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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Épistémologie du modèle et construction de connaissances : propriétés R.F.C. et implicite ontologique

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

EPISTEMOLOGIE DU MODÈLE ET CONSTRUCTION

DE CONNAISSANCES :

PROPRIETES R.F.C. ET IMPLICITE ONTOLOGIQUE

Christian DEPRET

Laboratoire des Sciences de l’Éducation, Grenoble II

MOTS-CLES : CONNAISSANCE – MODÈLE – PROPRIETES R.F.C. – ONTOLOGIE

RESUME : Après avoir analysé la relation système/modèle, nous suggérons que cette relation est structurée par une ontologie implicite. Ce problème est discuté en lien avec l'aspect dynamique du processus de modélisation et l'utilisation de la notion de modèle dans l'enseignement des sciences.

ABSTRACT : After analyzing the system/model relationship, we suggest that it is structured by an implicit ontology. This problem is discussed with regard to the dynamic aspect of the modelization process and the use of the notion of model in the teaching of sciences.

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1. INTRODUCTION

Dans le livre cinquième du Gai Savoir, s’interrogeant sur la notion de connaissance, Nietzsche écrivait : “ Le connu, c’est l’habituel, et l’habituel est ce qu’il y a de plus difficile à “ reconnaître ”, c’est-à-dire à considérer en tant que problème, donc en tant qu’étranger, que lointain, que situé “ hors de nous ”… ” (Nietzsche, 1982, p. 256). Il soulignait ainsi deux difficultés – non indépendantes – pour la connaissance. La première est que l’inconnu se cache fort habilement dans l’habituel. La seconde est la nécessité de se distancier pour connaître. Nous partirons de la seconde pour retrouver la première.

En effet, cette distance nécessaire à la connaissance est un caractère majeur de la notion de modèle, cet “ instrument d’intelligibilité du réel ” (Bachelard, 1989, p. 9 ; Utaker, 2002, p. 204). Elle se traduit par une attention particulière apportée par l’épistémologie du modèle à la distinction entre le modèle et le système : par delà leurs similitudes, il faut poser ces deux objets comme différents en nature (Halbwachs, 1974). L’importance de cette attitude de différenciation doit être rappelée car dans de nombreux domaines où l’on utilise la notion de modèle, l’amalgame guette. De fait, à l’intérieur même du processus de modélisation, nous retrouverons la première difficulté soulignée par Nietzsche, et dont nous parlerons en termes d’“ implicite ontologique ”. Elle n’est pas sans incidence sur un enseignement des sciences, dans lequel, le modèle en arrive parfois à tenir, en même temps, le rôle de méthode et d’objet scientifique.

2. MODÈLE ET PROPRIETES R.F.C. 2.1 Epistémologie du modèle

Suzanne Bachelard écrit à propos du modèle : “ On lui demande de fonctionner (…) comme un automatisme auquel provisoirement nous ne serions pas mêlés. ” (Bachelard, 1989, p. 3). Ainsi, alors que Nietzsche nous rappelait la nécessité de se distancier pour connaître, Suzanne Bachelard évoque cette distanciation vis-à-vis de l’objet d’étude comme une fonction du modèle. Effectivement, dans le statut particulier de la relation système/modèle, il y a un ensemble de propriétés qui soulignent tout à la fois l’intérêt et le caractère paradoxal du rapport similarité/différence (Nouvel, 2002 ; Dépret, 2002).

Cette capacité à être tout à la fois semblable et différent (ou fidèle et autonome) est bien illustrée par la notion de morphisme d’ensemble, qui permet d’invoquer une relation entre deux ensembles différents en nature. Walliser utilise cette notion, et en propose une expression simple par la caractérisation des propriétés réelles, formelles et compatibles (propriétés R.F.C.) :

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- les propriétés réelles, sont des propriétés qui n’appartiennent qu’au système ; - les propriétés formelles n’appartiennent qu’au modèle ;

- les propriétés compatibles appartiennent à la fois au système et au modèle. (Walliser, 1977)

2.2. L’exemple de Walliser

Walliser donne un exemple de caractérisation en propriétés R.F.C. d’une relation système/modèle, où le système est un groupe d’objets physiques et le modèle leur photographie en noir et blanc. Nous la présentons ci-dessous en utilisant un schématisme ensembliste simple.

Sur un tel schéma, on visualise facilement les trois opérations inhérentes à toute modélisation : une opération de simplification, une de conservation et une de construction (Dépret, 2002). Néanmoins, il ne s’agit pas ici de nous arrêter à la valeur didactique d’une caractérisation particulière du processus de modélisation. Et, afin d’aboutir à la première difficulté nietzschéenne promise plus haut, il nous faut proposer une analyse critique de cet exemple.

Tout d’abord, la propriété formelle de bidimensionnalité n’est pas une propriété intrinsèque de l’objet photographie – on peut, par exemple, plier cet objet –, mais plutôt de la photographie d’un objet. Puisque cette propriété réfère toujours au système, elle ne peut pas être une propriété intrinsèque du modèle. Elle n’appartient donc pas qu’au modèle et ne peut pas être définie comme propriété formelle.

Ensuite, la couleur n’est pas un attribut de l’objet matériel. On sait qu’il s’agit d’un phénomène dépendant de la surface du solide, du milieu et de la perception humaine (Chauvet, 1996, par exemple). Propriétés formelles - Bidimensionnalité - … Propriétés réelles - Couleur - … Propriétés compatibles

- Positions relatives entre objets

- …

Figure 1. Schéma R.F.C. pour la modélisation : “ Photographie d’un objet en noir et blanc ” (Walliser, 1977, p. 121)

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Enfin, la difficulté clé apparaît avec la propriété de “ position relative des objets ” pour laquelle le terme d’objet est un terme ambigu, renvoyant aux deux choses différentes que sont les objets photographiés et les photographies d’objets. Et la notion de position est bien sûr dépendante de ce renvoi.

Il nous faut donc constater que le cloisonnement artificiel de ces propriétés correspond en fait à une réinitialisation du problème de nature, résolu en surface par le modèle.

3. IMPLICITE ONTOLOGIQUE 3.1 Extrêmes

L’expression des propriétés R.F.C. révèle donc qu’une ontologie sous-jacente structure la relation système/modèle. Ces propriétés apparaissent relatives aux “ visions ” que l’on a du système et du modèle, au sens des “ visions du monde ” chères à Kuhn (Kuhn, 1970). Est-ce à dire qu’il y aurait dans la détermination d’un modèle un a priori ontologique inéluctable ? On peut tenter de répondre à cette question en considérant des cas extrêmes, où tantôt on maximise, tantôt on minimise le recouvrement des propriétés du modèle et du système.

Au maximum, toutes les propriétés sont compatibles, et l’on se trouve dans l’identification du modèle à l’objet. En effet, le meilleur modèle d’un objet, c’est bien l’objet lui-même. En se bornant à l’analyse des conséquences ontologiques de ce cas extrême, on trouve le gouffre empiriste avec une origine de la connaissance qui tient dans les informations qui nous viennent de l’expérience. Au minimum, aucune propriété n’est compatible, et l’on se trouve dans la négation du modèle : c’est une caractérisation impossible à affirmer a priori, sauf autoréférence, par exemple par la définition des propriétés du modèle comme les non-propriétés du système. On trouve là le gouffre rationaliste, où la raison peut et doit seule mener à bien l’acte de connaître.

Ces deux cas sont tautologiques du point de vue du problème de nature et celui-ci est donc encore évité. Nous n’avons donc pas répondu ici à la question de l’inéluctabilité de l’a priori ontologique, mais nous avons dévoilé deux tendances épistémologiques sous-jacentes à cette question. Nous allons retrouver ces tendances dans le cas général.

3.2 Généralisation

Pour tenter de nous affronter au cas général, nous allons invoquer trois réductions. La première sera de nous limiter à des systèmes physiques (i.e. “ réels ”). La deuxième consistera à considérer un individu modélisateur, c’est-à-dire qui adhère à une croyance en une relative individualisation des systèmes (et corrélativement des modèles). Enfin, la troisième, en lien avec la précédente, visera à

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centrer l’analyse sur la dynamicité de l’activité de modélisation. Nous séparerons ainsi individualisation empiriste et individualisation rationaliste selon que l’ontologie de l’objet s’initie dans le système ou dans le modèle.

Si l’on considère donc un premier mouvement pour lequel l’ontologie sous-jacente est celle du système, le risque associé à toute caractérisation des propriétés R.F.C. pourrait correspondre aux biais suivants :

- a priori des propriétés réelles ;

- maximisation des propriétés compatibles dans un amalgame système/modèle ; - négligence des propriétés formelles.

Sans pouvoir développer ici ces thèmes, on reconnaît néanmoins dans ces trois aspects, des biais classiques de la construction scientifique de connaissances, dénoncés par l’épistémologie des sciences : réalisme naïf, structuration du modèle sur la base des propriétés de premier aspect, et “ sous-détermination ” par négligence de l’élaboration réalisée.

Inversement, si l’on considère que l’ontologie sous-jacente est celle du modèle, on s’éloigne d’une structuration par les propriétés de premier aspect, mais les a priori ontologiques, voilés par l’élaboration du paradigme, sont toujours présents. En effet, les “ visions du monde ” n’ont pas disparu, comme le souligne Bachelard : “ L’esprit peut changer de métaphysique ; il ne peut se passer de métaphysique ” (Bachelard, 1940, p. 13).

Dans ce cadre, le risque associé à toute caractérisation des propriétés R.F.C. pourrait correspondre aux biais suivants :

- négligence, relative à l’épistémê, des propriétés réelles ;

- maximisation des propriétés compatibles dans un amalgame système/modèle ; - rationalisme des propriétés formelles.

Erreurs inverses, plutôt liées aux critiques du rationalisme traditionnel : lourdeur des paradigmes, réifications, déterminismes a priori.

4. CONCLUSION

Dès lors, pour espérer se libérer de cet implicite ontologique qui pèse sur l’activité scientifique de construction de connaissance, il faudrait pouvoir fusionner les deux dynamiques ci-dessus afin que ni l’ontologie du modèle, ni celle du système, ne guident l’activité de modélisation. Mais cette fusion n’est pas possible dans la synchronie : on ne peut dans un même temps devoir s’ancrer dans une métaphysique et s’en défier.

Par contre on peut concevoir une articulation dans la diachronie : même si l’ontologie doit s’amorcer quelque part, le processus peut continuer afin de revenir sur l’ontologie initiale. C’est

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l’idée de modélisation comme boucle de validation (Tiberghien, 1994), dont une des conséquences est le caractère transitoire des modèles. Le fait que nous retrouvions des difficultés épistémologiques qui fondent la notion de modèle à l’intérieur même d’un instrument (les propriétés R.F.C.) qui vise à rendre saillantes les différences de nature entre le modèle et le système, et dont l’intérêt didactique n’est néanmoins pas à négliger, devrait inciter à la prudence vis-à-vis des modèles. Une prudence qui devrait s’exercer vis-à-vis de l’utilisation, fréquente, du terme dans les enseignements, mais aussi de l’enseignement de la démarche de modélisation. En effet, les termes de modèle et de modélisation sont de plus en plus séparés des perspectives épistémologiques qui les fondent (Lecourt, 1999) et risquent le galvaudage.

BIBLIOGRAPHIE

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Figure

Figure 1. Schéma R.F.C. pour la modélisation : “ Photographie d’un objet en noir et blanc ”  (Walliser, 1977, p

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