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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Unité et diversité de la technologie

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Academic year: 2021

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U

NITE ET DIVERSITE DE LA TECHNOLOGIE

Pierre Vérillon

Le thème autour duquel nous avons souhaité organiser les séances du séminaire de cette année est celui de l’unité et de la diversité de la technologie. À première vue, ce thème peut apparaître comme le parfait sujet pour exercice de rhétorique et l’on devine le développement ternaire auquel pourrait donner lieu l’exposé : au départ, le constat vaguement angoissant de la diversité des techniques, puis, la mise en évidence d’éléments d’invariance et enfin, l’affirmation rassurante de l’unité.

Ce schéma pourrait se généraliser aisément à d’autres domaines : unité et diversité de la science, unité et diversité de la littérature, etc… Dans le rôle de l’invariant unificateur, on pourrait ainsi convoquer plusieurs candidats : la discipline ou le genre, un paradigme, une communauté de projet ou de problèmes...

Cependant, à y regarder de plus près, la technologie se prête assez mal à ce jeu de l’unité et de la diversité. On peut identifier des communautés d’ingénieurs ou de techniciens, des métiers et des corporations, mais existe-t-il des communautés de technologues ? Peut-on légitimement cPeut-onsidérer les génies, par exemple, comme des équivalents en technologie des genres littéraires ou des disciplines scientifiques ? Peut-on parler de disciplines technologiques au sens où l'on parle de disciplines scientifiques ? Sinon, dans quelle direction faut-il chercher ce qui ferait l’unité de la technologie ? Les réponses à ces questions ne sont pas simples car encore faudrait-il s’entendre sur la signification même du terme « technologie ». Guillerme affirme en avoir trouvé plus de 600 définitions différentes, ce qui constitue en soi un bel indice de la diversité.

En réalité, bien davantage que la diversité, c’est l’hétérogénéité qui paraît s’imposer lorsqu’on considère les œuvres qui se réclament de près ou de loin de la technologie : hétérogénéité des approches, des objets, des cadres conceptuels. Quelle continuité en effet, si l'on considère la technologie « savante », entre un Leroi-Gourhan, un Gille, un

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Haudricourt, un Combarnous ou un Simondon, pour ne citer que des auteurs de langue française ? La situation du champ justifie pleinement le constat de Godelier (1991) : « des grandes œuvres solitaires consacrées à l’analyse des techniques » mais pas « d’effort collectif soutenu, structuré et reconnu ».

La thématique de l’unité et de la diversité de la technologie s’annonce donc plus ardue et complexe à traiter qu’il n’y paraît et invite donc à une approche circonspecte et mesurée. À titre de première contribution à la réflexion, on cherchera d’abord dans cette introduction à discuter brièvement de quelques acceptions du terme « technologie ». Puis, dans un deuxième temps, on examinera un ensemble d’études récemment réunies dans une publication consacrée à l’enseignement de la technologie, afin, tout en poursuivant notre question de l'unité et de la diversité, de chercher d'une part à caractériser ces approches actuelles en didactique de la technologie et de voir d'autre part comment s'y thématisent les rapports à la technique.

TECHNOLOGIE : UN MOT DÉBORDÉ PAR SES

SIGNIFICATIONS

De nombreux auteurs (Goffi, Séris, Sigaut, Deforge...) soulignent la polysémie extraordinaire du terme « technologie », certains pour déplorer les usages laxistes que subit ce mot aussi bien dans les médias que dans le langage courant. Néanmoins, comme dans le même temps ces auteurs sont loin de s’accorder sur des définitions communes, on peut penser que cette question de la définition de la technologie constitue en soi un problème qui mérite attention.

Mais avant de s’interroger sur les usages de « technologie », peut-être serait-il utile d’examiner de plus près, en amont, le mot « technique ». Schématiquement, comme substantif, on le rencontre à la fois sous une forme générique — la technique — et sous une forme plus déterminée désignant des réalités individuelles — telle ou telle technique — considérée en elle-même.

CARACTÉRISATION DES TECHNIQUES

Lorsqu’on évoque une technique en ce dernier sens particularisé — par exemple les techniques de nage, la technique de la soudure à l’arc, etc. — on se réfère à un ensemble organisé d’opérateurs corporels et éventuellement extra-corporels mobilisés pour obtenir un effet anticipé dans le réel.

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• Leur caractère organisé : toute technique présente une structure relativement invariante1 et de ce fait elle est identifiable et

classable. Chez l’homme, cette organisation est en général considérée comme le résultat d’un processus social d’acquisition2.

• Leur caractère opératoire : toute technique produit une transformation ou un ensemble de transformations dans le réel3

dont le résultat constitue l’effet recherché. Ces transformations sont conduites et réglées par des opérateurs (physiques, logiques...) qui peuvent relever du seul corps propre (les techniques du corps chez Mauss) ou de l’association d’objets externes finalisés (idées de médiation, d’artefact, d’instrumentation).

• Leur caractère anticipatoire : l’effet permis par une technique est recherché, donc représenté et anticipé. En tant que représentation, il est souvent en grande partie socialement déterminé. Il renvoie également à la dimension efficacité4 au sens où il constitue un but qui oriente la chaîne opératoire et un moyen d’évaluation, la réussite se mesurant à l’écart entre effet anticipé et effet obtenu. • Leur caractère cognitif : les techniques, dans leurs composantes

corporelle et extra-corporelle, constituent des solutions à des problèmes de relation au réel. À ce titre, elles condensent des connaissances « en acte » et « en artefact » qui, bien que plus ou moins conceptualisées et susceptibles d’être exprimées de manière discursive, n’en sont pas moins transmises socialement (y compris, donc, par des moyens non discursifs).

Les techniques sont omniprésentes dans la mesure où dans tout groupe ou société humains, elles permettent d’assurer les différentes fonctions de la vie biologique et collective : alimentation, médecine, défense, enseignement, culte, productions utilitaires, esthétiques, ludiques... Même les fonctions les plus élémentaires — manger, dormir, se mouvoir... — sont cadrées par des techniques socialement constituées et transmises et qui peuvent donc différer d’un groupe humain à un autre. Dans la réalisation de ces fonctions, on peut souvent observer une répartition sociale plus ou moins élaborée des techniques : il existe des techniques réservées aux femmes, aux hommes, à certains sous-groupes ou classes. Cette division sociale et technique associée aux activités fonctionnelles varie dans le temps et dans l’espace anthropologiques. La technicité paraît plus diffuse dans les sociétés dites « traditionnelles »5. En revanche, dans les sociétés industrielles contemporaines, on constate que la différenciation fonctionnelle a conduit à l’émergence de grandes

1 Cf. Séris (1994) : « méthode cristallisée de l’action ». 2 Cf. Mauss (1936) : « acte traditionnel efficace ».

3 Cf. Séris (1994) : « une action sur les choses et les hommes ». 4 Cf. Mauss, note 2.

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sphères sociales spécialisées (sphères artistique, savante, juridique, admi-nistrative, religieuse...) au sein desquelles œuvrent des communautés professionnalisées, possédant une culture et des techniques propres.

AUTONOMIE DE LA TECHNIQUE

Si l’on considère la sphère sociale concernée par la conception et la production de biens et de services liés à l’équipement et à la consommation, on constate qu’elle a connu dans ces sociétés, grâce à la mécanisation et à l’automation, des transformations qualitatives et quantitatives telles qu’elle est devenue emblématique de la technicité elle-même. C’est ainsi que la technique, au sens générique évoqué plus haut, tend de fait à désigner exclusivement cette sphère industrieuse. J.-P. Séris, dans son ouvrage sur « la technique »6, consacre me semble-t-il cette acception. La technique y apparaît comme « une sphère relativement autonome de la réalité », au même titre que l’art et la science, autres sphères d’activité humaine avec lesquelles, notamment mais pas exclusivement, elle entretient des rapports problématiques que l’auteur étudie.

Les expressions « la technique » et « une technique », malgré leur proximité évidente, renvoient donc néanmoins à des objets relativement différents : d’une part, à un univers particulier — la « sphère technique », le « monde de la technique » (Séris) —, et d’autre part, une modalité plurielle de l’activité humaine — « les techniques » — transversale aux découpages historiques et sociaux qui peuvent spécifier cette activité.

Cette digression permettra d’éclairer notre discussion du terme « technologie ». Une des raisons fréquemment évoquées de la confusion sémantique dont souffre le terme résiderait dans une dérive de l’usage anglo-américain de « technology »7. Les auteurs anglophones ont à leur disposition plusieurs termes :

• « A technique » qui correspond à ce que nous désignons par « une technique » mais en mettant davantage l’accent sur l’opération elle-même que sur l’opérateur physique de la transformation.

• « A technology »que nous traduirions aussi par « une technique » mais qui, au contraire de l’expression « a technique », met davantage en relief le support matériel de l’opération technique. « A technology » désigne un ensemble d’artefacts et d’usages associés destiné à assurer une fonction donnée et organisé par un principe technique. Par exemple, une technique d’attelage à palonnier (cf. Haudricourt) constituerait en anglais « a

6 Séris, op. cit.

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technology ». Combarnous confirme, voire cautionne une dérive

francophone de ce sens : « le terme de technologie, utilisé dans le sens de technology, peut désigner un groupe de moyens techniques dont on dispose dans un domaine, en un lieu et à une époque donnée »8.

• « Technology » au sens générique et qui correspond à ce que nous désignons par « la technique » ou « la sphère technique ». Ainsi la revue « Technology and Culture » s’intéresse essentiellement aux aspects culturels des activités industrieuses, c’est à dire à la culture de la sphère technique, ou à la technique comme réalité culturelle. Si l’usage de l’anglicisme « la technologie » pour « la technique » paraît critiquable, comme le soulignent de nombreux auteurs, il faut reconnaître que l’anglais introduit quelques nuances dont nous ne disposons pas en français.

LA TECHNOLOGIE COMME DISCOURS SUR LA (LES) TECHNIQUE(S) Là où l’usage français « canonique » se distingue très nettement de l’usage anglo-américain, c’est dans son acception étroitement étymologique de la technologie. Tous les auteurs francophones rappellent que la technologie est avant tout un logos c’est à dire un « discours sur », au même titre que la biologie ou l’archéologie.

Cette acception me paraît soulever trois ordres de questions problématiques et que je me contenterai d’évoquer faute de pouvoir y répondre :

• Quelle est la nature du discours tenu ? • Qui tient le discours ?

• Sur quoi porte le discours ?

Les questions de la nature du discours et de qui le tient sont liées. Elles renvoient au fait que les caractéristiques du logos en tant que production humaine, sont étroitement liées aux conditions historiques d’émergence et d’institution de la sphère sociale qui détient le monopole de sa production : la sphère savante. Les cadres théoriques, les critères, les valeurs qui ont présidé dans l'antiquité à l’apparition, à la définition et à l’autonomisation de la sphère et de la pensée savantes ont pesé et pèsent encore sur le regard épistémologique que l’on porte sur les techniques. La pensée savante — qui s’est imposée comme norme de toute pensée9 — a été constituée dans ses grandes lignes par la tradition grecque, notamment dans ses formes abouties, platonicienne et aristotélicienne10. Celle-ci en a fixé à la fois :

• Les objets légitimes : la connaissance, le beau, la cité, le cosmos...

8 Combarnous (1984) 9 Bourdieu (1980) 10 Vernant (1971).

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• La méthodologie adéquate de production du savoir : le logos (le débat).

• Les grands cadres explicatifs : l’ordre, l’équilibre ...

• les institutions de production et de transmission savantes : écoles, académies ...

Dans le même moment, ce qui relève de l’ordre de la technique, est explicitement disqualifié autant comme source possible de savoir que comme objet légitime d’une approche savante. Cette double exclusion se fait sur des bases :

• Théoriques : la connaissance procède d’un rapport contemplatif et spéculatif aux idées et non aux choses qui ne sont accessibles que par les sens et l’action.

• Éthiques : la connaissance est recherchée pour elle-même, désintéressée et pure. À l’opposé la technique est servile, utilitaire, qui plus est, fondée sur la ruse et le calcul. Elle est « banausique », c’est à dire, sale, vile.

• Sociales : les préoccupations savantes sont réservées aux hommes libres (arts « libéraux »), les techniques (arts « mécaniques ») aux esclaves.

La portée de cette exclusion est conséquente : de l’Antiquité à la Renaissance la sphère savante s’interdit d’agir sur la nature et se désintéresse de — voire méprise — la sphère des activités techniques industrieuses11. Sauf de manière marginale (Hughes de St Victor, Roger Bacon...) il n’y aura pas de discours savant sur les techniques, ni de reconnaissance des techniques dans l’univers des savoirs. On assiste à un cloisonnement entre ces deux sphères qui vont connaître dans l’histoire des évolutions indépendantes et autonomes12. Notamment les techniques et les savoirs qui leur sont liés, niés en tant que tels par la communauté savante, vont connaître des modalités d’existence et de reproduction propres ne devant rien à celle-ci. Cette situation a duré jusqu’au XVIIe siècle, où apparaissent des signes de changement liés à l’émergence de la « Nouvelle Science » (Galilée), mais jusqu'à aujourd’hui les conséquences de ces clivages originels pèsent encore sur la question des savoirs relatifs aux techniques.

De sorte que, lorsqu’on s’intéresse en didacticien, aux savoirs de référence de la technologie enseignée, on est conduit à distinguer :

• Les élaborations savantes concernant les techniques industrieuses lorsque la sphère savante s’est finalement autorisée à les prendre pour objet. Ainsi est apparue une pluralité de discours savants sur

11 Thuillier (1992), Vérin (1993). 12 Layton (1991)

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les techniques (et la technique) : philosophique, historique, sociologique... Ces différentes approches tendent-elles en convergeant, à constituer une technologie, un peu à la manière dont elles constituent une épistémologie lorsqu’elles portent sur les sciences (cf. Popper, Kuhn, Feyerabend, Lakatos...) ? La technologie consisterait alors en un métadiscours sur la technique à l’instar de ce que la critique et l’épistémologie représentent pour les sphères de l’art et de la science. Une conception différente renvoie à la technologie comme science spécifique des faits techniques non sans analogie avec la linguistique comme science spécifique des faits de langue. C’est l’idée de technologie — ou de « mécanologie » — générale chère à Lafitte, Simondon et, semble-t-il, Sigaut.

• Les différentes formes de savoirs élaborées, de manière interne, au sein des communautés technico-industrieuses : la parole, le savoir des artisans, ouvriers, ingénieurs, architectes... ; leur genèse, leurs modalités d’existence, d’évolution, de conservation, de transmission.

...Force est de constater que ces communautés n’ont que très marginalement (les ingénieurs, les formateurs...) et très récemment formulé par écrit ce qu’ils savent, de sorte que ce que nous connaissons de « l’écologie » de ces savoirs est largement le résultat d’investigations savantes. Ces savoirs à visée pragmatique, ne s’inscrivent pas dans les catégories habituelles de la connaissance. Par exemple un néologisme tel que « savoir d’action », qui permet de les désigner et les penser, paraît presque antinomique et soulève des contradictions qui renvoient aux conditions, évoquées plus haut, de constitution de ces catégories. Autre exemple, Sigaut ne voit pas dans la science des ingénieurs, en raison de son caractère normatif et prescriptif, un logos à part entière qui permettrait de la qualifier de technologie scientifique13.

LE RAPPORT SCOLAIRE A LA TECHNIQUE (AUX TECHNIQUES)

Outre la sphère technicienne et la sphère savante, il est bien sûr d’autres lieux et communautés où s'élaborent des discours sur les techniques industrieuses : par exemple, la sphère politico-économico-juridique, qui tend à organiser et encadrer les techniques au niveau de la société, ou la sphère scolaire, lorsque tout ou partie de la transmission des savoirs techniques et des savoirs sur la technique est assurée par le système éducatif. La didactique a pour objet de rendre compte de ce qui se passe dans cette dernière sphère notamment au niveau de l’élaboration des savoirs et des discours. Les travaux conduits en didactique des disciplines technologiques reflètent les préoccupations des chercheurs,

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mais renvoient aussi une image du mode d’existence des objets, discours et savoirs dans la sphère. À ce double titre il nous a paru intéressant d’examiner un ensemble de productions réunies dans le numéro 23 de la revue Aster.

On peut grouper les huit contributions en trois sous-ensembles, selon l’objet principal auquel elles s’intéressent. Un premier groupe d’articles constitue trois regards différents sur la réalité disciplinaire et curriculaire :

• Joël Lebeaume14 prend pour objet la technologie enseignée au collège. À partir de sources telles que manuels scolaires, prescriptions officielles ou discours des différents acteurs, il étudie dans la diachronie les différentes configurations disciplinaires auquel cet enseignement a donné lieu comme composante de formation générale dans la scolarité obligatoire depuis ses origines, dans les années 1960. Le concept de matrice disciplinaire lui permet de distinguer et situer les orientations successives de cet enseignement, l’évolution de ses contenus (objets manipulés, tâches proposées) ainsi que ses différents positionnements parmi les autres disciplines scolaires. Il met en évidence la constance de l’affichage culturel de la discipline mais montre, que celui-ci s’incarne différemment selon les acceptions, successivement dominantes dans la noosphère, de cette dimension culturelle.

• Frédéric Glomeron et Joël Lebeaume15 analysent, d’une part, les représentations qu’évoquent, auprès d’une population d’étudiants en licences du secteur tertiaire, le mot « technologie » et, d’autre part, les conceptions que ceux-ci entretiennent quant à ce que devrait être son enseignement en tant que discipline. Une partie non négligeable des futurs enseignants de technologie étant recrutée parmi cette population, la connaissance de leurs représentations constitue un enjeu important pour la mise au point de leur formation. Les auteurs montrent qu’il existe un contraste considérable entre l’univers des significations spontanément associées par les étudiants au mot « technologie » et les objectifs qu’ils assignent à la discipline ou qu’ils poursuivraient s’ils l’enseignaient. La technologie hors contextualisation scolaire, renvoie chez eux de manière privilégiée à l’idée de recherche, d’innovation, d’étude avec une connotation surtout scientifique et à un moindre degré, industrielle. En revanche, dans une perspective éducative, les activités valorisées sont au contraire celles qui engagent et développent des compétences d’ordre pratique liées à la fabrication et à la réalisation d’objets à partir de divers matériaux et dont la

14 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996. 15 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996.

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référence est essentiellement artisanale (menuiserie, plomberie ...) ou domestique (cuisine). Les auteurs relient cette contradiction au fait que l’expérience scolaire de la technologie vécue par la population sondée, peut avoir été marquée par des options pédagogiques encore proches de l’EMT.

• Bernard Calmettes et Richard Lefèvre16 ont observé des séquences d’enseignement en physique appliquée (PA) et en sciences et techniques industrielles (STI) dans des classes de terminale de Génie Electrotechnique. Ils ont mis en évidence un décalage entre le curriculum « prescrit » par les programmes et le curriculum effectivement « réalisé ». En PA, ce décalage semble avoir été favorisé par les caractéristiques de l’instrumentation mise en œuvre lors de la séquence ainsi que par la rémanence d’anciens contenus prescrits. En STI, il est lié à l'usage systématique de sujets du bac comme base des travaux pratiques.

Un second ensemble distingue des articles qui se donnent pour objet l'examen d'une caractéristique spécifique de la sphère technique dans la perspective de sa transposition didactique :

• Mustapha Gahlouz17 s'intéresse à la normalisation, aux différentes formes par lesquelles elle se manifeste, notamment en génie civil, et au problème de la nature de son statut dans l'enseignement. Il montre, que les normes sont le produit d'une histoire et de rapports techniques, économiques, politiques et sociaux dans un champ d'activités. Il montre également, que ces normes cristallisent des savoirs conceptuels et des savoirs d'action. Dès lors, la question se pose, de la prise en charge par l'institution scolaire de ces savoirs dont le mode d'existence, précisément, se démarque du mode scolaire.

• Alain Crindal18, de manière analogue, interroge la notion de projet. À partir d'une analyse de la littérature, il repère trois dimensions caractéristiques du projet: une dimension contextuelle, une dimension processus, reliant une visée à sa réalisation, et une dimension point de vue définissant la position du (des) acteur(s). À l'aide d'une grille d'analyse, il situe par rapport à ces trois dimensions des récits d'élèves de classes de sixième relatifs à des situations de fabrication vécue, d'une part, et imaginée, d'autre part. Il obtient ainsi, deux « figures » contrastées permettant de distinguer deux démarches de projet sous-jacentes.

16 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996. 17 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996. 18 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996.

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Enfin, un troisième ensemble regroupe des articles où l'intérêt est focalisé, à l'occasion d'apprentissages technologiques, sur l'interaction entre les élèves et les contenus et/ou la situation didactique.

• Bernard Hostein19, à partir d'observations en classe ainsi que d'une analyse factorielle de correspondance sur des données obtenues par questionnaire, distingue trois catégories d'élèves en seconde Technologie des Systèmes Automatisés. Les « concepteurs » visent plutôt un bac autre que technologique, ils préfèrent une approche conceptuelle, ils privilégient l'électronique et l'informatique, ce sont eux qui correspondent le mieux aux objectifs de la TSA. Les « réalisateurs » préparent le plus souvent un bac technologique, ils s'intéressent au fonctionnement et aux effets des systèmes, ils ont une préférence pour la manipulation et la conduite mais ils risquent du coup d'avoir moins recours à la modélisation et au concept. Les « scolaires » ont davantage subi leur orientation en TSA. Ils manifestent peu d'intérêt pour les dispositifs et les contenus proposés, ne cherchent pas à leur donner du sens et se réfugient dans un fonctionnement purement procédural. L'auteur souligne l'importance de la capacité des élèves à assumer une part de responsabilité dans leur apprentissage et à rompre avec les contrats scolaires les plus coutumiers.

• Jean-François Lévy20, à partir d'observations d'élèves et d'enseignants en formation, s'interroge sur les difficultés posées par l'introduction de la micro-informatique comme aide aux acquisitions disciplinaires de l'enseignement secondaire. Ces difficultés sont présentées comme étant liées à la rupture technologique inaugurée par l'informatique dans le rapport à la réalité et à ses transformations. La nature des objets informatiques et leur manipulation, notamment en raison de l'échelle des phénomènes électroniques, exigent une transformation profonde des représentations et des raisonnements. L'auteur plaide pour une « didactique de l'ordinateur » et évoque des expériences visant à favoriser des constructions notionnelles et conceptuelles spécifiques. • Colette Andreucci, Jean-Pierre Froment et Pierre Vérillon21, à

partir d'un modèle psychologique des processus d'instrumentation de l'action technique, analysent les difficultés que posent l'apprentissage et l'enseignement des graphismes de représentation et de communication techniques (Grafcet, schéma cinématique, dessin technique). Ils proposent une approche accordant davantage d'attention aux aspects fonctionnels au sein des situations scolaires d'activité graphique. Notamment, Il s'agit de favoriser chez les

19 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996. 20 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996. 21 In Enseignement de la technologie, Aster n°23, 1996.

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élèves, une prise de conscience des relations entre représentation-communication technique, objet référent, contexte de la tâche et caractéristiques spécifiques du code utilisé.

L’école — et individuellement chaque enseignant — cherche à donner une unité, une cohérence aux domaines de connaissance qu’elle propose aux élèves comme objet d’apprentissage et de développement. L’idée de matrice disciplinaire, empruntée à l’épistémologie kuhnienne, traduit bien cette exigence d’unité. Néanmoins la matrice disciplinaire résulte d’un processus de filtrage qui sélectionne, privilégie et oriente certaines caractéristiques, certains objets et savoirs du domaine de référence, notamment du fait d’impératifs — J. Lebeaume le montre bien pour la technologie — qui relèvent autant de contraintes proprement scolaires que de considérations épistémologiques. Pour autant, si celles-ci ne sont sans doute pas le moteur principal de l’évolution disciplinaire, elles tendent néanmoins — voir les articles de M. Gahlouz et de A. Crindal — à l’inclusion de nouveaux objets et savoirs, voire à des réaménagements de la matrice. Il résulte de tout ceci que les principes de cohérence de la technologie à enseigner peuvent varier, et ont effectivement varié, de manière significative dans son histoire récente, de sorte que l’unité de la technologie à enseigner est donc instable et relative.

Entre la technologie prescrite, caractérisée par sa matrice et la technologie effectivement enseignée, il y a encore des sources de variation que pointent certaines contributions à Aster. Ainsi, les futurs enseignants se construisent des représentations personnelles - non nécessairement superposables, on l’a vu (J. Lebeaume et F. Glomeron) -à la fois de la technologie de référence et de la technologie -à enseigner. Ces représentations sont en concurrence avec la représentation « prescrite ». En outre, comme le montrent B. Calmettes et R. Lefèvre, la prégnance de matrices anciennes, le cadre matériel et les routines d’enseignement contribuent à produire des dérives par rapport au curriculum.

Enfin, les approches plus psychologiques et pédagogiques des rapports que les élèves construisent avec les dispositifs techniques soulèvent le problème de la cohérence d’une autre manière : quelle cohérence dans la variété des tâches et des outils auxquels ils sont confrontés ? Les auteurs proposent plusieurs voies : la négociation du contrat didactique (Hostein), des aides à la conceptualisation (Lévy), une démarche attentive aux processus d’instrumentation (Andreucci, Froment & Vérillon).

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POUR NE PAS CONCLURE...

Dans cette présentation qui se veut introductive sur le problème de l’unité et de la diversité de la technologie, il ne saurait bien entendu être question de conclure. Au contraire, on a tenté, à travers des considérations qui demandent à être éventuellement reprises, documentées et travaillées par les intervenants suivants, d’ouvrir des champs de questionnement, de rappeler des données problématiques et contradictoires, en se gardant bien de toute tentative de clôture prématurée de l’espace du problème.

RÉFÉRENCES

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Références

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