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Différences individuelles dans la stabilité des comportements maternels atypiques et liens avec l'écologie développementale

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Academic year: 2021

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Différences individuelles dans la stabilité des

comportements maternels atypiques et liens avec

l’écologie développementale

Mémoire doctoral

Myriam Trabelsi

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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Résumé

Les comportements maternels atypiques (CMA) ont fait l'objet de plusieurs études récemment. L'accumulation des données montre leur lien avec le développement d'un attachement désorganisé chez l'enfant. Cependant, très peu de données sont disponibles sur leur évolution dans le temps et les variables de l'écologie familiale qui sont susceptibles d'influencer leur apparition et leur évolution à mesure que l'enfant grandit. C'est précisément ce que la présente étude a tenté de faire. Utilisant un échantillon composé de mères adultes (n= 44) et adolescentes (n = 83) qui ont été observées en interaction avec leur enfant à trois temps de mesure, soit lorsque l'enfant était âge de 6,10 et 15 mois, des analyses de trajectoire ont révélé deux groupes de mères qui se distinguent à travers les six échelles du AMBIANCE. L'un, majoritaire, qui manifestait un niveau moyen faible de CMA et qui avait tendance à maintenir un faible niveau ou bien à diminuer l'utilisation de CMA envers l'enfant à mesure qu'il grandissait; l'autre groupe de mères, minoritaire, manifestait un niveau moyen à élevé de CMA et avait tendance à augmenter leur utilisation à travers le temps. Parmi les variables de l'écologie familiale étudiées, le fait d'être une mère adolescente, d'avoir vécu plusieurs événements de vie stressants au cours de la dernière année et la façon dont la mère percevait des éléments du tempérament de son enfant montraient des associations significatives avec les trajectoires de CMA dessinées.

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Abstract

Atypical maternal behaviors (measured with AMBIANCE) have been the subject of several recent studies . Accumulating evidence shows their connection with the development of disorganized attachment in children. However, very few data are available on their evolution over time and variables of family ecology that are likely to influence their appearance and development as the child grows. This is precisely what this study has attempted to do. Using a mixed sample, adult mothers (n = 44) and adolescents mothers ( n = 83) were observed interacting with their child when the child was age 6,10 and 15 months. Trajectory analysis revealed that the two groups of mothers differ across the six scales of AMBIANCE. The first group, forming the majority of mothers, showed a low average level of atypical maternal behavior and tended to maintain a low level or to reduce their use of atypical behaviors toward the child as he grew up. The other group of mothers, forming the minority, showed a medium to high level of atypical behavior and tended to increase their use over time. Among the variables of the family ecology studied, being a teenage mother, having lived several stressful life events during the past year and how the mothers perceive some elements of child temperament showed significant associations with trajectories of atypical maternal behavior.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

L’attachement de type désorganisé ... 5

Incidence et conséquences associées à l’attachement désorganisé ... 7

Hypothèses sur les précurseurs de l’attachement désorganisé ... 9

Hypothèse des comportements apeurés/apeurants ... 11

Hypothèse des comportements perturbés (disrupted) ... 12

Études sur le lien entre attachement D et comportements atypiques ... 15

A. Études ayant utilisé le système de comportements apeurés/apeurants ... 15

B. Études ayant utilisé le AMBIANCE ... 16

Stabilité des comportements atypiques ... 19

Apparition des CMA au cours de la première année de vie ... 23

Limites des études antérieures ... 25

Objectifs ... 29

Méthodologie ... 31

Participants ... 31

Procédure ... 32

Instruments de mesure ... 33

Méthode d’analyses statistiques ... 38

Résultats ... 39

A. Analyses descriptives ... 39

B. Analyses de trajectoires ... 39

C. Liens entre les trajectoires et les variables de l’écologie familiale ... 43

Discussion ... 47

Conclusion ... 57

Bibliographie ... 59

Annexe 1 ... 69

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Liste des tableaux

Tableau 1: Différences entre les mères adolescentes e les mères adultes au niveau des variables

socio-démographiques ... 69

Tableau 2: Moyennes et écarts-types des mesures de comportements maternels atypiques aux trois temps de mesure ... 70

Tableau 3: Corrélations entre les mesures de comportements maternels atypiques obtenues aux trois temps de mesure ... 71

Tableau 4: Corrélations entre les sous-échelles AMBIANCE pour les trois temps de mesure... 73

Tableau 5: Trajectoires des comportements maternels atypiques à travers les trois temps de mesure ... 75

Tableau 6: Moyennes et écarts-types des mesures des variables de l'écologie familiale ... 78

Tableau 7: Corrélations point-bissérielles entre les trajectoires de comportements atypiques et les variables de l'écologie familiale ... 79

Tableau 8: Accords inter-juges obtenus pour la codification des comportements maternels atypiques aux trois temps de mesure ... 80

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Remerciements

Je tiens à remercier ma famille, mes parents Omrane et Nadra, mon frère Zied pour leurs encouragements et leur soutien continu dans la réalisation de ce projet doctoral. Vous avez toujours cru en moi et c’est ce qui m’a permis de persévérer jusqu’au bout. Je tiens également à remercier mon mari Daniel qui a été à mes côtés tous les jours et qui m’a offert son amour et sa patience durant ce projet. Merci à ma fille Sofia qui a été une source d’inspiration inépuisable et à qui je voulais offrir un modèle de réussite. Enfin, je tiens à remercier chaleureusement mon directeur George Tarabulsy qui a su me guider et m’accompagner dans cette aventure doctorale toujours avec une rigueur, une sensibilité et une générosité exceptionnelles. Malgré les obstacles rencontrés, grâce à vous tous, je peux dire mission accomplie.

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Introduction

Les figures parentales représentent le premier lien entre l’enfant et son monde extérieur. Dès les premiers mois de vie, l’enfant acquiert des habiletés au plan moteur, cognitif et social et la qualité des interactions parent-enfant contribue à l’ensemble de ce développement. C’est également à travers ces interactions quotidiennes que se forme une relation d’attachement entre le parent responsable de ses soins et son enfant. Selon Bowlby (1982), ces interactions transmettent à l’enfant un sentiment primaire de sécurité ou d’insécurité qui aura une incidence sur son adaptation psychosociale et sa capacité à réguler ses affects et ses comportements. La relation d’attachement servirait de modèle de base pour la construction de ses relations sociales et intimes futures. Bowlby a proposé que ces relations seraient également modulées en fonction des modèles internes que l’enfant aura élaborés sur lui et les autres à partir des expériences interactives, dans divers contextes, avec sa figure d’attachement. Dans cette perspective, on infère différents états représentationnels qui se développent chez l’enfant au fil des interactions ayant lieu durant l’enfance. Ainsi, si l’enfant accumule des expériences où il est sécurisé par sa figure d’attachement, il en viendra à croire qu’elle est disponible et fiable et que lui-même est digne d’être aimé et respecté. En revanche, l’enfant qui vit une relation d’attachement insécurisante risque de se former un modèle de sa figure d’attachement et des autres personnes autour de lui comme rejetantes et insensibles à ses besoins et un modèle correspondant de lui-même comme une personne qui n’a pas de valeur et qui ne mérite pas d’attention.

Les études empiriques ont permis de reconnaître que parmi les différentes catégories d’attachement parent-enfant, l’attachement de type insécurisant/désorganisé est étroitement lié aux difficultés d’adaptation futures dans la vie de l’enfant, surtout de types externalisées. À l’âge préscolaire et scolaire, les enfants classés comme désorganisés ont des interactions de type coercitives, manifestent des comportements hostiles/agressifs et de l’opposition, ont du mal à réguler et contrôler les émotions négatives et présentent des symptômes de troubles intériorisés et extériorisés avec plus de fréquence que la norme. Ces enfants sont à risque de présenter des problèmes d’adaptation tout au long de leur vie. Tandis que Sroufe et ses collègues (1999; Carlson et al., 2004) rapportent que l’attachement désorganisé est le plus important prédicteur de difficultés d’adaptation à l’adolescence, des méta-analyses sur cette question ont rapporté une association significative moyenne (r=.29) entre un attachement D et des problèmes de comportement ultérieurs (van IJzendoorn, Schuengel & Bakermans-Kranenburg, 1999), des troubles extériorisés (d= .34; Fearon, Bakermans-Kranenburg, Lapsley et Roisman, 2010) et des troubles intériorisés (d= .15 pour un attachement insécure incluant la désorganisation; Groh, Roisman, van IJzendoorn, Bakermans-Kranenburg, Fearon, 2012).

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En somme, l’attachement de type désorganisé est considéré par plusieurs chercheurs comme un indicateur précoce de problèmes de développement social et émotionnel et de santé mentale de l’enfant d’où l’importance de comprendre ses précurseurs (Carlson 1998; Moss, Cyr & Dubois-Comptois, 2004; Solomon, George & De Jong, 1995). Ces liens entre la désorganisation et les problèmes de développement ont souligné l’importance de mieux identifier et comprendre les précurseurs de ce phénomène relationnel.

L’un des précurseurs les mieux étudiés et qui a fait l’objet de nombreuses recherches est la présence d’interactions problématiques entre la principale figure d’attachement et son enfant. Dans la vaste majorité des études, cette figure est la mère de l’enfant. Au-delà de problèmes d’interactions, certains types d’interactions semblent agir sur l’enfant de façon à accentuer son insécurité et désorganiser l’enfant dans sa relation d’attachement (Lyons-Ruth, Yellin, Melnick et Atwood, 2005). Deux instruments de codification ont été développés afin de rendre compte de l’intensité et de la fréquence des comportements problématiques de la mère lorsqu’elle est en interaction avec son enfant, soit le système de codification des comportements dits apeurés ou apeurants (système Fr : Main et Hesse, 1992, 1998) et le Atypical Maternal Behavior Instrument for Assessment and Classification (AMBIANCE, Lyons-Ruth, Bronfman & Parsons, 1999). Ces deux instruments ont été élaborés afin d’identifier les interactions particulièrement problématiques qui sont perçues comme étant à la base de la désorganisation de l’attachement. Ces interactions sont souvent marquées par des intrusions ou de l’hostilité et des inversions de rôles de la part de la mère dans lesquelles elle demande à l’enfant d’assumer des responsabilités relationnelles bien au-delà de ses compétences développementales. Ces interactions se caractérisent également par des signes de dissociation et de désorientation de la part de la figure d’attachement, surtout dans des circonstances nécessitant une présence et une réponse appropriée. Souvent, les réponses maternelles sont inadéquates ou absentes aux signaux de l’enfant. De nombreuses études ont rapporté un lien significatif entre ces interactions et le développement d’un attachement désorganisé chez les enfants (Goldberg, Benoît, Blokland & Madigan, 2003; Lyons-Ruth, Bronfman & Parsons, 1999; Moran, Forbes, Evans, Tarabulsy, Madigan, 2008; Schuengel, Bakermans-Kranenburg & van IJzendoorn, 1999). Une méta-analyse réalisée à partir de neuf études établissait à .34 la taille d’effet combiné moyen dans le lien entre les comportements maternels classifiés selon l’un des deux instruments et l’attachement désorganisé chez les enfants (Madigan, Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn, Moran, Pederson & Benoît, 2006).

Malgré l’intérêt des chercheurs et l’accumulation de données confirmant le lien entre les comportements maternels atypiques et l’attachement désorganisé, plusieurs difficultés au plan méthodologique apparaissent à

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3 travers les études et nous empêchent de mieux comprendre ce lien. Soulignons d’abord que la majorité des études ont observé les comportements maternels à l’intérieur des interactions mère-enfant entre 12 et 18 mois, soit la même période qui est indiquée pour évaluer l’attachement de l’enfant. Cela suppose un chevauchement entre les mesures de l’attachement et des comportements maternels atypiques (CMA). Il n’est donc pas clair que les CMA soient en fait des précurseurs plutôt que des corrélats de la désorganisation.

De plus, très peu d’études ont évalué la stabilité des CMA dans le temps; la plupart des données actuelles ne font état que d’une mesure ponctuelle de ces comportements obtenue à un seul temps de mesure, souvent dans le contexte de la situation étrangère qui sert à évaluer l’attachement, ce qui constitue une limite importante. Parfois, les contextes d’observation (maison, laboratoire) et le type de mesure rapportée concernant les CMA (fréquence, intensité, classification bivariée) diffèrent d’une étude à l’autre, ce qui complique la comparaison des résultats. Enfin, soulignons que la majorité des études ont utilisé des échantillons à faible risque psychosocial où la proportion d’enfants ayant un attachement désorganisé était faible, nous permettant de questionner la stabilité interne des résultats obtenus.

Le présent travail vise à mieux documenter le niveau de stabilité des CMA pendant que se forme la première relation d’attachement mère-enfant, de vérifier si des différences individuelles existent au plan de la stabilité des comportements et vérifier dans quelle mesure ces différences sont associées à des caractéristiques spécifiques de l’écologie familiale. Un bref historique de l’évolution des études qui ont porté sur la théorie de l’attachement sera d’abord présenté suivi d’un retour sur le développement de la catégorie d’attachement désorganisé ainsi que les études ayant décrit les conséquences qui y sont associées. Une revue de la littérature sera ensuite présentée concernant les comportements maternels en tant que précurseurs de l’attachement désorganisé. Ainsi, les différentes propositions théoriques sur les CMA seront abordées suivies des vérifications empiriques auxquelles elles ont été soumises. Nous présenterons ensuite les quelques résultats d’études ayant observé de façon longitudinale les CMA. Les limites méthodologiques observées dans ces études seront soulignées. Enfin, les objectifs, hypothèses et questions de recherche de la présente étude seront présentés ainsi que la méthodologie et les analyses statistiques qui serviront à tester les hypothèses.

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L’attachement de type désorganisé

Afin de comprendre la pertinence d’examiner les CMA, il est important de décrire l’attachement désorganisé (D) auquel ils sont fréquemment associés. Les critères pour la classification D incluent un large éventail de comportements manifestés par l’enfant dans le cadre de la situation étrangère se regroupant en 7 catégories (voir annexe 2 pour une description de la procédure de la situation étrangère). Les enfants classés D montrent entre autres des comportements contradictoires (séquentiels ou simultanés), interrompus, stéréotypés, de dissociation ou bien d’appréhension. Ces comportements se manifestent le plus souvent lors des épisodes de réunion entre l’enfant et sa figure d’attachement. Par exemple, un enfant peut, au retour de sa mère dans la pièce, lever les bras vers elle et pleurer tout en faisant des pas à reculons; il peut s’approcher d’elle de façon très hésitante en faisant un détour; il peut s’arrêter de jouer soudainement et figer pendant plusieurs secondes ou encore frapper son parent au visage alors qu’il semble de bonne humeur. Ainsi, une variété de comportements compose le schème de codification pour l’attachement D chez l’enfant mais les auteurs précisent que le thème commun à ces comportements est la présence de contradictions (approche/évitement) ou l’inhibition d’une action qui est amorcée (Main & Hesse, 1990). Ces comportements ne semblent pas cohérents et vont à l’encontre des notions de base reçues concernant l’importance de la proximité et du contact physique de l’enfant avec son parent en moment de détresse. Ainsi, un enfant est classé D si la fréquence et l’intensité de tels comportements sont suffisamment importantes.

Certains enfants sont classés D parce qu’ils ne démontrent pas de stratégie comportementale cohérente pour gérer le stress engendré par la procédure de la situation étrangère (2 séparations et 2 réunions avec le parent) tandis que d’autres initient une stratégie comportementale ayant un but précis tel que rechercher la proximité avec son parent, maintenir le contact avec celui-ci ou éviter son parent mais cette stratégie ne se maintient pas pour différentes raisons et des comportements inusités de l’enfant sont observés (Carlson et al., 2004; Main et Solomon, 1990; van IJzendoorn et al., 1999). Les théoriciens de l’attachement soutiennent que dans le contexte du développement de la désorganisation, les interactions parent-enfant se caractérisent par des comportements du parent perçus comme effrayants pour l’enfant ou des comportements de l’enfant qui sont effrayants pour le parent (Barnett et Vondra, 1999; Lyons-Ruth, Bronfman et Pearsons, 1999; Main et Hesse, 1990; Solomon et George, 1999; Tarabulsy, Larose, Pederson et Moran, 2000). Ainsi, l’expérience de peur dans les interactions avec la figure d’attachement placerait l’enfant dans une position paradoxale, soit celle où il craint la personne vers qui il doit normalement se tourner pour obtenir du réconfort et une protection (Hesse et Main, 2006; Madigan, Voci et Benoît, 2011). C’est ainsi qu’on peut comprendre qu’un enfant peut

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d’abord s’approcher de son parent puis interrompre ce comportement par peur et éviter son parent par la suite. La figure parentale, plutôt que d’être une base à partir de laquelle l’enfant s’organise, devient une personne qui suscite de la crainte chez l’enfant. En situation de stress comme celle de la situation étrangère, l’enfant ne peut donc pas compter sur son parent pour s’apaiser et n’arrive pas à organiser des comportements cohérents autour de lui, ce qui donnerait lieu aux comportements étranges et inattendus observés chez les enfants désorganisés; ces comportements reflètent la position paradoxale dans laquelle il se trouve (Hesse et Main, 2006; Madigan et al. 2011).

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Incidence et conséquences associées à

l’attachement désorganisé

Alors que la majorité des enfants développe une relation d’attachement organisée, la proportion d’enfants ayant un attachement désorganisé avec leur parent varie selon les facteurs de risque rencontrés par la population. Cette proportion peut aller de 14% dans des échantillons à faible risque, de groupes non-cliniques à 86% dans les échantillons de faible statut socio-économique ou à hauts risques psycho-sociaux (Bakermans-Kranenburg et van IJzendoorn, 2006; Burgess, Marshall, Rubin et Fox, 2003; Edwards, Eiden et Leonard, 2006; Keller, Spieker et Gilchrist, 2005; Lyons-Ruth, Bronfman & Parsons, 1999; Madigan, Moran, Schuengel, Pederson et Otten, 2007; Main et Solomon, 1986, 1990; Moss, Smolla, Cyr, Dubois-Comptois, Mazzarello et Berthiaume, 2006; Seifer, LaGasse, Lester, Bauer, Shankaran, Bada et al, 2004; van IJzendoorn, Schuengel & Bakermans-Kranenburg, 1999). Des taux élevés de patterns d’attachement D ont été observés entre autres dans les échantillons où les parents présentaient une forme de psychopathologie, vivaient des difficultés conjugales ou dans lesquels les enfants étaient exposés à de l’abus ou de la négligence (Carlson, 1998; Cicchetti & Barnett, 1991; Cicchetti, Rogosch et Toth, 2006, 2011; Crittenden, 1988; Cyr, Euser, Bakermans-Kranenburg, & van IJzendoorn, 2010; Schneider-Rosen, Braunwald, Carlson, & Cicchetti, 1985; Stronach, Toth, Rogosch, Oshri, Manly et Cicchetti, 2011; van IJzendoorn, Schuengel, & Bakermans- Kranenburg, 1999).

De plus, le développement d’un attachement désorganisé durant la petite enfance entraîne des problèmes d’adaptation sociale et émotionnelle variés au cours de l’enfance et de l’adolescence qui ont été largement documentés. Il s’agit de difficultés telles que des troubles de comportement intériorisés et extériorisés, de régulation des affects négatifs et de la détresse, de comportements hostiles/agressifs et d’opposition et d’interactions coercitives rapportés à la fois par les parents et les professeurs de l’enfant (Carlson, 1998; Greenberg, 1999; Lyons-Ruth, Alpern & Repacholi, 1993; Moss, Rousseau, Parent, St-Laurent et Saintonge, 1998; Schieche & Spangler, 2005). Une méta-analyse regroupant 12 études et un échantillon total de 734 enfants a rapporté une taille d’effet combiné de r=.29 entre une classification d’attachement D à la petite enfance et les troubles extériorisés à l’âge scolaire avec des résultats homogènes (van IJzendoorn et al., 1999). Une seconde méta-analyse en ce sens a été conduite par Fearon, Bakermans-Kranenburg, Lapsley et Roisman (2010) regroupant les résultats de 34 études indépendantes effectuées auprès de 3778 jeunes enfants. Les auteurs confirment le lien robuste entre le fait d’avoir développé un attachement mère-enfant de type désorganisé entre 12 et 18 mois et la présence de troubles extériorisés plus tard durant l’enfance tels que

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des comportements agressifs, de l’opposition, de l’hostilité et des troubles de la conduite (taille d’effet combiné de d= .34; Fearon et al. 2010). Des résultats plus mitigés ont été obtenus sur le lien entre un attachement désorganisé et le fait de développer des troubles intériorisés dans l’enfance (Groh et al., 2012). Dans le cadre d’une méta-analyse regroupant 4614 enfants issus de 42 échantillons indépendants, les auteurs en arrivent à la conclusion que l’attachement de type désorganisé à la petite enfance augmente significativement mais de façon modeste les risques de troubles intériorisés plus tard dans l’enfance mais seulement lorsqu’il était combiné aux deux autres formes d’attachement insécure (voir Annexe 2), (Groh et al. 2012). Lorsque l’attachement de type désorganisé était pris seul, il n’était pas associé à davantage de troubles intériorisés chez les enfants. Par ailleurs, l’attachement de type D a une influence sur le développement des habiletés cognitives futures des enfants tel que le montre une étude réalisée à partir des données du NICHD auprès de 1000 enfants (O’Connor & McCartney, 2007). Les résultats des régressions montrent que l’attachement D à trois ans est un prédicteur significatif des difficultés cognitives présentées par les enfants (mémoire à court et long terme, compréhension, vocabulaire) au cours de leur première année scolaire, au-delà de sept variables contrôle (O’Connor & McCartney, 2007). Enfin, la désorganisation à la petite enfance prédit également la sévérité et les troubles psychiatriques à 17 ans et des symptômes de dissociation à 19 ans selon les résultats d’une étude longitudinale (Carlson, 1998). En somme, outre les troubles de nature organique, l’attachement de type désorganisé est considéré par certains auteurs comme la première manifestation observable de psychopathologie chez l’enfant et un des premiers facteurs de risque mesurable pour le développement de difficultés d’adaptation (Lyons-Ruth, Zeanah et Benoît, 2003; Moss et al., 2004; Sroufe, Egeland, Carlson et Collins, 1999, 2005; van IJzendoorn et al. 1999).

Dans cette perspective, il semble que la description de cette catégorie de comportements dans la situation étrangère (SE) touche un élément important des précurseurs précoces du développement social et émotionnel de l’enfant. Il devient alors pertinent de se questionner sur les antécédents interactionnels de ces comportements.

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Hypothèses sur les précurseurs de l’attachement

désorganisé

L’observation des comportements qui caractérisent la désorganisation de l’attachement peut mener certains observateurs à soupçonner la présence de difficultés inhérentes à l’enfant. Ces idées ont été investiguées et ont pris différentes formes. Certaines études sur la génétique moléculaire laissent croire que le gène DRD4 est impliqué dans le développement d’un attachement désorganisé à la petite enfance (Gervai, Nemoda, Lakatos, Ronai, Toth, Ney et al, 2005; Lakatos, Nemoda, Toth, Ronai, Ney, Sasvari-Szekely et al., 2002; Lakatos, Toth, Nemoda, Ney, Sasvari-Szekely & Gervai, 2000). D’autres chercheurs n’ayant pu répliquer ces résultats, suggèrent que les facteurs génétiques ne peuvent expliquer à eux seuls la désorganisation de l’attachement et que les conditions environnementales et familiales propres à chaque enfant doivent être considérées (Bakermans-Kranenburg & van IJzendoorn, 2004, 2006; Bokhorst, Bakermans-Kranenburg, Rearon, van IJzendoorn, Fonagy & Schuengel, 2003). Ces résultats soulèvent également l’importance de bien comprendre les modèles d’interactions pouvant être en lien avec des formes d’attachement problématiques.

En ce qui a trait au tempérament de l’enfant, les études tendent à montrer qu’il n’est pas en lien avec le développement d’un attachement insécure ou désorganisé (Carlson, 1998; Leerkes, 2011; Vaughn, Bost & van IJzendoorn, 2008). De même, une méta-analyse combinant les résultats de 13 études avec un échantillon total de 2028 enfants n’a pas trouvé de lien entre ces deux variables (IJzendoorn et al. 1999). Par contre, une récente étude tend à démontrer que le tempérament de l’enfant est en lien avec le degré de sensibilité maternelle, une variable liée la qualité de la relation d’attachement de l’enfant (Therriault, Lemelin, Tarabulsy et Provost, 2011). Les auteurs de l’étude ont évalué le lien entre la sensibilité maternelle et le tempérament de l’enfant en tenant compte du niveau de risque socio-économique des mères. Ainsi, leurs résultats montrent que pour les mères adultes, la propension à la colère de l’enfant et son niveau d’activité, deux variables du tempérament de l’enfant mesurées à 15 mois, prédisent le degré de sensibilité maternelle à 18 mois. Pour les mères adolescentes qui présentent plusieurs facteurs de risque, le lien entre la propension à la colère de l’enfant à 15 mois et le degré de sensibilité maternelle à 18 mois est bidirectionnel alors que la sensibilité maternelle à 15 mois prédit le niveau d’activité de l’enfant à 18 mois. Ces résultats donnent un éclairage intéressant sur la direction des effets dans le lien entre le tempérament de l’enfant et une variable comportementale et observable de la mère qu’est la sensibilité maternelle sans toutefois aborder la sécurité d’attachement de l’enfant. C’est pourquoi nous devons considérer l’ensemble des résultats sur le sujet qui

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suggèrent que l’attachement de type D n’est pas une conséquence de l’héritage d’un tempérament difficile pour les enfants.

Ceci nous mène aux facteurs environnementaux et familiaux qui ont été étudiés pour prédire le développement d’un attachement désorganisé. En ce qui a trait aux facteurs environnementaux, les études montrent qu’une proportion importante d’enfants vivant dans un contexte de risque socio-économique et social développe un attachement D (Barnett, Ganiban et Cicchetti, 1999; Carlson et al., 1989; Cicchetti et al., 2006). À cet effet, une récente méta-analyse apporte un éclairage et certaines pistes de compréhension. Les résultats obtenus révèlent que l’ethnicité et l’accumulation de cinq facteurs de risque ou plus chez la mère ont un impact négatif significatif sur la désorganisation de son enfant (Cyr, Euser, Bakermans-Kranenburg, Van IJzendoorn, 2010). Les auteurs observent que, même en l’absence de maltraitance, le fait pour une mère d’appartenir à une communauté ethnique distincte de la majorité ou d’avoir cinq facteurs de risque socio-économiques ou plus prédit significativement la désorganisation d’attachement de son enfant (Cyr et al. 2010). Les indicateurs de risque étudiés dans cette étude étaient : faible revenu, abus de substance, groupe ethnique minoritaire, monoparentalité, mère adolescente et faible niveau de scolarité. Les auteurs proposent également que les comportements maternels problématiques agiraient comme médiateurs et seraient le mécanisme à travers lequel les risques socio-économiques favorisent le développement d’un attachement D chez l’enfant. Le stress important que vivent ces familles les amènerait soit à manifester plusieurs comportements problématiques dans l’interaction avec leur enfant, ou bien à se retirer de l’interaction avec lui, ce qui favoriserait le développement d’un attachement désorganisé. Les auteurs soulignent également que ce contexte de vie augmente la probabilité de vivre des expériences traumatisantes et en conséquence, de manifester des comportements maternels problématiques (Cyr et al, 2010).

En ce qui concerne les facteurs familiaux, ces comportements maternels problématiques représentent l’un des précurseurs de l’attachement désorganisé qui a été proposé au plan théorique et qui a fait l’objet de vérifications empiriques. De façon générale, on propose que les comportements des parents qui mènent à la désorganisation sont particulièrement problématiques pour l’enfant. Les auteurs suggèrent que ces comportements peuvent faire peur à l’enfant ou être incompris et, par conséquent, nuire à l’établissement d’une organisation cohérente de l’enfant lorsqu’il est dans des situations où il a besoin de son parent pour réguler son affect. Deux hypothèses principales ont été développées et testées empiriquement dans la littérature. L’une de ces hypothèses, développée par Main et Hesse (1990), porte attention aux antécédents parentaux qui sous-tendent les comportements problématiques (traumatismes, peur etc.). L’hypothèse de

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11 Lyons-Ruth et al. (1999), quant à elle, met davantage l’accent sur l’expérience de l’enfant et, par conséquent, utilise une stratégie d’observation plus détaillée. Ces approches seront abordées de façon plus complète dans les sections qui suivent et un aperçu de la validation empirique dont elles ont fait l’objet sera présenté.

Hypothèse des comportements apeurés/apeurants

Les travaux de Main et Hesse (1990; Hesse & Main, 2000, 2006; Hesse, 2008) les ont amenés à suggérer une explication selon laquelle les enfants dont l’attachement est désorganisé n’ont pu développer de stratégie comportementale cohérente pour rechercher ou maintenir la proximité avec leur figure d’attachement, ou que cette stratégie se défait dans la situation étrangère, parce que la figure d’attachement manifeste des comportements qui suscitent la peur et/ou qui indiquent qu’elle est apeurée. Ces comportements peuvent prendre la forme d’intrusion ou d’hostilité de la part de la mère à travers les soins qu’elle donne à son enfant surtout lorsqu’il est en détresse. Ces comportements ont surtout été observés dans le cadre de la situation étrangère. Main et Hesse (1990) suggèrent que ces comportements seraient difficiles à comprendre et alarmants pour l’enfant qui ne peut alors utiliser sa figure d’attachement pour maintenir une organisation comportementale et attentionnelle et qui doit faire face seul à sa détresse et trouver un moyen de s’apaiser lui-même. C’est ce paradoxe où la figure d’attachement est à la fois source de peur (à cause de ses comportements effrayants) et la source habituelle de réconfort pour l’enfant qui donnerait lieu aux comportements bizarres, contradictoires, confus et de désorientés qui caractérisent l’attachement désorganisé des enfants (Main et Hesse, 1990). En somme, cette hypothèse présume que l’enfant développe un attachement désorganisé suite aux expériences répétées de comportements anormaux de sa figure d’attachement, ce qui l’empêche d’utiliser son parent comme base de sécurité pour organiser ses propres comportements adaptatifs dans des circonstances d’alarme ou d’inquiétude. De plus, les auteurs ont proposé un modèle théorique selon lequel les parents d’enfants désorganisés auraient vécu une ou des expériences de traumatisme telles que la perte d’un être cher ou le fait d’avoir été victime de maltraitance dans leur enfance. Ces expériences n’ayant pas été résolues, le parent en garderait des souvenirs et des émotions difficiles qui peuvent être ravivés par les pleurs et la détresse de son enfant, l’envahir et ainsi provoquer un état de dissociation chez lui. Les auteurs (Hesse et Main, 1998; 2006) suggèrent que face à ces signaux de détresse et ces demandes de réconfort de la part de leur enfant, les parents ayant vécu une situation traumatisante de perte ou d’abus non résolue entrent dans un état de dissociation qui expliquerait pourquoi ils adoptent des comportements inusités et bizarres envers leur enfant (le regarder de très près, le prendre comme s’il s’agissait d’une poupée…), ce qui, par conséquence serait à l’origine d’un attachement

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désorganisé. En somme, Main et Hesse (1998, 2006) font ce lien très fortement entre une expérience non résolue d’abus ou de perte chez le parent, un état dissocié lors des besoins de réconfort de l’enfant, des comportements parentaux inusités et un attachement désorganisé chez l’enfant. Cependant, la démonstration empirique qui soutien ce « chemin » est incomplète à ce jour.

Sur la base de cette théorie, Main et Hesse (1992, 1998) ont développé un schème de codification afin de décrire les comportements maternels suscités par la peur et suscitant la peur («frightening/frightened») à partir d’observations de dyades en interaction qui présentaient peu de risques sur le plan psycho-social. Cet instrument comporte six catégories de comportements, soit les comportements apeurants/menaçants, les comportements apeurés, les comportements dissociés, les comportements sexualisés, les comportements désorganisés/désorientés et les comportements timides ou de soumission. Ce schème a été utilisé dans plusieurs études qui seront décrites plus loin.

Hypothèse des comportements perturbés (disrupted)

Suite à leur travail avec des échantillons de populations à haut risque psychosocial, Lyons-Ruth et son équipe (Lyons-Ruth et al., 1999) ont proposé une hypothèse générale sur les origines de l’attachement désorganisé qui met davantage l’accent sur l’expérience de l’enfant lors d’interactions. Cette hypothèse concerne la présence de comportements parentaux dits perturbés qui peuvent être désorganisants pour l’enfant. L’idée principale des auteurs réfère à un "Échec de réparation" (failure to repair) et suppose que la figure d’attachement, par ses comportements de soin, doit se montrer suffisamment réceptive et disponible à l’enfant pour lui permettre d’avoir une stratégie d’attachement qui est organisée et efficace. L’incapacité chronique de la mère à être suffisamment disponible à son enfant et à ajuster ses comportements de soin lorsqu’il montre des signaux clairs et répétés qu’il a besoin de réconfort devrait nuire à l’enfant dans son effort de développer des stratégies organisées d’attachement. En effet, les enfants ayant développé une relation d’attachement non-désorganisée (sécurisante, ambivalente ou évitante) auraient réussi à développer une stratégie comportementale organisée et stable autour de comportements prévisibles de la part de leur parent pour maintenir la proximité avec leur figure d’attachement, proximité dont ils ont besoin afin de recevoir des soins appropriés dans diverses circonstances. À l’inverse, les difficultés dans l’interaction mère-enfant sous forme d’erreurs affectives ou de retrait reflètent l’incapacité de la mère à offrir à son enfant le niveau minimal de réponse lui permettant de développer une relation d’attachement organisée. C’est cette exposition à

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13 l’insuffisance d’aide de la part de sa figure d’attachement pour s’apaiser qui est présumée être la cause de la peur de l’enfant qui n’a pas la maturité affective pour apaiser seul sa détresse (Lyons-Ruth et al. 1999). Ainsi, selon cette hypothèse, les comportements maternels qui laissent l’enfant sans aide pour réguler sa détresse, comme les comportements de retrait ou d’inversion de rôles seraient aussi désorganisants pour l’enfant, peu importe qu’il y ait des comportements apeurants ou apeurés (Lyons-Ruth & Spielman 2004).

On constate que l’hypothèse de Lyons-Ruth et al. (1999) complète celle de Main et Hesse (1990) en supposant qu’en plus des comportements qui induisent de la peur chez l’enfant, les comportements maternels qui traduisent une insensibilité importante, laissant l’enfant seul pour réguler ses émotions dans les moments de stress, peuvent également mener à la désorganisation des stratégies d’attachement de l’enfant. La formulation de la théorie de Lyons-Ruth a été suivie par une démarche d’opérationnalisation des comportements de soin qui témoignent de cette absence parentale alors que l’enfant devrait normalement dépendre de son parent pour l’aider à réguler ses émotions. Ces auteurs ont ainsi développé un instrument de codification nommé AMBIANCE (Atypical Maternal Behavior Instrument for Assessment and Classification) qui inclut les items de l’instrument de codification des comportements apeurés/apeurants (Main et Hesse, 1990) en plus d’identifier des comportements qui reflètent spécifiquement une perturbation dans l’habileté de la mère à répondre aux signaux de son enfant dans les moments de stress (Bronfman, Parsons, Lyons-Ruth, 1993).

Les deux approches se distinguent sur les plans théoriques et des types d’échantillons étudiés. Main et Hesse (1992, 1998, 2006) ont développé leur théorie à partir d’un échantillon de niveau socio-économique moyen à élevé et situent le parent comme une victime n’ayant pas résolu une expérience de perte ou de traumatisme passé et qui reproduit en quelque sorte cette expérience de trauma avec son enfant. Selon cette théorie, les comportements perturbés du parent sont des manifestations d’une psychopathologie et induisent de la peur à l’enfant, ce qui n’a pas été démontré empiriquement jusqu’à ce jour. En revanche, la théorie de Lyons-Ruth et al. (1999) met l’emphase sur les interactions perturbées entre la mère et son enfant et l’incapacité de celle-ci à offrir à son enfant une réponse minimale à ses manifestations de détresse. Ces auteurs ont développé cette théorie à partir d’un échantillon à haut risque socio-économique et décrivent une perturbation dans la communication entre la mère et son enfant sans faire allusion à un sentiment de peur chez la mère ou l’enfant.

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Malgré leurs différences théoriques et conceptuelles, ces différences demeurent, somme toute, relativement mineures et les deux approches se ressemblent à la base sur le plan pratique de la codification. Dans les deux cas, on présume que l’enfant expérimente des comportements parentaux dysfonctionnels de manière fréquente, nuisant ainsi à sa capacité d’utiliser son parent comme point de repère pour organiser ses propres comportements adaptatifs. Dans cette perspective, les comportements désorganisés de l’enfant sont perçus comme étant le reflet d’une représentation désorganisée de son parent, surtout sur la manière dont ce dernier va agir dans un contexte d’inquiétude ou d’alarme, des situations dans lesquelles, sur le plan développemental, l’enfant doit normalement réguler ses émotions conjointement avec son parent. En somme, les deux approches situent la désorganisation de l’attachement comme une conséquence de patterns relationnels parent-enfant perturbés en contexte de stress qui laissent l’enfant seul pour s’adapter et gérer ses émotions alors qu’il a besoin d’une figure parentale pour y arriver. Cette hypothèse majeure liant les comportements atypiques (comportements des deux systèmes de codification) avec la désorganisation a fait l’objet de nombreuses études empiriques présentées ci-après.

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Études sur le lien entre attachement D et

comportements atypiques

A. Études ayant utilisé le système de comportements

apeurés/apeurants

Nous avons répertorié une dizaine d’études qui ont montré un lien significatif entre la manifestation de comportements parentaux problématiques (codifiés par le système Fr ou bien AMBIANCE) et le développement d’un attachement désorganisé chez leur enfant.

Dans l’ensemble, les études ayant utilisé le système Fr ont observé des interactions parent-enfant (principalement mère-enfant) dans un contexte de jeu libre lors de visites à domicile ou au laboratoire lorsque l’enfant avait entre 10 et 18 mois (Abrams, Rifkin et Hesse, 2006; Schuengel et al., 1999; True, Pisani & Oumar, 2001). Leurs résultats sont très homogènes et en arrivent aux mêmes conclusions. D’abord, toutes les études ont démontré que les mères d’enfants ayant une relation d’attachement désorganisée manifestent significativement plus de comportements apeurés/apeurants en interaction avec leur enfant que les mères d’enfants ayant un attachement organisé-sécure ou insécure (Abrams et al, 2006; Out, Bakermans-Kranenburg et van IJzendoorn, 2009; Schuengel et al. 1999; True et al, 2001). En plus de montrer un lien avec la désorganisation, ces études ont toutes révélé que la manifestation de comportements effrayants/effrayés de la part des mères prédisait significativement le développement d’un attachement de type D chez leur enfant (Abrams et al, 2006; Out et al., 2009; Schuengel et al. 1999; True et al, 2001). Dans l’étude de Schuengel et al. (1999), cette prédiction tient compte de l’effet de la sensibilité maternelle, du niveau de stress pré et périnatal ainsi que des symptômes de dépression de la mère. Enfin, parmi les six catégories de comportements de l’instrument, les comportements hostiles-agressifs et ceux reflétant la dissociation étaient liés à la catégorie d’attachement désorganisé chez les enfants (Abrams et al, 2006; Schuengel, 1997; Schuengel et al. 1999; True et al, 2001). La dissociation pouvait se manifester par une soudaine interruption dans l’interaction de la mère avec son enfant pendant laquelle elle fige et demeure immobile pendant plusieurs secondes sans regarder ce qui se passe. Ces études mènent à des résultats semblables qui confirment toutes le lien robuste entre les comportements apeurés/apeurants de la mère et la classification de l’attachement de l’enfant comme désorganisé. Leurs résultats vont dans le sens de l’hypothèse de Main et Hesse (1990) qui propose que les expériences de perte ou d’abus non-intégrées ou résolues amènent les parents à interagir avec leur enfant de façon à lui inspirer de la peur. Une seule étude fait exception à ces

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résultats, soit l’étude de Buettner, Hierber et Grossman (1997) faite auprès de 50 mères et enfants. Les auteurs ne rapportent pas de corrélation significative entre les comportements apeurés/apeurants de la mère et la classification de l’enfant comme désorganisé. Les comportements des mères d’enfants D et non-D ne se distinguaient pas dans le contexte de la situation étrangère. Soulignons que cette étude est l’une des seules à avoir observé les comportements maternels dans la situation étrangère, ce qui est moins rigoureux sur le plan méthodologique et qui rend difficile la comparaison avec les autres études. Notons également que la majorité de ces études ont été effectuées auprès d’échantillons provenant de pays divers mais dont la population est issue de la classe moyenne à faible risque psycho-social où la proportion d’enfants avec un attachement désorganisé est relativement faible. Malgré cela, ils ont pu observer une relation significative avec les comportements de la mère qui les distingue des enfants n’ayant pas un attachement désorganisé.

B. Études ayant utilisé le AMBIANCE

Pour ce qui est des études ayant choisi d’utiliser AMBIANCE pour évaluer les comportements parentaux problématiques, les résultats obtenus vont dans le même sens que ceux des études faites avec le système Fr. En effet, dans l’ensemble, les études ayant utilisé AMBIANCE montrent toutes un lien significatif entre les comportements maternels atypiques et le développement d’un attachement désorganisé chez l’enfant tel que décrit plus bas. Par contre, certaines vont plus loin dans la compréhension de ce lien et ont voulu mesurer la stabilité de ces comportements dans le temps.

En somme, quatre équipes de recherche indépendantes ont analysé les comportements maternels atypiques en lien avec l’attachement de l’enfant (Goldberg et al., 2003; Kelly, Ueng-McHale, Grienenberger & Slade, 2003; Lyons-Ruth et al., 1999; Madigan, Moran & Pederson, 2006). Deux d’entre elles ont observé les CMA durant la procédure de la Situation Étrangère (Goldberg et al., 2003; Lyons-Ruth et al. 1999) alors que deux autres ont observé ces comportements dans un contexte de jeu en laboratoire (Kelly et al., 2003; Madigan et al., 2006). Dans tous les cas, les chercheurs notent que les mères d’enfants ayant développé un attachement désorganisé manifestaient significativement plus de CMA en interaction avec leur enfant que les mères d’enfants n’ayant pas développé ce type d’attachement. De plus, ces mères seraient significativement plus nombreuses à être classées comme "atypiques" (atteint le seuil de cinq sur l’échelle globale de AMBIANCE (0 à 9)) selon les auteurs. Ainsi, Goldberg et al. (2003) rapportent que 62% des mères dont l’enfant présentait un attachement de type désorganisé ont atteint le seuil de CMA vs 32% pour celles dont l’enfant présentait un attachement non-désorganisé. Des proportions similaires ont été rapportées par d’autres études : 53% vs 30%

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17 dans Madigan et al., (2011); 75% vs 24% dans Madigan et al., (2006); 78% vs 27% dans Evans, Forbes, Bento, Moran, Pederson et DeOliviera, (2003) et enfin 67% vs 16% dans Kelly et al., (2003). De plus, parmi les catégories de comportements atypiques du AMBIANCE, les erreurs de communication affective, la confusion de rôle, les comportements apeurés/désorientés et les comportements intrusifs/négatifs distinguaient les mères d’enfants désorganisés et les mères d’enfants organisés (Lyons-Ruth et al. 1999; Madigan et al., 2006). Il est à noter que les proportions les plus élevées se retrouvent parmi les études qui avaient un échantillon à hauts risques (Evans et al., 2003; Madigan et al., 2006).

Enfin, une méta-analyse réalisée à partir de 9 études (N=644) rapporte une taille d’effet combiné moyen (r=.34) dans le lien entre les comportements maternels (apeurants/apeurés et AMBIANCE) et l’attachement désorganisé chez les enfants (Madigan, Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn, Moran, Pederson et Benoit, 2006). Selon les auteurs, cela signifie qu’à partir des études disponibles jusqu’à ce moment, les enfants ayant une mères classée avec des CMA ont 4 fois plus de chance de développer une relation d’attachement désorganisée avec elle que les enfants dont la mère ne présente pas de CMA au cours des premiers mois de vie de l’enfant.

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Stabilité des comportements atypiques

L’ensemble de ces résultats souligne la contribution importante des comportements maternels atypiques dans la compréhension du développement de l’attachement désorganisé. Cependant, peu d’informations sont disponibles dans la littérature scientifique sur l’évolution des comportements atypiques au cours des premiers mois de vie de l’enfant et les caractéristiques personnelles, familiales et sociales des mères qui présentent ces comportements, en dehors du fait que certaines d’entre elles présentent des niveaux de risque plus élevés que les mères utilisant peu ces comportements. Bien que de nombreuses études ont confirmé le lien entre les CMA et le développement d’un attachement désorganisé chez l’enfant, une certaine variation est observée entre la force des corrélations rapportées qui lient ces deux variables et entre les proportions de mères d’enfants désorganisés qui atteignent le seuil de comportements atypiques (allant de 53% à 78% selon les études). Il est possible que cette variation puisse s’expliquer par le fait que les CMA aient été mesurés une seule fois dans le temps et à différents moments du développement de l’enfant. Or, on peut supposer que les comportements parentaux problématiques varient dans le temps et selon le contexte familial dans lequel ils apparaissent. Le fait d’avoir plus d’une mesure de CMA durant les premiers mois de développement de l’enfant permettrait d’identifier des différences individuelles possibles entre les mères quant au moment d’apparition des CMA et leur évolution dans le temps. Cela nous permettrait également de savoir si l’évolution des CMA à différents moments du développement de l’enfant est liée à certains facteurs de l’écologie familiale qui pourraient favoriser ou non l’apparition de ces comportements. Enfin, cela pourrait aider les chercheurs et cliniciens à développer des interventions précoces préventives ou curatives efficaces auprès des jeunes enfants et leur famille. Nous avons répertorié quatre études qui ont évalué la stabilité des CMA dans le temps.

D’abord, l’étude de Kelly et al. (2003) a comparé l’observation des CMA lorsque l’enfant avait quatre mois au cours d’une interaction face-à-face de 10 minutes et ensuite dans la situation étrangère à 14 mois. Les résultats indiquent que 54% des mères ont des comportements atypiques stables à travers les deux périodes de temps c’est-à-dire qu’elles ont atteint le seuil critique de CMA durant les deux périodes d’observation. En revanche, 83% des mères ne présentant pas de CMA à quatre mois ont maintenu cette classification à 14 mois. Il semble donc que plus de la moitié des mères observées ont manifesté des CMA dès les premiers mois de la vie de l’enfant et continuent d’interagir de cette façon à l’âge de 14 mois. Des résultats plus détaillés concernant cette étude sont rapportés par Kelly (2004). Ainsi, un lien significatif est rapporté entre la classification des CMA de la mère à quatre et quatorze mois (chi-carré= 10.49, dl= 1, p< .001), ce qui suppose une bonne stabilité de ces comportements dans le temps. De plus, une association significative est observée

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entre les manifestations de CMA chez la mère à quatre mois et les stratégies d’attachement de l’enfant à 14 mois. Il a été observé que la présence de hauts niveaux de CMA était reliée fortement à la présence d’attachement désorganisé chez l’enfant. Sur la base de ces résultats préliminaires, nous pouvons considérer l’hypothèse que les CMA observés aussi tôt qu’à l’âge de quatre mois puissent prédire avec efficacité la désorganisation de l’attachement de l’enfant à 14 mois.

Une seconde étude ayant évalué les CMA à travers deux périodes de temps est celle de Benoît, Waley et Goldberg (2001). Les auteures ont comparé les CMA observés au cours d’une session de jeu de cinq minutes entre la mère et son enfant à quatre mois et une seconde fois à 12 mois. Leurs résultats montrent que 22% des mères classées avec CMA et 83% des mères ayant été classifiées sans CMA à quatre mois ont maintenu leur classification à 12 mois.

Ayant utilisé une partie de ce même échantillon à faible risque, les auteurs d’une récente étude sont arrivés à des conclusions similaires (Madigan et al., 2011). En effet, les auteurs rapportent une stabilité moyenne dans les comportements maternels atypiques observés lorsque les enfants étaient âgés de un an et à nouveau lorsqu’ils avaient sept ans. Ainsi, 59% des mères ayant atteint le seuil significatif de CMA lorsque leur enfant avait 12 mois l’avaient également atteint lorsque leur enfant avait sept ans. Une plus grande proportion de mères (83%) n’ayant pas atteint le seuil significatif de CMA à l’âge de un an ne l’avaient également pas atteint lorsque leur enfant avait sept ans (Madigan et al., 2011). De plus, les auteurs rapportent une relation significative entre les mesures de CMA obtenues à un an et celles recueillies à sept ans et ce, à partir de deux types de scores obtenus avec AMBIANCE, soit la mesure continue et l’atteinte ou non du seuil critique. Ces résultats témoignent d’une stabilité modérée des comportements atypiques et une stabilité forte des comportements non-atypiques, ce qui suppose que si les CMA apparaissent dans les premiers mois de la vie de l’enfant, ils demeurent présents dans les interactions quotidiennes entre la mère et l’enfant et risquent de perturber la relation d’attachement entre eux.

Finalement, l’étude de Forbes, Evans, Moran et Pederson (2007) s’est intéressée aux patterns de stabilité et de changements dans la qualité de l’attachement de l’enfant et des comportements maternels atypiques entre l’âge de 12 et 24 mois de l’enfant. Comme dans l’étude précédente, les auteurs observent que les interactions mère-enfant dans lesquelles ont lieu des comportements atypiques sont plus instables au cours de la période

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21 qui s’étend de 12 à 24 mois que les interactions impliquant peu de ces comportements. 51% des mères ont manifesté des CMA de façon stable à travers les deux périodes de temps (vs 67% mères sans CMA). Une corrélation significative est rapportée entre les cotes de CMA au cours des deux périodes de temps. Parallèlement, la classification des dyades comme désorganisées est moins stable à travers la même période de temps que les dyades classées non-désorganisées (Forbes et al., 2007). Dans cette étude, les mères qui manifestaient des comportements atypiques dans leurs interactions avec l’enfant à 12 mois et qui se sont améliorées à 24 mois ont un enfant qui est passé d’un attachement désorganisé à organisé.

Enfin, une méta-analyse rapporte une taille d’effet combiné moyen (r =.56) entre les différents moments d’observation de CMA chez les enfants allant de 10 à 72 mois d’écart (3 études N=203) (Madigan et al., 2006).

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Apparition des CMA au cours de la première année

de vie

La grande majorité des études qui se sont attardées aux comportements atypiques des parents ont évalué ces comportements soit au cours de la situation étrangère ou bien dans un autre contexte mais dans la même période de temps (entre 12 et 18 mois). Deux études font exception à cette tendance. Tel que mentionné précédemment, l’étude de Kelly a démontré que les CMA peuvent apparaître tôt, dès l’âge de quatre mois bien qu’elle précise qu’il est possible de les observer à deux mois (Kelly, 2004). Une seconde étude a été réalisée auprès d’enfants de huit mois et leur mère, et rapporte un lien entre la présence de CMA à huit mois et le statut d’attachement non-résolu chez la mère (Jacobvitz, Leon, Hazen, 2006). Bien que cette étude n’ait pas rendu compte du statut d’attachement de l’enfant, elle souligne que les CMA peuvent apparaître dès les premiers mois de la vie de l’enfant. La combinaison des résultats préliminaires ainsi observés confirme la pertinence et l’importance de vérifier la présence de ces comportements plus tôt dans le développement de l’enfant, pendant que la relation d’attachement est en train de se construire, afin de mieux comprendre les conditions interactionnelles dans lesquelles de tels attachement se développent, mais aussi afin de pouvoir élaborer des programmes d’intervention visant la réduction ou l’élimination de ces comportements problématiques. Une première démonstration empirique de l’utilité d’une telle intervention provient d’une étude ayant été réalisée avec des mères d’enfants de 18 mois qui présentent des troubles de l’alimentation (Benoît, Madigan, Lecce, Shea & Goldberg, 2001). Les résultats montrent qu’après cinq semaines d’intervention axée spécifiquement sur la réduction des CMA, les mères ont manifesté moins de comportements atypiques que les mères ayant reçu une intervention qui se concentre sur la modification des comportements alimentaires (Benoît et al. 2001). Il s’agit ici d’une des premières études qui se penche sur l’intervention spécifique visant le changement des comportements atypiques; les résultats devront être répliqués par d’autres études afin de pouvoir tirer des conclusions robustes.

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Limites des études antérieures

Malgré l’intérêt des chercheurs et l’accumulation de données confirmant le lien entre les comportements maternels atypiques et l’attachement désorganisé, plusieurs difficultés au plan méthodologique et conceptuel apparaissent à travers les études et nous empêchent de mieux comprendre ce lien. Nous ciblons quatre limites importantes qui seront abordées dans le cadre de ce mémoire de doctorat. Nous soulignons que ces limites n’amènent pas à remettre en question le lien entre les interactions atypiques et la désorganisation. Seulement, elles permettent de circonscrire l’état de nos connaissances concernant ces éléments développementaux et de mieux évaluer l’importance des phénomènes étudiés.

Premièrement, soulignons que la majorité des études ont utilisé des échantillons à faible risque psychosocial où la proportion d’enfants ayant un attachement désorganisé était faible, nous permettant de questionner la stabilité interne des résultats obtenus. Or, l’étude de la désorganisation d’attachement et des CMA est particulièrement significative pour sa pertinence clinique auprès de clientèles à haut risque, chez qui ces problématiques sont largement prévalentes (Bernier & Meins, 2008; Lyons-Ruth et al., 2005; van IJzendoorn et al., 1999). Afin de mieux comprendre les processus développementaux pouvant mener à des difficultés d’interactions et d’attachement, il est pertinent d’examiner les populations chez qui ces difficultés sont plus fréquentes. De plus, une récente méta-analyse à ce sujet confirme l’importance de considérer les facteurs de risque présentés par les familles étudiées étant donné leur lien significatif avec un attachement mère-enfant désorganisé (taille d’effet combiné d = 0,48 (k = 34, n = 2886)) (Cyr et al, 2010). L’étude actuelle fait usage d’un échantillon de mères adultes et adolescentes et de leur enfant. Cette dernière clientèle est à risque sur les plans socioéconomique, social et personnel (Jaffee, Caspi, Moffitt, Belsky et Silva, 2001; Whitman, Borkowski, Keogh et Weed, 2001) et les enfants de mères adolescentes sont parmi ceux qui ont le pronostic développemental le moins favorable (Spieker, Larson, Lewis, Keller et Gilchrist, 1999; Spieker, Nelson, DeKlyen et Staerkel, 2005). Enfin, le phénomène des relations d’attachement désorganisé y est sur-représenté en comparaison avec les clientèles à faible risque et d’autres types de clientèles à risque sur le plan social (van IJzendoorn et al., 1999; Ward & Carlson, 1995).

De plus, la presque totalité des études qui ont examiné les CMA, même dans une perspective longitudinale, ont observé ces comportements dans le contexte des interactions mère-enfant entre 12 et 18 mois, soit la même période qui est indiquée pour évaluer l’attachement de l’enfant (l’étude de Madigan et ses collègues,

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2006 et celles de Kelly, 2003 et 2004 sont une exception à cette règle). Cela suppose un chevauchement entre les mesures de l’attachement et des comportements maternels atypiques (CMA). Dans cette perspective, il est important de pouvoir établir de façon plus solide que les CMA précèdent, sur le plan développemental, le temps où il est approprié d’évaluer l’attachement parent-enfant. Dans l’étude que nous proposons, nous prévoyons réaliser trois mesures des CMA, dont deux ont lieu cinq et neuf mois avant la mesure de la désorganisation dans la situation étrangère et toutes les trois ont lieu dans un contexte autre que celui de laboratoire de la situation d’Ainsworth.

Troisièmement, très peu d’études ont évalué la stabilité des CMA dans le temps; la vaste majorité des données actuelles ne font état que d’une mesure ponctuelle de ces comportements obtenue à un seul temps de mesure. Dans cette perspective, les études ne peuvent faire la démonstration de l’importance développementale du phénomène des CMA : sont-elles des caractéristiques durables des interactions ou plutôt des aspects qui se manifestent ponctuellement, en lien avec des manifestations développementales de l’enfant ? La stabilité est-elle la même pour toutes les dyades mère-enfant ou existe-il des différences individuelles ? Les études qui ont examiné la stabilité de ce phénomène, celles de Madigan et collègues (2007) et de Kelly (2004) et Madigan et al. (2011) indiquent la présence de stabilité significative, mais l’ordre des corrélations laisse entrevoir une variabilité substantielle. De même, les contextes d’observation (maison, laboratoire) et le type de mesure rapportée concernant les CMA (fréquence et intensité des conduites, classification bivariée des mères, score continu) diffèrent d’une étude à l’autre, ce qui complique la comparaison des résultats. Afin de mieux comprendre la stabilité de ce phénomène il est primordial que l’évaluation des CMA soit réalisée à différents moments du développement durant la petite enfance. Dans le cadre de l’étude actuelle, trois mesures des CMA à différents âges donnent la possibilité d’examiner la stabilité relative du phénomène ainsi que la possibilité que des différences individuelles puissent exister au niveau de la stabilité. Si la présence de différences individuelles se confirme chez les mères, nous tenterons également de comprendre à quelles caractéristiques familiales spécifiques ces différences sont liées. Peu d’informations à ce sujet sont disponibles actuellement dans la littérature scientifique. Ceci rejoint la quatrième critique qu’on peut adresser aux études antérieures.

En effet, on note que l’observation et l’étude des interactions problématiques entre la mère et son enfant pour expliquer le développement d’un attachement désorganisé fait partie de la tradition dans les recherches du domaine de l’attachement. À la lecture de la littérature scientifique disponible sur ce sujet, nous notons que peu de variables à l’extérieur de la dyade mère-enfant ont été investiguées pour comprendre l’origine des

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27 comportements maternels atypiques. Or, il a été démontré que des variables de l’écologie familiale sont en lien avec la qualité des interactions mère-enfant plus largement (Lamb, 2012). Il est alors étonnant de constater que jusqu’à présent, peu d’initiatives ont été déployées pour mettre en lien les CMA et ces variables familiales. La présente étude est une première avancée en ce sens.

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Objectifs

Afin de pouvoir pallier aux faiblesses méthodologiques et théoriques observées précédemment, nous proposons d’examiner la question de la stabilité des CMA dans le temps. Cette question sera abordée sous l’angle des analyses de trajectoires, dans lesquelles nous examinons la possibilité que des différences individuelles existent quant à l’évolution des CMA dans le temps et ce, pendant que la relation d’attachement se forme. On pourrait ainsi formuler des indicateurs de différences individuelles dans la stabilité des CMA entre les mères (stabilité, augmentation, diminution) dès les premiers mois de vie de l’enfant. De plus, afin de mieux comprendre ce qui contribue aux trajectoires comportementales, nous proposons de vérifier avec quelles caractéristiques individuelles et familiales ces comportements sont possiblement liés (âge de la mère, dépression maternelle, satisfaction et stabilité conjugale, évènements de vie et tempérament de l’enfant).

En somme, le présent projet de thèse vise deux objectifs :

a) Examiner la stabilité moyenne des comportements maternels atypiques à trois temps de mesure, soit 6, 10 et 15 mois et vérifier s’il existe des trajectoires de comportements maternels atypiques à travers ces trois périodes de temps.

b) Documenter les caractéristiques de l’écologie familiale qui sont associées à l’évolution de ces conduites maternelles dans le temps.

Compte-tenu des connaissances actuelles sur le sujet, les hypothèses suivantes sont proposées :

a) Bien que les données actuelles soient peu nombreuses, nous pouvons nous attendre à obtenir des résultats qui vont dans le même sens, soit de retrouver des profils de mères différents selon la stabilité de leurs comportements atypiques envers leur enfant. Par contre, peu d’études ont permis l’identification de facteurs familiaux qui caractérisent les profils de mères sauf le niveau de risque psycho-social. Cette partie du travail demeure donc exploratoire.

b) Selon les données actuelles, nous pouvons nous attendre à retrouver une plus grande stabilité dans le temps chez les mères qui ne manifestent pas de comportements atypiques et une plus grande instabilité chez celles qui en manifestent.

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Méthodologie

Participants

Au total, 144 dyades mère-enfant ont participé à l’étude. Les données complètes étaient disponibles pour 127 dyades qui forment l’échantillon de l’étude dont 83 mères adolescentes (âgées de moins de 20 ans à la naissance de leur enfant) qui présentent un risque psychosocial élevé et 44 mères adultes dont le risque psychosocial est faible. Toutes les mères ont été recrutées à l’aide d’infirmières spécialisées dans les services de maternité de deux grands centres hospitaliers, soit le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières et l’hôpital St-François d’Assise de la ville de Québec. Les infirmières en santé publique qui sont rattachées aux CLSC (Centre local de services communautaires) de ces deux villes ont également contribué aux efforts de recrutement des familles.

Les mères adolescentes avaient en moyenne 18,1 ans et avaient accumulé 9,9 années de scolarité au début de l’étude. L’ensemble des mères adolescentes sont d’origine canadienne-française et leur revenu familial moyen varie de 0$ à 15 000$ par année, ce qui est considéré bien en-dessous du seuil de pauvreté au Québec. 64% étaient mariées ou cohabitaient avec le père biologique de l’enfant, les autres vivaient soit avec un autre conjoint, les grands-parents de l’enfant ou bien seules. Une plus grande proportion d’entre elles avaient accouché entre 34 et 37 semaines de grossesse (9 mères adolescentes vs 4 mères adultes) et avaient des bébés de plus petit poids à la naissance (3348 grammes en moyenne vs 3668 grammes) en comparaison avec les mères adultes.

Les mères adultes étaient âgées en moyenne de 28,8 ans et avaient complété 14,4 années de scolarité au moment d’entrer dans l’étude. La majorité des mères étaient canadiennes-françaises et leur revenu familial se situait entre 30 000$ et 45 000$ annuellement. La plupart d’entre elles étaient mariées avec le père biologique de l’enfant ou cohabitaient avec lui. Pour la majorité des mères, la période de gestation et le poids de leur bébé à la naissance (3668 grammes en moyenne) étaient conformes aux normes attendues.

Le tableau 1 (voir annexe 1) présente les différences significatives entre les mères adolescentes et les mères adultes au niveau des variables socio-démographiques. L’ensemble de ces caractéristiques nous amène à

Figure

Tableau 1: Différences entre les mères adolescentes e les mères adultes au niveau des variables  socio-démographiques
Tableau 2: Moyennes et écarts-types des mesures de comportements maternels atypiques aux trois  temps de mesure
Tableau 6: Moyennes et écarts-types des mesures des variables de l'écologie familiale
Tableau 8: Accords inter-juges obtenus pour la codification des comportements maternels atypiques  aux trois temps de mesure

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