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Discrimination au niveau de l’anthropométrie

Estimations et Résultats

4.4 Discrimination au niveau de l’anthropométrie

Pour évaluer l’état nutritionnel des enfants, certains indicateurs anthropométriques ont été calculés en prenant en compte l’âge de l’enfant, sa taille et son poids. Ces derniers ont été mesurés et enregistrés au moment de l’enquête. Ils permettent de calculer les deux indicateurs suivants : les Z-scores4 de l’insuffisance pondérale (rapport poids-âge) et du retard de croissance (rapport taille-âge).5Angris et Evans (1998) ont trouvé que dans certains états de l’Inde il existe une discrimination allant à l’en- contre des filles en matière de statut nutritionel. Pour déterminer l’effet du sexe de l’enfant sur les mesures anthropométriques en Haïti, l’Inde est considéré comme pays de référence. Ce choix permet indirectement de comparer Haïti avec 54 pays en développement. Car, pour déterminer l’effet du sexe de l’enfant sur les mesures anthropométriques en l’absence de traitement discriminatoire, Barcellos et al. (2014) ont construit un groupe de comparaison en recourant à 141 enquêtes différentes ayant été réalisées sur une période de 23 ans (1986 - 2009) dans 54 pays en développement. Pour cette partie de l’analyse, après y avoir imposé des restrictions, l’échantillon compte 11 234 observations, les deux pays confondus.

3. Cette valeur est calculée en prenant l’exponentiel de la valeur du coefficient AFT et en y retranchant 1.

4. Le z-score désigne le nombre d’écart-types par rapport à la moyenne (ou la médiane) de la population de référence. 5. Rappelons qu’un enfant souffre d’un retard de croissance et d’une insuffisance pondérale si les z-scores des rapports poids-âge et taille-âge calculés sont de deux écart-types par rapport à la médiane de ceux de la population de référence (Barcellos et al. 2014, Griffiths et al. 2002, EMMUS II 1994/1995).

D’abord, à l’instar de Barcellos et al. (2014), le retard de croissance et l’insuffisance pondérale pour les enfants haïtiens et indiens selon l’âge en mois et le sexe sont présentés sur différents graphiques. Selon les mêmes chercheurs, les mesures anthropométriques connaissent certaines limites parce qu’elles nécessitent une certaine normalisation. De plus, elles constituent le résultat de l’investissement et non l’investissement en soi ; de ce fait, les parents ne les contrôlent pas parfaitement (Thomas 1990, Moestue 2009).6Comme mentionné dans les paragraphes précédents, en sus des investissements, il y a d’autres facteurs qui influencent la croissance tels que la fréquence des maladies et les énergies dépensées qui peuvent être différentes d’un sexe à l’autre pour des raisons biologiques ou externes (Barcellos et al. 2014, Griffiths et al. 2002).

Dans leur analyse, Barcellos et al. (2014) ont estimé l’effet du sexe de l’enfant sur les mesures an- thropométriques, et ont trouvé que l’écart entre les sexes en Inde est de 10% plus élevé que dans les pays sous développés. Cette partie de l’analyse compare l’écart entre Haïti et l’Inde. Rappelons que sur la figure D.1, le Z-score (présent dans le DHS et estimé par l’ OMS) est une valeur normalisée calculée en soustrayant la hauteur (le poids) de l’enfant d’un âge et d’un sexe donné de la hauteur (du poids) médiane de la population de référence (les enfants ayant grandi aux États-Unis dans les années 70 ou dans certains pays où la population est relativement bien nourrie) et en divisant par l’écart- type de cette dernière (EMMUS II, 1994/1995). Ladite figure montre que les enfants des deux pays ont des mesures anthropométriques comparables. Notons, que dans leur étude, Barcellos et al. (2014) ont trouvé que dans les autres pays les filles sont meilleures que les garçons en terme de mesures anthropométriques, alors qu’en Inde celles-ci sont comparables pour les deux sexes.

Suite à ces résultats, la méthode utilisée pour estimer l’impact du sexe de l’enfant sur les mesures anthropométriques est l’EDD (Écart dans les Différences) ou la méthode des Doubles Différences (voir Villa 2012). Le modèle estimé est le suivant :

yi= β0+ β1Gi+ β2Hi+ β3(G ∗ H)i+ ei,

où l’indice i represente l’individu i, H (Haïti) est une variable dichotomique qui prend les valeurs 1 si l’enfant est haïtien et 0 s’il est indien et G (Garçon) est aussi une variable binaire (1 si garçon et 0 sinon). Étant donné que les années d’enquête sont différentes pour chacun des pays, cette méthode permet de prendre en compte le fait qu’avec le temps le terme d’erreur peut être corrélé avec les groupes (Haïti et Inde).

Le tableauD.1(colonnes 1 et 2 ) montre que la différence de taille entre les enfants de sexe différent est plus élevée en Haïti qu’en Inde, et ce avec (Panel A) ou sans (Panel B) les variables de contrôle. Barcellos et al. (2014) ont trouvé que cet écart est plus grand pour l’Inde comparé aux autres pays en développement. A priori, il est tentant d’affirmer que ces résultats vont à l’encontre de ceux de Barcellos et al. (2014), ce qui n’est pas forcément le cas, puisque ces auteurs tirent leur conclusion d’un ensemble de pays dont Haïti fait partie.

Considérant les autres coefficients (Garçon et Haïti), les garçons sont en moyenne plus grands que les filles. Par contre, en général, les haïtiens sont plus grand que les indiens. Ceci corrobore les résultats de Barcellos et al. (2014) selon lesquels les enfants indiens sont plus courts que ceux des autres pays en développement. Tenant compte de la taille moyenne observée dans le DHS du pays, l’écart est environ 11% plus élevé en Haïti (0,16/1,365). A l’inverse, en tenant compte du poids de l’enfant, la différence observée entre les sexes est de 21% (-0,099/0,459) plus faible en Haïti qu’en Inde (colonnes 5 et 6). Néanmoins, les haïtiens sont en moyenne plus lourds que les indiens. Notons que les résultats restent significatifs avec (Panel A) et sans (Panel B) les variables de contrôle.

En régressant le Z-scores du DHS (colonnes 3 et 7) sur la variable d’interaction entre Haïti et le sexe de l’enfant, le coefficient de la variable d’interaction est positif pour la taille et négatif pour le poids en présence ou en absence des variables de contrôle. Cependant, les coefficients du paramètre d’intérêt (Garçon=1) sont négatifs, ceci sous-entend que les filles auraient un avantage sur les garçons lorsque ce sont les z-scores normalisés qui sont pris en compte dans les estimations. Ces résultats sont quasi-similaires à ceux de Barcellos et al. (2014) sur l’Inde sauf que le coefficient de la variable d’interaction est positif pour la taille et le poids et celui de la variable garçon=1 est négatif pour les deux. Toutefois, les z-scores du coefficient de la variable Haïti sont tous positifs. Notons également que même en considérant les z-scores, en moyenne les enfants haïtiens sont plus grands et plus lourds que les enfants indiens. De ce fait, si l’écart de poids est plus faible en Haïti, cela implique que les garçons ne sont pas forcément plus lourds que les filles, quoique qu’ils soient plus grand en terme de taille. Conséquemment, il n’est pas possible de déduire que les garçons sont mieux avantagés que les filles en matière de soins nutritifs.

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