G160. Un gros rhume
Énoncé : En hiver quand j’attrape un gros rhume, mon nez coule comme une fontaine et je prends la précaution de préparer chaque matin deux paquets de n mouchoirs en papier chacun que je mets respectivement dans la poche droite et dans la poche gauche de ma veste. Quand j’ai besoin d’un mouchoir, je choisis au hasard l’une des poches et je prends un mouchoir qui s’y trouve jusqu’au moment où je constate pour la première fois qu’une poche est vide quand j'y cherche un mouchoir.
Quelle est la plus petite valeur de n qui me donne plus de 3 chances sur quatre de trouver au moins 4 mouchoirs dans la deuxième poche afin d’avoir le temps de remplir à nouveau mes poches ? Calculer pour cette valeur de n, l’espérance mathématique du nombre de mouchoirs qui restent dans la deuxième poche.
Solution proposée par Nicoles Sigler
Notons [ g ; d ] l’état « avoir g mouchoirs dans la poche gauche et d mouchoirs dans la poche droite » (g et d sont 2 entiers naturels), et notons P4([ g ; d ]) la probabilité que, partant de l’état [ g ; d ], il reste finalement au moins 4 mouchoirs dans une poche au moment où on vide l’autre.
Il est clair que, si k est un entier naturel :
P4([ k ; 0 ]) = P4([ 0 ; k ]) = 0, si k est strictement inférieur à 4 ; P4([ k ; 0 ]) = P4([ 0 ; k ]) = 1, si k est supérieur ou égal à 4.
D’autre part, si g > 0 et d > 0, on a la relation :
P4([ g ; d ]) = 1/2 P4([ g–1 ; d ]) + 1/2 P4([ g ; d–1 ]).
Ces premiers constats suffisent pour calculer P4([ g ; d ]) de proche en proche pour tous les états [ g ; d ], et donc pour déterminer empiriquement (en utilisant un tableur, par exemple) la plus petite valeur de l’entier n telle que :
P4([ n ; n ]) > 3/4 et P4([ n–1 ; n–1 ]) q 3/4.
P4([ g ; d ]) :
g = 50 1 … … … … … … … … 0,7839 0,7743 0,767 0,7621 0,7596 0,7596
g = 49 1 … … … … … … … … 0,7723 0,7648 0,7597 0,7572 0,7572 0,7596
g = 48 1 … … … … … … … … 0,7625 0,7573 0,7547 0,7547 0,7572 0,7621
g = 47 1 … … … … … … … … 0,7547 0,752 0,752 0,7547 0,7597 0,767
g = 46 1 … … … … … … … … 0,7493 0,7493 0,752 0,7573 0,7648 0,7743
g = 45 1 … … … … … … … … 0,7465 0,7493 0,7547 0,7625 0,7723 0,7839
… 1 … … … … … … … … … … … … … …
g = 7 1 0,9375 0,8125 0,6563 0,5078 0,3984 0,3438 0,3438 … … … … … … …
g = 6 1 0,875 0,6875 0,5 0,3594 0,2891 0,2891 0,3438 … … … … … … …
g = 5 1 0,75 0,5 0,3125 0,2188 0,2188 0,2891 0,3984 … … … … … … …
g = 4 1 0,5 0,25 0,125 0,125 0,2188 0,3594 0,5078 … … … … … … …
g = 3 0 0 0 0 0,125 0,3125 0,5 0,6563 … … … … … … …
g = 2 0 0 0 0 0,25 0,5 0,6875 0,8125 … … … … … … …
g = 1 0 0 0 0 0,5 0,75 0,875 0,9375 … … … … … … …
g = 0 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
d = 0 d = 1 d = 2 d = 3 d = 4 d = 5 d = 6 d = 7 … d = 45 d = 46 d = 47 d = 48 d = 49 d = 50
On observe que la plus petite valeur de n répondant à la question est n = 47.
On peut toutefois donner une expression générale de P4([ n ; n ]) (avec n 4), en remarquant que pour atteindre l’un des états gagnants [ k ; 0 ] ou [ 0 ; k ] (avec n k 4), il faut et il suffit que l’on ne passe jamais par l’un des états perdants [ 1 ; 3 ], [ 2 ; 2 ] ou [ 3 ; 1 ] (qui sont incompatibles entre eux).
Ainsi P4([ n ; n ]) = 1 – P(« atteindre [ 1 ; 3 ] depuis [ n ; n ] ») – P(« atteindre [ 2 ; 2 ] depuis [ n ; n ] ») – P(« atteindre [ 3 ; 1 ] depuis [ n ; n ] »).
En remarquant que, pour raison de symétrie, on a :
P(« atteindre [ 1 ; 3 ] depuis [ n ; n ] ») = P(« atteindre [ 3 ; 1 ] depuis [ n ; n ] »),
on a donc : P4([ n ; n ]) = 1 – 2 P(« atteindre [ 1 ; 3 ] depuis [ n ; n ] ») – P(« atteindre [ 2 ; 2 ] depuis [ n ; n ] »).
Or P(« atteindre [ 1 ; 3 ] depuis [ n ; n ] ») =
.(1/2)(n–3)
.(1/2)
(n–3) =/ 2(2n–4) et P(« atteindre [ 2 ; 2 ] depuis [ n ; n ] ») =
.(1/2)(n–2)
.(1/2)
(n–2) =/ 2(2n–4)
(Ces expressions correspondent dans les deux cas à une loi binomiale B(N ; P) de paramètres N = 2n–4 et P = 1/2, puisqu’il s’agit de déterminer la probabilité qu’en prenant au hasard 2n–4 mouchoirs dans les poches, on en prenne respectivement n–3 ou n–2 dans la poche droite).
Comme, en outre, = =
, on a finalement :
P4([ n ; n ]) = 1 –
(
2+
) / 2
(2n–4)= 1 –
/ 2(2n–4)= 1 –
/ 2
(2n–4)= 1 –
/ 2
2(n–2)À ce stade, résoudre P4([ n ; n ]) > 3/4 suppose encore le calcul des différentes valeurs de l’expression obtenue pour P4([ n ; n ]), jusqu’à ce que l’on rencontre une valeur supérieure à 0,75. On peut cependant encore utiliser la formule de Stirling pour essayer d’obtenir une inéquation en n que l’on pourrait résoudre directement.
Stirling :
Dans notre expression, cela permet d’écrire :
/ 2
2(n–2)
et donc :
P
4([ n ; n ]) 1 –
L’inéquation à résoudre se ramène ainsi à : P4([ n ; n ]) > 3/4
< 1/4 4.(3n – 5) <
=> (12n – 20)² < (n² – 2n + 1) . . (n – 2)
144n² – 480n + 400 < p (n3 – 4n² + 5n – 2)
n3 – (144 + 4 .n² + (480 + 5 ).n – 402 > 0
Les solutions de cette inéquation du 3e degré ne s’expriment pas simplement, mais un logiciel de résolution permet de déduire, pour la solution qui nous intéresse, que n > 46,503.
Or :
P4([ 46 ; 46 ]) = 1 –
.
/ 2
(2x46–4)–
0,749329P4([ 47 ; 47 ]) = 1 –
.
/ 2
(2x47–4)–
0,752033n = 47 est donc bien la plus petite valeur de n pour laquelle on a plus de 3 chances sur 4 qu’il reste au moins 4 mouchoirs dans une poche au moment où on a vidé l’autre.
Pour n = 47, on cherche maintenant l’espérance mathématique du nombre de mouchoirs restant dans la 2e poche au moment où on vide la 1e.
Soit X la variable aléatoire correspondant à ce nombre de mouchoirs restant dans la 2e poche.
Pout tout entier k tel que 1 q k q 47, on a :
P (X = k) = P(« atteindre [ k ; 1 ] depuis [ 47 ; 47 ] ») x P(« passer de [ k ; 1 ] à [ k ; 0 ] ») + P(« atteindre [ 1 ; k ] depuis [ 47 ; 47 ] ») x P(« passer de [ 1 ; k ] à [ 0 ; k ] »)
On remarque qu’il n’est pas suffisant de dire que l’événement ‘X = k’ se réalise si on atteint l’un des états [ k ; 0 ] ou [ 0 ; k ] : il faut en effet éviter que ces états soient atteints depuis [ k+1 ; 0 ] ou [ 0 ; k+1 ] !
Ainsi P (X = k) = P(« atteindre [ k ; 1 ] depuis [ 47 ; 47 ] ») x 1/2 + P(« atteindre [ 1 ; k ] depuis [ 47 ; 47 ] ») x 1/2
Or, pour raison de symétrie, P(« atteindre [ k ; 1 ] depuis [ 47 ; 47 ] ») = P(« atteindre [ 1 ; k ] depuis [ 47 ; 47 ] »).
Donc P (X = k) = P(« atteindre [ k ; 1 ] depuis [ 47 ; 47 ] »)
= .(1/2)(47–1)
.(1/2)
(47–k)= .(1/2)(46)
.(1/2)
(47–k) =/ 2(93–k) Ainsi
E(X) =
/ 2(93-k).
E(X) = 996 378 563 250 079 / 129 144 347 904 000 7,715.
Lorsque l’on prend le dernier mouchoir d’une poche, l’espérance mathématique du nombre de mouchoirs restant dans l’autre poche est approximativement 7,715.