LES RAPPORTS DE L'OPERATOIRE ET DU
FIGURATIF DANS LES MODELES SPONTANES
ET LES MODELES SAVANTS
Michel DEVELAY, INRP
MOTS CLES Modèle spontané et modèle savant. Figuratif et opératoire.
RESUME L'interview d'un expert et d'étudiants par rapport au Phénomène de l'absorption intestinale conduit à appré-cier la valeur explicative que les uns et l'autre con-fèrent au figuratif par rapport à l'opératoire dans les modèles explicatifs qu'ils proposent.
ABSTRACT The interview of an expert and of students about the phenomenom of intestinal absorption leads to estirnate amount of explicative value they give to the figura-tive in the explicafigura-tive they offer.
concept.
tout ce qui est centre sur 1a
ia perception. Le figuratif rend
Modeles spontanés ou modeles savants, la place du
f19uratJf est-elle la même par rapport il l'opératoire dans les deux
cas? C'est il cette question que nous prOposons d'apporter des élément5
de réflexion.
Notre démarche s'appuiera sur l'analyse de réponses il un questionnaire
proposé à des étudiants et sur l'Interview d'un expert.
Le concept support est celui d'absorptIon Intestinale.
1. Opératoire et figuratif, tentative de definltion :
C'est J.Piaget qui a popularisé le terme d'opératoire qui
désigne sa théorie de J'lntell iyence. Une opération correspond pour lu!
'à toute action intériorisée, réversible et coordonnée en un système
d' ensembl e' .
Dans le modèle, l'opératoire renvoie au
Le figuratif correspond à
perception ou une reproduction de
compte de l'image du concept.
2. Du cOté des étudiants:
La question posée est: 'au niveau de l' intestin gr~Je les
aliments digérés passent dans le sang. Dans le même temps, on ne
retrouve pas de sang dans l'intestin. Notamment par des dessins pOUVt'Z
vous expliquer ce qui se passe."
L'èchantll Ion interrogé regroupe 36 étudiants titulaires d'un
DEUG de nature variée.
Parmi les dessins réalIsés on peut retenir 5 systémes
exp Il ca tIf s:
- un systéme de tamis functionnant par gravité.
un système de filtre faisant Intervenir la taille dt's
éléments
un système de double porte quai ifié tantOt d'écluse,
tantot de sas
un processus de pinocytose ou de phagocytose (on ne sait pas s'il s'agit d'éléments solides ou liquides".
Avec Giordan et al. on pourra quai ifier ces productions de
representatlons ou de modéles spontanés. Nous proposons de nommer
représentation les productions relativement intuitives, faiblement
construItes et de modele spontané les productions qui font intervenir
une construction par un assemblage de diverses variables. Nous avons
ainsi conscience du caractere arbitraire de la distinction quI repost'
essentiellement sur la notion de construction et de variables. Ainsi
toutes les productions figurant en annexe apparaissent comme De
vérltables modéles spontanés. 3. Du cOté de l'expert:
Ses réponses à la même question que précedemment luI
permettent de caractériser la question comme "complexe, car fai50nt
intervenir plusieurs compartIments qu'il ccnvient d'aborder les uns
après les autres'. Au niveau du premier compartiment, l'enterocyte,
el le évoque l'importance des récepteurs- transporteurs et de leurs
sites fonctionnels, l'importance des ions Na et K, les phénomenes oe
retournement du récepteur-transporteur à l' Intérieur de cet
entérocyte, ... Mals el Je évoque aussI le deuxiéme compartiment le mi 1ieu
extracellulalre et le trolsiéme compartiment la membrane du
capillaire ...
Lorsque Je demande
a
l'expert sI l'ensemble des conceptsqu'elle util Ise pour expliquer ce phénoméne correspondent
a
des imagesmentales elle me dit 'qu'el le n'a pas besoin de tel les images car ces
dernléres sont toujours simplificatrices et ne sont utiles que pour
communiquer'. 'Le dessin et le schéma ne permettent pas de tout dire.
Il faut leur demander d'en dire Juste assez'.
Ainsi pour l'expert le modéle figuratif fige alors que pour e] le. je la
cite, "le modèle est d'abord un animal de laboratoire sur lequel on
peut travailler et dIscuter en vue de le modIfier si besoin est'.
3. Du rapport entre la figuratIf et l'opératolredanslesmodéles
spontanés et savants :
*
La premlére ditflculté pour comprendre un modéle est que lefiguratif masque parfoIs l'opératoire ou méme ]e déforme.
Or pensons
a
l'architecte. La maison qu'II envisage deconstru ire est beaucoup plus comp 1exe que ]es 1ignes, Jes cOt es et
les volumes que ses plans indiquent. Derriére ce figuratif sont
pré5cnts dans sa conscience que la maison en cause est volumes. espaces
de repos et de circulation, espaces de rencontre, matériaux et lumlere
et ombre. site et environnement, tradition et modernité liées â tel ou
tel volume.
Les memes remarques peuvent être énoncées â propos d'un modèle
scient 1f ique.
On ?ourrait citer de nombreux exemples montrant que le fIguratif peut
déformer ou masquer ce qu'i 1 est censé expliquer. AinsI.
a
cause desdimensions relatives du nu,au et des électrons et des rayons des
cercles sur lesquels ces derniers se déplacent ie modéle de l'atome de
Bohr ne rend pas compte du "vide de la matière". Au contraire même.
Le modèle de l'atome de Bohr participe activement
a
J'idèe "que lamatière est pleine". Le modèle de la répl icatlon de la molécule d'A.D.N
masque le fait que les ARN messagers sont construits
a
partir de basesazotées qui proviennent en définitive du mlli~" extra-cellulaire ....
*
la deuxieme difficulté pour comprendre un modèle est 1iee âl'usage initial du modèle qui se trouve modifié profondèment ensuite.
En effet. le modèle est initialement construit pour constituer une base
permettant ]a discussion. Ainsi le modèle présente t-II au moment de sa
production des zones d'ombre, des 1imites expl icatlves non encore
explorées. Le modèle de la biosynthèse des protéines figure le passage
des ARN à travers la membrane nucléaire en éludant totalement le
mécanisme. La situation "'''ûlaire impliquerait que cette limite au
modéle soit énoncée J'emblée, ... bref que l'on présente le modèle non
pas comme un archétype explIcatif de la total ité de la rèalltè, non pas
donc comme un donnè expl icat]f â imiter mais comme un donné expl icatif
â discuter.
*
la troisième dIfficulté pour comprèhendre un modèle tient àla quaI ité du figuratif qu'II recèle.
On cherche en géneral un rapport analogique fort entre le modèle et le
rée 1.
special iste de considérer comme le suggérent les connexions nerveuses.
la nature des neuromédiateurs .... que J'intestin puisse servir oe
modéle pour le cerveau.
En plus de la qualité du figuratif dans cet exemple intervient aussI le
plan symbol ique. Comment le noble cerveau pourrait se comprendre par le
trivial intestIn?
Revenons aux modèles spontanés proposès. Pourquoi ces images de filtre
ou de tamis ou de portes ou d'écluse ou de sas? Pures coTncidences
analogiques avec des objets technologiques ou peut-on leur trouver une
signification symboliqlie différente? Ne pourrait-on pas proposer une
psychanalyse des modéles à la suite d'une psychanalyse de la
connaissance que suggérait Bachelard?
En guise de conclusion provisoire en forme de propositions didactiques
SI le modéle peut être conçu comme un substitut de 1a
méthode expérimentale car il apparalt comme un donné sur lequel on
peut travailler, réfléchir. émettre des hypothéses alors la pratique
pédagogique ne peut consister en une simple exposition de modèles. Il
convIent chaque fois d'en situer les 1imites (qu'est ce que le modele
explique et qu'est ce qu' 11 n'explique pas). de faire imagIner d'autres
Images ou schémas afin que les éléves n'imaginent pas que le modéle est
une reproduction du réel. de montrer quelles expériences ont aldè à
construire le modèle, ...
Ainsi le modèle présenté en situation scolaire conserverait le
statut qui était le sien lorsqu'II a été proposé au moment de sa
c,éation dans un laboratoire de recherche celuI d'un animal de
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