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Submitted on 10 Aug 2016
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Maladies transmissibles, territoires et populations
Pierre-Yves Boëlle
To cite this version:
Pierre-Yves Boëlle. Maladies transmissibles, territoires et populations. CIST2011 - Fonder les sciences
du territoire, Collège international des sciences du territoire (CIST), Nov 2011, Paris, France.
pp.45-47. �hal-01353223�
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Maladies transmissibles, territoires et populations
AUTEUR
Pierre-Yves BOËLLE, INSERM (France)
RESUME
Dans l’étude des maladies transmissibles, la modélisation mathématique et informatique joue un rôle important. On cherche à obtenir des modèles permettant une information quantitative qui pourrait alors servir de support à la décision de santé publique. Les données décrivant la structure de population (âge, localisation géographique, navette, transports) sont utilisées afin de renforcer la validité a priori des modèles. Ici nous montrerons deux exemples ciblés autour de la varicelle et de la grippe. Dans le premier cas, nous montrons que l’utilisation de données détaillées permet de retrouver des caractéristiques épidémiologiques de la maladie : incidence décroissante avec la densité humaine, importance de l’âge à la scolarisation. Dans le deuxieme cas, nous explorons l’imporance des données de navette pour comprendre la diffusion spatiale de la grippe. La meilleure integration de ces données dans les modèles, leur généricité reste cependant un problème ouvert.
ABSTRACT
In studying transmissible diseases, mathematical and computer modeling plays an important part. One looks for models that provide quantitative information to be used for decision support in public health. Data describing population structure (age, geographic location, commuting, transportation) are used to strengthen the face value of models. Here we illustrate this approach with two examples focused around chickenpox and influenza. In the first case, we show that using detailed data allows replicating epidemiological characteristics of the disease: incidence decreases with population density, age at school enrolment. In the second case, we explore the importance of commuting data to understand the spatial diffusion of influenza. How to best integrate such territorial data in models remains an open problem.
MOTS CLÉS
Santé publique, Epidémiologie, Modèles mathématiques.
INTRODUCTION
L’épidémiologie, étude des maladies et de leurs déterminants, utilise avant tout l’observation pour identifier les facteurs de risque. Dans les maladies transmissibles, un domaine particulier de l’épidémiologie, la modélisation mathématique et informatique joue également un rôle important. Elle permet notamment de simuler l’impact d’interventions visant à limiter l’extension des épidémies, voire à les rendre impossibles. Les modèles utilisés ont longtemps été des outils permettant une compréhension « qualitative » des phénomènes, c’est-à-dire montrant comment un mécanisme, ou une intervention, pouvait expliquer ou modifier le cours d’une épidémie. Cependant, les modèles ont aujourd’hui l’objectif plus ambitieux de fournir une compréhension « quantitative », sur laquelle une décision de santé publique rationnelle pourrait être basée. A cette fin, on cherche à intégrer dans les modèles des données « d’infrastructure » pour représenter en détail les populations, leur implantation géographique et leurs mouvements.
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Les données issues du recensement sont dans cette voie une source privilégiée de données, permettant de répartir la population en foyers, en unités géographiques, ainsi que de connaître les déplacements de routine. A l’heure actuelle, l’utilisation de telles données à l’échelle globale a montré un potentiel explicatif certain, avec notamment la dissémination de la grippe H1N1 en 2009 par l’entremise des transports aériens. Les capacités prédictives à une échelle nationale ou locale sont aujourd’hui moins clairement établies.
Une question d’intérêt pour les épidémiologistes est donc de déterminer dans quelle mesure l’intégration de données décrivant le territoire permet d’améliorer l’explication et la prédiction des phénomènes épidémiques. Dans la suite, on illustre cette problématique par deux exemples basés sur la varicelle et la grippe.
1. LES DETERMINANTS POPULATIONNELS DE LA VARICELLE
La varicelle est une maladie infantile contagieuse. Dans les pays européens où la vaccination n’est pas recommandée, presque 100% de chaque classe d’âge est infectée par la varicelle. Il y a une très forte variabilité dans l’âge médian à l’infection : celui-ci est de 2 ans aux Pays-Bas ; 4 ans en France ; 6 ans en Italie. Mais il s’agit pourtant du même virus ! Les spécificités territoriales, incluant la répartition de la population et la carte scolaire ont une importance dans l’épidémiologie de la maladie. Au cours d’une enquête spécifique réalisée en Corse, nous avons ainsi pu vérifier que l’âge à la varicelle était clairement influencé par la scolarisation, avec une incidence n’augmentant qu’après l’âge de 3 ans chez l’aîné des enfants. Mais nous avons aussi constaté que l’âge à la varicelle tendait à être plus élevé dans les communes ayant une plus faible densité de population (Silhol et al, 2010).
Un modèle individu centré a été développé afin de déterminer comment les niveaux d’organisation de la population pouvait retentir sur l’épidémiologie observée. Ce modèle incluait des éléments démographiques, avec la simulation d’une population de foyers soumise au vieillissement et au renouvellement, des éléments de structure de transports, avec les mouvements d’enfants de leur commune de résidence à la commune de scolarisation.
Le modèle a été ajusté à des données d’observation, sous différentes hypothèses : mélange dans les foyers et les écoles, dans les foyers et la communauté au sens large (définie comme la commune ou un regroupement de communes), ou dans les trois lieux à la fois. Ces simulations ont montré que les trois niveaux contribuaient à la dissémination de la varicelle, avec 40% des cas causés par un contact à la maison, 11% à l’école et 44% dans la communauté (Silhol et Boelle, 2011).
2. LA DISSEMINATION SPATIALE DE LA GRIPPE
La dynamique de la grippe au niveau national peut être suivie grâce au réseau Sentinelles (http://www.sentiweb.org) et montre qu’il peut exister une structure des effets spatiaux dans la dissémination (Figure). Peut-on prévoir ces effets ? Une source de données pourrait ici être les données de navette, qui renseignent l’écart entre commune de résidence et commune d’activité, professionnelle ou scolaire.
Pour étudier la structuration induite par ces données, un modèle mathématique a été mis en place pour étudier de manière systématique les chemins empruntés par l’épidémie selon son endroit de départ. Il semble que les effets observés s’expriment essentiellement lors des phases de démarrage des épidémies, avec une diffusion autour du lieu d’introduction, suivie par une phase de mélange à l’échelle nationale assurée par les transports. La recherche de chemins préférentiels et de l’existence d’une partition du territoire selon ces chemins est en cours.
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Figure : 10 semaines d’incidence de la grippe durant la saison 1995-1996, mesurées par le réseau Sentinelles. Les régions touchées en premier (une bande allant de Bretagne / Pays de loire vers
Rhône Alpes) sont-elles les premières guéries ?
CONCLUSION
L’épidémiologie des maladies transmissibles est entrée dans une phase quantitative où les données démographiques et géographiques sont utilisées comme support à la prédiction. Cependant, les formulations utilisées restent assez simples, et pourraient bénéficier d’une meilleure compréhension des facteurs structurants l’organisation des populations.
REFERENCES
Silhol R, Alvarez FP, Arena C, Amoros JP, Flahault A, Hanslik T, et al. Micro and macro population effects in disease transmission: the case of varicella. Epidemiol Infect. 2010 Apr;138(4):482-90. Silhol R, Boelle PY. Modelling the effects of population structure on childhood disease: the case of varicella. PLoS Comput Biol. 2011 Jul;7(7):e1002105.
L’AUTEUR
Pierre-Yves Boëlle INSERM U707 boelle@u707.jussieu.fr