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Qu'est ce que l'herméneutique diagnostique ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02084678

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02084678

Preprint submitted on 29 Mar 2019

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Qu’est ce que l’herméneutique diagnostique ?

Christophe Gauld

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Qu’est ce que l’herméneutique diagnostique ?

Christophe Gauld

MD

RÉSUMÉ

Quine (1969) écrivait combier l’histoire de l’épistémologie était empreinte d’un lent processus de naturali-sation. Les théories de la connaissance de la métaphysique classique se basaient sur la nécessité d’un dépouillement des préjugés, de manière à approcher l’être. Dans le cas du sujet de soin, cette approche aurait par exemple tenté de mettre en avant l’être de raison dissimulé sous l’enveloppe sociale de la maladie. Nous avons choisi de nous extraire de ce mouvement, qui ne peut composer avec la double dimension portée par le malade : celui-ci supporte dans le même temps une entité naturalisée par la présence médicale et le regard porté sur son trouble, et son identité normative, revendiquée face au soignant qui ne peut mettre en exergue son regard éthique. Il pourrait être abordé via le développement de la pensée herméneutique d’Heidegger et de Gadamer.

MOTS-CLÉS : herméneutique ; Quine ; individuation ; autisme ; causalité ; narration.

Introduction

L’herméneutique philosophique propose de con-cevoir le monde (et donc les êtres qui y vivent) comme étant « déjà donnés ». L’être humain tiendrait un rôle d’interprète de ce donné. En médecine, le soignant serait l’interprète et le pa-tient le sujet d’étude herméneutique. Par exem-ple, les bases neurocognitives convoquées par la médecine étiologique constitueraient le so-cle sur lequel le clinicien « formerait » l’entité nosologique qu’il décèle chez son patient. Le praticien aurait donc un objectif de traduction du sujet en langage médical. Cette traduction, basée sur la diligence des connaissances

sci-doi: 10.1534/.XXX.XXXXXX

Manuscript compiled: Friday 29thMarch, 2019

entifiques, donnerait à cet être particulier une matière, une raison, et un sens médical. En ré-sumé, du fait même de la connaissance natu-ralisée, il permettrait l’émergence d’un sujet de soin. Dans un tel processus herméneutique, un « passage » par la science médicale serait

néces-saire pour comprendre la nature du sujet de-venant patient. Autrement dit, l’herméneutique médicale permettrait de faire accéder le sujet en souffrance au statut social de patient. Mais il est possible d’aller plus loin dans cette idée. Cette vision de l’approche médicale ressemble à la lecture d’un livre : le texte ne peut être com-pris par le lecteur uniquement parce que celui-ci y reporte son bagage culturel, ses expériences et ses horizons. Nous pouvons donc affirmer que le sujet souffrant, perçu à travers le filtre des praticiens, est individué par leurs propres perspectives. Ces dernières peuvent entrer en

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confrontation, ou faire naitre des analogies, avec les perspectives intimes du sujet de soin (qui pos-sèdent nécessairement d’autres « filtres » pour analyser sa propre position). Dans le cadre pos-itiviste de la médecine contemporaine, c’est la création (au sens de la Gestalt) de ce sujet qui permettra l’adaptation de sa prise en charge. Le filtre du soignant, véritable « interprète » basé sur la science actuelle, donnera une raison d’être à la souffrance du patient.

Ouverture sur une épistémologie

évo-lutionniste

Dans le monde médical, l’épistémologie passe du statut figé de science du savoir à une posi-tion qui fluctue au gré de l’évoluposi-tion biologique et des connaissances cognitives. En effet, les signes cliniques que le sujet exprime remet-tent sans cesse en cause la structure scien-tifique. La connaissance est elle-même soumise à l’environnement. Dans la science médicale, la recherche n’est pas seulement inductiviste : elle n’est pas le résultat d’énoncés d’observations

tirés d’hypothèses empiriques. En somme,

elle ne dépend pas d’une démarche basée sur un processus « observations hypothèses -expériences ». Ces considérations rejoignent l’idée qu’une conjugaison entre théorie scien-tifique et réflexion épistémologique est néces-saire. Autrement dit, il semble possible de diag-nostiquer (scientifiquement) un individu tout en critiquant, dans le même temps, le dogmatisme de cette assignation. Pour ce faire, le « filtre » personnel du soignant va interagir, au fil des entretiens, pour accorder et rendre plus souple le cadre scientifique. Le soignant adaptera alors ses accessoires diagnostiques. Cette caractéri-sation psychopathologique oblige à rester agile. Elle demande à ce que la catégorisation scien-tifique devienne une réflexion épistémologique qui, rapidement, devra devenir éthique.

L’individuation du sujet

Si nous voulons comprendre au mieux la place et le vécu du patient dans ce décor clinique, qui le « construit » en tant que patient, nous

pouvons nous référer au phénomène de « trans-duction » élaboré par Simondon. La transduc-tion est, pour Simondon, une activité qui « se propage de proche en proche à l’intérieur d’un domaine, [et] chaque région de structure consti-tuée sert à la région suivante de principe de con-stitution » (Simondon, 1964). Il donne l’exemple du cristal qui grossit progressivement dans son eau-mère, germant par couches moléculaires successives. La « production du patient » se con-struit de la même manière que ce gemme. Selon Simondon, cette progression évacue la vision substantielle de l’être : il est dynamique, jamais figé. L’idée est simple : le sujet, considéré avec ses potentialités de changement et de transmu-tation, n’est pas une structure figée. Un champ de contingences s’étire à l’infini, tant pronos-tic qu’existentiel. Simondon explique bien com-ment l’appropriation lente de la nosologie ne peut être une simple apposition : cette appro-priation fait le patient, à l’image du cristal de soufre qui, devenant métastable à de hautes températures, changerait de propriété. Ce qui se construit chez le sujet du soin, ce n’est pas uniquement une superposition d’attributs diag-nostics et prodiag-nostics mais une réalité consistante, une autre manière d’être. Comme en thermody-namique, le sujet devenant patient est considéré comme un élément susceptible de changer d’état. Ce sujet n’est donc pas une substance inerte mais est constitué de relations. Dans cette conception du patient en tant qu’être de relations, dont il faut explorer la structure, nous retrouvons en psychopathologie les éléments qui permettent d’expliquer sa souffrance. Pour mieux compren-dre cette dynamique de relations, prenons exem-ple sur le végétal. Celui-ci pourrait se définir par l’institution de relations entre l’ordre cosmique de la lumière (qu’il reçoit pour la photosynthèse) et l’ordre infra-moléculaire des sels minéraux. Ce végétal est donc le « noeud » reliant les élé-ments (Simondon, 1964). Il établit une communi-cation entre eux. En vérité, ce végétal est défini de manière relative à son milieu. Cette position résonne avec celle du patient, lorsque le sujet livre son altérité et ses nuances par le biais du milieu de soin. Ce dernier lui donne une

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nou-velle consistance. Il lui apporte une nounou-velle manière de s’expliquer lui-même.

Causalité, subjectivité et logique

Nous allons interroger l’intrication de la clin-ique avec la théorie, ainsi que la place du sujet dans la constellation rigoureuse de la science. En général, le diagnostic positif s’assortit volon-tiers d’un diagnostic étiologique. Ce dernier consiste à expliquer pourquoi, par exemple, la personne est ictérique (son foie ne fonc-tionne plus), ou pourquoi elle présente des douleurs à l’épaule (elle a par exemple des mi-crocristaux dans l’articulation), ou pourquoi elle s’essouffle rapidement (en raison d’une mau-vaise fraction d’éjection systolique cardiaque). Cette approche consiste aussi, encore plus en aval, à comprendre les causes sous-jacentes de ces dysfonctionnements hépatiques, rhu-matismaux, ou cardiaques. Ces imputations causales s’enchevêtrent de manière complexe. Depuis Aristote, l’induction, la déduction, ou l’analogie ont été les instruments (organon) per-mettant d’établir la causalité. Mais cette logique multicausale est soumise à l’expérience et à la sensibilité du soignant. La notion d’arbitraire ne peut être exclue du raisonnement. Le clinicien repère un signe typique chez le patient. Il met alors en avant une perception (celle-ci, comme nous l’avons dit, est soumise à l’épreuve scien-tifique, mais aussi au « filtre » personnel et in-dividuateur du clinicien). Clarke, en 1738, aura bien compris cette distinction : on ne fait que signaler deux choses dépendantes, deux con-tingences modales. Pearl propose comme ex-emple la proposition « Le jour cause la nuit », avec laquelle nous ne sommes pas vraiment « satisfaits » de la causalité. L’association is-sue de la simple observation semble malencon-treuse. C’est peut être Mill (1843) qui avancera la réponse : la causalité ne peut être mise en évidence qu’à travers une expérimentation. Il faut donc une situation particulière qui permette de faire se confronter un sujet de soin avec des critères typiques de la nosologie. Mill a rendu possible l’opérationnalisation de la causalité à travers le développement du contexte

expéri-mental.

En conclusion : des jugements et des

tâtonnements

Fagot-Largeault propose une illustration intéres-sante des procédés qui nous permettent d’établir une relation de causalité (Fagot-Largeault, 2001). L’assignation causale, affirme-t-elle, peut être question de raisonnement ou de perception ; mais elle peut être également le résultat d’un jugement de causalité. Le « flair » clinique, dont on s’est longuement méfié au fil des dernières années dans les milieux scientifiques, ne peut être totalement exclu. Par exemple, dans le milieu de la psychopathologie, on peut saisir combien ce jugement est important. Les élé-ments normatifs sont présents au quotidien, malgré la présence de grilles d’évaluation ou d’échelles de psychométrie. Le « tâtonnement » reste nécessaire. Les cliniciens avancent sur le terrain de l’approximation et de l’incertitude. Si les algorithmes permettant un raisonnement systématique, cette logique isolée de la pra-tique est plus délétère qu’elle ne soulage la per-sonne en souffrance. La mesure de la proba-bilité de causalité, permettant l’extrapolation globale de ces constatations dans la population générale, ne peut se réduire à une mesure ob-jective. Fagot-Largeault propose une thèse qui nous semble applicable à ce qui se dévoile dans la clinique. L’assignation causale dépendrait de deux temps successifs. On « raconte » dans un premier temps une histoire étiologique. Le sujet est soumis à une observation, différents phénomènes interpellent les soignants, des in-dices et des témoignages confrontés ensemble permettent la mise en récit. Il y a donc une sélection pertinente d’informations, qui dépend, comme nous l’avons dit, de la finesse et de l’acuité autoptique du praticien. Dans un sec-ond temps, on conclut à la causalité. On observe des liens épurés, déjà disséqués dans l’approche

précédente. Le jugement des liens causaux

est donc obtenu par un « faisceau composite de preuves fragmentaires » (Fagot-Largeault, 2001). C’est au praticien d’en apprécier la valeur.

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L’évaluation causale, qui permet de déterminer de quelles catégories nosologiques relève le pa-tient, met en jeu des paramètres observation-nels, des inférences, et des appréciations norma-tives. Il est satisfaisant de noter que cette par-tialité introduite par le soignant est loin d’être capricieuse : elle est collective, raisonnée, et pru-dente. Elle permet également de retrouver la réalité quotidienne, qui autorise l’instauration d’une sensibilité généreuse et compatissante dans la pratique scientifique.

RÉFÉRENCES Articles

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https://philosciences.com/philosophie- et-psychopathologie/psychopathologie- psychiatrie-psychanalyse/134-psychanalyse-scientifique (page consultée le 03/06/2018)

Références

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