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Méthode pour l'engagement du professeur du lycée dans la transition vers l'université

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la transition vers l’université

Imène Ghedamsi, Fatma Fattoum

To cite this version:

Imène Ghedamsi, Fatma Fattoum. Méthode pour l’engagement du professeur du lycée dans la tran-sition vers l’université. INDRUM 2020, Université de Carthage, Université de Montpellier, Sep 2020, Cyberspace (virtually from Bizerte), Tunisie. �hal-03113848�

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Méthode pour l’engagement du professeur du lycée dans la question

de la transition vers l’université

Imène Ghedamsi1, et Fatma Fattoum²

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University of Tunis, Tunisia, ighedamsi@yahoo.fr; ²Virtual University of Tunis, Cet article illustre la mise en œuvre d’une technique méthodologique visant l’intégration du professeur de mathématiques du lycée dans un processus de changement de ses actions en faveur d’une meilleure prise en compte des variables didactiques de la transition vers l’université en analyse réelle. La sélection des variables que nous avons jugées pertinentes dans cette étude a constitué l’élément central dans la structuration de l’entretien qui fait suite à l’analyse des séances de classe du professeur qui a participé à l’expérimentation. Les résultats ont montré des possibilités d’adaptation des actions du professeur en regard des variables de la transition tout en restant vigilant au contexte de l’enseignement secondaire.

Keywords: transition to and across university, teaching and learning of specific topics, teaching and learning of calculus, reflective practices.

INTRODUCTION

La question de la transition didactique en mathématiques fait généralement référence à deux types de changements en lien avec l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques : passage d’un ordre d’enseignement à un autre (primaire/collège, collège/lycée, etc.), passage d’un ordre d’enseignement à un ordre professionnel (université/enseignement, formation professionnelle/métiers de techniciens, etc.). Les travaux sur cette question abordent particulièrement ces changements à travers des phénomènes épistémologique, cognitif et socio-culturel (Gueudet et al., 2016). Les résultats sont majoritairement décrits en termes de difficultés que génèreraient le basculement d’un ordre d’enseignement à un autre notamment pour les élèves/étudiants, et à un niveau moindre dans la gestion du professeur du niveau supérieur (Ghedamsi, 2015 ; Bressoud et al., 2016 ; Gueudet et al., 2016). Par exemple, dans le cadre de la transition lycée/université en analyse réelle, Bloch et Ghedamsi (2005) identifient et utilisent un modèle de dix variables didactiques pour synthétiser l’ensemble des modifications requises dans le travail des élèves devenus étudiants. Ces variables, considérées comme des paramètres à plusieurs valeurs, traduisent les besoins de flexibilités épistémologique et cognitif qui accompagnent le processus d’acculturation didactique en analyse réelle à l’entrée à l’université. Parmi ces variables, nous en citons essentiellement celles qui sont partagées, en l’occurrence, dans les travaux qui problématisent la transition en analyse réelle : 1) le degré de formalisation et tout particulièrement dans les définitions des notions (Ghedamsi et Lecorre, 2018 ; Oehrtman, 2009) ; 2) le registre de validation notamment fondé, à l’université, sur la preuve de conjecture, la recherche de contre exemples, le raisonnement par l’absurde, etc. (Weber, 2015 ; Ghedamsi, 2015); 3) le statut de la notion, du processus à l’objet d’une théorie à l’université (Tall et al.,

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1999 ; Sfard, 1991). Dans cette étude, notre questionnement porte sur les possibilités du professeur à réduire, à travers ses connaissances mathématiques, l’écart entre les valeurs de ces variables à partir du lycée tant au niveau de la planification qu’en cours d’enseignement. Nous admettons que les connaissances mathématiques du professeur pour l’enseignement (CME), à un moment donné de sa carrière, sont non seulement déterminées par sa formation pédagogique et sa pratique mais aussi par ses connaissances mathématiques académiques/universitaires (Hill et al., 2004 ; Thompson, 2013). Même s’il est reconnu que la relation entre ces divers aspects de la CME est complexe, ce que nous mettons en avant concerne les significations que le professeur donne à ces connaissances (Thompson, 2015). Dans une situation d’enseignement, ces significations deviennent les causes ou les raisons probables des actions du professeur en classe et dans la préparation de son cours. Dans cette étude, nous mettons en œuvre une technique méthodologique basée sur la collaboration entre le professeur du lycée et le chercheur afin de l’amener à prendre conscience de ces significations et à y intégrer celles qui renvoient aux mathématiques de l’université pour les connecter aux mathématiques du lycée. Contrairement à l’enjeu soulevé par la deuxième discontinuité de Klein (de l’université à l’enseignement) dans la formation des futurs enseignants de mathématiques, nous abordons ici le défi d’alimenter les mathématiques de fin du lycée par un discours universitaire à travers des actions spécifiques du professeur et sous son contrôle. Les difficultés soulevées par la deuxième discontinuité de Klein (Winsløw et al., 2014) pourraient également être associées à des opportunités quand il est question de donner un rôle au professeur dans l’assouplissement des changements conceptuels et la construction d’un pont, en analyse réelle, entre le lycée et l’université.

CADRAGE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

Les travaux en lien avec le développement professionnel du métier d’enseignant soutiennent généralement l’idée selon laquelle le professeur est un acteur efficace et durable du changement en matière d'éducation (Schön, 1983 ; Sellars, 2012). La qualité du changement est explicitement rattachée à la capacité du professeur en matière de pratique réflexive et plus simplement à la mise en évidence des significations qu’il donne aux connaissances disciplinaires d’enseignement (soit aux CME dans cette étude). Pour Dewey (1933) et Schön (1983), pionniers du paradigme réflexif, cette capacité de réflexion, en cours ou après son action, permet au professeur de faire face à des situations, en l’occurrence de classe, qu’il a jugé problématique d’une manière autonome ou avec l’aide d’un tiers. L’opérationnalisation du changement est à son tour tributaire de la réflexion consciente du professeur sur les causes et les conséquences de ses actions. La planification d‘une dialectique action/réflexion, avec pour objectif final la modification de l’action future afin de la rendre plus efficace, requiert l’usage délibéré, régulier et méthodique de dispositifs qui permettraient de modéliser le processus de réflexion (Larrivee, 2000). Plusieurs travaux en éducation se sont intéressés à la modélisation de la démarche réflexive chez le professeur

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conformément au processus de réflexion sur l’action (De Cock et al., 2006). Dans tous les cas, ces modèles comportent quatre phases qui renvoient successivement à : 1) la prise de conscience d’une situation problématique dans son action ; 2) l’analyse des causes et des conséquences de l’action spécifiée sur les apprentissages ; 3) la structuration de la nouvelle action sur la base de nouvelles CME ; 4) l’expérimentation de la nouvelle action qui amorce à son tour un nouveau cycle de la démarche réflexive. Le processus décrit par ces quatre phases requiert la prise en compte de deux éléments fondamentaux : le mécanisme visant le déclenchement de la réflexivité en écartant toute réduction de ce processus à un ajustement inconscient et continu du professeur au réel (Comment créer le doute dans l’action et en expliciter les implicites -i.e. les significations données aux CME en jeu, donc ce qu’il veut en dire, et leurs aboutissants ?) et la hiérarchisation des niveaux de réflexion (A quoi renvoient ces significations ? Quels sont leurs déterminants ?).

Dans le cadre de notre recherche, nous nous intéressons au processus de réflexion sur l’action, où le professeur opère un retour réflexif a postériori de son action. Notre objectif n’est pas d’analyser le développement professionnel du métier d’enseignant de mathématiques, ni de porter le professeur intervenant dans cette recherche à adopter ce processus de réflexion et d’en étudier les effets. Notre intérêt est fondamentalement méthodologique : comment cadrer théoriquement une discussion entre chercheur et professeur du lycée qui engagerait ce dernier dans la problématique de la transition vers l’université, et l’amènerait de ce fait à opérer un changement dans ses propres actions. Parmi les mécanismes visant la réflexivité du professeur, la réflexion guidée s’inscrit particulièrement dans le contexte de notre recherche et consiste en une interaction entre le professeur et un tiers (donc le chercheur ici) sous forme d’entretien structuré sur la base des résultats de séances de classes assurées par ce praticien et transcrites en verbatim (Husu et al., 2008). L’entrée dans les phases du processus requiert de la part du professeur de la réflexion, notion que nous entendons dans l’acception des travaux sur la pratique réflexive en éducation, c'est-à-dire un processus mental conscient et volontaire qui intervient dans l’étude d’une situation en engageant une prise de distance par rapport à cette situation et l’action qui la génère, débouchant sur la production de nouvelles connaissances et la modification de l’action. L’existence d’une certaine hiérarchisation de la réflexion dans cette littérature, traduite en termes de catégories ou niveaux de réflexion, montre l’impact du contenu de la réflexion sur le processus mental que cette dernière engendre. Bien que les travaux de recherche n’associent pas explicitement les divers niveaux de réflexion avec une ou des phases particulières de la démarche réflexive, ils s’accordent sur l’existence d’au moins trois niveaux globaux (Hatton et Smith, 1995) : 1) Technique, en lien avec le contexte de l’enseignement, ses divers aspects et moyens ; 2) Pratique, lié à l’expérience du professeur de la discipline en tant qu’enseignant, étudiant ou autre ; et 3) Critique ou théorique, qui porte sur les règles reconnues et les éléments théoriques manifestes. Pour ce qui est du professeur de mathématiques, si l’on admet que les questionnements épistémologiques impliquant l’étude des conditions d’adéquation des connaissances mathématiques n’écartent pas

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les CME de cette étude, alors ces questionnements se retrouvent à tous les niveaux de réflexion. Dans cette recherche, nous avons mis en œuvre le dispositif de réflexion guidée utilisée sous forme de rappel stimulé où le professeur de mathématiques répond aux questions, d’un entretien, posées par le chercheur. L’entretien a été structuré conformément aux trois premières phases de la pratique réflexive et ses questions ont été élaborées sur la base des résultats de séances de classe que ce professeur a préalablement assurées pour introduire les notions de suite et de convergence en fin du lycée. Ces résultats avaient permis de mettre en évidence des situations problématiques dans les actions du professeur en lien avec les trois variables de la transition mentionnées ci-dessus. A travers cet entretien, la collaboration chercheur/professeur a pour objectif de porter l’attention du professeur sur les attentes de la transition et les intégrer dans ses CME pour ne pas les négliger dans ses prises de décisions.

EXPERIMENTATION Contexte de l’étude

Le professeur, qui a accepté de contribuer à notre recherche en participant à cet entretien, possède une maitrise en mathématiques et quinze années d’expérience dans l’enseignement de fin du lycée. Notre collaboration date de cinq années, et a été initiée par l’enregistrement de trois séances d’une même classe de 35 élèves de fin du lycée, qu’il a assuré et qui ont porté sur les notions de suites et de convergence. Les transcriptions et les résultats de l’analyse de ces séances ont constitué le support de cet entretien et un accompagnement du processus de réflexion sur l’action (pour plus de détails sur cette analyse voir Ghedamsi et Fattoum, 2018). Dans le cadre de la problématique de la transition en analyse réelle, nous avons mis l’accent sur les actions du professeur en lien avec la gestion du formalisme, la gestion de la validation et la gestion du statut de la notion en jeu (expérimentation et objectivation), nous nous limitons ici à la notion de suite sans aborder la question des limites et de convergence. La mise en évidence des CME du professeur qui sous-tendent ces actions et les négociations de leur adaptation en fonction de la problématique de la transition, une problématique d’abord à la charge du chercheur et progressivement partagée par le professeur, constituent l’enjeu majeur de l’entretien. Analyse a priori des termes de l’entretien

L’entretien a été construit de sorte à confronter le professeur à certaines de ces prises de décision par le biais d’interrogations portant sur les trois formes de gestion indiquées ci-dessus. L’analyse qui suit est organisée suivant ces trois rubriques et sera alimentée, dans la mesure du possible (pour des raisons d’espace), par des séquences illustrant certaines des actions du professeur sur lesquelles porte l’entretien.

- Actions en lien avec la gestion du statut de la notion :

AS1 - Donnée d’exemples, de non exemples, de contre-exemples (Expérimentation) : Les premières interrogations concernent le rôle des exemples et leur diversification pour décrire les différentes facettes de la notion de suite et reconnaître les éléments

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indispensables pour la caractériser. Fournir aux élèves des exemples typiques et unilatéraux de suites, comme en témoigne les choix du professeur, peut être l’une des raisons pour lesquelles les futurs étudiants peineront à développer des conceptions alignées à sa définition. La production de contre-exemple, quasiment absente aussi bien dans la planification du cours que dans le déroulement des séances de classe, permet à son tour de cerner la nécessité des hypothèses de cette définition.

AS2- Distinction entre suite et fonction (Objectivation) : Dans le cadre des choix du professeur d’introduire les suites comme cas particulier de fonction (et d’exploiter, plus tard conformément au programme officiel, les techniques sur les fonctions afin d’étudier les variations des suites, les minorants/majorants éventuels, et les limites), le processus d’objectivation de la notion de suite est tributaire d’une focalisation sur la distinction entre ces deux notions, ce qui permettrait aussi d’amorcer un raisonnement sur le lien entre le discret et le continu en analyse réelle. Des interventions du professeur telles que "écris x à la place de n" en réponse à l’élève qui devait identifier la fonction associée à une suite ou alors "Non…pourquoi les joindre ? On va juste les placer" en réponse à l’élève qui confondait la représentation graphique d’une suite et celle de la fonction associée, constituent la base des interrogations sur le sujet : dans quelles mesures est-il possible 1) d’intégrer des exemples de suites, non standards, définies à partir de fonctions qui ne sont pas du programme ? 2) de définir une suite par la liste de ses termes (exemple (1, -1, 1, -1, …)) ? 3) de différencier les propriétés liés aux fonctions, impliquant la topologie de et qui n’ont pas de sens pour les suites (graphe, limite en un point, dérivabilité, etc.) et les propriétés des fonctions liées à l’ordre total établi dans et qui peuvent être étendues aux suites (monotonie, bornée, etc.).

- Actions en lien avec la gestion du formalisme :

AF1 - Illustration des énoncés quantifiés : Rappelons que la transition vers l’université implique l’usage assez systématique d’énoncés quantifiés. Nous ne rentrons pas dans la manière avec laquelle les futurs étudiants construiraient une signification de ces écritures quantifiées. La réaction en chœur des élèves, "Quelle est la différence ?", à propos de l’inversion de l’ordre des quantifications dans la définition d’une suite majorée, sans que le professeur n’en donne une suite, ainsi que le non respect de la nature du quantificateur montrent la nécessité de le sensibiliser à l’intérêt de discuter les règles d’organisation des quantificateurs dans un énoncé mathématique.

AF2 - Enonciation d’expressions informelles : Nous nous centrons en particulier sur l’usage, par le professeur, de formes langagières particulières pour aborder de notions clés de l’analyse réelle : l’infini et le continu. Comme soulignés par Alcock et Simpson (2017) : "The difference between mathematical and natural categories is commonly understood to cause students errors".(p.6). Or, le professeur n’hésite pas à employer des formulations portant à plusieurs interprétations sur la base d’exemples de suites prototypés représentées par leurs graphes : "ils sont proches", "On considère des intervalles infiniment petits centrés en 3", "ça augmente indéfiniment", "le

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nombre d’insectes semble croitre sans dépasser 200", sans s’attarder sur des interventions de futurs étudiants du type "C’est grand comme intervalle non ?".

- Actions en lien avec la gestion de la validation - AV1 - Identification de modes de raisonnements mathématiques : Il est reconnu qu’à l’université différents modes de raisonnement sont utilisés pour prouver la validité des résultats mathématiques, il est important qu’une initiation progressive se mette en place à travers l’enseignement des notions de l’analyse réelle. L’appui sur la donnée de contre-exemples offre l’opportunité aux futurs étudiants de pratiquer la négation d’un énoncé universel en illustrant par exemple l’absence d’une propriété telle que la monotonie d’une suite (il suffit de trouver trois termes consécutifs de la suite donc réalisant les conditions imposées dans l’hypothèse sans que soit vérifiée la conclusion). De même pour les raisonnements de types condition nécessaire et condition suffisante qui est au cœur de la question de la réciproque de cette propriété : "si la fonction est croissante (décroissante, constante, minorée ou majorée), alors il en est de même de la suite qui lui est associée". L’automatisme qui accompagne l’usage de cette propriété, à travers ce qu’appelle le professeur "la fonction naturelle" empêche les élèves de voir qu’à une suite donnée on peut associer plusieurs fonctions et mettre à défaut sa réciproque. ANALYSE DES RESULTATS DE L’ENTRETIEN

L’entretien s’est déroulé en deux séances, de deux heures chacune, qui ont eu lieu à un jour d’intervalle. Nous avons enregistré un total de 272 interventions lors de cet entretien quasi équilibrées entre le chercheur et le professeur : 144 interventions du chercheur et 128 interventions du professeur. Le tableau 1, suivant décrit la répartition de ces interventions en fonction des trois rubriques d’étude adoptées.

Gestion du statut Gestion du formalisme Gestion de validation

Chercheur 23 (9%) 44 (16%) 77 (27%)

Professeur 20 (9%) 38 (14%) 70 (25%)

Tableau 1: Répartition des interventions par rubrique

Une première étude globale de notre transcription a montré que les trois niveaux de réflexion : technique, pratique et théorique, ont accompagné le contenu du discours du professeur au cours des trois phases de la démarche réflexive. Plus précisément, l’acheminement de la phase de prise de conscience vers la phase de distanciation et d’objectivation des causes et des conséquences de son action, préalablement mise en évidence par le chercheur, passe par une étape où le professeur essaye de la légitimer par une argumentation basée sur le contexte de l’enseignement des mathématiques, et ses exigences, ou sur une pratique qui a fait ses preuves. Durant la phase trois de modification de l’action, le niveau de réflexion du professeur est fondamentalement critique en lien avec les règles mathématiques savantes. Pour chaque rubrique, notre analyse va porter notamment sur les niveaux de réflexion c'est-à-dire sur les CME du professeur qui ont fondé ses actions, et sur le processus de leur régulation à travers

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les trois phases de la démarche réflexive. Dans toute la suite, l’intervention précédée par P est celle du professeur.

- Actions liées au statut de la notion : La prise de conscience du professeur du rôle des exemples dans la conceptualisation de la notion de suite a été très lente. La remise en question de AS1 a progressivement émergé à travers son expérience des suites non standards de fin du lycée P : "Comme pour le reste de la division euclidienne de 20 par n+1", mais aussi de suites plus complexes et qui P : "… ne sont pas décrites par des fonctions d’une manière simple". En acceptant de ne pas limiter la cause de son action aux contraintes du programme, le professeur met l’accent sur ses conséquences possibles au-delà du lycée en déclarant simplement qu’il va P : "… diversifier les exemples. En outre, la donnée de non exemples de suites où les fonctions ne remplissent pas l’une des conditions de la définition ne fait pas partie de ses CMEs et pour cause, ne pas perturber la construction des connaissances des élèves en prenant le risque de s’écarter des termes du programme P : "C’est drôle, on leur apprend une chose et juste après on doit leur donner des contre-exemples (à entendre aussi en termes de non exemples) où ça ne fonctionne pas !". Il a tendance à vouloir "protéger" les élèves contre le doute que peuvent créer les non exemples et les contre-exemples, y compris quand il s’agit de solliciter des suites ne vérifiant pas une propriété donnée (monotonie, bornée) P : "Et quel est l’intérêt ? Pourquoi on fait ça maintenant ?". En confrontant le professeur aux interventions de ses élèves lors des séances de classe "… une suite est soit croissante, soit décroissante" ou encore "… est ce que toutes les suites sont bornées ?", le professeur finit par se convaincre de l’importance des non exemples pour mettre en relief les différentes hypothèses d’une définition ou d’une propriété. Conscient des possibilités d’utiliser des graphiques pour donner des non exemples ou des contre-exemples (par exemple de conjectures du type si la suite est croissante et définie par une fonction f, alors la fonction f est croissante), et soucieux des limites de la visualisation pour les besoins de l’abstraction, le professeur demeure sceptique à la donnée d’exemple où le graphique de la suite montre qu’elle P :"… dépasse toute valeur fixée à l’avance". En même temps qu’il semble conscient de l’importance de pouvoir traiter les suites sans un passage obligatoire par les fonctions et des manques au niveau de AS2, le professeur trouve des difficultés à se décharger des termes du programme officiel en gardant la cohérence d’une construction mathématique adaptée à l’aval du lycée. Tout en étant favorable à l’introduction des suites à partir de leurs listes de termes, le professeur semble encore hésitant sur le scénario à adopter dans sa planification future P : "Ce genre d’exemples, où est-ce qu’on va l’introduire ?". De la définition de suite, les élèves retiennent essentiellement qu’il s’agit d’une fonction et omettent le reste des conditions. Ils n’hésitent pas à dériver les suites et étudier la monotonie sur plusieurs intervalles. Au début, le professeur semble désarmer devant cette situation P : "Je ne vais quand même pas parler des intervalles discrets aux élèves … je ne vais pas faire de la topologie ??". Pour le professeur, la distinction entre le discret/continu est en règle générale très abstraite à ce niveau du cursus et opte pour l’usage des potentialités du graphique pour remédier à la question P: "Je

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vais insister sur le fait que les points sont discrets et constituent la trace de la fonction sur IN. La trace est la même quelque soit la fonction. Parce que la trace c’est la suite. La suite est la même quelque soit la fonction." ou alors P : " ils (les élèves) prennent différentes valeurs de n en commençant par le premier ordre, calculent leurs images et représentent uniquement ces points.".

- Actions liées au formalisme : Le professeur est d’emblée conscient de sa prise en charge minimaliste des situations problématiques d’inversions des quantificateurs dans les propriétés de suites monotones et de suites bornées. Progressivement, il alimente les échanges par des raisons pour expliquer son action (AF1). D’abord : 1) en déclarant que les futurs étudiants P : "… ne connaissent pas les règles de la quantification, y compris la négation" tout en insistant sur le caractère déterminant de l’ordre des quantificateurs dans la signification des énoncés quantifiés ; puis 2) en évoquant la difficulté de trouver un exemple générique pour illustrer les différentes règles. Sur la base d’un débat sur la mise en application d’un énoncé quantifié permettant d’en saisir les différentes composantes, le professeur finit par soumettre les différents exemples à des régulations instantanées afin d’en garder ceux qui sont les mieux adaptés au contexte d’enseignement et aux attentes de futurs étudiants. Contrairement aux énoncés quantifiés, l’usage des expressions informelles en lien avec l’infini et le continu n’apparait pas problématique pour le professeur P : "il est où le problème ?". Il justifie son action (AF2) par les exigences des exercices qu’il déclare ne plus pouvoir faire ! La suite des interactions avec le chercheur a amené méthodiquement le professeur à renverser la situation en faveur de l’usage d’expressions plus neutres telles que P : "[…] Quand n augmente, quand n devient plus grand. Mais on évite d’utiliser « approche »". En outre, il propose d’utiliser le graphique d’une suite particulière pour initier un travail sur les valeurs approchées en prenant différentes valeurs de la précision et en cherchant les rangs n correspondants. L’exemple peut de ce fait être choisi de sorte que P : "L’approximation se fait de manière alternée par valeurs supérieures et par valeurs inférieures".

- Action liée à la validation : Convaincu de l’importance de distinguer une implication de sa réciproque en soulignant que les futurs étudiants ont intérêt à comprendre que la véracité de l’une ne permet pas de confirmer l’autre, le professeur préfère quand même mettre l’accent sur la possibilité de P : "… de ne pas utiliser les techniques par les fonctions (pour étudier la monotonie ou la majoration/minoration d’une suite)) quand l’occasion se présente". En insistant sur les séquences de classe en lien avec les exemples de suites monotones ou bornées, propriétés non partagées par des fonctions qui leur sont associées, le professeur préfère mettre l’accent sur les limites des techniques par les fonctions plutôt d’exploiter ces éventualités pour aborder les questions de condition nécessaire et condition suffisante P : "C’est pour dire que ces techniques ont des limites". Cette dernière intervention, même si elle dénote une certaine distanciation du professeur par rapport au rôle des fonctions dans un travail avec les suites, elle montre qu’il n’est pas prêt à aborder la question des fonctions non "naturellement » associées aux suites au risque de se trouver confronter à des choix qui supplantent le programme et biaisent la rigueur mathématique.

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A l’issue de cette analyse trois éléments importants peuvent être dégagés : 1) en aucun cas nous ne pouvons affirmer que nous avons pu déterminer les significations des CME du professeur même si l’entretien a été conçu pour les susciter, le mieux qu’on puisse dire est que nous avons pu en cerner certains aspects nécessaires à l’étude des adaptations potentielles des CME ; 2) quoique les CM du professeur sont suffisamment solides pour lui permettre d’opérer des changements au niveau des CME (l’usage des exemples de suites, la donnée de contre-exemples, l’usage de graphiques, l’expression informelle d’aspects topologiques discrets et continus, l’instanciation des énoncés quantifiés, la modélisation des raisonnements mathématiques) impliquées dans ces actions, l’adoption de nouvelles CME reste tributaire du contexte de l’enseignement et de son expérience d’enseignant ; 3) le niveau critique de la réflexion du professeur renvoie généralement aux normes des mathématiques savantes et fonde son engagement vers la modification de ses actions pour une meilleure prise en compte de la problématique de la transition.

CONCLUSION

La méthode que nous avons mise en place, pour dévoluer au professeur de fin du lycée la question de la transition vers l’université en analyse réelle, est fondamentalement centrée sur ce que peut apporter la démarche réflexive comme changement dans les actions du professeur. La structuration de l’entretien qui a servi de mécanisme pour déclencher la réflexivité du professeur est fondée : 1) du point de vue du découpage et du contenu, sur les aspects spécifiques de la problématique de la transition ; 2) du point de vue plus transversal, sur des interactions actives et constructives axées sur les questionnements et les problématisations pour dénouer les implicites, leurs déterminants et aboutissants. Cette technique est loin d’être finalisée, moins encore facile à réaliser, en raison de la multitude de dimensions qu’elle porte en considération (la didactique du phénomène étudié, la cognition du professeur, la complexité de l’outil entretien, etc.). Elle nous a, en outre, permis d’effectuer des analyses significatives des possibilités d’entrée du professeur de mathématiques du lycée dans le jeu de la transition vers l’université et de commencer à penser, sur une échelle plus large que cette étude, son implication dans la construction d’une passerelle entre le lycée et l’université en analyse réelle. Plusieurs études, en lien avec les connaissances du professeur et sa formation professionnelle, sont nécessaires pour espérer donner de la généricité à cette méthode.

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