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Validation du questionnaire évaluatif du programme espace au préscolaire (QEPEP)

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Academic year: 2021

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UL

Λ 0^1

VALIDATION DU QUESTIONNAIRE ÉVALUATIF DU PROGRAMME ESPACE AU PRÉSCOLAIRE (QEPEP)

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval

pour l’obtention

du grade de Maître en psychologie (M.Ps.)

École de Psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

MAI 1999

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Plusieurs programmes de prévention ayant comme objectif de prévenir les abus sexuels commis envers les enfants ont été instaurés ces dernières années. Maints d’entre eux s’adressent aux enfants d’âge préscolaire, cependant peu ont été évalués à l’aide d’outils validés. La présente étude est menée auprès de 74 enfants âgés de trois à cinq ans fréquentant certaines garderies et maternelles des régions de Québec et Trois-Rivières. Elle a pour but d’obtenir certaines données inhérentes à la validation d’un questionnaire qui évalue le programme ESPACE au préscolaire, le QEPEP, élaboré par Charrière en 1995. Les résultats des études de fidélité et de validité indiquent que le QEPEP semblerait un bon instrument d’évaluation de ce programme pour les enfants de maternelle. Cependant, certaines limites sont à considérer quant à son utilisation auprès d’enfants de garderie. De fait, certaines questions semblent mal comprises par les enfants plus jeunes. En outre, des suggestions sont également proposées pour pallier aux diverses lacunes du QEPEP.

Francine Lavoie, Ph D., Superviseure.

Pascale Croteau, étudiante à la maîtrise en psychologie.

Martine Hébert, Ph D., Co-superviseure

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La réalisation de ce projet aurait été impossible sans l’apport très apprécié de nombreuses personnes. C’est pourquoi je désire exprimer toute ma reconnaissance à tous ces gens qui m’ont aidée, d’une façon ou d’une autre, à avancer.

En premier lieu, je souhaite exprimer mes plus sincères remerciements à Martine Hébert, qui m’a judicieusement conseillée, tout au long de mon mémoire et qui m’a toujours supportée. Elle a su croire en moi et m’encourager à me dépasser. Ses idées et son professionnalisme m’ont permis d’acquérir et de développer de nouvelles habiletés. De surcroît, elle m’a fait goûter aux merveilleux côtés de la recherche m’a transmis le désir de toujours en savoir plus. Sa disponibilité et la qualité de sa supervision m’ont également beaucoup apporté.

Je tiens également à remercier énormément Francine Lavoie, qui m’a permis d’élaborer mon projet en étroite collaboration avec Martine Hébert et qui m’a également prodigué d’excellents conseils afin de transmettre le mieux possible mes idées et mes résultats.

De plus, je remercie Nathalie Parent qui fut toujours très disponible pour moi, que ce soit au niveau de la recherche ou des programmes informatiques. J’ai apprécié énormément son aide qui m’a permis d’avancer beaucoup plus facilement queje l’avais anticipé. Merci à Nathalie qui m’a donné l’idée de ce projet.

Merci aux fonds de recherche du FCAR pour m’avoir soutenue financièrement dans l’élaboration de mon mémoire.

Un énorme merci aussi aux responsables du R.E.R.E. et des équipes ESPACE de la région de Québec et de Trois-Rivières, dont Odette Théberge et Lucie Goulet. Merci d’avoir accepté mon projet et de m’avoir soutenue dans mes démarches avec les différentes garderies et écoles.

De surcroît, je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance aux directrices des garderies et de l’école dans lesquelles j’ai administré mes questionnaires. Ainsi, je remercie Mme Lefebvre de la garderie La Culbute et Mme Béliveau de la garderie LaMaisonnée de Trois-Rivières, Mme Aylwil de la garderie La Frimousse et Mme Tremblay de l’école Notre-Dame-du-Canada de Québec. Merci tout autant aux intervenants (es) et aux professeurs des différentes classes que j’ai rencontrées. Merci pour votre patience et le temps que vous m’avez consacré.

Merci tout particulier aux parents des enfants que j’ai eu la chance d’interroger pour mes expérimentations et aux enfants qui ont si bien répondu à toutes mes questions. Merci d’avoir permis à vos enfants de faire avancer mon projet.

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moments.

Finalement, merci à Josée et Caroline du laboratoire qui m’ont si bien accueillie parmi elles. Merci à Marie-Josée qui m’a beaucoup aidée par sa créativité et sa patience à rendre vivants les tests que j’ai utilisés. Merci à mes parents qui m’ont inculqué l’ambition, la persévérance et le goût du dépassement. Merci d’avoir toujours cru en mes capacités et d’avoir toujours été derrière moi... Merci à mes amis qui m’ont soutenue tout au long de mon projet, m’ont écoutée et encouragée. Merci à Alex pour ses pensées positives et à Sandrine pour son opinion sur quelques unes de mes traductions et à Annie pour sa disponibilité à m’aider. Et, par-dessus tout, merci tout particulièrement à François qui a vécu avec moi tous les moments de la réalisation de ce projet, qui a participé à tous mes instants de craintes et de joie. Merci pour ton écoute, ta compréhension, ton amour et ta joie.

Mille mercis à chacun d’entre vous! J’ai vraiment apprécié tout ce que vous avez fait pour moi.

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Résumé p.I Avant-propos p.II P-l P-3 p.3 P-3 P-6 P-7 P-8 p.13 Introduction Contexte théorique

1. La problématique des abus sexuels commis envers les enfants 1.1 Définition

1.2 Ampleur du phénomène

1.3 Caractéristiques des enfants abusés 1.4 Caractéristiques des agresseurs 1.5 Conséquences de l’abus sexuel

2. La prévention des abus sexuels commis envers les enfants p.20

2.1 Historique p.20

2.2 Définitions p.22

2.3 Similitudes entre les programmes de prévention p.23 2.4 Distinctions entre les programmes de prévention p.28 3. L’évaluation des programmes de prévention des abus sexuels

commis envers les enfants p.30

3.1 Considérations méthodologiques inhérentes aux

études évaluatives p.30

3.2 Résultats généraux relatifs à l’évaluation des programmes de prévention des abus sexuels à l’égard

des enfants p.34

3.3 Critiques associées aux programmes de prévention

des abus sexuels destinés aux enfants d’âge préscolaire p.40

4. Le programme ESPACE p.53

4.1 Description du programme p.53

4.2 L’atelier ESPACE destiné aux enfants d’âge préscolaire p.56

p.58 5. Objectifs de l’étude p.60 p.60 p.60 p.61 p.63 p.64 Méthodologie 1. Participants 2. Mesures

2.1 Le Questionnaire Évaluatif du Programme ESPACE au préscolaire (QEPEP)

2.2 Le Social Problem Solving Test 2.3 Le What If Situation Test

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p.69 p.72 p.73 p.75 P■ 77 p.78 p 80 p.83 p&4 Résultats

-Version initiale du QEPEP

1. Analyse du niveau de difficulté des items

2. Données descriptives relatives à la version initiale du QEPEP 3. Analyse de la fidélité de la version initiale du QEPEP

-Version finale

4. Élimination des items inadéquats

5. Données descriptives relatives à la version finale du QEPEP 6. Détails inhérents aux items éliminés

-Évaluation de certaines données relatives à la validité de la version finale du QEPEP

7. Fidélité des instruments utilisés 8. Validité convergente 9. Validité critériée p.85 Discussion p.93 Conclusion p.96 Références p.109 Annexes

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Moyennes, écarts-types et pourcentage de réussite des p.69 items comportant 2 choix de réponses (1/2 ou 2/2)

Moyennes, écarts-types et pourcentage de réussite des

Items comportant 3 choix de réponses (0/2, 1/2, 2/2) p.70 Pourcentage de réussite aux questions du QEPEP selon

l’âge p.72

Données descriptives relatives à la version initiale du

QEPEP en fonction de l’âge des enfants p.73 Données descriptives relatives à la version initiale du

QEPEP en fonction du sexe des enfants p.73 Analyse de la consistance interne de la version initiale

du QEPEP, corrélations item-total. p.74 Corrélations item-total de la version finale du QEPEP

en fonction de l’âge des enfants p.76

Données descriptives relatives à la version finale du

QEPEP en fonction de l’âge des enfants p.77 Données descriptives relatives à la version finale du

QEPEP en fonction du sexe des enfants p.77 Consistance interne du WIST : corrélations item-total p.80 Consistance interne de la mesure des professeurs :

corrélations item-total p.80

Consistance interne des trois échelles globales du SPST p.82 Consistance interne de tous les éléments du SPST p.82

Validité convergente du QEPEP p.83

Corrélations entre l’échelle d’habiletés du QEPEP et

le SPST p.84 Tableau 1 : Tableau 2 : Tableau 3 : Tableau 4 : Tableau 5 : Tableau 6 : Tableau 7 : Tableau 8 : Tableau 9 : Tableau 10 : Tableau 11 : Tableau 12 : Tableau 13 : Tableau 14 : Tableau 15 :

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Annexe A : QEPEP p.110

Annexe B : WIST (traduit et adapté) p.128

Annexe C: SPST (traduit et adapté) p.140

AnnexeD: Échelle d’évaluation des performances générales des

Enfants par les professeurs p.154

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Depuis plusieurs armées, une multitude d'enfants sont touchés par la problématique de l'abus sexuel. Ainsi, 6% à 62% des femmes et 3 à 30% des hommes s'avéreraient victimes d'abus sexuels au cours de leur vie, dont 80% dans leur enfance (McGuire et Grant, 1991). De plus, de 30% à 45% des enfants abusés le seraient abusés avant l'âge de six ans (Finkelhor, Hotaling, Lewis et Smith, 1990; Nemerofsky, Garran, Rosenberg, 1994). Ces enfants, trop nombreux, sont susceptibles de souffrir de plusieurs conséquences affectives, cognitives et comportementales, affectant leur développement à plus ou moins long terme (Kendall-Tackett, Meyer et Finkelhor, 1993).

Un grand nombre de victimes, aujourd'hui devenues adultes, estiment que si elles avaient possédé, à l'époque, des connaissances relatives à l'abus sexuel ainsi que certaines habiletés nécessaires pour faire face à une situation abusive, elles n'auraient pas souffert du silence pendant si longtemps (Dorais, 1997). Ainsi, depuis une quinzaine d'années, une panoplie de programmes de prévention ont été élaborés afín de diminuer le nombre d'abus sexuels vécus et de favoriser !'acquisition de stratégies et d'habiletés ayant comme objectif d'aider les enfants à contrer d'éventuelles agressions (Wurtele et Miller-Perrin,

1992).

De plus, les chercheurs s'intéressent aussi à l'évaluation de ces programmes afin de toujours améliorer leur contenu et la façon de le livrer. Ces derniers se soucient également, de plus en plus, de l'aspect du niveau de développement associé à l'enseignement de stratégies préventives (Berrick et Gilbert, 1991). L'application de programmes, au niveau préscolaire, suscite, en effet, de nombreuses interrogations quant à l'efficacité réelle des différentes interventions utilisées (Krivacska, 1992; Liang, Bogat et McGrath, 1993)

Ainsi, la présente étude s'inscrit dans ce courant d'évaluation des programmes de prévention destinés aux enfants d'âge préscolaire. Le but premier consiste à recueillir des

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données relatives à la validation d’un questionnaire, le Questionnaire Évaluatif du Programme ESPACE au Préscolaire (QEPEP), mesurant les connaissances et les habiletés préventives acquises par les enfants âgés de trois à cinq ans suite à leur participation au programme ESPACE. L’examen des réponses des enfants de même que les résultats d’études évaluatives antérieures seront également analysés afin de déterminer quels sont les concepts les mieux et les moins bien compris par les enfants d’âge préscolaire. Ce questionnaire, construit à partir du modèle du programme ESPACE, pourrait être employé éventuellement afin d'évaluer les retombées de ce programme en permettant ainsi aux intervenants qui le diffusent d'être mieux outillés et, de ce fait, de mettre à jour ce qu'ils tentent d'inculquer aux touts-petits.

Ainsi, la présente étude traite tout d’abord de la problématique des abus sexuels commis envers les enfants pour aborder, par la suite, le sujet de la prévention des abus et les différentes études évaluatives effectuées à ce propos aux niveaux scolaire et préscolaire. Le programme ESPACE est ensuite présenté et fait place à la méthodologie utilisée au sein de l’actuelle recherche de même qu’aux résultats obtenus quant au recueil de données relatives à la validation du QEPEP.

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CONTEXTE THÉORIQUE

1. La problématique des abus sexuels commis envers les enfants 1.1 Définition

L'abus sexuel commis envers les enfants constitue un problème social qui perdure depuis fort longtemps. En effet, jadis, !'utilisation d'enfants à des fins sexuelles, s'avérait une activité acceptée, voire encouragée (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). Elle était même considérée, par certains, comme un acte sain, par exemple, dans le Grèce antique, les Grecs croyaient que la virilité pouvait être transmise symboliquement aux garçons par !'intermédiaire du sperme d'un adulte (Crépault et Lévy, 1978). À cette époque, l'abus sexuel ne se révélait donc guère une réalité reconnue. Depuis lors, au cours des ans, les idéologies ont changé et l'abus sexuel s'envisage aujourd'hui davantage dans l'optique d'un rapport d'inégalité, d'une forme de violence, survenant entre un enfant et une personne détenant un certain pouvoir ou une quelconque autorité relativement à celui-ci. Dans cette même voie, les concepts employés pour le définir et le préciser se sont modifiés, au gré des périodes, selon les auteurs, les cultures et les orientations sociales.

Ainsi, une pléiade de définitions ont été élaborées à ce propos. Elles se distinguent essentiellement par l'inclusion ou l'exclusion des activités à caractère sexuel n'impliquant aucun contact physique, par l'âge maximal attribuable à une victime, l'âge minimal accordé à un agresseur, la différence d'âge entre ces deux derniers ainsi que par l'intégration ou non d'une certaine force de coercition (O'Donohue et Geer, 1992). À l'instar de Russell (1983), qui juge que l'abus sexuel ne doit référer qu'aux seuls comportements nécessitant un contact physique entre l'agresseur et sa victime, Finkelhor et al. (1990) incorporent tous les types d'activités sexuelles au sein de leur définition. Les gestes qu'ils englobent incluent !'exhibitionnisme, le voyeurisme, les sollicitations sexuelles, la pornographie, la prostitution, les caresses, les baisers, les contacts oraux- génitaux, la masturbation ainsi que la pénétration digitale ou pénienne de l'anus ou du vagin. D'autres auteurs, tels que Bumam (1985) et Wyatt (1986), adoptent une position

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plutôt mitigée en distinguant les actes qui sont composés d'un contact corporel de ceux qui n'en présentent pas (Finkelhor, 1986).

De surcroît, plusieurs dissemblances se retrouvent également au sujet des écarts admis entre les âges de la victime et de l'agresseur. De fait, Finkelhor (1986) stipule que toute expérience qui survient chez l'abusé avant l'âge de 12 ans, sous le pouvoir d'un abuseur âgé d'au moins cinq ans de plus que ce dernier, peut signifier un abus. Cependant, il ajoute, dans cette même optique, que si le jeune est âgé entre treize et seize ans, l'abuseur doit posséder une différence d'âge de plus de dix ans avec sa victime. Quant à Berrick (1989), elle reprend l'idée que Finkelhor avait développée relativement aux enfants de moins de douze ans et l'applique à tous les jeunes dont l'âge s'avère inférieur à 18 ans. Par ailleurs, le rapport Badgley (1984) estime que le seuil d'accessibilité d'une relation sexuelle volontaire se situe à 14 ans et donc que le consentement d'un jeune de 14 ans et moins ne doit point être retenu dans la défense d'un agresseur.

Un climat de confusion existe donc au sein des diverses approches tentant de définir l'abus sexuel. Par conséquent, les différentes études évaluant la prévalence de l'abus sexuel obtiennent des résultats très variés. De fait, selon des études rétrospectives, le nombre de femmes abusées sexuellement dans leur enfance varie de 6% à 62% et de 3% à 30% chez les hommes (Peters, Wyatt et Finkelhor, 1986). Toutefois, cette variabilité peut aussi dépendre de divers facteurs tels que la méthodologie utilisée (échantillonnage, cueillette de données, instruments de mesure, nombre de répondants, statut socio-économique, nombre de questions...) ou les différences réelles dans les populations.

Il s'avère, en effet, très ardu de développer une définition complète de l'abus sexuel et ce, pour plusieurs raisons. À prime abord, une certaine incertitude existe quant à la manière d'expliquer l'abus, soit en fonction de l'abuseur, de l'abusé, d'autres variables ou d'une combinaison de quelques unes d'entre elles. De plus, les buts multiples

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(scientifique, légal ou clinique), que les définitions transmettent, entraînent également de la confusion. Par ailleurs, le fait que la signification d'un même acte est susceptible de varier selon plusieurs facteurs intrinsèques à l'individu ou inhérents au contexte, les ambiguités liées au sens du mot enfant et le besoin d'opérationnalisation engendrent aussi de nombreuses difficultés (National Research Council, 1993).

Ainsi, afin d'établir un certain critère sur lequel baser les interventions, les directeurs et directrices de la Protection de la Jeunesse (1990) proposent une définition légale de l'abus sexuel:

"Geste posé par une personne donnant ou recherchant une stimulation sexuelle non appropriée quant à l'âge et au niveau de développement de l'enfant ou de l'adolescent, portant ainsi atteinte à son intégrité corporelle ou psychique, alors que l'abuseur a un lien de consanguinité avec la victime ou qu'il est en position de responsabilité, d'autorité ou de domination avec elle."

Cette définition précise bien ce que représentent l'abusé et l'agresseur, de même que les conséquences de l’acte abusif. Elle comble également certaines lacunes des définitions suggérées antérieurement, par d'autres auteurs (Russell, 1983; Sgroi, 1986), en clarifiant le concept d’acte jugé abusif. En outre, elle ressemble beaucoup à celle élaborée, en 1978, par le National Center on Child Abuse and Neglect. Cependant, cette dernière indiquait spécifiquement les comportements statués à caractère sexuel (Charest, Shilder, Vitaro, 1987).

Dans cette même optique, l'abus sexuel commis envers les enfants peut se diviser en deux catégories, soit l'abus intrafamilial et extrafamilial. L'abus intrafamilial réfère à toute activité sexuelle entre un enfant et son parent, beau-parent, membre de la famille étendue ou adulte faisant figure de parent. Il implique un lien d'autorité ou de confiance (Dubé et St-Jules, 1987). Cependant, il se définit aussi légalement, d'une façon plus restrictive, par des actes sexuels survenant entre un enfant et une personne avec laquelle il possède des liens de sang (Dubé et St-Jules, 1987). Quant à l'abus sexuel extrafamilial, il se subdivise en trois classes. En effet, l'agresseur peut être une personne connue, qui détient souvent une position de confiance face à l'enfant, un inconnu, qui manifeste alors

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habituellement davantage de violence, ou faire référence à un réseau d'exploitation sexuelle.

1.2 Ampleur du phénomène

Les études évaluant l'ampleur du phénomène de l'abus sexuel commis envers les enfants affichent également une très large variabilité en ce qui a trait aux résultats qui en sont issus. Ainsi, en ce qui concerne l'incidence de cette problématique, soit le nombre de nouveaux cas d'abus survenant au cours d'une certaine période de temps, Finkelhor (1994) estime, qu'à chaque année, aux États-Unis, approximativement 150 000 nouveaux cas sont déclarés. Le nombre de plaintes fondées répertoriées aux Centres Jeunesse de la province de Québec s'élevait à 3687 en 1992-1993 (Rapport du groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995). Ces plaintes représentaient alors 16,4% de tous les signalements reçus. Toutefois, il apparaît qu'entre 70% et 90% des abus sexuels commis ne s'avèrent jamais déclarés (Badgley, 1984; Finkelhor, 1994 ; Tourigny et Bouchard, 1993). Donc, le nombre réel d'abus sexuels serait sous-rapporté (Oxman-Martinez et Rowe, 1997).

Pour ce qui est de la prévalence attribuée aux abus sexuels, c'est-à-dire la proportion de la population ayant déjà été abusée, les études rétrospectives effectuées dans le passé témoignent, tel que mentionné précédemment, qu'entre 6% et 62% des femmes en auraient été victimes dans leur enfance ainsi qu'entre 3% et 31% des hommes (Peters et al., 1986). Cependant, Berrick et Gilbert (1991) stipulent que la médiane associée à ces résultats s'élèverait à 15% chez les femmes et à 6% pour les hommes. De plus, ces mêmes auteurs remarquent une augmentation très forte des abus sexuels dévoilés depuis le milieu des années 1970. En effet, de 1975 à 1986, un accroissement de 150% a été constaté. En outre, Bagdley (1984) a calculé une hausse des déclarations d'abus sexuels, au Canada, de 431% entre 1977 et 1980. Cette dernière serait attribuable à la prise de conscience du problème par la population, à l'amélioration du système et au meilleur accès aux services de protection. Par ailleurs, des données recueillies auprès de

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2008 répondants(es) adultes de la population canadienne suggèrent qu'une femme sur deux et un homme sur trois seraient victimes d'abus sexuels au cours de leur vie, dont 80% de ces derniers dans leur enfance ou au cours de leur adolescence (Bagdley, 1984).

1.3 Caractéristiques des enfants abusés

En outre, un pourcentage considérable des abus sexuels commis envers les enfants surviennent tôt dans leur vie (Nemerofsky et al., 1994). En effet, il appert que le tiers des filles seront abusées sexuellement avant l'âge de 18 ans dont la moitié avant 14 ans (Charest et al., 1987). De plus, Finkelhor et al. (1990) estiment que 33% des enfants victimes d'abus sexuels le seront avant l'âge de six ans (Gibson et Bogat, 1993). De même, Wasserman et Kappel (1985) ainsi que Jehu (1989) évaluent ce taux aux environs de 45%. Par ailleurs, Finkelhor (1986) observe aussi une augmentation importante de la vulnérabilité aux abus sexuels vers 6-7 ans et 10-12 ans. Toutefois, il suppose qu'un taux plus élevé d'abus s'avère possible avant 6 ans, quoique réprimé par la mémoire, sujette à de nombreux oublis, à cet âge.

En ce qui concerne le sexe des enfants abusés, le pourcentage associé aux filles varie entre 77% et 85%. Par contre, les abus impliquant des garçons semblent sous- rapportés en raison des attentes sociales de non-vulnérabilité qui sont entretenues envers eux, de !'acceptation liée aux expériences sexuelles arrivant tôt dans la vie et de leur peur relative à l'homosexualité (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). De plus, Faller (1989) note que les garçons, comparativement aux filles, sont plus vieux lors du premier abus et s'avèrent davantage la cible des étrangers, des femmes et des gens qui ont déjà agressé d'autres enfants.

De surcroît, il est possible de constater que certains facteurs de risques à vivre un abus sexuel ont été identifiés. En effet, selon Wilson et Golub (1993), les enfants victimes manqueraient d'informations, manifesteraient davantage de peur et de gêne et dévoileraient plus de vulnérabilité par leur obéissance, leur passivité et leur soumission.

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De plus, Conte et Fogarty (1990) ajoutent des caractéristiques émotionnelles telles la timidité et le sentiment d'être malheureux, le statut familial (monoparentalité) ainsi que des facteurs situationnels, comme le manque de surveillance. En outre, le National research council (1993) estime que les enfants handicapés démontreraient un taux d'abus sexuel 1,75 fois supérieur à celui des autres enfants. Finkelhor (1986) complète cette description des éléments liés aux enfants victimes avec l'isolement des pairs, l'absence ou la non-disponibilité parentale, les relations pauvres au sein de la famille, les conflits maritaux et la présence d'un beau-père. Ces enfants posséderaient donc d'énormes besoins d'affection, d'attention ainsi que d'approbation et feraient preuve de lacunes au plan décisionnel et au niveau des habiletés d'affirmation de soi (Wurtele et Miller-Perrin,

1992).

Par ailleurs, des résultats contradictoires émanent des études relatives au lien entre l'ethnicité et la possibilité d'abus sexuel. Ainsi, certains auteurs (Finkelhor, 1986) ne voient aucune relation significative entre ces deux variables alors que Rao, Diclemente et Ponton (1992) observent que les hispaniques et les afro-américains seraient davantage victimes d'abus sexuels que les caucasiens et les asiatiques. Cependant, aucune relation n'a été notée entre la classe sociale et le risque d'être abusé sexuellement (Berliner et Eliott, 1996).

1.4 Caractéristiques des abuseurs

En outre, ceux qui abusent des enfants révèlent aussi des caractéristiques particulières, bien que n'importe quel type de personne puisse être appréhendé. En effet, le groupe des agresseurs sexuels fait preuve d'une grande hétérogénéité (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). Ainsi, contrairement à ce que plusieurs gens présument, les personnes connues par l'enfant commettraient davantage de délits sexuels que des inconnus (National Research Council, 1993). En effet, les différentes études effectuées à ce propos s'entendent pour affirmer que les actes perpétrés par des membres de la parenté (dont les personnes faisant image de figure parentale) représenteraient environ 25% de

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toutes les agressions sexuelles commises à l'égard des enfants (Dubé, Heger, Johnson et Hébert, 1988; Finkelhor et al., 1990; McGuire et Grant, 1991; Saunders, Villeponteaux, Lipovsky, Kilpatrick et Veronen, 1992). Toutefois, certains auteurs obtiennent un résultat supérieur qui s'élève à approximativement 50% pour ce même type d'abus (Gomes-Schwartz, Horowitz et Cardarelli, 1990 ; Tourigny et Bouchard, 1993) Pour ce qui est du taux d'actes abusifs accomplis par le père, Berliner et Eliott (1996) l'estiment entre 6% et 16% tandis que Tourigny et Bouchard (1993) l'évaluent à 22%. De plus, en ce qui concerne le pourcentage d'abus sexuels éxécutés par des inconnus, il se situerait entre 5% à 15% selon ces mêmes auteurs.

Par ailleurs, la littérature évoque qu'environ 75% des agresseurs s'avéreraient des adultes. Cependant, ces derniers commenceraient à exprimer certaines déviances au niveau comportemental dès leur adolescence (National Research Council, 1993). De plus, 25% des abus sexuels seraient commis par des jeunes (Tourigny et Bouchard, 1993). De même, les hommes compteraient pour plus de 90% des agresseurs sexuels (Chemin, Drouet, Geoffroy, Jezequel et Joly, 1995; Dubé et al., 1988). Quelques théories ont été élaborées afín d'expliquer ce phénomène de la masculinisation de l'agression. La plupart des écrits indiquent que cette problématique prendrait sa source dans la socialisation des garçons (Finkelhor, 1987; McGuire et Grant, 1991). Les adolescents apprendraient que les relations hommes-femmes sont empreintes d'inégalité et que l'homme se doit de manifester de la force et de la domination. Certains croiraient que ces attributs s'avèrent vitaux et ils rechercheraient alors une relation qui leur apporterait un maximum de contrôle. Alors que !'implication sexuelle et l'intimité constitueraient une forme d'abandon de ce contrôle, ces hommes choisiraient donc des enfants vulnérables, ne déployant aucune résistance. Finkelhor ajoute que ces hommes prodigueraient peu de soins à leurs enfants, s'identifieraient moins à eux et comprendraient ainsi d'une façon moindre leur univers et leurs besoins. Ils seraient donc davantage portés à les abuser que les femmes. Néanmoins, Finkelhor (1987) stipule que la place occupée par les femmes s'avérerait sous-représentée.

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Dans un autre ordre d'idées, nombre de cliniciens attribuent certaines caractéristiques personnelles aux abuseurs sexuels. Selon eux, ces derniers témoigneraient d'égocentrisme, d'immaturité, d'impulsivité, de faible estime, d'insécurité, de dépendance et présenteraient parfois un arrêt à un stade antérieur développement (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). Peu d'entre eux souffriraient de maladies mentales, de fait, la plupart fonctionneraient bien socialement quoique souvent considérés comme des gens plutôt autoritaires (McGuire et Grant, 1991; Wakefield et Underwager, 1988). Pour ce qui est de leur patron de réactions, le déni, la minimisation, la rationalisation ainsi que la projection consisteraient en leurs principaux mécanismes de défense. La manipulation refléterait leur mode de relation prédominant. De même, le contexte dans lequel survient l'abus serait fréquemment imprégné d'excès d'alcool ou de drogues (Finkelhor, 1987). De plus, de multiples catégorisations ont été émises quant à la classification des agresseurs. D'entre ces dernières, Groth distingue l'abuseur fixé (pédophile) et celui régressé (situationnel) tandis que Krapman élabore plutôt au sujet de la distiction entre la préférence érotique et l'attirance vers l'enfant soumis (Krivacska, 1990). Cependant, les agresseurs sexuels utiliseraient, dans la majorité des cas, un processus graduel de sexualisation de la relation (Berliner et Conte, 1993).

Par ailleurs, les abuseurs d'aujourd'hui rapellent fréquemment les victimes d'hier (Kendall-Tackett et al., 1993). Toutefois, la vaste majorité des victimes d'abus sexuels ne deviennent pas des agresseurs à leur tour. En fait, certains auteurs estiment qu'une proportion de 20% à 30% des abuseurs auraient été, eux aussi, agressés sexuellement au cours de leur enfance (Finkelhor, 1987). En effet, les personnes qui ont résolu une histoire d'abus, qui vivent moins de stress et qui possèdent davantage de soutien social ont plus de chances de briser le cycle intergénérationnel de la violence (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). En réalité, plusieurs théories ont été proposées afin d'expliquer les raisons qui pousseraient beaucoup d'hommes, outre le fait d'avoir été agressé dans leur propre enfance, à accomplir des actes abusifs et à maintenir l'enfant sous l'emprise de leur pouvoir. Entre toutes les conceptualisations élaborées, une se distingue plus particulièrement, soit celle du modèle des quatre préconditions à l'abus de Finkelhor

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(1984). Ainsi, cet auteur suggère quatre facteurs que l'abuseur doit posséder afín de parvenir à agresser un enfant. À prime abord, il doit faire preuve d'une grande motivation s'exprimant par une certaine congruence émotionnelle relative aux sentiments de domination et de contrôle, par une excitation sexuelle envers les enfants et par un blocage à un niveau de développement (conflit oedipien, angoisse de castration, expérience traumatique vécue...). En second lieu, il doit aussi surpasser ses inhibitions internes, et ce, par le biais de l'alcool, d'un trouble impulsif, de mécanismes psychologiques qui lui ont été inculqués au sein de sa famille ou même en fonction de la tolérance sociale par rapport à la déviance et à l'intérêt sexuel envers les enfants. De surcroît, l'abus nécessite également la transgression des inhibiteurs externes. Ainsi, une mère absente ou dominée, l'isolation sociale de la famille et le manque de supervision de l'enfant constituent quelques facteurs qui prédisposent l'agresseur à surpasser ces inhibiteurs. Finalement, afin de violenter sexuellement, l'abuseur doit outrepasser les résistances de l'enfant. De fait, le jeune le plus à risque s'avérerait celui insécure et privé d'affection qui se retrouverait dans une situation de confiance inhabituelle en possédant, par ailleurs, des connaissances lacunaires liées à l'abus ainsi qu'une éducation sexuelle incomplète. De plus, l'enfant manifesterait davantage de vulnérabilité en raison de son manque de pouvoir social et lors de circonstances impliquant de la coercition.

Par ailleurs, d'autres auteurs accusent aussi la société de favoriser la pratique de comportements abusifs. Ainsi, ils blâment les attitudes et les croyances sociétales relatives à la faiblesse et à la dépendance des femmes et des enfants de même qu'à la domination des hommes. Ils critiquent également les médias qui promulguent la violence et présentent parfois l'enfant comme un objet, ce qui augmente, aux yeux des abuseurs, la légitimité de l'abus sexuel, tout en renforçant la responsabilité et le silence des enfants. La pornographie est aussi condamnée. Ces auteurs désapprouvent pareillement le système légal qui ne punit pas à leur juste valeur les actes abusifs commis (Wurtele et Miller-Perrin, 1992).

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Enfin, en ce qui concerne le risque de récidives, il s'avère très difficile à évaluer exactement. Ainsi, les résultats issus des différentes recherches témoignent d'une très large variabilité en raison du manque de représentativité des échantillons choisis (individus emprisonnés), de l'ambiguité des définitions de l'acte considéré abusif, du type de traitement utilisé et des problèmes méthodologiques inhérents à la durée du suivi de l'agresseur (Finkelhor, 1986). Toutefois, Finkelhor (1986) a tout de même effectué une recension d'études à ce propos. Il a découvert que le taux moyen de récidivisme se situait approximativement à 20% avec une étendue de résultats s'échelonnant de 6% à 35%. Néanmoins, des données plus récentes, élaborées par Marshall, Barbaree et Eccles (1991) suggèrent un taux quelque peu inférieur, oscillant entre 0% et 17,9%. Ces conclusions réfèrent à des traitements cognitifs et behavioraux plus contemporains. En outre, il importe de spécifier que ces résultats s'altèrent avec le temps. En effet, dans la présente étude, après un délai de quatre ans, le groupe d'abuseurs ayant subi un traitement récidive dans 25% des cas et celui n'ayant pas eu l'occasion d'en suivre recommence à agir d'une façon délictueuse dans une proportion de 60% (Berliner et Eliott, 1996).

Bref, le phénomène des abus sexuels commis envers les enfants constitue une problématique sociale d'une grande envergure. En effet, chaque année de nombreux jeunes sont victimes d'agression sexuelle, dont un pourcentage important de ces derniers avant l'âge de six ans (Gibson et Bogat, 1993; Nemerofsky et al., 1994). De plus, ces enfants abusés présentent souvent des lacunes aux plans de l'affirmation, de la confiance et des habiletés sociales, ce qui contribue à accentuer leur vulnérabilité (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). Un nombre élevé de ces enfants ne dévoilent jamais l'abus sexuel dont ils ont été victimes. Par ailleurs, des données issues de plusieurs études révèlent qu'approximativement 90% des agresseurs seraient des hommes (Dubé et al., 1988; Finkelhor, 1990; Chemin et al., 1995). En outre, ces hommes s'avéreraient également, plus fréquemment, des personnes connues de l'enfant (Tourigny et Bouchard, 1993). Ces informations offrent un regard d'ensemble sur la problématique des abus sexuels à l'égard des enfants et témoignent de la nécessité d'élargir le champ des recherches à ce

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propos afin de mieux comprendre ce phénomène dans le but de connaître des façons de l'enrayer ou de le prévenir.

1.5 Conséquences de l'abus sexuel

Ainsi, suite aux nombreuses études effectuées à propos de l'épidémiologie et de l'ampleur du phénomène de l'abus sexuel commis à l'égard des enfants, plusieurs chercheurs se sont intéressés à ses répercussions possibles. En effet, l'abus sexuel est susceptible d'engendrer une kyrielle de conséquences à court et à long terme qui affectent autant les développements physique, psychologique, cognitif que comportemental de l'individu. Cependant, les chercheurs oeuvrant dans ce domaine se heurtent à de nombreuses difficultés. Ainsi, il s'avère très ardu, dans une multitude de cas, de distinguer la cause et son effet. De plus, l'abus sexuel se dessine comme un acte souvent tenu caché qui implique beaucoup de secrets. En outre, il représente aussi une problématique généralement investiguée par des études rétrospectives intégrant donc un biais mnémonique de la part des sujets interrogés (National Research Council, 1993). Les données empiriques recueillies à ce jour indiquent que l’impact de l'abus sexuel vécu varie énormément d'un individu à l'autre. En effet, moult caractéristiques influencent la réaction des victimes. Parmi celles-ci, il est possible de dénoter la nature de l'abus sexuel, sa fréquence et sa durée, la relation entretenue entre la victime et l'agresseur, le niveau de développement atteint par l'enfant, son sexe et son âge ainsi que ceux de l'abuseur (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). En outre, le niveau de secret et de dépendance vécu par l'enfant, de même que la dynamique entourant le dévoilement, les récompenses et les renforcements obtenus et la culpabilité ressentie affectent l'intensité des répercussions de l'agression sexuelle (McGuire et Grant, 1991). Enfin, le degré de responsabilité de l'enfant, ses antécédents et le type de soutien dont il bénéficie constituent également des éléments essentiels qui régissent la façon de vivre suite à un abus sexuel (McGuire et Grant, 1991).

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De même, certains individus ne mentionnent aucune conséquence néfaste résultant de l'acte abusif. Suite à une recension d’écrits, plusieurs auteurs rapportent une proportion variant entre 25% et 40% de gens qui ne présenteraient pas de difficultés apparentes au moment de l'évaluation (Conte et Shuerman, 1987; Kendall-Tackett et al., 1993; Mannarino, Cohen et Gregor, 1989; Runyan, Everson, Ederlsohn, Hunter et Coulter, 1988; Tong, Oates et McDowell, 1987). Par contre, plusieurs hypothèses ont été soulevées relativement à cette absence de conséquence négative. Le manque de sensibilité de certains instruments, le déni lors de l'évaluation et la moindre gravité de l'abus (courte période, absence de force, de violence, de pénétration, commis par quelqu'un ne représentant pas une figure parentale) joints à la possession de bonnes ressources psychologiques et sociales ont été envisagés à titre d'explication à cette situation (Runyan et al., 1988). Par ailleurs, d’autres auteurs mentionnent, quant à eux, que les enfants ne manifestant pas de séquelles immédiatement après l’abus présenteraient plus de séquelles que les enfants les plus perturbés au départ, 18 mois plus tard (Gomes-Schwartz et al., 1990).

Ainsi, nombre de conséquences à court terme, possédant une intensité variable, ont été répertoriées. Browne et Finkelhor (1986) considèrent que ces effets réfèrent à ceux ayant lieu à l'intérieur d'une durée de deux ans suivant l'abus. À prime abord, des séquelles médicales et physiologiques surviennent dans une multitude de cas. Ces dernières se traduisent par des signes physiques liés à l'agression, des maladies transmissibles sexuellement, des comportements sexualisés, des changements dans le sommeil, des modifications de l'appétit, des comportements régressifs (Dubé et al., 1988; McGuire et Grant, 1991; Wolfe et Jaffe, 1991). De plus, la somatisation, s'exprimant par des maux de tête, de la fatigue, des infections, des douleurs, l'énurésie ou l'encoprésie s'avère un phénomène fréquent chez les enfants victimes d'abus sexuels (Chemin et al., 1995, Trickett et Putnam, 1993).

En outre, subséquemment à l'abus, l'enfant trahit souvent des problèmes émotionnels (Briere et Runtz, 1993). Le désespoir, l'anxiété, la dépression et la peur

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emplissent alors son être (Berliner et Eliott, 1996; Browne et Finkelhor, 1986, Dubé et St-Jules, 1987; Pauzé et Mercier, 1994). Des phobies, s'illustrant par la peur du bain, de la douche, du noir ou de se retrouver seul avec quelqu'un, consistent en des exemples de ce phénomène. De même, des distorsions cognitives sont susceptibles de l'envahir (Kendall-Tackett et al., 1993). L'enfant surestime alors le danger et sous-évalue ses compétences personnelles pour y réagir. Ces croyances se traduisent en sentiments de culpabilité, de faible estime de soi, de honte, de blâme personnel, voire en pensées de mort (Gomes-Schwartz et al., 1990). L'enfant peut développer une quelconque culpabilité liée à son manque de résistance face à l'agresseur et aux certaines satisfactions émotionelles ou physiques qu’il a retirées de l'expérience (Briere et Runtz, 1993; Cahill, Llewelyn et Pearson, 1991). Ces distorsions sont issues de la stigmatisation vécue par la victime ainsi que par ses tentatives pour donner un sens aux mauvais traitements subis. De plus, la personne abusée peut démontrer une tendance à attribuer les événements négatifs à des facteurs internes, stables et globaux, et ceux positifs, à des forces extérieures à soi sur lesquelles elle n'a guère de contrôle. Ainsi, selon Gold (1986), cette dernière vit une situation continue d'impuissance apprise.

Dans cette même optique, la victime d'abus sexuel est sujette à souffrir de symptômes liés à ceux inhérents au stress post-traumatique (Finkelhor, 1990). Des flashbacks, des cauchemars et des pensées intrusives persistent dans l'esprit de la personne abusée. Cette dernière s'avère en état d'agitation constant dans lequel elle ne possède guère la possibilité de se concentrer ou de dormir adéquatement, essayant, sans cesse, d'éviter la répétition cognitive de l'événement traumatisant (Briere et Runtz, 1993; Hoier et al. ;1992 ; McLeer, Deblinger, Atkins, Ralphe et Koa, 1988).

Par ailleurs, à court terme, des troubles au niveau relationnel surviennent également couramment. Au fil de l'enfance, il est possible de noter que les jeunes abusés possèdent moins d'amis, entretiennent une relation moins étroite avec leurs parents et démontrent un patron d'attachement insécure (Aber, Allen, Carlson, Cicchetti, 1989; Alexander, 1993; Cicchetti, Carlson, Braunwald et Aber, 1987). À l'inverse, ils sont

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aussi susceptibles de développer un sentiment de pseudo-maturité, dans lequel ils vivent un renversement de rôles parent-enfant. L'enfant est alors parentifïé (Chemin et al., 1995). Ils vivent aussi une forte sensation d'isolement et témoignent d'un manque de confiance face aux adultes, envers qui ils sont ambivalents (Wolfe, Wolfe et Best, 1988; Wurtele et Miller-Perrin, 1992). En outre, les enfants développent aussi fréquemment des troubles d'apprentissage (lacunes au sujet de !'attention et de la concentration, échecs scolaires...) et des problèmes au plan comportemental (Kendall-Tackett et al., 1993). Ces derniers peuvent s'exprimer par de la colère dans le jeu (McGuire et Grant, 1991), des crises violentes ou par des manifestations sexuelles inappropriées (Browne et Finkelhor, 1986; Caffaro-Rouget, Lang et van Santen, 1989). Par exemple, il peut s'agir de jeu sexuel précoce, de masturbation compulsive, d'utilisation de mots à référence sexuelle ou de passage à l'acte (Wolfe, Wolfe et Best, 1988).

Dans un autre ordre d'idées, les conséquences subies par les enfants victimes d'abus sexuels se prolongent souvent jusqu'à l'âge adulte. La symptomatologie de l'adulte dépend du niveau de développement durant lequel la personne a vécu l'abus (Berliner et Eliott, 1996) ainsi que des mécanismes d’adaptation et d'évaluation cognitive inhérents à l'individu (Spaccarelli, 1994) en interaction avec la nature du stresseur (Wolfe et Jaffe, 1991). À prime abord, un nombre important de chercheurs ont investigué les différences présentes entre les sexes pour ce qui est des conséquences à plus long terme de l'abus. Ainsi, il appert que les hommes extemaliseraient davantage leur colère tandis que les femmes seraient plus portées à l'intérioriser (Briere et Runtz, 1993). Les femmes deviendraient plus passives avec le passage du temps, davantage dépressives et se comporteraient d'une manière plus auto-destructrice (Finkelhor, 1990). Quant à eux, les hommes abusés sexuellement feraient preuve de plus d'agressivité et, selon Widom (1989), les risques qu'ils auraient de posséder un dossier criminel s'élèveraient à 42% (comparativement à 33,2% chez les non-abusés) (Dutton et Hart, 1992). De plus, 58% des hommes incarcérés, qui ont été abusés dans leur enfance, ont commis des crimes sexuels et 36% ont perpétré des agressions physiques (Dutton et Hart, 1992). Ces

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constatations semblent partiellement supporter l'hypothèse du cycle de la violence intergénérationnelle (Kaufman et Zi gier, 1989)

Par ailleurs, les hommes et les femmes partagent aussi de nombreuses problématiques issues d'un abus sexuel survenu dans leur jeunesse En premier lieu, des troubles émotionnels similaires à ceux vécus dans leur enfance se poursuivent Ainsi, la dépression persiste en raison des effets cumulatifs de la perte de confiance en soi, de la culpabilité, du désespoir, de la faible estime de soi et du manque de pouvoir ressentis depuis plusieurs années (Browne et Finkelhor, 1986; Peters et al., 1988) De même, les peurs et les anxiétés d'hier se transforment en syndrome anxieux (Berliner et Eliott, 1996). La tension demeure toujours présente ainsi que les sentiments d'isolement et de stigmatisation (Mian, Marton et LeBaron, 1996) Ces gens possèdent une relation difficile avec la représentation interne qu'ils ont d'eux-mêmes De plus, des pensées intrusives continuent de meubler leur esprit. De fait, selon Saunders et al., (1992) 36% des adultes souffriraient de symptômes similaires à ceux du stress post-traumatique En outre, la dissociation constitue également une réponse commune à l'abus sexuel (Lipovsky et Kilpatrick, 1992). Elle peut comprendre des expériences de dépersonnalisation, de désengagement, d'amnésie totale ou partielle, des troubles de personnalités multiples ou des sensations d'être hors de son corps (Briere et Runtz, 1993). La dissociation représente une stratégie d'évitement qui peut permettre un fonctionnement de l'individu à court terme, mais qui engendre de nombreuses conséquences négatives à plus long terme, en interférant avec les processus cognitifs adaptatifs (Williams, 1994). De façon similaire, certaines gens cherchent aussi à éviter de faire face aux conséquences de l'abus en fuyant dans l'alcool ou dans la drogue, en tentant de se suicider et en entreprenant des activités diminuant la tension telles que des comportements sexuels compulsifs et indiscriminés, de l'auto-mutilation ou des gestes relatifs à des troubles alimentaires.

Par ailleurs, les victimes d'abus sexuels éprouvent aussi des difficultés au plan de l'ajustement social. En effet, le trauma vécu engendre une perte de confiance

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relativement à autrui et donc, empêche la formation aisée et le maintien naturel de relations stables. Ces personnes expriment, par conséquent, une certaine incompréhension et une insatisfaction par rapport à leurs interactions (Cahill et al, 1991) De plus, la littérature abonde d'explications concernant la peur liée à l'intimité sexuelle (Briere et Runtz, 1993; Cahill et al., 1991; Chemin et al., 1995 ; Dorais, 1997; Finkelhor, 1990; Wurtele et Miller-Perrin, 1992) Cette appréhension se traduirait donc par des craintes relatives à la vulnérabilité et à la revictimisation, par le manque de confiance en le(la) partenaire, par la tendance à la dépendance ou à la suridéalisation et par des histoires de relations sexuelles multiples, superficielles et brèves En fait, certaines de ces angoisses sembleraient fondées, car approximativement 49% des victimes d'abus sexuels seraient maltraitées au sein de leurs relations de couples futures (en comparaison avec 18% des personnes non-abusées) (Cahill et al, 1991).

Encore au niveau relationnel, des problèmes d'ordre marital et familial sont susceptibles de survenir puisque la femme abusée considère souvent le mariage comme un échappatoire représentant, pour elle, une certaine forme de sécurité face aux autres hommes. De même, 45% des couples dans lesquels un(e) des deux partenaires a été abusé(e) sexuellement présentent, selon Cahill et al. (1991), des difficultés d'ajustement sexuel (comparativement à 15% dans le groupe contrôle). Ces conflits consistent, chez la femme, en des problèmes d'excitation sexuelle (répulsion face au corps et au toucher, peu d'appétit sexuel. ), de trop fort contrôle, de frigidité, de vaginisme ou de dysfonction orgasmique Les études démontrent aussi que les effets de l'abus sexuel peuvent se traduire par la promiscuité sexuelle et même par la prostitution. De fait, 65% des prostituées rapportent une histoire d'abus (Browne et Finkelhor, 1986). Par ailleurs, en ce qui a trait aux hommes, la nature de leurs problèmes sexuels diffère en partie de ceux-ci, ils seraient davantage reliés à la perte d'identité sexuelle, au conflit relatif à la préférence sexuelle, à la compulsion sexuelle ainsi qu'aux fantasmes et à l'attraction dirigés vers les enfants (Dimock, 1988). Selon Finkelhor (1990), 25% des hommes abusés ressentiraient des fantasmes relatifs aux enfants (vs 9% des hommes non-abusés et 3% des femmes non-abusées) et 13% manifesteraient le désir de s'engager au sein d'une activité sexuelle

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De même, tel que stipulé précédemment, une des conséquences possibles de l'abus sexuel s'avère la victimisation s'exprimant, entre autres, par la délinquance, la manipulation et la violence (Caffaro-Rouget et al., 1989; Lipovsky et Kilpatrick, 1992).

Enfin, des troubles psychologiques et psychiatriques peuvent aussi surgir. Les différents auteurs ont répertorié certains troubles de personnalité (dont la personnalité état limite et celle évitante), des troubles paniques, phobiques, dissociatifs, psychosomatiques, psychotiques et somatoformes (dont plus particulièrement la douleur pelvienne chronique (Loewenstein, 1990) comme étant des effets éventuels d'un abus sexuel (Trickett et Putnam, 1993; Wolfe et Jaffe, 1991).

Bien qu'un large éventail de conséquences aient le pouvoir d'affecter la vie d'une multitude de victimes d'agression, certains facteurs tempèrent les effets négatifs induits par l'abus sexuel. En effet, le tempérament de l'enfant, l'évaluation cognitive qu'il effectue des événements, la qualité de ses relations significatives de même que son placement (dans certains cas) constituent des facteurs de protection (National Research Council, 1993). De plus, il importe de spécifier que plusieurs victimes d'abus sexuels s'adaptent d'une façon positive (Finkelhor, 1987). De fait, Gomes-Schwartz et al. ( 1990) et Tufts ( 1984) ont évalué 77 enfants abusés, à deux reprises, soit à leur première visite à la clinique et 18 mois plus tard. Les résultats démontrent une amélioration substantielle de 55%. Ces succès réfèrent surtout aux problèmes de sommeil, à la peur de l'agresseur ainsi qu'à l'anxiété ressentie. Pour ce qui est de Desmond et Runyan, ils ont suivi 76 victimes et ont obtenu un taux d'amélioration, cinq mois après le dévoilement, s'élevant à 26% (Finkelhor, 1990). En outre, Herman et al. (1988) constatent, quant à eux, qu'approximativement 50% des enfants abusés sexuellement se rétablissent bien du trauma (Finkelhor, 1990).

En définitive, quoique quelques recherches indiquent qu'un nombre considérable de victimes parviennent à échapper aux effets nocifs de l'abus sexuel qu'elle״s_aut_vécu,

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d'autres écrits prouvent le contraire Ainsi, bien que 26% des enfants, au sein de l'étude de Desmond et Runyan se soient améliorés, 74% ne semblent point avoir bénéficié d'une quelconque thérapie ou de quelque support De plus, la situation de 14% d'entre ces derniers aurait même dégénérée (Finkelhor, 1990) Dans cette même optique, les analyses effectuées par Gomes-Schwartz et al. (1990) et par Tufts (1984) témoignent que 28% des enfants abusés manifesteraient une recrudescence de symptômes, suite à une période de 18 mois après la thérapie, surtout relativement aux batailles avec les pairs, aux conflits familiaux et aux comportements inappropriés de quête d'attention Cette constatation jointe au fait qu'un très grand nombre d'enfants sont victimes d'abus à chaque année (Finkelhor, 1994), que plusieurs parents ne discutent pas de ce sujet avec eux (Tutty, 1997) et que les conséquences pénibles qui s'ensuivent peuvent se répercuter toute la vie durant (Kendall-Tackett et al, 1993), a engendré la création de nombreux programmes de prévention s'adressant aux enfants, aux parents ainsi qu'aux personnes les encadrant. Ces programmes, qui prennent de plus en plus de place au niveau scolaire, semblent d'une énorme importance afin de sensibiliser les jeunes à ce qui constitue un abus, d'accentuer leurs habiletés préventives et de favoriser le dévoilement de l'acte abusif à des personnes de confiance (Bagley et Thomlison, 1991). De même, il importe de faire profiter les enfants, dès leur tout jeune âge, de ces programmes, car tel que plusieurs auteurs l'estiment, il existerait entre 33% et 50% de victimes d'abus sexuels qui seraient d'âge préscolaire (Faller, 1989; Nemerofsky et al, 1994; Tutty, 1994). En plus de favoriser la résistance face aux agresseurs, les programmes préventifs visent aussi à encourager le développement de l'estime et de la confiance en soi et ultimement à diminuer la prévalence des abus commis envers les enfants.

2 La prévention des abus sexuels commis envers les enfants 2.1 Historique

Depuis déjà plus de cent ans, des efforts préventifs sont accomplis afin de parvenir à reconnaître certaines populations de gens plus à risques de développer des maladies physiques ou mentales (Krivacska, 1990). L'évolution de la prévention envers

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les abus à l'égard des enfants a ainsi, à cette époque, pris son envol En effet, c'est en 1874, qu'Henry Bergh, premier président de la Société de prévention de la cruauté envers les animaux, a découvert le cas de Mary Ellen Wilson, une fillette de huit ans, abusée physiquement par ses parents (Dubé et St-Jules, 1987) Son intervention a, à ce moment, mené au placement de cette dernière ainsi qu'à la création de la Société de prévention de la cruauté envers les enfants (Berrick et Gilbert, 1991). Plusieurs années plus tard, en I960, Henry C. Kempe décrivit le "syndrome de l'enfant battu". Cette définition engendra, de fait, une reconnaissance sociale plus proéminente de la négligence ainsi que des abus physiques et sexuels commis envers les enfants. De plus, au cours des années '60 et '70, les discours féminins se firent également de plus en plus entendre. Ces femmes exprimaient alors leur colère relativement à la domination masculine et au droit à la sécurité. À l'aide de nombreux témoignages relatant leurs histoires d'abus, ces dernières ont entraîné la croissance de la conscience sociale liée à ce phénomène et ont favorisé l'émergence de multiples recherches scientifiques à son propos (Wurtele et Miller-Perrin, 1992).

C'est ainsi, qu'en 1974, est élaborée, aux États-Unis, la première loi offrant une définition uniforme de l'abus et de la négligence à l'égard des enfants. Il s'agit du "Federal child abuse prevention and treatment act" (Kohl, 1993). Le "National Center on Child Abuse and Neglect" a, dès lors, été établi, afin d'implanter les objectifs de recherche stipulés au coeur de cette loi. De même, une multitude de centres se sont enracinés chez les Américains vers la fin des années '70 et au cours des années '80, visant à supporter les chercheurs financièrement et à coordonner les différentes études (Wurtele et Miller-Perrin, 1992). En outre, c'est au fil de ces mêmes années qu'on a assisté à l'élaboration d'une centaine de programmes de prévention adressés aux enfants à l’intérieur des écoles (Krivacska, 1990). Cependant, ces derniers s'attardaient alors davantage à la prévention des abus commis par des inconnus (Albers, 1991). Les années '80 furent donc marquées par de nombreuses recherches relatives à l'abus ainsi qu'à la protection des enfants. De plus, l'approche féministe s'est avérée très importante dans l'essor qu'a connu la prévention. Cette façon de voir considère que l'abus sexuel

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constitue, en fait, un abus de pouvoir de l'homme envers la femme et l'enfant. Elle prône que !'appropriation (empowerment) ainsi que les stratégies d'auto-défense consistent en des solutions préventives à adopter (Berrick et Gilbert, 1991; Dubé et al, 1988).

Par ailleurs, la vague de programmes de prévention s'est aussi répandue au Canada Plusieurs de ces programmes ont alors été fondés sur ceux existants aux États- Unis, d'autres ont été modifiés afin de mieux s'adapter à la réalité canadienne et certains ont été élaborés ici. En 1984, la parution du rapport Badgley a fait le point sur l'état de la prévention des abus au pays et a inspiré une kyrielle d'études. D'autres rapports ont été aussi effectués à ce sujet au cours des années '80 et '90 (Rapport STOP, 1995). Aujourd'hui, plus de 66% des enfants auraient déjà été exposés à un programme visant à prévenir l'abus ou la victimisation (Finkelhor et Dziuba-Leatherman, 1995). Les jeunes deviennent, en effet, toujours davantage conscients de cette problématique qui s'avère, de nos jours, de plus en plus médiatisée.

2.2 Définitions

Tout d'abord, afin de bien cerner la problématique, il s'avère essentiel de définir ce qui est considéré comme étant de la prévention. Ainsi, cette dernière réfère à !'intervention qui se produit avant le développement d'un trouble pour le prévenir ou anticiper certaines de ses manifestations. Elle consiste à effectuer des efforts pour diminuer l'occurence ou les séquelles négatives de l'abus (Willis, Holden, Rosenberg, 1992). De plus, l'efficacité de la prévention repose sur une compréhension juste des facteurs de risques associés au développement du problème ainsi que sur des modifications ultérieures de !'environnement (Finkelhor, 1990).

En outre, il existe trois catégories de prévention. En premier lieu, la prévention primaire survient avant que l’abus se produise et vise à empêcher !'augmentation de son incidence (Bagley et Thomlison, 1991). En réalité, quoiqu'elle devrait viser la détection des agresseurs, elle s'avère davantage axée sur !'acquisition d'habiletés préventives et de

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stratégies enseignées aux enfants dans le cadre scolaire Ainsi, !'augmentation des compétences et la diminution de la vulnérabilité des jeunes constituent des objectifs à atteindre (Charest et al, 1987; Krivacska, 1990). Quant à la prévention secondaire, elle consiste principalement à encourager le dévoilement d'actes abusifs subis (Hazzard, Webb, Kleeimer, Angert et Pohl, 1991) et à identifier les individus à risques ainsi que la manifestation de symptômes donnant des indices sur la possibilité d'un abus sexuel vécu, dans le but de réduire les conséquences négatives possibles de l'abus et la durée de l'agression (Wurtele et Miller-Perrin, 1988). Dans ce sens, elle vise à intervenir rapidement en situation de crise et à promouvoir les compétences des adultes et des enfants qui assisteront la victime dans sa démarche de dévoilement (Krivacska, 1990). Enfin, la prévention tertiaire, quant à elle, s'intéresse à favoriser l'adaptation des victimes ainsi qu'à alléger les conséquences et les incapacités qui sont susceptibles de prendre forme (National Research Council, 1993). Par ailleurs, ces distinctions revêtent un caractère plutôt théorique; plusieurs auteurs soutiennent que ces types de prévention se chevauchent au sein des différents programmes (Daro, 1988 ; Dubé et al., 1988; Wurtele et Miller-Perrin, 1992). Bref, la prévention des abus sexuels joue une multitude de rôles et tend à favoriser le développement optimal des enfants et !,acquisition d'habiletés préventives.

2.3 Similitudes entre les programmes de prévention

Tout d'abord, il importe de spécifier que les différents programmes de prévention créés ont été élaborés à partir de la même logique, c'est-à-dire qu'un rationnel semblable les sous-tend. En effet, les statistiques élevées présentées au sein des études de prévalence et d'incidence (Finkelhor, 1990) de même que la possibilité de conséquences négatives ultérieures (Berliner et Eliott, 1996; Kendall-Tackett et al., 1993) ont été deux facteurs importants dans T élaboration de ces programmes. De plus, le fait que plusieurs enfants ne dévoilent pas et que que de nombreux adultes agressés dans leur enfance affirment qu'ils auraient été épargnés de l'abus s'ils avaient possédé des connaissances relatives à l'abus sexuel et aux façons de le prévenir (Miller-Perrin et Wurtele, 1988)

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constituent aussi des éléments ayant mené à la création de programmes de prévention En outre, des recherches révèlent également que même si l’enfant dévoile, plusieurs familles hésitent à demander de l'aide (Finkelhor, 1986). Dans cette même optique, peu de parents fournissent des renseignements relatifs à l'abus sexuel à leur enfant (Dubé et al., 1988) Finalement, la littérature évoque que lorsque l'enfant fait preuve de plus de résistance, l'agresseur est ainsi déstabilisé et se dirige vers d'autres enfants plus passifs (Miller-Perrin et Wurtele, 1988).

Ainsi, de multiples programmes de prévention ont été établis à l'intérieur des écoles pour atteindre le groupe qu'ils ciblent majoritairement, soit les enfants âgés de trois à douze ans (Kohl, 1993). Ces programmes se veulent axés sur le développement cognitif et l'âge de l'enfant, mais en réalité, peu sont effectivement évalués ou alors, lorsqu'ils le sont, les résultats s'avèrent peu probants. En effet, un grand nombre de programmes ne semblent point adaptés au niveau de développement des enfants d'âge préscolaire (Liang et al., 1993; Nemerofsky et al., 1994; Si van, 1990; Wurtele, 1990). Par contre, ce lieu d’apprentissage qu'est l'école constitue un endroit privilégié pour enseigner des concepts préventifs. En effet, le professeur est en contact constant avec l'enfant, il connaît ses caractéristiques et il peut le suivre durant une partie de son développement en renforçant les concepts appris lors du programme, que ces concepts lui soient transmis par le professeur-même ou par des intervenants extérieurs (Berrick et Gilbert, 1991).

Outre leur cible et leur rationnel communs, les programmes de prévention, au niveau préscolaire et primaire, partagent aussi les mêmes objectifs. Ainsi, le but principal qu'ils poursuivent constitue la diminution de la vulnérabilité des enfants par !'intermédiaire d'une meilleure connaissance du problème, de !'acquisition de stratégies d'affirmation et d'un changement au niveau de l'estime et de la confiance en soi (Krivacska, 1990; Bagley et Thomlison, 1991).

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Par ailleurs, plusieurs auteurs ont également soulevé que les concepts abordés au sein des différents programmes de prévention manifestent une grande similarité (Carroll, Miltenberg et O'Neil, 1992). Ainsi, outre les informations sur l'agresseur et la victime, des notions telles que les droits des enfants et !,appropriation de son corps sont d'abord expliquées (Charest et al., 1987) Les droits auxquels ces derniers réfèrent consistent en la sécurité, la force et la liberté (Child Assault Prevention program, 1983; Children's Self Help program, dans Daro, Duerr et LeProhn, 1987) ainsi qu'en le pouvoir de refuser des touchers inappropriés et d'acquérir de l'aide (Child Abuse Prevention Education, dans Daro, Duerr et LeProhn, 1987). Plusieurs programmes insistent sur la notion que le corps de l'enfant lui appartient et qu'il ne doit pas laisser n'importe qui toucher, d'une façon inacceptable, à ses parties intimes (Conte et Fogarty, 1990).

De plus, nombre de programmes abordent également le sujet des types de touchers (ex: Good touch, bad touch; C A R.E.; Feeling yes, feeling no). En outre, certains utilisent le continuum des touchers, élaboré par le Illusion theater, afin d'aider les enfants à reconnaître les situations potentiellement abusives. Ce dernier spécifie qu'il existe, en premier lieu, de "bons touchers" qui contribuent à rendre l'enfant à l'aise, en situation de bien-être, telle une étreinte. Pour ce qui est des "mauvais touchers", ils constituent ceux qui entraînent un sentiment désagréable d'inconfort, comme, par exemple, de la violence physique ou des paroles menaçantes. Enfin, il existe également des "touchers confus", souvent liés à l'abus sexuel, amenant l'enfant à se sentir bizarre ou troublé (Berrick et Gilbert, 1991) Ces derniers sont susceptibles de survenir lorsque, par exemple, un parent tente d'abuser sexuellement de son enfant, alors que celui-ci aime habituellement se faire toucher par son père (étreinte...) , mais n'apprécie pas les actes qu'il pose actuellement envers lui. Ainsi, cette méthode d'enseignement, bien que populaire, présente des controverses (Krivacska, 1992). En effet, il s'avère possible qu'un enfant considère qu'un toucher soit bon pour lui malgré le fait qu'il soit, en réalité, abusif, ou qu'une situation soit abusive même si elle n'implique pas de touchers (ex: pornographie) (Wurtele, 1990). Pour remédier à ces contradictions, certains programmes, tel que Talking about touching, inculquent aux enfants que même un toucher aux parties

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génitales qui engendre des sensations agréables peut être considéré comme un acte abusif, au même titre que le fait de regarder les parties génitales de quelqu'un ou de laisser une personne regarder les siennes (sauf en ce qui concerne des raisons d'hygiène et de santé) Dans cette même optique, d'autres programmes présentent les touchers d'une façon dichotomique, soit les touchers "green light vs red light" ou ceux "ok vs not ok" qui précisent le seuil de !'acceptabilité. Par ailleurs, d'autres critiques adressées à l'égard du continuum affirment que cette conceptualisation occasionne de la confusion, surtout chez les plus jeunes enfants qui ne comprennent pas que des personnes aimées puissent aussi être "mauvaises". Cette notion de "touchers confus" peut ainsi susciter des interprétations erronées et créer, par le fait même, de faux dévoilements (Kraizer, 1986)

Par ailleurs, les habiletés préventives comptent aussi parmi les éléments essentiels du contenu des programmes de prévention (Liang et al., 1993). Ainsi, que l'approche employée soit davantage didactique ou plutôt comportementale, les concepts enseignés se ressemblent. En effet, les animateurs apprennent aux enfants à s'affirmer en disant "non", à fuir et à dévoiler la situation abusive vécue. De plus, il s'avère aussi très important, pour les intervenants, d'insister sur le fait que ces stratégies sont parfois difficiles à utiliser et que même si l'enfant ne les emploie pas lors de l'agression, il peut y avoir recours plus tard. Ainsi, il s'avère primordial que l'enfant ne se sente pas coupable d'avoir réagi d'une manière inappropriée (ce qui pourrait le pousser à ne plus jamais dévoiler) (Krivacska, 1992; Wurtele, 1990) De même, certains programmes, tels que le CAP (Child Assault Prevention Project), incluent des stratégies d'auto-défense (techniques d'auto-défense physique, cri spécial) afin d'augmenter la confiance des jeunes en eux-mêmes, en accentuant alors leur capacité de résister à un agresseur potentiel. Par contre, ces dernières peuvent laisser croire à l'enfant que la violence s'avère partie intégrante des situations d'abus sexuels alors que ce n'est guère le cas. En outre, les habiletés préventives intègrent également la notion de secret. Dans ce sens, les différents programmes enseignent aux enfants la distinction entre les secrets qu'ils peuvent cacher (ex: surprise) et ceux qu'ils doivent dévoiler (Daro et al., 1987). Cette notion réfère à celle du réseau de soutien. En effet, le secret doit être dévoilé à une personne de

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confiance et il doit être révélé jusqu'à ce que quelqu'un le croit. Ainsi, les programmes de prévention soulignent l'importance du soutien social et des ressources communautaires et légales et beaucoup aident l'enfant à déterminer quelles sont les personnes auxquelles il pourrait éventuellement divulguer un abus vécu (Conte, Rosen et Saperstein, 1986).

Finalement, toujours en ce qui concerne les similitudes entre les différents programmes, il est possible de constater, à la lumière de nombreuses recherches, qu'ils abordent majoritairement la problématique de l'abus dans un cadre plus large de sécurité personnelle en évitant de faire référence à la sexualité normale, afin de répondre aux demandes sociales (Charest et al., 1987; Krivacska, 1992). Cependant, cet évitement peut s'avérer source d'ennuis, car les enfants, ne connaissant point le vocabulaire adéquat pour parler de l'abus et ressentant un certain malaise de la part des adultes à cet égard, sont susceptibles de devenir plus réticents à dévoiler des abus sexuels commis envers eux. De surcroît, les programmes abordent principalement les éléments menaçants par !'intermédiaire de mises en situation qui intègrent l'humour et évitent la description des formes les plus terrifiantes d'agression et ce, en proposant des actions positives pour mettre un terme à l'abus (Charest et al., 1987).

En définitive, les programmes de prévention se rejoignent à propos de multiples points. En plus de posséder un rationnel commun, ils partagent sensiblement les mêmes objectifs et s'adressent majoritairement à une clientèle identique, soit les enfants âgés de trois à douze ans. De plus, de nombreux programmes interviennent également dans un contexte de sécurité personnelle et exposent des concepts similaires de droits, de contrôle de son corps, de types de touchers, d'habiletés préventives, de secret et de réseau de soutien. Ces éléments sont utilisés autant avec les enfants d'âge scolaire que préscolaire, bien que ces derniers semblent nécessiter des considérations particulières (Berrick et Gilbert, 1991; Nemerofsky et al., 1994; Tutty, 1994).

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2.4 Distinctions entre les programmes de prévention

Par ailleurs, quoique les programmes préventifs s'apparentent relativement à une multitude de principes, ils se distinguent également par rapport à de nombreux autres. En effet, tout d'abord, une recension de la littérature concernant les programmes de prévention envers les abus sexuels à l'égard des enfants permet d'observer que plusieurs formats de présentation existent (Wurtele, 1987). Ainsi, les films et le matériel audiovisuel peuvent être utilisés (Byers, 1986; Kolko, Moser, Lite, Hughes, 1987) de même que les pièces de théâtre (Borkin et Frank, 1986; Oldfield, Hays et Megel, 1996; Peraino, 1990), le matériel didactique (Miltenberg et Thiesse-Duffy, 1988; Nemerofsky et al., 1994), les discussions en groupe (Binder et McNeil, 1987; Madak et Berg, 1992) ou les techniques d'apprentissage comportemental, tels que les jeux de rôles, le modeling et le renforcement (Binder et McNeil, 1987; Wurtele, 1990). De plus, certains auteurs cumulent plusieurs de ces éléments au sein d'un même programme (Hazzard et al., 1991). De même, certaines études ont été effectuées concernant l'efficacité relative de ces divers types de format. Une des conclusions prédominantes émergeant de ces recherches s'avère que l'enseignement comportemental procure des résultats supérieurs aux techniques davantage cognitives et au matériel audiovisuel quant au changement behavioral subséquent ( Krivacska, 1992; Wurtele, 1990).

Par ailleurs, il s'avère aussi possible de distinguer les programmes de prévention en ce qui a trait à la large variabilité attribuée à leur durée. Ainsi, selon la recension d'écrits effectuée par Charest et al. (1987), la longueur des programmes préventifs s'étend de 30 à 60 minutes jusqu'à 38 heures et ce, en sessions unique ou multiples. Cette variation s'avère associée au nombre de concepts enseignés, aux objectifs à atteindre et à l'âge des enfants. En effet, les capacités d'écoute, d'attention et de concentration des enfants d'âge préscolaire présentent des seuils moins élevés que celles des enfants d'âge scolaire (Liang et al., 1993). De surcroît, les programmes de prévention se différencient également pour ce qui est des animateurs des types d'activités (Wurtele, 1990). Ainsi, des professionnels spécialisés dans le domaine des abus peuvent agir à titre d'intervenants. Ces derniers garantissent une certaine qualité et une homogénéité au

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