N° 8 – JANVIER - F
É
VRIER - MARS 2018 – Revue trimestrielle éditée par l’ASBL Faune & Biotopes – Bureau de dépôt Mass Post P919557
GROS PLANS
La compensation écologique
Énergie et biodiversité en agriculture :
peut-on gagner sur tous les fronts ?
08
2 MILLE LIEUX - JANVIER 2018
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ACTU
AGENDA
DANS LE VENT
DES IDÉES DURABLES
PLEIN LA TÊTE
EN VILLE
La ville à vélo,
une évidence pour les coursiers
SUR LE TERRAIN
Le loup en Belgique ?
Un retour (naturellement) anticipé…
AU FIL DE L’EAU
État biologique des rivières wallonnes
8
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14
28
34
SOMMAIRE
N°08 - JANVIER-FÉVRIER-MARS 2018INTERVIEW
De la plancha à la bêcheFICHE ESPÈCE
L’ambroisie à feuilles d’armoise
FICHE TECHNIQUE
L’indice biotique simplifié
GROS PLAN
Énergie et biodiversité
en agriculture :
peut-on gagner
sur tous les fronts ?
16
48
3
MILLE LIEUX - JANVIER 2018
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SOCIÉTÉ
Tous dehors, une communauté ouverte
LU POUR VOUS
GRAND ANGLE
Benjamin Stassen
Au pied des arbres
ESPACES
Naxhelet, le golf résolument vert
AILLEURS
Les planteurs volontaires
GROS PLAN
La compensation écologique :
une solution pour intégrer
la biodiversité dans les
projets de développement ?
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MILLE LIEUX - JANVIER 2018
ESPÈCE
L’ambr
oisie à feuilles
d’armoise
:
une plante discr
ète
aux ef
fets insoupçonnés
© Sylvain Boisson
FICHE ESPÈCE
Les plantes invasives sont aujour
d’hui bien connues pour
leurs impacts négatifs sur les espèces indigènes et le fonc
-tionnement des écosystèmes. Mais au-delà de ces enjeux
envir
onnementaux, certaines espèces engendr
ent des dif
-ficultés nouvelles, parfois inattendues et couteuses pour la
société, etc. C’est le cas de l’ambr
oisie à feuille d’armoise
:
ayant pourtant peu d’impact sur les écosystèmes natur
els,
cette plante n’a pas fini de fair
e parler d’elle.
Infloresc enc es mâles (nombreux c apitules en forme de cupule ren
versées,
en partie t
erminale des tiges) e
t f emelles (moins nombreuses, à l’ aisselle des f euilles) d’ ambroisie à f euille d’ armoise.
64 MILLE LIEUX - JANVIER 2018
FICHE ESPÈCE
Une plante discrète
venue d’Amérique
L’ambr
oisie à feuilles d’armoise (
Ambrosia artemisiifolia L.
)
est une plante herbacée annuelle de la famille des Astera
-ceae. Son développement est rapide et la plante, ayant en
général germé au printemps, peut dépasser un mètr e de
hauteur en fin de saison. L
’espèce a la particularité d’êtr
e
monoïque
1
, avec des fleurs femelles
discr
ètes à l’aisselle des
feuilles et des fleurs mâles, tr ès abondantes, au sommet des tiges. Ces der nièr es libèr ent du pollen en quantité au cours de l’été. L’ambr oisie ressemble de prime abor d à l’armoise commune (d’où
son nom), dont elle se dif
fér
encie par la co
-loration des faces inférieur
es des feuilles, de même couleur
que les faces supérieur
es chez l’ambr
oisie mais blanchâtr
es chez l’armoise. Il s’agit d’une plante relativement discr ète, peu facile à r epér er
, etc. Notons là une pr
emièr
e dif
fér
ence
avec de nombr
euses plantes invasives aux vertus or
nemen
-tales
évidentes,
comme la balsamine géante,
le solidage
glabr
e ou la ber
ce du Caucase !
L’ambr
oisie à feuilles d’armoise est originair
e d’Amérique du
Nor
d. Elle fait son apparition sur le continent eur
opéen au
cours du 19
e
siècle, principalement via des lots de semences
et des pr
oduits agricoles contaminés par l’ambr
oisie. Les
transports de terr
es et de véhicules militair
es (eux-mêmes
vecteurs de terr
e), ainsi que le commer
ce de graines pour
oiseaux sont également cités comme voies d’intr
oduction.
En tout cas, plusieurs évènements indépendants d’intr
oduc
-tions accidentelles semblent avoir eu lieu au cours du temps
à travers l’Eur
ope. Néanmoins, l’espèce ne s’est pas établie
aussi efficacement partout. À l’heur
e actuelle, les r
égions
d’Eur
ope les plus envahies sont la vallée du Rhône, les Balk
-ans et la plaine de Pannonie (bassin du Danube). Par ailleurs,
l’espèce est également pr
ésente dans d’autr
es parties du
monde (en Chine, par exemple).
Rappelons cependant que les invasions biologiques sont
des pr
ocessus hautement dynamiques et l’ambr
oisie n’a
certainement pas encor
e colonisé toutes les zones où son
installation est possible. L
’urbanisation, l’intensification agri
-cole, les transports de mar
chandises et le changement cli
-matique sont autant de facteurs qui favorisent l’expansion de
l’espèce. Il est donc pr
obable que l’air
e envahie par l’espèce
s’étende encor
e dans le futur
.
© William Ortmans
1
Se dit d’une plante dotée de fleurs unisexuées, les fleurs mâles et femelles étant distinctes mais pr
ésentes sur les mêmes individus.
L’ambroisie à f euille d’ armoise es t une plan te discrè te, parf ois difficile à repérer dans la végé tation.
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MILLE LIEUX - JANVIER 2018
Ex emple de pe tit e population d’ ambroisie à f euille d’
armoise, en milieu rudéral.
Un pollen particulièrement allergisant
Cette expansion annoncée de l’espèce repr
ésente un r
éel
pr
oblème pour nos sociétés, au-delà des pr
oblèmes « clas -siques » d’invasions biologiques. En ef fet, le principal pr oblème
posé par l’ambr
oisie n’est pas son impact sur la biodiversité,
mais bien le fait qu’elle libèr
e dans l’air des quantités impor
-tantes de pollen hautement allergène. Celui-ci engendr
e des
réactions allergiques plus ou moins sévèr
es, caractérisées par
des rhinites, des conjonctivites, de l’asthme, voir
e de l’urticair e s’il est mis en contact avec la peau. Par ailleurs, le pollen est
FICHE ESPÈCE
libér é plus tard dans la saison (vers le mois d’août) que celui
des autr
es espèces allergènes, ce qui allonge la dur
ée d’ex
-position pour les personnes allergiques aux pollens de grami
-nées ou de bouleau, par exemple. Enfin, il a été montr
é que
l’exposition pr
olongée au pollen d’ambr
oisie pouvait r
endr
e
allergiques des personnes jusque-là non sensibles au pollen. Autr
ement dit, l’implantation de l’espèce dans une r
égion r
e-pr
ésente des coûts de santé publique non négligeables, ce
qui n’est pas commun pour une plante invasive.
L’ambroisie et le tournesol…
Et les problèmes ne s’arr
êtent pas là. Si comme de nom
-br
euses plantes invasives, l’espèce af
fectionne les milieux
perturbés et rudéraux comme les bor ds de routes et les
friches, elle a la particularité d’êtr
e, en plus, une adventice
des cultur
es de printemps. Et pas n’importe quelle ad
-ventice
: l’ambr
oisie est considér
ée en Hongrie comme la
«
mauvaise herbe numér
o 1
» du fait de son impact sur les
rendements et de la difficulté de contr
ôler les populations.
En France également, elle est considér
ée comme une plante
adventice au contr
ôle difficile, particulièr
ement pr obléma -tique dans les cultur es de tour nesol. Et ce, pour plusieurs raisons. Pr emièr
ement, elle fait partie de la même famille
botanique que le tour
nesol, ce qui r
end difficile l’utilisation
d’un herbicide sélectif dans ce type de cultur
e. Deuxième
-ment, sa germination est tr
ès étalée
: de la sortie de l’hiver
à la fin du printemps, ce qui complique encor
e les désher
-bages chimiques, pourtant généralisés en agricultur
e inten
-sive. Enfin, et surtout, les graines d’ambr
oisies sont capables
de gar
der leur pouvoir germinatif pendant des décennies et
montr
ent une dynamique complexe de dormance. Dès lors,
un seul lot de graines peut engendr
er des individus pendant
plusieurs années, même sans apport de nouvelles graines. À chaque travail du sol, des graines peuvent êtr
e r
emises
en surface et génér
er une nouvelle population. En d’autr
es
termes, une fois l’espèce pr
ésente sur une par
celle agricole,
il est bien difficile de s’en fair
e quitte.
Ak
ènes (fruits c
on
tenan
t une seule graine) d’
ambroisie à f euille d’ armoise. Ceux -ci mesuren t en viron 4 mm de long e t son t pour vus d’ appendic es poin tus. © William Ortmans © William Ortmans
66 MILLE LIEUX - JANVIER 2018
AUTEUR
Arnaud Monty (ULiège, Gembloux Agro-Bio T
ech)
Situation en Belgique
Par chance, notr
e territoir
e est encor
e r
elativement
épargné. Les populations d’ambr
oisie à feuille d’ar
-moise sont encor
e rar es en Belgique et ne semblent pas suivr e une expansion rapide. Ceci s’explique, entr e autr es, par un climat non optimal pour l’espèce et la quasi-absence de cultur e de tour
nesol, connues pour
constituer des foyers d’invasions. Attention cependant
:
de r
écents travaux menés à Gembloux Agr
o-Bio T
ech
2
ont démontr
é la capacité de l’espèce à se dévelop
-per et se r
epr
oduir
e sous nos conditions climatiques,
et sont en phase avec d’autr
es travaux de r
echer
ches
réalisés dans des pays eur
opéens encor
e peu envahis.
Si la cultur
e de tour
nesol se développait à l’avenir
, ou si
les phénomènes d’intr
oductions accidentelles s’accé
-léraient (par exemple, via la nourritur
e pour oiseaux ou
les déplacements de terr
e), il est tr
ès pr
obable que les
pr
oblèmes liés à l’espèce augmenteraient d’autant. Du
moins, tel serait le cas en l’absence de mesur
es fortes. Parmi les mesur es à pr endr e, la pr évention est bien sûr opportune, notamment aupr ès des acteurs de la filièr e agricole. Néanmoins, du fait du caractèr e non intention
-nel de la plupart des cas d’intr
oduction, du caractèr
e
discr
et de la plante et de la multiplicité des acteurs
concer
nés, il est possible que celle-ci ne suffise pas à
enrayer l’installation de populations sur notr
e territoir
e.
La mise en place d’un système EDRR (pour Early De
-tection and Rapid Response), permettant de r
epér
er
rapidement tout nouveau foyer d’invasion pour l’éradi
-quer au plus tôt (idéalement avant la constitution d’une
banque de graines), est aujour
d’hui une nécessité. Agri
-culteurs, écologues, naturalistes et administrations de -vr
ont donc unir leurs for
ces pour mettr
e un tel système
en place, afin de continuer à r
espir
er pleinement l’air pur
(en tout cas, au niveau pollinique) des plaines agricoles !
2 W illiam Ortmans, Gr égory Mahy & Ar naud Monty (2017). Norther n range edge equilibrium of Ambr
osia artemisiifolia L. not achieved in W
ester
n Eur
ope. Biotech
-nologie, Agr
onomie, Société et Envir
onnement, vol 21., pp 12-21 Jeunes plan tules d’ ambroisie à f euille d’ armoise (au s tade c
otylédon) dans une parc
elle agric
ole.
72 MILLE LIEUX - JANVIER 2018
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N°5 – AVRIL – MAI – JUIN 2017 – Revue trimestrielle éditée par l’ASBL Faune & Biotopes - Bureau de dépôt : Namur Mass Post P9 19557 GROS PLANS Quand le sanglier sort du bois Agroécologie et alternatives à l’agricultur e conventionnelle 05
REVUE TRANSDISCIPLINAIRE POUR LA GESTION DURABLE DES ESP
© Michel Fautsch