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Les difficultés psychologiques dans le contexte d'une agression sexuelle à l'enfance : une étude longitudinale

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Academic year: 2021

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Les difficultés psychologiques dans le contexte d'une

agression sexuelle à l'enfance : une étude longitudinale

Mémoire doctoral

Marie-Claude Parent

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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Les difficultés psychologiques dans le contexte d’une agression sexuelle à

l’enfance : une étude longitudinale

Mémoire doctoral

Marie-Claude Parent

Sous la direction de :

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Résumé

L’agression sexuelle à l’enfance (ASE) est une problématique de plus en plus étudiée et constitue un problème social d’envergure. Cette étude se penche sur les conséquences de l’ASE et l’effet du temps face à la dépression, la dissociation, les comportements sexualisés et les comportements internalisés et externalisés. Les enfants (166 victimes d’ASE, 204 non-victimes) ont été évalués par le Child Dissociative Checklist, le Child Sexual Behavior Inventory, le Child Depression Inventory, et le Child Behavior Checklist – Parent Report. Une MANOVA 2 X 2 à plan factoriel a confirmé que les enfants victimes d’une agression sexuelle à l’enfance présentent davantage de comportements sexualisés, de dissociation, de dépression et de comportements internalisés et externalisés que ceux du groupe contrôle. Une ANOVA à mesures répétées a permis de comparer trois groupes d’enfants (asymptomatique, transitoire et persistant). L’analyse révèle un effet d’interaction significatif entre le temps et les trajectoires pour les comportements sexualisés et la dissociation. Notamment, à l’étude des trajectoires, le groupe transitoire et celui persistant en ce qui a trait aux comportements sexualisés présentent une diminution significative avec le passage du temps. Il y a également cette diminution de symptômes dissociatifs à travers le temps dans le groupe transitoire. Malgré l’absence d’effet d’interaction avec le temps, les comportements externalisés diminuent significativement dans chacune des trajectoires. Ces résultats devraient être répliqués en incluant différentes variables modératrices autre que le temps afin d’étudier l’influence qu’elles peuvent avoir sur l’évolution des difficultés psychologiques à la suite d’une ASE.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des tableaux ... iv

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... v

Remerciements ... vi

Introduction ... 1

Définition de l’agression sexuelle à l’enfance ... 2

Chapitre 1 : recensions des écrits ... 3

Conséquences de l’agression sexuelle à l’enfance ... 3

Trajectoires longitudinales des séquelles d’une ASE ... 10

Différentes limites des recherches actuelles ... 10

Objectifs et hypothèses... 13

Chapitre 2 : Méthode ... 14

Procédure ... 14

Participants ... 14

Matériel ... 15

Chapitre 3 : Analyses statistiques ... 17

Chapitre 4 : Résultats ... 19

Analyses descriptives et multivariées ... 19

Analyses de trajectoires ... 21

Chapitre 5 : Discussion ... 26

Conclusion ... 32

Forces et limites de l’étude ... 32

Retombées au plan clinique ... 33

Recherches futures ... 34

Bibliographie ... 36

Annexe A : Informations sociodémographiques... 43

Annexe B : Child Dissociative Checklist ... 45

Annexe C : Child Sexual Behavior Inventory ... 48

Annexe D : Child Depression Inventory ... 49

Annexe E : Child Behavior Checklist – Parent Report ... 50

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Liste des tableaux

Tableau 1. Description par genre et classification d’ASE et comparaison entre les enfants ayant vécus une ASE et ceux du groupe contrôle (absence d’ASE) sur les comportements sexualisés, internalisé, externalisés, la dissociation et la dépression …….………19 Tableau 2. Pourcentage d’enfants ayant atteints ou non le niveau cliniquement significatif des difficultés psychologiques présentées selon leur classification d’ASE………..20 Tableau 3. Prévalence des difficultés psychologiques chez les enfants victimes d’ASE dans les groupes asymptomatique, transitoire et persistant………..21 Tableau 4. Statistiques descriptives des transitions entre les deux temps d’évaluation pour chacun des trois groupes………….………23

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

ASE……….…Agression sexuelle à l’enfance ANOVA………..………Analyse de variance CBCL……….….Child Behavior Checklist CDC………...………Child Dissociative Checklist CDI………...……… Children Depression Inventory CÉRUL………..Comité d’éthique à la recherche de l’Université Laval CSBI……….……….Child Sexual Behavior Inventory MANOVA………..……….Analyse de variance multivariée

n 2………..……….Éta-carré partiel

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Remerciements

Il est difficile pour moi de croire que je suis à l’étape de rédiger mes remerciements, alors qu’il n’y a pas si longtemps dans mes pensées, je venais tout juste de recevoir mon acceptation au doctorat! Les années ont découlé à une vitesse phénoménale, mais je me sens grandit et heureuse de ce parcours doctoral.

Tout d’abord, je tiens à remercier Karin Ensink, ma directrice de recherche, qui a su me guider lorsqu’il en était nécessaire, qui m’a laissé la liberté de choisir l’orientation de mon étude et qui m’a poussé à développer mon autonomie en tant que future professionnelle. Nous avons vécu de difficiles épreuves l’année dernière chacune notre côté et je te remercie grandement pour ton écoute, ton empathie et ta présence dans ces moments difficiles.

Merci à Monsieur Stéphane Sabourin d’avoir siégé sur mon comité et d’avoir contribué à pousser mes réflexions par vos commentaires lors des séminaires.

Un merci spécial à Hélène Paradis, statisticienne au GRIP qui m’a grandement guidé dans mes analyses statistiques, à faire du sens avec ces milliers de chiffres, à répondre à mes questions et à m’aider à rédiger mes résultats. Sans elle, je serais probablement encore en train de me casser la tête à comprendre toutes ces analyses.

Merci à la vie de m’avoir permis de rencontrer des amies extraordinaires au cours de ces années. Sans vous, mon parcours aurait été beaucoup moins joyeux. Merci pour les fous rires, les sorties et les discussions autant superficielles que profondes.

Un énorme merci à mes parents de m’avoir soutenu dans ces multiples années d’étude. Je sais que je vous en fais voir toutes les couleurs avec ce parcours universitaire avec mes émotions en montagne russe. Vous avez toujours su trouver les mots pour m’aider, sans jamais me mettre de pression, afin que je me sente encouragée. Jamais je n’aurais pu demander mieux. Merci pour votre amour inconditionnel!

Finalement, un merci spécial à mon amoureux qui m’a accompagné durant les étapes les plus importantes de mon parcours doctoral. Merci de m’avoir fait rire, de m’avoir écouté et de m’avoir calmé lorsque mon cerveau fonctionnait à double tour. Merci pour ta présence, pour avoir toujours cru en moi et d’embarquer dans mes projets ou mes plans sans trop penser! Merci d’être la personne exceptionnelle que tu es.

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Introduction

L’agression sexuelle chez les enfants (ASE) constitue un problème social d’envergure dans nos sociétés. Il s’agit d’un phénomène international qui touche les filles et les garçons et qui peut survenir à tous âges dans la vie d’une personne (Pereda, Guilera, Forns, & Gomez-Benito, 2009a). En 2007, cette problématique touchait cinq fois plus les enfants que les adultes selon le Gouvernement du Québec (Gouvernement du Québec, 2008). En effet, quelques méta-analyses d’ampleurs ont été effectuées récemment. D’abord, au plan international, Pereda et ses collaborateurs (2009a) ont fait une étude épidémiologique regroupant la prévalence des enfants abusés sexuellement de 38 études incluant 21 pays. Ils ont conclu qu’à travers les années, la distribution des taux d’abus demeure similaire variant respectivement de 0 à 53% pour les femmes et 0 à 60% pour les hommes. De plus, un taux global de prévalence de 11,8% (18% des femmes et 7,6% des hommes) est démontré par la combinaison de plus de 200 études à l’âge de 18 ans (Stoltenborgh, van Ijzendoorn, Euser, & Bakermans-Kranenburg, 2011). Une autre méta-analyse internationale a montré que la prévalence moyenne dans 22 pays chez les hommes est de 7,9% et de 19,7% chez les femmes (Pereda, Guilera, Forns, & Gomez-Benito, 2009b). Au plan provincial, Hébert, Tourigny, Cyr, McDuff et Joly (2009) démontrent que la prévalence globale au Québec est de 22,1% pour les femmes et de 9,7% pour les hommes. Le maintien des taux de prévalence au cours des années est d’autant plus alarmant considérant les conséquences diverses que peut entraîner l’abus sexuel chez l’enfant. Le dévoilement est également susceptible d’affecter la prévalence au fait que ce ne sont pas toutes les victimes qui dévoilent avoir vécu un trauma sexuel dans leur enfance et certaines d’entre elles peuvent prendre plusieurs années avant leur dévoilement (Hébert et al., 2009). De plus, la période de dévoilement chez les victimes de sexe masculin semble plus longue que chez les femmes, ce qui pourrait possiblement expliquer le taux de prévalence plus faible chez eux (O’Leary & Barber, 2008). Malgré la quantité d’articles concernant la prévalence, il est possible d’observer que le taux fluctue entre plusieurs études particulièrement en raison de la définition de l’abus sexuel qui est susceptible de ne pas être constante à travers les études (Collin-Vézina, Daigneault, & Hébert, 2013).

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Définition de l’agression sexuelle à l’enfance

Le Gouvernement du Québec (2016) définit l’agression sexuelle comme étant « un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou, dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par chantage. Il s’agit d’un acte visant à assujettir une autre personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite. Une agression sexuelle porte atteinte aux droits fondamentaux, notamment à l’intégrité physique et psychologique et à la sécurité de la personne. » Cette définition permet d’inclure tous les âges des victimes. Pour préciser qu’est-ce qu’une agression sexuelle à l’enfance, l’article 150.1 du Code Criminel du Canada permet de se positionner concernant les âges de consentement. Il est important de connaître que l’âge légal de consentement est de 16 ans. Un enfant de moins de 12 ans ne peut consentir à tout acte sexuel. Lorsque l’enfant est âgé entre 12 et 13 ans, il peut consentir si le partenaire est de moins de deux ans son aîné. Pour consentir à une relation sexuelle, les adolescents de 14 et 15 ans en ont la possibilité si le partenaire est de moins de cinq ans leur aîné. Il est également important de préciser que le partenaire ne doit pas être une figure d’autorité ou encore, en position de confiance pour que le consentement soit légal au sens de la loi. À présent, il n’existe pas de définition unanime pour l’agression sexuelle chez l’enfant. Dans la littérature, la variation dans la définition entraîne une certaine inconstance dans les taux de prévalence et dans la manière d’évaluer la présence ou non d’une agression sexuelle (Collin-Vézina et al., 2013 ; Murray, Nguyen, & Cohen, 2014). La définition de l’abus sexuel peut également être susceptible d’influencer la présentation des symptômes dans les populations étudiées (Yancey, Naufel, & Hansen, 2013). En effet, la sévérité d’un abus sexuel est définie par trois caractéristiques, soit la relation avec l’agresseur, la chronicité et le type de gestes vécus. Cela signifie que selon la définition incluse dans une étude, les difficultés psychologiques peuvent donc varier en raison du niveau de sévérité de l’ASE (Murray et al., 2014 ; Vaillancourt-Morel, Godbout, Sabourin, Péloquin, & Wright., 2014).

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Chapitre 1 : recensions des écrits

Conséquences de l’agression sexuelle à l’enfance

De nos jours, plusieurs débats portants sur les conséquences sociales, mentales et physiques se poursuivent concernant les effets néfastes associés à l’abus sexuel (Najman, Nguyen, & Boyle, 2007). Suite à un relevé de littérature, il a été démontré que lorsque des enfants victimes d’une ASE sont comparés à un groupe contrôle, soit des enfants non victimes, ces derniers présentent davantage de symptômes (Ensink, Bégin, Normandin, Godbout & Fonagy, 2016 ; Kendall-Tackett, Williams, & Finkelhor, 1993 ; Putnam, 2003). De plus, plusieurs études concluent que les séquelles de l’ASE peuvent se présenter par une grande variété de comportements pathologiques et de symptômes associés bien que certains enfants soient asymptomatiques (Cyr, Michel, & Dumais, 2013 ; Collin-Vézina et al., 2013 ; Kendall-Tackett et al., 1993). Ces conséquences peuvent se manifester à court, moyen et long terme dans différents domaines de la vie (Putnam, 2003). Néanmoins, ceux étant asymptomatiques peuvent cacher des symptômes latents qui sont possibles de resurgir à différents moments dans le développement (Bernier, Hébert, & Collin-Vézina, 2011). Malgré les nombreuses études effectuées jusqu’à aujourd’hui, un consensus n’est toujours pas atteint concernant les diversités des difficultés psychologiques entre les enfants ayant vécu une ASE. Dans le présent projet de mémoire, cinq symptômes seront davantage étudiés considérant les répercussions possibles sur un enfant, soit la dissociation, les comportements sexualisés, la dépression, les comportements intériorisés, puis ceux extériorisés.

Dissociation. Les résultats de plusieurs études démontrent que l’agression sexuelle à l’enfance est associée à des symptômes dissociatifs chez l’enfant (Collin-Vézina & Hébert, 2005; Ensink, Berthelot, Bégin, Maheux & Normandin, 2017 ; Macfie, Cicchetti, & Toth, 2001a ; 2001b ; Putnam, 1997). En effet, il semblerait que la dissociation soit une difficulté psychologique davantage présente chez les enfants victimes d’ASE que ceux contrôles (Hulette, Freyd, & Fisher, 2011 ; Trickett et al., 2011). D’abord, la dissociation se définit comme une séparation structurelle des

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processus psychologiques ainsi que des fonctions de la mémoire, de la conscience, de l’identité et de la perception (American Psychiatric Association, 2013). Certains auteurs mentionnent que suite au dévoilement d’une ASE, il peut y avoir effectivement des symptômes de dissociation vécus tout au long du développement de l’enfant (Macfie, Cicchetti, & Toth, 2001a ; 2001b). Puisque plusieurs symptômes de la dissociation sont des comportements typiques chez l’enfant, la dissociation doit être évaluée sur un continuum où les comportements varient de normaux (rêves éveillés) à pathologiques (trouble dissociatif de l’identité) (Brunet, Holowka, & Laurence, 2001; Putnam, 1997 ; Shirar, 1996). Habituellement, les fantaisies et la création d’amis imaginaires sont présentes davantage à l’âge préscolaire et diminuent lorsque l’enfant atteint l’âge scolaire (Putnam, 1995). Les symptômes dissociatifs sembleraient plus élevés chez les enfants préscolaires (Beaudoin, Hébert, & Bernier, 2013). Il est à noter que certains survivants d’une ASE dissocient afin de se protéger pour ne pas expérimenter à nouveau l’abus (King, 2009).

Il y a déjà une décennie, les chercheuses Collin-Vézina et Hébert (2005) ont comparé un groupe de jeunes filles ayant vécu une ASE qui sont âgées entre 7 et 12 ans à un groupe contrôle apparié. Ils indiquent un taux plus élevé de 30% de dissociation chez celles victimes d’abus comparativement à celles qui n’ont pas vécu de telles agressions. Dans une perspective longitudinale, Ogawa, Sroufe, Weinfield, Carlson et Egeland (1997) ont évalué 168 enfants sur une période de 19 ans à partir de leur naissance, ce qui a permis d’observer des résultats parmi les différentes périodes développementales chez l’enfant. Leur étude indique des corrélations modérées entre le niveau de dissociation et les jeunes ayant vécu un trauma sexuel pour toutes les périodes du développement (enfance, préscolaire, scolaire, adolescence et jeune adulte). Il est à considérer que cette étude longitudinale a été produite il y a plusieurs années. Notamment, avec l’échantillon de cette présente étude, Ensink et ses collaborateurs (2017) ont testé un modèle théorique qui avait comme processus clé la dissociation impliquée dans les difficultés psychologiques chez les enfants d’ASE. Les résultats concordent avec le modèle, soit que la dissociation est une variable médiatrice qui explique totalement la relation entre l’ASE et les comportements sexualisés, internalisé et externalisés. Par ailleurs,

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Daignault et Hébert (2008) ont réalisé une étude auprès de jeunes filles entre 7 et 12 ans qui ont dévoilé une agression sexuelle. Leurs résultats expriment que les symptômes de dissociation perçus par les mères des jeunes filles dans l’échantillon augmentent lors de leur réévaluation une année plus tard. Des limites de cette étude sont que l’échantillon comprend seulement le sexe féminin et qu’il n’y a pas la présence d’un groupe contrôle. Dans le même sens, des chercheurs ont évalué le niveau de dissociation chez 78 enfants âgés de 3 à 5 ans et ils ont conclu qu’un an après l’évaluation, le niveau de dissociation chez les enfants maltraités (sexuellement et/ou physiquement) était plus élevé comparativement à ceux non maltraités (Macfie et al., 2001a). Toutefois, cette étude inclut des enfants en très bas âges. Une méta-analyse très récente va dans le même sens et rapporte des plus hauts taux de dissociation chez les victimes d’ASE et de négligence que ceux contrôles où les moyennes sont plus élevées pour l’ASE et ensuite pour la négligence (Vonderlin et al., 2018). Néanmoins, il est important de considérer que ce ne sont pas tous les enfants vivants un trauma sexuel qui développeront des symptômes dissociatifs au cours de leur développement (Cicchetti & Rogosch, 1996).

Comportements sexualisés. Concernant les comportements sexualisés, il a été démontré qu’une ASE affecte cette sphère chez les enfants et les adolescents, ainsi que la vie sexuelle à l’âge adulte (Vaillancourt-Morel et al., 2014). Les comportements sexualisés se définissent comme des « comportements sexuels problématiques […] impliquant des parties sexuelles du corps, initiés par des enfants de 12 ans et moins, et qui sont inappropriés d’un point de vue développemental ou qui sont dangereux pour l’enfant lui-même ou les autres » (Association for the treatment of sexual abusers (ATSA), 2006).

Plusieurs auteurs ont affirmé qu’à la suite de leurs recherches que les enfants agressés sexuellement présentent davantage de comportements sexualisés que ceux non abusés, ce qui signifie que l’agression sexuelle est un facteur associé aux comportements sexualisés (Collin-Vézina et al., 2013 ; Friedrich, Davies, Fehrer, & Wright, 2003 ; Kendall-Tackett et al., 1993 ; Waisbrod & Reicher, 2014). D’abord,

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Putnam (2003) affirme que les comportements sexualisés sont davantage prononcés lorsque l’agression survient chez les enfants en bas âges. La revue de Kendall-Tackett et ses collaborateurs (1993) va également dans ce sens, c’est-à-dire que ces symptômes sont plus présents chez les enfants d’âge préscolaire plutôt que chez ceux d’âge scolaire et adolescents (Campis, Hebden-Curtis, & Demaso, 1993 ; Kendall-Tackett et al., 1993). Dans la revue, ils ont également découvert qu’un tiers des enfants sont asymptomatiques (Kendall-Tackett et al., 1993). Dans l’étude longitudinale de Noll, Trickett et Putnam (2003), les auteurs affirment que chez les jeunes filles âgées entre 6 et 16 ans ayant vécu une ASE, les comportements sexualisés prédisent de l’aversion sexuelle 10 ans plus tard. Cependant, ce ne sont pas tous les auteurs qui maintiennent qu’il existe un lien direct à faire entre l’ASE et les comportements sexualisés. En outre, Drach, Wientzen et Ricci (2001) ont observé chez 247 enfants âgés entre 2 et 12 ans (avec ou sans évidence d’ASE) des corrélations élevées entre les comportements sexuels problématiques ainsi que d’autres problèmes de comportements, mais aucun lien significatif par rapport à un diagnostic d’agression sexuelle. Ils en concluent que le portrait de chaque enfant est différent suite à une ASE et que les enfants peuvent autant exposer un haut taux de comportements sexualisés qu’un faible taux. Ces études possèdent toutefois certaines limites à la généralisation puisqu’elles incluent parfois qu’un seul genre. De plus, bien que l’ASE soit une problématique de santé publique d’envergure, les données demeurent quelque peu récentes. Dernièrement, Ensink et ses collaborateurs (2018) ont effectué une étude longitudinale afin d’examiner les trajectoires des comportements sexualisés sur deux années avec 104 enfants âgés entre 2 et 12 ans. Les résultats suggèrent que 56,7% des enfants atteignant le seuil clinique des comportements sexualisés au temps 1 ont des symptômes qui vont persister après 2 ans. Par ailleurs, dans le groupe des enfants ayant vécu une ASE, 48,8% ont des symptômes qui sont persistants, 27,4% qui sont transitoires et 19,4% asymptomatiques. Ils ont démontré que l’évolution des trajectoires des comportements sexualisés peut varier significativement d’un groupe à l’autre dans un même échantillon.

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Dépression. Historiquement, des chercheurs ont apporté une contribution importante à la compréhension de la dépression dans le contexte de l’ASE. Leurs études empiriques concernant les conséquences possibles chez un enfant abusé sexuellement rapportent que la dépression est souvent décrite comme la variable la plus commune à une ASE chez les adultes (Briere, 1989 ; Browne & Finkelhor, 1986 ; Finkelhor, 1990). Les symptômes dépressifs chez les enfants comprennent une humeur dépressive ou irritable, une absence de gain de poids, des difficultés de sommeil, de la fatigue, de l’agitation ou un ralentissement psychomoteur, un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité et/ou des difficultés de concentration (American Psychiatric Association, 2013).

Des troubles de l’humeur comme, par exemple, un épisode dépressif majeur, ont été relevés dans des cohortes d’enfants et d’adolescents ayant été abusés sexuellement (Pollio, Deblinger, & Runyon, 2011 ; Sadowski et al., 2003). Lors de la période développementale de l’adolescence, une revue de littérature a conclu que ceux ayant vécu une ASE manifestaient davantage de dépression comparativement à ceux n’en ayant pas vécu dans la population normale (Kendall-Tackett et al., 1993). En effet, dans une étude récente où les jeunes étaient âgés entre 8 et 16 ans, Ruiz (2016) a observé que chez ceux plus vieux dans l’échantillon avaient un taux plus élevé de dépression suite à une ASE. Également, deux revues de littérature vont dans la même direction en indiquant que l’ASE est un facteur de risque pour le développement de la dépression (Maniglio, 2010 ; Putnam, 2003). De plus, suite à une revue de littérature sur 10 ans, la dépression semble être d’une durée plus prolongée lorsque la victime est de sexe féminin (Putnam, 2003). Notamment, Dube et ses collaborateurs (2005) ont réalisé une étude qui a déterminé que les filles et les garçons sont vulnérables à développer une dépression. Toutefois, le taux pour les filles et les garçons est respectivement de 25% et 12%, donc les filles semblent avoir tendance à être plus vulnérables. De ce fait, une étude a démontré que les femmes sont plus susceptibles d’être atteintes de dépression à la suite d’un abus sexuel (McCrae, Chapman, & Christ, 2006 ; Putnam, 2003). D’ailleurs, McCrae et ses collaborateurs (2006) ont fait une étude sur un échantillon de jeunes (n = 553) se situant entre 3 et 14 ans où 20% des jeunes présentaient une

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dépression clinique. Les données semblent assez convergentes étant donné qu’une étude en 2013 a affirmé qu’au-delà d’un tiers des enfants victimes d’ASE manifestent des symptômes dépressifs de manière cliniquement significative (Mathews, Abrahams, & Jewkes, 2013). Également, Dunn, McLaughlin, Slopen, Rosand et Smoller (2013) ont démontré par une étude longitudinale de 0-17 ans sur quatre temps que ceux exposés à de la maltraitance physique et sexuelle s’exposaient à un plus haut degré de dépression et d’idéations suicidaires comparativement à ceux n’ayant pas vécu quelques formes de maltraitance que ce soit. De plus, ils ont mentionné que ceux victimes d’ASE dans la petite enfance étaient 146% plus à risque de vivre des idées suicidaires que ceux agressés pendant la période de l’adolescence. L’exploration de ces études explique bien l’implication de la dépression comme étant une conséquence psychologique pouvant être vécue par un enfant agressé sexuellement. Nonobstant, le fait que les résultats de l’étude soient représentés par la population adolescente et jeune adulte, il peut rendre plus difficile une généralisation à la clientèle infantile. Cette limite est également mentionnée dans l’étude de McCrae et ses collaborateurs (2006), puisque les auteurs rapportent qu’ils se sont aussi beaucoup basés sur des données rétrospectives chez les adultes.

Comportements internalisés et externalisés. Les comportements internalisés et externalisés, dans la littérature, ont souvent été considérés comme des symptômes reliés à l’ASE, c’est-à-dire que les enfants abusés sexuellement présentent plus de ces comportements comparativement aux sujets contrôles n’ayant pas vécu d’abus sexuel durant leur enfance (Kendall-Tackett et al., 1993 ; Tyler, 2002 ; Yancey et al., 2013). D’abord, pour clarifier chacune des conséquences, les comportements internalisés sont représentés par la dépression, l’anxiété, la somatisation, la peur et les comportements de retrait et automutilatoire (Beaudoin et al., 2013 ; Milot, Éthier, St-Laurent, & Provost, 2010 ; Kendall-Tackett et al., 1993 ; Yancey, 2013). En ce qui a trait aux comportements externalisés, ils incluent les comportements d’opposition, l’agressivité, l’abus de substance et l’impulsivité (Milot et al., 2010 ; Walker, Carey, Mohr, Stein, & Seedat, 2004 ; Yancey, 2013).

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Beaudoin et ses collaborateurs (2013) ont réalisé une étude comprenant 103 filles et 13 garçons âgés entre 3 et 6 ans. Un tiers des enfants victimes d’ASE ont atteint le seuil clinique de problèmes de comportements externalisés alors que 43% de l’échantillon l’ont atteint pour ceux internalisés. Par ailleurs, une étude portant sur 553 enfants âgés entre 3 et 14 ans a démontré à partir des informations récoltées par le parent, que le seuil clinique des comportements internalisés et externalisés est atteint respectivement par 31% et 46% des sujets sans différence significative entre les tranches d’âges des enfants (McCrae et al., 2006). De même, la revue de Tyler (2002) conclut qu’entre toutes tranches d’âge (0-6, 7-12, 13-17), les comportements externalisés et internalisés sont présents. De plus, une étude longitudinale très récente s’est intéressée à comparer la présence d’internalisation et d’externalisation entre un groupe d’enfants victimes de maltraitance sexuelle et un groupe ayant vécu une histoire de maltraitance qui est non-sexuelle. Ceux-ci étaient âgés entre 4 et 16 (N=977) (Lewis, McElroy, Harlaar, & Runyan, 2016). Lewis et ses collaborateurs (2016) ont montré que les enfants du groupe ASE présentent davantage de comportements internalisés et externalisés que ceux vivant toutes autres maltraitances. De plus, les garçons affichent plus de problèmes internalisés que les filles, mais avec l’âge, ce sont les filles qui manifestent le plus de problèmes. Le genre semble donc avoir un effet modérateur sur les comportements internalisés. Par contre, pour ce qui est du lien entre le genre et ces comportements, il demeure mitigé (Jones et al., 2013). Par exemple, l’auteur Hornor (2010) mentionne que ce sont les adolescentes (M = 15,26) qui sont plus susceptibles d’être exposées à des comportements internalisés alors que ce sont les comportements externalisés pour les adolescents (M = 15,37).

L’étude d’Hébert, Langevin et Bernier (2013) consiste à évaluer les symptômes de 125 enfants d’âge préscolaire (4-6 ans) victimes d’abus sexuel en comparaison à un groupe contrôle. Les parents des enfants du premier groupe décrivent significativement davantage de comportements internalisés et externalisés que ceux du deuxième groupe. De plus, l’item concernant la somatisation est celui ayant le plus grand pouvoir discriminant. La revue de Kendall-Tackett et ses collaborateurs (1993) a conclu également plus de comportements internalisés et

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externalisés chez les enfants victimes d’ASE à l’aide des scores composites dans le CBCL. Elle a aussi voulu observer les symptômes spécifiques à certaines périodes développementales. Selon la revue, les enfants d’âge préscolaire sont ceux qui présentent le plus ces comportements. Par contre, puisque les définitions des comportements internalisés et externalisés sont larges et qu’elles incluent différentes conséquences, il est possible de voir que ces comportements sont présents également à l’âge scolaire et à l’adolescence. Les auteurs ont observé que la peur et l’agressivité sont des symptômes plus communs chez les enfants d’âge scolaire tandis que la dépression, les comportements de retrait et automutilatoire, l’abus de substance ainsi que la somatisation sont plus associés aux adolescents. Par conséquent, les comportements internalisés et externalisés en globalité ne seraient pas plus apparents dans une période développementale spécifique.

Trajectoires longitudinales des séquelles d’une ASE

Au sein de plusieurs études citées, il semble s’y dégager des trajectoires face aux différentes difficultés psychologiques à travers le temps. Tel que mentionné dans l’article de Ensink et ses collaborateurs (2018), trois trajectoires longitudinales semblent se dessiner à travers le temps. En effet, il y aurait les enfants ayant un niveau cliniquement significatif de symptômes et pour qui le niveau est maintenu dans le temps (persistant), ceux pour qui le niveau change dans le temps, soit une diminution ou une augmentation significative avec le temps (transitoire) et ceux sans présentation de symptômes (asymptomatique). Malgré la présence de séquelles suite à une ASE, plusieurs études élaborent sur les enfants asymptomatiques, où plusieurs d’entre eux peuvent aussi avoir des symptômes latents qui vont surgir plus tard (Kendall-Tackett et al., 1993). De plus, l’absence de symptômes peut également s’expliquer par le fait qu’ils ont une bonne résilience face à l’événement traumatique (Hébert, Parent, Daignault, & Tourigny, 2006).

Différentes limites des recherches actuelles

Suite à une exploration des études sur l’ASE et les difficultés psychologiques associées chez les enfants, il semblerait y avoir quelques lacunes. D’abord, malgré la présence de quelques études longitudinales, elles demeurent rares et les périodes

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de suivi sont en majorité relativement de courtes durées, soit de 12 à 18 mois (Kendall-Tackett et al, 1993 ; Trickett, Noll, & Putnam, 2011 ; Tyler, 2002). De plus, plusieurs études utilisent la méthode rétrospective afin de récolter leurs données, ce qui peut entraîner un biais de rappel lors de la collecte d’informations (Kendall-Tackett et al, 1993 ; McCrae et al, 2006 ; Trickett et al, 2011). En effet, puisque le jeune adulte ou l’adulte témoigne d’un abus sexuel dans son enfance, il peut être plus difficile de rappeler certains événements passés, ce qui peut possiblement apporter un biais dans les résultats, affectant ainsi la validité de l’étude (Dube et al., 2005 ; Dunn et al., 2013 ; Kelley & Gidycz, 2015).

Une autre limite importante dans la littérature est la représentativité des échantillons concernant l’âge et le genre des participants. Pour l’aspect de l’âge, il ne semble pas y avoir énormément d’études réalisée auprès d’enfants de bas âges (0-6 ans) (Tyler, 2002 ; Yancey et al., 2013). Plusieurs études très récentes comprennent des enfants âgés de 6 ans ou plus (Lacelle, Hébert, Lavoie, Vitaro, & Tremblay, 2013 ; Molen et al., 2015 ; Ruiz, 2016). Certains auteurs mentionnent qu’il serait pertinent de créer des regroupements d’âge, soit préscolaire, scolaire et adolescent et non seulement des groupes d’âges mixtes à travers les études, afin de ne pas masquer certains profils développementaux qui pourraient s’y dégager (Kendall-Tacket et al., 1993 ; Tyler, 2002). En ce qui a trait au genre, plusieurs études possèdent un échantillon de filles uniquement (Lacelle et al., 2013 ; Molen et al., 2015 ; Trickett et al., 2011) tandis que d’autres incluent les garçons, mais de façon non proportionnée (Yancey et al., 2013 ; Zafar & Ross, 2013). En effet, Kendall-Tackett et ses collaborateurs (1993) affirment qu’il y a un faible nombre de garçons dans les études, ce qui peut limiter la généralisation de celles-ci ainsi que la possibilité de prendre en compte le genre dans les analyses statistiques pour y dégager les difficultés psychologiques associées.

Un autre aspect comprenant des lacunes est en lien avec les groupes de comparaison au groupe d’enfants victimes d’ASE. En effet, approximativement la moitié des études recensées ne possèdent pas de groupe de comparaison (45%), ce qui peut faire en sorte que les chercheurs ne puissent pas faire la distinction des

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possibles effets (Kendall-Tackett et al., 1993). De plus, l’absence d’un groupe contrôle peut rendre plus difficile de discerner si un changement est dû à un autre facteur, comme par exemple le passage du temps (Ruiz, 2016).

À la lumière du relevé de littérature, il serait pertinent et utile d’avoir des études plus récentes concernant les difficultés psychologiques associées à une ASE chez les enfants et les adolescents. D’ailleurs, une récente étude affirme également qu’il serait intéressant d’examiner les effets psychologiques des enfants en contexte d’ASE de façon longitudinale afin d’aider à guider les cliniciens et leurs traitements (Lewis et al., 2016).

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Objectifs et hypothèses

L’objectif préliminaire de la présente étude est de fournir un résumé actuel de la littérature sur l’ASE et les symptômes de l’enfant. En ce qui a trait à l’objectif principal de ce mémoire doctoral, il s’agit d’investiguer l’association entre l’ASE et les difficultés psychologiques dans un échantillon d’enfants âgés entre 2 et 12 ans et d’examiner l’effet du temps sur la persistance des symptômes, plus précisément concernant les variables suivantes : dissociation, comportements sexualisés, dépression, comportements internalisés et externalisés. De plus, l’âge et le genre de l’enfant seront pris en compte dans ces analyses.

En cohérence avec les résultats dans la littérature, la première hypothèse est qu’il est attendu que les enfants victimes d’abus sexuel manifesteront davantage de dissociation, de comportements sexualisés, de dépression et de comportements internalisés et externalisés que ceux n’ayant pas vécu d’ASE. Plus spécifiquement pour l’examen de l’effet du temps, trois trajectoires longitudinales sont identifiées, soit une persistante, une transitoire et une asymptomatique d’après des études antérieures avec cet échantillon (Ensink et al., 2018). Parmi ces trajectoires, il est donc attendu qu’avec le passage du temps, il y aurait possiblement présence d’une diminution significative des symptômes pour chacune des variables.

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Chapitre 2 : Méthode

Procédure

Les données de la présente étude sont obtenues suite à la collecte de données d’une plus large étude longitudinale visant à évaluer les effets d’une agression sexuelle à l’enfance menée de 1996 à 2008. Le recrutement a débuté à la suite de l’approbation du Comité d’éthique à la recherche de l’Université Laval (CÉRUL). D’abord, les participants du groupe ASE ont été référés par des médecins ou des professionnels en santé mentale où les parents et/ou les médecins mentionnaient un abus ou un soupçon d’ASE. Les participants du groupe contrôle ont été recrutés à l’aide d’affiches sollicitant la participation des parents dans des services communautaires en santé et des cliniques médicales. Ceux-ci ont été sélectionnés en fonction des caractéristiques sociodémographiques du groupe de comparaison. Suite au recrutement, tous les enfants et les parents ont été rencontrés dans une clinique universitaire de psychologie dans la ville de Québec par un membre de l’équipe de recherche. La rencontre débute par le formulaire de consentement (Annexe F), qui explique le but et le déroulement de la recherche, ce qui a permis un consentement libre et éclairé. Une démarche d’évaluation et des mesures à compléter ont été entreprises. À la fin du processus, les parents ont été dédommagés pour leur frais de transport et l’enfant a été invité à choisir un jouet. Finalement, les parents qui ont accepté de participer au suivi longitudinal ont été recontactés après deux ans pour effectuer à nouveau le même protocole auquel ils ont participé préalablement.

Participants

Trois cent soixante-dix enfants répondant aux critères d’inclusion et d’exclusion ont été sélectionnés dont 155 garçons et 215 filles. L’échantillon était constitué d’un groupe d’enfants ayant été abusés sexuellement (n=166) ainsi que d’un groupe de comparaison n’ayant jamais rapporté une histoire d’agression sexuelle à l’enfance (n=204). Les enfants du groupe de comparaison ayant eu des expériences avec d’autres types d’abus ont été exclus. Les participants dans la

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banque de données ont entre 2 et 12 ans et ont en moyenne 6,1 ans (ET=2,54). L’échantillon se compose à 98% d’origine caucasienne, ce qui reflète une très faible diversité étant donné l’endroit où l’étude s’est déroulée.

Matériel

Questionnaire sociodémographique. Un questionnaire sociodémographique maison (Annexe A) a été utilisé afin de prendre connaissance de la situation de vie générale des participants à l’étude. Ce questionnaire mesure le sexe, l’âge, la situation financière et familiale des participants.

Agression sexuelle à l’enfance (ASE). Pour considérer un enfant comme ayant vécu une ASE, une grille a été développée et utilisée (Normandin, Gendron, & Terradas, 2001a). Cette grille permet de discriminer l’ASE de différentes autres problématiques par des critères lors d’une évaluation médicale dans un contexte où il y a probablement un abus ou des allégations d’abus. Les critères de cette grille sont inspirés de ceux dans la grille d’Adams (2001). La grille inclut également des informations recueillies auprès des parents telles que le type d’abus, la nature de l’abus, l’incidence rapportée, les verbalisations de l’enfant, les témoins ainsi que différentes variables importantes à considérer (p. ex., violence physique, négligence, etc.) (Normandin, Gendron, & Terradas, 2001b). Finalement, toutes autres informations recueillies lors de l’évaluation par rapport à la probabilité d’un abus sexuel demeurent importantes.

Child Dissociative Checklist. Le Child Dissociative Checklist (CDC ;

Putnam, Helmers, & Trickett, 1993) (Annexe B) est un questionnaire complété par le parent qui comprend 20 items qui mesurent les symptômes dissociatifs dans les 12 derniers mois de l’enfant entre 5-12 ans. Les items sont répondus à l’aide d’une échelle de type Likert à trois points (2 = Vrai, 1 = Parfois vrai, 0 = Faux). La somme des items permet d’obtenir un score total où 12 point et plus indique que l’enfant présente des symptômes dissociatifs cliniquement significatifs. Le CDC possède de bonnes qualités psychométriques avec un alpha de Cronbach de .86 (Putnam & Peterson, 1994).

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Child Sexual Behavior Inventory. Le Child Sexual Behavior Inventory (CSBI

; Friedrich, Fisher, & Dittner 2001) (Annexe C) est un questionnaire à compléter par le parent qui vise à évaluer les comportements sexuels chez les enfants âgés de 2 à 12 ans dans les 6 derniers mois. Il s’agit d’un questionnaire ayant un inventaire de 38 items et il permet de mesurer neuf domaines entourant les comportements sexuels : problèmes de frontière, exhibitionnisme, comportement de sexe-rôle, autostimulation, anxiété sexuelle, intérêts sexuels, intrusion sexuelle, connaissance sexuelle et comportement de voyeurisme (Friedrich, 1997). Les items sont répondus à l’aide d’une échelle de type Likert, allant de zéro (jamais) à trois (au moins une fois par semaine). Un score total du CSBI, un score développemental des comportements sexuels et un score spécifique aux abus sexuels considérant l’âge et le sexe sont obtenus. Au-delà d’un score T de 65 sur le score total ou sur le score spécifique aux abus, ceci indique significativement des problèmes de comportements sexuels (Friedrich, 1997 ; Friedrich et al., 2001).

Children Depression Inventory. Le Children Depression Inventory (CDI ;

Kovacs, 1982) (Annexe D) est un questionnaire auto-rapporté de 27 items qui a été validé en français (Saint-Laurent, 1990). Ce questionnaire a été développé pour évaluer la sévérité des symptômes dépressifs chez les enfants et les adolescents âgés de huit à 17 ans. Pour chaque item, trois propositions sont offertes par une échelle de type Likert allant de zéro (absence de symptôme dépressif) à deux (symptômes dépressifs sévères). Le total des scores varie entre 0 et 54 et il est ensuite converti en score T standardisé. Un score obtenu plus grand ou égal à 65 est associé à la présence de symptômes dépressifs cliniquement significatifs. La cohérence interne du CDI est bonne, soit de .86 (Kovacs, 1978).

Child Behavior Checklist – Parent Report. Le Child Behavior Checklist –

Parent Report (CBCL-Parent Report ; Achenbach, 1991) (Annexe E) est un questionnaire répondu par les parents, tentant d’évaluer les difficultés comportementales intériorisées et extériorisées des enfants à l’aide de 118 items. Les questions considèrent uniquement les six derniers mois, ainsi que les enfants de 2-3 ans (Achenbach, Edelbrock, & Howell, 1987) et 4-18 ans (Achenbach, 1991).

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Les items peuvent être répondus sur une échelle de type Likert, allant de zéro (absent) à deux (souvent présent). Les scores bruts sont ensuite transformés en scores T standardisés (Achenbach,1991). Un score T plus grand ou égal à 65 indique des difficultés cliniquement significatives. Le CBCL-Parent Report possède de bonnes qualités psychométriques (Achenbach & Rescola, 2001).

Chapitre 3 : Analyses statistiques

À l’aide du logiciel Statistical Package for the Social Sciences (SPSS V20), des analyses sont effectuées dans le but de répondre à l’objectif principal de la présente étude. Tout d’abord, les caractéristiques sociodémographiques telles que le sexe, l’âge, le revenu familial et l’origine ethnique sont examinées par des statistiques descriptives. Par la suite, pour bien documenter les difficultés psychologiques retenues dans ce mémoire doctoral en fonction de l’ASE, une MANOVA 2X2 à plan factoriel est réalisée. Cette analyse a pour but de comparer les moyennes obtenues aux différents questionnaires et vérifier la présence de différences significatives entre les deux groupes, soit le groupe avec ASE et celui sans ASE en incluant les différentes mesures d’intérêt : dissociation, comportements sexualisés, comportements internalisés et externalisés. La dépression est comparée séparément pour une meilleure puissance statistique étant donné que cette mesure est auto-rapportée, ce qui a entraîné une réduction de la taille de l’échantillon. Simultanément, l’effet du genre est examiné à titre de second facteur dans la MANOVA. Selon Cohen (1988), un η 2 de .01 est considéré comme un effet de petite taille, un η 2 de .06 de moyenne taille et un η 2 de .14 de grande taille.

De plus, pour vérifier si l’âge des participants devrait être inclus en covariable dans les analyses subséquentes, des corrélations sont effectuées pour permettre de vérifier la force des associations entre l’âge et les différentes difficultés psychologiques. Finalement, d’après une étude antérieure (Ensink et coll., 2018), trois types de trajectoires sont identifiés : asymptomatique, transitoire et persistant. Pour évaluer les symptômes par une trajectoire longitudinale, des fréquences sont

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émises pour documenter le pourcentage d’enfants ayant un niveau cliniquement significatif et pour qui le niveau est maintenu avec le temps (persistant), pour qui le niveau change dans le temps (transitoire) et ceux sans présentation de symptômes (asymptomatique). Ces 3 groupes sont définis pour les cinq variables de difficulté psychologique. Une ANOVA à mesures répétées est ensuite réalisée pour comparer les trois groupes (persistant, transitoire et asymptomatique) sur leur mesure respective au temps 1 et au post dans l’étude.

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Chapitre 4 : Résultats

Analyses descriptives et multivariées

Tout d’abord, dans le présent échantillon, 44.9% (n=166) des sujets ont déjà vécu un abus et 55.1% (n=204) des sujets n’ont pas vécu d’abus. La proportion d’enfants victimes d’ASE n’est pas significativement différente selon le genre (χ2(1)

=.563, p=.453), soit 46.5% de filles et 42.6% de garçons. Maintenant, une analyse de variance multivariée (MANOVA) à plan factoriel 2X2 a été effectuée avec les 370 participants ayant répondus aux questionnaires et les 104 participants pour la variable de dépression. Cette analyse a pour but de comparer de façon indépendante les deux groupes (ASE et sans ASE) ainsi que le sexe sur les différentes mesures de difficultés psychologiques retenues à l’étude. Les résultats sont présentés au Tableau 1. Tout d’abord, il n’y a pas d’effet d’interaction entre ASE et sexe (F(4,363)=.499, p=.777). Le test multivarié est significatif pour l’ASE, (F(4,363)=17.832, p<.001) alors il est justifié d’aller voir les tests univariés pour chacune des mesures. Les résultats suggèrent que les enfants ayant vécu une ASE présentent davantage de comportements sexualisés (F(1,366) = 9.82, p <.001, η2 =

.074, internalisés (F(1,366) = 10.27, p <.001, η2 = .078), externalisés (F(1,366) =

17.00, p <.001, η2 = .122), de dissociation (F(1,366) = 20.20, p <.001, η2 =.142) et

de dépression (F(1,100) = 26.25, p <.001, η2 = .205). Le test multivarié n’est pas

significatif pour le sexe (F(4,363)=.317, p=.903) alors il ne semble pas y avoir de différence significative selon le sexe pour les différentes mesures de difficulté psychologique.

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Tableau 1

Description par genre et classification d’ASE et comparaison des enfants ayant vécus une ASE et ceux du groupe de comparaison (absence d’ASE) sur les comportements sexualisés, internalisés, externalisés, la dissociation et la dépression

Groupe de classification N M SD F(1,366) η 2 Comportements sexualisés Abus Fille 100 75.92 22.917 9.82*** .074 Garçon 66 77.26 24.147 Non-abus Fille 115 65.25 21.745 Garçon 89 63.08 17.786 Dissociation Abus Fille 100 9.40 5.855 20.20*** .142 Garçon 66 9.94 6.119 Non-abus Fille 115 5.60 6.166 Garçon 89 4.46 4.210 Comportements internalisés Abus Fille 100 63.45 10.356 10.27*** .078 Garçon 66 63.65 10.095 Non-abus Fille 115 58.15 11.455 Garçon 89 56.36 11.182 Comportements externalisés Abus Fille 100 65.59 11.263 17.00*** .122 Garçon 66 66.77 11.474 Non-abus Fille 115 58.27 12.461 Garçon 89 56.22 11.991 Dépression F(1,101) η 2 Abus Fille 24 54.17 10.853 26.25*** .205 Garçon 16 53.06 8.370 Non-abus Fille 35 47.09 4.792 Garçon 29 45.34 4.916 * p < .05. **p < .01. ***p < .001.

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Afin de vérifier la force des associations entre l’âge et les cinq variables à l’étude, et ce au temps 1 et au post, des analyses corrélationnelles ont été réalisées. Seules deux variables présentent une corrélation significative mais faible avec l’âge, soit les comportements sexualisés au temps 1 (r = -.146, p <.01) et les comportements externalisés au temps 1 également (r= -.122, p<.05). Ces résultats indiquent une faible relation négative significative entre l’âge et les comportements sexualisés et externalisés. Étant donné ces résultats, l’âge ne sera pas ajouté comme covariable dans les analyses.

Analyses de trajectoires

Dans le but de répondre au deuxième objectif de l’étude, soit de décrire les difficultés psychologiques selon une trajectoire longitudinale, des statistiques descriptives ont été réalisées afin de documenter les effectifs des niveaux cliniquement significatifs sur les cinq variables autant pour le temps 1 que pour la post-évaluation chez le groupe ASE et sans ASE. Notons que les seuils cliniques du temps 1 représentent les résultats du plus grand échantillon alors que ceux de la post-évaluation comprennent un échantillon réduit suite à une perte de participants n’ayant pas complété les questionnaires au 2e temps. Ces résultats sont présentés

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Tableau 2

Pourcentage d’enfants ayant atteints ou non le niveau cliniquement significatif des difficultés psychologiques présentées selon leur classification d’ASE

Comportements Sexualisés

Temps 1 Post

Condition N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) Abus 166 34.9 65.1 55 63.6 36.4 Non-abus 204 57.8 42.2 49 81.6 18.4 Dissociation Temps 1 Post N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) Abus 166 66.9 33.1 56 83.9 16.1 Non-abus 204 88.2 11.8 49 95.9 4.1 Comportements Internalisés Temps 1 Post N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) Abus 166 54.2 45.8 56 58.9 41.1 Non-abus 204 75.5 24.5 48 89.6 10.4 Comportements Externalisés Temps 1 Post N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) Abus 166 48.8 51.2 56 53.6 46.4 Non-abus 204 76.0 24.0 48 83.3 16.7 Dépression Temps 1 Post N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) N Seuil non-clinique (%) Seuil clinique (%) Abus 40 92.5 7.5 45 91.1 8.9 Non-abus 64 100.0 0.0 40 100.0 0.0

Les statistiques descriptives face aux trois trajectoires distinctes

(asymptomatique, transitoire et persistant) entre le temps 1 et la post-évaluation pour chacune des difficultés psychologiques à l’étude sont présentées dans le Tableau 3.

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Tableau 3

Prévalence des difficultés psychologiques chez les enfants victimes d’ASE dans les groupes asymptomatique, transitoire et persistant

Groupes Difficultés

psychologiques

Asymptomatique Transitoire Persistant Comportements sexualisés n = 55 27.3% (Filles =53.3% Garçons = 46.7%) 38.2% (Filles =61.9% Garçons = 38.1%) 34.5% (Filles =78.9% Garçons = 21.1%) Dissociation n = 56 57.1% (Filles =62.5% Garçons = 37.5%) 33.9% (Filles =78.9% Garçons = 21.1%) 8.9% (Filles =40% Garçons = 60%) Comportements internalisés n =56 37.5% (Filles =57.1% Garçons = 42.9%) 39.3% (Filles =72.7% Garçons = 27.3%) 23.2% (Filles =69.2% Garçons = 30.8%) Comportements externalisés n = 56 30.4% (Filles =47.1% Garçons = 52.9%) 32.1% (Filles =83.3% Garçons = 16.7%) 37.5% (Filles =66.7% Garçons = 33.3%) Dépression n = 45 88.9% (Filles =65.0% Garçons = 35.0%) 11.1% (Filles =60% Garçons = 40%) -

Une analyse de variance à mesures répétées (ANOVA) a été effectuée auprès de toutes les variables à l’exception de la dépression étant donné le faible nombre de participants ayant répondu autant au premier temps qu’au post pour ce questionnaire. Les statistiques descriptives sont présentées dans le Tableau 4 pour chacun des groupes (asymptomatique, transitoire et persistant) et ce, pour les deux temps. L’analyse révèle pour les comportements sexualisés et la dissociation, un effet d’interaction significatif entre le temps et les trajectoires (F=(2,52)=11.582, p<.001) et (F=(2,53)=9.284, p<.001). Cet effet d’interaction n’est pas présent pour les comportements internalisés et ceux externalisés. Concernant les comportements sexualisés, l’examen des effets simples montrent que dans le groupe asymptomatique et celui persistant, il n’y a pas de différence entre le temps 1 et post (p=.832 et p=.071) alors que dans le transitoire, il y a une diminution significative

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des comportements sexualisés dans le temps (p <.001). Autant pour le Temps 1 qu’au Post, il y a présence de différences de moyennes significatives entre chaque trajectoire (p<.001). Concernant la dissociation, l’interaction temps par trajectoires étant aussi significatif (F(2,53)=9.284, p<.001), les effets simples révèlent une diminution significative de dissociation dans le temps pour le groupe transitoire seulement (p<.001). De plus, autant au Temps 1 qu’au Post, il y a présence de différences de moyennes significative entre chacune des trajectoires (p<.001) à l’exception du Temps 1 où les groupes transitoire et persistant ne sont pas différents significativement. Pour les troubles externalisés, il n’y a pas d’effet d’interaction temps par trajectoires, mais les résultats montrent tout de même une diminution significative dans le temps (F(1,56)=9.785, p<.01), et ce, peu importe la trajectoire. On note également une différence significative entre les trajectoires pour une mesure moyenne de comportements externalisés T1 et post (F(2,56)=61.685, p<.001). Enfin, pour les troubles internalisés, il n’y a pas non plus d’effet d’interaction et les résultats ne montrent pas de changement significatif dans le temps, mais ils montrent une différence significative entre les trois trajectoires sur une moyenne de comportements internalisés temps 1 et post (F(2,56)=57.469, p<.001).

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Tableau 4

Statistiques descriptives des transitions entre les deux temps d’évaluation pour chacun des trois groupes d’enfants victimes d’ASE

Comportements Sexualisés

Groupes/trajectoires Temps 1 Post

M SD M SD Asymptomatique 50.47 6.885 49.46 5.796 Transitoire 87.19 16.201 58.44 11.556 Persistant 96.00 15.199 88.23 16.702 Dissociation Temps 1 Post M SD M SD Asymptomatique 6.33 3.177 4.66 2.883 Transitoire 15.28 4.574 6.74 3.649 Persistant 18.20 2.950 15.60 3.831 Comportements Internalisés Temps 1 Post M SD M SD Asymptomatique 57.15 5.499 56.53 5.390 Transitoire 64.36 8.074 63.52 7.508 Persistant 72.23 4.146 70.12 4.383 Total 63.60 8.567 62.54 8.000 Comportements Externalisés Temps 1 Post M SD M SD Asymptomatique 54.94 8.035 53.34 6.890 Transitoire 67.71 9.571 60.01 7.363 Persistant 74.48 5.095 71.88 5.004 Total 66.35 11.096 62.48 10.097

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Chapitre 5 : Discussion

L’objectif préliminaire du mémoire doctoral était de documenter la littérature actuelle sur l’ASE et les différentes difficultés psychologiques : comportements sexualisés, dissociation, comportements internalisés, comportements externalisés et dépression.

Le premier objectif était d’investiguer les associations entre l’ASE et ces difficultés psychologiques chez les enfants. En considérant une partie de l’échantillon ayant répondu aux questionnaires sur la dissociation, les comportements sexualisés, internalisés et externalisés (n = 370), ainsi que ceux pour la dépression (n = 104), il était attendu que les victimes d’ASE manifestent davantage de symptômes que le groupe contrôle. Les résultats des analyses de variance multivariée ont permis tout d’abord de valider qu’il n’y a pas d’effet d’interaction entre l’ASE et le genre, donc ça signifierait que le fait que l’enfant soit une fille ou un garçon lors d’un abus n’aurait pas nécessairement à être considéré dans le présent échantillon. Les résultats viennent également soutenir notre hypothèse puisqu’une différence significative est présente entre les enfants ayant vécu une ASE et ceux n’en ayant pas vécu. En allant explorer les tests univariés, les hypothèses sont confirmées pour les cinq difficultés psychologiques (dissociation, dépression, comportements sexualisés, internalisés et externalisés). Les victimes d’ASE présentent donc plus de symptômes que le groupe contrôle dans l’échantillon tel que rapporté dans la littérature (Collin-Vezina et al., 2013 ; Kendall-Tackett et al., 1993 ; Putnam, 2003) et dans l’étude d’Ensink et ses collaborateurs (2018) effectuée avec cet échantillon. L’examen des résultats permet de conclure que malgré les années, les difficultés psychologiques lorsqu’un enfant est victime d’une ASE continuent à être davantage présentes. Il est possible d’interpréter ces résultats significatifs par la puissance statistique retrouvée dans les analyses ainsi que par les tailles d’effet variant de moyennes à grandes selon Cohen (1988) à travers les différentes variables.

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Concernant la corrélation entre l’âge et les difficultés psychologiques, seuls les comportements sexualisés et externalisés ont une faible relation négative significative. Ces résultats signifient que lorsque l’âge augmente, l’association de ces deux comportements diminue dans l’échantillon. Les comportements sexualisés et externalisés seraient donc davantage corrélés avec les enfants de bas âges, mais de manière faible. Malgré la relation négative faible, les études sur les comportements sexualisés et l’ASE montrent que ces symptômes sont plus présents chez les enfants d’âge préscolaire (Campis, Hebden-Curtis, & Demaso, 1993 ; Kendall-Tackett et al., 1993). Les résultats demeurent toutefois mitigés pour l’association entre l’âge et les comportements externalisés (McCrae et al., 2006) d’où possiblement la corrélation significative, mais faible. De plus, plus les enfants vieillissent, on peut penser que l’utilisation de gestes sexualisés et extériorisés diminue puisqu’ils apprennent à mieux gérer leurs émotions et à mettre des mots sur comment ils peuvent se sentir, donc à mieux comprendre les conséquences que peuvent entraîner leurs gestes (Hornor, 2010).

Le deuxième objectif de l’étude consistait à documenter le pourcentage des enfants ayant des niveaux cliniquement significatifs sur les symptômes retenus et d’examiner l’effet du temps par une trajectoire longitudinale. D’après une étude antérieure (Ensink et al., 2018), trois types de trajectoires sont identifiés : asymptomatique, transitoire et persistante. En raison d’un plus petit échantillon, l’ampleur du changement entre le temps 1 et le post n’a pas été évaluée pour la dépression. De plus, le seuil clinique chez les victimes d’ASE dans l’échantillon pour cette variable est de 7,5% à 8,9% pour le temps 1 et la post-évaluation. Ces résultats pourraient s’expliquer par le fait que la dépression serait davantage présente chez la population adolescente (Ruiz, 2016) et que l’âge le plus élevé dans le présent échantillon est de 12 ans, et aussi en raison du faible nombre de participants ayant répondu au temps 1 et au post puisque le questionnaire était de type auto-rapporté.

Comportements sexualisés. Au temps 1, chez les enfants victimes d’ASE, le niveau cliniquement significatif est de 65,1% alors qu’au post, il diminue à 36,4%.

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Ce résultat coïncide bien avec la présence de symptômes cliniques chez environ un tiers des jeunes (28%) pour les comportements sexualisés chez les victimes d’ASE indiquée par Kendall-Tackett et ses collaborateurs (1993) malgré qu’il soit légèrement plus élevé. Dans les trajectoires, il est possible d’observer un effet d’interaction significatif avec le temps, ce qui signifie que les comportements sexualisés interagissent avec le temps; ici on peut parler d’une amélioration avec le temps. En explorant davantage les effets simples, les enfants étant asymptomatiques et persistants n’ont pas de différence significative dans le temps, alors que ceux ayant des symptômes transitoires diminuent significativement à la réévaluation deux années plus tard. Ces effets de modérations indiquent donc l’importance de différencier les interventions selon la présence ou non de symptômes. Comme dans l’étude de Ensink et ses collaborateurs (2018), la présente étude démontre que dans un même échantillon, l’évolution des trajectoires peut varier significativement entre les trois sous-groupes. De plus, il y a une différence de moyennes significatives entre chacune des trois trajectoires donc le niveau de sévérité des comportements sexualisés pourrait possiblement expliquer la diminution dans le temps. Malgré l’hypothèse initiale d’une diminution avec le temps, les comportements sexualisés cliniquement significatifs diminuent avec le passage du temps uniquement dans le groupe transitoire. Ces résultats pourraient s’expliquer en partie par le fait que les comportements sexualisés sont plus marqués chez les enfants de bas âges (Kendall-Tackett et al., 1993; Putnam, 2003) alors lorsque l’enfant vieillit, il présenterait moins de symptômes. Cependant, la maintenance dans le temps des symptômes chez le groupe persistant est également observée dans l’étude d’Ensink et ses collaborateurs (2018) où ils mentionnent que les jeunes ayant vécu une ASE ont 3,29 plus de risque de présenter des comportements sexualisés persistants. Notamment, près du tiers des enfants dans la présente étude sont asymptomatiques, soit 27,3%, comme démontré dans la revue de Kendall-Tackett et ses collaborateurs (1993) où le tiers l’était.

Dissociation. Dans l’échantillon, les enfants présentant un abus et ayant des symptômes dissociatifs cliniquement significatifs passent de 33,1% à 16,1% avec le passage du temps, tel que retrouvé dans la littérature, où 26,3% des enfants

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préscolaires victimes d’ASE présentaient des symptômes cliniques (Bernier et al., 2011). Il y a également un effet d’interaction significatif entre le temps et les trois trajectoires pour la dissociation, donc que le temps modèrerait les trajectoires. Parmi les effets simples, il est possible d’observer que seul le groupe transitoire montre une diminution significative avec le temps, ce qui était attendu au départ. Étant donné qu’il n’y a pas de différence de moyennes significatives au temps 1 entre le groupe transitoire et celui persistant, la sévérité de la pathologie ne peut expliquer la diminution dans le temps. Dans la littérature, le jeune âge de l’enfant et la durée de l’abus résulte d’un plus haut score de dissociation, ce qui pourrait expliquer en partie que le groupe transitoire descend significativement, donc plus rapidement que celui persistant dans le même laps de temps (Vonderlin et al., 2018). Autrement dit, dans le groupe persistant, les enfants ont possiblement des symptômes plus prononcés puisque tel que nommé dans la littérature, les symptômes dissociatifs sont évalués sur un continuum allant de normaux à pathologiques (Brunet et al., 2001). Cependant, dû au manque de puissance statistique, il n’est pas possible d’analyser certaines sous-variables telles la différence des types d’abus à travers les groupes (attouchement, pénétration, etc.). Par contre, dans le groupe transitoire, il est possible d’observer un taux équivalent entre l’attouchement et l’acte de pénétration, mais dans celui persistant, ces données sont manquantes ou encore, les jeunes sont dans la catégorie où il a été impossible à déterminer la sévérité de l’abus. De plus, cette diminution non significative dans le groupe persistant pourrait être entre autres expliquée par le fait qu’avec le temps, les symptômes dissociatifs chez les victimes d’ASE diminueraient chez les filles et augmenteraient chez les garçons. On peut observer que la proportion des filles est plus élevée dans le groupe transitoire alors que dans le groupe persistant, plus de garçons s’y retrouvent (Bernier, Hébert, & Collin-Vézina, 2013).

Comportements internalisés. Concernant les comportements internalisés, le seuil clinique passe de 45,8% à 41,1% après deux ans chez les victimes d’ASE, ce qui montre une diminution dans le temps, mais qui est non significative. À travers les trajectoires, il n’y a pas d’effet d’interaction du temps comme attendu. Les seuils

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cliniques atteints sont similaires à ceux trouvés par Beaudoin et ses collaborateurs (2013) où 43% des enfants présentaient ces symptômes, ainsi qu’à McCrae et ses collaborateurs (2006), soit 31% à 46%. La présence d’une différence significative entre les trois trajectoires exprime que la sévérité des comportements ne semble pas influencer la diminution des symptômes avec le temps. Malgré que le genre soit mitigé avec les comportements internalisés (Jones et al., 2013), il se pourrait qu’il n’y ait pas la présence de diminution significative des symptômes en raison qu’avec l’âge, il y aurait une augmentation de ces comportements chez les filles (Lewis et al., 2016) et dans les trois trajectoires, il y a davantage de filles que de garçons. De plus, cette variable est plus large étant donné les définitions des comportements qui diffèrent d’une étude à l’autre. À cet effet, la variable des comportements internalisés regroupe plus de symptômes ce qui peut avoir réduit la puissance statistique de soulever des différences significatives. Par ailleurs, il est possible de penser que ces résultats soit dus en partie au fait que les symptômes internalisés sembleraient plus communs chez les adolescents (Kendall-Tackett et al., 1993).

Comportements externalisés. Initialement, le niveau cliniquement significatif est de 51,2% alors qu’à la post évaluation, il diminue à 46,4%. Les seuils cliniques du temps 1 et post sont similaires, voire légèrement plus élevés que dans la littérature puisqu’il est identifié qu’un tiers des enfants victimes d’ASE présente ces symptômes ou encore, qu’ils varient entre 31% et 46% (Beaudoin et al., 2013 ; McCrae et al., 2006). Pour les comportements externalisés, malgré qu’il n’y ait pas la présence d’un effet d’interaction du temps par les trajectoires (ce qui signifie que les deux effets ne dépendent pas de l’autre), il est possible d’observer une diminution significative autant dans le groupe asymptomatique, transitoire que persistant comme attendu. Par ailleurs, la différence significative entre les moyennes de chacun des groupes montre que la sévérité des symptômes ne semble pas avoir tendance à influencer la diminution avec le temps. En effet, en examinant la sous-variable de la sévérité de l’abus, le taux des enfants ayant vécu l’acte la plus sévère (pénétration) varie entre 10% et 15% dans chacune des trajectoires. Il est possible que les résultats obtenus puissent s’expliquer en raison du nombre de filles qui est

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plus élevé dans les trajectoires transitoires et persistantes. Étant donné les études antérieures, les comportements externalisés seraient davantage présents chez les garçons (Hornor, 2010). De plus, avec l’absence d’interaction significative entre le temps et les trajectoires, d’autres variables peuvent expliquer le déclin des symptômes dans l’étude. Par exemple, l’ASE chez la mère ou encore l’accompagnement de violence physique à l’ASE peuvent influencer les comportements externalisés (Hornor, 2010) ou bien la présence d’un déficit d’attention ou d’impulsivité chez l’enfant (Jones et al., 2013) ce qui peut possiblement réduire le contrôle chez l’enfant de ses comportements.

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