouvement de la pensée moderne qui déplace peu à peu le centre de la vie de l’âme du dehors vers le dedans, comme un com­

mencement de réalisation de la prophétie de Ravaisson, d’après laquelle la philosophie prédominante de l’avenir serait un réalisme ou positivisme spiritualiste, ayant pour principe générateur la conscience que l’esprit prend en lui-même d’une existence dont il reconnaît que tout autre existence dérive et dépend et qui n’est autre que son ac­

tion? Qu’est-ce que, par exemple, le positivisme absolu de M. Louis Wbber et, jusqu’ à un certain point, l’entreprise de M. E. Meyerson, sinon un effort sincère pour dépasser l’hyperempirisme du faux positivisme et préparer par là même le terrain pour une philosophie autonome? Et M.

Fouillée ne repousse-t-il pas avec toute son énergie l’ar­

rogance des scientistes à résoudre tous les problèmes par les seuls moyens de la science exacte, et ne considère-t-il pas lui-même sa philosophie des idées-forces comme un effort pour dépasser le positivisme? De même, on peut voir dans le réalisme spiritualiste de M. Jules Lachelier ainsi que dans le spiritualisme de M. L. Brunschvicg un très important commencement de réalisation de la prophétie de Ravaisson. Dire que l’esprit est tout, prétendre, comme le fait Brunschvicg que la vérité, la beauté et la moralité existent indépendamment de nous, c’est admettre la néces­

sité et la possibilité de saisir cette existence spirituelle suprême dont la nôtre n’est qu’une manifestation, c’est lutter pour la science de l’absolu.

Je ne puis m ’empêcher de voir dans la sympathie crois­

sante de quelques penseurs français contemporains pour la philosophie allemande post-kantienne, un symptôme de renaissance de la haute philosophie. N’est-ce pas à un Français contemporain que nous devons l’exposé le plus sympatique et le plus consciencieux de la philosophie de Fichte

Mais ce qui prouve de la manière la plus flagrante la renaissance de la haute philosophie en France, c’est le fait qu’ici on ne se borne pas à discuter ou à raisonner sur la possibilité de la métaphysique, ou pour employer une image de M. Bergson, on ne se contente pas, tout en restant cloué à la terre ferme, de raisonner sur la possi­

bilité de nager; on accepte plutôt le risque de se jeter à l’eau et de nager, on fait franchement de la métaphysique.

Si je suis bien renseigné, la France est le seul pays du monde entier où il y a une Revue qui a le courage de s’appeler Revue de Métaphysique et qui compte parmi ses

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collaborateurs quelques-uns des plus éminents penseurs contemporains. Des hommes comme MM. Liard, Dünan, Maurice Blondel, E. Boutroux et H. Bergson sont fer­

mement convaincus que l’absolu est la substance même de notre être, que « dans f absolu nous sommes, nous circu­

lons et vivons », et ils n’hésitent pas à assigner à la phi­

losophie la tâche de saisir l’absolu, « l’effort pour se fondre à nouveau dans le tout ». (Bergson),

Il serait téméraire de m a part si je voulais indiquer, dans.les quelques minutes dont je dispose, non pas les ré­

sultats des travaux de ces penseurs, mais même les traits caractéristiques de leur convinction fondamentale, d’autant plus que leurs doctrines présentent des nuances et même des différences souvent profondes. Il me paraît cependant indispensable de dégager la tendance générale de ce mou­

vement.

Ce qui est d’abord certain, c’est que tous les penseurs que je viens de nommer sont très éloignés de ce donqui­

chottisme métaphysique du passé qui croyait par des forces purement individuelles constituer une métaphysique. « A la différence des systèmes proprements dits, écrit M. Berg­

son, dont chacun fut l’oeuvre d’un homme de génie et se présenta comme un bloc à prendre ou à laisser, elle (c’est- à-dire la vraie philosophie) ne pourra se constituer que par T effort collectif et progressif de bien des penseurs, de bien des observateurs aussi, se complétant, se corrigeant, se redressant les uns les autres ».

De même tous ces penseurs sont hostiles à une méta­

physique purement ontologique : ils voient dans l’ontologie, non pas seulement une chose différente de la métaphysique, mais aussi son antithèse et son ennemie; ils condamnent les efforts de ceux « qui ne songent qu’à déduire les con­

séquences logiques des principes abstraits posés par eux, au lieu de consacrer tous tes efforts à bien voir et à bien interpréter la réalité ». (Dünan).

Un autre trait caractéristique du nouveau mouvement métaphysique est la convinction que la philosophie est un véritable prolongement de la science, en ce sens que son rôle commence où celui de la science finit. La métaphy­

sique doit sans doute s ’appuyer sur la science, mais elle ne doit pas devenir par cela son esclave. Elle ne consiste pas dans une pure généralisation de l’expérience; elle est plutôt elle-même une expérience, une expérience vécue, une expérience concrète, toute l’expérience, l’expérience inté­

grale. Ce sont les faits eux-mêmes que la métaphysique doit examiner avec des yeux qui ne sont pas ceux de la

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science positive. Tous ces métaphysiciens semblent recon­

naître avec Ravaisson que la vraie philosophie est une philosophie héroïque, c’est-à dire la philosophie qui ne cons­

truit pas le monde avec les unités mathématiques et logi­

ques et finalement des abstractions détachées de l’Entende­

m ent; mais qui atteint, par le coeur, la vive réalité vivante, âme mouvante, esprit de feu et de lumière.

Enfin la nouvelle métaphysique est essentiellement mo­

rale et même religieuse, et cela non seulement en tant qu’elle est une philosophie de la liberté, mais aussi parce que la question de la destinée humaine en constitue, pour ainsi dire, le coeur. Presque tous ces métaphysiciens met­

tent à la base de la réalité le parfait et conçoivent la vie humaine et même celle de l’univers comme un mouvement ascentionnel vers la divinité. Pour M. Liard, par exemple, la métaphysique est une connaissance d’un ordre de choses dont la perfection serait le mot suprême. Pour M. Dunan

aussi la vraie métaphysique est la métaphysique morale, et vice versa, la vraie morale est la morale fondée sur la métaphysique. M. Maurice Blondel va même jusqu’à re­

fuser & la philosophie le titre de science si elle ne consi­

dère pas la question des rapports de l’homme et de Dieu comme la question centrale de toutes ses recherches. M.

Jutes Lachelier dit lui-même qu’en subordonnant le mé­

canisme à la finalité, son réalisme spiritualiste nous pré­

pare à subordonner la finalité elle-même à un principe supérieur et à franchir par un acte de foi morale les bornes de la pensée en même temps que celles de la nature. MM.

Boutroux et Bergson semblent de plus en plus confirmer la thèse de leur maître, Félix Ravaisson, d’après laquelle philosophie et religion ne diffèrent point. C’est ainsi que M. Boutroux fait de la religion la racine de la vie humaine.

Et sa philosophie de la contingence n’est-elle en quelque sorte un hymne à la divinité? Quant à M. Bergson, il est vrai qu’il n’emploie, dans ses oeuvres, qu’une seule fois de terme de Dieu pour l’identifier avec ce qu’il appelle

« T évolution créatrice » ; mais je crois ne pas exagérer en disant que toute la philosophie de M. Bergson est portée par une inspiration profondément religieuse.

Si pour conclure, je voulais répondre à la question que je m’étais posée à Heidelberg : « La métaphysique comme science de l’absolu de la vie, est-elle possible? « je crois que je serais pleinement autorisé à dire : Oui, elle est pos­

sible, parce qu’elle existe ou plutôt parce qu’elle se cons­

titue actuellement en France.

I Professori Elsenhans e C. W erner sostengono una breve discussione.

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