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Trafic de valeur ajoutée Michel Husson

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Trafic de valeur ajoutée Michel Husson

Politis n°887, 2 février 2006

Chirac a annoncé un changement du mode de calcul des cotisations sociales. Au lieu d’être calculées sur la masse salariale, elles le seraient sur une assiette élargie à d’autres éléments de la valeur ajoutée, donc à tout ou partie du profit des entreprises. Seul un naïf (ou peut-être un martien débarquant sur notre planète) peut croire que son intention est de dégager de nouvelles ressources. Rappelons que Villepin propose de limiter à 1 % par an en volume la progression des dépenses sociales, bref un blocage brutal, puisque celles-ci ont augmenté de 3 % par an entre 2000 et 2004.

En ouvrant à nouveau ce débat (1), le vœu du Président prend à contrepied ceux qui voient en l’élargissement de l’assiette une recette miracle. Mais ils mélangent deux choses : la manière de calculer les cotisations et leur progression. Rien ne sert de changer leur assiette si on les bloque de toute manière ! Quant à l’idée de « taxer » les profits, c’est une excellente idée, mais toute augmentation des cotisations revient au même, et, franchement, le Medef ne voit pas de différence !

Reste un argument : en « détaxant » le travail, on va créer des emplois en incitant les entreprises à moins

« substituer » du capital au travail, autrement dit à embaucher plus (et à investir moins) pour un même taux de croissance. Sur le papier, c’est très logique ; mais la réalité capitaliste fonctionne autrement : cela fait des années qu’on baisse le coût du travail sans effet significatif sur l’emploi. Pourtant, l’OFCE évalue à 56 000 emplois créés l’effet d’un basculement d’un point de cotisations patronales. Mais ce résultat est un calcul de coin de table : l’OFCE a fixé arbitrairement une élasticité de substitution de 0,7. Bref, le travail de l’économiste se déroule de la manière suivante : je multiplie la baisse relative du coût du travail par 0,7 puis par le nombre d’emplois concernés, et je trouve 56 000. Si j’avais pris un coefficient de 1, j’aurais trouvé 80 000 (et zéro avec un coefficient de zéro). Mais d’où vient ce coefficient de 0,7 ? D’observations fines sur les comportements d’entreprises ? Non. D’un modèle macroéconomique ? Non plus. Du chapeau de l’économiste ? Eh oui ! Et ce calcul vaut ce que vaut le calcul de la fédération des gargotiers affirmant que la baisse de la TVA sur les restaurants créerait 40 000 emplois, autrement dit : rien. L’économiste de l’OFCE, cité par Le Monde du 17 janvier dernier, avoue - en plus - que le « coût du capital » est « difficile à mesurer sur un plan macroéconomique ». C’est reconnaître qu’il est incapable de quantifier ses concepts imaginaires, sans que cela l’empêche d’ailleurs de donner un résultat chiffré au millier d’emplois près.

Que faire alors ? Depuis des années, le patronat et ses gouvernements successifs baissent les cotisations patronales et poussent des cris d’orfraie dès qu’on parle de les augmenter. Pas la peine donc de chercher des solutions baroques au financement de la Sécu : augmentons le taux des cotisations patronales. Et, pour prendre les revenus financiers en tenailles, taxons-les de manière à contribuer au financement des retraites des fonctionnaires.

La question reste ouverte de savoir comment interpréter l’initiative de Chirac. Bien sûr, il peut s’agir de l’une de ses promesses creuses qui n’engagent que ceux qui veulent bien y croire. Mais il peut y avoir aussi l’esquisse d’un projet redoutable qui consiste à déconnecter le financement de la Sécu du salaire. Or, les cotisations sont une forme de salaire socialisée et pas une taxe. En basculant d’une logique sur l’autre, on renonce définitivement au droit de regard, déjà bien virtuel, des salariés sur cette partie de leur salaire. On soumet les dépenses sociales à une logique purement budgétaire et l’on efface ce qui restait d’une logique de satisfaction des besoins. Une fois ce premier basculement réalisé (avec l’assentiment d’une partie de la gauche) il sera plus facile ensuite d’aller vers des projets parfaitement régressifs de TVA « sociale » ou de CSG (tout aussi « sociale ») qui auront pour effet d’exonérer les entreprises de toute contribution supplémentaire au financement des dépenses sociales, en reportant cette « charge » sur les salariés et les consommateurs. Quant à l’opposition du Medef, elle ne porte évidemment pas sur l’objectif mais sur la feuille de route.

(1) pour des contributions à ce débat, voir le site Marchandise, rubrique « Financement de la S€cu » : http://hussonet.free.fr/finasecu.htm

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