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Sexe de l'enfant et investissement parental : le cas d'Haïti

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Academic year: 2021

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SEXE DE L’ENFANT ET INVESTISSEMENT PARENTAL : LE CAS D’HAÏTI Mémoire Sonel Pyram Maîtrise en Économique Maître ès sciences (M.Sc.) Québec, Canada © Sonel Pyram, 2016

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SEXE DE L’ENFANT ET INVESTISSEMENT PARENTAL : LE CAS D’HAÏTI

Mémoire

Sonel Pyram

Sous la direction de: John Murray Cockburn

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Résumé

Bon nombre d’études révèlent que, dans les pays en développement, la préférence des parents pour un sexe en particulier les pousse souvent à traiter leurs enfants inéquitablement. Pour déterminer si ce phénomène existe en Haïti, cette étude s’inspire des travaux de Barcellos et al. (2014) sur les parents indiens dont les résultats, obtenus à partir des données d’enquête démographique et de santé (DHS 1992), suggèrent une discrimination au détriment des filles. Cette discrimination a lieu au niveau du temps et des ressources consacrés à prendre soin de l’enfant suite à sa naissance. Les résultats obtenus à l’aide des données nationales révèlent qu’en 1994, parmi les variables d’intérêt (allaitement, immu-nisation, vitamine A), seule la probabilité d’allaitement semble varier par sexe en faveur des garçons en Haïti. Tout nouveau-né de sexe masculin a une probabilité de 3,2 points de pourcentage plus éle-vée d’être allaité que le sexe opposé. Des données plus récentes révèlent que le sexe de l’enfant n’a aucun impact sur la probabilité d’être allaité en 2000. Par contre, en 2005 l’effet de cette probabilité est contraire à celui observé en 1994. En l’occurrence, si le nouveau-né est de sexe féminin elle a 2,4 points de pourcentage de plus que les garçons d’être allaité. De plus, considérant les enfants de 0 à 59 mois, les estimations révèlent qu’en 2005 la durée de l’allaitement augmente de 11,2% si l’enfant est une fille.

Mots clés: Investissement, Haïti, enfant, sexe, allaitement, mère, immunisation, anthropométrie, 1994, 2000, 2005.

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Abstract

Many papers analyze the impact of child gender on parental investment. Most of them underscore that, mainly in developing countries, parents do not equally treat their children due to their prefer-ences. Inspired from the work of Barcellos et al. (2014), whose findings reveal that in India parents prefer boys to girls and allocate resources accordingly, this paper examines if this phenomenon is common practice among Haitian parents. Using data from the DHS 1994, the estimates suggest that, in Haiti, if the newborn is a boy he is 3.2 percent points more likely than a girl to be breastfed, but there is no such discrimination when using other dependent variables like immunizations or vitamin A. However, estimates from more recent data reveal that, in 2005, girls are 2.4 percent points more likely than boys to be breastfed. Furthermore, considering the children aged between 0 and 59 months for the same year (2005), the breastfeeding duration increases as much as 11.2% if the child is a girl.

keywords: Investment, Haiti, child, gender, breastfeeding, mother, immunization, anthropometry, 1994, 2000, 2005.

(5)

Table des matières

Résumé iii

Abstract iv

Table des matières v

Liste des tableaux vii

Liste des figures ix

Liste des abréviations x

Remerciements xiii Introduction 1 1 Revue de littérature 5 1.1 Mesures de la discrimination . . . 5 1.2 Causes de la discrimination . . . 6 1.3 Conséquences de la discrimination . . . 7

2 Données et Statistiques Descriptives 10

2.1 Caractéristiques de la famille et de l’enfant. . . 11

2.2 Caractéristiques des soins pré et postnataux . . . 12

2.3 Caractéristiques anthropométriques. . . 13

3 Présentation du modèle d’investissement parental 15

3.1 Biais d’avortement sélectif et d’arrêt (test 1) . . . 16

3.2 Biais d’avortement sélectif et d’arrêt (test 2) . . . 18

3.3 Biais d’avortement sélectif et d’arrêt (test de Wald) . . . 20

4 Estimations et Résultats 22

4.1 Discrimination au niveau de l’allaitement . . . 22

4.2 Discrimination au niveau de la vitamine A et de l’immunisation . . . 23

4.3 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux en 2000 et 2005 . . . 25

4.4 Discrimination au niveau de l’anthropométrie . . . 25

(6)

5 Résultats additionnels de l’effet du sexe de l’enfant sur les investissements

paren-taux en 1994 32

5.1 Effet du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux . . . 32

5.2 Robustesse des résultats. . . 33

5.3 Mesure du biais dans les différences observées entre les deux sexes. . . 34

Conclusion 36

Bibliographie 39

A Caractéristiques de la famille 43

B Stratégie d’identification 49

C Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux 58

D Mesures anthropométriques 65

E Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux (Suite) 68

(7)

Liste des tableaux

A.1 Répartition (en %) de la population (de fait) des enfants de moins de quinze ans, par état de survie des parents et résidence avec les parents, selon l’âge, le sexe et le milieu

de résidence de l’enfant, EMMUS-II Haïti 1994/95 . . . 44

A.2 Statistiques descriptives des soins pré et postnatals par milieu de résidence (tous les

plus jeunes de 0-59 mois) . . . 45

A.3 Statistiques descriptives des soins pré et postnatals par milieu de résidence (tous les

plus jeunes de 0-15 mois) . . . 46

A.4 Caractéristiques de la mère . . . 47

B.1 Test d’affectation aléatoire (Haïti DHS 1994 - Ménages ruraux) : Différences de moyenne selon le sexe du plus jeune enfant encore en vie . . . 55

B.2 Test d’affectation aléatoire (Haïti DHS 2000 - Ménages ruraux) : Différences de moyenne selon le sexe du plus jeune enfant encore en vie . . . 56

B.3 Test d’affectation aléatoire (Haïti DHS 2005 - Ménages ruraux) : Différences de moyenne selon le sexe du plus jeune enfant encore en vie . . . 57

C.1 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux, plus jeunes enfants encore

en vie (Haïti DHS 1994 - Ménages ruraux). . . 59

C.2 Effets du sexe de l’enfant sur la durée de l’allaitement. Le plus jeune enfant encore en

vie. (DHS Haïti 1994 - Ménages ruraux) . . . 61

C.3 Effets du sexe de l’enfant sur le nombre de vaccins reçus. Le plus jeune enfant encore

en vie. (DHS Haïti 1994 - Ménages ruraux) . . . 62

C.4 Effets du sexe de l’enfant sur le type de vaccin reçu. Le plus jeune enfant encore en

vie. (DHS Haïti 1994 - Ménages ruraux) . . . 63

C.5 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux (Haïti DHS 2000 et 2005

- Ménages ruraux)) . . . 64

D.1 Différence anthropométrique garçons-filles en Haïti et en Inde (Haïti DHS 1994-Inde

DHS 1993 : Enfants de 15 mois maximum) . . . 67

E.1 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux, en contrôlant pour la taille

anticipée de la famille (Haïti DHS 1994 - Ménages ruraux). . . 69

E.2 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux en contrôlant pour la taille

anticipée de la famille. (Haïti DHS 2000 et 2005 - Ménages ruraux)) . . . 70

E.3 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux, en contrôlant pour la taille anticipée de la famille et en utilisant le sexe du premier né comme instrument (Haïti

(8)

E.4 Effets de la taille de la famille sur les investissements parentaux. Plus jeunes enfants

en vie de 0-15 mois (Haïti DHS 1994 - Ménages ruraux). . . 72

E.5 Effets du sexe sur les arrangements liés aux conditions de vie à la maison, DHS Haïti

1994 - Ménages ruraux . . . 73

F.1 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux (Haïti DHS 1994 -

Mé-nages urbains). . . 76

F.2 Effets du sexe de l’enfant sur la durée de l’allaitement. Le plus jeune enfant encore en

vie. (DHS Haïti 1994 - Ménages urbains) . . . 78

F.3 Effets du sexe de l’enfant sur les vaccinations. Le plus jeune enfant encore en vie.

(DHS Haïti 1994 - Ménages urbains) . . . 79

F.4 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux, (Haïti DHS 1994 -

Mé-nages ruraux et urbains). . . 80

F.5 Effets du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux (Tous les plus jeunes

in-cluant ceux qui sont morts, Haïti DHS 1994 - Ménages ruraux). . . 81

F.6 Comparaison des estimations dont l’échantillon ne comprend que les plus jeunes en-fants en vie de 0 -15 mois et ceux de 0 à 59 mois. (Haïti DHS 1994 - Ménages ruraux)

. . . 82

F.7 Comparaison des estimations dont l’échantillon comprend tous les enfants (en vie ou

décédés) de 0 -15 mois et ceux de 0 à 59 mois. (Haïti DHS 1994 - Ménages ruraux) . 83

(9)

Liste des figures

A.1 État nutritionnel des enfants par sexe . . . 48

B.1 Rapport de masculinité par catégorie d’âge et Règle d’arrêt d’enfanter suite à la

nais-sance d’un garçon (Haïti - Ménages ruraux) . . . 49

B.2 Rapport de masculinité par catégorie d’âge et Règle d’arrêt d’enfanter suite à la

nais-sance d’un garçon (Haïti - Ménages ruraux et urbains). . . 50

B.3 Prédiction du sexe de l’enfant par le truchement des caractéristiques de la mère et de

l’enfant excluant les soins prénatals (Haïti 1994 - Ménages ruraux. . . 51

B.4 Prédiction du sexe de l’enfant par le truchement des caractéristiques de la mère et

celles de l’enfant y compris les soins prénatals (Haïti 1994 - Ménages ruraux) . . . . 52

B.5 Prédiction du sexe de l’enfant par le truchement des caractéristiques de la mère et de

l’enfant (Haïti 1994 - Ménages ruraux et urbains) excluant les soins prénatals . . . . 53

B.6 Prédiction du sexe de l’enfant par le truchement des caractéristiques de la mère et

celles de l’enfant y compris les soins prénatals (Haïti 1994 - Ménages ruraux et urbains) 54

C.1 Estimation non paramétrique de l’effet du sexe de l’enfant (0 à 15 mois) sur la durée

de l’allaitement. (DHS 1994- Ménages ruraux) . . . 60

D.1 Mesures anthropométriques des enfants haïtiens (DHS 1994) et Indiens (DHS 1993) :

Enfants âgés entre 0 et 15 mois ) . . . 66

F.1 Règle d’arrêt d’enfanter suite à la naissance d’un garçon et rapport de masculinité par

catégorie d’âge (DHS Haïti 1994 - Ménages urbains) . . . 74

F.2 Prédiction du sexe de l’enfant par le truchement des caractéristiques de la mère et celles de l’enfant (les deux premières figures) y compris les soins prénatals (les deux

dernières figures) - Haïti 1994 : Ménages urbains . . . 75

F.3 Estimation non paramétrique de l’effet du sexe de l’enfant (0-15 et 0-59 mois) sur la

durée de l’allaitement. (DHS 1994- Ménages urbains) . . . 77

F.4 Mesures du biais dans les différences observées entre les sexes au niveau de

(10)

Liste des Abréviations

ACF Action Contre la Faim

AFT Temps de Défaillance Accélérée BCG Vaccin Bilié de Calmette et Guérin

CDC Centres de contrôle des maladies des États-Unis DHS Données d’Enquête démographique et de santé DPT Diphtérie Tétanos Polio

EMMUS Enquête, Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services FIDA Fonds International de Développement Agricole

NCHCS Centre National des Statistiques Sanitaires des États-Unis Insee Institut national de la statistique et des études économiques MCO Moindres Carrés Ordinaires

MENJS Ministère de l’Éducation Nationale de la Jeunesse et du Sport MSPP Ministère de la Santé Publique et de la Population

OMS Organisation Mondiale de la Santé ONU Organisation des Nations-Unies

OFID Fonds de l’OPEP pour le Développement International PH Risque de Proportion

UNICEF Fonds des Nations-Unis pour l’Enfance

USAID Agence des Nations-Unis pour le Développement International VIH Virus de l’Immunodéficience Humaine

(11)

À OFID, dans sa campagne pour l’intégration des femmes dans les modèles de développement économique.

(12)

Le succès n’est rien que la permission de continuer.

(13)

Remerciements

Je tiens à remercier OFID, l’institution financière qui a rendu possible mes études à l’Université Laval. Je remercie mon Directeur, John Murray Cockburn, qui m’a assisté tout le long de la rédaction du mémoire. Il ne s’est jamais lassé de me faire part des suggestions ayant contribué grandement à la fois à la précision et à la clarté des idées. Il m’a stimulé et m’a permis de rédiger le mémoire dans un temps record. Je remercie M. Lacroix qui m’avait recommandé auprès de M. Cockburn et qui avait accepté en même temps de codiriger mes activités de recherche. Il m’a founi des conseils qui s’avéraient cruciaux pour présenter un travail de qualité. J’exprime également ma gratitude envers M. Tiberti pour m’avoir prodigué des conseils qui m’ont permis d’améliorer la qualité du travail. Je dois également des remerciements à mes proches (parents et amis) pour leur soutien moral, ce qui a joué un rôle non négligeable dans la réussite de mes études. Enfin, mes remerciements vont aussi aux étudiants : Maria Adelaida Lopera, Augustin Akakpo, Adéline Téka, Sosthene Blanchard Conombo, Nicolas Bernatchez, Ibrahima Sarr et Antoine Schuurman qui ont contribué chacun à leur manière au perfectionnement du mémoire.

(14)

Introduction

L’inégalité homme-femme est un sujet qui préoccupe les grandes organisations internationales telles que l’ONU, l’USAID, l’OFID et l’UNICEF. Certaines études révèlent que cette inégalité est d’autant plus forte qu’un pays est sous-développé (Jayachandran 2015). En effet, dans les pays en développe-ment, les femmes sont moins scolarisées (Glick et Sahn 2000), occupent souvent des postes subal-ternes et ont des salaires nettement inférieurs aux salaires des hommes (Filmer et al. 2008, Barcellos et al. 2014). L’un des canaux de transmission de cette inégalité est l’investissement parental, terme ayant été utilisé pour la première fois par R. L. Trivers (1972, p. 139) et défini par Stéphane (2011)1 comme l’ensemble des ressources (que ce soit en temps, en nourriture, en soins, etc.) qu’un organisme donné alloue à la survie et au développement de ses descendants.2 Puisque les événements in utero et l’autonomisation de l’enfant ont des conséquences futures sur sa santé, son quotient intellectuel et ses performances sur le marché du travail (Bharadwaj et Lakdawala 2013), il s’avère crucial de s’in-téresser à l’investissement parental. Ce dernier peut induire un effet de sélection quand les avantages qui lui sont associés sont supérieurs aux coûts engendrés, c’est-à-dire que le retour sur investissement s’avère plus important pour l’un des deux sexes. En l’occurrence, dans les pays en développement, les filles sont moins favorisées que les garçons en termes de soins pré et postnataux. Par exemple, en Inde, la discrimination se fait au berceau ; c’est-à-dire les parents choient les garçons plus que les filles quand ils viennent au monde (Barcellos et al. 2014). Dans certains pays de l’Asie (Inde par exemple), de l’Amérique du Sud et de l’Afrique, la naissance d’une fille apparaît comme un lourd fardeau (Mullins 1998) au point tel que certaines mères pleurent en voyant que l’enfant qui leur est né est une fille.3Toutefois, notons que la discrimination n’est pas sans conséquences. L’étude de Mi-lazzo (2014) sur la population nigérienne révèle que la préférence pour les enfants de sexe masculin a

1. http://homofabulus.com/investissement-parental-definition

2. Stéphane a publié en 2011 (http://homofabulus.com/investissement-parental-definition/) les infor-mations suivantes : pour maximiser son nombre de descendants, deux stratégies peuvent être adoptées par tout organisme dont l’une est la sélection r, c’est-à-dire produire un grand nombre de descendants sans trop s’en occuper et l’autre appelée sélection k où l’individu produit peu de descendants et s’en occupe. Les espèces utilisant la sélection r privilégient la quan-tité à la qualité. Nous lisons sur le même site : « Les humains font partie des espèces fournissant le plus d’investissement parental et utilisant la sélection k, ils produisent peu de descendants mais s’en occupent pendant très longtemps, maximisant ainsi les chances de survie et de reproduction de chacun. »

3. Les filles représentent, selon Mullins, une dépense suplémentaire en ce sens que dans ces pays il faut penser à la dot quand une fille est née. Souvent, les familles sont très pauvres. De ce fait, pour répondre à cette exigence, ils n’ont pas d’autres choix que de s’endetter (Gender discrimination : Why is it still so bad and what can you do about it. Article non scientifique publié en ligne par July Mullins en 1998. Children In Need Inc,http://www.childreninneed.org/ magazine/gender.html).

(15)

des effets néfastes sur la santé et le bien-être des femmes adultes. Au Pakistan, la discrimination dé-pend du statut socio-économique de la famille (Delavande et Zafar 2013). Ainsi, les filles vivant dans des familles défavorisées sont plus sujettes à des traitements discriminatoires que celles vivant dans des familles aisées. Deaton (1989) montre que les parents thaïlandais manifestent leurs préférences pour les garçons en réduisant légèrement leurs dépenses de consommation lorsqu’un garçon est né alors qu’elles restent intactes suite à la naissance d’une fille. Quid des parents haïtiens ? Ont-ils un penchant particulier pour l’un des deux sexes ou s’investissent-ils de façon impartiale quel que soit le sexe de l’enfant ? La discrimination, si elle existe, peut s’avèrer néfaste pour l’économie haïtienne en ce sens que des femmes moins scolarisées (ayant un faible niveau de capital humain) sont moins pro-ductives et, conséquemment, sont susceptibles d’avoir un revenu plus faible que les hommes (Glick et Sahn 2000), ce qui est préjudiciable à la production du pays (faible PIB per capita) et peut l’enfoncer de plus en plus dans la pauvreté.

Haïti est le pays le plus pauvre des Amériques (Jean-Baptiste et Baptiste 2005, Sletten et Egset 2006). Les femmes sont souvent moins scolarisées et plus enclines à abandonner l’école (Justesen et Verner 2007). Elles gagnent moins que les hommes4et sont plus nombreuses à pratiquer le petit commerce (Gardella 2006)5ou à être au chômage (Justesen et Verner 2007). Par ailleurs, à cause de leur faible capacité de négociation (Jayachandran 2015), les femmes sont également plus nombreuses à être vic-times du VIH.6Par contre, les parents envoient leurs enfants à l’école non en vertu de leur penchant pour l’un des deux sexes mais en fonction de leur situation économique, de l’aptitude et de la contribu-tion de l’enfant dans le ménage.7Griffiths et al. (2002) ont souligné ce point en arguant que les enfants dans certaines familles peuvent recevoir des traitements différents en se fondant sur leur contribution présente et celle espérée dans le futur. Suite à ces critères, il importe de savoir lequel des deux sexes est plus susceptible de recevoir une éducation intellectuelle. Dans ces conditions, les filles sont gé-néralement les victimes (Glick et Sahn 2000). En outre, le taux de fécondité des femmes haïtiennes figure parmi les plus élevés de la région (Xiao et al. 2014). À la naissance, les garçons sont plus nombreux que les filles (EMMUS-II DHS 1994/95)8 mais leur taux de mortalité (celui des garçons) est le plus élevé ; des statistiques qui semblent être cohérentes avec les résultats de Boco (2014) qui indiquent la surmortalité néonatale masculine survenant dans les pays sous-développés, notamment en Asie et en Afrique subsaharienne. Les causes de cette surmortalité ne sont pas clairement définies ; toutefois, selon plusieurs auteurs dont Boco (2014), elles peuvent résulter des facteurs biologiques (génétiques), sociaux et environnementaux. De plus, les femmes, en général, vivent plus longtemps que les hommes (Jayachandran 2015). Il n’y a pas, cependant, une raison précise qui pourrait expli-quer ce privilège qu’ont les femmes. Toutefois, l’un des facteurs explicatifs selon Gicquaud (2015)9

4. Les femmes représentent 67% du personnel de production touchant un salaire moyen mensuel compris entre 800-1000 gourdes soit moins de 30 USD tandis qu’elles ne représentent que 26% du personnel administratif dont le salaire mensuel est compris entre 20 000 et 35 000 gourdes, ce qui représente environ 700 USD (Jn-Baptiste et Baptiste 2005).

5. Gender Assessment for USAID/HAITI Country Strategy Statement 6. Ibid.

7. Ibid.

8. Institut Haïtien de l’Enfance : Enquête, Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services (EMMUS) 9. Gicquaud N., 2015, « Éspérance de vie : avantage aux femmes », Insee, n° 23, p. 1-2

(16)

est « qu’elles sont moins souvent exposées à des conditions de travail pénibles au cours de leur vie professionnelle (contraintes physiques, travail de nuit, exposition à des produits nocifs...) ». Appa-remment, c’est le seul avantage, néanmoins trivial, que les haïtiennes ont sur les haïtiens, car leur espérance de vie est légèrement plus élevée.10

Il existe des études sur la nutrition (Ayoya et al. 2013), la fécondité (Allman et May 1979, Xiao et al. 2014) et l’éducation en Haïti (Justesen et Verner 2007), mais aucune d’elles ne met l’accent sur le favoritisme des parents quant à la façon dont ils s’investissent suite à la naissance d’une fille ou d’un garçon. À cet effet, notre étude vise à mettre en lumière le type de traitement que reçoivent les enfants haitiens après qu’ils soient nés. Autrement dit, elle a pour principal objectif de déterminer si les parents haïtiens allouent indifféremment les ressources (allaitement, soins médicaux...) consacrées à prendre soin de l’enfant après sa naissance peu importe son sexe. Elle vise également à déterminer quelles sont les causes et les conséquences probables de cette supposée discrimination.

À l’instar de Barcellos et al. (2014),11les hypothèses de travail sont au nombre de deux. La première s’appuie sur l’absence d’avortement sélectif, c’est-à-dire les mères ne se font pas avorter l’enfant dont le sexe ne correspond pas à leurs attentes et tient au fait que l’avortement est strictement interdit en Haiti.12Toutefois, si cette hypothèse ne se vérifie pas, c’est-à-dire si les parents haïtiens pratiquent l’avortement sélectif ou qu’il y a avortement excessif des fœtus féminins, le taux de masculinité à la naissance est biaisé (Fuse 2010).13 Notons aussi que l’ultrason peut jouer un rôle non négligeable dans l’avortement sélectif (Barcellos et al. 2014). Ainsi, après l’échographie une mère peut décider si elle veut ou non garder un enfant. La deuxième hypothèse soutient que les parents ne pratiquent pas la règle d’arrêt. Cette règle stipule que les mères cessent d’avoir des enfants après la naissance de l’enfant dont le sexe était vivement désiré. Des études ont montré que cette pratique est courante chez les femmes des pays comme le Bengladesh et le Népal qui décident de ne plus faire d’enfants suite à la naissance d’un garçon (Fuse 2010). La vérification de ces hypothèses suppose que le sexe de l’enfant est déterminé de façon aléatoire à la naissance. Ceci sous-tend que « toute différence constatée en termes d’investissement est liée au sexe du nouveau né et non à la taille moyenne du ménage » (Barcellos et al. 2014, p. 158). Plus précisément, les garçons et les filles naissent dans des familles dont les caractéristiques révèlent des préférences identiques.

Notre analyse repose sur les données nationales d’enquête démographique et de santé de 1994.14 Elle est en particulier centrée sur les enfants agés de 15 mois ou moins. Il y a deux explications qui justifient ce choix. Avant le sevrage, l’enfant dépend principalement du lait de sa mère et n’entre pas

10. L’espérance de vie à la naissance pour les femmes en Haïti est de 65 ans alors que celle des hommes est de 61 ans (Banque Mondiale 2012).

11. Barcellos et al. (2014) ne tiennent pas compte dans leur étude de l’évolution de la discrimination dans le temps. La présente étude se démarque de la leur en utilisant deux années supplémentaires (2000 et 2005) pour tenir compte d’une éventuelle évolution de la discrimination en Haïti.

12. Article 262 du code pénal haïtien.

13. En Chine et en Korée du Sud, les études ont révélé des rapports de masculinité très élevés illustrant la préférence des parents pour les garçons. Ce phénomène s’explique par le déclin du taux de natalité dû au contrôle qu’exercent les parents sur la fécondité (Fuse 2010).

(17)

en concurrence avec les autres sources alimentaires disponibles pour la famille (Griffiths et al. 2002). Ceci implique que toute discrimination à ce niveau n’est que le fruit d’une préférence. Dans leur analyse, Barcellos et al. (2014) ont effectué un test joint pour déterminer si les enfants de sexe masculin et féminin sont nés dans des familles dont les caractéristiques révèlent des préférences identiques. Leur test révèle que les enfants de 15 mois ou moins naissent dans des familles dont les caractéristiques sont similaires. Ces caractéristiques sont d’ordre social. Citons entre autre l’âge de la mère, sa religion, son statut matrimonial, son milieu de résidence etc.15

Soulignons aussi que si le plus jeune est une fille et qu’il n’y a aucun garçon dans une famille qui affiche une certaine préférence pour les garçons ou qui opte pour la mixité (fille et garçon) en son sein, alors la probabilité qu’une mère arrête d’avoir des enfants est quasiment négligeable (Barcellos et al. 2014). Ce cas particulier peut biaiser les estimations s’il n’y est pas pris en compte. De ce fait, pour contourner ce biais, Barcellos et al. (2014) ont considéré les enfant de moins de 15 mois. Car à cet âge, selon les mêmes auteurs, il est peu probable que la mère réagisse au sexe de l’enfant en ayant d’autres enfants. En outre, faut-il avancer que les parents peuvent réduire les dépenses qu’ils sont susceptibles d’encourir pour une fille nouvellement née s’ils anticipent avoir un autre enfant à l’avenir (ibid). Finalement, la robustesse des résultats est testée en considérant plusieurs catégories d’âge.16

La suite du mémoire est organisée de la manière suivante : le chapitre 1 présente la revue de littérature qui met en exergue les différents travaux ayant été réalisés sur le sujet. Le chapitre 2 met l’accent sur les données et les statistiques décrivant les caractéristiques des ménages haïtiens, notamment celles des mères et des enfants. Le chapitre 3 évoque les différentes méthodes économétriques adoptées pour faire ressortir la relation existant entre le sexe de l’enfant et le niveau d’investissement des parents en Haïti. Les résultats sont présentés et discutés dans les deux derniers chapitres du mémoire.

15. Elles (les caractéristiques) sont présentées en détail dans le chapitre3.

16. Les variables d’intérêt ne sont disponibles que pour les enfants qui sont nés dans les 5 dernières années ayant précédé l’enquête. De ce fait, toute l’analyse repose sur l’échantillon de 5 ans au plus. De plus, Boco et al (2015), pour déterminer si la mortalité néonatale peut expliquer la préférence des parents, ils ont considéré les enfants de moins de 5 ans.

(18)

Chapitre 1

Revue de littérature

La litterature existante souligne trois points importants : les variables que les chercheurs utilisent pour mesurer la discrimination, les raisons qu’ils évoquent pour expliquer cette pratique aussi bien que ses avantages et ses inconvénients.

1.1

Mesures de la discrimination

Pour mettre en relief la question de discrimination basée sur la préférence pour un sexe particulier, certains chercheurs considèrent les dépenses de nutrition (Filmer et al. 2008, Bharadwaj et al. 2013, Baker et Milligan 2013), les soins anténataux et postnataux (Ganatatra et Hirve 1994, Baker et Milli-gan 2013) ainsi que la durée de l’allaitement (Jayachandran et Kuziemko 2011, Bharadwaj et al. 2013, Barcellos et al. 2014). Par contre, d’autres, pour faire ressortir cette préférence, mettent en relief le taux de mortalité des filles, leur taux d’inscription à l’école (Filmer et al. 2008), le faible niveau d’in-vestissement dans leur capital humain (Glick et Sahn 2000, Filmer et al. 2008, Bharadwaj et al. 2013) et leur taux d’immunisation (Filmer et al 2008, Baker et Milligan 2013). Finalement, il y en a qui ont recours au sexe du plus jeune, à l’anthropométrie, au temps consacré à l’occupation et à l’épanouisse-ment du nouveau-né aussi bien que la supplél’épanouisse-mentation en vitamines A pour déterminer si les parents préfèrent un sexe à un autre (Barcellos et al. 2014, Griffiths et al. 2002).

Fuse (2010) regroupe ces mesures en deux catégories. D’abord, celles qui sont dites comportementales telles l’avortement sélectif, les déséquilibres dans les rapports de masculinité ainsi que les disparités entre les sexes en matière de mortalité, de santé et de bien-être. Ces dernières font état de la discri-mination postnatale. Elles peuvent prendre selon Fuse (2010) plusieurs formes : les comportements explicites qu’il décrit comme l’infanticide, la négligence et l’abandon. Les comportements dits impli-cites qui concernent l’écart observé entre les deux sexes dans l’allocation consciente ou inconsciente des ressources disponibles (nourriture, éducation, soins médicaux...). Ensuite, Fuse (2010) considère une nouvelle catégorie de mesures qui porte sur l’attitude des parents liée à la préférence pour un sexe. Ces mesures se fondent sur la composition de la famille idéale, c’est-à-dire le nombre d’enfants désiré. Il avance que ce dernier traduit souvent la discrimination prénatale d’une part, et les pratiques

(19)

discriminatoires postnatales d’autre part. Ces pratiques, affirme-t-il, dépendent des normes culturelles de la société dans laquelle évoluent les parents. Le nombre d’enfants désiré traduit également la diffé-rence observée dans les taux de fécondité, diffédiffé-rence résultant de la composition du sexe des enfants qui survivent après la naissance.

1.2

Causes de la discrimination

Les chercheurs évoquent diverses raisons qui peuvent expliquer la préférence des parents pour un sexe particulier. Les principales explications fournies par Baker et Milligan (2013) sont les suivantes : ils peuvent, dépendemment de leur culture, avoir un penchant pour l’un des deux sexes, tel est le cas des mères de l’Asie du Sud, de l’Europe de l’Est et de l’Asie Centrale (Almond et al. 2013, Filmer et al. 2013). Il y a aussi les différences biologiques et d’aptitudes qui font que dans certains domaines les enfants n’ont pas le même niveau de performance (Baker et Milligan 2013). De là, les parents cherchent à compenser en manifestant un interêt particulier pour le moins avantagé. Aux États-Unis, les pères passent moins de temps avec les garçons quand ils sont très jeunes mais consacrent plus de temps à enseigner les chiffres et les lettres à leurs filles dès l’âge de 9 mois, un facteur explicatif des différences de rendements des deux sexes au niveau préscolaire (Baker et Milligan 2013). Les coûts d’opportunités, in fine, associés aux soins et à l’éducation de l’enfant incitent les parents à s’inves-tir davantage dans les garçons en se basant sur leur revenu futur anticipé (Jayachandran 2015). À ce propos, Filmer et al. (2008) expliquent que dans certains systèmes les parents préfèrent les fils aux filles parce qu’ils sont les principaux héritiers (système d’héritage). En anticipant que le rendement pécuniaire des filles sera moins important par rapport à celui des garçons (système de production), ils investissent davantage dans ces derniers moyennant qu’ils auront la possibilité de pourvoir économi-quement et financièrement à leurs besoins quand ils auront atteint la vieillesse (système d’assurance intergénérationnelle).

Au Nigéria, par exemple, il y a une forte demande pour les garçons (Millazzo 2014) à cause du système patrilinéaire, système où le fils est le principal héritier de son père. La raison en est que la naissance d’un garçon est l’assurance pour une femme qu’elle et ses enfants puissent continuer à disposer des biens du couple après la mort du mari. Barcellos et al. (2014) évoquent également la différence des revenus anticipés comme facteur pouvant expliquer les préférences des parents, mais ajoutent que les parents croient que, contrairement à élever une fille, élever un garçon exige plus de ressources. Ce raisonnement a pour fondement les travaux de Boco (2014) qui montrent que les garçons ont une composition biologique faible qui les rend plus fragile et vulnérable à la naissance, une fragilité qui, néanmoins, disparait avec l’âge. À l’opposé, les filles ont un avantage de survie à la naissance qui leur rend moins vulnérables aux conditions périnatales (Fuse 2010). À titre d’exemple, dans une étude menée sur 30 pays de l’Afrique subsaharienne, Boco (2014) signale que « les résultats indiquent une surmortalité masculine dans la quasi-totalité des pays, sauf au Sierra Leone et au Swaziland. Les garçons de moins de cinq ans présentent un risque de décès de 17% – 54% plus élevé, comparés aux filles de même âge » (Boco 2014, p. 49). Aussi, Filmer et al. (2014) soulignent que les préférences pour

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les garçons sont plus fréquentes dans les ménages ayant un faible taux de fécondité. Enfin, Barcellos et al. (2014) trouvent que les rendements et les préférences expliquent les faibles investissements dans les filles.1Il est crucial de noter que ce n’est pas toujours la préférence pour les garçons qui prévaut (Fuse 2010). Dans certaines sociétés, les parents optent pour la mixité des enfants (Fuse 2010), alors que dans d’autres les filles semblent être au premier plan. Hormis les immigrants qui manifestent souvent clairement leur préférence pour les garçons (Almond et al. 2013), aux États-unis et au Canada, les parents préfèrent les deux, plus précisément le couple garçon-fille (Milazzo 2014). En Dominique, il est fort probable que les hommes soient pauvres et moins sujets à atteindre le niveau secondaire (Quinlan 2006). De même, en Jamaïque, société matriarcale, les pratiques discrimatoires contre les hommes sont très fréquentes (Sargent et Harris 1992). En République Tchèque, en Lituanie et au Portugal, la préférence pour les filles semble être dominante (Filmer et al. 2008). Au Danemark, en Finlande et en Norvège, il est souvent souhaitable que le quatrième enfant soit de sexe féminin, tandis que les parents suédois souhaitent le contraire (Anderson et al. 2006). Toutefois, en Afrique du Nord, il n’y a pas assez d’évidence pour affirmer que les parents préfèrent les fils aux filles (Arnold 1992).

Contrairement aux attentes, les niveaux de scolarisation et de vie ne changent pas nécessairement l’ampleur de la discrimination parentale (Anderson et al. 2006, Filmer et al. 2008, Fuse 2010).2Des femmes très scolarisées du sud de l’Asie sont nombreuses à manifester leur intérêt pour des fils et non des filles, un phénomène qui tient son explication dans le faible taux de fécondité de ces femmes. Il existe une corrélation entre le taux de fécondité et le niveau d’éducation : plus les femmes sont scolarisées, plus elles arrivent à contrôler leur grossesse (Martin 1995, Jayachandran 2015). Dans les pays nordiques, les parents danois, norvégiens et suédois ont une préférence pour un troisième enfant de sexe féminin alors que les parents finois préfèrent le sexe opposé (Anderson et al. 2006). Cette préférence se manifeste par la durée des congés parentaux et la contribution de plus en plus considérable des pères dans l’accomplissement des tâches ménagères (Anderson et al. 2006). Angrist et Evans (1998) montrent qu’aux États-Unis les parents préfèrent avoir un garçon et une fille, c’est-à-dire ils sont susceptibles d’avoir un troisième enfant si les deux premiers sont de même sexe.

1.3

Conséquences de la discrimination

L’un des inconvénients de la discrimination basée sur le sexe de l’enfant est la mortalité maternelle. Quoique la préférence ne soit pas toujours unilatérale dans les pays développés (Anderson et al. 2006), dans les pays en développement, les taux de mortalité maternelle les plus importants sont plus fré-quents là où la demande des garçons est la plus élevée (Fuse 2010, Millazo 2014). Ceci est d’autant plus vrai en Afrique Subsaharienne et en Asie (OMS 2014). L’une des causes de la mortalité selon Millazo (2014) est l’intervalle de grossesse. Puisque les grossesses rapprochées (moins de 6 mois) augmentent le risque de mortalité chez la femme (Conde-Agudelo et al. 2000), une femme en quête

1. Les dots n’étant pas observables peuvent également expliquer les différences d’investissement (Barecellos et al. 2014). 2. La Chine et l’Inde en constituent deux exemples. Dans ces deux pays, après réception d’un ultrason, les femmes manifestent un vif intérêt pour les soins prénatals si elles découvrent que l’enfant qu’elles attendent est un garçon.

(21)

d’un fils, faute d’usage de contraceptifs, peut tomber enceinte peu de temps après la naissance d’une fille, ce qui met à la fois en péril sa survie et celle de l’enfant.

La discrimination peut aussi avoir des conséquences sur la stabilité conjugale (Katzev et al. 1994, Millazo 2014) et sur le bien-être de l’enfant (Fuse 2010). D’un coté, si le premier né n’est pas un garçon, cela peut entrainer le divorce (Katzev et al. 1994, Milazzo 2014) ou intensifier la polygamie dans les pays où elle n’est pas interdite. De l’autre, les familles pauvres, se trouvant dans l’incapacité d’éduquer les enfants tant ils sont nombreux, les placent souvent dans des familles d’accueil où ils sont sujets à subir toutes sortes de mauvais traitements (Justesen et Verner 2007...). En Haïti, les filles placées dans des familles d’acceuil sont souvent victimes d’abus sexuel (Justesen et Verner 2007, MENJS 2000).

La discrimination a aussi ses avantages dans la mesure où les parents obtiennent ce qu’ils désirent. Nombreuses sont les études qui révèlent que, dans certains pays comme les États-Unis, la présence des garçons dans la famille renforce souvent la stabilité conjugale et entraine une forte implication des pères (Barnett et Baruch 1987),3car ces derniers s’adonnent beaucoup plus à forger les caractères des garçons (Harris et Morgan 1991, Marsiglio 1991),4 à organiser des activités visant à les détendre et développent une relation intime avec eux. En plus d’agir à titre de superviseurs, ils s’engagent davan-tage à garder les enfants. Les mères ont souvent une grande admiration pour les pères attentionnés et engagés dans l’éducation et l’épanouissement de la famille (Katzev et al. 1994), ce qui est susceptible d’apaiser les différends familiaux. Qui plus est, cet engagement peut avoir des externalités positives sur la société en réduisant la délinquance juvénile et en intensifiant son potentiel économique par le biais d’une main-d’œuvre hautement qualifiée (des hommes mieux formés et plus enclin à l’appren-tissage).

En plus des soins pré et postnataux, il est possible de chercher à mesurer l’investissement parental en se basant sur les premières années d’éducation de l’enfant (Baker et Milligan 2013), ce que Bharadwaj et Lakdawala (2013) appellent la dotation initiale.5 De même, la mixité des enfants dans la famille, le milieu de résidence, l’éducation des femmes et la richesse (Filmer et al. 2008) sont des variables permettant de déterminer la décision de procréer chez les femmes ou d’arrêter d’enfanter après la naissance d’un garçon. Les conséquences de la préférence pour un sexe particulier peuvent être aussi mesurées en prenant en compte les institutions traditionnelles existantes telles que : le placement fa-milial, la polygynie, les accords conjugaux et les conditions de vie, incluant le divorce et les femmes chefs de famille (Millazo 2014). Les indicateurs biologiques de santé, la situation socio-économique de la communauté et des ménages (Boco 2014) sont aussi liés au comportement de préférence des pa-rents. Toutefois, pour réduire le biais d’estimation,6les chercheurs se sont concentrés principalement

3. Cités par Katzev et al. 1994 4. Ibid.

5. Les investissements en éducation ou en soins nutritifs renforcent la dotation initiale qui est ici le poids de l’enfant ou le capital humain qui assure l’autonomisation et les performances futures de l’enfant sur le marché du travail quand celui-ci devient actif (Bharadwaj et Lakdawala 2013).

(22)

(Bare-sur le sexe du premier-né (Anderson et al. 2006, Baker et Milligan 2013) ou du plus jeune (Barcellos et al. 2014). Ces observations prennent en compte les enfants âgés de moins de 5 ans (Griffiths 2002, Baker et Milligan 2013, Barcellos et al. 2014) et surtout la taille de l’échantillon qui, quand elle est assez grande, fournit souvent des résultats plus précis voire différents (Anderson et al. 2006, Filmer et al. 2008).

La présente étude contribue à enrichir la littérature existante en présentant un modèle d’investissement parental qui permet de déterminer, à partir des variables pertinentes utilisées dans la littérature, si les parents pratiquent une discrimination fondée sur le sexe de l’enfant avant et après sa naissance. Elle est menée dans le contexte d’un pays sous-développé (Haïti) et entend évoquer des mesures auxquelles les décideurs publics peuvent recourir pour atténuer l’effet de cette pratique dans les pays en développement, le cas échéant.

cellos et al. 2014), l’insuffisance des variables de contrôte (Boco 2014), la taille anticipée de la famille (Millazo 2014), les arrangements conjugaux, les décisions d’enfanter (Baker et Milligan 2013) et la mémoire sélective (Bharadwaj et Lakdawala 2013).

(23)

Chapitre 2

Données et Statistiques Descriptives

Les données utilisées dans le cadre de cette analyse proviennent du programme d’enquête démogra-phique et de santé (DHS Program) de l’USAID. Ces données fournissent un éventail d’informations sur la fécondité, la planification familiale, la santé de l’enfant et de la mère, le genre, le VIH, le pa-ludisme et la nutrition. Il y a quatre (4) années disponibles pour Haïti : 1994, 2000, 2005 et 2012. Toutefois, l’analyse empirique est axée sur l’année 1994 et les autres années, notamment 2000 et 2005, sont utilisées à titre de comparaison. Barcellos et al. (2014) signalent qu’au début des années 90 l’ultrason n’était pas très populaire ; par conséquent, il est probable que l’avortement sélectif n’était pas trop courant non plus. En effet, considérer l’année 1994 peut réduire la probabilité de confronter le biais résultant de l’avortement sélectif. L’enquête a été menée sur un échantillon de 12 547 enfants dans 9 départements du pays.1Parmi les 5 709 femmes qui ont été éligibles pour l’enquête, 5 356 ont été interviewées avec succès avec un taux de réponse de 93,6% (EMMUS II, 1994/1995). L’enquête révèle que le rapport de masculinité en 1994 est de 81 hommes pour 100 femmes en milieu urbain alors qu’il est de 99 hommes pour 100 femmes en milieu rural. 64% des personnes recensées vivent en milieu rural et la population féminine dans la population totale est dominante soit 52% (EMMUS-II, 1994/1995).

Le fichier DHS fournit des informations sur l’historique des naissances, à savoir la date de naissance et le sexe de l’enfant, si celui-ci est en vie ou non, s’il vit dans le ménage, l’ordre et l’intervalle des naissances. Par ailleurs, les caractéristiques de la mère de chaque enfant sont aussi connues. En Haïti, les ménages ruraux sont généralement moins scolarisés et plus pauvres que ceux des milieux urbanisés. Le revenu par habitant de la population rurale correspond à environ un tiers de celui de la population scolarisée de la région urbaine (FIDA 2008, Banque Mondiale 2012).2De plus, 74,9% de

1. Haïti compte dix départements : Ouest (aussi appelé Aire métropolitaine), Sud, Sud-est, Nord, Nord-est, Nord-ouest, Artibonite, Centre, Grand’anse. A l’époque, Nippes le dixième département, n’en était pas encore un.

2. Ces informations sont tirées d’un document intitulé « Augmenter les revenus urbains et ruraux pour réduire la pauvreté des ménages ». Ce document est extrait de « Haïti : Investir dans l’humain pour combattre la pauvreté. Éléments de réflexion pour une prise de décision informée, 2014. https://www.humanitarianresponse.info/sites/www.

(24)

ceux qui vivent en milieux ruraux vivent dans l’extrême pauvreté contre 23% de ceux qui résident dans les zones urbaines.3 De ce fait, le milieu de résidence s’avère être un bon indicateur pour me-surer le degré de préférence chez les parents. Pollet et al. (2009) ont trouvé qu’il y a surféminité des naissances au Rwanda chez les femmes pauvres vivant dans les zones rurales, en particulier celles qui sont en union polygyne. Ces femmes estiment que les filles sont potentiellement plus rentables que les garçons. Comme certains chercheurs, Barcellos et al. (2014) se sont concentrés sur les mères résidant dans les zones rurales. Ainsi, l’analyse se focalise sur les ménages ruraux, toutefois, par souci de comparaison, ceux vivant dans les milieux urbains interviennent aussi dans l’analyse.

2.1

Caractéristiques de la famille et de l’enfant

Comme évoqué dans la littérature, le sexe et l’âge de l’enfant peuvent avoir un impact sur la composi-tion de la famille. Ainsi, les statistiques (cf. tableauA.1)4révèlent qu’en Haïti, plus l’enfant est âgé, moins il est susceptible de vivre avec ses deux parents. Ainsi, entre 0 et 2 ans, il y a 62,1 % des enfants qui vivent avec leur père et leur mère contre 39,7% de ceux qui ont entre 10 et 14 ans. Aussi, parmi tous les enfants âgés entre 0 et 15 ans, il y a 14,3% de filles qui ne vivent avec aucun de leurs parents alors que ces derniers sont en vie,5 contre 11% de garçons seulement. Par ailleurs, il y a 21,1% de filles qui ne vivent qu’avec leur mère alors que le père est en vie contre 20,5% de garçons.

Barcellos et al. (2014) ont trouvé que la préférence pour un sexe particulier dans la région urbaine était absente en Inde. Considérant chacune des deux régions séparément, il existe aucune différence statistiquement significative dans la proportion des naissances vivantes entre les deux sexes pour les enfants âgés de 0 à 59 mois en Haïti pour l’année 1994. Cependant, les données de la même année révèlent une différence notable entre la proportion des garçons (53,04%) et celle des filles âgés de 0 à 59 mois en milieux urbains, une différence qui toutefois n’existe pas en milieux ruraux (cf. tableaux

A.2etA.3).6

Dans les deux régions combinées (rurale et urbaine),7 les mères sont en moyenne agées de 35 ans, elles ont leur premier enfant à 20 ans et ont environ 4 enfants (cf. tableauA.4). Aussi, faut-il noter que 61,88% sont catholiques,831,6% sont protestantes et 0,07% se déclarent athées et qu’en moyenne

humanitarianresponse.info/files/assessments/Haiti%20Etude%20de%20pauvrete%202014_%20Resume. pdf » et précise que toutes les données du rapport proviennent de l’Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages Après le Séisme (ECVMAS 2012). Banque Mondiale ; Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale ; Ministère de la Planification et de la Coopération Externe

3. Ibid.

4. Ces statistiques sont tirées directement du rapport de l’enquête ayant été publié en 1995.

5. Les enfants qui ne vivent pas avec leurs parents sont envoyés dans les villes chez des proches pour y demeurer sans pour autant avoir accès à de meilleurs traitements.

6. Le seuil d’acceptation est fixé à 10%.

7. Certes, l’accent est mis sur la région rurale (échantillon restreint), mais les deux régions (échantillon non restreint) sont utilisées pour analyser la robustesse des résultats. De plus, ces statistiques sont très proches de celles de la région rurale (cf. tableauA.4).

8. Parmi les mères interrogées, il n’y a que 0,73% qui se considèrent vaudouisante, c’est-à-dire qu’en dehors du vaudou, elles ne pratiquent aucune autre religion. Toutefois, en Haïti la plupart des gens qui se disent catholiques sont profondément ancrés dans le vaudou. En effet, parmi les 61,9% des mères catholiques, il est probable qu’il y ait une forte proportion qui

(25)

elles n’ont atteint que 1,68 années d’éducation. Enfin, elles ont en moyenne 3,45 enfants qui ont moins de 5 ans. Ces derniers constituent l’échantillon retenu pour l’analyse, car il n’y a que les enfants de cet échantillon qui ont été retenus au moment de l’enquête pour recueillir les informations sur les variables caractéristiques des soins pré et postnataux.

2.2

Caractéristiques des soins pré et postnataux

L’ultrason (source d’avortement sélectif) et l’article 122 du code pénal haïtien interdisant formelle-ment l’avorteformelle-ment dans le pays9peuvent jouer un rôle majeur dans le biais d’avortement sélectif. Les variables permettant de capter ce biais sont celles qui caractérisent les soins prénatals.

Dans la base, les variables retenues comme prédéterminées, avant la naissance des enfants, sans tenir compte de leur âge sont : la taille de la famille, les caractéristiques de la mère et les soins prénatals (Barcellos et al. 2014).10Dans l’ensemble, l’enquête (EMMUS-II, 1994/1995) révèle que les femmes les plus jeunes sont plus enclines à consulter un médecin pour cause de grossesse que leurs aînées. Par ailleurs, contrairement aux mères des régions rurales, celles des régions urbaines sont plus nombreuses à utiliser les soins prénatals disponibles. Le tableau A.2montre que dans les régions rurales aucune des variables caractéristiques des soins pré et postnataux ne présente de différence statistiquement significative entre les deux sexes de 0 à 59 mois. Cependant, dans la région urbaine, il existe une différence statistiquement significative entre les garçons et les filles. En milieu rural, la proportion des garçons est plus élevée quand il s’agit d’effectuer des visites prénatales (53,39%), idem pour le nombre de vaccins contre le tétanos (53,31%), l’allaitement (53,4%) et la probabilité d’être complètement vaccinés (54,09%). Considérant, les deux régions combinées, cet écart existe pour les mêmes variables sauf l’immunization complète. En ne gardant que les enfants de 15 mois au plus, les différences observées ne sont plus statistiquement significatives dans aucune des régions, considérée seule ou ensemble (cf. tableau A.3), sauf que la différence des moyennes pour l’allaitement et la carte de vaccination est significative dans la totalité de l’échantillon (Régions rurale et urbaine).

Selon le rapport sur l’EMMMUS-II (1994/1995), 96% des enfants nés dans les cinq années ayant pré-cédées l’enquête ont été allaités (mais très peu de façon exclusive) et cette pratique est identique quel que soit le sexe de l’enfant. Toutefois, ce sont les mères des régions rurales et celles qui ont un faible niveau d’éducation qui pratiquent le plus fréquemment l’allaitement, soit 98 et 97% respectivement. Cette pratique est moins fréquente si les mères ont accouché dans des établissements sanitaires. Néan-moins, cette dernière catégorie fait en sorte que l’enfant bénéficie le plus tôt possible du colostrum.11

pratique à la fois le vaudou.

9. Cette loi peut ne pas être un outil efficace pour empêcher l’avortement, car si après l’échographie, la mère découvre qu’elle n’est pas enceinte de l’enfant qu’elle désirait, elle peut toujours recourir à d’autres moyens pour perdre l’enfant, par exemple, prendre des pilules ou faire des efforts non recommandés comme soulever des poids lourds ou autres choses semblables. Aussi, faut-il considérer l’avortement clandestin comme une possibilité.

10. Barcellos et al. (2014) ont utilisé les soins prénatals pour mesurer le degré d’importance de l’échographie dans la dis-crimination des mères envers le fœtus. Aussi, Bharadwaj et Lakdawala (2013) ont utilisé les soins anténataux et postnataux pour déterminer si les parents discriminent entre les enfants. Ces variables sont listées dans le chapitre3.

(26)

La durée médiane de l’allaitement est de 17,5 mois en milieu urbain contre 18,4 mois en milieu rural (EMMUS-II 1994).

2.3

Caractéristiques anthropométriques

Le poids et la taille sont les variables de l’enquête qui permettent de mesurer l’état nutritionnel des enfants. Suivant le rapport (EMMUS II, 1994/1995), ce dernier influe sur la probabilité qu’a l’enfant de contracter des maladies et sur son risque de décéder. En effet, il y a 3 265 enfants (nés au cours des 5 dernières années ayant précédé l’enquête) qui devraient être pesés et mesurés, mais vu qu’il y en a qui étaient soit malades, absents au moment de l’enquête ou qui ont tout simplement refusé, 10% d’entre eux ont été exclus des résultats de cette partie de l’enquête. Suite à des erreurs de report ou de mesure particulièrement délicates chez les enfants les plus jeunes, 4% des mesures enregistrées (taille et/ou poids) ont été qualifiés d’improbables. Enfin, moins d’un pour cent de ceux pour qui l’âge en mois est inconnu ou incomplet n’a pas été accepté. Au total, le nombre d’enfants éligibles pour lesquels ces informations sont disponibles s’élève à 2 794.

Le retard de croissance staturale (EMMUS-II, 1994/1995) se définit comme le cas où l’enfant a reçu une alimentation inadéquate et/ou qui a été malade pendant une période relativement longue ou de façon répétée. Dans une telle situation, selon le même rapport, l’enfant peut avoir une taille inférieure à la moyenne de son âge. Ainsi, un enfant de 3 ans souffrant de cette forme de sous-nutrition peut ressembler à un enfant de 2 ans bien nourri, en raison du fait que son poids reste en correspondance avec sa taille réelle, donnant ainsi un indicateur normal du rapport poids-taille. « Puisque cette forme de sous-nutrition n’est pas toujours visible dans la population, le rapport taille-âge est une mesure des effets à long terme de la sous-nutrition et ne varie que très peu en fonction de la saison et de l’époque de la collecte des données » (EMMUS-II, 1994/1995, p.161). En revanche, l’enfant mal nourri peut atteindre soit la sous-nutrition chronique, soit la sous-nutrition sévère si son rapport taille-âge est respectivement de -2 ou -3 écart-types au dessous de la médiane du rapport taille-âge de la population de référence (Griffiths et al. 2002).12

Quant au rapport poids-taille (poids-âge), il mesure l’émaciation (l’insuffisance pondérale). Tout comme le retard de croissance, cette forme de sous-nutrition peut-être causée soit par une sous-alimentation durant la période ayant précédé l’enquête ou des maladies aigües entrainant une perte de poids (diar-rhée sévère, anorexie associée à une maladie, par exemple). Ainsi, l’enfant est maigre et émacié. À l’inverse du rapport taille-âge, il reflète une situation actuelle qui n’est pas nécessairement une situa-tion de longue durée. Il dépend de la période au cours de laquelle les données ont été collectées. Si au cours de la saison, il y a eu une épidémie quelconque, cela peut causer un déséquilibre entre le poids et la taille de l’enfant. Ainsi, un rapport poids-taille (poids-âge) de -2 ou -3 écart-types au dessous de

12. La population de référence est connue sous le nom standard de NCHS/CDC/OMS. Cette référence internationale a été établie à partir de l’observation d’enfants américains de moins de cinq ans en bonne santé et elle est utilisable pour tous les enfants de cet âge dans la mesure où, quel que soit le groupe de population, ils suivent un modèle de croissance similaire (EMMUS-II, 1994/1995).

(27)

la médiane du rapport poids-taille (poids-âge) de la population de référence est qualifiée respective-ment de sous-nutrition aigüe (insuffisance pondérale) ou aigüe sévère (insuffisance pondérale sévère) (Griffiths et al. 2002).

La figureA.1compare l’état nutritionnel des enfants haïtiens en 1994 par rapport aux enfants indiens. À remarquer qu’en Haïti il y a quasiment pas de différence entre les deux sexes ni en termes de retard de croissance ni en terme d’insuffisance pondérale pour les enfants de 0-59 mois. En Inde le rapport taille-âge est le même pour les deux sexes, mais ce n’est pas le cas du rapport poids-âge, les filles semblent être plus lourdes que les garçons. Ceci est vrai même pour les enfants de moins de 2 ans et est cohéherent avec les résultats de Sommerfelt et Arnold (1998)13qui ont trouvé qu’en dessous de 2 ans les filles ont de meilleurs mesures anthropométriques que les garçons dans presque tous les pays en développement.

Somme toute, après exclusion des observations manquantes et valeurs aberrantes pour les mères et en gardant seulement les enfants qui ont entre 0 et 59 mois,14 l’échantillon final compte 2 166, 1 278 et 3 444 enfants (une observation par famille) respectivement pour les régions rurale, urbaine et pour l’ensemble (tableauA.4).

13. Cités par Barcellos et al. (2014)

14. Rappelons que les variables d’intérêt ne sont disponibles que pour les enfants qui ont au plus 5 ans, car ces informa-tions ont été recueillies uniquement sur les mères qui ont eu au moins une naissance vivante au cours des cinq dernières années ayant précédé l’enquête.

(28)

Chapitre 3

Présentation du modèle d’investissement

parental

La stratégie empirique est axée sur différentes méthodes d’estimation : Les Moindres Carrés Ordi-naires (MCO), le logit, le temps de défaillance accélérée (AFT) et le risque porportionnel (PH). Les estimations des modèles AFT et PH sont utilisées pour estimer l’effet du sexe de l’enfant sur la du-rée de l’allaitement en tenant compte du fait qu’il y a des enfants qui ne sont pas encore sevrés au moment de l’enquête, qui sont également mort pendant l’allaitement ou qui n’ont jamais été allaités. D’autres méthodes d’estimations telles que les Variables instrumentales, le modèle binomial négatif et les doubles différences sont utilisées pour estimer respectivement la robustesse des résultats, l’effet du sexe de l’enfant sur les conditions de vie à la maison et sur les mesures anthropométriques.

Pour déterminer si les enfants subissent des traitements différents à la naissance, le modèle estimé est le suivant :

Zim= α0+ α1∗ Gim+ Ximρ + uim,

où Zim est la variable dépendante (Allaitement, Vitamine A ou Vaccinations).1 Gim est une variable

indicatrice prenant la valeur 1 si l’enfant i du ménage m est un garçon et 0 sinon. α1, le paramètre

d’intérêt, n’est pas biaisé si le sexe de l’enfant est exogène conditionnellement à X , c’est-à-dire :

Cov(Gim, uim|X) = 0.

Xim et ρ sont respectivement la matrice des variables de contrôle pertinentes pour l’analyse et le

(29)

vecteur des coefficients.2 Les variables de contrôle3sont celles retenues par Barcellos et al. (2014) dans leur étude : l’âge de la mère,4sa religion,5son niveau d’éducation, son milieu de résidence (rural ou urbain), le lieu d’accouchement (chez soi ou ailleurs), le nombre de frères et sœurs qu’a l’enfant. En Haïti il n’y a que deux (2) groupes ethniques : les noirs et les mulâtres. Ces derniers ne représentent que 5% de la population.6De plus, il y a deux langues officielles dans le pays : le français et le créole, le second est « la langue parlée par la totalité de la population haïtienne » (Bentolila et Gani 1981, p. 187). Pour ce, ni l’ethnie, ni la langue de la mère ne font pas partie des variables de contrôle. Par contre, le statut matrimonial y est inclus, puisque dans la base les mères sont soit mariées, divorcées, veuves ou en couple.7

Stratégie d’identification

Cette partie permet de tester la valadité des hypothèses. Rappelons que ces dernières sont l’absence d’avortement sélectif, c’est à dire les mères ne se font pas avorter l’enfant dont le sexe n’était pas sou-haité, et l’absence d’arrêt qui sous-tend que les mères n’arrêtent pas d’avoir des enfants à la naissance de l’enfant dont le sexe a été désiré. Pour ce, deux stratégies sont adoptées : comparer les résultats du test pour la région rurale uniquement et pour les deux régions combinées (rurale et urbaine). Aussi faut-il noter que toute violation de ces hypothèses risquent de biaiser les résultats des estismations ayant pour but de mesurer l’effet du sexe de l’enfant sur les investissements parentaux (Barcellos et al. 2014).

3.1

Biais d’avortement sélectif et d’arrêt (test 1)

Il est crucial de Rappeler que le ratio naturel ou biologique entre les sexes, c’est-à-dire en l’absence d’avortement sélectif (forme de gynocide), de pertes en vie humaine ou de fémicide, est en moyenne de 1.07 à l’échelle modiale (pour 100 filles qui naissent, il y a 107 nouveaux garçons).8 Le taux de

2. Pour mieux étudier le comportement des parents quant à la façon dont ils manifestent leur préférence, les chercheurs suggèrent de prendre en compte leurs caractéristiques (Glick et Sahn 2000, Baker et Milligan 2013, Guryan et al. 2008, Sayer et al. 2004) et aussi celles de leurs enfants (Bryant et Zick 1996, Price 2008, Baker et Milligan 2013). Par exemple, les travaux de Glick et Sahn (2000) sur les habitants de Conakry, capitale de la Guinée, révèlent qu’améliorer l’éducation des pères peut s’avérer bénéfique à l’instruction de ses enfants mais sera plus favorable à celle des filles alors que l’éducation des mères impacte seulement celle de ses filles.

3. Toutes les variables qui sont applicables à Haïti et à l’étude sont introduites dans les régressions pour prendre en compte la critique de Boco (2014) selon laquelle les variables de contrôle utilisées pour déterminer la façon dont les parents s’investissent dans les enfants sont souvent insuffisantes.

4. Trois niveaux d’âge sont pris en compte : l’âge actuel de la mère, l’âge qu’elle avait au premier mariage et son âge à la naissance de son premier enfant.

5. Une variable appelée "athée" a été créée pour prendre en compte les mères qui disent qu’elles n’ont pas de religion. Notons aussi qu’en Haïti, les deux principales "religions" sont le catholicisme et le protestantisme.

6. bibliomonde (http://www.bibliomonde.com/donnee/haiti-population-286.html).

7. Les femmes mariées représentent 28,87%, celles qui sont divorcées 0,26%, celles qui sont en couple s’élèvent à 46,12% et les veuves 3,77%. La variable binaire désignant le statut matrimonial de la mère est construite en regroupant celles qui sont mariées ou en couple (mariée=1) d’une part, les veuves et les divorcées (mariée=0) d’autre part. Barcellos et al. (2014) n’ont pas introduit le statut matrimonial dans les caractéristiques de la mère parce que celles qui sont présentes dans leur échantillon final sont toutes mariées.

(30)

masculinité à la naissance permet de déduire s’il y a avortement selectif (Almond et al. 2013, Anukriti et al. 2015). Par exemple, si l’écart est important, ceci sous-entend qu’il y a mortalité excessive de l’un des deux sexes, ce qui, évidemment, peut biaiser les résultats (Barcellos et al. 2014). De ce fait, comparer le rapport des sexes à la naissance à la répartition par sexe parmi les plus jeunes permet de déterminer s’il y a avortement sélectif et de déduire également jusqu’à quelle catégorie d’âge le biais d’arrêt peut être considéré comme un souci. Ce test est réalisé en régressant le sexe de l’enfant (1 pour désigner que l’enfant est un garçon et 0 sinon) sur son âge en semestre (0 à 9 semestres). Il permet d’identifier d’une part si l’écart entre les proportions à la naissance est négligeable et s’il ne varie pas considérablement parmi les plus âgés d’autre part. Si tel est le cas, il est possible d’inférer qu’il y a potentiellement absence d’avortement selectif et absence d’arrêt. Notons aussi que Barcellos et al. (2014) avancent que la probabilité qu’un nouveau-né soit de sexe masculin est une fonction croissante de l’âge du plus jeune. De ce fait, s’il y a préférence pour les garçons, à un âge donné (4 ou 5 ans par exemple) la proportion des garçons doit largement dépasser celle des filles. En l’occurence, le biais d’arrêt n’est pas négligeable. Par ailleurs, les filles vont finir dans des familles nombreuses ; et si le plus jeune de la famille est un garçon, il est susceptible d’avoir plus de sœurs. D’où l’intérêt de mettre l’accent sur les plus jeunes.

3.1.1 1994

La figureB.1montre qu’en 1992 le rapport de masculinité en Inde était de 50% environ à la naissance, alors qu’ à 9 semestre il y a plus de 55% de chance que le plus jeune soit un garçon (l’écart est très significatif statistiquement). Se basant sur ces résultats, Barcelos et al. (2014) ont déduit que les parents indiens pratiquent la règle d’arrêt. Remarquons que sur la même figure, en 1994, dans les régions rurales, à 0 semestre le pourcentage des garçons est estimé à 49,12% parmi tous les enfants et tous les plus jeunes en Haïti. Cette différence entre les garçons et les filles n’est pas statistiquement significative. Ceci équivaut à un ratio 1 : 1, c’est-à-dire il est possible qu’il n’y ait pas d’avortement selectif dans les régions rurales. Entre 1 et 4 semestres inclusivement la proportion des garçons vacille autour de 53%. À partir de 5 semestres il devient difficile de déduire. Parmi ceux qui ont 6 et 7 semestres, le pourcentage des garçons est respectivement de 40 et de 51%. Il s’avère nécessaire de signaler que ces derniers résultats peuvent être dûs à un bruit dans les données que les informations disponibles ne permettent pas d’expliquer. À 9 semestres, il y a une différence significative dans le rapport des sexes (60,53% de garçons) et vu l’écart entre cette proportion et celle estimée à la naissance, ceci laisse croire que le biais d’arrêt est potentiellement présent. Cependant, cette inférence n’est pas tout à fait crédible car cette catégorie ne compte que 38 observations. En n’imposant aucune restriction sur l’échantillon, c’est-à-dire en gardant tous les ménages (ruraux et urbains), le rapport des sexes à 0 semestre est de 50% (cf. figureB.2). Il y a 55,05 % de garçons parmi les plus jeunes enfants en vie qui ont 8 semestres, une différence qui n’est pas significative statistiquement.

(31)

3.1.2 2000 et 2005

La figureB.1indique aussi qu’en 2000 dans les régions rurales le rapport de masculinité parmi les plus jeunes à la naissance est de 53,9%. L’écart de sexe dans cette catégorie est statistiquement significatif. Il est alors possible de soupconner la présence d’avortement selectif. Parmi ceux qui ont 9 semestres, la proportion des garçons est de 48.71%. Cette différence n’est pas significative. Étant donné les deux régions, 52,62% des enfants qui ont 0 semestre sont des garçons et ces derniers representent 48,9% parmi ceux qui en ont 9 (cf. figure B.2). Ces deux différences ne sont pas significatives ; en conséquences, ces résultats ne sont pas concluants.

En 2005 (cf. figure B.1), l’interprétation s’avère difficile, mais notons que dans la région rurale, le rapport à la naissance parmi les plus jeunes est de 51,13%. Compte tenu de ceux qui ont 4 semestres il n’y a que 46% de garçons. La proportion tourne autour de 56% parmi ceux qui ont entre 8 et 10 semestres. Les différences observées ne sont pas significatives, exception faite de ceux qui ont 4 semestres ou l’écart est très significatif. Dans les deux régions combinées, les proportions des garçons qui ont respectivement 0, 5 et 9 semestres sont de 51,6% ; 43,6% et 47,4% (cf. figure B.2 ). Les moyennes ne sont pas statistiquement différentes de 50% pour les 0 et 9 semestres mais elles le sont pour ceux qui en ont 4. Ainsi, il est probable que l’avortement selectif ne soit pas un souci dans les deux régions combinées, mais pour ce qui a trait au biais d’arrêt, le test n’est pas concluant.

Globalement, l’irrégularité dans les données fait qu’il est difficile de déduire avec certitude qu’il y a absence ou présence d’arrêt d’avoir des enfants suite à la naissance de l’enfant dont le sexe était souhaitable. Cependant, certaines années évoquent la présence d’avortement selectif dans les régions rurales. Le test qui suit sert à confirmer ou infirmer l’existence de ce biais.

3.2

Biais d’avortement sélectif et d’arrêt (test 2)

Les figuresB.3etB.4présentent une autre manière de tester s’il y a présence ou absence d’avortement sélectif et d’arrêt. Elles sont réalisées en effectuant un test joint qui comprend tous les plus jeunes enfants, qu’ils soient encore en vie ou non et un autre qui exclue tous ceux qui sont morts. Ceci permet de constater s’il existe une différence entre les résultats observées pour les deux groupes. Ce test détermine si les garçons et les filles vivent dans des familles dont les caractéristiques révèlent des préférences identiques. Il permet de déduire si les caractéristiques de la famille (nombre de frères et sœurs), de la mère (âge, religion, niveau d’étude, statut matrimonial) et le mois de naissance de l’enfant prédisent le sexe de ce dernier. L’hypothèse fondamentale est que le sexe de l’enfant est aléatoire à la naissance, par extension la probabilité qu’un garçon soit né est la même pour toutes les familles haïtiennes. La conclusion sur la validité de cette hypothèse est tirée à partir de deux statistiques de Fischer : une pour tous les enfants les plus jeunes y compris ceux qui sont morts et une autre les excluant. L’hypothèse alternative stipule que le sexe n’est pas aléatoire à la naissance et le seuil d’acceptation est fixé à 10%.

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