• Aucun résultat trouvé

Les Bonnets rouges

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les Bonnets rouges"

Copied!
22
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02077699

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02077699

Submitted on 23 Mar 2019

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Les Bonnets rouges

Barbara Loyer, Bertrand Guyader

To cite this version:

Barbara Loyer, Bertrand Guyader. Les Bonnets rouges : un mouvement pour un projet géopolitique.

Hérodote - Revue de géographie et de géopolitique, Elsevier Masson/La Découverte, 2014, pp.223-242.

�hal-02077699�

(2)

LES BONNETS ROUGES : UN MOUVEMENT POUR UN PROJET GÉOPOLITIQUE

Barbara Loyer et Bertrand Guyader La Découverte | « Hérodote »

2014/3 n° 154 | pages 223 à 242 ISSN 0338-487X

ISBN 9782707182739

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-3-page-223.htm

---

Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte.

© La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(3)

223

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

Les Bonnets rouges : un mouvement pour un projet géopolitique

Barbara Loyer Bertrand Guyader

1

Lorsque j’arrive au parc de Langolvas où se déroulent les états généraux des Bonnets rouges le 8 mars 2014, ma première impression est que « nous », la foule réunie là, sommes tous vieux. Sous un soleil qui réchauffe les cœurs à la sortie d’un hiver particulièrement pluvieux, l’ambiance est détendue, des tables sont dressées et les participants bavardent en petits groupes d’amis, tous coiffés d’un couvre-chef rouge, et se restaurant d’une galette-saucisse ou d’un sandwich. Dans ce cadre paisible, le puissant volume de la sono crée l’ambiance festive et combattante. Après l’entrée dans l’enceinte sur un tapis rouge encadré de grands tracteurs, un rap accueille la foule et une chanson de Renaud l’accom- pagnera à la sortie. Le choix de la musique renforce le sentiment de nostalgie des années 1970 et 1980 et de leurs mobilisations politiques. Nous entendrons Alan Stivell 2, La Blanche Hermine de Gilles Servat (1972) 3, Antisocial de Trust

1. Barbara Loyer est professeure à l’Institut français de géopolitique, université Paris-VIII.

Bertrand Guyader est étudiant en master à l’Institut français de géopolitique, université Paris-VIII.

2. Alan Stivell (né en 1944) est à la base du concept de musique celtique et de sa diffusion dans le grand public à partir des années 1970.

3. Les paroles de la chanson : « J’ai rencontré ce matin devant la haie de mon champ/Une troupe de marins, d’ouvriers, de paysans/Où allez-vous camarades avec vos fusils chargés ?/

Nous tendrons des embuscades viens rejoindre notre armée/Ma mie dit que c’est folie d’aller faire la guerre aux Francs/Mais je dis que c’est folie d’être enchaîné plus longtemps/Elle aura bien de la peine pour élever les enfants/Elle aura bien de la peine car je m’en vais pour long- temps/Je viendrai à la nuit noire tant que la guerre durera/Comme les femmes en noir triste et seule elle m’attendra/Et sans doute pense-t-elle que je suis en déraison/De la voir mon cœur

Herodote_154_BAT.indd 223

Herodote_154_BAT.indd 223 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(4)

224

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

(1988) 4, Bella Ciao, Clandestino de Manu Chao (1998), C’hoari coucou par les frères Morvan 5, Startijenn 6.

Un par un, les comités de militants venus de toute la Bretagne, « comité de Légué », « comité de Scaer », « comité d’Auray », « comité de Brest », « comité de Concarneau », sont appelés pour accéder à la grande halle où se déroule l’évé- nement. L’appel est un peu long, mais personne ne s’en soucie. Un groupe de trois amis attablés sont venus représenter le comité de Rennes. La femme travaille depuis toujours à l’Office public de la langue bretonne, c’est sa vie, sa passion ; le deuxième est retraité de l’Éducation nationale, le troisième travaille dans les télécoms, il est alsacien, marié à une Bretonne, et chez lui on parle breton en famille. Les discussions du comité ont été encadrées par la nécessité de présenter des doléances, dont les organisateurs de la journée vont présenter la synthèse, et l’idée générale que les trois amis transmettent est faite des slogans répétés à l’envi par le mouvement : « Que la Bretagne puisse décider », que les emplois restent

« au pays ».

« Vivre et travailler au pays » fut une devise de la lutte paysanne du Larzac, qui en 1972 posa « pour la première fois comme un problème politique et un enjeu majeur la question du territoire, de son usage et de son aménagement » [Subra, 2014, p. 30]. L’idée que « les Bretons » sont à même d’organiser le développement de « leur » territoire de manière équitable, parce qu’ils sont bretons, se retrouve dans les discours tenus autour des « états généraux » organisés par les Bonnets rouges. Pour les préparer, « les Bretonnes et les Bretons » étaient invités à parti- ciper à la création d’un comité local qui ferait remonter les « doléances » de leurs participants, terme qui fait implicitement référence à la révolution de 1789 comme si l’on était à la veille d’un bouleversement politique fondamental. Cette démarche du recueil des doléances (que l’on pouvait aussi poster sur Internet), pour en tirer des orientations politiques générales, devrait être, selon les organisateurs, « à la base de toute construction démocratique. Dans le futur, on s’étonnera qu’il ait

se serre là-bas devant la maison/Et si je meurs à la guerre pourra-t-elle me pardonner/D’avoir préféré ma terre à l’amour qu’elle me donnait. » Refrain : « La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc/La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson. »

4. Groupe de rock formé en 1977. La chanson Antisocial 1988 fut un de leurs grands suc- cès. C’est le même style de musique que ce que l’on a appelé le « rock radical basque » des années 1980.

5. Les frères Morvan (Henri, né en 1931, et Yvon, né en 1934), qui ont aussi chanté sur scène, sont deux chanteurs bretons traditionnels.

6. Groupe qui a fait ses débuts en 1997. Leur son puise ses racines dans leur culture bre- tonne. Leurs deux derniers albums sont primés « Disque de musique bretonne de l’année ».

http://www.startijenn.com/?page_id=318

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(5)

225

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

fallu attendre le XXIe siècle et le mouvement des Bonnets rouges pour la mettre en place 7 ». J’ai entendu répéter au micro à plusieurs reprises l’idée que ce mouve- ment et cette réunion étaient pionniers, révolutionnaires, exceptionnels, parce qu’ils auraient incarné l’essence même de la démocratie.

Fin avril 2014, lors d’une « rencontre dialogue » 8, Jean-Pierre Le Mat, natio- naliste breton ou « internationaliste régional » 9, porte-parole des Bonnets rouges, a d’ailleurs montré, en se basant sur un schéma dressé par un physicien (Marc Halévy), que « les revendications des Bonnets rouges les placent là où la courbe rouge du vieux monde va se régénérer dans une courbe verte de l’innovation, de la prise en main par soi-même, de l’effervescence des petites inventions et des nouveaux modes de vie. C’est pourquoi, pour définir l’avenir, il faut éviter le vieux vocabulaire, trop chargé en vieilles idées et préférer ce qui permet d’obtenir l’adhésion comme relocaliser les décisions ».

Le site des Bonnets rouges annonce 3 000 contributions totalisant 12 000 doléances (14 000, mais 14 % sont seulement des « cris 10 » ou des témoi- gnages). Cela correspond environ au nombre de personnes réunies le 8 mars 2014 aux états généraux. À partir de ces documents, les dirigeants du mouvement ont dégagé des priorités. La première, « supprimer l’écotaxe », est à l’origine de la crise. Les dernières en sont très éloignées : officialiser la langue bretonne 11, doter la Bretagne de ses propres médias audiovisuels et numériques 12, une Bretagne

7. Site Bonnets rouges, consultation avril 2014.

8. Christian Rogel, « Des tensions mais déjà une riche histoire pleine d’avenir pour les Bonnets rouges », Agence Bretagne Presse, 29/04/14.www.agencebretagnepresse.com.

9. Nationaliste ou régionaliste ? Jean-Pierre Le Mat écrit que, « dans le contexte de l’UE, il n’y aura pas d’État-nation breton avec les mêmes attributs de souveraineté que ceux du

XXe siècle. On ne peut pas disserter ici sur cette question et l’on propose, pour répondre en quelques mots, d’appeler nationaliste quelqu’un qui défend l’avenir d’un peuple breton dif- férent du peuple français ». Cf. « Breizh : du nationalisme breton à l’internationalisme régional », Breizhlog, 7/09/2012. <www.breizhlog.eu>

10. « Des coups de gueule (“Hollande démission !”, “banquiers pourris !”) ou des invectives [sic] qui ne sont adressés à personne en particulier (“Re zo re !”, “Vive la Bretagne libre !”) ».

11. Enseignement obligatoire de l’histoire de Bretagne, régionalisation de l’Éducation natio- nale, régionalisation des institutions liées à l’art et aux métiers artistiques.

12. « Radio : Depuis plus de quinze ans, le CSA privilégie l’attribution de fréquences FM disponibles en Bretagne à des réseaux parisiens privés et publics. Toutes les fréquences arrivant à échéance ou toute nouvelle fréquence créée devront être proposées et attribuées aux opérateurs locaux historiques afin de leur assurer une activité pérenne. Casser le monopole de la SACEM, mise en place d’un service public breton de radio et télévision sur les cinq départements, déve- lopper les médias Internet bretons. »

Herodote_154_BAT.indd 225

Herodote_154_BAT.indd 225 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(6)

226

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

forte à cinq départements avec « relocalisation » des décisions politiques 13. Les états généraux se sont terminés sur l’hymne breton, que l’assemblée était invitée à chanter debout en suivant les paroles qui défilaient, en breton, sur les grands écrans, sous la houlette d’André Lavanant, ancien président de Diwan, secrétaire général de l’association Mouvement Bretagne et Progrès (« mouvement poli- tique qui rassemble des femmes et des hommes qui ont pour ambition d’aboutir à l’émancipation politique, économique, culturelle et sociale de la Bretagne 14 »).

Comment est-on passé de l’écotaxe à la réclamation d’une « officialisation de la culture bretonne » ?

Le feuilleton de l’écotaxe

Le principe d’une taxe sur les transports routiers a été conçu en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, pendant le processus appelé « Grenelle de l’en- vironnement », mais elle s’inscrit aussi dans un contexte européen de recherche des meilleurs moyens d’éviter les émissions de CO2 15. Les prémices de cette taxe se trouvent dans la loi de finances 2007, à l’initiative de parlementaires alsaciens qui avaient constaté depuis 2005 un report de trafic sur les routes alsaciennes à la suite de la mise en place de la taxe poids lourds allemande (2005 : jusqu’à 2000 camions de plus par jour sur les routes d’Alsace 16). La taxe kilométrique sur les poids lourds devait être perçue à titre expérimental en Alsace, puis généralisée à tout le territoire national au profit des collectivités territoriales et de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Deux points principaux ont fait l’objet de négociations. La carte des routes taxées et les payeurs de la taxe, l’État s’étant engagé à sa « neutralité » pour les transporteurs routiers 17. Une première négociation aboutit au décret d’application 18 qui minore les taux

13. Un parlement breton avec pouvoir législatif, à l’image de ce qui existe à peu près par- tout ailleurs (Länder allemands, Écosse, Catalogne, etc.), la dévolution progressive du pouvoir réglementaire en commençant par la fiscalité de proximité, l’action économique, les attributions linguistiques et l’enseignement, une autonomie de la Sécurité sociale en Bretagne, comme cela existe en Alsace, régionalisation de la collecte des taxes et des impôts.

14. http://mouvement-bretagne-progres.fr/charte-dadhesion-karta-emezelan/

15. La Finlande a été le premier pays d’Europe à mettre en place une taxe sur le dioxyde de carbone. Les Pays-Bas ont commencé à la fin des années 1980, le Danemark au début des années 1990.

16. Sénat, Rapports législatifs. « Projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infra - structures et de services de transports », http://www.senat.fr/rap/a12-334/a12-3341.html

17. Ibid., http://www.senat.fr/rap/a12-334/a12-3341.html 18. N° 2011-233 du 2 mars 2011.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(7)

227

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

kilométriques appliqués aux poids lourds dans les trois régions françaises compre- nant au moins un département considéré comme « périphérique » (Aquitaine, Midi-Pyrénées et Bretagne). Un deuxième décret 19 fixe la liste exacte des itiné- raires locaux taxables en concertation avec les collectivités territoriales, mais cette liste est encore contestée en 2014 par certains élus. Le deuxième point, la question technique des modalités de la répercussion de la taxe sur les prix des marchan- dises, a suscité la mobilisation des transporteurs jusqu’à la dernière mouture de la loi qui prévoit une répercussion forfaitaire systématique finalement approuvée le 25 avril 2013 20, un an après l’élection de François Hollande. En juillet 2013, le gouvernement publie le décret fixant, à compter du 1er janvier 2014, les taux de l’écotaxe poids lourds selon les catégories de véhicules. Ces taux sont réduits de 50 % pour le réseau soumis à l’écotaxe en Bretagne et de 30 % pour ceux des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées 21. Le feuilleton aurait donc dû s’arrêter là.

En Bretagne, dès 2008, le Medef et les agriculteurs de la FNSEA des dépar- tements bretons se sont mobilisés contre la taxe (« lobbying, relation avec les ministres » 22). Frédéric Duval, alors président du Medef de Bretagne, l’avait dépré- ciée comme une mesure électorale : « L’écotaxe a été prévue par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne de 2007 pour avoir certaines voix écologistes et celles de certaines régions comme l’Alsace 23. » Le 4 février 2009, une manifestation est organisée au péage de la Gravelle (entrée sur les routes gratuites du réseau routier de Bretagne), tandis qu’à l’Assemblée nationale Marc Le Fur, député UMP des Côtes-d’Armor, intervenait pour alerter le gouvernement sur ce refus de la taxe 24. La manifestation rassemble entre 1 000 et 2 000 personnes, des patrons et organi- sations patronales, mais aussi Christian Troadec et Thierry Merret 25, qui seront les fondateurs du mouvement des Bonnets rouges. On a donc, dès 2009, une union contre la taxe d’acteurs capables de mobiliser au sein de milieux variés, à l’échelle régionale et dans les milieux parisiens du pouvoir.

19. N° 2011-910 du 27 juillet 2011.

20. La loi portant « diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de trans- ports » a été votée par 59 voix pour, 14 contre et trois abstentions. Le PS, les écologistes et les radicaux de gauche l’ont soutenue, l’UMP et le Front de gauche se sont prononcés contre, les centristes se sont abstenus. Le Monde, « L’écotaxe poids-lourds adoptée par le Parlement », www.lemonde.fr.

21. Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. www.developpement- durable.gouv.fr.

22. Entretien avec le secrétaire général Medef-Bretagne, Frédéric Duval, 25 février 2014.

23. Entretien, 25 février 2014.

24. « Assemblée nationale : Première séance du mercredi 4 février 2009 » (en ligne) http://2doc.net/pz2iz. Consulté le 7 mai 2014.

25. Entretien avec Frédéric Duval, 25 février 2014.

Herodote_154_BAT.indd 227

Herodote_154_BAT.indd 227 05/09/14 11:3805/09/14 11:38

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(8)

228

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

Christian Troadec, 48 ans, né à Carhaix, maire de Carhaix (7 700 habitants), dans le Finistère, en Bretagne intérieure. Ses convictions politiques identitaires (écharpe de maire aux couleurs du drapeau breton) se forgent à la lecture de Xavier Grall, écrivain nationaliste breton mort en 1980, puis aux côtés de son ami Charlie Grall 26. Journaliste pour Le Télégramme, Christian Troadec parcourt l’Euro pe de l’Est de 1989 à 1992, ce qui conforte, dit-il, sa représentation géopolitique des pays/régions soumis à des dominations illégitimes. Nommé à la rédaction du Télégramme à Lannion en 1995, il décide de retourner à Carhaix pour fonder son propre journal, Le Poher Hebdo, avec Charlie Grall. Il revend ce journal au Télégramme en 1999, achète la brasserie Coreff qu’il revend aussi. C’est un homme d’action. Il participe à la création du festival de musique des Vieilles Charrues de Carhaix (200 000 festivaliers), qui l’aide à forger sa réputation d’effi- cacité et de dévouement pour la vitalité du Centre Bretagne. Sa popularité s’est construite aussi autour de la lutte contre la fermeture de la maternité et de l’hôpital de Carhaix (2008) : quatorze semaines de combat pour « le droit de naître, de se soigner et d’être opéré à Carhaix », et des méthodes d’action directes (destruction des portes de la sous-préfecture de Châteaulin). Son enracinement politique est local et jusqu’à la crise de 2013 son aura ne dépassait guère le Finistère. Il est élu maire de Carhaix en 2001, puis conseiller régional en 2004 avec le soutien de l’Union démocratique bretonne (UDB, régionaliste de gauche) et des Verts 27. En 2005, il vote « oui » au référendum européen. En 2006, il soutient Ségolène Royal, puis, à la présidentielle de 2007, parraine de Dominique Voynet, candidate des Verts. En 2010, il fait alliance avec le Parti breton pour mener une liste aux régionales : « Nous te ferons Bretagne 28 », qui recueille moins de 5 % des voix. En 2011, il soutient François Hollande et se présente aux législatives 2012, soutenu par le Modem 29. Il est réélu maire de Carhaix aux municipales 2014 avec les deux tiers des voix. La manifestation des Bonnets rouges qu’il convoque à Carhaix

26. Charlie Grall est une figure du militantisme breton, journaliste qui a été con- damné à quinze ans de prison avant d’être gracié par Mitterrand et finalement condamné à deux ans avec sursis en 2012 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

27. Voir l’article « En Bretagne, la majorité cherche à inverser la tendance », Le Figaro, 03/03/2010.

28. Vers d’une chanson de Xavier Grall : « Nous te ferons, Bretagne/avec des mots drus comme les grêles/.../En te nommant Bretagne/Nous te donnerons figure/Nous te ferons patrie/

Avec des mots plus forts/Que les résines du Québec/Nous te ferons nation/Avec des mots plus âpres/Que les cris des Kabyles crucifiés/Nous te ferons, Bretagne/Avec des mots plus doux/Que la chair des grenades... »

29. Voir le site du Modem-Finistère: http://modem29.lesdemocrates.fr

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(9)

229

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

le 29 novembre 2013 réunit près de 30 000 personnes 30. Dans les réseaux d’acteurs identitaires bretons, Christian Troadec est à la charnière entre les secteurs poli- tique, sociétal, économique ; c’est un « communicant » très efficace localement et nationalement, malgré les dénonciations du « système Troadec 31 ».

Thierry Merret, 52 ans, producteur de légumes, artichauts et échalotes (exploitation familiale de 30 hectares et 4 salariés) sur la commune de Taulé, au nord-ouest de Morlaix dans le Finistère. C’est le village d’Alexis Gourvennec, syndicaliste agricole de la FNSEA, mort en 2007, célèbre pour ses réussites entre- preneuriales et ses méthodes d’action directes (blocage des routes, occupation de la préfecture...), auprès de qui Thierry Merret a fait ses premières armes de mili- tant. Élu en 2005, puis en 2014 à la tête de la FDSEA du Finistère, il défend avant tout un point de vue finistérien, au besoin en se plaignant du pouvoir rennais ; il se dit « Finistérien, Breton, européen. Mais jacobin, jamais ! » Dans une tribune d’Ouest-France, Thierry Merret accuse les « adeptes de la décroissance » d’être à l’origine de l’écotaxe : « L’apologie des circuits courts et de l’agriculture urbaine est une ineptie qui conduit inexorablement au repli sur soi, au déclin. La Bretagne a toujours été une terre d’expédition ! Ne nous laissons pas faire, face à ces inté- gristes idéologiques enfermés dans leur tour d’ivoire 32. »

Le 14 mai 2009 une réunion est organisée entre le ministre Jean-Louis Borloo et des représentants du « Collectif des acteurs économiques bretons », après que la même délégation a été reçue à Matignon. Les dérogations évoquées plus haut sont obtenues pour la péninsule bretonne : 40 % d’exonération de la taxe qui deviendront 50 % au premier semestre 2013, exonération de la route nationale 164 entre Rennes et Carhaix, exonération pour les producteurs de lait. Le 20 mai 2009, ledit collectif (une liste de quarante associations d’entreprises de secteurs variés, depuis le bâtiment jusqu’aux producteurs de viande, de l’Union des indus- tries chimiques à l’Union des industries charcutières et traiteurs, les diverses chambres de commerce, d’agriculture, des métiers de l’artisanat, Leclerc et Système U) se réunit à Rennes dans les locaux du Medef et approuve à l’unani- mité les aménagements concédés sur la taxe par le gouvernement. « Ceux qui sont

30. Mediapart, 12 décembre 2013, http://www.fichier-pdf.fr/2013/12/17/troadec-part-2/

preview/page/2/ (Rachida El Azzouzi et Stéphane Alliès ont publié dans Mediapart un article d’investigation sur Christian Troadec, les 12 et 15 décembre 2013 : « Trois semaines d’enquête, une quarantaine de personnes interrogées et dix ans d’archives de presse locale compulsées »)

31. Groupe information Bretagne, http://le-grib.com/politique/bonnets-rouges-et-chapeaux- ronds/christian-troadec/,

32. Ouest-France, 26 août 2013 « Thierry Merret fustige la décroissance » : http://www.

ouest- france.fr/thierry-merret-fdsea-fustige-la-decroissance-1421564

Herodote_154_BAT.indd 229

Herodote_154_BAT.indd 229 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(10)

230

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

dans les Bonnets rouges aujourd’hui, c’est-à-dire la chambre d’agriculture avec Jaouen, Produit en Bretagne, la FRSEA, Thierry Merret..., ils ont tout accepté 33. » C’est pourquoi, le 4 juin 2009, Ouest-France titrait : « La guerre de la taxe trans- ports n’aura pas lieu. Gouvernement et patrons bretons ont réussi à rapprocher leurs positions ».

Pourtant, la pose des premiers portiques en Bretagne, en octobre 2013, pro - voque une crise majeure dans cette région, et dans cette région seulement, contraignant le gouvernement socialiste à abandonner l’écotaxe, et réduisant à rien sept ans de travail parlementaire, au grand dam des Alsaciens notamment.

Le 25 octobre 2013, les représentants du Medef-Bretagne refusent de rester à la réunion de concertation organisée par le préfet.

Un contexte de grave crise de l’emploi ouvrier en Bretagne

En 2012 et 2013, plusieurs usines agroalimentaires importantes ont fermé leurs portes ou mis leurs employés en chômage technique 34, ce qui a provoqué une avalanche de déclarations sur la « fin du modèle économique breton ». Pour justifier le fait qu’il se joigne lui aussi aux appels en faveur d’une suspension de la taxe, contre son gouvernement, Jean-Jacques Urvoas, député socialiste du Finistère, président PS de la commission des lois, a même comparé la situation de la Bretagne à la situation de la Lorraine en 1980. Le trait est trop fort. : le secteur agroalimentaire perd 4 000 emplois en Bretagne entre fin 2001 et fin 2010 35. En Lorraine, la sidérurgie a perdu 56 000 emplois entre 1978 et 1984 [Subra, 2014, p. 51].

On le sait, l’économie bretonne s’est développée depuis les années 1960 sur la base d’un modèle en partie fondé sur la production de lait, d’œufs, de poulet indus- triel et de porc hors-sol, et sur les industries des plats préparés. Après l’époque où la population régionale était contrainte de chercher du travail hors de Bretagne, les années 1970 sont celles où l’on peut espérer « vivre et travailler au pays ».

C’est à ce moment-là que se forge aussi l’image des patrons bretons partis de rien

33. Entretien avec Frédéric Duval, le 25 février 2014.

34. Faillite du groupe Doux, Gad, crise de l’abattoir de volailles Tilly Sabco, et du produc- teur de saumon fumé Marine Harvest. Le groupe Doux est l’un de ceux qui ont été le plus loin dans l’intégration d’une chaîne de production depuis l’œuf (800 éleveurs étaient liés au groupe) au plat préparé, c’est pourquoi sa faillite a des conséquences au-delà des murs de l’usine.

35. Insee, « L’évolution de l’emploi salarié dans l’industrie agroalimentaire bretonne », Octant Info, n° 14, consultable en ligne http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=2

& ref_id=17837

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(11)

231

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

(Leclerc, Yves Rocher, Doux, Glon), qui construisent de grands groupes et créent de l’emploi. À leurs côtés, de très nombreuses petites et moyennes entreprises de l’agroalimentaire s’installent dans des zones rurales. Aujourd’hui, la Bretagne occupe le premier rang national dans l’industrie agroalimentaire (68 900 salariés hors intérim fin 2010, soit 39 % de l’emploi salarié industriel breton) 36. Si les failles du système agroalimentaire en matière de respect de l’environnement ont été dénoncées, et si le bien-être animal a fait l’objet de directives européennes, on n’a rien dit pendant toutes ces années sur le type d’emploi que génère le modèle agroalimentaire breton : la dureté des conditions de travail à la chaîne, les faibles niveaux de formation et de salaires (smic et intérim). C’est le bas de gamme de l’agroalimentaire, dont la compétitivité a reposé également sur les subventions européennes. Celles-ci, qui soutenaient les prix des productions bretonnes pour leur permettre d’être exportées, se réduisent depuis 1993 : alors qu’elles ont constitué plus de 80 % des dépenses de la PAC dans les années 1980, elles n’en constituent plus que 4 % pour 2014-2020 37. Lorsque l’on parle de la fin d’un modèle en Bretagne, il faut comprendre la fin d’un modèle de développe- ment industriel étroitement lié aux subventions, fondé sur la réduction des coûts de production des « carcasses » et les bas salaires d’une main-d’œuvre sans formation.

Les difficultés de l’industrie agroalimentaire affectent particulièrement l’emploi intérimaire (environ 10 000 intérimaires dans ce secteur en 2010 au plus fort de la saison, soit le tiers des intérimaires bretons) 38. La crise de ce secteur est d’autant plus inquiétante pour les acteurs régionaux qu’elle se couple avec d’autres fragi- lités dans l’automobile et la construction 39.

D’autres pays d’Europe ont choisi, à la même époque, ce type de développe ment agro-industriel, notamment les Pays-Bas ou le Danemark, mais l’investissement pour articuler la recherche et l’industrie 40 y est très important et le secteur est en pointe pour l’exportation dans toute l’Europe du Nord et de l’Est. Une région comme la Bretagne ne peut faire des investissements coordonnés recherche/indus- trie comme ceux des secteurs agro-industriels hollandais ou danois sans le soutien durable de l’État. Mais l’État français, pas plus que les élus régionaux, n’a orienté

36. Ibid.

37. Chambre d’agriculture de Normandie, Gestion des marchés agricoles : la fin des quotas, analyse, janvier 2014. Consultable en ligne http://www.normandie.chambagri.fr/

pac_2014/1401-fin-quota.pdf

38. Insee, « L’évolution de l’emploi salarié dans l’industrie agroalimentaire bretonne », Octant Info, n° 14.

39. Insee, Synthèse régionale : L’économie bretonne en 2012. Consultable en ligne http://

www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=2 & ref_id=20005#chapitre1 40. Par exemple site Agrofood Park <http://www.agrofoodpark.dk>

Herodote_154_BAT.indd 231

Herodote_154_BAT.indd 231 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(12)

232

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

les investissements vers la recherche, et les grandes entreprises ont mis à profit le système des subventions européennes 41 pour faire croître leurs activités sans envi- sager l’avenir du secteur, c’est-à-dire celui de ses ouvriers 42.

Le 29 octobre 2013, l’écotaxe est suspendue. La manifestation du 2 novembre à Quimper est maintenue (il y eut entre 15 000 et 30 000 manifestants) comme un « rassemblement pour l’emploi ». C’est à ce moment-là que l’alliance des employeurs et des employés dans une communion pour la Bretagne, sous le signe de son « identité », a suscité des controverses quant aux intérêts que chacun défen- dait vraiment sous le bonnet rouge de l’union pour la Bretagne.

À qui sert l’identité bretonne ?

Une fois la gauche au pouvoir, l’écotaxe devient à nouveau un problème majeur pour « les Bretons ». Le 18 juin 2013 un « appel » est lancé à Pontivy par le Comité de convergence des intérêts bretons, un groupe de patrons en pointe sur la reven- dication identitaire, où l’on retrouve notamment Alain Glon, président de l’Institut de Locarn (think-tank patronal identitaire breton), Jakez Bernard, président de

« Produit en Bretagne », Jean-Pierre Le Mat, alors président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises des Côtes-d’Armor, administrateur de l’Institut de Locarn, fondateur de l’association « Breizh impacte », Olivier Bordais, directeur du centre Leclerc de Landerneau (Finistère), Jacques Jaouen, président de la chambre d’agriculture de Bretagne, Jean-François Jacob, secré- taire général de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) de Saint-Pol-de-Léon, Jean Ollivro, géographe et président de Bretagne Prospective... Cet appel a eu lieu dans des locaux ayant abrité des réunions du Celib 43 et plusieurs signataires expriment à l’occasion de sa présentation leur refus de payer l’écotaxe. Le texte dénonce « l’hypercentralisme français, la multiplication des rouages admini stratifs et le labyrinthe des réglementations », « une avalanche insupportable de taxes, d’impôts, de charges, de contraintes », « les dogmes et les systèmes qui nous font

41. En 2010, Doux a reçu quelque 56 millions d’euros de subventions européennes (Mediapart).

42. « La majorité des PME innovantes bretonnes se concentrent dans le domaine des TIC, en lien avec le pôle Images et réseaux notamment, alors qu’elles sont peu présentes dans d’autres filières importantes au niveau régional, comme par exemple l’agroalimentaire », Pré- fecture région Bretagne, septembre 2012. http://www.bretagne.territorial.gouv.fr/sit_alk/upload/

fdoc/12080_22597_Rapport_intermediaire_V3c_seminaire.pdf

43. Comité d’études et de liaison des intérêts bretons, lobby breton auprès des instances de pouvoir à Paris, créé en 1950.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(13)

233

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

passer d’un État de droit à la paralysie par le droit », et demande une « gouvernance économique régionale ». Il lance le slogan « Décider, travailler et vivre au pays » (qui évoque celui des patrons de la chambre de commerce de Bayonne, sur le droit à décider pour réclamer la division du département des Pyrénées-Atlantiques et la création d’un département basque). L’expression de « peuple breton » n’y est pas employée, mais on y trouve la même rhétorique sur la capacité des Bretons à orga- niser le développement de leur territoire, parce qu’ils sont bretons, et donc qu’ils prendront les décisions de « bon sens », surtout dans ce contexte de crise où il faudrait de toute urgence échapper à « la morosité, cette permanence de l’échec qui sont les tristes visages d’un pays sans ambition » (on doit en déduire qu’il s’agit là de la France). Il est commun en Bretagne de citer derrière le nom de chaque entreprise le nombre de ses employés comme si elle les représentait : sur le site du Medef, le Collectif des acteurs économiques bretons « représentant 150 000 entre- prises employant 900 000 actifs », dans Ouest-France le « club des Trente » est présenté comme une « trentaine de patrons bretons » et « 400 000 salariés ».

De même, les déclarations de ceux qu’on appelle des « patrons » rassemblent celles de grands groupes (Charcutier Jean Floc’h, 1 600 salariés, 9 sites) en même temps que celle du « Club d’entreprises du pays de Baud », association professionnelle locale d’une cinquantaine de petites entreprises 44. Le Medef-Bretagne, en plus du lobbying à Paris, communique sur son rôle en tant qu’acteur politique local : il apparaît d’abord sous le nom de « Collectif des acteurs économiques contre la taxe Borloo en Bretagne », puis remplace le complément de lieu « en Bretagne » par l’adjectif « breton » et signe : « Collectif des acteurs économiques bretons », ce qui créé l’image d’une solidarité intrinsèque entre ces entrepreneurs et la région. Les patrons bretons sont une sorte de représentation géopolitique. Il n’est plus besoin de préciser de qui l’on parle, le terme en lui-même efface toute idée d’intérê t particulier.

Le 2 novembre, pour la manifestation de Quimper, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises des Côtes-d’Armor, dont le président était alors Jean Pierre Le Mat, organise un départ collectif en même temps que l’Institut de Locarn, le think-tank de patrons « bretons », dirigé par Alain Glon, patron du groupe Glon Sanders 45. Le 31 octobre 2013, en appelant à manifester à Quimper

44. Entreprises de moins de dix salariés. « Le club Entreprise baldivien compte 53 entrepre- neurs », Ouest-France, 28/09/2012. <www.ouest-france.fr>

45. Créé en 1947 par André Glon, le groupe annonce un chiffre d’affaires estimé en 2013 à 1,9 milliard d’euros. De nombreuses marques de produits élaborés à partir de pomme de terre, d’œuf, de viande de volaille ou de porc dépendent du groupe. « Alain Glon, champion breton », Le Journal des entreprises du Morbihan, 2 juillet 2010. Consultable en ligne : http://www.lejournaldesentre- prises.com/editions/56/actualite/rencontre/alain-glon-champion-breton-02-07-2010-99578.php

Herodote_154_BAT.indd 233

Herodote_154_BAT.indd 233 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(14)

234

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

contre l’écotaxe, Alain Glon exprime sa « solidarité aux salariés très nombreux qui ont perdu leur emploi et vont affronter une période de reconversion ». « Nous avons aussi pour mission de participer à la construction d’un avenir radieux pour notre région. Nous aurons à nouveau besoin de vous pour engager la Bretagne dans le choix de son destin. C’est pour bientôt 46. » À la mi-octobre, avant la suspension de l’écotaxe, l’Institut de Locarn appelle les entreprises à « sonner le tocsin » :

Nous vous invitons à participer à une opération exceptionnelle de sensibilisation à la situation critique de l’économie et de l’emploi en Bretagne. La destruction d’emplois en Bretagne intervient au rythme de 1 000 par semaine. Si rien n’est fait de façon urgente, la Bretagne connaîtra un désastre économique et humain sans précédent.

C’est pourquoi le 16 octobre, dans la matinée, à l’heure de votre choix, mais idéa- lement à 12 h 00, nous vous invitons à déclencher un exercice incendie dans votre entreprise pour alerter vos salariés sur la gravité de la situation 47.

Plusieurs entreprises suivent la consigne, et divers articles d’Ouest-France s’en font l’écho : le 17 octobre 2013, à l’usine de volailles de Keranna, Xavier Foutrel, directeur commercial, et aussi membre du comité de direction du groupe Glon Sofiprotéol, fait retentir l’alarme incendie et lit un discours aux salariés réunis, dénonçant les réglementations et les taxes. Les sociétés Michel Robichon à Saint- Thuriau et Atlho, également propriétés du groupe Glon, font un arrêt d’une heure.

Dans l’usine Bigard, « numéro 1 de la viande en France », on fait sonner l’alarme incendie « pour un exercice grandeur nature où tous les personnels sont impliqués, soit 800 personnes pour le siège quimperlois. En fin de rassemblement le directeur de l’entreprise et celui des ressources humaines expliquent aux côtés des syndi- cats CGC et CGT (qui posent sur la photo avec les directeurs) : “Nous sommes associés au mouvement des entreprises agroalimentaires qui vont mal, ont annoncé ou annonceront un plan social, pour tirer un signal d’alarme et être solidaires 48.” » Dans celle des pâtés Hénaff, « les dirigeants estiment avoir un devoir sociétal et d’alerte », organisent un exercice d’incendie, et Loïc Hénaff monte sur une palette pour « informer » les salariés 49. Le centre Leclerc de Concarneau ferme entre 9 h 00 et 10 h 00 pour protester contre la mise en place de l’écotaxe. Les agriculteurs, qui sont aussi sur la brèche, apparaissent pour certains d’entre eux dans le collectif des chefs d’entreprise.

46. Site Institut de Locarn.

47. Site Institut de Locarn, octobre 2013.

48. Ouest-France, 17 octobre 2013.

49. Ouest-France, 30 octobre 2013.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(15)

235

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

La communication au sujet d’une société bretonne mobilisée pour son bien-être ou sa survie est efficace. La multiplication des « collectifs 50 », de leurs sigles, et le fait que les mêmes personnes se retrouvent dans plusieurs collectifs, comités ou associations pour la Bretagne renforcent le sentiment de l’unanimité rassemblant classes sociales, niveaux de revenus, secteurs et intérêts économiques alors qu’on retrouve finalement une vingtaine de personnes pour impulser et organiser un mouvement. La crise est un moment privilégié de cette communication pour agglo- mérer, faire le peuple en quelque sorte. Les messages s’adressent à « Paris », ou au « centre », représentation géopolitique de l’État qui met l’accent sur l’éloigne- ment et évite de se déclarer contre « les Français ». Ils s’adressent aussi, peut-être surtout, à la société bretonne car le projet est géopolitique : des représentations géopolitiques associant le territoire et ses habitants sont construites, et la communi- cation est cruciale pour qu’elles prennent consistance. La convergence des intérêts divers dans un unique registre sémantique « breton » renforce la représentation géopolitique du territoire car dans ce sillage tout le monde se met à parler systé- matiquement de « la Bretagne » comme si c’était une personne, un acteur politique.

La crise est assez brève : elle dure du mois d’août au mois de novembre 2013.

Elle se concentre sur le Finistère, où se trouvent les lieux des grandes réunions des Bonnets rouges et le souvenir des luttes des années 1970, souvent évoquées aux états généraux. Il y eut plus de plans sociaux et de portiques détruits ou démontés en Bretagne occidentale qu’en Bretagne orientale. La crise est la conjonction entre la mobilisation du patronat local, le bouillon de colère des ouvriers qui négocient pour leurs emplois, leurs salaires ou leurs indemnités, l’installation des premiers portiques, l’histoire des mobilisations politiques et sociales du Finistère, le ressen- timent contre l’est de la Bretagne dont les indicateurs économiques sont meilleurs que ceux de l’Ouest. Les plans sociaux, plus nombreux aussi en basse bretagne, ont fait l’étincelle que la personnalité de Christian Troadec et le génial coup médiatique des Bonnets rouges ont transformée en incendie.

Ni rouge ni blanc, breton seulement ? Du sentiment identitaire au projet géopolitique

« Ensemble [lit-on sur la charte des Bonnets rouges] en partant de la base, nous prendrons des initiatives constructives pour relocaliser les emplois et les

50. « Collectif vivre et travailler au pays » (les Bonnets rouges), « collectif pour l’emploi dans l’agroalimentaire et l’agriculture en Bretagne » (ensuite fondu dans celui des Bonnets rouges), « collectif des acteurs économiques bretons contre l’écotaxe » (Medef).

Herodote_154_BAT.indd 235

Herodote_154_BAT.indd 235 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(16)

236

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

décisions. » Le mouvement prône la conjonction des intérêts contradictoires en un intérêt général « breton » (« la Bretagne se construira collectivement, au-delà des divisions entre professions ou sensibilités politiques »), sans décrire les contours de ce que les Bonnets rouges nomment ici « la base », synonyme de « nous », person- nifiée par les images télévisuelles de l’océan des bonnets rouges et des vagues de drapeaux bretons.

Pourtant tout le monde est loin d’être d’accord en Bretagne sur ce que devrait être l’intérêt général « breton ».

Bien que Nadine Hourmant 51 et Olivier Le Bras, délégués FO chez Doux et Gad, soient porte-parole des Bonnets rouges, les syndicats ont été très prudents, afin de ne pas se trouver à manifester pour la défense d’intérêts patronaux. La CFDT, premier syndicat des salariés de la région, ne participe pas à la manifestation de Quimper, mais à la réunion organisée par le préfet le 25 octobre 2013, parce que

« ce n’est pas l’écotaxe qui fait que des centaines de salariés de l’agroalimentaire perdent leur emploi » 52. En 2007, Daniel Moaligou, secrétaire général CFDT- Morbihan, dénonçait :

L’hyperflexibilité, la dégradation des conditions de travail, l’irrespect des person- nels et les abus liés au personnel temporaire (...). Les salariés doivent être mobiles, présents, polyvalents, et coacher les personnels intérimaires. Tout cela sans contre- partie de rémunération. (...) Vache folle, grippe aviaire, mondialisation, RTT... Pour faire monter la pression, tous les prétextes sont bons 53.

La CFTC, quatrième force syndicale en Bretagne, est en retrait des manifes- tations sur l’écotaxe, mais appelle à la réunion des états généraux de la Bretagne

51. « Nadine Hourmant, Voler dans les plumes », entretien par Pierre-Henri Allain, Rennes, Libération, 4 septembre 2012, a travaillé 22 ans à la chaîne chez Doux, depuis ses 18 ans. « C’est Doux qui m’a forgée, qui m’a fait me rebeller. Doux, c’est Germinal, il n’y a aucun dialogue social (...). Ce que je veux, c’est connaître la vérité. Comment un groupe implanté mondialement a pu tomber comme ça. Il faut qu’on m’explique. » http://www.liberation.fr/economie/2012/09/04/

nadine-hourmant_843930, En mars 2014, elle tient son explication : les trois grands responsables de la crise : les patrons, qui n’ont pas assez investi, n’ont pas financé la formation de leurs salariés et n’ont recherché que le profit ; l’État, qui a accordé ses aides publiques sans aucune contre- partie ; l’Europe, qui a favorisé le dumping social en autorisant l’emploi de travailleurs étrangers à des salaires bien inférieurs à ceux qui ont cours chez nous. Bilan, l’agroalimentaire breton doit aujourd’hui faire face à la concurrence déloyale des pays européens qui, il y a quelques années encore, dépendaient des exportations bretonnes. « Carte blanche. L’agroalimentaire est à recons- truire », 9/03/2014, <Le Télégramme.fr>.

52. Site Medef-Bretagne : http://ue-medef-bretagne.fr/non-classe/ecotaxe-les-patrons-bretons- claquent-la-porte.html

53. « Industrie agroalimentaire : la CFDT tire la sonnette d’alarme », Ouest-France, 4/08/2007.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(17)

237

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

pour « arrêter la casse des entreprises, rendre le pouvoir aux acteurs locaux, créer une économie forte et durable ». En novembre 2013, le jour de la manifestation de Quimper, une contre-manifestation eut lieu à Carhaix, à l’appel de la CGT, Solidaire et FSU de Bretagne :

Le détournement du mécontentement, réel, d’une grande partie de la population à des fins politiciennes met en cause l’intégrité et l’indépendance des salariés dans un combat qui n’est pas le leur. Les « bourreaux » sont aux commandes de cette manœuvre (...). Ils voudraient que les salariés oublient qu’ils ont toujours soutenu les politiques néolibérales responsables de la crise actuelle et que leur « modèle agricole breton » est aujourd’hui une faillite économique, sociale et environnementale 54. Elle a rassemblé environ 3 000 personnes, autant que les états généraux des Bonnets rouges du 8 mars 2014. Quelques semaines plus tard ils étaient entre 6 500 et 13 000 personnes 55 à manifester, dans différentes villes de Bretagne pour que le « Pacte d’avenir » proposé par l’État protège les ouvriers face aux mutations industrielles « inévitables » 56.

La FNSEA, syndicat de Thierry Merret, s’est démarquée du « jusqu’au-boutisme breton contre l’écotaxe » 57 et les organisations des routiers n’ont pas mobilisé non plus alors qu’elles ont déjà démontré leur pouvoir dans le passé 58, même si loca- lement leurs adhérents n’ont pas toujours suivi les consignes et que Claude Rault, transporteur à Pontivy, 70 camions, 80 employés, est porte-parole des Bonnets rouges. La Confédération paysanne, Europe Écologie-Les Verts, sauf quelques élus, des associations de défense de l’environnement ont déploré l’abandon de l’écotaxe. Au sein des entreprises aussi, il faut distinguer les chantres de l’identité bretonne de l’Institut de Locarn et l’ensemble du Medef-Bretagne. Les intérêts divers de tous ces acteurs, dont on a vu qu’ils se sont rassemblés pour une cause bretonne, peuvent devenir également contradictoires ; sur quels sujets ou pour

54. Déclaration des organisations syndicales des salariés de Bretagne, 30 octobre 2013. Consul- table en ligne : http://www.cgt-gironde.org/files/20131030_Communiqu_des_organisations_

syndicales_de_salaris_de_Bretagne.pdf

55. Voir sur le site de BFM TV : « Bretagne : les syndicats mobilisent moins que les “Bonnet s rouges” », 23/11/2013.www.bfmtv.com.

56. « Les mutations industrielles, quand il est démontré qu’elles sont inévitables, doivent être anticipées pour permettre aux salariés de se réorienter et se former dans un parcours sécurisé et ainsi éviter les suppressions d’emploi », tract intersyndical : http://www.cgt-bretagne.

fr/IMG/pdf/Declaration_intersyndicale_du_13_Nov_2013.pdf

57. Entretien avec Xavier Beulin, « Écotaxe : la FNSEA veut une exonération pour toute la filière agricole », http://www.europe1.fr, 7/11/2013, Europe 1.

58. Ph. Subra, « Le transport routier en France : aspects géopolitiques d’une question envi- ronnementale », Hérodote, 1/2001 (n° 100), p. 151-179.

Herodote_154_BAT.indd 237

Herodote_154_BAT.indd 237 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(18)

238

CARTE 1. – À LOUEST,

1 2

4 4 4 FINISTÈRE FINISTÈRE

Basse Bretagne Basse Bretagne

MORBIHAN MORBIHAN

Guilvinec

Guilvinec ConcarneauConcarneau

Lorient Lorient Audierne

Audierne Douarnenez Douarnenez

Crozon Crozon

Guiclan Guiclan

Caraix-Plouger Caraix-Plouger Morlaix

Morlaix

Brech Brech Melgven

Melgven Pont-de-Buis

Pont-de-Buis

Lanrodec Lanrodec

Quimper Quimper Brest

Brest

Lannion Lannion

O c é a n A t l a n t i q u e O c é a n A t l a n t i q u e

Belle-Île Belle-Île nn

cla c Guu G G Guiclaanii a

Guiclan n odn o ecnrorrodecod

o Po PPo Po Po

BB M

M

20 km

Un Ouest breton marqué par les actions chocs sur les biens publics...

Portique détruit durant une manifestation des Bonnets rouges Portique démonté suite aux manifestations des B.R.

Portique fonctionnel

Radar détruit non revendiqué par les B.R.

... et caractérisé par sa périphéricité Route écotaxée

Ligne ferroviaire Quimper

Quimper

... expliqué par la présence des « zones libérées* » BR et un territoire avec une forte combativité...

Lieu de grande manifestation BR Limite entre haute et basse Bretagne Territoire avec une forte combativité, surtout autour du milieu agricole, mais peu organisée

Ville de contradiction au carrefour de différents territoires avec un riche passé de luttes et de revendications, notamment autour des services publics et moteur de la combativité régionale Port de pêche avec une forte combativité

Comité local des Bonnets rouges

* Les « zones libérées » des Bonnets Rouges est une expression utilisée par Jean Pierre Le Mat lors de son entretien avec B.Guyader pour désigner les lieux où le soutien de la population est fort en référence à la même expression utilisée par le Che Guevara pour désigner notamment la Sierra Maestra).

Chonologie

1961 : 4 000 agriculteurs protestent FRQWUHOšHƵRQGUHPHQWGHVFRXUV de la pomme de terre et bloquent Morlaix 1961 : 4 000 agriculteurs protestent FRQWUHOšHƵRQGUHPHQWGHVFRXUV de la pomme de terre et bloquent Morlaix

1

1962 : « bataille du rail » : syndicats agricoles et CELIB contre la politique tarifaire de la SNCF

1962 : « bataille du rail » : syndicats agricoles et CELIB contre la politique tarifaire de la SNCF

2

2008-2009 : 7 000 à 10 000 manifestants pour la défense de l’hôpital

2008-2009 : 7 000 à 10 000 manifestants pour la défense de l’hôpital

4

1972 : FRQƷLWVHWJUªYHGX-RLQW)UDQ©DLV 1972 : FRQƷLWVHWJUªYHGX-RLQW)UDQ©DLV

3

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(19)

239

3

Haute Bretagne Haute Bretagne CÔTES-D’ARMOR CÔTES-D’ARMOR

MAINE-ET-LOIRE MAINE-ET-LOIRE MAYENNE MAYENNE MANCHE

MANCHE ORNEORNE

CALVADOS CALVADOS

ILLE-ET- VILAINE ILLE-ET- VILAINE Rennes Rennes

St-Alloueste St-Alloueste

Elven Elven

Bain- de-BretagneBain- de-Bretagne Montauban- de-Bretagne Montauban- de-Bretagne

Plélan- le-Grand Plélan- le-Grand -XJRQ les-Lacs -XJRQ les-Lacs

&RJOªV

&RJOªV

St-Aubin- du-Cormier St-Aubin- du-Cormier

Erbrée Erbrée

-DQV -DQV

La Roche-Bernard La Roche-Bernard Trignac

Trignac Vannes Vannes

St-Brieuc St-Brieuc

St-Malo St-Malo

Nantes Nantes LOIRE-ATLANTIQUE LOIRE-ATLANTIQUE

VENDÉE VENDÉE

Noirmoutiers Noirmoutiers

M a n c h e M a n c h e

R R R R R BRETAGNE

BRETAGNE

PAYS-DE-LA-LOIRE PAYS-DE-LA-LOIRE BASSE-NORMANDIE BASSE-NORMANDIE

oueste louesstete

EE

é Plélan Plélan

ee--

&R

&R

&

&R

é Erbrée Errbrérée Mdd

M M Mdddd es es leess

SSSd SSSSSSSSSS dd

O RE O AINE-ET-LOIR A

A A

MAAAINE-ET-LOIREAINE-ET-LOIREAA R MA

MA NE-ET-LOIRENE-ET-LOIR

M N R

MAINE-ET-T-LOIRE MAYENN MAYENNE MAYENNE MAYENNE MAYAYENNE E

MANCHE MANCHE

MANCHE OORNEORNEORNEE

CALVADOS CALVADOS CALVADOS CALVADOS CA CALVLVAVADOS

DQV DQV DQQV

L R h Boc e e a dd La Roche-Bernarda Roche-Bernard LLa RoRoche--BBerrnardrd Trignac

Trignac Trignaci Tr Trrigngnac

Nantes Nante N Nanteses Na Nantnteteses

QUE ATLANTIQ LOIRE-AR ATLANTAATLANTAA QQ EE LOIRE

LOIREOOOOOII LANTIQUENN IIQQUU LO RR N LOIRE--ATATLALANTIQUE

VENDÉE VENDÉE VENDÉE VENDÉE VENDÉE

PAYS-DE-LA-LOIRE PAYS-DE-LA-LOIRE BASSE-NORMANDIE BASSE-NORMANDIE

ccc LL

--D -D

Sources : Le Télégramme ; SNCF ; Mikael Boldore ; Gaël Roblin Carte conçue par B. Guyader Hérodote n°154 LES BONNETSROUGES

Herodote_154_BAT.indd 239

Herodote_154_BAT.indd 239 05/09/14 10:4405/09/14 10:44

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

(20)

240

Hérodote, n° 154, La Découverte, 3e trimestre 2014.

quelles raisons, c’est une question à laquelle les prochains développements de la réforme territoriale apporteront peut-être quelques éléments de réponse.

L’écotaxe fut la revendication centrale de certains des acteurs impliqués dans les événements de l’automne 2013, d’autres se manifestèrent à cette occasion

« pour l’emploi », et les Bonnets rouges tentèrent une mobilisation plus large de la société sur la question du pouvoir « breton ». Jean-Yves Le Drian, président socia- liste du conseil régional de 2004 à 2012, à la fois ministre de la Défense nationale et régionaliste breton, a développé des relations politiques de longue date avec Christian Troadec (chacun utilisant l’autre 59). Le 6 décembre 2013, il invite ce dernier au ministère de la Défense :

Le but de ce rendez-vous, dit le communiqué de Christian Troadec, était de fixer dès maintenant les termes de la grande réforme décentralisatrice tant attendue par les Bretonnes et les Bretons (...). Après des échanges cordiaux, il a été convenu entre les deux hommes que l’avenir de la Bretagne se déciderait à travers l’implication de toutes celles et tous ceux qui exigent la relocalisation des décisions en Bretagne 60. Jean-Jacques Urvoas parle d’une France « qui ne pourra pas continuer à avancer en imaginant que tous les territoires sont identiques » et, d’après lui, la réforme territoriale est pour la Bretagne une « opportunité historique » :

Soit nous inventons une voie singulière et exemplaire pour la Bretagne, soit nous subissons un projet national, c’est-à-dire par exemple « un “grand ouest” informe » ou un Ouest-Atlantique qui ne serait qu’un découpage administratif qui n’aurait pas plus que de sens que ceux que les puissances impériales firent en figeant certaines fron- tières en Afrique. Il y a en Bretagne une réalité géographique, historique, culturelle : pourquoi imaginer autre chose 61 ?

Distiller les concepts d’impérialisme, de colonialisme, de frontières, à propos des limites régionales, conforte la représentation géopolitique de l’indépendance de ce territoire.

Les désaccords sur la taxe ne préjugent pas des alliances sur le thème du pouvoir local. Ainsi, après l’appel de Pontivy, Europe Écologie-Les Verts a signé avec des associations et partis identitaires 62, « conscients de la dureté de la crise

59. Voir Mediapart, 12/12/2013.

60. Voir sur le site Ouest-France, « Bonnets rouges. Jean-Yves Le Drian reçoit Christian Troadec », www.ouest-france.fr, 08/12/2013.

61. Entretien dans Ouest-France, publié sur le blog de J.-J.Urvoas.

62. Ai’ta ! ; EELV (Europe Écologie-Les Verts) ; La gauche indépendantiste (Breizhistance – I.S.) ; Kevre Breizh ; MBP (Mouvement Bretagne et Progrès) ; Parti breton ; UDB (Union démo- cratique bretonne) ; 44 = BZH ; Bretagne réunie – Breizh Unvan – et En Avant Bretagne.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 82.255.44.43 - 22/03/2019 14h49. © La Découverte

Références

Documents relatifs

Martin Vanier, Alain Faure, Benoît Dugua, Manon Loisel, Clémentine Martin-Gousset, « La planification à la croisée des chemins : les SCOT comme cas d’école », Pouvoirs Locaux,

Par exemple, amasser des petites voitures ou des poupées peut traduire un attachement à l’enfance (une forme de régression qui trouve alors un exutoire dans la collection) ;

Grâce à un immense cratère retrouvé près du Mexique, les scientifiques pensent qu’une énorme météorite (une roche venue de l’espace) s’est écrasée sur Terre il y

Les virus nus sont reconnus par les motifs conformationnels spécifiques à leur capside tandis que les virus enveloppés sont reconnus par la cellule grâce à des glycoprotéines sur

Le second nouveau virus, nommé Sputnik de petite taille (50 nanomètres et 18 000 paires de base contre plus de 2 millions pour Mamavirus) est capable d'infecter Mamavirus et

La finalité du vivant est de transmettre ses gènes, mais être vivant est bien plus complexe que cela et donc donner une définition précise de cette notion n'est pas possible..

En effet, la coïncidence entre la carte des communes et des paroisses à quévaises, situées dans les Monts d’Arrée ou dans le Trégor intérieur (région de Bégard et

D’une part, si l’on corrige la productivité des durées du travail moyenne pour chaque pays, les Etats-Unis ne sont alors plus le pays le plus productif des grands