• Aucun résultat trouvé

Un four de la Graufesenque (Aveyron) : la cuisson des vases sigillés

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Un four de la Graufesenque (Aveyron) : la cuisson des vases sigillés"

Copied!
20
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-01940616

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01940616

Submitted on 27 Feb 2020

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License

vases sigillés

Alain Vernhet

To cite this version:

Alain Vernhet. Un four de la Graufesenque (Aveyron) : la cuisson des vases sigillés. Gallia - Fouilles et monuments archéologiques en France métropolitaine, Éditions du CNRS, 1981, 39 (1), pp.25-43. �10.3406/galia.1981.1819�. �hal-01940616�

(2)

« Le chapitre de la technique devrait comprendre la cuisson des vases sigillés, la forme des fours, la manière de disposer les vases dans le four. Mais comme nous n'avons jamais rencontré de fours, je m'abstiendrai d'en parler». Frédéric Hermet, en 1934, constatait ainsi les carences de l'archéologie dans le domaine des techniques de cuisson des vases sigillés gallo-romains de la Graufesenque (Millau, Aveyron)1.

Comment étaient disposées ces fournées de dix mille à quarante mille vases mentionnées sur les comptes des potiers? Comment étaient cuits ces millions de vases exportés dans toutes les provinces de l'Empire entre le début du Ier siècle et le début du 11e? C'est exactement à ces questions que nous allons essayer de répondre, après la

découverte, en 1979, dans les ateliers de l'antique vicus Condalomagus, d'un grand four et de son dépotoir. Nous décrirons d'abord l'architecture et le contexte stratigraphique de la construction, ensuite le matériel abandonné après chaque défournement, et enfin le fonctionnement lui-même (encastage, cuisson, défournement et sélection).

Architecture et contexte stratigraphique.

Le four se présente sous la forme d'un bâtiment de pierres maçonnées de 6,80 m de large sur 11,33 m dans sa plus grande longueur. Construit à contre-pente à la base des premiers talus qui enserrent le confluent du Tarn et de la Dourbie, il est orienté nord-sud, avec ouverture en plein midi, du côté du vent dominant (fig. 1-2-3).

Le matériau de construction est choisi en fonction de sa résistance à la chaleur. Les murs extérieurs sont faits de pierres locales du carixien (Lias inférieur) liées au mortier de chaux. Ce calcaire marneux se maçonne commodément mais il éclate au gel et à la chaleur violente. Près des flammes, il est remplacé par du grès rose du trias, extrait à une dizaine de kilomètres au nord de Millau (vallées de la Muse ou du Lumensonesque). Des pilettes

(3)
(4)

sable siliceux pour une meilleure résistance à la chaleur : alors que cette argile pure fond vers 1000 °G, l'argile dégraissée ne commence à fondre qu'au-dessus de 1200 °G. On obtient ainsi de bonnes briques réfractaires qui se désagrègent malheureusement très vite dans le sol, sous l'action de l'humidité et du gel. Il arrive également que l'on utilise des iegulae pour renforcer ou pour égaliser les empilements de briques réfractaires.

La bouche du four2 est bâtie en blocs de grès équarris au pic et posés l'un sur l'autre sans lien de mortier. Sa largeur est de 1,60 m à l'extérieur et de 0,80 m à l'intérieur. La hauteur conservée est de 1 m environ. Sur le devant du four, le sol est fait de cendres fortement tassées et de déchets vitrifiés par la chaleur.

Ualandier, conduit extérieur allant de la bouche à la chambre de chauffe, mesure 3 m de longueur et 0,80 m de largeur intérieure. Entièrement bâti avec des blocs de grès posés à nu, il devait être voûté sur toute sa longueur. Cette voûte n'a été que partiellement conservée. De l'intrados de la voûte au radier du conduit, la hauteur est de 1,35 m. Ce radier est aménagé avec de grosses dalles de grès mesurant chacune environ 1 m2 et formant une sorte d'escalier de 0,15 cm de hauteur à mi-longueur de l'alandier. A cette même longueur, on observe dans les parois latérales de l'alandier deux ouvertures ou furières de 0,15 cm de côté.

La chambre inférieure, ou chambre de chauffe, se trouve dans le prolongement de l'alandier. Elle mesure 4,5 m de longueur et 0,80 à 0,75 m de largeur. Comme l'alandier, elle est entièrement construite avec de gros blocs de grès, dont la face interne a été vitrifiée par l'action des flammes sur 5 cm d'épaisseur.

Des dalles de grès, en pente légère vers l'alandier, constituent le radier de la chambre de chauffe. Elles servent de solide assise aux montants latéraux, qui sont eux-mêmes renforcés par d'autres montants et par un blocage de grès, de pilettes réfractaires et d'argile. La sole et les voûtains qui la supportaient ont totalement disparu, ou plutôt ils se sont effondrés et désagrégés sur place en constituant une masse de terre rubéfiée, de sable et de pierraille vitrifiée. On distingue malgré tout l'accrochage de six voûtains de grès, de part et d'autre de la chambre de chauffe. Chacun d'eux mesurant environ 30 cm de large, avec un espace intermédiaire d'environ 20 cm, on est en droit de penser qu'il y en avait huit sur toute la longueur de la chambre de chauffe.

La vitrification des parois léchées par le feu permet de retrouver l'emplacement et l'inclinaison des montées de flammes latérales entre chaque voûtain (fig. 10). On peut ainsi reconstituer l'emplacement présumé des carneaux, ces ouvertures ménagées au travers de la sole pour la diffusion régulière des flammes dans le laboratoire (fig. 4).

2 Pour les descriptions techniques, nous utiliserons le vocabulaire et les définitions d'A. Brongniart, Traité des arts céramiques ou des poteries, Paris, 1854, et de P. Duhamel, Les fours céramiques gallo-romains, dans Recherches d'archéologie celtique et gallo-romaine, Publications du Centre de Recherche d'Histoire et de Philologie de la IVe section de l'École Pratique des Hautes Études (P.-M. Duval), Paris-Genève, 1973, p. 141-154. Seuls seront retenus les termes attestés dans le Dictionnaire de la Langue française d'E. Littré et dans le Grand Larousse Encyclopédique.

(5)

2 Le grand four : vue prise à quinze mètres de hauteur. 4*;* v «P«*»#iri

(6)

4 Schéma théorique de la sole, avec l'emplacement des carneaux. CL P Ô i O f ""6 o Q > P o 1 I

Le corps principal du four est inscrit dans un quadrilatère maçonné de 6,80x9,08 m de côté. Les murs nord, est et sud mesurent 0,75 à 0,85 m de large; le mur ouest, contre lequel ils viennent s'appuyer, ne mesure que 0,55 cm de largeur. Ces murs sont conservés sur une hauteur moyenne de 1,40 m au sud et de 2 m au nord. Toute la partie supérieure du mur s'est ouverte vers l'extérieur (peut-être par suite d'un éclatement du four). Un pan de mur a ainsi recouvert une partie du dépotoir de défournement sur une bande de près de 7 m de long et de 4 à 5 m de large. La largeur et la masse même de cet effondrement donnent une idée de l'élévation antique du four : environ 7 m de haut. chauffe et de la sole, avait ses parois internes doublées par un épais renforcement de briques réfractaires limitant la surface au sol à 4 x4 m environ. Le laboratoire, ou chambre de cuisson, qui se trouvait au-dessus de la chambre de Par ses dimensions et son architecture, ce four ne ressemble en rien aux petites installations repérées jusqu'à ce jour à la Graufesenque ou au quartier du Roc (Millau)3. Mais on peut lui trouver quelques ressemblances avec d'autres fours signalés dans d'autres ateliers, à Montans (Tarn), Aspiran (Hérault), La Jonchère (Haute-Vienne), Lezoux (Puy-de-Dôme), Heiligenberg (Alsace), Rheinzabern ou Nida-Heddernheim (Allemagne)4.

3 M. Labrousse, Informations archéologiques, dans Gallia, 24, 1966, p. 412-415.

4 Parmi les trouvailles récentes, on peut signaler : M. Labrousse, Informations archéologiques, dans Gallia, 34, 1976, p. 496 (four 2 de Montans) ; P. -Y. Genty. La production d'amphores gauloises, dans Archeologia, 146, 1980, p. 54 (four 3 d'Aspiran) ; J.-P. Loustaud, Deux fours de tuiliers gallo-romains dans les communes de Javerdal et de La Jonchère, dans Bull, de la Soc. arch, et hist, du Limousin, 106, 1979, p. 42 ; H. Vertet, Les fours de potiers gallo-romains du centre de la Gaule, dans Ada praehistorica et archaeologica, 9-10, 1978-1979, p. 150 (four 13 de Lezoux) ; I. Huld-Zetsche, « 150 Jahre Forschung in Nida- Heddernheim », dans Nassauische Annalen, 90 Band, 1979, p. 5-38 (four rectangulaire de 1973).

(7)

Dans tous les cas on reconnaît à peu près les mêmes caractéristiques : fours quadrangulaires à chambre de chauffe en couloir, dans le prolongement de l'alandier, avec montées de flammes obliques entre des voûtains.

Le contexte dans lequel ce four de la Graufesenque a été édifié, utilisé, puis abandonné est précisé par la stratigraphie du secteur. On y trouve, en effet, les traces de trois périodes d'occupation, depuis le début de notre ère jusqu'au milieu du 111e siècle.

Début du Ier siècle. Deux dépotoirs de défournement correspondent à cette période. Le premier, au sud-ouest du grand four, a livré des déchets de fabrication de la fin du règne d'Auguste

(estampilles d'Aleius, Perennius, Ruienus, etc.). Le deuxième, dans une fosse circulaire située à l'angle nord-est du grand four, contenait 5 000 vases surcuits de la fin du règne de Tibère (estampilles de Firmus, Salvelus, Anexllalus, etc.). Au cours de cette période, ont été creusés deux longs bassins d'argile dont le mur ouest du grand four constitue la bordure.

De 80 à 120/130 après J.-C. Après un apparent abandon d'une quarantaine d'années, le secteur est à nouveau aménagé par des potiers. Vers 80, on bâtit le grand four contre l'ancien mur des bassins tibériens. On recreuse ces bassins et on en aménage d'autres au nord pour entreposer l'argile. Mais, les bassins et la gueule même du four sont peu à peu encombrés par les déchets de fabrication et le four est abandonné vers les années 120/130, asphyxié par sa propre production.

De 120-130 à 250 après J.-C. Deux petits fours circulaires, creusés à 4 m de l'angle nord-est du grand four à sigillées, cuisent des petits vases à parois fines, de médiocres lampes surmoulées et des céramiques sigillées claires B. A cette époque, un bâtiment d'habitation, avec hypocauste et sols bétonnés, est construit sur la partie nord des grands bassins d'argile.

Mobilier de défournement.

Le four lui-même était absolument vide ae tout mobilier, à l'exception d'un as de Néron découvert au-dessus de la chambre de chauffe. Cette monnaie, identifiée par M. Labrousse, a été frappée à Lyon en 67-68 et contremarquée SPQR au printemps de 68 par les partisans de Vindex révoltés contre Néron5. Comme elle n'aurait pas résisté à une seule cuisson, il faut admettre que sa perte est postérieure à l'abandon du four : elle circulait donc une soixantaine d'années après son émission.

A l'extérieur sud du four, de part et d'autre de l'alandier, un dépotoir contenant uniquement des cendres, des vases de rebut et des accessoires d'enfournement a été partiellement fouillé (10 m3 environ). Tout ce matériel, rejeté au plus près, provient de manière indiscutable du grand four, dont il date l'utilisation. L'étude de ce dépotoir sud peut être complétée par celle du dépotoir nord, scellé — nous l'avons vu — par

l'effondrement d'un pan de mur du four. Nous ne donnons ici qu'un aperçu de cet ensemble clos du plus grand intérêt dont les types et les styles mériteront ultérieurement une publication plus détaillée.

Vases sigillés lisses. Une vingtaine de types sont représentés. Ils se caractérisent tous par des profils alourdis, des angles émoussés, des parois épaisses, une couverte assez mate et souvent craquelée, sur une surface médiocrement tournassée. Les formes les plus fréquentes sont reproduites sur la figure 5. On distingue des assiettes et des plats Drag. 18/31

(8)
(9)

6 Gourde Déchelette 63 (diam. : 22 cm) provenant du dépotoir du four.

(nos 1-2), des assiettes Drag. 15/17 (n° 3), des gobelets bas Drag. 22 (n° 4), des bols tron- coniques Drag. 33 (nos 5-6), des bols guillochés Drag. 24/25 (n° 7), des bols à double renflement Drag. 27 (n° 8), des potiches ovoïdes (n° 9), des tripodes Hermet 33 (n° 12), des coupes à marli retombant Curie 11 (n° 13), des coupes à bord rentrant, typiques de la période antonine et plus ou moins proches de la forme Hermet 24 (nos 14-16) ou de la forme Hermet 23 (n° 17). A cette liste il convient de rajouter les séries A, C, E et F des services créés sous les Flaviens, et encore fabriqués à la Graufesenque sous Trajan-Hadrien6. Nous ne l'illustrons ici que par deux coupelles Drag. 35 (nos 10 et 11). On trouverait sans peine les homologues de toutes ces formes dans les sites datés de la fin du Ier siècle et du

début du IIe.

Vases sigillés moulés. Alors que les sigillées lisses se comptent par milliers dans ce dépotoir, les sigillées moulées ne se comptent que par centaines ou même par dizaines quelquefois. Six types sont représentés, de façon inégale : les coupes hémisphériques Drag. 37, les coupes cylindriques Drag. 30, les gobelets Knorr 78, les potiches à deux anses Hermet 7, de médiocres lagènes Hermet 15 et des gourdes Déchelette 63 (fig. 6). La facture est hâtive, les moulages manquent de modelé, l'ensemble correspond à la période de décadence définie par F. Hermet. Cette impression générale serait confirmée par une étude détaillée des séries portant les signatures intra-décoratives GERMANI F.SER, BIRAGIL, OF MASCVL et L. COSI — potiers bien attestés à la Graufesenque à la fin du Ier siècle et au début du ne7.

6 A. Vernhet, Création flavienne de six services de vaisselle à la Graufesenque, dans Figlina, 1, 1976, p. 13-27. 7 R. Knorr, Tôpfer und Fabriken verzierler Terra-Sigillata des ersten Jahrhunderts, Stuttgart, 1919, p. 6-7.

(10)

7 Développement du décor d'une coupe Drag. 37 signée de L. Cosius et provenant du dépotoir du four (scènes à légendes rappelant le triomphe de Trajan sur les Daces et les Parthes) (éch. 1:2).

L'exemple le plus probant est celui du potier L. Cosius, dont le dépotoir a livré une trentaine de vases Drag. 37 signés. Plusieurs d'entre eux, provenant de moules différents, portent des scènes à légendes rappelant le triomphe de Trajan sur les Daces et les Parthes en 106 et 115-116. Leur étude fera l'objet d'une publication particulière8, aussi ne

présenterons-nous ici qu'un vase de cette série (fig. 7). On y voit d'une part la représentation 8 M. Labrousse, La gloire de Trajan et les poliers de la Graufesenque, à paraître dans Acles du XIIe Congrès des R.C.R.F., Millau, 1980.

(11)

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 QFURMAS) (OFT R*AASCV CMSCVLV5D COFAASCVD lot ^^ -S» ct) (A4 SCj) C O ^ AA/Z CO 12 lOLAASC) ) 13 (QFAI/të 14 C2/\MT0) 15 ASCP 16 [l-lk'StCVN) 17 (LHSECVO 18 (l-JR-SZCV) 19 (SECVNDINL/\^ 20 (0/JEC/NÏÏ) 21 (S&cvjy-DD 22 [OFJEC/N) 23 24 25 26 27 28 29 i) 30 31 32 OWEC) c;of-l-co5-viril]3 C.L-COS'VJRiO 0 VAXO 5 iy (OT.VIRILI) COf-VI&ilD CCOSRV>) A—

8 Principaux types d'estampilles attestés dans le dépotoir du four.

tragique du suicide du chef des Daces, Decebal, associée à la légende DECIBALV(S), d'autre part un prisonnier Parthe livré aux bêtes, avec la légende PART(H)V(S). Ce vase suffirait à lui seul à fournir une datation absolue du dépotoir du grand four : il ne peut être antérieur à 116 de notre ère.

Estampilles. Si l'on élimine les types attestés par moins de cinq exemples, on obtient une liste d'une quarantaine de potiers dont les produits estampillés ont été cuits dans le grand four : Albinus, Amandus, Asturf...), Bass(in)us, Calvus, Canrucalus, Caralf...), Cla(...)-Gemm(...), Cosius-Ruf(in)us, L. Cosius Virilis, Felix, Felix-Sever us, Flavus- Germanus, Fuscus, Iullinus, Logirnus, Marinus, Masculus, Mate(...), Mem(...), Mercalo, Mom(...), Patricius, Pontus, Primus, Ruf(in)us, Sabinus, Secund(in)us, L. Senis, Cin(cus) Senovir, Severus, Sulpicius, L. Terlius Masculus, L. Terlius Secundus, Virilis et

Vitalis.

Parmi ces potiers, se distinguent trois groupes nettement plus représentés que tous les autres (fig. 8) : le groupe Masculus-L. Tertius Masculus (727 exemplaires), — le groupe Secund(in)us-L. Terlius Secund(in)us (114 exemplaires), — le groupe Virilis-L. Cosius

Virilis-Cosius Ruf(in)us (94 exemplaires).

(12)

— il existe des sortes de groupes ou d'associations privilégiées de potiers, — les potiers portant des tria nomina ne les mentionnent pas toujours dans leurs estampilles.

Au passage, nous signalons une curieuse marque inscrite sur deux lignes et

malheureusement attestée par un seul exemplaire incomplet (fig. 8, n° 32) : . . . )IVL . SENIS . CR . / (...)GODAD. ASPRITV. On pourrait y voir le nom d'un potier affranchi, suivi de l'indication de sa profession, cr(elarius), et de son vicus, Co(n)dad(omagus). Le dernier mot est plus difficile à expliquer. Si cette hypothèse de lecture se vérifiait, on aurait ainsi la première confirmation épigraphique du Condatomagus de la table de Peutinger. Les potiers du temps d'Auguste, qui contrefaisaient à la Graufesenque des vases italiques,

mentionnaient le nom d'Arezzo dans leurs estampilles (SCOTIVS FECIT ARETINV, RVTEN FEG. AR, AGVT. BILL AR.). Les potiers du temps de Trajan ne pouvaient-ils pas

mentionner le nom de leur propre bourgade?

Graffile. Il eût été souhaitable de découvrir un bordereau d'enfournement correspondant à l'une des fournées dont la casse était rejetée dans ce dépotoir. C'était d'autant plus probable que — nous le savons, grâce aux comptes publiés par A. Albenque9 — l'usage des graffites-bordereaux est encore attesté à la Graufesenque sous les Antonins. En fait, un fragment de graffite a bien été découvert dans le dépotoir sud-ouest du grand four, mais il ne s'agit pas du tout d'un compte classique. Cette trouvaille exceptionnelle sera prochainement publiée et commentée par R. Marichal, qui a bien voulu s'occuper de l'édition complète des graffites de la Graufesenque.

Accessoires d'enfournement (fig. 9). Les divers accessoires d'enfournement recueillis dans le dépotoir représentent un volume au moins égal à celui des vases de rebut. Certains étaient cuits avant l'enfournement et pouvaient éventuellement servir pour plusieurs fournées; ce sont les legulae, les tubulures et les supports d'étagères (fig. 9, nos 1 à 5), les casettes (n° 6) destinées à protéger la cuisson de pièces fragiles, les pernelles ou supports de vases en forme de bobines (nos 7 à 10). D'autres étaient cuits en même temps que les vases et ne pouvaient jamais resservir; ce sont les joints ou les bouchons des tubulures, les bourrelets de jointoiement des étagères, les galettes pincées — que l'on appelle accols ou colifichets — intercalées entre les piles de grands vases ornés (n° 11). On peut noter que les tubulures étaient calibrées pour en faciliter l'empilement ou l'emboîtement (diamètres extérieurs de 8 et de 13,5 cm, hauteurs de 18 à 20 cm).

Fonctionnement du four.

Malgré de nombreuses découvertes de fours — et peut-être à cause de leur grande variété — nos connaissances sur la cuisson des vases sigillés n'ont guère progressé depuis plus d'un siècle. On continue toujours à se référer aux remarques publiées par A. Brongniart 9 A. Albenque, Nouveaux graffiles de la Graufesenque, dans Revue des Études Anciennes, 53, 1951, p. 71-81.

(13)

10 20 cm

9 Accessoires d'enfournement découverts dans le dépotoir : 1, schéma d'assemblage des tuyaux de chaleur et des étagères, — 2, tubulure de petit calibre, — 3, tubulure de raccordement, — 4, lanterne coiffant les tuyaux de

(14)

la cuisson des « poteries romaines rouges lustrées », on sait aujourd'hui que toutes les sigillées ne se ressemblent pas : comme l'ont montré les travaux de M. Picon, leur atmosphère et leur température de cuisson peuvent varier, selon les périodes, à l'intérieur d'un même atelier, et plus encore d'un atelier à l'autre11. Il s'ensuit nécessairement des variations de structure des fours. Par ailleurs, il convient de mieux distinguer les productions de type artisanal des productions de très grande série. En effet, une fournée de trois cents vases sigillés ne se cuit pas comme une fournée de trente mille : les finalités et les difficultés technologiques sont différentes, les solutions architecturales aussi.

En ce qui concerne la Graufesenque, des recherches de laboratoire ont fait mieux connaître les propriétés physiques et chimiques des pâtes, mais, jusqu'à ces dernières années, on ignorait totalement les modalités pratiques adoptées par les potiers, qui semblaient pourtant avoir bien résolu une double difficulté technique : empiler dans un four une moyenne de 30 000 vases — ce sont les chiffres retrouvés sur les bordereaux d'enfournement12 — et les cuire à l'abri des flammes à près de 1000 °C.

Les fours à sigillées de Rheinzabern, d'IIeiligenberg ou de Colchester ont fait l'objet de reconstitutions partielles plus ou moins plausibles13. Il nous semble que le grand four de la Graufesenque peut apporter à son tour, à ce sujet, quelques enseignements décisifs. De même que l'on remonte un vase à partir de ses fragments, de même une observation attentive des éléments effondrés de ce grand four permet d'en reconstituer l'élévation. Le collage accidentel, par excès de chaleur, de certains accessoires d'enfournement, simplifie souvent cette tâche. Toutefois, les archéologues, voire les céramologues, n'étant pas forcément potiers, nous avons demandé à l'un des derniers spécialistes français de la cuisson industrielle au bois, G. Obled, ancien professeur à l'École des Beaux-Arts de Toulon, de bien vouloir venir observer sur place les détails du four et de nous conseiller dans leur explication fonctionnelle. Ses conclusions corroborent celles que nous a aimablement fournies, dans les mêmes conditions, II. Yuranek, maître-potier à Munich, attaché au Groupe de travail d'Archéométrie de l'Université libre de Berlin14.

Enfournement on encaslage. Nous l'avons vu plus haut, la chambre de cuisson, ou laboratoire, devait former un cube de 4 m environ de côté, soit un volume interne de

10 A. Brongniart, op. cit., 1, p. 426-431.

11 M. Picon, Introduction à l 'étude technique des céramiques sigillées de Lezoux, Éditions du Centre de Recherches sur les Techniques gréco-romaines, Dijon, 1973, n° 2. Voir aussi : A. Blanc, Les techniques utilisées dans les grands

ateliers de potiers de V Antiquité, dans Bévue archéologique de VEsl, 1963, XIV, 4, p. 267-289.

12 P. -M. Duval, Notes sur la civilisation gallo-romaine, III, Composition et nature des graffiles de la Graufesenque, dans Études Celtiques, VII, 1956, 2, p. 264-266.

13 F. Sprater, Das rômische Rheinzabern, Spire, 1948, p. 76-77, flg. 57 ; H. G. Rau, Die rômische Tôpferei in Eheinzabei n, dans Milleilungen des historischen Vereins der Pfalz, 1977, 75, p. 60-63 ; R. Forrer, Die romischen Terra-Sigillata Tb'pfereien von Heiligenberg-Dinsheim und Illenweiler im Elsass, dans Milleilungen des Gesellschaft der geschichtlichen Denkmaler im Elsass, XXIII, 2, 1911, p. 525 et s. ; M. R. Hull, The Roman Potter's Kilns of

Colchester, Oxford, 1963.

14 Nous remercions très vivement Georges Obled et Heinz Yuranek pour les conseils qu'ils sont venus nous donner sur le terrain. Ce dernier chapitre leur doit l'essentiel de ses explications.

(15)

2m 10 Coupe théorique est-ouest du four chargé (le trait fort indique la limite des parties conservées).

(16)

De longues discussions ont été entretenues au sujet des « tournettes » : là réside, à notre avis, une des clés du problème de l'enfournement des vases. Ces couronnes d'argile, de section triangulaire, se rencontrent fréquemment dans les dépotoirs de tous les ateliers de sigillées. A la

Graufesenque, à la fin du Ier siècle, les plus nombreuses ont un diamètre extérieur de 26 à 27 cm et un diamètre intérieur de 9,5 cm. Le dépotoir du grand four de 1979 en a livré plusieurs centaines. J. Déchelette y voyait « des roues employées par les potiers pour le tournassage » et cette hypothèse aventureuse a été reprise par J.-R. Terrisse à propos des officines des Martres-de-Veyre15. A juste raison, R. Forrer à Heiligenberg, Ludowici et Sprater à Rheinzabern, M. R. Hull à Colchester, et F. Hermet puis L. Balsan à la Graufesenque les ont associées aux tuyaux de chaleur dont elles ont exactement le même diamètre interne, et sur lesquels elles sont même quelquefois soudées16. Mais ces auteurs, dans leurs reconstitutions des fours, ne les plaçaient qu'au sommet ou à la base des tubulures, sans pouvoir expliquer ni l'équilibre des longs tuyaux, ni l'empilement interne des vases sur plusieurs mètres de hauteur. Des empreintes laissées dans l'argile de certains bourrelets de jointoiement nous font avancer avec une quasi-certitude que ces tournettes, intercalées entre des tubulures superposées, servaient de supports pour des étagères intermédiaires (fig. 9, n° 1 et fig. 10). C'est Vencastage en échappade tel que le définissait A. Brongniart pour certaines cuissons de son époque : « on met (les poteries) à nu ; mais comme on ne pourrait pas en remplir la capacité du four sans que les inférieures fussent écrasées par le poids des supérieures, on établit plusieurs planchers avec des plaques octogones de terre cuite, supportées par des espèces de colonnes ou piliers de même nature, et c'est sur ces planchers que s'entassent les pièces à cuire... Cette méthode s'appelle encastage en échappade ou en chapelle »17.

Dans ce mode d'enfournement, l'ingéniosité des potiers gallo-romains consistait à utiliser les tubulures à une double fin : elles canalisaient la flamme et elles supportaient des étagères intermédiaires, faites de grandes tegulae dont les dimensions constantes étaient de 45 x62 cm. Entre les carneaux et leurs conduits de chaleur, des colonnes supplémentaires devaient être montées, à la demande, pour étayer l'ensemble. Pour des commodités de présentation, sur la figure 10, nous avons ramené toutes ces colonnes sur le même plan vertical. La reconstitution proposée montre neuf étagères pour une hauteur de quatre mètres, soit 0,44 m par étagères, ou plutôt 0,40 si l'on tient compte de l'épaisseur des tegulae. Cette hauteur de 0,40 m nous est donnée par les plus grandes piles de vases collés par excès de cuisson (fig. 11). De plus grands empilements auraient été difficiles à équilibrer et leur poids aurait écrasé les vases inférieurs avant même qu'ils ne fussent cuits.

L'étanchéité des conduits de flamme et la stabilité des étagères étaient renforcées par de nombreux joints d'argile molle. Le tout était solidement calé de part et d'autre contre les parois du laboratoire. Si l'on en croit les habitudes actuelles, le remplissage du four se faisait par séries verticales (ou échappades) et non par séries horizontales. Il fallait, bien 15 J. Déchelette, Vases céramiques ornés de la Gaule romaine, Paris, 1904, II, p. 338 et fig. r ; J.-R. Terrisse, Les céramiques sigillées gallo-romaines des Marlres-de-Veyre (Puy-de-Dôme), XIXe suppl. à Gallia, 1968, p. 127-130. 16 F. Hermet, op. cit., II, pi. 116, nos 10 à 15 ; L. Balsan, Le problème des lournelles gallo-romaines, dans Ogam, 67, 1960, XII, p. 117-118 et pi. XII.

(17)

11 Pile de 35 vases de forme Drag. 27 collés entre eux à la cuisson (haut, redressée : 38 cm).

HOcm

sûr, remplir les cases avec des piles de pots, au fur et à mesure de leur édification. Il fallait aussi désolidariser quelque peu les échappades les unes des autres, afin de limiter la casse en cas d'effondrement.

L'accès au laboratoire se faisait par une ouverture latérale bouchée avec des briques après l'empilement de la dernière échappade (des sortes d'escaliers de grès, aménagés de part et d'autre de l'alandier, pourraient indiquer que cette porte supérieure s'ouvrait dans le mur sud du four).

Il reste à envisager la question de l'évacuation des gaz et de la couverture du four. Toutes les reconstitutions de fours à sigillées qui ont été proposées jusqu'ici sont coiffées par une voûte dans les exemples de grandes dimensions ou par une hotte d'argile dans les exemples plus modestes. Or il faut bien reconnaître qu'on n'en a jamais retrouvé de traces dans les fours antiques, et qu'elles ne sont pas du tout nécessaires dans le cas des sigillées. De plus, en ce qui concerne le grand four de la Graufesenque, une voûte d'une portée de 6,80 m aurait nécessité de puissants arcs-boutants qui n'existent pas le long des murs est et ouest. Force est d'envisager un système plus simple, à ciel ouvert, avec superposition de quelques tuiles plates en guise de toiture au-dessus des dernières étagères.

(18)

obstruction accidentelle, et des bobines ou des boudins d'argile étaient intercalés entre les tuiles superposées pour faciliter l'évacuation des gaz. Curieusement, dans la tradition des potiers du Midi de la France, on appelle encore « fours romains » ces fours sans voûte. L'empilement des vases ne présentait aucune difficulté particulière. Tous les vases lisses cuits dans le grand four étaient empilés sans isolateurs. Seul le plus bas de la série était quelquefois étayé par une boule d'argile molle. Une habitude généralisée depuis le milieu du Ier siècle se retrouve ici : avant le séchage, le pied de chaque vase a été frotté dans du sable siliceux destiné à éviter des collages à la cuisson. Quant aux vases ornés, moins nombreux et plus fragiles, ils faisaient l'objet de plus grands soins. Séparés par des bobines (fig. 9, nos 7 à 10), calés par des accots (fig. 9, n° 11), parfois protégés à l'intérieur de casettes (fig. 9, n° 6), ils devaient être disposés dans les étagères supérieures, les plus régulièrement calorifugées.

Voilà, nous semble-t-il, l'encastage, le plus plausible pour les installations et pour les vases qu'il nous a été donné d'étudier lors de la campagne de fouilles de 1979. Sur les 64 m3 du laboratoire, la moitié devait être consacrée aux accessoires d'enfournement. Il restait donc environ 32 m3 pour les vases, ce qui, même compte tenu des espacements nécessaires entre les échappades, est largement suffisant pour des fournées moyennes de 30 000 pièces18. Cuisson. Notre propos n'est pas de répéter dans le détail ce qui a été maintes fois expliqué au sujet de la cuisson des sigillées, par chauffage rayonnant, en atmosphère oxydante, à 950 °G environ19. Nous ferons seulement quelques remarques au sujet du tirage, du bois de chauffe et de la conduite du feu.

En ce qui concerne le tirage, dans un four de cette dimension, le premier souci des potiers devait être de régulariser la température à l'intérieur de la chambre de cuisson. La section en entonnoir de la chambre de chauffe et la position élevée de la sole (à 2,5 m au-dessus du fond du foyer) contribuaient à une bonne répartition des montées de flamme mais il est évident que les carneaux médians recevaient plus de chaleur que les carneaux latéraux. Pour freiner les arrivées excessives de flammes, on doublait avec des tubulures de calibre 8 (fig. 9, n° 2) les tubulures de calibre 13,5 qui correspondaient aux carneaux médians. Malgré ces précautions, ce sont les tubulures doublées des niveaux inférieurs qui étaient le plus souvent endommagées par la chaleur (déformations ou éclatements). Pour traverser toute la longueur des tuyaux de chaleur, il fallait éviter de brûler du bois à flamme courte. Tous les professionnels s'accordent pour préférer le pin, le bouleau ou le tremble au chêne trop compact20. De fait, les cendres entassées au sud du four ont livré de nombreux charbons de bois et il s'agit uniquement de Pinus silvestris21. Ce sont 18 B. Hofmann (Noies de céramologie antique, VI, dans Ogam, 121-126, 1969, p. 191-202) a calculé des capacités moyennes d'enfournement au mètre cube pour les principales formes de sigillées de la Graufesenque. La méthode est ingénieuse, mais les résultats nous paraissent un peu forcés.

19 Cuisson oxydante — oxydante du type C de M. Picon, supra, note 11. 20 A. Brongniart, op. cit., I, p. 214.

21 Aimable identification de J.-L. Vernet, Maître-Assistant à l'Université des Sciences et Techniques de Montpellier (Laboratoire de Paléo-botanique).

(19)

20 km

12 Carte de l'aire d'approvisionnement en bois de pin des ateliers de céramique sigillée de la Graufesenque, du Rozier et de Banassac (les pointillés indiquent les zones où l'exploitation du bois est archéologiquement

attestée au Ier siècle).

donc les pins des Causses environnants qui étaient brûlés dans les fours des potiers de la Graufesenque. Or, nous savons qu'au Ier et au ne siècles on extrayait la résine des pins de ces Causses en distillant leurs petites branches et leurs aiguilles vertes dans de grandes urnes que l'on retrouve par centaines au nord-est de Millau22. Aussi nous paraît-il

raisonnable de penser qu'il existait un lien de complémentarité entre l'activité des bûcherons fournisseurs des potiers et celle des bûcherons extracteurs de résine : dans le premier cas, les rondins étaient débités et descendus par schlittage, puis par flottage, jusqu'aux ateliers des potiers; dans le second cas, les menus déchets inutilisables étaient récupérés pour être distillés sur place. Dès lors, une carte de répartition des stations d'extraction de résine pourrait donner avec assez de précision l'aire d'approvisionnement en bois de chauffe des officines locales de sigillées : la Graufesenque, le Rozier et Banassac (fig. 12).

Ce bois était ensuite séché et débité avec de fortes haches (deux exemplaires ont été retrouvés au nord du grand four). Le stock nécessaire à une seule cuisson est difficile à estimer : il varie beaucoup en fonction de la durée de la cuisson, de la violence des vents, de la façon de charger le four. Les professionnels consultés parlent d'un minimum de six tonnes de bois pour chauffer les 60 m3 du laboratoire. On comprend, avec ces chiffres, l'étendue de l'aire d'approvisionnement. On comprend aussi que les esclaves d'Alelia, sur le graffite 25B, aient travaillé plusieurs jours à entasser du bois23.

22 E. Loir, L'industrie de la résine dans les Causses à Vépoque gallo-romaine, Nancy, 1940 ; A. Aymard, Remarques sur le boisement des Causses dans V Antiquité, dans Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 12, 1941, p. 115 ; L. Balsan, L'industrie de la résine dans les Causses et son extension dans VEmpire romain, dans Gallia, 9, 1951, p. 53-55.

23 R. Marichal, Nouveaux yraffites de la Graufesenque, IV, dans Revue des Études Anciennes, 76, 1974, p. 267-277.

(20)

ensuite fermée et le refroidissement devait durer aussi longtemps que la cuisson. L'ouverture progressive des deux furières aménagées de part et d'autre de l'alandier réglait l'arrivée d'air frais.

Défournement et sélection des vases. Soigneusement sortis du four, les vases étaient aussitôt sélectionnés et les plus défectueux d'entre eux étaient rejetés au plus près, avec les cendres, les joints d'argile, et tous les accessoires d'enfournement qui avaient pu se casser. Les défauts les plus fréquents sont imputables à une arrivée de flamme dans le laboratoire : cet accident entraîne, avec une cuisson partiellement réductrice, une baisse du seuil de fusion de l'argile; les piles se ramollissent, se déforment, s'agglutinent et la pâte prend la couleur du chocolat. Un autre défaut assez souvent rencontré dans le dépotoir de rebut est la disparition totale de la couverte rouge brillante; nous n'en connaissons pas la cause.

Le pourcentage moyen de casse et de malfaçon devait se situer entre 10 et 30 % et il est évident que tous les rebuts de cuisson du grand four n'ont pas été entassés dans son voisinage au cours des quarante années de son activité. Ces déchets étaient très souvent réutilisés, à la Graufesenque, pour assainir des chemins embourbés ou pour remblayer des sols de maisons.

Une fois que le four était vidé de son contenu, nettoyé, éventuellement consolidé, il ne restait plus qu'à préparer la fournée suivante. La période minimale entre deux mises à feu devait être d'une quinzaine de jours et nous savons, grâce aux indications de mois que l'on inscrivait sur les bordereaux d'enfournement, que l'on cuisait uniquement d'avril à septembre — vraisemblablement en raison des lenteurs du séchage et des risques de gel sur les poteries humides, pendant la saison hivernale.

Ce grand four de la période de Domitien et de Trajan apporte donc de nombreux enseignements sur la cuisson des vases. C'est, apparemment, le plus grand four à poteries sigillées que l'on connaisse en Gaule, et le premier que l'on ait découvert à la Graufesenque, mais plusieurs indices laissent penser que deux autres au moins se trouvaient dans le même secteur. Après avoir longtemps cherché en vain ces fours dans la plaine alluviale du Tarn et de la Dourbie, on les devine maintenant en batterie sur les premiers coteaux.

Des rapports précis peuvent enfin être établis entre les mentions des graflites et le volume ou même la disposition d'une fournée de vases. Des lignes de recherche plus sûres permettront ainsi de mieux approcher le problème de la propriété de ces fours, de la responsabilité de leur fonctionnement, et, d'une façon plus générale, de l'organisation

professionnelle, technique et sociale des ateliers.

Alain Vernhet. Chargé de recherches au C.N.R.S.

Références

Documents relatifs

 Août 2006, pages 12 et 13 Une crise d'intégration des jeunes de milieux populaires Retour sur la grande révolte des banlieues françaises Neuf mois après les troubles qui,

Si Dieu a choisi de faire habiter cette puissance extraordinaire dans des vases d’argile ; ce n’est pas tant pour mettre l’accent sur la faiblesse des vases d’argile, mais la

Méthodes Il s’agissait dans le premier cas d’un calcul dense (1500UH) de 5 cm de grand axe occupant l’intégralité du bassinet et le calice inférieur droit, chez un patient de 40

SONT CORRECTEMENT INSTALLÉS, FAIRE GLISSER LA CUISINIÈRE COMPLÈTEMENT VERS L’AVANT, VÉRIFIER SI LA BRIDE ANTIBASCULEMENT EST BIEN FIXÉE AU MUR SITUÉ DERRIÈRE LA

 Obtenir une figure de diffraction (en utilisant des moyens très simples, peu coûteux) de manière à pouvoir déterminer le mieux possible la largeur d'une fente très fine

Exprimer l'avancement final x f de la réaction entre l'acide AH et l'eau en fonction de  , des conductivités molaires ioniques utiles et du volume V S (on pourra s'aider

Avec cinq graduations intermédiaires au minimum, celui-ci donne 40 configurations possibles qui incluent les deux qui viennent d’être mentionnées.. Pour L variant de 24

La différence de température élevée entre la température de pressée idéale pour le disilicate de lithium au coeur du cylindre et la température élevée dans les zones