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Le rôle de la régulation émotionnelle dans l'adaptation psychologique au cancer

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Academic year: 2021

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Le rôle de la régulation émotionnelle dans l'adaptation

psychologique au cancer

Thèse

Anne-Josée Guimond

Doctorat en psychologie - recherche et intervention (orientation clinique)

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Le rôle de la régulation émotionnelle dans l’adaptation

psychologique au cancer

Thèse

Anne-Josée Guimond

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

Cette thèse doctorale visait à investiguer le rôle de la régulation émotionnelle (RÉ) mesurée subjectivement (réévaluation cognitive, suppression émotionnelle et évitement expérientiel) et objectivement (variabilité de la fréquence cardiaque; VFC) comme processus sous-jacent à une variété de symptômes associés au cancer (dépression, anxiété, peur de la récidive de cancer [PRC], insomnie, fatigue, douleur et difficultés cognitives subjectives) pris isolément et de manière regroupée (clusters de symptômes), chez des patientes atteintes d’un cancer du sein. Plus spécifiquement, cette étude a évalué: 1) Les relations transversales entre la RÉ et les symptômes et clusters de symptômes avant (T1) et après (T2) la radiothérapie; et 2) Le rôle prédicteur de la RÉ mesurée au T1 dans la survenue et l’exacerbation des symptômes et des clusters de symptômes au T2. Pour ce faire, 81 patientes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein ont été recrutées à L’Hôtel-Dieu de Québec. Au T1 et au T2, les participantes ont rempli des questionnaires évaluant des mesures subjectives de RÉ et les symptômes associés au cancer. La VFC a été évaluée au repos (5 minutes) au T1. Les résultats ont révélé que deux stratégies de RÉ généralement considérées comme maladaptées, soit la suppression émotionnelle et l’évitement expérientiel, étaient significativement associées à des niveaux plus élevés d’anxiété, de dépression, de PRC, de fatigue et de difficultés cognitives de façon transversale au T1 et au T2. L’usage de ces mêmes stratégies prédisait aussi l’appartenance à un cluster comprenant des niveaux plus élevés de ces symptômes à chaque temps de mesure. Toutefois, les stratégies de RÉ ne prédisaient pas significativement les changements observés dans les clusters de symptômes entre le T1 et le T2. De plus, aucune association significative transversale ou prospective n’a été trouvée entre la VFC et les symptômes psychologiques isolés et les clusters de symptômes. En somme, l’évitement expérientiel et la suppression émotionnelle pourraient être des mécanismes transdiagnostiques communs à un ensemble de symptômes psychologiques fréquents chez les patientes atteintes d’un cancer du sein, mesurés au même moment (analyses transversales). Les résultats de cette thèse soulignent la pertinence de poursuivre les recherches pour identifier d’autres mécanismes psychologiques communs pouvant influencer l’adaptation psychologique au cancer, et particulièrement l’évolution longitudinale des symptômes psychologiques et de leurs clusters.

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TABLES DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLES DES MATIÈRES ... iv

LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES ... vii

REMERCIEMENTS ... viii AVANT-PROPOS ... xii INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1 Cancer du sein ... 1 Définition et prévalence... 1 Diagnostic et chirurgie... 1 Traitements oncologiques ... 2

Symptômes associés au cancer et aux traitements oncologiques ... 5

Anxiété et dépression... 5

Peur de la récidive du cancer ... 7

Fatigue ... 8

Insomnie ... 8

Douleur ... 9

Difficultés cognitives ... 9

Impact des symptômes psychologiques associés au cancer et aux traitements oncologiques11 Regroupements de symptômes (clusters) ... 11

Définition ... 12

Identification des clusters ... 13

Études sur les clusters ... 13

Évolution et impact des clusters ... 16

Prédicteurs des clusters ... 17

Étiologie commune ... 19

Régulation émotionnelle ... 21

La régulation émotionnelle comme mécanisme psychologique commun ... 21

Définition et mesure ... 21

Variabilité de la fréquence cardiaque ... 33

Résumé et rationnel de la thèse ... 43

Objectifs ... 45

Hypothèses ... 46

ARTICLE 1 : Is Emotion Regulation Associated with Cancer-Related Psychological Symptoms?47 Résumé ... 48 Abstract ... 49 Introduction ... 50 Design ... 53 Participants ... 53 Procedure ... 54 Measures ... 55 Statistical Analyses ... 58

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Results ... 59

Demographic and Medical Characteristics ... 59

Descriptive Data and Time Effects on the Main Variables ... 59

Cross-Sectional Relationships between ER and Psychological Symptoms at T1 ... 60

Cross-sectional Relationships Between ER and Psychological Symptoms at T2 ... 60

Prospective Relationships Between ER at T1 and Change in Psychological Symptoms Between T1 and T2... 60

Secondary Analyses ... 61

Discussion ... 61

Acknowledgements ... 66

Conflicts of interest/ financial disclosure ... 66

References ... 67

ARTICLE 2: Clusters of Psychological Symptoms in Breast Cancer: Is There a Common Psychological Mechanism? ... 86 Résumé ... 87 Abstract ... 88 Introduction ... 89 Methods ... 91 Participants ... 91 Procedure ... 92 Measures ... 93 Theoretical Framework... 95 Statistical Analyses ... 95 Results ... 97

Demographic and Medical Characteristics ... 97

Clusters of Psychological Symptoms ... 97

Emotion Regulation as Predictor of Clusters Membership ... 98

Discussion ... 100

Clinical implications ... 103

References ... 105

Tables ... 110

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 119

Rappel des objectifs et hypothèses ... 119

Rappel de la méthodologie ... 119

Résumé des résultats ... 120

Article 1 ... 120

Article 2 ... 126

Limites et forces de la thèse ... 130

Limites ... 130

Forces ... 132

Avenues de recherche futures ... 133

Implications cliniques ... 137

Conclusion ... 141

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Annexe A ... 180

Tableaux et figures de l’introduction générale de la thèse ... 180

Annexe B ... 183

Formulaires de consentement ... 183

Annexe C ... 190

Questionnaire de vérification des critères d’éligibilité ... 190

Annexe D ... 193

Questionnaires auto-rapportés ... 193

Annexe E ... 212

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LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES ARTICLE 1

Table 1. Participants’ Demographic and Medical Characteristics at T1 (N = 81). ... 78 Table 2. Mean Scores Obtained on Subjectively- and Objectively-Measured Emotion Regulation

and Psychological and Somatic Symptoms at T1, T2 and Change (Δ) Between T1 and T2.79 Tableau 3. Corrélations de Pearson entre les symptômes psychologiques et les mesures de RÉ au

T1 (N = 81). ... 80 Tableau 4. Corrélations de Pearson entre les symptômes psychologiques et les mesures de RÉ au

T2 (N = 80). ... 81 Tableau 5. Corrélations de Pearson entre les changements survenus entre le T1 et T2 sur les

symptômes psychologiques ( T2-T1) et les mesures de RÉ au T1 (N = 81). ... 82 Figure 1. Participant recruitment and retention ... 83 Figure 2. Cross-sectional and prospective canonical correlations between emotion regulation

(ER) and psychological symptoms. ... 84 ARTICLE 2

Table 1. Participants’ Demographic and Medical Characteristics at T1 (N = 81). ... 110 Table 2. Fit Indices of Latent Class Analyses of Psychological Symptoms at T1, T2, and their

Changes Between T1 and T2 (∆). ... 111 Table 3. Mean Scores Obtained on Symptoms in Each Cluster ... 112 Table 4. Results of the Canonical Discriminant Analysis with Subjective and Objective Measures of Emotional Regulation predicting Latent Profiles. ... 113 Figure 1. Participant recruitment and retention ... 114 Figure 2. Percentiles per latent class for the three latent profiles of psychological symptoms

identified at T1 ... 115 Figure 3. Percentiles per latent class for the three latent profiles of psychological symptoms

identified at T2 ... 116 Figure 4. Percentiles per latent class at each time point for the two latent profiles of change in

psychological symptoms between T1 and T2 ... 117 ANNEXES

Tableau 1. Comparaison entre l’approche des symptômes les plus communs et l’approche de tous les symptômes possibles ... 181 Figure 1. Modèle modal de l’émotion. ... 182 Figure 2. Modèle des processus de régulation émotionnelle. ... 182

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REMERCIEMENTS

En septembre 2005, je déménageais à Montréal pour entreprendre un baccalauréat en communications à l’Université du Québec à Montréal, convaincue que ma formation se limiterait à ce diplôme. J’étais très loin de m’imaginer que ce n’était là que le début d’un ultramarathon qui m’amènerait à compléter une thèse de doctorat en psychologie après deux baccalauréats, une maîtrise et 14 années d’études universitaires ininterrompues! Plusieurs personnes ont été indispensables à la réussite de ce projet grâce à leur aide ou à leur accompagnement et je profite de ces quelques lignes pour leur témoigner ma plus sincère reconnaissance.

Mon premier merci va sans aucun doute à ma directrice de recherche, Dre Josée Savard. Merci pour le temps incalculable passé à lire et à relire ma thèse et mes articles, pour tes corrections toujours judicieuses, ta grande rigueur et ton efficacité légendaire. Mon passage au labo m’aura permis d’apprendre énormément sur la psychologie de la santé, sur la recherche clinique et sur la rédaction scientifique. Mon intérêt pour la recherche ne s’en est trouvé que confirmé et j’espère un jour pouvoir donner au suivant en supervisant des étudiants dans mon propre labo. Au-delà de la thèse, je te suis très reconnaissante de m’avoir toujours encouragée à saisir toutes les occasions possibles pour développer mes compétences de chercheure, que ce soit en présentant dans divers congrès, en supervisant des étudiants de recherche dirigée ou en effectuant un stage de recherche à l’étranger. Merci aussi d’avoir contribué à ma formation clinique en psychologie de la santé lors de mes stages en psycho-oncologie à L’Hôtel-Dieu de Québec. Lorsque je suis entrée au labo comme auxiliaire de recherche, j’ai été frappée par l’esprit d’entraide qui régnait entre les membres du groupe, étudiants comme professionnels. Je te remercie, Josée, d’avoir toujours encouragé l’esprit d’équipe: je me considère privilégiée d’avoir évolué dans cet environnement et il s’agit assurément d’un modèle que je tenterai de reproduire dans mon propre labo.

Je remercie les membres de mon comité de thèse, les Drs Martin Provencher et Jean-Philippe Gouin, pour votre temps, le suivi attentif et le généreux partage de vos expertises en psychologie clinique et en psychophysiologie. Vos commentaires ont été essentiels à la qualité de cette thèse. Martin, je tiens à te remercier plus largement pour l’influence bénéfique que tu as eue dès le début de mon parcours en psychologie. Merci pour les opportunités que tu

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m’as offertes comme auxiliaire de recherche dans ton labo, notamment la participation à plusieurs publications scientifiques, et merci de contribuer maintenant à ma formation clinique comme superviseur principal à l’internat. Surtout, merci de m'avoir si souvent encouragée à me faire confiance. Avec toi et Annie Vallières (que je remercie aussi chaleureusement) comme superviseurs d'internat, je suis entourée de la meilleure équipe qui soit pour terminer ma formation clinique en beauté.

Je remercie sincèrement les Dres Tamarha Pierce et Sophie Lebel, membres du jury d'évaluation de la thèse, pour vos commentaires et questions réfléchis qui m'ont amenée à porter un regard nouveau sur mes travaux après toutes ces années.

Merci au Dr Hans Ivers. La conception, la réalisation et l’interprétation des analyses statistiques ont été un des principaux défis de cette thèse et ton aide a été inestimable pour le relever. Merci pour tes multiples explications (et réexplications), pour ta capacité à rendre clairs les concepts les plus flous ou complexes et pour m’avoir aidée à bonifier mes compétences de programmation statistiques. Merci aussi pour les conversations hors statistiques, pour ton enthousiasme, et ton soutien : tu es un collègue que j’ai grandement apprécié côtoyer. J’adresse aussi un sincère merci aux Dres Laura Kubzansky et Claudia Trudel-Fitzgerald, qui ont été des mentores généreuses et enthousiastes pendant mon stage de recherche à la Harvard School of Public Health et même après. Merci de m’avoir initiée à la recherche en épidémiologie psychosociale et de m’avoir donné envie de poursuivre une formation postdoctorale dans ce domaine!

Merci aux Fonds de recherche du Québec-Santé, au Programme en oncologie psychosociale pour la recherche transdisciplinaire et au Fonds facultaire d’enseignement et de recherche et Fonds Tougas de la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval dont le soutien financier m’a permis de me consacrer entièrement à la recherche pendant mon doctorat.

Je remercie chaleureusement mes chers collègues et amis du labo: Eugénie, Joanie, Louis-Philippe, Véronique R., Véronique M., Caroline, Marie Solange, Sophie, Catherine B., Alexandra et Marie-Hélène, notre ancienne coordonnatrice de recherche. Je me considère très chanceuse d’avoir partagé mon passage au labo avec vous. Merci pour votre aide à chaque

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étape du doctorat, pour le partage de vos expertises, les moments de jasette et de rires et les encouragements! Je suis aussi reconnaissante à Catherine P., Véronique M. et Anny-Joëlle pour votre aide avec plusieurs aspects du projet de thèse comme le recrutement, la saisie de données et l’analyse des données de variabilité de fréquence cardiaque. Merci à mes collègues internes au SCEP: Andrée-Ann, Christopher, Édith et Geneviève, pour les discussions cliniques, le soutien alimentaire, les périodes de ventilation entre deux séances et les moments de rire qui rendent l'internat bien plus agréable. Merci aussi pour vos encouragements dans les derniers miles avant ma soutenance!

Un immense merci à mes amis. Elsa, les mots me manquent pour exprimer à quel point ton écoute, ta complicité et ton soutien depuis les tout premiers jours du bac en psycho ont été un ingrédient des plus essentiels à ma réussite et au maintien de ma santé mentale. Merci d'avoir tout, tout, tout partagé depuis presque neuf ans, de nos travaux d'équipe de bac jusqu'à la préparation de nos soutenances à un mois d'intervalle! Cynthia, merci pour tes mots d'encouragements toujours bien choisis, tes câlins, et pour ton soutien dans mes démarches quand je préparais mon stage aux États-Unis. Les filles, nos soupers Skype, nos innombrables fous rires, nos conversations infinies et nos escapades de filles (malgré les AirBnB douteux) ont été des rayons de soleil pendant le doctorat et je n’ai aucun doute qu’ils se poursuivront bien au-delà. Merci à Eddy pour ton amitié, ton humour et ta spontanéité. Merci d'avoir été capable de me faire voir le côté comique de n'importe quelle situation! Merci à mes chères amies Julie et Sandra pour vos encouragements, les rires et les discussions à parler d’autre chose que de psycho!

Un merci bien senti à ma belle-famille Denis, Hélène et Éric, à mon frère Mathieu et à ma sœur Marie-Camille pour votre intérêt et vos encouragements tout au long de mon parcours. Merci profondément à mes parents qui m’ont soutenue de toutes les façons possibles et imaginables pendant ces années d’études. Merci d’avoir toujours exprimé votre confiance sans faille dans mes capacités à réussir ce que j’entreprends, et de m’avoir montré à persévérer et à aller au bout de mes projets.

Les mots me manquent pour exprimer toute la reconnaissance que je ressens envers David, mon amoureux, mon mari. Merci de m’avoir accompagnée chaque jour, de m’avoir épaulée lors des échecs et de t’être réjoui avec moi de chaque réussite. Merci pour les

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sacrifices que tu as faits, merci de n’avoir jamais émis la moindre impatience envers mon mode de vie d’éternelle étudiante, de t’être impliqué tantôt en m’accompagnant en congrès, tantôt en allant me conduire au labo à 7h le matin pour mon recrutement. Merci de me pousser à réaliser mes rêves et de croire en moi souvent plus que moi-même.

Enfin, je termine en exprimant ma profonde gratitude et mon admiration pour les 81 femmes qui ont accepté de participer au projet de thèse. Votre générosité et votre partage dans une période de vie fort éprouvante m’ont marquée et continueront à m’inspirer bien après la fin de ce doctorat.

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AVANT-PROPOS

Anne-Josée Guimond, M.A., auteure principale, a conçu le projet de recherche et mené la collecte de données. Elle a réalisé les analyses statistiques, a interprété les résultats et a rédigé la thèse ainsi que les deux articles qu’elle comprend. Ces tâches ont été effectuées sous la supervision de Josée Savard, Ph.D., directrice de recherche, qui a participé à la conception du projet et à l’interprétation des résultats, et a révisé et approuvé les différentes versions de la thèse et des articles. Hans Ivers, Ph.D., biostatisticien, a collaboré à la

conception du devis d’analyse et a supervisé la réalisation des analyses statistiques. Il a révisé les sections Analyses statistiques et Résultats des deux articles.

Le premier article de la thèse a été soumis à la revue Psychology & Health en avril 2018. Il a été accepté pour publication dans cette revue en août 2018 et a été publié en

décembre 2018. Le deuxième article a été soumis à la revue Cancer Nursing en juillet 2018, a été accepté pour publication en janvier 2019 et était sous presse au moment du dépôt final de cette thèse.

Les résultats associés au premier article ont été présentés à la 7e Journée scientifique de l’École de psychologie de l’Université Laval (Québec, Canada; février 2018), au 40e congrès annuel de la Société québécoise pour la recherche en psychologie (Québec, Canada; mars 2018), à la 33rd Annual Conference of the Canadian Association of Psychosocial Oncology (Toronto, Canada; mai 2018), à l’Annual conference of the Multinational

Association of Supportive Care in Cancer (Vienne, Autriche; juin 2018) et à l’Association for Contextual Behavioral Science World Conference 16 (Montréal, Canada; juillet 2018).

Les résultats associés au deuxième article ont été présentés à la 33rd Annual

Conference of the Canadian Association of Psychosocial Oncology (Toronto, Canada; mai

2018) et à l’Annual conference of the Multinational Association of Supportive Care in Cancer (Vienne, Autriche; juin 2018).

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INTRODUCTION GÉNÉRALE Cancer du sein

Définition et prévalence

L’appellation «cancer» désigne plus de 100 maladies causées par la prolifération anormale, anarchique et progressive des cellules d’un organe ou d’un tissu. Ces cellules peuvent s’accumuler dans le sang ou dans la moelle osseuse ou encore s’agglomérer en une tumeur maligne solide (Canadian Cancer Society, 2018d). Le carcinome canalaire, qui est le cancer du sein le plus répandu, résulte de modifications dans les cellules qui tapissent les canaux qui transportent le lait des glandes mammaires au mamelon. Un autre cancer du sein fréquent est le carcinome lobulaire, qui se forme dans les lobules, soit les groupes de glandes qui produisent le lait (Canadian Cancer Society, 2018c). Les cellules cancéreuses peuvent envahir les tissus avoisinants et se propager dans des régions du corps éloignées du site de la tumeur, formant ainsi des métastases (Evans, Connor Gorber, Spence, & Will, 2005). Les cancers métastatiques ne peuvent généralement pas être guéris (Evans et al., 2005).

La Société canadienne du cancer estime que 206 200 nouveaux cas de cancer et 80 800 décès causés par cette maladie sont survenus au Canada en 2017 (Comité consultatif de la Société canadienne du cancer, 2017). Responsable d’environ 30 % de tous les décès, le cancer constitue la principale cause de mortalité au Canada et au Québec (Comité consultatif de la Société canadienne du cancer, 2017). Chez la femme, le type de cancer le plus fréquent est le cancer du sein. Avec une incidence estimée de 26 300 nouveaux cas pour l’année 2017, cette maladie représente le quart des cas de cancer diagnostiqués chez la femme chaque année (Canadian Cancer Society, 2017). On estime qu’environ une canadienne sur huit sera atteinte du cancer du sein au cours de sa vie et qu’une canadienne sur 31 en décèdera (Canadian Cancer Society, 2017).

Diagnostic et chirurgie

La mammographie, qui est un examen radiographique employant de faibles doses de radiations pour produire une image du sein sur film, est le principal outil de dépistage du cancer du sein (Canadian Cancer Society, 2016a). Au Canada, la passation régulière de mammographies est particulièrement recommandée aux femmes âgées de 50 à 69 ans,

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jeunes qui présentent des facteurs augmentant leur risque de développer un cancer du sein (p. ex., antécédents familiaux, mutation du gène BRCA1 ou BRCA2, antécédents de cancer du sein; Canadian Cancer Society, 2016a; Canadian Cancer Society, 2016b). La mammographie peut être complétée par d’autres examens, comme une échographie. Les résultats suspects au dépistage sont suivis d’une biopsie (prélèvement de cellules ou de tissus pour les examiner au microscope). La biopsie confirme ou infirme la présence de cellules cancéreuses et permet de poser le diagnostic définitif de cancer du sein (Canadian Cancer Society, 2016a).

Une biopsie indiquant la présence de cellules cancéreuses est généralement suivie d’une chirurgie visant à exciser la tumeur. La chirurgie peut être circonscrite à la tumeur et à une couronne de tissus environnants (chirurgie mammaire conservatrice aussi appelée tumorectomie) ou impliquer l’ablation du sein entier (mastectomie totale). La chirurgie peut s’accompagner d’une biopsie du ganglion sentinelle, soit le prélèvement d’un ou de plusieurs ganglions dits « sentinelles » qui sont les premiers de la chaîne de ganglions recevant la lymphe qui s’écoule de la tumeur, ce qui permet d’évaluer la propagation des cellules cancéreuses. En présence de cellules malignes dans le ou les ganglions, les ganglions lymphatiques sont prélevés par chirurgie (une procédure appelée évidement ganglionnaire axillaire) pour éviter la propagation du cancer (Canadian Cancer Society, 2016d).

La sévérité du cancer est évaluée au moyen d’un système de classification. Le système TNM, qui est le plus fréquemment utilisé, se base sur la taille de la tumeur, l’importance de l’envahissement ganglionnaire et la présence ou non de métastase à distance (Canadian Cancer Society, 2016c; Evans et al., 2005). Le stade d’un cancer du sein peut ainsi se situer entre 0 (ou cancer in situ s’il se limite aux canaux, aux lobules ou au mamelon, et ne s’est pas propagé au tissu mammaire voisin, ni aux ganglions lymphatiques, ni vers des emplacements éloignés) et 4 (cancer métastatique, qui s’est propagé vers des emplacements éloignés comme les os, le poumons, le foie, etc.; Canadian Cancer Society, 2016c).

Traitements oncologiques

Le choix des traitements pour un cancer du sein se fonde sur plusieurs facteurs dont le stade du cancer, le statut ménopausique, la sensibilité de la tumeur aux hormones féminines (statut des récepteurs d’estrogène et de progestérone), le statut HER2 (récepteur du facteur de croissance épidermique humain : un changement dans ce gène risque de favoriser la

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croissance de la tumeur), le risque de récidive, l’âge et l’état de santé général de la patiente ainsi que sa préférence (Canadian Cancer Society, 2016e; Evans et al., 2005). La radiothérapie, la chimiothérapie et l’hormonothérapie sont les options thérapeutiques les plus souvent offertes en plus de la chirurgie pour un cancer du sein. En fonction de chaque cas, ces traitements sont offerts seuls ou en combinaison. Tant la radiothérapie que la chimiothérapie peuvent être utilisées pour réduire la taille de la tumeur en prévision de la chirurgie (traitement néoadjuvant), après la chirurgie pour détruire des cellules cancéreuses résiduelles, diminuer le risque de récidive du cancer ou améliorer les chances de survie (traitement adjuvant), ou encore pour soulager les symptômes et retarder la progression des cancers métastatiques (traitements palliatif; DeVita, Lawrence, & Rosenberg, 2011; Evans et al., 2005).

La radiothérapie implique l’utilisation de rayonnements intenses pour léser ou détruire les cellules cancéreuses tout en minimisant les dommages portés aux tissus sains environnants. La radiothérapie est habituellement offerte à l’hôpital à raison de cinq jours par semaines pendant cinq semaines ou plus (Evans et al., 2005). Elle est administrée quasi-systématiquement après une chirurgie mammaire conservatrice et parfois après une mastectomie totale (Canadian Cancer Society, 2016e). Les effets secondaires les plus fréquents sont la fatigue, la douleur et les symptômes cutanés (p. ex., irritation, démangeaisons, sécheresse, rougeur; DeVita et al., 2011; Sjövall, Strömbeck, Löfgren, Bendahl, & Gunnars, 2010).

La chimiothérapie consiste en l’administration de médicaments qui détruisent les cellules cancéreuses ou qui en inhibent le développement. Elle est utilisée pour traiter les cancers du sein précoces mais dont le risque de récidive est élevé, ainsi que les cancers avancés et récidivants (Canadian Cancer Society, 2016e). La chimiothérapie est administrée par voie orale ou intraveineuse. La chimiothérapie est un traitement dit systémique car les médicaments atteignent presque toutes les régions du corps par la circulation sanguine. Ceux-ci peuvent aussi endommager les cellules saines, particulièrement celles qui se divisent rapidement (p. ex., cellules capillaires ou gastro-intestinales). Les principaux effets secondaires associés à la chimiothérapie sont les nausées et les vomissements, les symptômes intestinaux, l’alopécie (c.-.à.-d., perte des cheveux et des poils corporels), la douleur, la

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fatigue et les symptômes ménopausiques (DeVita et al., 2011; Partridge, Burstein Hj Fau - Winer, & Winer). Les patientes reçoivent généralement la chimiothérapie à des intervalles de trois à quatre semaines (cycles) durant plusieurs mois.

Dans plus du deux-tiers des cas de cancer du sein, les cellules cancéreuses dépendent des hormones pour se développer. Le cancer est alors dit hormonodépendant. Une hormonothérapie, c’est-à-dire un traitement systémique qui modifie les taux d’hormones dans le corps ou qui empêche les cellules cancéreuses d’utiliser l’estrogène, est alors envisagée (Canadian Cancer Society, 2016e; Evans et al., 2005). L’hormonothérapie est généralement administrée durant quelques années à la suite du traitement primaire et vise à réduire le risque de récidive ou à ralentir la progression du cancer. De nombreux effets secondaires sont associés à ce type de traitement, notamment des bouffées de chaleur, l’induction d’un ménopause prématurée, des nausées et vomissements, des maux de tête, de la fatigue, des douleurs musculaires et articulaires et des troubles intestinaux (Canadian Cancer Society, 2016e).

Les taux de survie au cancer augmentent d’année en année grâce, entre autres, à l’amélioration des techniques de dépistage et de traitement. Le ratio de survie nette, soit la probabilité qu’a une personne atteinte de cancer de survivre comparativement à une personne en santé ayant un profil sociodémographique similaire, est de 60 % cinq ans après le diagnostic de cancer, tous cancers confondus, et de 87% pour le cancer du sein (Comité consultatif de la Société canadienne du cancer, 2017). Depuis les années 1990, le ratio de survie nette associé à l’ensemble des cancers a augmenté de façon appréciable, passant de 53% en 1990-1992 à 60% en 2004-2006 (Comité consultatif de la Société canadienne du cancer, 2017).

Ainsi, de plus en plus de patients survivent plusieurs années après avoir reçu un diagnostic de cancer. Ce progrès est toutefois aussi accompagné d’effets plus négatifs. En effet, en plus de devoir composer avec différents symptômes et stresseurs physiques, émotionnels et sociaux durant la période qui entoure l’annonce du diagnostic et les traitements, les patients ont aussi à s’adapter aux conséquences à moyen et à long terme de la maladie et des traitements oncologiques (Canadian Cancer Society, 2018a). Par exemple, les traitements oncologiques sont associés à différents effets secondaires négatifs qui peuvent

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persister jusqu’à plusieurs années après leur complétion. La dépression, l’anxiété, la peur de récidive du cancer, la fatigue, la douleur, l’insomnie et les difficultés cognitives figurent parmi les symptômes les plus fréquemment éprouvés par les patients pendant et après la fin des traitements oncologiques (Canadian Cancer Society, 2018a, 2018b; Evans et al., 2005).

Symptômes associés au cancer et aux traitements oncologiques Anxiété et dépression

Définition

La détresse psychologique en contexte oncologique est définie comme une expérience multifactorielle et désagréable de nature psychologique (soit cognitive, affective ou comportementale), sociale ou spirituelle, et qui peut affecter la capacité à composer efficacement avec le cancer, ses symptômes physiques et ses traitements (National Comprehensive Cancer Network, 2012). La détresse psychologique se situe sur un continuum où se retrouvent tant les sentiments de vulnérabilité, de tristesse et d’inquiétudes envers la maladie qui constituent des réactions normales au cancer, que des symptômes problématiques et incapacitants comme les troubles dépressifs, anxieux et de l’adaptation (Li, Hales, & Rodin, 2010; National Comprehensive Cancer Network, 2012).

Les symptômes d’un trouble dépressif comprennent une humeur dépressive et/ou une diminution de l’intérêt ou du plaisir pour les activités, accompagnées d’une fluctuation du poids ou de l’appétit, de perturbations du sommeil, d’agitation ou d’un ralentissement psychomoteur, de fatigue ou d’une perte d’énergie, d’un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée, des difficultés de concentration et des pensées de mort ou des idées suicidaires récurrentes (American Psychiatric Association, 2013). Les troubles anxieux, quant à eux, se manifestent par des symptômes cognitifs (p. ex., biais attentionnel envers les stimuli menaçants), affectifs (p. ex., inquiétude, nervosité), comportementaux (p. ex., évitement) et physiques (p. ex., tension musculaire; American Psychiatric Association, 2013; T. T. Levin & Alici, 2010). Les symptômes dépressifs et anxieux sont souvent vécus de façon transitoire, ce qui fait partie du processus normal d’adaptation au cancer. Cependant, la manifestation simultanée de plusieurs symptômes (5 sur 9 dont un des deux premiers dans le cas de la dépression majeure) accompagnée d’une souffrance cliniquement significative ou

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d’une altération marquée du fonctionnement social, professionnel ou autre de la personne, marque la présence d’un trouble psychologique (American Psychiatric Association, 2013).

Lorsqu’une personne présente de la détresse psychologique de façon excessive par rapport à ce qui est considéré comme normal ou que cela nuit significativement à son fonctionnement, et ce, dans les trois mois suivant l’exposition à un stresseur identifiable tel que le diagnostic de cancer, un trouble de l’adaptation peut être diagnostiqué. Le trouble de l’adaptation peut s’accompagner de symptômes dépressifs et/ou anxieux (sans toutefois répondre aux critères d’un trouble dépressif ou anxieux) ou d’autres perturbations émotionnelles et comportementales (American Psychiatric Association, 2013; Li et al., 2010).

Prévalence

Selon une méta-analyse regroupant 70 études menées auprès de 10 071 patients atteints de différents types de cancer, 38% des patients souffriraient de dépression, d’un trouble anxieux ou d’un trouble de l’adaptation (Mitchell et al., 2011). La prévalence de la dépression et de l’anxiété varie grandement entre les études selon les critères utilisés et les instruments de mesure employés (p. ex., entrevue diagnostique ou questionnaire autorapporté). Jusqu’à 46 % des patientes atteintes d’un cancer du sein présenteraient des symptômes dépressifs et 11% rempliraient les critères d’un épisode dépressif (Krebber et al., 2014; Massie, 2004). En comparaison, la prévalence annuelle du trouble dépressif majeur dans la population en général est de 4 % (Patten et al., 2009). Les patients ayant reçu un diagnostic de cancer sont plus à risque d’être hospitalisés pour une dépression que la population en général, et ce, jusqu’à 10 ans après leur diagnostic (Dalton, Laursen, Ross, Mortensen, & Johansen, 2009). De plus, le risque de suicide serait deux fois plus élevé chez les patients atteints de cancer que dans la population en général, notamment suite à l’annonce du diagnostic de cancer et lorsque le pronostic est moins favorable (Oberaigner, Sperner-Unterweger, Fiegl, Geiger-Gritsch, & Haring, 2014).

En ce qui concerne l’anxiété, 19% des patientes atteintes d’un cancer du sein présenteraient un trouble anxieux (Fatiregun et al., 2016) et de 17 à 33 % rapporteraient des symptômes anxieux (Maass, Roorda, Berendsen, Verhaak, & de Bock, 2015). Dans la population en général, 18 % des individus vivraient un trouble anxieux chaque année (Kessler, Chiu, Demler, & Walters, 2005). Plusieurs études indiquent que le trouble de

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l’adaptation, présent chez 14 % à 41 % des patients atteints de cancer, serait le trouble le plus répandu dans cette population (Akechi, Okamura, Nishiwaki, & Uchitomi, 2001; Akechi et al., 2004; Akizuki et al., 2003).

Peur de la récidive du cancer Définition

La peur de la récidive de cancer (PRC) est une forme d’anxiété plus spécifique à cette maladie. La PRC se définit comme une peur, une inquiétude ou une préoccupation concernant l’idée que le cancer revienne ou progresse (Lebel et al., 2016). Selon la formulation originale de Lee-Jones (1997), la PRC n’est pas un phénomène exclusivement affectif. Il s’agit plutôt d’un construit multidimensionnel où l’émotion de peur peut résulter d’interprétations ou de cognitions négatives par rapport au cancer, qui, elles, seraient suscitées par certains indices internes (p. ex., symptômes physiques) ou externes (p. ex. : émission télévisée sur le cancer; Lee-Jones et al., 1997; Simard, Savard, & Ivers, 2010). La PRC peut conduire à des réactions maladaptées (p. ex., préoccupation anxieuse, évitement, autoexamen et recherche de réassurance excessifs) qui, en retour, sont susceptibles d’accroître l’ampleur de cette peur (Simard et al., 2010). La majorité des patients considère ce symptôme comme une préoccupation majeure et rapporte ne pas recevoir suffisamment d’aide pour le gérer (Armes et al., 2009; Simard et al., 2013).

Prévalence

Étant donné le manque de consensus quant à la définition et la mesure de la PRC, les taux de prévalence de ce symptôme varient considérablement dans la littérature, allant de 24% à 70% chez les patientes atteintes d’un cancer du sein (Koch, Jansen, Brenner, & Arndt, 2013; Mehnert et al., 2007; Thewes et al., 2012). La PRC serait plus élevée chez les patients plus jeunes, qui présentent davantage de symptômes physiques liés au cancer ou à ses traitements ou qui ont un pronostic moins favorable (cancer de la tête ou du cou, récidive du cancer, stade du cancer plus avancé; Crist & Grunfeld, 2013; Koch et al., 2013; J. Savard & Ivers, 2013; Simard et al., 2013; Thewes et al., 2012).

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Fatigue

Définition et prévalence

Plusieurs auteurs identifient la fatigue comme étant le symptôme le plus souvent rapporté en lien avec le cancer et ses traitements, et ce, peu importe le type de cancer ou de traitements oncologiques reçus (Minton et al., 2013). La fatigue est susceptible d’être vécue à toutes les phases de la trajectoire de la maladie (Howell et al., 2013). La définition de la fatigue associée au cancer qui est la plus fréquemment utilisée est celle du National Cancer

Comprehensive Network (NCCN), qui définit la fatigue comme un sentiment subjectif et

persistant de lassitude ou d’épuisement associé au cancer ou aux traitements oncologiques, qui est disproportionné par rapport aux activités récentes, qui n’est pas soulagé par le repos et qui interfère avec les activités quotidiennes habituelles (Breitbart & Alici, 2010; Howell et al., 2013; NCCN panel members, 2014). La fatigue affecte de 38 à 84 % des patientes atteintes d’un cancer du sein durant les traitements oncologiques et jusqu’à 40 % d’entre-elles après la fin de ceux-ci (Bower et al., 2006; Courtier et al., 2013; J. M. Jones et al., 2012; Manir et al., 2012).

Insomnie Définition

L’insomnie est la perturbation du sommeil qui est la plus fréquemment rapportée par les patients atteints de cancer (Yue & Dimsdale, 2010). Cette condition est caractérisée par une insatisfaction par rapport au sommeil ou une mauvaise qualité de celui-ci, ce qui peut inclure des difficultés à s’endormir au coucher, à maintenir le sommeil pendant la nuit et le fait de se réveiller trop tôt le matin sans pouvoir se rendormir (American Psychiatric Association, 2013). Lorsque les symptômes d’insomnie sont sévères (au moins 30 minutes prises pour s’endormir ou d’éveils nocturnes), qu’ils se manifestent au moins trois nuits par semaine depuis trois mois ou plus, qu’ils surviennent malgré des occasions adéquates pour dormir et qu’ils suscitent une souffrance marquée ou une altération significative du fonctionnement, un trouble (ou syndrome) d’insomnie peut être diagnostiqué (American Psychiatric Association, 2013). L’insomnie peut survenir de façon indépendante (insomnie primaire) ou en comorbidité avec un autre trouble du sommeil, un trouble psychologique (p.

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ex., dépression), ou être liée aux effets d’une substance (p. ex., caféine) ou d’une maladie comme le cancer (insomnie comorbide).

Prévalence

Dans la population en général, 30 % des gens présentent des symptômes d’insomnie, alors que 10 à 15 % présentent un syndrome d’insomnie (Morin, LeBlanc, Daley, Gregoire, & Merette, 2006; Morphy, Dunn, Lewis, Boardman, & Croft, 2007). Chez les patientes atteints d’un cancer du sein, ces taux vont de 16 à 58 % pour les symptômes d’insomnie et de 26 à 46 % à pour le syndrome d’insomnie (Palesh et al., 2010; J. Savard, Ivers, Villa, Caplette-Gingras, & Morin, 2011).

Douleur Définition

La douleur est un phénomène multidimensionnel qui résulte d’une interaction complexe entre différents facteurs physiologiques (p. ex., atteinte des tissus), psychologiques (p. ex., détresse psychologique liée à la douleur), cognitifs (p. ex., signification attribuée à la douleur) et sociaux (p. ex., soutien social reçu; Breitbart, Park, & Katz, 2010). La douleur peut être provoquée par la tumeur en tant que telle, les métastases (p. ex., osseuses) mais aussi par les traitements oncologiques (Breitbart et al., 2010; J. A. Schreiber, 2014).

Prévalence

De 44 à 64% des patientes atteintes d’un cancer du sein rapportent de la douleur pendant ou après les traitements oncologiques (Moloney, Sung, Kilbreath, & Dylke, 2016; Van den Beuken-van Everdingen et al., 2007). La douleur augmenterait avec la progression de la maladie, affectant jusqu’à 64 % des patients ayant un cancer avancé ou en phase terminale. Plus du tiers des patients qui éprouvent de la douleur associée au cancer en qualifient l’intensité comme étant modérée à sévère (Van den Beuken-van Everdingen et al., 2007).

Difficultés cognitives Définition

Le fonctionnement cognitif comprend plusieurs fonctions comme la mémoire verbale et non verbale, le langage, l'attention et la concentration, le fonctionnement psychomoteur, les

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habiletés visuo-spatiales et les fonctions exécutives, lesquelles incluent entre autres le raisonnement, la résolution de problèmes, la flexibilité mentale et la mémoire de travail (Lezak, 2004). Ces fonctions sont évaluées soit objectivement par des tests neuropsychologiques standardisés, soit subjectivement par des questionnaires autorapportés. Des difficultés cognitives peuvent être liées au cancer de façon directe (p. ex., tumeur ou métastases localisées dans le système nerveux central) ou indirecte (p. ex., anomalies métaboliques ou endocriniennes, infection, traitements oncologiques comme la chimiothérapie; Bender, Paraska, Sereika, Ryan, & Berga, 2001). Les principales difficultés cognitives rapportées par les patients suite aux traitements oncologiques incluent des difficultés à apprendre de nouvelles informations, des difficultés de mémoire et une diminution de l’attention et de la concentration (Bender et al., 2001; Brezden, Phillips, Abdolell, Bunston, & Tannock, 2000; Downie, Mar Fan, Houédé-Tchen, Yi, & Tannock, 2006; Hurria et al., 2006; Jean-Pierre et al., 2012; Kohli et al., 2007; Mehnert et al., 2007; Pullens, De Vries, & Roukema, 2010). Il est à noter que, généralement, les mesures objectives et subjectives du fonctionnement cognitif des patients atteints de cancer sont faiblement associées entre elles (Ahles et al., 2002; Pullens et al., 2010; Quesnel, Savard, & Ivers, 2009). De plus, les plaintes subjectives d'altérations cognitives, et non les résultats obtenus à des tests neuropsychologiques objectifs, sont davantage corrélées à la dépression, l’anxiété et la fatigue. Il semble donc que la performance cognitive et la perception de ses propres capacités cognitives constituent deux phénomènes différents (Lai et al., 2009). Dans le cadre de cette étude, seules les difficultés cognitives subjectives seront évaluées.

Prévalence

Entre 21 et 90 % des patientes atteintes d’un cancer du sein rapportent des difficultés cognitives subjectives (Pullens et al., 2010). Tous types de cancers confondus, les proportions les plus élevées de difficultés cognitives sont observées durant les traitements oncologiques (Kohli et al., 2007). Si certains résultats indiquent que le fonctionnement cognitif revient à la normale de 6 à 12 mois après la fin des traitements (Collins, Mackenzie, Stewart, Bielajew, & Verma, 2009; H. G. M. Fan et al., 2005), d’autres suggèrent que les difficultés cognitives peuvent persister jusqu’à 10 voire 20 ans après la fin des traitements (Ahles et al., 2002; Koppelmans et al., 2012; Kreukels, van Dam, Ridderinkhof, Boogerd, & Schagen, 2008; Yamada, Denburg, Beglinger, & Schultz, 2010).

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Impact des symptômes psychologiques associés au cancer et aux traitements oncologiques

Les symptômes psychologiques1 associés au cancer et aux traitements oncologiques ne sont pas sans conséquence pour les patients. La dépression, l’anxiété, la peur de la récidive du cancer, la fatigue, l’insomnie, la douleur et les difficultés cognitives sont toutes associées à une moins bonne qualité de vie et à une détérioration du fonctionnement quotidien (Ashbury, Findlay, Reynolds, & McKerracher, 1998; Bender et al., 2001; Boykoff, Moieni, & Subramanian, 2009; Herschbach et al., 2010; Koch et al., 2013; Le Guen et al., 2007; Padilla, Ferrell, Grant, & Rhiner, 1990; Payne, 1992; Vogelzang et al., 1997). La présence de certains symptômes comme la dépression et la fatigue est aussi liée à une utilisation accrue des soins de santé (Ashbury et al., 1998; Prieto et al., 2002). De plus, les symptômes dépressifs, le désespoir, la fatigue et la douleur mal contrôlée constituent des facteurs de risque des souhaits de mort hâtive et/ou des idées et des gestes suicidaires chez les patients traités pour un cancer (Breitbart, 1987; Costantini et al., 2014; Mystakidou, Parpa, Katsouda, Galanos, & Vlahos, 2006; Robson, Scrutton, Wilkinson, & MacLeod, 2010).

Regroupements de symptômes (clusters)

Les symptômes associés au cancer surviennent rarement de façon isolée (Aktas, Walsh, & Rybicki, 2010; Kim, Dodd, Aouizerat, Jahan, & Miaskowski, 2009). Par exemple, plusieurs revues de la littérature rapportent des associations entre la détresse psychologique, la fatigue, l’insomnie et la douleur (Breitbart & Alici, 2010; Breitbart et al., 2010; Yue & Dimsdale, 2010; Zaza & Baine, 2002). Des regroupements de symptômes spécifiques au type de cancer ou de traitements reçus peuvent aussi se manifester. Par exemple, des bouffées de chaleur, un gain de poids et une diminution de l’intérêt envers la sexualité surviennent souvent de façon concurrente chez les patientes traitées pour un cancer du sein (Ridner, 2005).

Ces regroupements de symptômes, désignés dans la littérature sous l’appellation anglophone de clusters, que nous utiliserons dans cette thèse, font l’objet d’un intérêt accru en

1

Le terme « symptômes psychologiques » est utilisé de façon large dans cette thèse et englobe certains symptômes qui sont généralement considérés comme somatiques mais qui présentent une forte composante psychologique, comme la douleur ou les difficultés

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oncologie depuis quelques années. En effet, l'identification de clusters et des interrelations entre les symptômes physiques et psychologiques qui sont vécus par les patients permet une compréhension plus complète et globale de l'expérience des patients (Matthews, Schmiege, Cook, & Sousa, 2012). Ce champ de recherche présente aussi des implications en ce qui a trait au développement de traitements plus efficients pour les symptômes vécus par les patients (Aktas, 2013; G. Fan, Filipczak, & Chow, 2007; Kirkova, Aktas, Walsh, & Davis, 2011; Miaskowski, Aouizerat, Dodd, & Cooper, 2007; Xiao, 2010). Ces implications cliniques seront discutées plus loin.

Bien que le concept de cluster de symptômes présente un potentiel d’innovation théorique et clinique important, aucun consensus n’a encore été établi quant à la définition du concept de cluster et à la méthodologie et aux analyses statistiques les plus appropriées pour en évaluer la présence (Barsevick, 2007; G. Fan et al., 2007; Kim, McGuire, Tulman, & Barsevick, 2005; Kirkova et al., 2011).

Définition

Il est communément admis dans la littérature que les clusters sont composés de plusieurs symptômes survenant simultanément, qui sont reliés entre eux, et qui peuvent ou non partager la même étiologie (Barsevick, 2016; M. Dodd, Janson, et al., 2001; Kim et al., 2005; Xiao, 2010). Cependant, plusieurs aspects importants de la définition de cluster font toujours l’objet de débats. Premièrement, la nature de la relation qui doit exister entre les symptômes n’est pas précisée (Xiao, 2010). Certains auteurs suggèrent de tenir compte de la magnitude de la corrélation obtenue entre les symptômes, alors que d’autres soutiennent que les symptômes d’un même cluster devraient avoir un impact similaire sur le fonctionnement du patient ou partager une même étiologie ou un mécanisme sous-jacent commun (Barsevick, 2016; Miaskowski et al., 2007; Xiao, 2010). Deuxièmement, le nombre de symptômes requis pour former un cluster ne fait pas consensus (Aktas, 2013; Kirkova et al., 2011). Selon Dodd et al. (2001), un cluster peut être formé de trois symptômes ou plus. Kim et al. (2005) définissent plutôt un cluster comme un regroupement de deux symptômes ou plus, qui doit être stable et indépendant des autres clusters. De plus, les relations entre les symptômes d’un même cluster devraient être plus fortes que les relations entre les symptômes de clusters différents. Toutefois, il a été observé que le nombre de symptômes figurant dans un cluster

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était influencé par le nombre total et le type de symptômes mesurés dans l’étude, ainsi que par les analyses statistiques utilisées pour définir les clusters, engendrant des différences importantes entre les études (Aktas, 2013; Barsevick, 2016; Kirkova et al., 2011).

Identification des clusters

Deux approches conceptuelles sont principalement utilisées dans la littérature pour identifier les clusters de symptômes associés au cancer (voir Tableau 1; Barsevick, 2016; Miaskowski, 2016; Xiao, 2010). Dans la première approche, appelée identification a priori ou approche des symptômes les plus communs (Barsevick, 2016; Miaskowski, 2016; Xiao, 2010), les chercheurs sélectionnent a priori plusieurs symptômes fréquents chez les patients atteints de cancer et présument que ces symptômes formeront un cluster. Généralement, un seul cluster composé de deux à trois symptômes est obtenu dans ces études : le cluster le plus fréquent comprend la douleur, la fatigue, l’insomnie et la dépression.

La seconde approche, qui est la plus fréquemment utilisée dans les études plus récentes, est celle de l’identification empirique, aussi appelée de novo ou approche de tous les symptômes possibles (voir Tableau 1; Barsevick, 2016; Miaskowski, 2016; Xiao, 2010). Dans cette approche, tous les symptômes que les patients sont susceptibles de présenter sont évalués à l’aide d’un inventaire de symptômes comprenant un grand nombre d’items comme le MD Anderson Symptom Inventory (MDASI; Cleeland et al., 2000) ou le Memorial

Symptom Assessment Scale (MSAS; Portenoy et al., 1994). Les études qui utilisent l’approche

empirique identifient généralement un plus grand nombre de clusters, et ces clusters comprennent davantage de symptômes (quatre et plus), que dans l’approche a priori.

Études sur les clusters

Dans une recension de la littérature, Xiao (2010) a recensé 20 études menées auprès de patientes atteints de différents types de cancer ayant utilisé l’approche a priori. La majorité d’entre elles ont identifié un cluster composé d’au moins deux symptômes parmi les suivants : douleur, fatigue, insomnie et dépression. Les résultats des études menées auprès de patientes atteintes d’un cancer du sein, toujours en utilisant cette approche, sont similaires et mettent en lumière la présence d’un cluster comportant généralement de trois à quatre symptômes parmi les suivants : anxiété, dépression, difficultés de sommeil ou insomnie, fatigue et douleur (M. Dodd, Cho, Cooper, & Miaskowski, 2010; Gaston-Johansson, Fall-Dickson, Bakos, &

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Kennedy, 1999; Langford et al., 2016; L. Liu et al., 2009; So et al., 2009; Xu et al., 2017). Un cluster comportant des symptômes anxieux et dépressifs, de la fatigue, un gain de poids et des difficultés sexuelles (p. ex., diminution du désir sexuel, changements dans les comportements sexuels) a été trouvé dans une autre étude (Wilmoth, Coleman, & Wahab, 2009).

Par ailleurs, Xiao (2010) a relevé 37 études menées auprès de patients atteints de différents types de cancer ayant utilisé l’approche empirique. En raison de la diversité des symptômes inclus et des instruments de mesure et des méthodes d’analyses employés, le nombre et la composition des clusters varient beaucoup entre les études, bien que certains clusters semblent être constants. En effet, un cluster de type gastro-intestinal comprenant des symptômes comme la nausée, les vomissements, le manque d’appétit ou la perte de poids a été trouvé dans plusieurs études (Breen et al., 2009; Chen & Lin, 2007; Chen & Tseng, 2006; Gift, Jablonski, Stommel, & Given, 2004). À ce cluster s’ajoutent souvent un cluster de type affectif (dépression, anxiété, tristesse) et un cluster de type plus général ou physique (douleur, fatigue, malaise général; Breen et al., 2009; Chen & Lin, 2007; Chen & Tseng, 2006; Cheung, Le, & Zimmermann, 2009; H.-J. Kim, Barsevick, Tulman, & McDermott, 2008).

Chez les patientes atteintes d’un cancer du sein, un cluster de type affectif apparaît dans toutes les études où l’approche empirique est utilisée. S’y ajoutent généralement des symptômes cognitifs ou ménopausiques associés aux traitements adjuvants (p. ex., sueurs nocturnes). Ce cluster comprend donc de quatre à huit symptômes parmi les suivants : anxiété, dépression, difficultés de sommeil ou insomnie, difficultés cognitives, douleur, fatigue, irritabilité, sueurs nocturnes, maux de tête, faiblesse, manque d’énergie, gain de poids, changements cutanés et diminution de la force musculaire (Bender, Ergÿn, Rosenzweig, Cohen, & Sereika, 2005; Glaus et al., 2006; Kenne Sarenmalm, Browall, & Gaston-Johansson, 2014; Kim, Barsevick, Tulman, & McDermott, 2008; Kim, Jahan, et al., 2009). Dans une étude, la douleur, les difficultés de sommeil et la fatigue formaient un cluster et les difficultés cognitives étaient regroupées dans un autre cluster incluant aussi des changements dans l’apparence physique et des craintes envers l’avenir (Matthews et al., 2012). Un cluster de type gastro-intestinal a été trouvé dans trois études (Kenne Sarenmalm et al., 2014; Kim et al., 2008; Matthews et al., 2012), un cluster général (difficultés de sommeil, douleur, étourdissements, irritabilité, manque d’énergie, perte d’appétit, etc.) a été trouvé dans

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deux études (Kenne Sarenmalm et al., 2014; Kim, Jahan, et al., 2009) et un cluster de symptômes associés aux traitements (symptômes cutanés, douleur, picotements dans les mains ou les pieds) a été trouvé dans une étude (Kim, Jahan, et al., 2009). Il est à noter qu’aucune étude sur les clusters ne semble avoir inclus la PRC. La relation entre ce symptôme et les autres symptômes habituellement retrouvés dans les études de clusters demeure donc à être établie.

Dans quelques études plus récentes, des chercheurs ont tenu compte aussi du niveau de sévérité des symptômes présentés par les patients et ont donc évalué la présence de clusters en formant des sous-groupes de patients qui présentaient un même profil de symptômes (Ferreira et al., 2008; Finnegan et al., 2009; Gwede, Small, Munster, Andrykowski, & Jacobsen, 2008; Kim, Barsevick, Beck, & Dudley, 2012; Langford et al., 2016; Trudel-Fitzgerald, Savard, & Ivers, 2013b). Généralement, de deux à trois clusters comprenant des symptômes d’intensité faible, modérée ou élevée sont identifiés avec cette approche. Par exemple, dans un échantillon de 391 patientes atteintes d’un cancer du sein recevant de la chimiothérapie, Langford et al. (2016) ont investigué la présence de différents niveaux de sévérité d’un cluster de symptômes comprenant la douleur, la fatigue, les difficultés de sommeil et les symptômes dépressifs. Trois clusters ont été trouvés, soit des clusters de symptômes d’intensité faible (35,8 % de l’échantillon), modérée (48,3 %) et élevée (15,9 %). Dans une autre étude, l’évolution d’un cluster « psychoneurologique » (dépression, fatigue, difficultés cognitives, douleur et insomnie) a été investiguée chez 282 patientes atteintes d’un cancer du sein avant, pendant et après les traitements de chimiothérapie ou de radiothérapie (Kim, Barsevick, et al., 2012). Quatre sous-groupes distincts ont émergé des analyses au premier temps de mesure: 1) tous les symptômes faibles; 2) fatigue élevée et douleur faible; 3) douleur élevée; et 4) tous les symptômes élevés. Après le début des traitements, deux sous-groupes additionnels ont été identifiés: 1) humeur dépressive élevée et difficultés cognitives; et 2) fatigue élevée et insomnie.

Dans une autre étude, une batterie de questionnaires a été administrée à 828 patients atteints de différents types de cancer, à six reprises, sur une période de 18 mois (Trudel-Fitzgerald et al., 2013b). Des analyses de cluster ont été réalisées pour regrouper les patients présentant des niveaux de symptômes similaires. Les clusters ont ensuite été définis selon le

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niveau de sévérité générale des symptômes (faible, modéré, élevé) et selon le ou les symptômes prédominants (p. ex., symptômes modérés avec nausées). De cinq à huit clusters ont été obtenus selon le temps de mesure. Les patientes atteintes d’un cancer du sein étaient surreprésentées dans le cluster « symptômes modérés avec sueurs nocturnes » comportant plusieurs symptômes d’intensité modérée (anxiété, dépression, insomnie, fatigue, douleur, nausées, vomissements, problèmes de mémoire et de concentration) et un niveau élevé de sueurs nocturnes.

Évolution et impact des clusters

Les quelques études longitudinales réalisées sur le sujet ont permis d’observer que les clusters sont généralement stables dans le temps (Cao et al., 2013; Gift, Stommel, Jablonski, & Given, 2003; Kim, Barsevick, et al., 2012; Kim et al., 2008; Kim, Jahan, et al., 2009; Molassiotis, Wengstrom, & Kearney, 2010; Sullivan et al., 2017; Trudel-Fitzgerald et al., 2013b). Par exemple, dans l’étude longitudinale de Trudel-Fitzgerald et al. (2013b) décrite ci-haut, entre cinq et huit clusters de symptômes ont été observés durant l’étude. La nature des clusters obtenus est également demeurée relativement stable tout au long du suivi. Par exemple, les clusters de symptômes d’intensité élevée avec symptômes psychophysiologiques et cognitifs prédominants et de symptômes d’intensité modérée avec sueurs nocturnes prédominantes ont été trouvés à tous les temps de mesure. Dans l’étude de Kim et al. (2012) décrite précédemment, les quatre clusters initiaux sont demeurés stables tout au long de la trajectoire de soins mais la composition des groupes a varié, c’est-à-dire que certaines participantes ont changé de cluster d’un temps de mesure à un autre.

Plusieurs recensions de la littérature rapportent que la présence de clusters composés de symptômes plus nombreux et plus sévères est associée à un fonctionnement et à une qualité de vie plus altérés (Barsevick, 2007, 2016; Kim, Dodd, et al., 2009; Kirkova et al., 2011; Xiao, 2010). L’impact néfaste sur la qualité de vie du cluster constitué des symptômes de fatigue et de dépression est appuyé de façon particulièrement constante dans la littérature : ce cluster expliquerait jusqu’à 42 % de la variance de la qualité de vie (Xiao, 2010). La présence de clusters de symptômes peut aussi nuire à l’adhérence aux traitements oncologiques, accroître le risque d’abandon des traitements, affecter le fonctionnement social du patient et susciter un stress financier (p. ex., coûts liés au traitement des différents

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symptômes, perte de revenus si le patient doit cesser de travailler ou retarder son retour au travail; Cleeland et al., 2003; Kim et al., 2005). Les résultats de quelques études suggèrent que la présence de symptômes multiples serait associée à un taux de mortalité accru (M. Dodd, Janson, et al., 2001; Gift et al., 2003; Jiménez et al., 2011; Xiao, 2010), mais cet effet est encore trop peu documenté pour tirer des conclusions claires. Certains auteurs ont soulevé l’hypothèse selon laquelle la présence de plusieurs symptômes ou de plusieurs clusters de symptômes affecterait de façon synergique ou multiplicative le fonctionnement des patients (M. Dodd, Miaskowski, & Paul, 2001; Given, Given, Sikorskii, & Hadar, 2007). Par exemple, il a été observé que la présence simultanée de fatigue et de douleur était associée à un plus grand nombre de symptômes comorbides que la fatigue ou la douleur séparément, alourdissant ainsi le fardeau pour le patient (Given, Given, Azzouz, & Stommel, 2001; Given et al., 2007).

Prédicteurs des clusters

Certains chercheurs se sont intéressés aux variables pouvant prédire ou influencer la nature des clusters, notamment les variables médicales (p. ex., type de cancer et traitements oncologiques reçus) et sociodémographiques (p. ex., âge et sexe).

Caractéristiques sociodémographiques

Peu d’études ont évalué la relation entre les variables sociodémographiques et les clusters de symptômes associés au cancer. L’association entre un âge plus jeune et des clusters comprenant des symptômes plus nombreux et plus sévères fait généralement consensus (Miaskowski et al., 2015), mais les résultats des études sont généralement peu constants, voire contradictoires, en ce qui concerne les autres variables sociodémographiques (Kim, Dodd, et al., 2009; Miaskowski et al., 2015). Par exemple, dans une étude transversale incluant 582 patients atteints de différents types de cancer, le sexe féminin était associé à des clusters comprenant des symptômes plus nombreux et plus sévères et un plus jeune âge était associé à un cluster comprenant des symptômes physiques modérés et des symptômes psychologiques sévères ainsi qu’à un cluster où tous les symptômes étaient élevés (Miaskowski et al., 2015). Les résultats d’une étude longitudinale de 12 mois menée auprès de 877 patients atteints de différents types de cancer ont montré qu’un plus jeune âge, le sexe féminin et un revenu faible étaient associés à un cluster de symptômes psychologiques

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(Thomas et al., 2014). Par contre, Gwede et al. (2008) n’ont trouvé aucune association entre les clusters et les variables sociodémographiques (c.-à.-d., âge, ethnie, état civil, occupation principale, revenu et niveau d’éducation).

Type de cancer

Plusieurs études portent sur un type de cancer spécifique, comme le cancer du sein ou du poumon. Chez les femmes atteintes d’un cancer du sein, des clusters comprenant des symptômes comme la dépression, l’anxiété, la fatigue, les difficultés sexuelles, les sueurs nocturnes ou le gain de poids sont observés (Glaus et al., 2006; Kim et al., 2008; Wilmoth et al., 2009), alors que des clusters incluant des symptômes respiratoires (p. ex., détresse respiratoire, dyspnée, toux) sont observés chez les patients atteints d’un cancer du poumon (Chan, Richardson, & Richardson, 2005; Kuo & Ma, 2002; Sarna & Brecht, 1997). Cependant, les résultats d’une revue de la littérature indiquent que les symptômes les plus prévalents et les plus associés à la détresse psychologique sont des symptômes que l’on retrouve dans tous les types de cancer comme la fatigue, la douleur et l’insomnie, et non des symptômes spécifiques à un seul type de cancer (Gift, 2007). Encore une fois, les différences entre les instruments de mesure utilisés, les symptômes évalués, les analyses statistiques utilisées et les sous-groupes inclus dans les études font en sorte qu’il est difficile de déterminer l’existence de clusters propres à un type de cancer (Barsevick, 2016; G. Fan et al., 2007).

Traitements oncologiques

Le type de traitement oncologique reçu est une autre variable susceptible d’influencer le nombre et la nature des clusters de symptômes (G. Fan et al., 2007; Honea, Brant, & Beck, 2007; Kim, Dodd, et al., 2009; Kirkova et al., 2011). Par exemple, les résultats d’une recension des écrits indiquent que la chimiothérapie est fréquemment associée à un cluster gastro-intestinal (nausées, vomissements, diarrhée, constipation) alors que la radiothérapie est davantage associée à un cluster plus général (nausées, vomissements, douleur, problèmes cutanés) et l’hormonothérapie, à des bouffées de chaleur et à la douleur (Honea et al., 2007). Un résultat similaire a été obtenu dans l’étude de Trudel-Fitzgerald (2013b), dans laquelle les patients ayant reçu de la chimiothérapie étaient surreprésentés dans le cluster avec une prédominance de nausées. De plus, la chirurgie seule était associée à des symptômes moins

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sévères, l’hormonothérapie était liée au cluster de symptômes d’intensité modérée avec des sueurs nocturnes prédominantes, alors que le fait d’avoir reçu une combinaison de chimiothérapie, de radiothérapie et d’hormonothérapie était associé aux clusters de symptômes d’intensité modérée avec sueurs nocturnes prédominantes et de symptômes d’intensité modérée avec nausées prédominantes.

Étiologie commune

Plusieurs auteurs suggèrent que la raison pour laquelle les patients présentent généralement une combinaison de symptômes multiples, plutôt que des symptômes isolés, est que les symptômes compris dans un cluster donné partageraient un mécanisme étiologique commun (Barsevick, 2016; Kim, Eardley, Barsevick, Fang, & Miaskowski, 2012; Miaskowski, 2016). L’hypothèse la plus fréquemment évoquée implique un mécanisme biologique. En particulier, les auteurs postulent qu’un ensemble de symptômes appelé

sickness behavior serait induit par les cytokines proinflammatoires (Cleeland et al., 2003;

Kim et al., 2005; Miaskowski & Aouizerat, 2007; Miaskowski et al., 2007). En effet, des recherches animales menées en laboratoire ont révélé que différentes manifestations physiologiques (p. ex., fièvre, douleur, hyperactivité de l’axe HPA et du système nerveux autonome) et comportementales (p. ex., diminution du niveau d’activité général, des interactions sociales, de l’activité sexuelle et de la consommation de nourriture, somnolence, atteintes cognitives) surviennent chez les animaux souffrant d’une infection ou qui ont reçu une injection de cytokines proinflammatoires (Cleeland et al., 2003; Miaskowski & Aouizerat, 2007). Il est d’ailleurs pertinent de souligner que plusieurs des symptômes typiques du sickness behavior se retrouvent dans les clusters de symptômes fréquemment observés chez les patients atteints de cancer (douleur, fatigue, insomnie, dépression; Cleeland et al., 2003; Miaskowski & Aouizerat, 2007). Puisque les traitements oncologiques (chimiothérapie et radiothérapie) stimulent la production de cytokines proinflammatoires, il est plausible que ces dernières soient à l’origine de l’occurrence de certains clusters de symptômes associés au cancer (Kim, Eardley, et al., 2012; Lynch Kelly et al., 2016; Reed et al., 2016). Toutefois, le mécanisme par lequel les cytokines induiraient les symptômes n’est pas clair. Il est possible qu’elles interagissent avec certains neurotransmetteurs (notamment la sérotonine) et l’axe HPA. Il a été postulé que le nombre et la nature des symptômes

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