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Modulation de la coercition sexuelle subie, des traits psychopathiques et de la satisfaction sexuelle et conjugale chez des couples intimes

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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KAÏLA RODRIGUE

Modulation de la coercition sexuelle subie, des traits psychopathiques et de la satisfaction sexuelle et conjugale chez des couples intimes

Mémoire doctoral présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en psychologie pour l'obtention du grade de Docteur en psychologie (D.Psy.)

DEPARTEMENT DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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Au sein des relations de couple à l'âge adulte, la coercition sexuelle ne se manifeste pas toujours par l'utilisation de la force physique, mais bien plus par l'utilisation de tactiques subtiles (e.g., retraits de bénéfices ou menaces de retraits de bénéfices; Camilleri, Quinsey, Tapscott, sous presse; Shackelford & Goetz, 2004). Certains traits de caractère sont associés à l'utilisation de la coercition sexuelle envers le partenaire. La psychopathie infra-clinique qui est reliée à une variété de comportements sexuels violents, à des attitudes et à des cognitions négatives à l'égard du partenaire tout comme à l'infidélité constitue l'un de ces traits (Williams, Spidel, & Paulhus, 2005). La présente étude examine d'une part, le lien entre les traits de personnalité psychopathique et la coercition sexuelle subie dans les relations intimes stables et d'autre part, le lien entre ces mêmes traits et la satisfaction conjugale et sexuelle rapportée par les conjoints. Les résultats, obtenus auprès de 72 couples, démontrent que les traits psychopathiques de l'homme sont reliés à la coercition sexuelle subie par la conjointe et par lui-même. L'insensibilité affective de l'homme contribuerait davantage que les autres dimensions de la psychopathie à la coercition sexuelle subie par la femme. La manipulation interpersonnelle chez la femme serait en lien avec la coercition sexuelle subie par son conjoint. Les traits psychopathiques de l'homme sont reliés également à sa satisfaction sexuelle et conjugale. Ce sont les tendances criminelles et le style de vie désordonné chez l'homme qui contribuent à ce lien. Chez la femme, les traits psychopathiques sont reliés seulement à sa satisfaction sexuelle. Ces résultats sont discutés à la lumière de ceux des études récentes.

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Avant-propos

Stéphane Sabourin, mon directeur de recherche, a collaboré par ses commentaires à la mise en place de la méthodologie, aux analyses et à la rédaction de l'article et du projet de thèse. Nadine Forget-Dubois a contribué à la réalisation des analyses de l'article. Kaïla Rodrigue, en tant que première auteure de l'article, est responsable de la conception de l'étude, du recrutement des participants, de la collecte des données, de l'analyse de celles-ci et de la rédaction du projet de mémoire doctoral.

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Premièrement, j'aimerais remercier l'implication indéniable de mon superviseur de recherche, Stéphane Sabourin, sans qui ce projet n'aurait pas vu le jour. Depuis ces dernières années, il a su m'encourager à travers les épreuves de la rédaction, tout en sachant bien m'orienter pour mes choix de carrière professionnelle. Son support inconditionnel et le partage de son savoir m'ont permis de réaliser ce mémoire doctoral. J'aimerais souligner l'aide très estimée de Nadine Forget-Dubois, statisticienne, pour la réalisation de mes analyses. De plus, mon recrutement n'aurait peut-être pas été aussi rapide sans l'aide de ma collègue, Valérie Gagnon, qui validera également l'un des questionnaires utilisé dans ce projet. Je souligne également le soutien et l'appui des membres de mon comité de thèse, Catherine Bégin et Yvan Lussier. Ce dernier m'a d'ailleurs aidée lors de la traduction de mes questionnaires. Je dois remercier Delroy L. Paulhus d'avoir bien voulu que je traduise et utilise son questionnaire qui n'est pas encore publié. Je remercie les membres du comité de direction du Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles pour leur soutien financier au cours des dernières années. Je suis aussi reconnaissante vis-à-vis mes collègues de laboratoire pour les «jasettes» entre deux travaux et l'entraide dans nos projets. Je remercie sincèrement mes amies Melissa Verreault, Marie-Eve Fortin et Brigitte Nadeau avec qui j'ai traversé toutes ces années universitaires et partagé différentes expériences. Dernièrement, mais sans moindre importance, je remercie mon amoureux Jasmin et ma famille, particulièrement mes parents Pierre et France, ma sœur Cassy et ma grand-mère Lucille, pour leur soutien, leur écoute, leurs encouragements et leurs conseils au cours de ces dernières années qui n'ont pas toujours été de tout repos.

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Table des matières

Résumé ii Avant-propos iii Remerciements iv Liste des tableaux vi Chapitre 1 Introduction générale 1

1.1 Introduction 1 1.2 Coercition sexuelle au sein du couple 3

1.3 Psychopathie infra-clinique 7 1.4 Coercition sexuelle et traits psychopathiques 9

1.5 Objectifs généraux de la présente thèse 11 Chapitre 2 Modulation de la coercition sexuelle subie, des traits

psychopathiques et de la satisfaction sexuelle et conjugale chez des couples

intimes 12 2.1 Résumé 14 2.2 Introduction 15 2.3 Méthodologie 21 2.3.1 Participants 21 2.3.2 Procédure 22 2.3.3 Instruments de mesure 22 2.3.4 Stratégie d'analyse 25 2.4 Résultats 26 2.4.1 Prévalence de la coercition sexuelle et de la satisfaction sexuelle et

conjugale 27 2.4.2 Prédiction de la coercition sexuelle subie selon les traits

psychopathiques 29 2.4.3 Prédiction de la satisfaction sexuelle et conjugale selon les traits

psychopathiques 31

2.5 Discussion 32 2.5.1 Coercition sexuelle 32

2.5.2 Satisfaction sexuelle et conjugale 37 2.5.3 Forces et limites de la présente étude 39

2.5.4 Implications cliniques 40

2.6 Références 42 Chapitre 3 Conclusion générale 57

3.1 Rappel des objectifs et des principaux résultats 57

3.2 Coercition sexuelle au sein du couple 57 3.3 Coercition sexuelle et psychopathie 58 3.4 Satisfaction sexuelle et conjugale 58 3.5 Implications théoriques et cliniques 59

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3.6 Limites de l'étude, recherches futures et conclusion finale 59

3.7 Références (Introduction et Conclusion générales) 61

ANNEXE 65 ANNEXE A : Formulaire de consentement 66

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Liste des figures et tableaux Chapitre 2 (Article)

Figure 1. Prévalence (%) de la coercition sexuelle subie par les femmes (n = 72) et les hommes (n = 72) selon les trois catégories de l'Échelle de coercition

sexuelle dans les relations intimes 50 Tableau 1. Moyennes, écarts types et corrélations entre les traits psychopathiques,

la coercition sexuelle subie, l'insatisfaction sexuelle et la satisfaction

conjugale des conjoints 51 Tableau 2. Corrélations entre les dimensions de la psychopathie, la coercition

sexuelle subie, l'insatisfaction sexuelle et la satisfaction conjugale de

chacun des conjoints 52 Tableau 3. Régressions logistiques pour prédire la coercition sexuelle subie par

l'homme et la femme selon les traits psychopatiques de l'homme 53 Tableau 4. Régressions logistiques pour prédire la coercition sexuelle subie par la

femme et l'homme selon les quatre dimensions de la psychopathie 54 Tableau 5. Régressions hiérarchiques pour prédire la satisfaction conjugale de l'homme

selon les traits psychopathiques de l'homme et leurs quatre dimensions 55 Tableau 6. Régressions hiérarchiques pour prédire l'insatisfaction sexuelle selon les traits

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Introduction Générale

1.1 Introduction

Bien que la satisfaction conjugale occupe une place capitale dans les modèles contemporains de la stabilité conjugale (Karney & Bradbury, 1995), les enquêtes sondant l'opinion publique montrent que 75% de la population considèrent la sexualité comme un déterminant central du bonheur au sein des relations de couple (Collins & Coltran, 1991). D'ailleurs, près de 30% des couples consultant un professionnel rapportent que leurs difficultés relationnelles sont en partie attribuables à des problèmes sexuels (Doss, Simpson, & Christensen, 2004). En effet, la sexualité est une source majeure de conflits chez les couples (Makepeace, 1981). La coercition sexuelle constitue une manifestation sous-étudiée des troubles sexuels vécus au sein du couple.

Plusieurs termes sont utilisés de façon interchangeable pour définir la violence sexuelle à l'intérieur des relations de couple : la coercition sexuelle (e.g., coercition interpersonnelle et coercition sociale; Finkelhor & Yllo, 1985), l'agression sexuelle et le viol (e.g., menaces de coercition physique et comportements de coercition physique; Finkelhor & Yllo, 1985). Certains auteurs distinguent ces termes en proposant que la coercition ne fait pas appel à des tactiques physiques pour obtenir des faveurs sexuelles, alors que l'agression et le viol font référence à l'utilisation de la force (DeGue & DiLillo, 2004). D'autres auteurs prétendent que tous ces termes réfèrent à un même continuum de tactiques sexuelles visant à obtenir des faveurs sexuelles d'un partenaire non consentant (Lyndon, White, & Kadlec, 2007). C'est cette dernière définition qui est utilisée dans le présent projet. Il est maintenant bien établi que les agressions sexuelles sont davantage perpétrées par un individu connu de la victime, une connaissance, un copain ou un conjoint (Basile, 2002; Tjaden & Thoennes, 2000). Ce n'est toutefois que dernièrement que les spécialistes en coercition sexuelle ciblent les conjoints de relations intimes stables car,

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 2

jusqu'en 1976, la loi immunisait ceux-ci contre les poursuites de viol aux États-Unis (Finkelhor & Yllo, 1985; Russel, 1990).

Inspirée du modèle de Malamuth, Sockloskie, Koss et Tanaka (1991), l'analyse des facteurs étiologiques de la coercition sexuelle s'effectue généralement selon quatre catégories, incluant; 1) les attitudes et les croyances, 2) les tendances comportementales, 3) les caractéristiques de la personnalité et 4) les expériences d'abus vécues durant l'enfance (DeGue & DiLillo, 2005). L'acceptation des mythes et des stéréotypes à propos de la sexualité (e.g., «Je crois qu'il est concevable de faire l'amour dès le premier rendez-vous» ou « J'étais incapable de m'arrêter, car j'étais trop excité») est reliée à l'utilisation de tactiques sexuelles coercitives. Certaines variables comportementales telles que la délinquance, la promiscuité sexuelle et l'agressivité physique sont des prédicteurs de l'utilisation de la coercition sexuelle. La présence d'une histoire d'abus et de victimisation augmente également le risque d'être engagé dans une relation sexuelle coercitive. Enfin, les deux facteurs de personnalité contribuant substantiellement à l'utilisation de la coercition sexuelle sont le manque d'empathie et la psychopathie. Par contre, il existe encore peu de données empiriques sur le rôle des traits de personnalité psychopathique en tant que prédicteurs de la coercition sexuelle, principalement au sein des relations de couple. Pourtant, plusieurs auteurs ont démontré que les manifestations des traits psychopathiques peuvent émerger chez les gens de la communauté de façon subtile et indirecte, par exemple par la manipulation sociale (Babiak & Hare, 2006; Hall & Benning, 2006).

Le projet qui suit s'attache donc à décrire le lien existant entre la psychopathie infra-clinique et la sexualité chez des couples en relation intime stable. Plus particulièrement, l'association entre les traits psychopathiques et la coercition sexuelle subie dans le couple sera examinée ainsi que les liens entre ces traits et la satisfaction sexuelle et conjugale. Afin de bien cerner les concepts étudiés, la documentation théorique et les recherches récentes sur le sujet sont présentées. La coercition sexuelle est tout d'abord définie et son intégration à l'intérieur du champ de la psychologie du couple est approfondie. Ensuite, l'analyse porte sur le concept de psychopathie infra-clinique pour

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finalement établir ses liens avec la coercition sexuelle et la satisfaction sexuelle et conjugale.

1.2 Coercition sexuelle au sein du couple

La coercition sexuelle est définie comme l'utilisation de tactiques pour obtenir des relations sexuelles d'un partenaire non consentant (Camilleri, Quinsey, & Tapscott, sous presse). Elle inclut une grande variété de comportements allant de la manipulation verbale et émotionnelle (e.g., menaces de mettre fin à la relation, menaces d'utiliser la force physique), à l'utilisation de la force physique et au viol (Russel & Oswald, 2002). Au sein des relations intimes, les partenaires sont supposément plus tendres et respectueux l'un envers l'autre (Buss, 2004), c'est pourquoi la coercition sexuelle serait plus souvent exprimée par des moyens subtils que par l'utilisation de la force physique (e.g., retraits de bénéfices ou menaces de retraits de bénéfices; Camilleri et al., sous presse; Shackelford & Goetz, 2004). D'autres chercheurs suggèrent que la coercition verbale est la forme dominante de coercition sexuelle dans les relations intimes (Busby & Compton, 1997; Koss, Leonard, Beezley, & Oros, 1985). En ce sens, Russel et Oswald (2001, 2002) rapportent que 28% d'étudiantes collégiennes initient des comportements sexuels coercitifs à caractère verbal dans leur relation (e.g., par l'argumentation ou en affirmant des choses qu'elles ne pensent pas vraiment), que 26.5% des collégiens utilisent des affirmations non réfléchies (e.g., dire des choses qu'ils ne pensent pas vraiment) et que 12.2% de ces mêmes hommes argumentent pour obtenir des faveurs sexuelles de leur partenaire. L'étude de Basile (2002) fait état de différents pourcentages de femmes victimes de viol et de coercition sexuelle par leur époux ou leur partenaire intime. Le pourcentage de femmes, mariées ou non, victimes de viol par leur partenaire s'élève à 10%, alors que 34% des femmes de l'échantillon ont déjà vécu une relation sexuelle non désirée avec leur partenaire. Dans le contexte des relations de couple, plusieurs femmes (61%) ont des relations sexuelles non désirées pensant que cela constitue leur devoir conjugal (Basile, 2002). D'autres chercheurs rapportent des taux de prévalence de victimes de coercition sexuelle au sein de leur couple oscillant entre 10% et 26% chez les femmes et autour de 5%

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 4

chez les hommes (Choi, Binson, Adelson, & Catania, 1998; Goetz & Shackelford, 2009; Laumann, Gagnon, Micheal, & Micheals, 1994; Visser, Smith, Rissel, Richters, & Grulich, 2003). Les études ont majoritairement recruté des couples d'étudiants en relation de fréquentation, c'est pourquoi le présent projet prendra soin d'inclure des couples en relation intime stable.

La présence de coercition sexuelle subie est associée à une moins bonne santé psychologique, physique et sexuelle chez les femmes (Visser, Rissel, Ritchers, & Smith, 2007). Les femmes victimes de coercition sexuelle sont plus susceptibles d'éprouver des problèmes sexuels comme la peur de l'intimité, le manque de plaisir sexuel et l'anxiété à propos des performances sexuelles (Visser et al., 2003). Elles sont également plus à risque d'adopter des conduites sexuelles dangereuses (e.g., avoir plusieurs partenaires sexuels, risque de contracter une maladie transmissible sexuellement) et de mauvaises habitudes de santé comme la consommation excessive de cigarettes, d'alcool et de drogues (Visser et al., 2003). Elles sont aussi plus à risque de développer un trouble dépressif ou un trouble de stress post-traumatique (American Psychiatrie Association, 1994).

Shackelford et Goetz (2004) ont développé une échelle pour bien cerner la coercition sexuelle dans les relations intimes, la Sexual Coercion in Intimate Relationships Scale (SCIRS). Trois catégories d'items ressortent de leur échelle correspondant aux conflits généralement retrouvés dans les relations intimes. La première catégorie traite du recours à la manipulation et à la violence. Dans cette catégorie, des cadeaux ou autres bénéfices sont offerts au partenaire ou des menaces d'utiliser la force physique sont appliquées pour obtenir des faveurs sexuelles. La deuxième catégorie porte sur la manipulation exercée par le partenaire qui affirme qu'une relation de couple «normale» s'accompagne d'une obligation d'avoir des relations sexuelles avec le partenaire. Dans la dernière catégorie, menace de départ, le partenaire affirme qu'il aura des relations sexuelles avec d'autres personnes ou trouvera un autre partenaire de vie s'il n'est pas satisfait sexuellement. L'échelle de Shackelford et Goetz a été conçue afin d'évaluer la coercition sexuelle exercée uniquement par l'homme au sein de la relation. Par contre, dans le présent

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projet, l'échelle sera adaptée pour mesurer aussi la coercition sexuelle perpétrée par la femme.

Quelques prédicteurs de l'utilisation de la coercition sexuelle en contexte de relations intimes ont été identifiés : la faible estime de soi des hommes (Burke, Stets, & Pirog-Good, 1988), l'agression physique et psychologique à caractère non sexuel des hommes dirigée vis-à-vis leur partenaire (Marshall, & Holtzworth-Munroe, 2002), la consommation d'alcool et de pornographie par les hommes (Carr & VanDeusen, 2004), la jalousie sexuelle des hommes (Frieze, 1983) et l'infidélité de la femme (Goetz &

Shackelford, 2006). L'organisation de ces facteurs étiologiques a donné naissance à deux modèles théoriques expliquant la coercition sexuelle: la théorie de la compétition du sperme (Camilleri, 2004; Goetz & Shackelford, 2006; Lalumière, Harris, Quinsey, & Rice, 2005) et la théorie de la domination masculine (Basile, 1999; Frieze, 1983; Gage & Hutchinson, 2006).

La compétition du sperme est un phénomène, tout d'abord observé chez les animaux (McKinney, Cheng, & Bruggers, 1984), qui est relié au doute qu'a l'homme en la fidélité de sa partenaire. La coercition sexuelle serait une réponse aux indices d'infidélité de la partenaire dans le but d'inséminer sa partenaire qui vient peut-être de l'être par un rival (Goetz, Shackelford, & Camilleri, 2008). En effet, une étude récente de Camilleri et Quinsey (2007) révèle que la coercition sexuelle rapportée par l'homme est prédite par les indices directs d'infidélité de sa partenaire. Des études supplémentaires montrent que la coercition sexuelle commise par l'homme en contexte de relation intime est positivement reliée aux conduites d'infidélité de sa partenaire (Goetz & Shackelford, 2006, 2009).

La deuxième hypothèse avancée par plusieurs chercheurs à propos de la présence de coercition sexuelle dans le couple concerne la tendance de l'homme à vouloir dominer et contrôler sa partenaire (e.g., Basile, 1999; Frieze, 1983; Gage & Hutchinson, 2006). L'observation que les hommes violents physiquement sont plus enclins à utiliser des comportements de coercition sexuelle envers leur partenaire appuie cette hypothèse

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 6

(Shackelford & Goezt, 2004). Il faut cependant noter certains résultats qui vont à l'encontre de cette hypothèse. L'étude de Gage et Hutchinson (2006) démontre, en effet, que les femmes en relation avec des hommes gardant une position dominante (e.g. avoir le contrôle des finances, prendre les décisions familiales) ne sont pas plus à risque de subir de la coercition sexuelle que les femmes en relation avec des hommes qui ne maintiennent pas cette position de dominance. Ces comportements de domination sexuelle s'expliqueraient ultimement par la perception que le «pouvoir patriarcal» correspondrait au rôle social typique de l'homme (Goetz, Shackelford, & Camilleri, 2008). Toutefois, il n'y a pas à ce jour de données empiriques soutenant cette hypothèse.

Ces deux hypothèses sont complémentaires. L'homme qui doute de la fidélité de sa partenaire risque d'utiliser des tactiques coercitives pour démontrer sa dominance et reprendre le contrôle de la situation. La première hypothèse considère le phénomène sous l'angle des théories évolutionnistes, alors que la seconde examine principalement les mécanismes sous-jacents aux comportements et aux traits de caractère (Goetz, Shackelford, & Camilleri, 2008).

À propos des traits de personnalité ou de caractère mis en lien avec la coercition sexuelle, le rôle de la psychopathie semble être supporté par les résultats de plusieurs études (e.g., Kosson, Kelly, & White, 1997; Lalumière & Quinsey, 1996). En effet, Lalumière et ses collègues (2005) proposent la théorie de l'adaptation individuelle en incluant trois trajectoires de comportements sexuels coercitifs. La première réfère au «syndrome du jeune homme», les jeunes hommes sont ainsi plus à risque de s'engager dans des comportements sexuels violents. D'autres soutiennent, données à l'appui, que la coercition sexuelle est plus fréquente chez les hommes plus âgés, puisque la probabilité que leur partenaire soit infidèle augmente avec l'âge, jusqu'à la ménopause (Atkins, Baucom, & Jacobson, 2001). La deuxième trajectoire comprend les individus désavantagés en situation de compétition sexuelle (i.e., des individus ayant des retards neuro-développementaux ou ayant des déficits et limites sociales), tandis que la dernière trajectoire regroupe les individus affichant une personnalité psychopathique. La théorie multifactorielle de DeGue et DiLillo (2005) inclut également l'empathie et la psychopathie comme caractéristiques de

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la personnalité pouvant influencer l'utilisation de la coercition sexuelle. Enfin, la théorie des stratégies d'histoire de vie de Thornhill et Palmer (2000, 2004) décrit la psychopathie comme une perturbation neuropathologique qui amènerait l'individu à commettre différents comportements antisociaux tels que la coercition sexuelle. La présente recherche porte sur la présence de traits de personnalité psychopathique chez l'un des partenaires comme facteur en lien avec la coercition sexuelle subie par son conjoint.

1.3 Psychopathie infra-clinique

Des chercheurs ont récemment démontré que la psychopathie se manifeste non seulement en milieu carcéral et criminel, mais qu'elle caractérise également le fonctionnement psychosocial d'une portion significative d'individus de la population générale (Salekin, Trobst, & Krioukova, 2001; Widiger, 1998). Les principales caractéristiques de la psychopathie sont l'égocentrisme, le manque d'empathie, la présence d'un charme superficiel, la manipulation, une grande impulsivité et la recherche de sensations fortes (Paulhus & Williams, 2002). S'ajoutent également à cette liste une grande irresponsabilité, la tendance aux mensonges pathologiques, une représentation de soi grandiose, des comportements aux buts individualistes et des actes à saveur illégale (LeBreton, Binning, & Adorno, 2006).

La psychopathie a tout d'abord été conceptualisée en deux facteurs (Harpur, Hare, & Hakstian, 1989). Il y a le facteur primaire ou interpersonnel/affectif comprenant la perception de soi grandiose, la tendance à manipuler les gens et le manque d'empathie et le facteur secondaire ou déviance sociale comprenant les comportements délinquants, la recherche de stimulation, et l'absence d'objectifs de vie à long terme. Récemment, Hare (2003) a révisé sa conception en décidant de subdiviser en deux composantes chacun de ces deux facteurs pour totaliser quatre dimensions de la psychopathie; 1) la manipulation interpersonnelle, 2) l'insensibilité affective, 3) le style de vie désordonné et 4) les tendances criminelles. Le présent projet tiendra compte de cette nouvelle conceptualisation de la psychopathie par l'utilisation du Self-Report Psychopathy III Scale (SRP-III; Paulhus,

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 8

Hemphill, & Hare, sous presse) qui est un questionnaire auto-rapporté mesurant les traits de personnalité psychopathique au sein de la population générale.

Les instruments mesurant la psychopathie dans la population générale sont souvent basés sur le Psychopathy Checklist-Revised (PCL-R; Hare 1991, 2003) qui est maintenant structuré en quatre dimensions (e.g., la propension à adopter des comportements antisociaux, la tendance impulsive à rechercher des émotions fortes, la manipulation d'autrui et le sous-développement de l'affectivité). Le SRP-III a été construit de sorte à capturer ces quatre facettes du PCL-R (Williams, Paulhus, & Hare, 2007). Une version précédente (SRP-II; Hare 1985) était modérément corrélée avec le PCL-R, r = .54 (Forth, Brown, Hart, & Hare, 1996; Hare, 1991, 2003). Le SRP-II a toutefois été conçu pour mesurer les deux facteurs de la conception initiale de la psychopathie et n'a pas été mis à jour à partir de la nouvelle conceptualisation en quatre dimensions.

Depuis quelques années, les chercheurs en psychologie soutiennent généralement une conception dimensionnelle de la psychopathie (Hare & Neumann, 2005; Marcus, John, & Edens, 2004). Il devient alors possible de parler de traits psychopathiques graves, modérés ou faibles, car un individu peut se situer d'un extrême à l'autre sur le continuum des traits de personnalité constituant la psychopathie (Hare & Neumann, 2005). Bien entendu, la distinction entre les individus aux traits psychopathiques graves, modérés ou faibles est davantage quantitative que qualitative : la différence ne se retrouve pas dans les types de comportements, d'affects ou de cognitions des individus, mais plutôt dans leur amplitude et leur fréquence d'apparition (LeBreton et al., 2006). Dans une étude récente de Savard, Sabourin et Lussier (2006), chez un échantillon de couples de la communauté, les taux de prévalence des traits psychopathiques à un niveau grave, modéré et faible sont respectivement de 13.6 %, 29.2% et 57.1%. Ces taux ne sont pas négligeables et ils ont été trouvés avec un questionnaire auto-rapporté de la psychopathie, le Levenson Self-Report Psychopathy Scale (Levenson, Kielh, & Fitzpatrick, 1995).

Il semble de plus en plus clair que les traits psychopathiques de l'homme ont un rapport bidirectionnel avec la satisfaction conjugale (Savard et al., 2006). Sachant que la

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satisfaction sexuelle est considérée comme un facteur influençant la satisfaction conjugale (Farley 8c Davis, 1980), il est possible de penser que les traits psychopathiques puissent également être associés à la sexualité. Savard, Sabourin et Lussier (2007) ont mené une autre recherche auprès d'un échantillon distinct en évaluant les traits psychopathiques chez les deux conjoints. Les femmes et les hommes possédant des traits psychopathiques secondaires élevés rapportent plus de détresse conjugale, d'instabilité émotionnelle et commettent plus d'agression psychologique que ceux n'ayant pas de traits psychopathiques. Les résultats montrent que les individus possédant des traits psychopathiques primaires auraient une satisfaction conjugale comparable à ceux ne possédant pas de tels traits. Ce serait la psychopathie secondaire, impliquant la présence de comportements antisociaux, qui aurait le plus fort impact négatif sur le couple, amenant la détresse conjugale chez les deux partenaires. Par ailleurs, cette étude soulève que les femmes et les hommes ayant des traits de psychopathie globale et primaire ont davantage tendance à former des couples ensemble. Encore une fois, la sexualité n'est pas prise en considération dans cette étude, ni la coercition sexuelle, qui est pourtant théoriquement et cliniquement fortement reliée aux traits de personnalité psychopathique (Hersh & Gray-Little, 1998). C'est notamment à quoi s'engage le présent projet : vérifier les liens entre la coercition sexuelle, les traits psychopathiques et la satisfaction sexuelle et conjugale.

1.4 Coercition sexuelle et traits psychopathiques

La recherche sur la psychopathie infra-clinique et la sexualité est encore embryonnaire. L'agression sexuelle est pourtant perçue comme une composante intégrale de la psychopathie et elle est essentielle au diagnostic différentiel (Harris, Rice, Hilton, Lalumière, & Quinsey, 2007). La psychopathie infra-clinique est associée à une variété de comportements sexuels violents, des attitudes et des cognitions négatives à l'égard du partenaire et à l'infidélité (Williams, Spidel, & Paulhus, 2005). Deux études effectuées auprès d'étudiants rapportent que les hommes endossant des traits de personnalité psychopathique seraient plus portés à commettre des agressions sexuelles, allant de la manipulation verbale jusqu'à l'utilisation de la force physique (Kosson et al., 1997; Hersh & Gray-Little, 1998). Par contre, ces études n'ont pas évalué les traits psychopathiques

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 10

avec des instruments de mesure conçus à cette fin. Par exemple, Hersh et Gray-Little utilisent des instruments pour mesurer les traits de personnalité reliés à la psychopathie (e.g., la Sensation-Seeking Scale, Form V [SSS-V; Zuckerman, 1979] et la Schedule for Nonadaptive and Adaptive Personality [SNAP; Clark, 1993]). Ces études n'évaluent pas non plus spécialement la coercition sexuelle sur les conjointes de relations intimes stables. Or, il a été mentionné plus tôt que la coercition sexuelle est possiblement présente chez les couples intimes sous une forme plus subtile. Il est alors possible de se questionner sur la présence de traits de personnalité psychopathique chez les couples où se manifeste de la coercition sexuelle, même si elle n'est présente que verbalement.

Les études de Camilleri et ses collègues (sous presse) et de Camilleri et Quinsey (2009) utilisent le SRP-III pour évaluer la présence de la psychopathie chez des individus enclins à utiliser la coercition sexuelle envers leur partenaire sexuel. Camilleri et ses collaborateurs (sous presse) ont effectivement trouvé que la psychopathie est significativement reliée aux scores de l'échelle de coercition sexuelle, r = .23,p < .001. Ce lien entre la coercition sexuelle et la psychopathie a aussi été reproduit dans une autre étude de Camilleri et Quinsey (2009), P = .27, p < 001. À notre connaissance, ces études sont les seules à analyser la coercition sexuelle dans les relations intimes en incluant la psychopathie. Par contre, les deux partenaires du couple n'étaient pas inclus dans ces études. Le présent projet prend soin de recruter les deux membres de l'union conjugale. De plus, ce dernier contribuera à augmenter le nombre d'études sur les sujets de la coercition sexuelle et de la psychopathie tout en abordant les notions de satisfaction sexuelle et conjugale. Le questionnaire sur la coercition sexuelle (SCIRS), utilisé dans le présent projet, est différent de celui utilisé par Camilleri et ses collègues (sous presse, 2009; The Tactics to Obtain Sex Scale [TOSS]). Le SCIRS inclut des facteurs statiques comme la fréquence d'apparition des tactiques coercitives et la sévérité des comportements coercitifs plutôt que l'évaluation d'attitudes mesurant la propension à adopter des conduites sexuelles coercitives comme le fait le TOSS. En utilisant le SCIRS, l'analyse des résultats reflète peut-être un lien plus direct entre les traits psychopathiques et l'utilisation de comportements sexuels coercitifs.

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1.5 Objectifs généraux du mémoire doctoral

C'est dans l'objectif de contribuer scientifiquement et cliniquement à l'avancement des connaissances sur les liens entre les traits de personnalité psychopathique, la coercition sexuelle subie et la satisfaction sexuelle et conjugale au sein des relations de couple, que ce projet prend forme. En étant plus apte à cerner les individus ayant des traits psychopathiques, en sachant concrètement les risques associés à ces traits sur le plan de la dynamique du couple et en étant conscient des conséquences psychologiques qu'ils entraînent, l'intervenant sera mieux informé de la situation relationnelle et pourra ainsi orienter les protocoles diagnostiques et thérapeutiques efficacement. Le projet porte sur des concepts encore peu étudiés simultanément (psychopathie infra-clinique, coercition sexuelle intra-conjugale et satisfaction sexuelle et conjugale) et il prend soin d'intégrer les deux membres de l'union conjugale. De plus, les couples de la présente étude sont engagés intimement plutôt qu'en relation occasionnelle donc ils sont semblables à ceux consultant en clinique. En fait, les études précédentes ont plutôt porté sur des étudiants en relation de fréquentation. Enfin, le présent projet a pour but d'approfondir les connaissances sur la coercition sexuelle subie et la psychopathie infra-clinique chez une population adulte en relation de couple.

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Chapitre 2

Modulation de la coercition sexuelle subie, des traits psychopathiques et de la satisfaction sexuelle et conjugale chez des couples intimes

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Titre courant : TRAITS PSYCHOPATHIQUES, COERCITION SEXUELLE ET SATISFACTION SEXUELLE ET CONJUGALE

Modulation de la coercition sexuelle subie, des traits psychopathiques et de la satisfaction sexuelle et conjugale chez des couples intimes

Kaïla Rodrigue, Stéphane Sabourin Université Laval, Québec, Canada

Yvan Lussier

Université du Québec à Trois-Rivières, Trois-Rivières, Canada

Adresse de correspondance: Stéphane Sabourin, Ph.D. École de Psychologie Université Laval Cité universitaire

2325 rue des Bibliothèques Québec, Canada G1K 7P4

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 14

2.1 Résumé

Utilisant un échantillon de 72 couples provenant de la région de Québec, cette étude a comme objectif d'investiguer la modulation de la sexualité et des traits psychopathiques chez des couples mariés ou cohabitant. De façon plus spécifique, la recherche traite du lien d'une part, entre les traits de personnalité psychopathique et la coercition sexuelle subie dans les relations intimes stables et d'autre part, la relation entre ces mêmes traits et la satisfaction conjugale et sexuelle rapportées par les conjoints. Les résultats démontrent que les traits psychopathiques de l'homme sont reliés à la coercition sexuelle subie par la conjointe et subie par lui-même.

L'insensibilité affective de l'homme contribuerait davantage que les autres dimensions de la psychopathie, à la coercition sexuelle subie par la femme. La

manipulation interpersonnelle chez la femme serait en lien avec la coercition sexuelle subie par son conjoint. Les traits psychopathiques de l'homme sont reliés également à son insatisfaction sexuelle et conjugale. Ce sont les tendances criminelles et le style de vie désordonné chez l'homme qui contribuent à ce lien. Chez la femme, les traits psychopathiques sont reliés seulement à son insatisfaction sexuelle. Ces résultats sont discutés à la lumière de ceux des études récentes.

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Modulation de la coercition sexuelle subie, des traits psychopathiques et de la satisfaction sexuelle et conjugale chez des couples intimes

2.2 Introduction

La coercition sexuelle représente un problème social complexe défini par l'utilisation de tactiques pour obtenir des relations sexuelles d'un partenaire non consentant (Camilleri, Quinsey, & Tapscott, sous presse). Elle inclut une grande variété de comportements allant de la manipulation verbale (e.g., menaces de mettre fin à la relation, menaces d'utiliser la force physique) à l'utilisation de la force physique et au viol (Camilleri & Quinsey, 2009; Russel & Oswald, 2002). Au sein du couple, la coercition sexuelle ne se manifeste pas toujours par l'utilisation de la force physique, mais bien plus par l'utilisation de tactiques subtiles (e.g., retraits de

bénéfices ou menaces de retraits de bénéfices; Camilleri et al., sous presse;

Shackelford & Goetz, 2004). Le concept de coercition sexuelle est de plus en plus étudié dans le contexte des relations de couple formées par des adultes mariés ou cohabitant.

L'intérêt grandissant vis-à-vis ce thème tient principalement aux taux de prévalence élevés démontrés dans les études récentes. Par exemple, l'étude de Basile (2002), menée aux États-Unis auprès de 602 femmes âgées de 18 ans et plus, révèle que 34 % de celles-ci subissent de la coercition sexuelle de la part de leur mari ou de leur partenaire intime. Dans le même sens, en Australie, Visser, Rissel, Richters et Smith (2007) examinent la coercition sexuelle vécue par des femmes et font état d'un

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 16

taux de prévalence de 21%. Enfin, d'autres chercheurs rapportent des taux se rapprochant des 20% chez les femmes et de 5% chez les hommes (Choi, Binson, Adelson, & Catania, 1998; Laumann, Gagnon, Micheal, & Micheals, 1994; Visser, Smith, Rissel, Richters, & Grulich, 2003).

La coercition sexuelle n'est pas sans conséquence pour le couple et la victime. Les femmes ayant des relations sexuelles non désirées avec leur partenaire affichent une moins bonne santé psychologique, physique et sexuelle que les femmes ne vivant pas de telles situations (Visser et al., 2007). Des auteurs rapportent une série de conséquences négatives chez les victimes, telles qu'une anxiété accrue, des

symptômes psychiatriques, des dysfonctions sexuelles et des difficultés d'adaptation sociale (Harney & Muehlenhard, 1991). Les couples où il y a présence de coercition sexuelle seraient également moins satisfaits de leur relation en général et de leur sexualité en particulier (Frieze, 1983; Shields & Hanneke, 1988). Ces conclusions reposent toutefois sur un nombre restreint d'études dont les résultats doivent être dupliqués.

Certains traits de personnalité sont associés à l'utilisation de la coercition sexuelle envers le partenaire. La recherche de contrôle et de domination constitue l'un de ces facteurs (Gage & Hutchinson, 2006; Shackelford & Goetz, 2004). Les hommes violents physiquement présentent aussi des risques élevés de conduites sexuelles coercitives (Finkelhor & Yllo, 1985; Shackelford & Goetz, 2004). La coercition sexuelle semble d'ailleurs plus marquée chez les individus manipulateurs, à la recherche de sensations fortes, impulsifs et faiblement empathiques (Hersh &

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Gray-Little, 1998; Senn, Desmarais, Verberg, & Wood, 2000). Tous ces traits de

personnalité rejoignent le concept de psychopathie. D'ailleurs, plusieurs théoriciens mentionnent le rôle crucial de la psychopathie pour expliquer la coercition sexuelle : la théorie des stratégies d'histoire de vie (Thomhill & Palmer, 2000, 2004), la théorie de l'adaptation individuelle (Lalumière, Harris, Quinsey, & Rice, 2005) et la théorie multifactorielle (DeGue & DiLillo, 2005). Le nombre de recherche étayant ces théories reste toutefois limité.

La notion de psychopathie renvoie à des comportements délinquants (e.g., vols, agressions), des caractéristiques personnelles problématiques (e.g., manque d'empathie, irresponsabilité), des cognitions atypiques (e.g., représentation de soi grandiose) et des relations interpersonnelles dysfonctionnelles (e.g., recherche à manipuler et à contrôler) (LeBreton, Binning, & Adorno, 2006). Dans le cadre de leur étude auprès d'une population d'hommes incarcérés, Harris, Rice, Hilton, Lalumière et Quinsey (2007) introduisent même dans la définition de la psychopathie la

présence d'une sexualité coercitive et libertine.

La psychopathie infra-clinique est également associée à une variété de

comportements sexuels violents, à des attitudes et à des cognitions négatives à l'égard du partenaire tout comme à l'infidélité (Williams, Spidel, & Paulhus, 2005). Une étude récente visait à examiner l'association entre les caractéristiques

psychopathiques à l'aide du Levenson Self-Report psychopathy Scale (LSRP; Levenson, Kiehl, & Fitzpratrick, 1995) et différentes formes d'agression au sein de relations intimes dans la population générale (Coyne, Nelson, Graham-Kevan,

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 18

Keister, & Grant, 2010). Leurs résultats démontrent que les traits psychopathiques primaires (manque d'empathie, manipulation etc.) sont seulement associés à l'agression de type relationnelle (p.ex., agression centrée sur la manipulation de la relation), alors que les traits secondaires sont associés aux agressions de types relationnelle et physique. Cette étude est l'une des rares mesurant les traits psychopathiques aussi chez la femme, mais la coercition sexuelle n'y est pas

spécifiquement évaluée. Deux études effectuées auprès d'étudiants rapportent que les hommes endossant davantage des traits de personnalité psychopathique sont plus portés que ceux ne présentant pas de tels traits à commettre des agressions sexuelles, allant de la manipulation verbale jusqu'à l'utilisation de la force physique (Hersh & Gray-Little, 1998; Kosson, Kelly, & White, 1997). Par contre, ces études n'ont pas toutes évalué les traits psychopathiques à l'aide d'instruments de mesure conçus à cette fin. Par exemple, Hersh et Gray-Little utilisent des instruments pour mesurer des traits de personnalité reliés à la psychopathie (e.g., la Sensation-Seeking Scale, Form V [SSS-V; Zuckerman, 1979] et la Schedule for Nonadaptive and Adaptive

Personality [SNAP; Clark, 1993]). DeGue et DiLillo (2004) observent également que déjeunes hommes fréquentant le collège et sexuellement coercitifs endossent

davantage de traits psychopathiques que ceux n'étant pas sexuellement coercitifs. Ces chercheurs n'évaluent toutefois pas la coercition sexuelle à l'endroit des conjointes vivant des relations intimes stables. Pourtant, il est de plus en plus connu que la coercition sexuelle se manifeste également sous une forme subtile chez les couples intimes. Ces chercheurs soulèvent aussi l'intérêt d'examiner ce phénomène dans la communauté générale en ciblant les individus plus à risque d'utiliser la coercition sexuelle (DeGue & DiLillo, 2004), comme ceux ayant des traits psychopathiques.

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Les deux seules études répertoriées, à ce jour, mesurant la coercition sexuelle et les traits psychopathiques avec le Self-Report Psychopathy III Scale (SRP-III; Paulhus, Hemphill & Hare sous presse) à l'intérieur d'une relation amoureuse, sont celles de Camilleri et ses collaborateurs (sous presse) comprenant 197 femmes et 221 hommes chacun dans une relation sexuellement active et de Camilleri et Quinsey (2009) qui comprend 197 hommes en relation de fréquentation ou mariés. Ces auteurs observent que les traits psychopathiques sont significativement reliés à la coercition sexuelle, r = .23, p < .001 dans la première étude et p = .27,p <.001 dans la seconde. Ces deux recherches n'ont toutefois pas analysé les deux conjoints de la relation. De plus, ils n'ont pas mesuré la satisfaction sexuelle et conjugale, ni les quatre facettes de la psychopathie pouvant être mesurées par le SRP-III séparément, soit la

propension à adopter des comportements antisociaux, la tendance impulsive à

rechercher des émotions fortes, la manipulation d'autrui et le sous-développement de l'affectivité (manque d'empathie). C'est ce que nous ferons de façon exploratoire dans la présente étude en ajoutant les variables de satisfaction sexuelle et conjugale.

Il semble de plus en plus clair que les traits psychopathiques sont associés à la détresse conjugale selon un modèle bidirectionnel. Ceux-ci affectent l'évolution de la détresse conjugale tandis que l'intensité de la détresse conjugale contribue à une élévation des traits psychopathiques (Savard, Sabourin, & Lussier, 2006). Sachant que la satisfaction sexuelle est reliée à la satisfaction conjugale (Byers, 2005; Farley & Davis, 1980; Sprecher, 2002), les traits psychopathiques sont probablement

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 20

associés également à la sexualité même chez des couples mariés ou cohabitant. Par contre, à notre connaissance, il n'y a pas encore d'étude mettant en lien les traits de personnalité psychopathique et la satisfaction sexuelle au sein des relations de couple. Ce sera une des originalités du présent projet d'étudier la relation entre ces deux variables.

La présente recherche contribuera à l'avancement des connaissances sur la coercition sexuelle subie chez des adultes mariés ou cohabitant. L'étude porte sur des concepts encore peu étudiés simultanément (psychopathie infra-clinique et sexualité) et elle prend soin d'intégrer les deux membres de l'union conjugale. De plus, les couples de la présente étude sont engagés intimement plutôt qu'en relation occasionnelle. En fait, les études précédentes ont plutôt porté sur des étudiants en relation de fréquentation. Enfin, méthodologiquement, l'utilisation du SRP-III pour évaluer la psychopathie, d'une façon auto-administrée, permettra un examen plus nuancé de ces traits à cause de sa facture dimensionnelle complexe.

Tout d'abord, il est concevable de formuler l'hypothèse que toutes les variables soient liées aux traits de personnalité psychopathique, soit la coercition sexuelle subie et la satisfaction sexuelle et conjugale. Il est attendu, premièrement, que plus l'un des partenaires possède des traits psychopathiques, plus il y aura présence de coercition sexuelle dans le couple. Il est évidemment attendu que cette coercition soit subie par l'individu dont le conjoint possède les traits

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des traits psychopathiques plus élevés soient moins satisfaits sexuellement que ceux présentant des traits psychopathiques plus faibles. Enfin, dans le même sens, les individus chez qui l'on retrouve des traits psychopathiques élevés devraient être moins satisfaits de leur relation conjugale que les individus possédant des traits psychopathiques plus faibles. Aucune hypothèse spécifique n'est formulée quant aux relations entre ces variables et les quatre facteurs de la psychopathie. Il n'existe pas assez de données empiriques qui permettraient de guider ce type d'hypothèse au sein d'un échantillon venant de la population générale. Par contre, sur une base

exploratoire, il sera tenté de déterminer s'il existe des relations entre chacune des dimensions spécifiques de la psychopathie et l'ensemble des variables sexuelles et conjugales.

2.3 Méthodologie

2.3.1 Participants

L'échantillon est constitué de 72 couples hétérosexuels francophones provenant de la région de Québec. Les participants sont âgés d'au moins 18 ans et sont mariés et/ou cohabitent depuis au moins six mois lors de l'étude. La durée moyenne de la relation des couples de l'échantillon se situe à 9.7 années (E.T.= 9.9). L'âge moyen des femmes est de 33.8 ans (E.T.=12.3) et celui des hommes de 36.2 ans (E.T.=12.8). Le revenu annuel moyen pour les femmes varie entre 25 001$ et 35 000$ CAN et celui des hommes entre 35 001$ et 45 000$ CAN. Les couples de

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 22

l'échantillon ont en moyenne 1.91 enfant (E.T.= 0.98). Il est à noter que 31% des femmes et 16.9 % des hommes de l'échantillon sont étudiants alors que 62% des femmes et 76.1% des hommes de l'échantillon sont sur le marché du travail lors du recrutement. Au niveau de l'éducation, 54.2 % des femmes et 38.9 % des hommes de l'échantillon ont complété des études graduées.

2.3.2 Procédure

La publicité de l'étude a été effectuée par le biais de listes d'envois

électroniques. Elle a aussi été affichée sur des babillards à différents endroits dans la communauté et elle est parue dans le Journal de Québec ainsi que dans d'autres sites d'annonces classées sur Internet. Les questionnaires sont envoyés par la poste ou par courrier électronique à 119 couples manifestant leur intérêt pour participer à l'étude. De ce nombre, 72 couples retournent les questionnaires dûment remplis. Ceci

correspond à un taux de réponse de 60.5%. Les participants ayant rempli les questionnaires ont reçu un bilan général des résultats de l'étude par la poste ou par courrier électronique selon leur choix.

2.3.3 Instruments de mesure

Les traits de personnalité psychopathique sont évalués à l'aide de la troisième version de l'Échelle auto-rapportée de psychopathie (Self-Report Psychopathy Scale-Ill, SRP-III; Paulhus, Hemphill, & Hare, sous presse; traduit par Rodrigue, Gagnon & Sabourin, non publié). Il s'agit d'un questionnaire visant à évaluer les caractéristiques

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psychopathiques chez les gens de la population générale. Il contient 64 items divisés en quatre catégories. Une première sous-échelle évalue la manipulation

interpersonnelle. Une seconde sous-échelle évalue l'insensibilité affective. La troisième sous-échelle évalue le style de vie désordonné et la dernière sous-échelle évalue les tendances criminelles. Chaque item est répondu selon une échelle de type Likert en cinq points allant de 1= «fortement en désaccord» à 5= «fortement en accord». Le SRP-III démontre de bons estimés de fidélité (a = .79 à .81, Paulhus, Hemphill, & Hare, sous presse; Paulhus & Williams, 2002; Williams, Nathanson, & Paulhus, 2003). Tout en ayant une conceptualisation et une structure factorielle différentes, il converge avec d'autres mesures de la psychopathie déjà bien établies, comme le Levenson Self-Report Psychopathy Scale (LSRP; Levenson, Kiehl, & Fitzpatrick, 1995; r = .62, p < .01 [Williams et al., 2003]) et le Psychopathie

Personality Inventory (PPI; Lilienfeld & Andrews, 1996; r = .34, p < .01 [Williams et al., 2003]). Il est lié avec le PCL-R (Hare, 2003), l'instrument de référence en matière d'évaluation de la psychopathie en milieu carcéral, en étant le seul questionnaire auto-rapporté à capturer les quatre facettes de la psychopathie. Le choix de ce questionnaire est donc motivé par la présence du modèle en quatre facteurs qui est mieux corrélé avec le PCL-R en comparaison aux autres instruments à deux facteurs (e.g., LSRP; Levenson 8c al., 1995). Dans la présente étude, la traduction française du SRP-III montre également de bonnes propriétés psychométriques avec un alpha de .83 pour les femmes et de .90 pour les hommes. De plus, les coefficients alphas pour la manipulation interpersonnelle, l'insensibilité affective, le style de vie désordonné

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 24

et les tendances criminelles sont respectivement de .75, .80, .55 et .69 pour les femmes et de .80, .76, .80 et .65 pour les hommes.

La coercition sexuelle subie est évaluée à partir de l'Échelle de coercition sexuelle dans les relations intimes (Sexual Coercion in Intimate Relationships, SCIRS; Shackelford & Goetz, 2004, traduit par Rodrigue & Sabourin, non publié). Cette échelle mesure l'utilisation de tactiques psychologiques et comportementales par le conjoint visant à la coercition sexuelle. L'instrument comprend 34 items (a =

.90; Shackelford 8c Goetz, 2004) correspondant à des actions que le répondant doit coter de 0= «le comportement ne s'est pas produit dans le dernier mois» en passant par 3= «le comportement s'est produit de 3 à 5 fois durant le dernier mois», jusqu'à 5= «le comportement s'est produit 11 fois ou plus durant le dernier mois». Les scores varient de 0 à 170. Toutefois, l'auteur mentionne qu'un score plus élevé sur l'échelle ne signifie pas automatiquement que le répondant subi une coercition sexuelle plus sévère de la part de son conjoint. La sévérité de la coercition sexuelle subie est qualitative et dépend de la gravité ou de l'intensité des items endossés (e.g., L'item «Mon partenaire m'a déjà forcé physiquement à avoir des relations sexuelles avec lui» est de plus grande intensité que «Mon partenaire m'a déjà dit que si je l'aimais, je voudrais avoir des relations sexuelles avec lui»). Dans la présente étude, la

traduction française du SCIRS donne un coefficient alpha de .92 pour les femmes et de .82 pour les hommes.

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La satisfaction sexuelle est évaluée par l'Index de Satisfaction Sexuelle (Index of Sexual Satisfaction, ISS; Hudson, Harrison, & Crosscup, 1981; traduit et validé par Turcotte, 1993). Il s'agit d'un questionnaire évaluant le degré d'insatisfaction globale que chacun des partenaires d'un couple retire de ses échanges sexuels. Il contient 25 items répondus selon une échelle de type Likert en cinq points allant de 1= «rarement ou jamais» à 5= «la plupart du temps ou toujours». Un score plus élevé que 30 indique une satisfaction sexuelle problématique. LTSS possède une bonne fidélité avec un coefficient alpha de .92 et son coefficient pour la validité atteint .76 (Hudson,

1998). Dans la présente étude, les coefficients alpha obtenus sont de .94 pour les femmes et les hommes.

La satisfaction conjugale est évaluée par l'Échelle d'ajustement dyadique (Dyadic Adjustment Scale, DAS; Spanier, 1976; traduit par Baillargeon, Dubois, & Marineau, 1986). Le DAS vise à évaluer la perception du répondant par rapport à la qualité de sa relation intime. Il comprend 32 items répondu à l'aide d'une échelle de type Likert en six points, allant de 0= «Toujours» à 5= «Jamais». Les scores varient de 0 à 151, un score au-dessus de 100 signifie que l'individu se considère satisfait de sa relation. Au plan psychométrique, une méta-analyse sur la fidélité du DAS révèle qu'il possède une forte fidélité (i.e., coefficient alpha moyen de .92; variant entre .58 et .96; Graham, Liu, & Jeziorski, 2006). Dans la présente étude, le coefficient alpha obtenu est de .91 pour les femmes et de .94 pour les hommes.

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 26

L'analyse des données provenant d'un échantillon de couples représente un défi au niveau de l'indépendance de celles-ci, puisque les deux conjoints vivent des expériences relationnelles similaires (Fisher & McNulty, 2008). La stratégie

employée pour pallier à cette difficulté a été de contrôler la variable équivalente du conjoint à chaque analyse pour s'assurer de faire ressortir la variance unique à l'individu. Pour ce faire nous avons entré les données en deux blocs : le premier bloc sert à contrer l'effet du partenaire et comprend les variables à contrôler du partenaire non visé. Le deuxième bloc veut faire ressortir la variance unique à l'individu visé, il recherche l'effet de l'acteur et comprend les variables du partenaire visé. Par

exemple, pour prédire la coercition sexuelle subie par la femme selon les traits psychopathiques de l'homme, il faudra contrôler pour les traits psychopathiques de la femme (effet du partenaire) dans le premier bloc et inclure les traits psychopathiques de l'homme (effet de l'acteur) dans le deuxième bloc.

2.4 Résultats

Dans le but de normaliser les courbes de distributions des variables, une transformation logarithmique des scores des variables d'insatisfaction sexuelle, des traits psychopathiques (pour la femme seulement) et de certains facteurs sur l'échelle de la psychopathie; soient les tendances criminelles et la manipulation

interpersonnelle pour la femme ainsi que l'insensibilité affective pour l'homme, est effectuée.

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2.4.1 Prévalence de la coercition sexuelle et de la satisfaction sexuelle et conjugale

Une dichotomisation à été nécessaire pour la variable de coercition sexuelle subie chez les deux sexes, car 56.9 % des femmes et 70.8% des hommes rapportent subir aucune forme de coercition sexuelle au sein de leur couple. Deux groupes ont donc été créés; un subissant de la coercition sexuelle (sans tenir compte de la sévérité de celle-ci) et l'autre ne rapportant pas de coercition sexuelle subie. Il est important de considérer qu'un participant ayant endossé seulement un item du SCIRS, que celui-ci soit mineur ou grave, fait partie du groupe subissant de la coercition sexuelle. Le taux de femmes de l'échantillon rapportant subir de la coercition sexuelle s'élève à 43.1%, alors qu'il se situe à 29.2% chez les hommes. La distribution du pourcentage de prévalence de la coercition sexuelle subie selon les trois catégories du SCIRS (manipulation et violence, manipulation engagée et menaces de départ) est présentée à la figure 1. La première catégorie est le recours à la manipulation et à la violence. Dans cette catégorie, des cadeaux ou autres bénéfices sont présentés au partenaire ou la présence de menaces d'utiliser la force physique pour obtenir des faveurs

sexuelles. La deuxième catégorie est la manipulation engagée où le partenaire affirme qu'une relation de couple s'accompagne d'une obligation d'avoir des relations

sexuelles avec son partenaire. Dans la dernière catégorie, menace de départ, le partenaire menace d'avoir des relations sexuelles avec d'autres partenaires ou de trouver un autre partenaire de vie s'il n'est pas satisfait sexuellement. Selon la figure

1, la manipulation engagée est le type de violence le plus subie par les hommes et les femmes. Au total, 57% des couples rapportent la présence de coercition sexuelle au sein de leur relation. Les principaux indicateurs de la coercition sexuelle mentionnés

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 28

sont la manipulation par l'offre de cadeaux ou la menace de se trouver un autre partenaire si le conjoint n'a pas de relations sexuelles avec eux : «Mon partenaire m'a déjà donné des cadeaux ou d'autres avantages pour que je me sente obligée d'avoir des relations sexuelles avec lui». D'autres prétextes, comme le devoir conjugal ou le manque d'engagement, sont également plus souvent utilisés pour obtenir des relations sexuelles: «Mon partenaire a sous-entendu qu'avoir des relations sexuelles avec lui était une obligation ou un devoir».

La prévalence de la détresse conjugale s'établit à 6.9% chez les femmes et à 18.1% chez les hommes, pour un total de 18% des couples ayant au moins un membre de la relation se disant insatisfait. L'examen des scores à 1TSS révèle que

18.1% des femmes et des hommes possèdent une satisfaction sexuelle problématique, pour un total de 25% des couples ayant au moins un membre de la relation insatisfait sexuellement. Rappelons qu'un score plus faible que 100 sur le DAS indique une détresse conjugale et qu'un score plus élevé que 30 sur 1TSS indique une satisfaction sexuelle problématique.

Les moyennes, les écarts-types ainsi que les corrélations entre la

psychopathie, la coercition sexuelle subie, l'insatisfaction sexuelle et la satisfaction conjugale sont présentés au tableau 1.

Des tests-t pour échantillons paires montrent que les hommes présentent des traits psychopathiques plus élevés que les femmes, /(71) = 5.96, p < .001 avec une taille d'effet de r = -.38, tandis que les femmes rapportent subir davantage de

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coercition sexuelle que les hommes, t(7\)= 1.97,/? = .05 avec une taille d'effet de r = .16. Les scores de satisfaction conjugale et sexuelle des hommes et des femmes ne diffèrent pas.

La consultation de la matrice de corrélations au tableau 1 révèle, chez les hommes, la présence de relations significatives entre les traits psychopathiques, la coercition sexuelle subie, la satisfaction conjugale et la satisfaction sexuelle. Ces coefficients varient de .26 à .38. Chez les femmes, les traits psychopathiques ne sont corrélés qu'avec leur insatisfaction sexuelle à .33. Il existe également une association positive (r = .35, p < .01) entre la présence de traits psychopathiques chez les

partenaires du couple.

Les patrons spécifiques de corrélations entre les quatre dimensions de la psychopathie, la coercition sexuelle subie et la satisfaction sexuelle et conjugale sont rapportés au tableau 2. L'analyse de la matrice de corrélations révèle la présence de corrélations différentielles, tant chez les femmes que chez les hommes, entre certaines dimensions de la psychopathie, de la coercition sexuelle subie et de la satisfaction conjugale et sexuelle. Sont à noter, entre autres, les corrélations entre la coercition sexuelle subie par la femme et certaines dimensions de la psychopathie de l'homme avec des coefficients variant entre .24 et .37.

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 30

Quatre analyses de régression logistique sont effectuées afin de déterminer la relation multivariée entre la coercition sexuelle subie et les traits psychopathiques des conjoints. Il y a deux analyses pour prédire la coercition sexuelle subie par la femme selon les traits psychopathiques de l'homme et de la femme et deux autres analyses pour prédire la coercition sexuelle subie par l'homme selon les traits psychopathiques de l'homme et de la femme.

Les résultats de la première analyse montrent que chez la femme, la coercition sexuelle subie est expliquée partiellement (12% de la variance) par les traits

psychopathiques de son partenaire (Tableau 3). Par ailleurs, chez l'homme, la

coercition sexuelle subie est expliquée marginalement (6% de la variance, Tableau 3) par ses propres traits psychopathiques. Les traits psychopathiques de la femme ne semblent pas expliquer la coercition sexuelle subie par l'homme ( z2= 1.58;/? = .21),

■y

ni par la femme (x - .06; p = .82).

L'analyse de la validité prédictive différentielle des quatre sous-échelles de la psychopathie (tendances criminelles, manipulation interpersonnelle, insensibilité affective et style de vie désordonné) est entreprise, ici aussi, en utilisant une méthode hiérarchique. Plus précisément, le premier bloc comprend la variable-contrôle (traits psychopathiques du partenaire ou effet du partenaire) et le deuxième bloc regroupe les quatre dimensions de la psychopathie du sexe visé (ou effet de l'acteur).

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Les résultats montrent d'abord que l'insensibilité affective de l'homme (Tableau 4) est marginalement associée à la coercition sexuelle subie par la femme (16% de la variance). La deuxième analyse révèle que la coercition sexuelle subie par l'homme n'est globalement pas reliée aux sous-dimensions de la psychopathie

observée chez la femme. Par contre, lorsque la manipulation interpersonnelle de la femme est prise isolément, celle-ci est marginalement reliée à la coercition sexuelle subie par l'homme (Tableau 4).

2.4.3 Prédiction de la satisfaction sexuelle et conjugale selon les traits psychopathiques

L'étude de la relation entre les traits psychopathiques et la satisfaction sexuelle ou conjugale est menée à l'aide de huit analyses de régression multiple. Ces analyses sont également effectuées en contrôlant systématiquement l'effet des traits psychopathiques et de l'insatisfaction sexuelle ou conjugale du partenaire. Il y a deux analyses pour prédire la satisfaction conjugale de l'homme selon les traits

psychopathiques de l'homme et de la femme et deux autres analyses pour prédire la satisfaction conjugale de la femme selon les traits psychopathiques de l'homme et de la femme. Les quatre autres analyses sont pour prédire la satisfaction sexuelle.

Chez l'homme, même en contrôlant les variables du partenaire, il y a une relation significative entre ses traits psychopathiques et sa détresse conjugale, même si le pourcentage de variance expliqué n'est que de 3% (Tableau 5). Cette relation

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 32

tient aussi pour la satisfaction sexuelle et les traits psychopathiques de l'homme expliquant 3% de la variance de son insatisfaction sexuelle (Tableau 6). Chez la femme, les traits psychopathiques n'expliquent que sa satisfaction sexuelle (5% de la variance; Tableau 6), et non sa satisfaction conjugale; F (1,68) = 1.38,/? =.25.

L'examen de la validité prédictive différentielle des quatre sous-échelles de la psychopathie à la compréhension de la satisfaction conjugale et sexuelle a nécessité la réalisation de huit analyses de régression multiple. Tout comme précédemment, les analyses sont faites en utilisant la méthode hiérarchique : les traits psychopathiques et les taux d'insatisfaction conjugale ou sexuelle du partenaire sont contrôlés

systématiquement.

Chez l'homme, les quatre dimensions de la psychopathie, prises globalement, expliquent 7% de la variance de sa satisfaction conjugale seulement (Tableau 5). Ce sont les tendances criminelles (p = .09) et le style de vie désordonné (p = .06) qui se rapprochent le plus du seuil de signification. Chez la femme, la satisfaction sexuelle et conjugale ne sont globalement pas reliées aux sous-dimensions de la psychopathie observées chez celle-ci avec des résultats respectivement de F (4,65) = 1.54, p - .20 et F (4,65) =1.03,/? = 40.

2.5 Discussion

(40)

Le premier objectif de l'étude consistait à mieux documenter la prévalence de la coercition sexuelle subie au sein de couples mariés ou cohabitant, autant chez les hommes que chez les femmes. Les taux de prévalence rapportés dans le présent projet (i.e., 43.1% chez la femme et 29.2% chez l'homme) montrent que la coercition

sexuelle est un phénomène important à prendre en considération, y compris dans le contexte des relations intimes à long terme. Les taux de prévalence dans les

recherches antérieures varient entre 10% et 34% chez les femmes (Basile, 2002; Goetz & Shackelford, 2009) et autour de 5% chez les hommes (Smith et al., 2003). Même si la coercition sexuelle dans les relations intimes se manifeste de façon plus subtile, comme par la manipulation en offrant des cadeaux ou la menace de quitter son partenaire, les études démontrent que les conséquences peuvent être nombreuses (e.g., moins bonne santé physique, psychologique, problèmes d'ordre social, sexuel, etc.; Visser et al., 2007). La présente étude permet également de constater que 18% des couples (au moins un des partenaires) en relation à long terme se disent

insatisfaits de leur relation alors que 25% des couples de l'échantillon se disent insatisfaits sexuellement. Ces pourcentages sont assez élevés, mais semblent concorder avec d'autres études. Bégin, Sabourin, Boivin et Frenette (2002) ont également trouvé que jusqu'à 25 % des couples au Québec vivent une détresse

conjugale. Aux États-Unis, ces taux s'établissent à un peu plus de 20% chez déjeunes couples (Beach, Fincham, Amir, & Leonard, 2005) et à 30% chez des couples qui vivent ensemble depuis plus longtemps (Whisman, Beach, & Snyder, 2008).

Le deuxième objectif de la présente étude était d'examiner la relation entre les traits psychopathiques et la coercition sexuelle subie chez les deux partenaires d'une

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Coercition sexuelle, traits psychopathiques, satisfaction sexuelle et conjugale 34

relation amoureuse stable. Théoriquement, plus l'un des partenaires possède des traits psychopathiques, plus la propension à la coercition sexuelle au sein du couple devrait être forte. Cette hypothèse s'est avérée vraie en ce qui concerne la présence de traits psychopathiques chez les hommes. En effet, les femmes en couple avec un homme ayant des traits psychopathiques plus élevés rapportent subir davantage de coercition sexuelle que les femmes en couple avec un homme ayant moins ou peu de traits psychopathiques. Les études de Camilleri et ses collaborateurs (sous presse) et Camilleri et Quinsey (2009) allaient dans le même sens démontrant que la psychopathie est significativement reliée à la coercition sexuelle. Ce résultat concorde également avec ceux des études menées auprès d'hommes collégiens sexuellement coercitifs qui endossent davantage de traits psychopathiques que ceux n'utilisant pas la coercition sexuelle dans leur couple (DeGue & DiLillo, 2004; Hersh & Gray-Little, 1998; Kosson et al., 1997). Le présent projet réplique les corrélations trouvées entre la coercition sexuelle et les traits psychopathiques tout en considérant l'aspect dyadique des relations amoureuses, ce qui explique la contribution plus modeste des variables de personnalité sur la coercition sexuelle, en comparaison aux autres études.

Un résultat plus surprenant est que les traits psychopathiques de l'homme peuvent également expliquer la présence de coercition sexuelle subie par ce dernier. Or, on se serait attendu à ce que la coercition sexuelle soit principalement initiée par l'individu possédant les traits psychopathiques. À notre connaissance, il n'y a pas d'autre étude répliquant ce résultat ou offrant une explication théorique au lien entre la coercition sexuelle subie par l'homme et ses traits psychopathiques. En effet, peu

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de recherche on étudié la coercition sexuelle subie par l'homme. Une explication possible serait attribuable à une dynamique de couple négative installée au sein de la relation; la femme subissant de la coercition sexuelle de la part de son conjoint sera peut-être plus portée à utiliser les mêmes tactiques sexuelles coercitives envers celui-ci. Par contre, cette corrélation s'est peut-être avérée non significative dans le présent projet par manque de puissance statistique. Pourtant, Swan et Snow (2002) ont trouvé, dans leur recherche sur l'utilisation de la violence par les femmes dans leurs relations intimes, que parmi celles agresseures (28%), il y a un nombre élevé de victimes de coercition de la part de leur conjoint (46%).

Dans un autre ordre d'idées, dans la présente étude, tout comme dans celle de Savard et ses collègues (2007), les hommes et les femmes ayant des traits psychopathiques ont tendance à former des couples ensemble. Or, si les hommes ayant davantage de traits psychopathiques établissent une relation amoureuse avec des femmes ayant également des traits psychopathiques élevés, il est possible que ceux-ci subissent de la coercition sexuelle de la part de leur conjointe à cause des traits de personnalité de ces dernières. Pourtant, selon les résultats de ce projet, les traits psychopathiques globaux de la femme ne semblent pas expliquer la présence de coercition sexuelle dans le couple. Camilleri et ses collaborateurs (sous presse), ayant un échantillon plus élevé (197 hommes et 221 femmes), ont trouvé une tendance à l'utilisation de

coercition sexuelle envers le partenaire autant chez les hommes que chez les femmes endossant des traits psychopathiques. Ce problème de puissance statistique dû au petit échantillon du présent projet devra être corrigé dans les futures recherches.

Figure

Figure 1. Prévalence (%) de la coercition sexuelle subie par les femmes (n = 72) et  les hommes (n = 72) selon les trois catégories de l'Échelle de coercition sexuelle dans  les relations intimes
Tableau 3. Régressions logistiques pour prédire la coercition sexuelle subie par l'homme et  la femme selon les traits psychopathiques de l'homme
Tableau 4. Régressions logistiques pour prédire la coercition sexuelle subie par la femme et  l'homme selon les quatre dimensions de la psychopathie
Tableau 6. Régressions hiérarchiques pour prédire l'insatisfaction sexuelle selon les traits  psychopathiques de l'homme et la femme

Références

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