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Des traités de ponctuation à la classe de français : didactisation d'un objet de savoir

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Des traités de ponctuation à la classe de

français : didactisation d’un objet de savoir

Mémoire

Marie-Pierre Dufour

Maitrise en didactique

Maitre ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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iii

Résumé

Partant des difficultés à ponctuer des jeunes scripteurs québécois que sont des élèves de la fin du primaire et du début du secondaire, ce travail s’intéresse à la ponctuation comme objet de savoir savant devenu scolaire par le processus de transposition didactique, processus par lequel tout objet subit nécessairement de nombreuses transformations pour finalement devenir une « création » scolaire. Une synthèse des travaux sur la ponctuation, depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, sous l’angle de la linguistique, de la psycholinguistique, de la psychologie du langage et de la didactique du français révèle un problème inquiétant lié à la didactisation-même de ce sous-domaine de la grammaire : et si l’école s’était mal approprié l’objet?

L’étude du domaine, qui de l’avis des spécialistes constitue un système, fait ressortir certaines caractéristiques traitées avec peu de rigueur dans les outils auxquels ont accès les enseignants de français pour planifier et dispenser leur enseignement de la ponctuation : multiples fonctions de la ponctuation, choix des éléments qui constituent l’ensemble, liens entre les fonctions pouvant être exercées par ces signes, etc.

Les didacticiens du français ont mis à jour l’importance de faire comprendre aux élèves le rôle énonciatif des signes de ponctuation, en écriture aussi bien qu’en lecture, en lien avec les genres ainsi qu’au nécessaire arrimage de la progression dans l’enseignement des emplois des signes avec le développement progressif des compétences scripturales des élèves. Or, le traitement de la ponctuation dans les documents auxquels les enseignants de français québécois et francophones ont accès s’avère problématique : contradictions, non-sens et zones grises sont observables dans les programmes d’enseignement, documents liés à la progression des contenus, manuels et grammaires scolaires ainsi que grammaires de référence. La prise de conscience de ces lacunes constitue un tremplin pour une didactisation de l’objet et, pour ce faire, des pistes de travail existent.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... xiii

Remerciements ...xvii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 5

1. L’usage incertain des signes de ponctuation de plusieurs catégories de scripteurs ... 6

1.1. Quelques travaux ... 6

1.2. Des résultats étonnants d’évaluation certificative ... 8

1.3. Analyse exploratoire de copies d’élèves de première secondaire québécois ... 9

1.3.1. Analyse des textes de l’ensemble A ... 10

1.3.1.1. Consigne d’écriture ... 10

1.3.1.2. Les erreurs récurrentes ... 10

1.3.1.3. Les autres erreurs ... 11

1.3.2. Analyse des textes de l’ensemble B ... 11

1.3.2.1. Consigne d’écriture ... 11

1.3.2.2. Les erreurs récurrentes ... 12

1.3.2.3. Les autres erreurs ... 12

1.3.3. Principaux constats ... 13

1.3.3.1. La virgule : le maitre-signe de la ponctuation ... 13

1.3.3.2. La virgule devant le coordonnant souvent omise ... 13

1.3.3.3. La virgule après un complément de phrase placé en tête de phrase souvent omise ... 14

(6)

vi

1.3.3.4. La virgule indue : une erreur qui n’a pas été observée de façon

significative ... 14

1.3.3.5. Plus d’erreurs dans l’ensemble A que dans l’ensemble B ... 14

1.3.4. Limites de l’analyse exploratoire ... 15

1.3.5. Conclusion de l’analyse exploratoire ... 16

2. Les problèmes liés au système de la ponctuation et à son enseignement ... 17

2.1. Les problèmes soulevés à propos d’un sous-système de la langue ... 18

2.1.1. Un domaine en déshérence jusqu’en 1980 ... 18

2.1.2. Une définition controversée de l’objet ... 19

2.1.3. Un système de l’écrit? de l’oral? mixte? ... 20

2.2. Les problèmes soulevés à propos de l’enseignement de la ponctuation ... 22

2.2.1. Des conceptions différentes de la ponctuation ... 22

2.2.2. La ponctuation : un flou théorique ... 24

2.2.3. Le rôle peu déterminant de l’école dans l’apprentissage de la ponctuation ... 25

2.2.4. Le concept de transposition didactique ... 28

3. Problème général et questions de recherche ... 30

Conclusion : un problème lancinant ... 33

Références bibliographiques du chapitre 1 ... 35

Chapitre 2 : La ponctuation comme objet de savoir savant ... 39

1. L’histoire de l’objet : d’une ponctuation sonore vers une ponctuation visuelle ... 40

1.1. Des débuts au Moyen Âge, des signes issus de trois traditions antiques ... 41

1.2. L’évolution des signes : du Moyen Âge au XVIIe siècle ... 42

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vii

1.4. Les différends entre auteurs et imprimeurs : un conflit qui perdure ... 45

1.5. Les travaux d’hier… et ceux d’aujourd’hui : consensus ou désaccords? ... 47

2. La ponctuation comme objet d’étude linguistique ... 50

2.1. Les caractéristiques linguistiques du système de la ponctuation ... 51

2.1.1. La ponctuation vue comme logique, compréhensible ... 52

2.1.2. Un objet appartenant au mode scriptural, mais aussi lié à l’oral ... 52

2.1.3. Des signes graphiques ... 53

2.1.4. Un ensemble comprenant « un certain nombre » de signes ... 53

2.1.5. Un domaine de la langue étroitement liée à la syntaxe ... 53

2.2. La définition de N. Catach ... 54

2.3. La ponctuation comme système de la langue ... 55

2.3.1. Le concept de système ... 55

2.3.2. Les éléments qui composent le système : les signes de ponctuation ... 57

2.3.3. Recoupements et distensions entre les éléments du système ... 60

2.3.4. Les fonctions du système de la ponctuation ... 63

2.3.5. Les rapports entre les signes : tentatives de hiérarchisation ... 66

2.3.6. Qu’est-ce que le système de la ponctuation? ... 68

2.3.6.1. Les éléments du système : deux ensembles de signes ... 69

2.3.6.2. Les deux fonctions des signes : syntaxique et énonciative ... 70

2.3.6.3. Un signe, plusieurs fonctions… ... 72

Conclusion : un objet d’étude pluridimensionnel ... 73

Références bibliographiques du chapitre 2 ... 75

(8)

viii

1. Représentations de différents types de scripteurs sur la ponctuation ... 79

1.1. L’entrée dans le monde scriptural : que pensent les enfants de la ponctuation? ... 80

1.1.1. Fonction principale de la ponctuation selon les enfants : la segmentation des phrases ... 80

1.1.2. Évolution des représentations des enfants ... 81

1.1.3. Le point comme signe de ponctuation principal pour les enfants ... 82

1.2. Conceptions de scripteurs adolescents ... 82

1.2.1. Ce qui constitue l’ensemble « ponctuation » aux yeux des adolescents ... 82

1.2.2. Représentations floues du fonctionnement de certains signes de ponctuation ... 83

1.2.3. Rôle communicationnel de la ponctuation peu présent dans les représentations des scripteurs adolescents ... 85

1.2.4. Fonction principale de la ponctuation pour les adolescents : la segmentation de phrases ... 86

1.2.5. Jugements problématiques d’adolescents sur la ponctuation... 86

1.3. Malaise perceptible dans les représentations de scripteurs adultes ... 88

2. Les pratiques effectives ou ce que l’on sait sur l’usage des signes de ponctuation ... 90

2.1. Pratiques de scripteurs enfants ... 90

2.1.1. Diversification des signes observée au fil de la scolarité élémentaire ... 90

2.1.2. Les différents ordres de connaissances liées à l’acte de ponctuation ... 92

2.1.3. Utilisation textuelle des signes observée dans les textes d’enfants ... 93

2.1.4. Ponctuation et connecteurs : corrélations dans les pratiques d’enfants .... 95

(9)

ix

2.2.1. Deux « profils » de poncteurs adolescents ... 95

2.2.2. Ponctuation et coordonnants : usage bien admis chez les adolescents .... 96

2.2.3. Les adolescents et l’utilisation des signes de ponctuation forte ... 97

2.2.4. Problèmes ou difficultés observés en lien avec l’emploi de certains signes ... 97

2.3. Pratiques de scripteurs adultes ... 99

2.3.1. Utilisation textuelle des signes de ponctuation par les adultes ... 99

2.3.2. Pauses et ponctuation ... 99

3. Enseigner la ponctuation : problèmes et pistes de solution didactiques ... 100

3.1. Réflexion didactique préliminaire ... 101

3.2. Problèmes liés spécifiquement à l’enseignement et à l’apprentissage de la ponctuation et propositions didactiques ... 102

3.2.1. Complexité du domaine… et de la planification de son enseignement ...103

3.2.2. L’apprentissage « hors école » ou comment les scripteurs apprennent à ponctuer autrement que par les leçons de ponctuation ...104

3.2.3. Représentations conflictuelles des enseignants à propos de la ponctuation ...107

3.2.4. Peu de temps accordé à l’enseignement de la ponctuation en classe ...109

3.2.5. Enseignement « restreint » ou lacunaire : quelques fonctions de la ponctuation, quelques signes, quelques emplois… ...110

3.2.6. Problèmes découlant de la situation scolaire ...113

3.2.7. Enseignement « décontextualisé » de la ponctuation ou non ancré dans la lecture et l’écriture des genres de textes ...113

(10)

x

3.2.8. Inefficacité, au plan didactique, des outils mis à la disposition des

enseignants ... 117

Conclusion : la ponctuation s’enseigne, oui, mais comment? ... 119

Références bibliographiques du chapitre 3 ... 123

Chapitre 4 : Les outils pour enseigner la ponctuation ... 125

1. Prescriptions québécoises ... 127

1.1. Constats de départ ... 128

1.1.1. Un contenu rarissime ... 128

1.1.2. Ponctuation et syntaxe : indissociables ... 129

1.1.3. Articulation « en surface » entre ponctuation et écriture ... 130

1.2. Précision sur la progression dans l’enseignement des contenus ... 132

1.3. Prescriptions pour l’enseignement de la ponctuation au primaire ... 132

1.4. Prescriptions pour l’enseignement de la ponctuation au secondaire ... 135

1.5. Les prescriptions en vigueur : un « noyau dur » de connaissances à enseigner? ... 144

2. Les manuels scolaires ou manuels de langue ... 147

2.1. La rareté des activités sur la ponctuation et leur piètre qualité ... 148

2.2. Problèmes relevés dans les activités sur la ponctuation dans les manuels ... 150

2.2.1. Un ensemble « ponctuation » mal défini ... 151

2.2.2. Une théorisation lacunaire des fonctions de la ponctuation ... 153

2.2.2.1. L’aide à la lecture oralisée : une fonction trop mise de l’avant ... 153

2.2.2.2. L’aide à lecture : une fonction présentée superficiellement et mal étayée ... 154

2.2.2.3. Des marques de modalité présentées de façon trop simpliste ... 154

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xi

2.2.3. Non prise en compte des connaissances des élèves ...156

2.2.4. La perspective phrastique ou grammaticale prépondérante, mais mal étayée...157

2.2.5. Une vision normative, voire dogmatique, du domaine ...159

2.2.6. Aucune place à la réflexivité ...159

2.2.7. J’apprends, puis j’applique : la question du « transfert » en didactique ....162

2.2.8. Une simplification abusive des contenus ...164

2.2.9. Des activités non articulées à l’écriture ...165

3. Les grammaires scolaires ... 166

3.1. Justification du choix du corpus de grammaires ... 166

3.2. Précisions méthodologiques ... 168

3.3. Présentation des résultats ... 170

3.3.1. Place minimale de la ponctuation ...170

3.3.2. Perspective essentiellement syntaxique ...171

3.3.3. Vision normative du domaine ...172

3.3.4. Signes généralement présentés sans lien explicite les uns avec les autres ...174

3.4. Traitement de la virgule ... 176

3.4.1. Au primaire : une relative homogénéité ...176

3.4.2. Au secondaire : un traitement diversifié ...178

3.5 Mémento de ponctuation à l’usage des élèves ... 181

3.5.1 Présentation générale ...183

(12)

xii

3.6. Conclusion sur le traitement de la ponctuation dans les ouvrages analysés... 187

Conclusion : des outils peu utiles à l’enseignement ... 189

Références bibliographiques du chapitre 4 ... 191

Conclusion générale ... 195

Annexe 1 : Tableaux d’analyse des grammaires ... 201

(13)

xiii

Liste des tableaux

Tableau 1 : Signes traditionnels ou non traditionnels de ponctuation ... 60

Tableau 2 : Classement de Damourette (1939, cité par J.-El Hilali, 2011, p. 32) ... 60

Tableau 3 : Classement de Doppagne (1998, éd. 2006, p. 7) ... 61

Tableau 4 : Classement de Riegel, Pellat et Rioul (1994, éd. 2005, p. 87) ... 61

Tableau 5 : Premier classement de Védénina (1989, p. 7-8) ... 62

Tableau 6 : Second classement de Védénina (1989, p. 131) ... 62

Tableau 7 : Classement de Tournier (1980), Catach (1980b) et Dugas (2004), cités par Jarno-El Hilali (2011), p. 32-33 ... 63

Tableau 8 : Lois de C. Tournier (1980, p. 39) ... 67

Tableau 9 : Ajouts de N. Catach aux lois de Tournier (1996, p. 121-122) ... 68

Tableau 10 : Synthèse de la progression dans l’enseignement des contenus liés à la ponctuation au premier cycle secondaire ... 138

Tableau 11 : Synthèse des contenus liés à la ponctuation selon qu’ils doivent être enseignés à la fin du primaire ou au début du secondaire ... 144

Tableau 12 : Exemple de tableau pour l’exploration des grammaires ... 169

Tableau 13 : Place de la ponctuation dans les grammaires scolaires ... 170

Tableau 14 : Règles d’emploi de la virgule dans la Grammaire jeunesse, p. 145 ... 177

Tableau 15 : Organisation des règles d’emploi de la virgule dans l'Express grammatical ... 180

Tableau 16 : Emplois de la virgule présentés dans les autres grammaires .... 181

Tableau 17 : Traitement syntaxique de la virgule dans le Mémento de ponctuation à l'usage des élèves (2001, p. 76-89) ... 187

(14)
(15)

xv À Florence H., ma plus grande réalisation.

(16)
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xvii

Remerciements

Ce travail n’aurait pas vu le jour sans la collaboration de quelques personnes qui me sont très chères. Je voudrais ici leur dire combien leur aide m’a été précieuse. De l’Université Laval, d’abord, pour son soutien constant, ses conseils plus que judicieux et son œil de lynx, je remercie très sincèrement François Lépine, avec qui je prendrai certainement plaisir, dans un avenir rapproché (qui sait?), à travailler sur un nouveau projet – qu’il soit d’ordre « ponctuationnel » ou non.

Je remercie (et salue) aussi les abeilles, Marie-Andrée Lord, Pascal Riverin et Valérie Hachey, pour « les années folles » du 846 : j’en garde un excellent souvenir. Notre amitié, je l’espère, ne disparaitra pas avec la dissolution de la ruche.

Un merci particulier à Lysanne Rioux, pour sa lecture avisée, et à Stéphane Hovington, mon complice de tous les jours, qui me laisse vivre à fond mes caprices universitaires.

Bien sûr, je remercie enfin chaleureusement ma directrice, Suzanne-G. Chartrand, pour son aide, ses encouragements, sa patience et, surtout, pour la confiance qu’elle a mise en moi – parce que l’idée d’entreprendre des études supérieures ne m’aurait sans doute jamais effleuré l’esprit si je n’avais pas fait sa rencontre. Tu es une femme que j’admire pour ta grande force et ta rigueur intellectuelle, mais surtout pour ta générosité qui n’a aucune limite.

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(19)

1

Introduction

Dans notre pratique d’enseignante de français au secondaire québécois, il nous arrive trop souvent d’avoir l’impression de ne pas arriver à bien faire comprendre un objet d’étude à nos élèves. Les enseignants de français, aussi compétents puissent-ils être et même s’ils peuvent se référer à un programme d’études qui prescrit les savoirs à enseigner et dans quel ordre, peuvent parfois être démunis devant un élément de la langue qui s’avère complexe et mouvant. C’est le cas de la ponctuation, qui n’est pas, selon nos observations, le sous-domaine de la grammaire le plus populaire auprès des élèves et des enseignants.

Il s’agit pourtant d’une composante fondamentale de la communication humaine, selon la linguiste Nina Catach, sans contredit la grande spécialiste de la ponctuation française. La ponctuation, en effet, a été créée pour pallier certains manques du mode scriptural. Aide précieuse à la lecture et à l’écriture, elle est étroitement liée à la prosodie – quoique les signes, visuels, ne « parlent » en réalité qu’aux yeux – et peut exercer de multiples fonctions qui se répondent entre elles en même temps qu’elles entrent souvent en conflit les unes avec les autres. Ce domaine, relativement récent dans l’histoire de l’écrit, demeure difficile à appréhender pour les scripteurs débutants que sont des élèves, voire pour les francophones en général, comme le montrent diverses enquêtes. Aussi le point de départ de cette recherche de maitrise est-il la question suivante : comment expliquer les hésitations et les malaises liés à l’enseignement de la ponctuation aux élèves de la fin du primaire et à ceux du secondaire au Québec? Plutôt que de les imputer à l’incompétence ponctuationnelle des élèves ou à leur difficulté à « transférer » les acquis de leurs apprentissages, nous avons voulu étudier le domaine lui-même. Comment les objets de savoir appartenant à la ponctuation sont-ils devenus enseignables et, une fois qu’ils ont été ainsi transposés, en quoi (ou pourquoi?) l’objet scolaire « ponctuation » est-il toujours problématique? Nous nous intéresserons donc à la ponctuation comme (difficile) objet de savoir savant devenu

(20)

2

savoir scolaire par le processus de la transposition didactique. Cette recherche ne porte donc pas sur l’enseignement, mais plutôt sur l’objet qui est à la base de cet enseignement; elle s’inscrit dans le domaine de la didactique du français et participe plus particulièrement des réflexions autour de l’enseignement de la langue selon l’approche de la grammaire rénovée.

Le premier chapitre présente la ponctuation comme un domaine peu maitrisé par les scripteurs, qu’ils soient élèves ou étudiants, mais aussi même par des adultes dont la profession est d’écrire. L’emploi des divers signes est incertain en grande partie en raison de nombreux problèmes mis à jour par des spécialistes issus de différentes disciplines, principalement de la didactique du français, de la linguistique et de la psychologie du langage : connaissance encore fragile du domaine de la ponctuation, définition ambigüe, rapport difficile à l’oralité, conceptions contradictoires de l’objet, difficultés à ponctuer des scripteurs, etc. Nos questions de recherche découlent d’une synthèse de ces problèmes, mais aussi d’une analyse exploratoire de copies d’élèves québécois de la première année du secondaire (11-12 ans). Cette analyse menée afin d’observer leur utilisation des signes de ponctuation révèle de nombreuses lacunes ponctuationnelles chez ces scripteurs, certaines correspondant à des signes dont l’emploi est pourtant enseigné depuis le début du primaire. Ayant ainsi relevé de nombreuses zones grises autour de cet objet – de l’objet savant autant que de l’objet scolaire –, nous avons opté pour une étude bidimensionnelle : la ponctuation dans les écrits théoriques et la ponctuation enseignée à l’école. Issu d’une méthode de recherche qualitative, ce mémoire prend la forme d’une synthèse, complétée par l’exploration d’extraits de manuels de français, de grammaires scolaires et des documents prescriptifs actuels du ministère responsable de l’éducation au Québec (MELS).

Le deuxième chapitre analyse la ponctuation à l’aune des études théoriques passées et actuelles en linguistique, en psycholinguistique et en psychologie du langage afin de dresser un portrait à jour des connaissances des sciences du langage sur le sujet : histoire de sa création, évolution, caractéristiques et définitions. S’ensuit une description plus fine de la ponctuation afin de la présenter comme un système

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3 formé d’éléments fonctionnant comme un ensemble organisé et hiérarchisé. Le chapitre se clôt sur deux théories fondamentales liées à l’étude du fonctionnement des signes de ponctuation, soit la hiérarchisation des signes de ponctuation de Nina Catach et celle de Claude Tournier.

Au chapitre suivant, l’analyse se concentre sur cet objet scolaire qu’est la ponctuation. Que pensent les scripteurs enfants, adolescents et adultes de la ponctuation? Comment arrivent-ils à ponctuer leurs écrits? Nous synthétisons des travaux traitant des représentations et des pratiques déclarées et effectives de différents types de scripteurs novices ou plus expérimentés. Partant des constats issus de ces travaux, nous voyons ensuite comment les didacticiens du français proposent de modifier l’enseignement de la ponctuation pour le rendre plus efficace.

Enfin, dans le dernier chapitre, nous exposons les constats d’une analyse descriptive des outils dont disposent actuellement les enseignants pour planifier et dispenser leur enseignement de la ponctuation à des élèves de la fin du primaire (10-12 ans) et du début du secondaire (12-14 ans) : les prescriptions ministérielles en vigueur, soit les programmes et les documents liés à la progression des contenus d’enseignement et d’apprentissage, quatre ensembles de manuels scolaires québécois récents, dix-sept grammaires scolaires (ou manuels de langue) s’adressant à des élèves du primaire et du secondaire éditées dans la francophonie ainsi que cinq grammaires de référence utilisées dans la formation des maitres. Le processus d’analyse d’outils didactiques, révélateurs de la didactisation de l’objet ponctuation, fait ressortir un problème « lancinant » (pour reprendre l’expression du didacticien D. Bain [1999]) dans le traitement de la ponctuation, problème qui semble prendre racine dans la transposition didactique effectuée.

Notre recherche ouvre sur des pistes didactiques que nous espérons « salvatrices » pour empêcher la ponctuation, domaine complexe, mais riche, évolutif, offrant au scripteur de multiples possibilités syntaxiques, énonciatives, textuelles et prosodiques d’être reléguée une fois pour toutes au rang de caprice. Nous souhaitons, par cette recherche, apporter une modeste contribution à la didactique

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4

du français, langue première, mais aussi (et surtout) améliorer notre pratique d’enseignante, en nous intéressant à l’objet qu’est la ponctuation pour comprendre pourquoi les élèves ont tant de mal à le saisir et à en maitriser l’usage.

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5 .

Chapitre 1 : Problématique

S’occuper de ponctuation, c’est s’aventurer sur un terrain mouvant, mal exploré, souvent oublié du champ didactique. Bain, 2001, p. 8.

On sait que la tradition scolaire a fait de l’orthographe grammaticale l’épicentre, le noyau dur de l’enseignement grammatical, voire celui de la classe de français. Mais qu’en est-il de la ponctuation, système pourtant étudié par les linguistes et grammairiens de toutes époques – certaines études sérieuses sur la ponctuation remontant en fait aux premières réflexions sur la syntaxe (Catach, 1996)? Il apparait que l’usage de la ponctuation soit peu maitrisé par les élèves et étudiants, voire par les scripteurs en général, ce qui laisse déjà penser que son enseignement fait peut-être aussi problème.

Notre problématique se divise en trois sections. La première met l’accent sur l’usage incertain des signes de ponctuation de plusieurs catégories de scripteurs, expérimentés comme novices. Nous y intégrons aussi les résultats d’une analyse exploratoire de copies de jeunes scripteurs, des élèves de première année du secondaire québécois (élèves âgés d’environ 12 ans). Puisque notre travail se veut une contribution au domaine de la didactique du français, la seconde partie s’intéresse aux problèmes liés à l’enseignement et à l’apprentissage de la ponctuation à proprement parler. Enfin, les questions à l’origine de notre recherche seront énoncées à la toute fin du chapitre.

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1. L’usage incertain des signes de ponctuation de plusieurs catégories de scripteurs

1.1. Quelques travaux

Précisons d’emblée que les étudiants de niveau universitaire eux-mêmes, bien qu’ils aient forcément réussi l’épreuve certificative en français écrit de la fin du secondaire (la fin de la scolarité obligatoire au Québec correspond à la 5e année du secondaire; les élèves sont alors âgés d’environ 16 ans), n’en maitrisent pas le système, puisqu’ils ponctuent maladroitement leurs écrits. Selon C. Asselin et A. Mc Laughlin (1992), qui ont constitué un corpus de près de 400 textes rédigés par une soixantaine d’étudiants québécois pour en analyser les erreurs, « les établissements d’enseignement collégial et universitaire n’en sont plus à constater la piètre qualité du français écrit de beaucoup de leurs étudiants » (p.13). Les auteures ne sont pas surprises du fait que les erreurs de ponctuation représentent près du cinquième de toutes les erreurs recensées (19,5%) :

notons le grand nombre d’erreurs de ponctuation […]. Cela n’a rien d’étonnant, puisque même certains scripteurs par ailleurs compétents maîtrisent plus ou moins bien les règles obligatoires de ponctuation. Comme on peut l’observer ici, les étudiants font plus d’erreurs de ponctuation […] que d’erreurs d’orthographe d’usage (p. 19).

Parmi les 58 sous-catégories d’erreurs définies par Asselin et Mc Laughlin, la catégorie « virgule » est celle qui contient le plus grand nombre d’erreurs relevées1. L’emploi vacillant des signes de ponctuation touche tous les âges et milieux : une recherche plus récente de J. Maurais (2003) s’est intéressée à 4000 courriels (ce qui correspond à plus de 2000 pages de textes) envoyés à l’animateur d’une émission de télévision québécoise2. Les scripteurs étaient âgés de 9 à 74 ans. Les résultats vont dans le même sens : les erreurs les plus nombreuses sont celles qui relèvent de la ponctuation (36,3%) et elles occupent plus du tiers du nombre total d’erreurs recensées. Dans l’analyse de Maurais, les erreurs d’orthographe d’usage et

1 Dans le cadre de notre travail, une attention toute particulière sera consacrée à la virgule, puisqu’il semble bien que ce soit un signe de ponctuation problématique.

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7 grammaticale regroupées ensemble occupent environ le même pourcentage (34,5%). I. Clerc, E. Kavanagh, F. Lépine, et R.-L. Roy (2000 et 2001) ont, quant à eux, procédé à l’analyse linguistique fine d’autres textes dans le cadre de deux recherches menées sous le mandat du Conseil de la langue française du Québec (CLF)3 : une centaine d’écrits journalistiques provenant de quatre quotidiens québécois pour l’enquête de 2000, et divers documents émanant de l’administration publique : « dépliants, brochures, pages Web, communiqués de presse, publiés […] par divers ministères et organismes du gouvernement du Québec » (p. 1) pour celle de 2001. Leurs résultats sont tout aussi frappants à l’égard de la compétence à écrire des scripteurs dits experts (des journalistes et des personnes dont la profession est de rédiger pour le compte de l’État) : vocabulaire, syntaxe et ponctuation sont les grandes catégories qui regroupent le plus d’erreurs.

Les fautes de ponctuation sont récurrentes […]; nous en avons trouvé dans presque la moitié des textes […] la grande majorité d’entre elles est liée à l’omission ou à la présence indue du signe de ponctuation requis, généralement la virgule […] Les fautes de syntaxe, de ponctuation et de vocabulaire s’accumulent dans les textes comme si, par un effet d’entraînement, elles en attiraient de nouvelles du même type. Par comparaison, les autres fautes semblent survenir d’une façon plus isolée (Clerc, Kavanagh, Lépine et Roy, 2001, p. 46- 47).

En ce qui concerne les élèves du secondaire québécois (élèves âgés de 12 à 16 ans), C. Simard affirmait en 1995 que la ponctuation est la principale faiblesse des jeunes en français écrit. Or, cette affirmation semble difficile à valider. En effet, en 1985, le linguiste C. Bureau a déposé un rapport portant sur la qualité du français écrit des élèves du secondaire québécois; son analyse était menée sous le mandat du Conseil de la langue française du Québec. L’auteur n’a pas tenu compte, dans son travail, des erreurs de ponctuation et en est venu à la conclusion que les erreurs les plus fréquentes (plus des trois quarts) étaient liées à l’orthographe d’usage et grammaticale. Deux ans plus tard, le Conseil supérieur de l’éducation du Québec (CSÉ) soutenait que les principales faiblesses des élèves de 5e secondaire relevaient

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plutôt des domaines de la syntaxe, de la ponctuation et de la grammaire (CSÉ, 1987)4.

1.2. Des résultats étonnants d’évaluation certificative

Si l’on se penche sur les performances récentes en écriture des élèves québécois dans les épreuves officielles de la deuxième et de la cinquième année du secondaire (examens qui prennent la forme de textes écrits), il semble bien qu’ils ne manifestent pas de problème avec le « savoir ponctuer ». En effet, selon un rapport ministériel daté de 2010, environ 67% des élèves de 2e secondaire obtenaient une cote de A, B ou C pour le critère Syntaxe et ponctuation – ce qui représente 10 % d’élèves de plus par rapport au taux de réussite du critère lié à l’orthographe grammaticale et lexicale (MELS, 2010). Pour ce qui est des élèves de cinquième secondaire, les résultats sont encore meilleurs : 81% des élèves réussissaient le critère lié à la ponctuation en 2010 (alors que seulement 55% parvenaient à orthographier leur texte correctement).

Doit-on en conclure qu’il n’y pas de problème lié à l’enseignement et à l’apprentissage de la ponctuation au secondaire québécois? Nous n’osons émettre une telle conclusion, ne connaissant précisément ni les critères/barèmes de correction du MELS ni la valeur accordée à chacune des erreurs de ponctuation dans un texte écrit. Qui plus est, ponctuation et syntaxe forment un seul et même critère d’évaluation, ce qui fait que le pourcentage de réussite ou d’échec relevant de la ponctuation est inconnu; tout cela n’est pas sans causer un problème d’analyse. Nous nous contenterons de garder à l’esprit que les récentes évaluations ministérielles ne semblent pas faire ressortir de problème sérieux chez les jeunes du secondaire québécois en matière de ponctuation, alors que plusieurs études

4 Il apparait toutefois difficile d’interpréter ces résultats, car les analyses sont menées différemment, et les catégories créées pour recenser les différents types d’erreurs, en plus de ne pas être tout à fait étanches, varient d’une recherche à l’autre. Qu’est-ce qu’une erreur de grammaire? Qu’est-ce qu’une erreur de ponctuation? Force est d’admettre que nous pourrons difficilement prouver, hors de tout doute, dans le cadre de notre travail, que les jeunes du secondaire québécois ponctuent mal leurs textes. Nous partirons toutefois de la doxa suivante, bien admise par les enseignants de français en général : certains élèves du secondaire éprouvent bien de la difficulté à ponctuer leurs textes, en particulier lorsqu’il est question de certains emplois jugés plus « subtils » (plus complexes) de la virgule.

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9 concernant les universitaires, les journalistes et les rédacteurs professionnels, tous des scripteurs plus expérimentés, tendent plutôt à démontrer le contraire.

1.3. Analyse exploratoire de copies d’élèves de première secondaire québécois Devant des résultats aussi contradictoires et comme point de départ de notre recherche, nous nous sommes livrée à une analyse exploratoire d’écrits d’élèves qui entrent à l’école secondaire. Notre corpus d’exploration est composé de deux séries de 26 copies d’élèves âgés d’environ 12 ans. Les textes à l’étude ont été produits à l’automne 2013 dans le cadre du cours de français.

Quel usage les élèves font-ils de la ponctuation? Quels signes de ponctuation utilisent-ils le plus (outre le point de phrase5, bien sûr, qui nous semble être déjà maitrisé après les six années du primair) et lesquels sont la source du plus grand nombre d’erreurs? Nous nous attendions à ce que la virgule soit le signe qui pose le plus problème : omission, mauvaise place et distribution, emploi fautif. Aussi avons-nous étudié l’utilisation de la virgule par ces élèves : placent-ils des virgules là où ils ne devraient pas, la virgule indue6? Y a-t-il des éléments devant être virgulés ou encadrés de virgules qui ne le sont pas? Les élèves ont-ils tendance à omettre une des deux virgules lorsqu’ils doivent encadrer un élément (virgule double)?

Le compte-rendu des résultats de cette analyse comprend quatre sections. Comme l’exploration des signes de ponctuation a été faite de façon distinctive dans les deux séries de copies, nous décrivons, dans la première partie, l’analyse des réponses à une question de lecture à développement long (ensemble A), puis, dans la seconde, celle d’une séquence descriptive à insérer dans un récit (ensemble B). Pour chacune des séries, la consigne d’écriture est donnée, de même que le nombre d’erreurs total

5 Notons, à ce propos, que nous n’avons pas tenu compte des quelques erreurs liées au point observées : omission du point final à la fin d’une phrase graphique, présence d’un point indu après un titre, etc., puisque là n’est pas l’objet de notre réflexion principale.

6 Pour la dénomination des erreurs de ponctuation, nous nous référons principalement à l’ouvrage de L. Guénette, F. Lépine et R.-L. Roy, Guide d’autocorrection du français écrit. Le français tout compris (éd. 2004).

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de ponctuation observées ainsi que la moyenne d’erreurs par copie. Nous faisons ensuite état des erreurs les plus courantes, suivies des autres erreurs. La troisième section présente des observations générales à propos des erreurs que nous jugeons les plus significatives dans les 52 copies. Nous y faisons quelques comparaisons et commentaires qui peuvent être vus comme des prémisses d’explication des erreurs significatives observées. Enfin, nous exposons, dans la quatrième partie, les limites de notre analyse.

Nous avons limité notre relevé à ce que nous jugeons être des erreurs de ponctuation peu susceptibles d’être contestées par les correcteurs, les réviseurs et, en général, les spécialistes de l’écrit, c’est-à-dire des cas clairs, non discutables, relevés dans la très grande majorité des ouvrages de référence scolaires sur la ponctuation. Par conséquent, nous n’avons pas tenu compte de certains usages considérés « flottants » ou trop complexes pour les scripteurs peu expérimentés que sont des élèves de première secondaire.

1.3.1. Analyse des textes de l’ensemble A

1.3.1.1. Consigne d’écriture

Après la lecture d'un album jeunesse, les élèves résument l'implication d’un personnage dans la mort d'un autre (question de compréhension de lecture), puis décrivent ensuite la réaction qu’ils auraient eue s’ils avaient eux-mêmes causé la mort de quelqu’un (question de réaction à la lecture de type « justification »). Un texte d’une centaine de mots est attendu.

60 erreurs de ponctuation ont été observées dans cette première série de textes, soit une moyenne de 2 erreurs par copie.

1.3.1.2. Les erreurs récurrentes

 Toutes les erreurs observées, sauf une, concernent l'utilisation de la virgule; la seule exception est l’'utilisation du point-virgule au lieu du deux-points;  40 erreurs concernent l'utilisation de la virgule avec les coordonnants car,

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11 mais ou donc7, ce qui correspond à 67% des erreurs de ponctuation; il s’agit surtout de l’omission de la virgule devant le coordonnant (37 cas sur 40, plus de 9 fois sur 10); 3 cas de présence indue après celui-ci.

1.3.1.3. Les autres erreurs

 Absence après le complément de phrase en début de phrase (8) : souvent subordonnées en si, quand…;

 Présence indue entre des éléments étroitement liés qu’il ne faut pas séparer : entre sujet et prédicat (3), préposition et son expansion (1);

 Absence de virgule avec la marque d’emphase : moi, je… (3).  Absence devant un présentatif (2);

 Absence pour la juxtaposition de compléments de phrase (2);  Absence après un marqueur de relation au début d'une phrase (1). 1.3.2. Analyse des textes de l’ensemble B

1.3.2.1. Consigne d’écriture

Les élèves s'inspirent d'une lecture faite en classe, dont certains éléments doivent être repris (les contraintes d’écriture sont de conserver le lieu central du récit et le personnage principal) pour imaginer la description d’un lieu sombre et inquiétant, description à travers de laquelle ils racontent les actions d’un personnage. Ce passage est conçu comme pouvant faire partie de la situation initiale d’un texte narratif. Un texte d’environ deux-cents mots est attendu.

73 erreurs de ponctuation ont été observées dans les copies de cet ensemble, soit une moyenne de 3 erreurs de ponctuation par copie.

7 Nous avons systématiquement comptabilisé une erreur de ponctuation pour l’absence de la virgule devant les coordonnants, cette norme étant généralement bien admise dans les ouvrages scolaires et de référence.

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1.3.2.2. Les erreurs récurrentes

 Toutes les erreurs observées concernent l'utilisation de la virgule; une seule erreur de virgule dans le discours rapporté (phrase incise);

 25 erreurs concernent l'utilisation de la virgule avec les coordonnants car, mais ou donc, soit 34% des erreurs de ponctuation et elles se répartissent comme suit : 21 erreurs sur 25 (84%) pour l’omission de la virgule avant et 4 erreurs pour la présence indue après (16%);

 25 erreurs concernent le complément de phrase placé avant le sujet et devant être suivi d’une virgule (virgule omise) : près du tiers des erreurs;  8 erreurs concernent spécifiquement le complément du nom8 (11% des

erreurs) :

 Absence d’une virgule double après le nom (1); absence d’une seule des deux virgules (3);

 Absence d’une virgule avant le complément du nom détaché en début de phrase (2);

 Présence indue entre le nom et son complément (2); 1.3.2.3. Les autres erreurs

 Absence pour la juxtaposition de phrases ou de compléments de phrase (5).  Absence dans la subordonnée corrélative en plus (2);

 Absence devant un présentatif (1);

 Présence indue entre le sujet et le prédicat (1);  Absence pour encadrer la phrase incidente (1).

8 Soulignons ici que parmi les erreurs relevées, cinq concernent la subordonnée relative explicative non virgulée (ou une seule des deux virgules) ou la relative déterminative virgulée. Or, ce dernier cas de figure n’est un objet d’apprentissage qu’en dernière année du secondaire québécois (cinquième secondaire, élèves de 16 ans), selon les prescriptions officielles (MELS, 2011).

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13 1.3.3. Principaux constats

Cinq constats sont issus de notre exploration de copies d’élèves de première secondaire. D’abord, la virgule est le signe de ponctuation le plus problématique dans les copies observées; nous traiterons en particulier de son omission devant les coordonnants et après un complément de phrase placé en tête de phrase. Nous n’avons pas constaté d’erreurs récurrentes concernant la présence indue d’une virgule entre des éléments qu’il ne faut pas séparer, alors que nous nous attendions à retrouver cette erreur. Enfin, les textes narratifs des élèves s’avèrent mieux ponctués que leurs réponses à des questions de lecture.

1.3.3.1. La virgule : le maitre-signe de la ponctuation

Sur les 133 erreurs de ponctuation observées dans les 52 copies, une seule concerne l’utilisation du point-virgule9. Toutes les autres (98% des erreurs observées) concernent la virgule. Cela confirme les écrits à l’effet que la virgule est le signe qui semble, à prime abord, le plus problématique chez les élèves10, voire chez les scripteurs en général, étant au moins le plus usité (Clerc, Kavanagh, Lépine et Roy, 2001). La virgule est-elle bien un maitre-signe ou un archi-signe de ponctuation11. 1.3.3.2. La virgule devant le coordonnant souvent omise

Environ la moitié des erreurs de ponctuation observées (65 erreurs) concernent l’omission de la virgule devant les connecteurs coordonnants car, mais ou donc. Il s’agit d’un constat étonnant, d’autant plus qu’il s’agit d’une norme bien établie, enseignée dans bon nombre de classes de français québécoises.

9 Le seul élève ayant utilisé un point-virgule nous semble, sans surprise, meilleur scripteur que les autres. Ses phrases sont particulièrement étoffées, contiennent peu d’erreurs de syntaxe et d’orthographe, et son texte est plus long que celui de ses pairs. Ce constat vient en quelque sorte renforcer la doxa selon laquelle ce ne sont que les scripteurs plus habiles, plus confiants, qui « osent » utiliser le point-virgule.

10 À ce propos, V. Paolacci (2005) a démontré que l’emploi de la virgule n’est pas maitrisé à la fin du primaire, tout comme M. Fayol, qui s’est intéressé, dans les années 1980 et 1990, à la mise en texte des jeunes scripteurs. Nous y reviendrons au chapitre III.

11 Le didacticien du français D. Bessonnat a d’ailleurs observé un emploi « surextensif » de la virgule par les scripteurs adolescents (1991a), p. 21).

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1.3.3.3. La virgule après un complément de phrase placé en tête de phrase souvent omise

L’erreur due à l’omission de la virgule après le complément de phrase placé en début de phrase est significativement plus observée dans les textes s’apparentant à la narration (près du tiers des erreurs pour les copies de l’ensemble B) que dans les réponses du travail de lecture de l’ensemble A (environ le dixième des erreurs observées), ce qui pourrait s’expliquer par le fait que les élèves, lorsqu’ils participent à l’intrigue d’un récit, segmentent et séquentialisent davantage leurs textes en situant l’action dans le temps et dans l’espace. Aussi posent-ils systématiquement des compléments de phrase à valeur de lieu ou de temps en début de phrase. Ceux-ci sont souvent très longs; parfois, il y en a plusieurs de suite, d’où l’erreur due à l’absence de virgule pour juxtaposer ces compléments.

1.3.3.4. La virgule indue : une erreur qui n’a pas été observée de façon significative

La présence indue de virgule entre des éléments qu’il ne faut pas séparer n’est pas beaucoup observée dans les textes, ne représentant qu’environ 5% des erreurs de ponctuation relevées. Cette observation peut surprendre, parce qu’il est commun d’entendre que les élèves ont l’habitude de placer des virgules là où ils ne le devraient pas. Or, cette exploration de 52 copies d’élèves tend plutôt à montrer le contraire. Peut-être peut-on affirmer que les scripteurs qui ont rédigé ces textes sont jeunes et peu expérimentés, donc « prudents » dans leur utilisation de la virgule : ils ne l’utilisent que lorsqu’ils sont convaincus qu’elle a vraiment sa place.

1.3.3.5. Plus d’erreurs dans l’ensemble A que dans l’ensemble B

La moyenne d’erreurs observées par copie est d’environ deux erreurs dans la question à développement long du travail de lecture (ensemble A) et trois dans l’ensemble B (narration). Or, si l’on se rapporte à la consigne et à la longueur des textes produits en général, les textes de l’ensemble B contiennent deux fois plus de mots que ceux de l’ensemble A. On aurait donc pu s’attendre à ce que la moyenne

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15 d’erreurs des textes de l’ensemble B soit d’au moins quatre erreurs par copie12, ce qui n’est pas le cas. Les élèves ont donc fait moins d’erreurs dans leur texte narratif que dans leur réponse à une question liée à la lecture.

Les élèves sont-ils plus à l’aise avec le genre narratif, ce qui les amènerait à se dépasser et, par le fait-même, à mieux écrire? Nous le pensons, la complexité de la tâche pouvant probablement, en partie, expliquer ce résultat. Écrire un texte (ou une partie de texte) narratif est une tâche scolaire avec laquelle les élèves du secondaire québécois sont probablement « familiers », puisque la narration est exploitée année après année dans les classes de français. La double tâche de lecture/écriture de l’ensemble A est beaucoup plus complexe : les élèves doivent faire montre de leur « savoir lire » selon deux critères d’évaluation en lecture, soit la compréhension et la réaction13, et cela, par la réalisation d’un travail d’écriture (leur réponse doit être développée), ce qui n’est pas simple pour des élèves de 1re secondaire.

1.3.4. Limites de l’analyse exploratoire

Nous demeurons prudente dans l’interprétation des résultats de cette analyse exploratoire, puisque nous ne tenons pas compte des conditions de production des textes, qui étaient somme toute assez différentes pour les deux tâches14.

Par exemple, les élèves ont eu deux fois plus de temps pour rédiger le texte narratif, ce qui peut expliquer, en partie, qu’ils ont pu repérer et corriger un plus grand nombre d’erreurs dans leurs textes. D’ailleurs, les copies de cette série de textes contiennent des traces de correction effectuées par les élèves (flèches pour signaler les accords, traces de ratures, parties de texte effacées), et, parfois, quelques traces de correction de l’enseignante de français, bien que toutes les erreurs ne soient cependant pas signalées à l’élève. Un travail de correction-réécriture a donc été mené de façon plus « sérieuse » sur ces copies que sur celles de l’autre travail qui, en somme, ne consistait qu’en l’écriture, puis la mise au propre d’un texte (sans

12 Plusieurs élèves ont dépassé l’exigence des deux-cents mots pour le texte de l’ensemble B; ils ont donc, en général, produit un texte narratif plus long que le demandait la consigne.

13 Il s’agit de l’appellation ministérielle des deux critères.

14 Nous nous sommes toutefois entretenue avec l’enseignante des élèves du groupe concerné afin d’en savoir plus sur les tâches d’écriture et sur les conditions de réalisation de ces tâches.

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qu’un travail de révision-correction ne soit « imposé » aux élèves). Notons aussi que le travail de lecture (textes de l’ensemble A) a été fait en l’absence de l’enseignante de français, qui n’était alors pas à même de guider et de conseiller les élèves concernant leurs stratégies d’écriture, ce qui était le cas pour l’écriture du texte narratif. Enfin, rappelons ici la nature double des textes de l’ensemble A : la tâche en était une à la fois de lecture (compréhension et réaction par le biais d’une justification) et d’écriture (question à développement long), alors que la seconde consistait simplement en la rédaction d’une partie de texte narratif, tâche sans aucun doute beaucoup moins complexe.

1.3.5. Conclusion de l’analyse exploratoire

Il apparait clair que l’emploi normée de la virgule n’est pas encore totalement maitrisé par les élèves qui sortent du primaire, ce qui n’étonnera personne. Rappelons toutefois que les nombres d’erreurs de ponctuation par copie ne sont que des moyennes et que le calcul de la moyenne comporte des limites certaines. En effet, certaines copies pouvaient contenir jusqu’à 10 erreurs de ponctuation dans des textes d’une dizaine de lignes seulement.

La virgule est sans contredit le signe qui occasionne le plus grand nombre d’erreurs (étant aussi le signe le plus usité), et ce sont surtout des usages considérés comme très simples qui posent le plus problème : virgule devant les connecteurs coordonnants, virgule après un complément de phrase placé en début de phrase, virgule pour juxtaposer des éléments (phrases et compléments de phrase, par exemple). Par ailleurs, cette analyse n’a pas fait ressortir de façon significative de virgules indues dans les deux séries de texte, ce qui nous amène à croire que les jeunes scripteurs ont été « prudents » dans leur façon de ponctuer leurs écrits : ils placent des virgules lorsqu’ils savent qu’ils doivent en placer.

Enfin, si la séquence insérée dans un récit nous a semblé mieux réussie que l’autre texte, peut-être est-ce parce que les élèves sont plus familiers avec ce genre et que la tâche était plus facile; ils ont ainsi pu davantage se concentrer sur leur tâche de rédacteur, de réviseur et de correcteur.

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17 2. Les problèmes liés au système de la ponctuation et à son enseignement Selon le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [désormais MELS], 2009, p.54), l’élève doit, pour faire montre de sa compétence à Écrire des textes variés, savoir « utilise[r] de façon pertinente ses connaissances relatives à la situation de communication, au texte, à la syntaxe et à la ponctuation, à la conjugaison et à l’orthographe, de même qu’au lexique et aux variétés de langue». La ponctuation, si elle semble occuper, de prime abord, une bien petite place dans cette phrase qui présente les attentes de la fin de deuxième cycle du secondaire (ce qui correspond donc à la dernière année du secondaire), n’en demeure pas moins un sous-aspect de la grammaire qui doit être enseigné aux élèves, puisqu’on évalue autant leur compétence à ponctuer dans la compétence à Écrire des textes variés que celle à orthographier correctement.

La ponctuation est un domaine qui a longtemps été privé de réflexions sérieuses de la part des différents acteurs s’intéressant à la langue, ce qui en fait un domaine encore peu connu. Sa définition est ambigüe, en ce sens qu’on ne s’entend pas sur ce qui la constitue; en effet, où commence-t-elle? Où s’arrête-elle? Qu’est-ce qui la différencie de la mise en page? Son appartenance à la fois au monde de l’écrit et à celui de l’oral cause aussi des difficultés d’analyse sur lesquelles nous tenterons d’apporter quelque éclairage. On observe un grand flou théorique autour de l’objet en soi, en particulier en raison des liens étroits qu’il entretient avec d’autres domaines de la langue (syntaxe, prosodie, sémantique, etc.) et du malaise que le fait de ponctuer engendre chez la plupart des scripteurs.

À l’école, la ponctuation devenue objet « scolaire » est aussi problématique : différentes conceptions du système s’opposent, ce qui fait que les enseignants ne l’abordent pas tous de la même façon. Enfin, nous discuterons du rôle de l’école dans l’apprentissage de la ponctuation et nous verrons que celui-ci est bien peu déterminant.

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2.1. Les problèmes soulevés à propos d’un sous-système de la langue

2.1.1. Un domaine en déshérence jusqu’en 1980

Contrairement à l’orthographe, qui est un domaine-clé, voire le point nodal de l’enseignement du français depuis plus d’un siècle (Chervel, 1977), la ponctuation ainsi que les règles et normes qui en régissent le fonctionnement n’intéressent les chercheurs que depuis peu. Avant les années 1970 et 1980, on peut vraisemblablement parler d’une véritable « mise en déshérence » (Catach, 1996, p. 4) des réflexions théoriques autour de la ponctuation, ignorance à l’égard d’un domaine pourtant très riche. Ainsi,

individuelle et sociale, au carrefour de nombreuses disciplines comme la littérature, la linguistique, la logique, la rhétorique, la diction théâtrale, l’histoire de la langue, du livre et des techniques, la sémiologie, le style… on peut s’étonner que cette partie intégrante de nos cultures visuelles ait été si longtemps nivelée, ignorée, oubliée tout simplement (p. 9).

De même, sur le terrain de la psychologie du langage et de la psycholinguistique, peu de recherches ont été menées sur la ponctuation jusque dans les années 1970 et 1980 (Passerault, 1991). Ce manque d’intérêt pourrait d’abord s’expliquer par l’appartenance exclusive des marques de ponctuation au monde de la phrase et donc de l’écrit. Ainsi, puisque les modèles ayant longtemps influencé la psychologie du langage et la psycholinguistique s’intéressent autant à l’oral qu’à l’écrit, cette appartenance de la ponctuation à un seul des deux mondes pourrait expliquer le manque d’intérêt envers son étude. De plus, pour Passerault (1991), la psycholinguistique s’intéresse surtout aux aspects phrastiques du langage; or, la ponctuation va au-delà des aspects phrastiques ou syntaxiques du langage écrit. Elle est en effet considérée par plusieurs comme étant extérieure à la phrase, ses marques séparant essentiellement des phrases. Ce désintérêt des sciences du langage envers le système de la ponctuation n’en demeure pas moins étonnant pour l’auteur qui, en référence à l’édition de 1964 du Bon Usage, considère que la description de ce système fait consensus quant à ses caractéristiques formelles :

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19 Sans doute le système linguistique [français] contient-il peu de sous-systèmes pour lesquels une description formelle est aussi claire et consensuelle15. On peut donc s’étonner qu’il ait fallu attendre une période relativement récente (cf. Fayol, 1989 pour une revue) pour voir apparaître des recherches concernant le fonctionnement, au plan psychologique, du système de la ponctuation (p. 85).

Ces dernières décennies, cependant, « la théorie descriptive de la ponctuation a considérablement progressé » (Rosier16 1998, p. 15) et

après une longue période où le discours qu’inspirait la ponctuation, émis principalement par les grammairiens et les typographes, était essentiellement prescriptif, elle a atteint une véritable dimension d’objet scientifique […] depuis une vingtaine d’année (Purnelle, 1998).

Ce mémoire, qui se veut un travail de synthèse, principalement, tentera de faire le bilan de la réflexion sur le sujet dans les quatre domaines disciplinaires énumérés précédemment : la linguistique, la psycholinguistique, la psychologie du langage et la didactique du français.

2.1.2. Une définition controversée de l’objet

D’un point de vue didactique, la ponctuation est d’une importance capitale dans le développement des compétences langagières, car elle fournit une aide précieuse à la lecture et à l’écriture (Catach, 1996). Elle doit donc être étudiée, puisqu’elle fait partie intégrante des processus complexes de lecture et d’écriture, qui sont au cœur de la scolarisation. Pour Séguy (1999, cité par Jarno-El Hilali, 2011, p. 107), le savoir ponctuer n’est pas une compétence simple à développer; il émerge plutôt d’une grande maitrise de la langue écrite en général et doit être considéré comme le résultat d’une intégration plutôt que comme un savoir-faire mécanique. Ainsi, seuls les scripteurs ayant atteint un certain niveau de compétence seraient aptes à ponctuer efficacement leurs textes, habileté qui ne s’apprendrait pas en deux temps,

15 C’est nous qui soulignons. Nous nous interrogeons, en effet, sur le sens des termes clair et consensuel utilisés. En effet, si certains auteurs considèrent que le système de la ponctuation fait l’objet d’un consensus, donc que ses règles sont bien admises et « acceptées » par tous (Catach, 1996), d’autres considéreront plutôt le caractère incongru et flou de ce même système. Ces deux positions antagonistes feront l’objet de nos réflexions lorsque nous tenterons de définir l’objet ponctuation au chapitre II de notre mémoire.

16 L’auteur reprend les propos émis par le professeur en langue Gérard Purnelle dans une conférence prononcée lors du colloque international À qui appartient la ponctuation? – Liège, 1997.

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trois mouvements par de simples exercices scolaires. Pourtant, linguistes comme didacticiens ont longtemps négligé, voire ignoré ce domaine qui fait partie de l’ensemble plus vaste de la grammaire – nous faisons référence à la définition de la grammaire de la didacticienne du français S.-G. Chartrand17. Aujourd’hui, le « système18 » (Catach, 1998, p. 32) de la ponctuation est au cœur de nombreuses réflexions où s’affrontent différents points de vue.

Le terme ponctuation est en soi polysémique : on peut en effet penser la ponctuation comme un ensemble fermé d’une douzaine de signes (la ponctuation au sens étroit selon Catach, 1996), mais aussi comme un ensemble plus ou moins ouvert qui empiète en quelque sorte sur le domaine de la mise en page, de la typographie. Certains auteurs traiteront ainsi les caractères gras ou italiques et le soulignement comme faisant partie de la ponctuation au sens large, alors que d’autres les en excluront. La question de sa nature est aussi posée : arbitraire? codifiée? régulée? normée? De plus se pose le problème de la distinction entre l’oral et l’écrit et de leurs rapports, de même que l’opposition entre la norme et les usages. Les signes de ponctuation font l’objet d’usages divergents entre autres à cause des représentations des usagers et leur enseignement rencontre de nombreux obstacles, dont celui de déterminer, d’un point de vue didactique, une sorte de « noyau dur » qui puiserait dans les multiples domaines ayant contribué à l’étude de la ponctuation, noyau qui pourrait constituer la base d’un enseignement et d’un apprentissage efficaces.

2.1.3. Un système de l’écrit? de l’oral? mixte?

Posons d’emblée la question suivante : comment l’étude de l’objet ponctuation pourrait-elle être simple, alors qu’elle appartient au monde riche et foisonnant du monde scriptural? Catach (1998) le souligne :

17 Le sens du terme de grammaire est polysémique. Par grammaire, nous entendons « la description historiquement située et faisant largement consensus dans la communauté des chercheurs dans les sciences du langage des règles du système d’une langue et les normes d’usage de la variété standard de cette langue » (Chartrand, 2012, p. 49). Ces phénomènespeuvent être enseignés, étudiés, appris. La ponctuation, comme l’orthographe lexicale ou la syntaxe, est un sous-domaine de la grammaire. 18 Nous nous pencherons sur le terme « système » au chapitre II et tenterons de démontrer en quoi la ponctuation pourrait être considérée comme tel.

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21 la ponctuation, en tant que système profondément culturel, évolue et évoluera encore constamment selon la société qui l’utilise. Le texte est encore plus profondément socialisé que le langage. Cela tient au caractère même de l’écriture […] Le processus de transmission écrite et donc de la ponctuation, par essence conçu comme indirect et différé, peut être démesurément distendu (p. 32).

La question délicate du rapport entre l’écrit et l’oral doit pourtant être soulevée, puisque le problème de la ponctuation y est historiquement lié. En effet, on a longtemps considéré que la ponctuation servait à marquer les pauses à l’oral, reflétant l’« image de la voix » (Catach, 1996, p. 5). Au XVIIIe siècle, N. Beauzée, auteur de la Grammaire générale, intégrait d’ailleurs dans sa première définition de la ponctuation cet aspect de l’oralité en indiquant que la ponctuation servait entre autres à organiser les rapports et la proportion des pauses orales et écrites (Beauzée, 1767, cité par Catach, 1996, p. 7). En 1939, J. Damourette expliquait que les marques de ponctuation en français servent en fait à pallier les manques de l’écrit en reproduisant les ressources que sont la cadence et la mélodie dans l’oral, puisqu’« un texte écrit manque de toutes ces ressources, et le rôle de la ponctuation est de suppléer à ce manque » (p. 6). Il existe donc un lien fort entre l’écrit et l’oral : « tout ce qui s’écrit se parle ». (p. 32).

Une enquête de D. Bain (1999) sur les représentations et les pratiques de scripteurs adultes en matière de ponctuation a montré que la référence à la lecture à voix haute ou à l’oralisation pour décider de la ponctuation est plus marquée chez les étudiants et les enseignants que chez les chercheurs, ce que l’auteur explique par le fait que ces derniers sont des scripteurs plus aguerris. Bain traite des limites et des dangers de cette association et rappelle, comme plusieurs auteurs, qu’il n’y a pas de correspondance systémique (ou plutôt systématique) entre les pauses de l’oral ordinaire et les marques de ponctuation de l’écrit.

Pour Catach (1996), l’écriture elle-même est double : d’une part, elle est tournée vers l’oralité, et d’autre part, vers le visuel. Ainsi, pour elle, la séparation n’est pas aussi évidente qu’elle pourrait l’être entre le monde de l’écrit et celui de l’oral, et les liens qu’ils entretiennent sont encore flous et mal compris. La ponctuation est donc un « lieu privilégié pour une réflexion sur cette extraordinaire dualité de

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l’écrit, dont il faut se souvenir à tout instant » (p. 5). Ainsi, si la ponctuation ne doit pas être associée exclusivement au domaine du marquage des pauses à l’oral, l’étude de ses fonctions devra donc bien en tenir compte :

la définition classique […] (« La ponctuation est l’art d’indiquer par des signes reçus la proportion des pauses que l’on doit faire en parlant ») paraît totalement insuffisante aujourd’hui, puisqu’elle ne prend en compte […] que la segmentation, et seulement la segmentation orale. […] Cependant, il n’y a aucune différence réelle, en profondeur, entre ce que l’on appelle pauses à l’oral et séparateurs à l’écrit, « ponctuer » une phrase orale et « ponctuer » une phrase écrite, les deux aspects, d’une certaine façon, étant du même ordre linguistique et se complétant étroitement. (p. 49).

2.2. Les problèmes soulevés à propos de l’enseignement de la ponctuation

2.2.1. Des conceptions différentes de la ponctuation

Si le système de la ponctuation fait problème en lui-même en tant que système linguistique, son enseignement et son apprentissage sont tout aussi problématiques. Pour Bain (1999), les représentations des élèves, des enseignants, des francophones en général concernant le fonctionnement et l’apprentissage de la ponctuation sont en partie responsables de ces problèmes. Notons d’abord que deux tendances s’opposent, qu’il y a deux façons de considérer le système : personnel, car arbitraire ou, à l’opposé, totalement régulé, codifié ou normé. En 1964, dans la Grammaire Larousse du français contemporain publiée chez Larousse, on pouvait lire le passage suivant :

il existe une ponctuation LOGIQUE19, indispensable au déchiffrage d’un texte, soumise à certaines règles : elle a principalement pour but d’indiquer le groupement des mots […] Il existe aussi une ponctuation EXPRESSIVE, qui n’est pas soumise à des règles fixes, mais aux intentions stylistiques (J.-C. Chevalier, C. Blanche-Benveniste, M. Arrivé, et J. Peytard, p. 32).

Cette façon de scinder les signes de ponctuation dans deux ensembles clos (ceux qui sont régulés et ceux qui ne le sont pas) n’est pas partagée par tout le monde. D’un côté, on pense la ponctuation comme une affaire personnelle, donc

(41)

23 s’apprenant de façon naturelle par la lecture et par l’observation de textes. Selon J. P. Colignon (1988), « nous indiquons la ponctuation en fonction de notre personnalité et de notre tempérament » et il importe, lorsqu’il est question de ponctuer, de se fier au « simple bon sens » (p. 7). C’est donc en lisant et en écrivant que les élèves apprendront par eux-mêmes à ponctuer leurs textes, selon leur intention de communication. Dans cette optique, il s’agirait de faire confiance à des mécanismes d’imprégnation, ce qui est difficilement recevable d’un point de vue didactique. Ainsi, enseigner la ponctuation pourrait consister, en grande partie, à faire observer des textes à ses élèves en espérant qu’ils imitent ensuite les usages qu’ils observeront (la lecture pour apprendre à ponctuer).

Pour G. Jarno-El Hilali (2011), il existe pourtant bien un « noyau dur de connaissances » sur la ponctuation qu’il est nécessaire de travailler explicitement en situation d’enseignement (p. 107). Nous tenterons, au chapitre IV, de préciser les contenus de ce noyau dur. Ainsi, on aura compris que de l’autre côté, on penchera plutôt vers l’enseignement systématique et normatif des règles du système : les élèves doivent apprendre à ponctuer correctement leurs textes (par le biais d’observations, d’exercices, d’explications, bref d’un ensemble d’activités dirigées par le maitre), mais dans cette optique, quelles règles enseigner, quelles normes, puisque les cas de figure sont nombreux et, à l’occasion, traités différemment? Rappelons que sur les représentations sur le système de la ponctuation, deux tendances s’opposent : d’un côté, on peut penser que les signes de ponctuation relèvent surtout du style personnel du scripteur, qui fait ses choix en fonction de son intuition, de ses préférences. De l’autre, on peut penser aux aspects codifiés ou normatifs de la ponctuation qui en font un système qui fonctionne selon des lois et des normes bien établies qu’il s’agit de comprendre ou d’apprendre pour être en mesure de « bien » ponctuer ses textes – et on comprendra que selon le point de vue davantage arbitraire, « bien » ponctuer ses textes ne consisterait qu’à placer les divers signes là où il est « correct » de les placer. Si l’enseignement de la grammaire et, donc, de la ponctuation doit être envisagé de deux façons : descriptive, donc visant à comprendre les phénomènes tels qu’ils existent

Figure

Tableau 1 : Signes traditionnels ou non traditionnels de ponctuation  Signes traditionnels  Signes non traditionnels  Signes admis par
Tableau 4 : Classement de Riegel, Pellat et Rioul (1994, éd. 2005, p. 87)  Critère de
Tableau 5 : Premier classement de Védénina (1989, p. 7-8)  Critère de  classement utilisé  Classement proposé  Critères  formels  et  sémantiques   Appellation de la catégorie
Tableau 7 : Classement de Tournier (1980), Catach (1980b) et Dugas (2004),  cités par Jarno-El Hilali (2011), p
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