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La condition de l'homme de guerre dans l'oeuvren de Jules Roy.

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Academic year: 2021

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(1)

MASTER OF AR'l'S

Le but de cette th~se est d'étudier la.condition de l'homme de guerre telle qu'elle ressort de l'oeuvre de Jules Roy. Nous avons choisi cet auteur car il est à.-la fois

homme de guerre et homme de lettres. Nous avons d'abord parlé des ~uatre sortes d'hommes de guerre que notre auteur mentionne. Puis nous avons examiné les conditions de vie

du guerrier. Pour oe faire nous avons articulé notre étude en trois volets:

l'homme de guerre et lUi-même, -l'homme de guerre et l'armée, - l'homme de guerre et la nation.

,

,

Nous avons ensuite evoque, d'autres aspects de l'oeuvre de Jules Roy et nous avons montré que presque tous ses livres avaient des rapports avec le métier des armes. Après cela, nous avons étudié le style et la mani~re de Jule~ Roy.

Nous avons conclu en montrant que Jules Roy est un moraliste du métier des armes et que son oeuvre a une grande

portée car si elle concerne l'homme de guerre, elle intéresse aussi l'homme tout court.

(2)

by

J. DANIEL COHEN

A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research in partial fulfilment of the requirements for the degree of Master of Arts.

Department of Romance Languages, French,

MQ·G!ll University, Montreal.

@ Jo Daniel Cohen 1969

(3)

TABLE DES MATIERES

NOTE SUR JULES ROY

• • • • • •

• • • • • • • • • • • • • 1

INTRODUCTION ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 4 CHAPITRE l CHAPITRE II •

.

CHAPITRE III: CHA PI TRE IV : CHAPITRE V

.

.

LA PRISE DE CONSCIENCE DE L'HOMME DE

GUERRE ••••••••••••••••••••••••••••••••

7

L'HOMME DE GUERRE ET L'ARMEE •••••••••• 36

L' HOMME DE GUERR.~ ET LA NAT! ON •••••••••

55

D'AUTRES ASPECTS DE L'OEUVRE DE JULES

ROy ••••••••••••••••••••••••••••••••••• 67

LE STYLE DE JULES ROy ••••••••••••••••• 74

CONCLUSION ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 77

(4)

le 22 octobre 1907, à six heures du soir, dans un petit village de colonisation qui porte le nom d'une victoire du premier empire: Rovigo. Mon p~re était originaire du Doubs. Quelles circonstances l'avaient conduit à devenir gendarme? Je ne l'ai jamais su. Il mourut quelques mois apr~s ma naissanoe et on ne me parla jamais de lUi."2

Apr~s avoir fait ses études au séminaire d'Alger,

Jules Roy est sous-lieutenant au 1er Régiment de tirailleurs algériens puiS il entre à Saint-Maixent et devient offioier d'aotive. Il restera dans l'armée de terre jusqu'en 1935, année o~ il passera dans l'aviation. Ce séjour de plusieurs années dans l'armée de terre est à noter oar il donne au~

idées de notre écrivain une plus grande portée. Quand il parlera de ses expériences militaires, il en tirera des

1. D'apr~s Claude Damiens, "Jules Roy, la tragédie de l'action", Paris-Thé~tre, Paris, l4e année, '1961, no. 173.

2. Jules Roy, LaGuerre d'Algérie, Paris, Julliard, 1960, p. 17.

(5)

leçons qui seront valables pour l'homme de guerre en général et non pas seulement pour le p1lote so11ta1re.

De 1935 ! 1940 Jules Roy appart1ent ! l'av1at1on

métropo11ta1ne e t ! la défa1te. Il franch1t l.a Méd1terranée avec son av10n et sert dans l'armée d'arm1st1ce comme chef d'une escadr11le de reconna1ssance ! Sét1f, en Algér1e.

Là,

11 fréquentera de jeunes·écriva1ns parm1 lesquels on notera Albert Camus, Emmanuel Robl~s et Jean Amrouche.

En 1943 11 se rallie aux Forces Françaises Libres et il part1cipera d'Angleterre, comme chef d'équipage de bombard1er quadrimoteur Halifax, ! trente-sept missions sur la Bhur que dans la RQA.F. on appelait "la vallée heureuse".

Apr~s la guerre il d1rigera pendànt deux ans le

serv1ce d'informat1on de l'armée de l'air puis s'engagera pour l'Indochine.

Devenu Colonel~ Jules Roy dém1ssionne de l'armée en 1953.

Ce que nous retiendrons d'abord de sa biographie c'est qu'il a été pendant v1ngt-sept ans homme de guerre et quOil est homme de lettres, ·officiellement depu1s 1942, date de la publicat10n de ses premiers travaux littéraires, mais en réa,lité il s'était mis ~ écrire bien plus té>t.

Cette dualité dans sa vie donne beaucoup de prix! son oeuvre.

(6)

Jules Roy est titulaire de nombreuses décorations dont la cravate de commandeur de la Légion d'Honneur, la Distinguished Service Order et la Distinguished Flying Cross.

Il a obtenu en 1946 le prix Théophraste-Renaudot

pour la Vallée heureuse. En 1954, le Grand Prix littéraire de Monaco pour le Navigateur et en 1958 le Grarld Prix

littéraire de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre.

(7)

INTRODUCTION

Un mémoire sur la condition de l'homme de guerre? diront d'aucuns - mais bient8t il n'y aura plus d'hommes de guerre 1 En effet, les hommes de guerre sont déjl, de

plus 'ên plus, des "presse~boutons". Dans un avenir assez pro-che les robots se battront pour nous et la technique de la guerre aura perdu sa derni~re imperfection: l'homme.

A cela nous rétorquerons qu'il y aura encore des guerres car cela fait partie de la nature de l'homme. Tant qu'il y aura des guerres il y aura des spécialistes qui les feront

et ces gens-ll seront l'objet de la présente étude.

Dans un passé récent on parlait souvent du moral de l'armée, de la crise de l'armée. Depuis

1940,

pour ne parler que de la période contemporaine, on a vu les militaires

prendre une part active

à

la politique de la France et dominer même la vie publique du pays. Il semble que nous soyons bien

loin de l'expression "la grande muette" qui servait nagu~re à désigner l'armée. Ceci nous am~ne à nous pencher sur la

condition du gùerrier à notre époque. Dans quelle mesure cette condition a-t-elle varié et quel est l'avenir de

(8)

~

. . . ~

l'homme de guerre?

Il serait bon de préciser tout d'abord le terme d'homme de guerre ou de guerrier. Est-ce un homme qui

aime la guerre? - un homme qui vit de la guerre? Essentiel-lement c'est un homme qui a choisi le métier des armes ou en d'autres termes: un militaire de carri~re.

Comment cet homme de guerre vit-il? Comment se voit-il? Comment nous voit-il? Voi1! les questions que nous allons poser l Jules Roy qui fut l la fois homme de guerre et homme de lettres. Dans l'oeuvre de Jules Roy nous rechercherons

ce qui montre la condition externe ou objective de l'homme de guerre et aussi sa condition interne ou subjective.

Le double intérêt de cette étude sera d'une part de prendre connaissance des prob1~mes qui peuv~nt se poser ! ceux qui ont choisi le métier des armes et d'autre part d'examiner les solutions que Jules Roy lui-m~me apporte!

ces probl~mes.

Il serait également intéressant de savoir en quOi consiste le métier des armes, de connartre la vie du mili-taire de carrière en temps de paix et en temps de guerre. Peut-on dire que cette occupation soit une profession comme les autres? Nous essayerons de déterminer en quoi elle en

diff~re.

Il nous a paru utile d'ordonner notre étude de la façon suivante. Nous verrons d'abord le guerrier de l'intérieur,

(9)

ce qui fera l'objet d'un premier chapitre. Puis, dans le

deuxi~e chapitre nous étudierons les rapports entre

l'homme de guerre et l'armée. Un troisi~me chapitre servira de cadre ~ l'étude des relations entre l'homme de guerre et la nation. A cette étude en trois volets nous annexerons un exposé sur d'autres aspects de l'oeuvre de Jules Roy et sur sùn style.

(10)

CHAPITRE l LA PRISE DE CONSCIENCE DE L'HOMME DE GUERRE

L'homme de guerre avons-nous dit est oelui qui exeroe le métier des armes. Jules Roy qui est entré dans la oar-"

ri~re militaire l l'âge de vingt ans a ainsi défini oe qu'est le métier des armes.

"Car enfin, le métier des armes, qu'est-il, même de nos jours, que faire n'importe quoi pour rien?"l

Cette défin1tfuon appelle quelques commentaires. En

effet le guerrier fait oe qu'on lui dit de faire, tout ce qu'on lui ordonne et il le fait pour rien en ce sens qu'il ne connaît pas la raison des ordres qu'on lui donne. Il n'est qu'un infime rouage d'une grande mécanique et il ne

jouit pas d'une vue d'ensemble de cette énorme machine qu'est l'armée. Ceci est à rapprocher de la définition de l'armée, .en tant qU'ensemble de guerriers, définition d'Alfred de

Vigny plusieurs fois citée par Jules Roy qui l'a mise en exergue dans un de ses livres, La "Batailie dans la rizi~re:

1. Jules Roy, l'Homme ~ l'épée, Paris, Gallimard,

1957,

p.

68.

(11)

"L'Armée est aveugle et muette. Elle frappe devant elle du lieu oà on la met. Elle ne veut rien et agit par

ressort~ e'est une grande chose que l'on meut et qui tue; mais aussi c'est une chose qui souffre.nl

Mais pour le soldat l'acte qu'il accomplit n'est pas gratuit parce qu'il doit le faire. Cet acte porte donc sa propre justification et le métier des armes devient ici une fin en soi. Cela est bien dangereux quand il s'agit d'un métier qui consiste

A

tuer celui que l'on a en face de soi.

C'est pourquoi Jules Roy 4istingue quatre sortes d'hommes de guerre selon la f~çon dont ils consid~rent le métier des armes ce qui nous vaut quatre conceptions de ce métier. Il y a d'abord le lansquenet. On désignait au XVe si~c1e

sous ce nom un corps de fantassins allemands renommés pour leur bravoure. Jules Roy a repris ceo terme pour parler du militaire qui aime la guerre, de celui qui se bat pour le plaisir de se battre. C'est le massacreur professionnel,

esp~ce particuli~rement dangereuse. Nous devons l'avoir en horreur car ce genre de soldat est trop dépourvu d'huma-ni té. Pour illustrer ce type d' homme de guerre .Iules Roy propose l'exemple d'un as de l'aviation allemande, Rudel, colonel à vingt-huit ans et titulaire des plus hautes

déco-1. Alfred de Vigny, Servitude et grandeur militaires, Oeuvres complètes, Paris, La Pléfade, 1960, Tome II,

(12)

rations allemandes durant la derni~re guerre mondiale. Voici ce qu'il en dit:

"Admirez-le si vous voulez. Pour moi, je souhaite que son esp~ce disparaisseo Et je lui dis; 'il n'est pas de pacte loyal entre les hommes et les lions.,nl

Les mercenaires constituent une deuxi~me sorte de guerriers. Ce sont les soldats au sens littéral du terme: ceux qui reçoivent une solde. Pour ceux-l! c'est Simple: ils sont payés pour ~aire un travail, ils le font et ils ne connaissent que celui qui les paye. Leur employeur les rétribue pour qu'ils combattent et meurent pour lui sans discuter. - Cette esp~ce de guerriers est en voie de diSpa-rition et dans les journaux on ne les mentionne gu~re plus si ce n'est! propos de certain pays a~ricain. Pour Jules Roy, l'esprit mercenaire ne se maintient plus qu'au sein de ces sortes de gardes prétoriennes dont les gouvernements autoritaires aiment ~ s'entourer. -Ces troupes soigneusement isolées du reste de l'armée et grassement payées servent surtout! protéger les gouvernements en cas d'insurrection populaire.

Si les mercenaires sont en voie de disparition c'est parce que les armées prennent un caract~re de plus en plus

(13)

national. Ne dit-on pas de nos jours armée nationale ou même armée nationale populaire? Le soldat national constitue

la troisi~me catégorie d'hommes de guerre - aUjourd'hui

la plus répandue. Sa mentalité -diff~re en ce que, ni l'amour de la guerre, ni l'attrait d'un haut gain ne le préoccupe

essentiellement. C'est l'intérêt de sa patrie qui l'intéresse. Celui-là combat pour le bien de son pays.

La dern1~re catégorie de combattants, est celle

des chevaliers. Le chevalier ne se distingue pas par son amour de la guerre. Il se bat-pour s'éprouver, pour se dépasser et seul face-à-face avec ses adversaires. Il a foi en sa cause et il est prêt

à

tous les sacrifices pour le triomphe de cette cause. Le chevalier accepte de mourir pour racheter ses fautes et celles d'autrui. C'est ainsi que le métier des armes lui apporte la pureté en ce monde et le salut éternel dans l'autre. C'est un combattant de la Foi. On comprend d~s lors l'intérêt de Jules Roy pour les Croisades et pour l'ordre des Templiers, ces chevaliers qui avaient un. idéal à la fois militaire et religieux. Il met d'ailleurs en sc~ne deux membres de cet ordre dans une de ses pi~cesl elle-même suivie d'un historique de l'ordre.

1. Jules Roy, Beau sang, suivi d'une note sur les Chevaliers du Temple, Paris, Julliard,

1952.

Nous reviendrons sur cette pi~ce dans le chapitre IV, à

(14)

Autrefois, sur sa monture le chevalier s'avançait! la rencontre de l'ennemi, c'est pourquoi aujourd'hui, s'il est aviateur, comme l'était Jules Roy, il faut qu'il soit seul! bord:

"Les seuls ohevaliers parmi les pilotes sont oeux qui peuvent mener un combat singulier; en général, donc, ils sont chasseurs, ou, comme Saint-Exupéry, pilotes de reoonnaissanoe, seuls! bord."l

En dehors de cette minorité d'aviateurs qui pilotent des ohasseurs ou des avions de reconnaissance peut-il y avoir des ohevaliers?

En se basant sur le orit~re de oombat singulier il semble que oe soit impossible aux marins qui font habituel-lement un travail d'équipe. Ceux qui appartiennent

A

l'armée de terre m~nent un oombat de plus en plus technique donc oolleotif. Il n'y a plus de troupes! cheval et même les fantassins modernes n'agissent qu'en nombre. Leurs activités consistent à repérer et ! mettre hors d'état de nuire les fantassins adverses qui n'auraient pas été tués

par les bombardements aériens ou les pilonnages d'artillerie qui préc~dent toute attaque dans les guerres mo~ernes. En

1. Jules Roy, Passion et mort de Saint-Exupéry, Paris, Julliard,

1964,

p. 72.

(15)

somme l'analogie. de la chevalerie peut seulement jouer pour les aviateurs. Le pilote de chasse seul dans son avion

ressemble au chevalier, sur sa monture, il part ! la recherche de son ennemi; quand il l'a rencontré ille provoque au

combat et de ce duel un seul des deux reviendra.

De toutes les catégories d'hommes de guerre c'est celle des chevaliers que Jules Roy affectionne le plus: "Je crois

&

la chevalerie. J'y croirai tant qu'il

y aura des hommes et des guerres. Tant qu'il y aura, du moins, des guerres qui permettront aux hommes l'exercice

de la chevalerie.nl

Jules Roy croit

à

la chevalerie c'est-A-dire à une certaine façon de faire le métier des armes. Il y croira tant qU'il y aura des hommes pour se battre et des guerres

à

faire puisque c'est la guerre qui est la raison d'être du soldat. Jusque-là rien que d'assez banal mais il ajoute

tant qu'il y aura des guerres qui "permettront aux hommes l'exercice de la chevaleriett • Les guerres d'aUjourd'hui permettent-elles encore l'exercice de la chevalerie? Mal-heureusement pour Jules Roy, la guerre, comme toutes les autres activités, n'est plus à la dimension de l'homme,

elle s'inscrit dans l'ensemble technique et bureaucratique

(16)

qu'est devenue notre civilisation. Le chef de guerre m~ne

son entreprise comme un capitaine d'industrie. Pour prendre un exemple dans l'aviation il n'y a qu'à voir comment un bombardement est préparé. Il y a tel objectif à détruire, dans tel quartier d'une ville. La défense anti-aérienne de cette ville dispose d'un nombre donné de pi~ces d'artil-leries. En tenant compte de ces facteurs on décide qu'il faudra tant de bombardiers qui largueront tant de tonnes d'explosifs à l'heure dite. Bien sllr c'est une

schémati-sation des faits mais le principe est réel. Quant aux aviateurs qui exécuteront cette mission de bombardement voyons ce qU'ils auront à faire.

Le pilote conduira son avion, le combat se limite à cela pour lui: maintenir les caps qui lui so~t donnés par le navigateur. Ce dernier est enfermé dans une sorte de compartiment o~ il a son petit bureau et passera tout son temps à calculer des caps et des vitesses compte-tenu des indications qui lui sont fournies par les postes à

terre. Ajoutons qu'il ne peut même pas voir à l'extérieur de son rédui t. Il fai t donc la gul9rre à coup de compas et de r~gles à calcul. Le bombardier, autre membre de -l'équipage, intervient au moment o~ l'on survole la ville-ennemie. Lorsque dans son viseur il verra que l'avion est à la verticale des points de rep~res lumineux que les avions-marqueurs auront déjà faits autour de l'objectif,

(17)

il appuiera sur quelques boutons et les bombes seront l~chées.

Il y a aussi les mitrailleurs postés sur les cÔtés de l'avion ou ~ Itarrl~re, ils avertissent le pilote pour

éviter les collisions avec des avions que le pilote ne peut voir arriver. Si un chasseur ennemi se présente ~ eux ils pourront essayer de .l'abattre en appuyant sur des boutons. Les mitrailleurs avaient encore l~ur utilité pendant la

derni~re guerre mondiale mais peut-être son·t-ils déjA

remplacés par des radars qui voient ~ l'arri~re de l'avion mieux qu'eux. et plus loin.

On peut donc dire que l'on se bat cantre un ennemi que l'on voit de·moins en moins, cela tend l devenir un duel de l'acier contre l'acier:

"Gette guerre ne ressemblait l rien de ce qu'ils avaient connu de leur côté. On tuait sans .jamais voir de morts, au point qu'il fallait beaucoup d'efforts pour croire que les bombes qU'on lâchattsoi-même servaient l autre chose qu'A une sorte d'exercice bien machiné avec largage d'une. charge fictive au-dessus de l'objectif. On

était tué aussi sans savoir qui vous prenait dans les tables de tir des artilileurs ou dans la ligne de mire d'un chasseur en maraude. OU bien c'était un copain qui se jetait sur vous en pleines tén~bres, sans qu'on ait eu le temps de

(18)

la mort. ul

On comprend maintenant la réflexion de Chevrier, officier d'aviation et personnag.e d'un des r.omans de Jules Roy:

uJe suis le dernier soldat de métier parmi ces industrie1s. u2

Voyons maintenant dans quelle ambiance se déroule cette guerre qui e,üge de plus en plus de techniciens hautement qualifiés et de moins en moins d'hommes sachant manier le glaive. L'ambiance de la guerre est déterminée par un certain nombre de facteurs que nous étudierons tour

à tour.

Il faut tout d'abord se rappeler que la France a été en état de belligérance du 3 septembre 1939 - date de son entrée en guerre contre l'Allemagne hitlérienne

-jusqu'au 1er juillet 1962, date de l'accession de l'Algérie

à l'indépendance. En effet, apr~s que son armée, ou une partie d'entre elle, eat particip~ à la deuxi~me guerre mondiale, la France s'est engagée dans une suite de guerres

coloniales ce qui fait qu'elle n'a déposé les armes que

1. Jules Roy, Le Navigateur, Paris, Julliard, 1954~ p. 59.

2. Jules Roy, La Vallée heureuse, Paris, Julliard, 1946, p. 119.

(19)

seize ans apr~s la fin du deux1~me conflit mondial. Jules Roy qui fut militaire de

1927

!

1953

a vécu toutes ces heures douloureuses. Il a quitté l'armée en

1953

pour

écrire plus librement mais a continué! suivre de tr~s pr~s

les épreuves que subissaient ses anciens fr~res d'armes.

Il avait d'ailleurs une deux1~me raison, non moins impérieuse, de s'intéresser à la guerre d'Algérie: il est né dans cet

ancien territoire français et a d~ être touché par le long calvaire des populations algériennes. Il a consacré deux livres à la guerre d'Algérie1 et il y expose ses idées sur la décolonisation de ce pays.

Ainsi Jules Roy est bien qualifié pour parler du moral du guerrier et pour nous montrer les différents

facteurs qui le déte~ninent.

Le premier de ces facteurs découle des conditions matérielles du combat. Nous les avons déjà vues plus haut

et nous en avons conclu que IlLOUS étions entrés dans l'~re

de la guerre industrielle.

Il y a ensuite le caract~re de plus en plus meurtrier des combats ce qui est d'ailleurs une conséquence de la tuerie planifiée qu'est la guerre moderne et des énormes

1. a) La Guerre d'Algérie.

(20)

moyens de destruction d()nt on dispose. Il y a aussi le fait que ces destructions s'exercent plus ou moins aveu-glément et qu'elles sont de plus en plus importantes.

L'arri~re est aussi exposé que le front. Que l'on songe

! l'escalade de l'horreur de Guernica à Hiroshima.

Un autre facteur qui a agi sur le moral des cQmbattants c'est le but de moins en moins évident des guerres coloniales qui, de 1945 ! 1962, ont tenu l'armée française occupée.

Les deux plus terribles d'entre elles furent la guerre d'Indochine et celle d'Algérie. La premi~re menée unique-ment par des militaires de carri~re, engagés volontaires ou

soldats de-Iiiétier se termina par le désastre militaire de Dien Bten Phu. Elle dura de 1946

!

1954 et se déroula dans des conditions matérielles souvent tr~s difficiles

pour les Français. C'est ainsi que Jules Roy juge cette guerre:

"Je n'ai pu que m'abstenir de participer à une guerre jugée imbécile dans ses causes et abominable sur les champs de bataille.nl

L'autre grande guerre coloniale, celle d'Algérie deva~t

durer plus de sept ans du 1er novembre 1954 au 1er jUillet 1962. Le contingent y fut envoyé ainsi que l'armée de métier.

Cette guerre eu't d'abord pour but de maintenir la présence

(21)

française e~ quand le gouvernement.eut jugé que c'était

impossible, il décréta qU'on fai~ait cette guerre pour aider

à l'émancipation des autochtones, comme on l'avait proclamé à propos de l'Indochine ainsi qu'en témoigne Jules Roy:

"De notre cc5té pour qui se bat-on? Nul ne le sait plus. De Lattre l'a proclamé le premier: pour l'indépen-dance du Vietm~~ à commencer par le Vietman lui-m~me qui la

poss~de déjà, ou peu· s'en faut." l

Il faut·également noter que pour les guerres coloniales l'armée est sortie de son raIe - la défense du territoire national - pour se consacrer à des td~hes de maintien de l'Ordre, d'action psychologique et d.'administration. 2

Un autre effet des guerres coloniales a été d'accuser une coupure entre l'armée de métier et la nation. La

popu-lation française s'est généralement désintéressée de la guerre d'Indochine et ne s'est préoccupée de la guerre

d'Algérie que parce que le contingent y participait. L'homme de guerre a durement ressenti l'abandon de ses concitoyens:

"Les meilleurs ne comprennent pas pourquoi

1. Jules Roy, La Bataille de Dien Bien Phu, Paris, Julliard,

196),

p. 25.

2. Nous examinerons les conséquences de ce nouveau rc5le de l'armée dans le chapitre III.

(22)

l'intelligentzia ne les soutient pas et se croient trahis.ul Jules Roy ira même jusqu'~ dire que certains soldats ont l'impression par moment ~'être les fils bâtards de la nation •.

Un autre:

f~~teàr·'du

':ciimat moral est le manque

~e

franchise des gouvernementssucs~ess.ifs au sujet de la guerre. Ils en cachent et les raisons et le caractère abominable.

Mais leurs mensonges ne servent ~rien'si ce n'est! augmenter les souffrances des hommes. En effet "t6t ou tard les aspi-rations profondes des peuples. finisserl:·t: pt;l.r triompher.

. . . ' ,

Ainsi, par exemple, on a refusé le statut d'état associé

A

Ho Chi f.Unh en 1946 etori lui a acco2>d.é .une indépendance pure et Simple en

1954.

Le mot fameux du ministre-résident

à Alger constitue un autre exemple de mensonge. Ce distingué représentant de la France en s'adressant à ses administrés par l'intermédiaire des micros de Radio-Algérie, s'écriait au début de l'insurrection: Itc'estle dernier quart d'heure de la rebellion.n Cê fut en fait le quart d'heure le plus

long de l'histoirel Notre écrivain s'élève vivement contre le mensonge pratiqué par les gouvernements et il le qualifie

"d'institution d'Etatu •2

Nous avons vu les caûses, voyons maintenant les conséquences ou autrement dit comment tous ces facteurs

1. La Bataille de Dien Bien Phu, p. 26. 2. L'Homme ~ l'épée, p.

74.

(23)

ont influé sur l'homme de guerre et l'ontfait évoluer. Tout cela a abouti, chez le s.oldat, ! une prise de conscience de son état. Qui dit prise de conscience dit questions car prendre conscience de ce que l'on est c'est aussi sequestionner.soi-même. Alors 11 se demande:

. .

.

·."D'o~vient··pqurtant

que, de tous c8tés, des hommes

de' guerr~~e 'cr~i'erit:Plus! . ' leur métier? D' oil vient qu'Ernst

" ' : . ' . ' , ' : ' , ' .

J~nger,solà.at>vàlnqu.eu;t;~···.s'iilstallant dans une capitale

ennemie,

·ouvre ;un cahler··blen~··. et:trace sur la preml~re

La . Paix? ... ·.i>..t.o~) .... . '

...

. ' v1e;rit ent'ln, s'il est permis

"

. . .

. de' t1rer . argument de soi-m:~et' ·q-u.e"j 'àie décri t, dans

. . : . " .... : . · . i "

. ':te Métier des Armes',le

:ci6~a;~Ol.~de

ceux qui sont jetés

. .

.

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'cilerres'

sanssavol~··:·oli.·~o"ntla

vérité et la justice?

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est que .1' horreur des . confl1 t.s. ·.modernes masque les grandeurs

' : . ,.;::',.. ' : , ' . .

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qu"on' . . .pouv.aitrecoml;~t:rê·:~.à:lltrefols aux rencontres sur le . . . . ' . . ' ." . ' . . : .. champ 'de' batai:ile. .C'.s·st.:a.u.sSi 'que la conscience nationale

et . interna ti~naiea: :9~~géi.~ e'spri t des armées. nl

... Jules:··.RQ;yinsiste··su:rle fait que l'horreur des

guerres efface /etrend ··cadu9,ll.es les vertus des combattants: nUn rendez-vous de chevalerie? Si l'on interrogeait ces garçons, peu d'entre eux sauraient répondre et quelques officiers hausseraient les épauleR: la chevalerie, la défense

(24)

de la veuve et de l'opprimé, les vieilles histoires d'une armée en marche vers le tombeau du Christ, tout a été pul-vérisé par la bombe atomique d'Hiroshima et les camps

d'ex-términations nazis."l

D'o~ il ressort qu~ les conflits modernes ont tué

l'épopée. Nos guerres donnent mauvaise conscience ~ ceux qui les font. La civilisation ne dig~re plus la guerre; la littérature ne la chante plus et les hommes du métier ne peuvent plus ou n'osent plus l'aimer. Notre époque exige plus de franchise de ceux qui décident les guerres

comme de ceux qui les font. Tout en accomplissant des ordres, en faisant son métier, le guerrier moderne S'interroge.

L'inquiétude morale le travaille. Il remet en question et son état et son action. Notre auteur a voulu écrire la vérité sur le malaise de l'homme de guerre et c'est cela

justement qui ne lui a été pardonné, ni par ses supérieurs

ni par ses pairs:

"Avant nos temps, l'horreur des guerres et des

sacrifices qu'elles eXigent n'a pas été décrite. Serait-ce une infamie que d'oser le tenter? Une-exigence de clair-voyance plutat, un pas de plus vers la pleine possession de nos liQertés intellectuelles ou vers notre ambition de les

(25)

conquérir toutes sur les autels renversés du conformisme. Et puis, on se le demande avec effarement, en quoi l'horreur des guerres diminue-t-elle le mérite des hommes qui ne

craignent pas de la braver? L'héro!sme serait-il semblable

!

une voie triomphale,

A

travers les champs de fleurs et '

les villes pavoisées, ou, au contraire, A un dur cheminement dans les flammes et les souffrances de la mort, et en quoi

, '

les hommes sont-ils méprisables quand ils préf~rent A toutes les facilités l'empoignade avec des mis~res, des dangers et une carcasse tremblante?"l

Apr~s avoir proclamé'son exigence de vérité Jules Roy admet tr~s honnêtement

ce

qU'il ,lui en collta:

"Refusant le mensonge'chez'les autres, il faut donc commencer par le refuser chez sol. C'est ainsi que, tout militaire que j'étais, jeV"oulus décrire la guerre telle

que je la voyais, c'est-A-dire abominable. Il m'en collta cher. 112

Même ses camarades les plus proches le désapprouv~rent:

"J'avais de plus en plus l'impression d'être quelqu!un qu'on ne pouvait pas approuver parce quQil

1. L'Homme! l'épée, p. 73

(26)

exprimait des choses qui ne sont pas l dire.Hl

L'horreur des guerres ne rait pas qu'en supprimer les grandeurs, elle en masque aussi les causes. En effet peu importe que le conflit ait été déclenché avec raison ou non, ce qui compte c'~st d'abord d'avoir tout fait pour l'éviter car les proportions du carnage s'imposent l l'esprit et masquent tout le reste. L'homme de bien se rend compte que le patriotisme ne peut pas tout excuser et couvrir les actes les plus inhumains. Le fai.td' être militaire ne place

pas au-dessus de la morale universelle. Ce dernier principe est un des traits marquants de notre époque. C'est pourquoi nous avons créé le vocable de "criminel de guerre" et nous l'appliquons aux soldats qui ignorent les lois de la ~orale universelle. C'est en vertu de ce principe que des orficiers appartenant l l'armée du Troisi~me Reich ont été traduits devant les tribunaux militaires alliés sous l'inèulpation de ucrimes de guerre". Que notre lecteur ne se méprenne

pas, notre propos n'est pas de défendre les hommes du régime nazi mais de souligner que cela remet em question le probl~me

de la discipline militaire. En effet la réponse de ces accusés a presque toujours été "j'ai agi conformément aux ordres reçus", ce qui était tr~s souvent exact. Donc depuis

1. Gabrlel d'Aubar~de, "Rencontre avec Jules Roy",

~Nouvelles Littéraires,

30

juillet

1953,

(27)

1945, depuis Nuremberg et tous les autres proc~s qui ont suivi, la conscience internationale admet implicitement que le guerrier ne doit pas obéir'~ n'importe quel ordre.

Nous pensons que cela a beaucoup contribué à éveiller la conscience du soldat puisqu'il est invité

A

apprécier les ordres qu'il re~oit. L'homme de guerre Jules Roya été ainsi sensibilisé ~ certains probl~mes et nous le voyons

s'élever avec véhémence contre la pra tique ,d,a la torture., On sait que les Allemands y avaient re96u~s' 'lo~s'desinter­ rogatoires de résistants pendant la deiix1~m:e'gUérre mondiale. Un peu plus tard les Français ont" eux, au"ssi:: torturé '-l-es

indig~nes

rebelles notamment

pendan:t~).es"", guer~es

: 'd'Indochine

• " . ' 6 • • . , . '

et d' Algéri e. La pra ti que de la torturE{, n;'est

ce~te~

pas nouvelle, ce qui est nouveau c'est que l'homm:e'n'en veut plus. Jules Roy trouve que la torture est contraire à la morale et à l'honneur du soldat:

"Ainsi, le général savait qu'on torturait les prison-niers pour leur arracher des renseignements et cela ne l'empêchait pas de dormir et d'avoir de l'appétit. Il troquait sans frémir les emplacements de p.C.l ennemis contre la flétrissure de son armée. "2

1. P.C.: abréviation pour poste de commandement. 2. Jules Roy, Les Belles Croisades, Paris, Julliard,

(28)

. ':', ;.... ~ . ' . l ' , ." ... '

Il est à noter qu'on emploie très souvent les mots "paix" et "coexistence pacif'ique".

on

est de plus en plus persuadé que la guerre n'est plus le meilleur moyen de régler les différends internationaux. Le temps n'est plus aux

officiers comme Eudel ou Sturtmeyer - ce dernier officier de la Luftwaffe que Jules Roy avait rencontré en Algérie en

1942:

'-J'ai écri t dans le 'I4étier des Armes' que Sturtmeyer m'apparaissait, en un certain sens, plus grand que nous

parce qu'il était dans la tradition du soldat qui ne

s'interroge pas. Rudel, comme Sturtmeyer, était jusqu'au plus profond de l'erreur attaché à l'iniquité. Tous deux ne pouvaient que triompher avec elle ou périr, et leur cause ne les eat pas lâchés, même s'ils avaient désiré rompre avec elle. Seulement le temps de ces soldats a passé. ft1

Même si on n'y emploie que les armes du type dit "conventionnel" - non atomique -, la guerr~ reste le "mal

supr~men2 et c'est Jules Hoy, colonel de l'armée fl"ançaise, qui l'écrit:

"Vous allez me considérer comme un étrange militaire, mais je me suis posé des questions. Je me suis dit qU'il

1. L'Homme à l'épée, p.

97-98.

(29)

fallait éviter! tout prix les explications par les armes parce qu'elles menaient! trop d'abominations.nl

Comment une guerre peut-elle être juste quand une seule fusée lancée d'un autre pays, peut anéantir votre capitale en quelques instants. Quelle est la oause qui pourrait s'acoommoder de tels moyens? La oonolusion coule de souroe:

justes."

UDe toute façon il ne peut plus y avoir de. guerres

2

L'image du soldat telle qu'on la rencontre dans Servitude et grandeur militaires d'Alfred de Vigny tend

! disparattre. Notre époque a remis en question les valeurs traditionnelles. On éprouve aujourd'hui le besoin de tout justifier car nous vivons dans l'~re de la dialectique. Le soldat n'a plus une foi absolue. L'époque de la foi absolue semble révolue. Guerre et religion ne oofncident plus.

Il n'y a plus de oombattant de la foi et souvent l'homme

de guerre est obligé de se trouver des raisons pour justifier son oombat. C'était bien plus simple autrefois on se battait pour Dieu et le Roi. Tandis qu!aujourd'hui le militaire

a de plus en plus besoin de se justifier à ses propres yeux

1. Les Belles CrOisades, p. 88.

(30)

pour ~tre en accord avec sa conscience:

"Chevrier sentait que sa propre position s'effondrait et que les temps étaient révolus o-a un soldat pouvait obéir

! ses chefs sans se poser de questions, et c'était lA qu'il hésitait encore comme par un dernier scrupule • . Il n'y avait plus de soldats. Il avait été peut-être le dernier et déjA il avait dépassé en lui le soldat. nl

Il y a plus: l'homme d'aujourd'hui ne veut plus mourir pour une cause.

Le navigateur se rend bien compte de l'absurdité de la guerre et essaie lul'.aussi de se justifier A ses propres yeux mais plutôt mal:

IIS'il avait refusé de se battre,on l'aurait·fusillé. S'il avait essayé d'échapper au grand massacre universel, partout des hommes l'eussent traqué et torturé. Tl valait mieux combattre dans les rangs de ce qui représentait encore une certaine liberté et un certain respect de la conscience. Et puiS, le navigateur n'avait pas le choix. Il ne s'habi-tuerait jamais à un autre peuple que le sien et ce peuple-là souffrait. C'est ainsi qu'il avait réglé cette question.

PlutcSt mal, il le savait. Hais comment s'en tirer autrement?"2

1. La Vallée heureuse, p. 117-118 2. Le Navigateur, p.

59.

(31)

L'homme civilisé ne peut que détester la guer~e:

"La guerre. en temps de paix, n'était qu'un prétexte~···

En temps de guerre, elle devenait l'absurdité. Tant que les hommes ne comprendraient pas qu'ils combattaient contre leurs ombres, il y aurait des guerres dont profiteraient seuls les marchands et les comités. C'était

11,

pensa

Chevrier, que les copains se trompaient. Mourir en accident n'était pas con. Cela rappelait le temps de paix, quand l'hommepouva,it éviter la mort par un travail de l'intel-ligence. Etre abattu par les canons, c'était bien la

suprême connerie. Il n'y en av~i t pas de plUS grande, et· il n'y avait aucune gloire lA-dedans."l

En quoi réside la grandeur du soldat si elle n'est plus dans l'obéissance absolue et de tous les instants? Peut-être est-ce dans le fait de continuerm~me s'il n'a plus de raison de le faire? Mais

11

on touche

l

la ph11o~ sophie de la vie en général et non plUS seulement de la· vie militaire. Il s'agit alors de l'acceptation de la.

condition humaine tout en reconnaissant le caract~reabsurde dans le sens étymologique du terme c'est-à-dire quiêchappe A la raison. A ce compte-là tout ~tre humain est grand par le fait m~me qu'il accepte de jouer le jeu de la Vie. Mais

(32)

direz-vous,. cel:a n~ ,conc~rne que l'athée qui tenterait

, • ' .. a ' . ' . " . . '

d'utiliser al.i'miéux".tout·es::ies virtualités de son "moi" o . . ",' .. :'_

, a.fors <lu'

il~é"

..

s~i't' :'r~h~"

·.àU; ..

:h~ant

de

l'

apr~s-mort.

Pas du

" ' , , . . .. ~ ... ~ .:"~~ ... : .. ;:: ... :'; : .... : .. '~:~.: , , ' ,

,'t,out, ',jé'~i:u~e':.q,iie,,~è,·:;éroY4nt··auss1..asa part de risques

. .. ' . .... . . . .... ~ . .. : . .

méta:Phy'siq~es·· C?ar .. ·d.e .... ~.f?n. nvant .11 ,~~,aura, jamais la certi-.' tude 'a"e'

,,~'onsalu

t.,

i~··~r~1·e

"':foi:

:::ét·~nt··:~~qUi~te.

Non, la

o ' . • . . . - '. " . . " : " , : . ' - " , . , ,','

grandeur du soldat ce • sera plut8't ·::~tre'co\lrageux et !

. " .\ "

l ' occasi0n" hér,ofque: tout :en:'ay~:ti:t ~

petri-

et

en l'admettant.

. ' . , ' , '.

..

. ' . . ' . .

Voyons comment notre auteur préci$'e".:c,e~'term.es et tout

d

'abo~

le

c~u~ag~;.o~-Pluse~~~·t~~ent,··',~~ ;.cour~ge

mil! taire. Ce

d~r~ier 'ser~~ ~ i~' 'coü~:'gelè~::p{~~ ':i~Cl~e,

sans doute

. . ' . ' . . . . . .

"

faudrai t-il ajoute:i:-~: .pour les. Boi~a~.a'

.qui: ·,nè

se 'posent pas

. , ' -.' , , _ . . ' .

de questi·ons. 'Ceux' .. PQu~'lesqueis';:s~~lè:lâ':·Vic·toire compte

' .. ' ... .

et notre écrivain

t;~~'e 1~,'port~a.1'~,.

del·!un d'entre eux qu ' i l a connu en Ind:ochine'!:.·· ... ~.: ~ .... :

<

... :.,. , .

. . . .. : .. ',: . ':.' :. . . : . ' , .

"Même quand i l s'·éêii31~é.it,.:·c~visage-là . . étai t cruel,

~. ., . .: " . ' " .... '.' . .

et i l lui suffisait d'urie" ,oJD.1;>re.:p'ou:r.·le rendre féroce.

' . . ' . ' . ' .:. . " . . ' '.

C'était bien alors celui "dfâ'la'bête,de'gue:rre pour qui rien ne compte que la victolr'é.;,,·t '" ' . . ' -,

Pour lës autres, leS'officiers qui sont conscients, le courage est un long cOlIibatintérieurcontre la peur.

.. . . . .

La. peur, Jules Roy n'a pas dédaigné d'en parler.

1. Jules Roy, La Bataille dans la rizi~re, Paris, Julliard, 1953, p. 126.

(33)

Voici comment il décrit l'angoisse des combattants d'Indo-chine, terrés dans leur poste de rondins:

"Si l'ennemi n'attaquait pas, Il pouvait, en effet, nous flanquer des obus sur la figure.'

A

défaut d'autre chose, c'était déjà celA. On perd le sommeil, on vit dans l'attente du coup qui tombe des nues sans prévenir et vous

dép~che ad patres, on s'agite sur la sangle mal tendue en

se demandant si on se réveillera autrement."' que "dà~S

,;l';~veu-glante explosion. ftl , . . ,'",

Jules Roy a

pa'~1é

dê0

la'

peur,ca.~li' ~

vou~û.

,'dé6:rlre " " "

'-' . '. . ... ~ " ' . . .

la condition des 'combattants telle' qu'eI.le est èn,réa,llté.' Il est contre là li ttér~t~,~eJ hé~o!qu.ede ·cotl'~ention. C~tte

,.

littérature qui dlaironne"q~e mourir

àti

comba~ c'est le sort le plus beau et, le pltiS digne d',env,J.e. Ce:t,te 'façon d'écrire n'est qu.'intoxication et aveuglementêi.u soldat. Elle est bien dans la ligne dé ce précel'te que nous a laissé Blaise de montluc, homme dé guerre du XVIe si~cIe que Jules Roya lu:

"Il faut le plus qu'on peut desrober aux soldats la cognoissance du dangier qui se présente, si on veut

(34)

qu'ils aillent de bon coeur au combat."1

Mais ce principe n'est plus valable! notre époque car:

nIl devient clair que' nous voici au temps o~ rien

.

-ne peutêtr.~ ... caQh~, où i l .fa~t même, pour l'honneur des hommes, que .t~ut soit dit."2

Fort de cette exigence de vérité Jules Roy s'él~ve

contre le fait que dans l'armée le mot· "peur" so1.tconsidéré comme un mot-tabou et il osera, lui, le prononce~ ~t .

. l'écrire mainte~· foiS?: .oequi--lu1a valu, commenGusl'avons' . vu, la réprobation de bon nombre de ses compagnons. ".

D'ailleurs Montluc lui-même admettait que l'on pat avoir peur quand il y avai.t "grande occasion:'. Ce ne sont pas les grandes occasions qui manquent dans les guerres modernes!

Jules Roy va même plus loin et il affirme qu'il faut préparer les jeunes soldats ! cette peur atroce qui les saisira à n'importe quel moment car elle fait partie du lot'du guerrier.

uIl faut prévenir le jeune soldat et le jeune

1. Blaise de rJIontluc, Commentaires (1521-1576), Paris,

Biblioth~que de la ~l~fad,e,

1964,

p.

34.

(35)

- - c·

. . . . , . . "

officier pour leur éViter.d'être·surprls. ·11 faut leur dire, du moins est-ce cela que je leur dirai.s si j'avais la charge de les éduquer:··' Volls aurezpéur. Vous sécherez . même de terreur. Il pourra arriver que vous en ayez le. ventre

tordu, mais vous ne le montrerez pas et vous continuerez .. ' ... D'ailleurs, si la peur n' eyJ.ste pas et. si l'on se fait tuer' au son du clairon et en prononçant des paroles historiques,' de quelle banàlité devient la littérature hérofquet

ca

serait l'intérêt d'une tragédie qui supprimerait l'acte que le héro.s doi t accomplir au péril de sa vie et dans la

conscience qu'il peut tout perdre?

ca

est la grandeur quand 11 n'y a que facilité?ttl

En dehors de la peur physique qui le torture l'homme de guerre est soumis ~ un autre tourment, d'ordre mo-r.al

si l'on peut dire, et c'est la confrontation avec l'idée et avec la réalité de la mort. Jules Roy nous montre

corument le soldat est hanté par cette idée de la mort, qui

impr~gne toute sa vie jusqu'à devenir une réalité presque tangible et à laquelle on ne peut se faire:

"Les équipages étaient habitués au risque de la

mort mais pas à sa réalité. La mort restait chez eux dans

(36)

un ordre métaphysique. S'ils l'imaginaient, ils étaient ' . . ' : . prêts ~ pousser un:cri. tll

Jules Roy le précise dans un autre livre: "Cette idée de la mort prochaine pourrissait tout. ,,2

Ainsi cette proximité de la mort empêche le guerrier moderne de pouvqir jamais se détendre complètement, consclem-' ment ou inconsciemment elle pèse de tout son poids

d'incer-ti tude et d' horreur du néant sur tout ce qu'il entreprend.' Peut-être y a-t-il des militaires d'une essence

.. , ; , '

supérieure que ne sont pas soumis ~ ces tourments, ce sont .. " .' peut-être les héros. Mais qu'est-ce qu'un héros?:

.... :

"Un homme qui fai t preuve de quali tés exceptionnelles": ... :. devant des dangers exceptionnels. Acier trempé, dans le " : ,. ,':

a",

combat; ou, dans la pourriture. Qui pourrai t croire que .'. l'exception soit un.e habitude et qU'on puisse s'abonner~ ' . '

l' héroj! sme comme ~ la Revue des Deux Mondes? Qui ri' adinettra:l',t que certains héros peuvent craquer comme des champions de:. '.'

football dans un mauvais match? On peut se fatiguer de. se-" conduire en héros et aspirer ~. rentrer dans le rang ... 3 .'

1. Le Navigateur, p.

52.

" ," : .. ::" . . ..

2.

La Vallée heureuse, p •. 132.

3.

La Bataille de Dien Bien Phu, p.

236.

(37)

Ainsi l'hérofsme m~me n'est qu'un comportement occa-sionnel et ne permet pas ~'l'homme conscient de considérer

, '

son sort avec sérériité,,'etj.e,.~rQisqùedans nul autre passage

.. :' , : , . ' , :', -:. .

'que C?èl ui -~i, .iti+~s 'Roy

n'

a ','mfeu':g: "déë:r1 t ,"la, condi ti on de ,l'homme ,de guerre: vu par lüi~iI).~lIîe~ ,Laslmp:Licité et la

. " . : " " . ' . " . . .' , ' . ' . '"

" ,,":,: ,: "eri'te d,ece passagesol1t: remarquables~ .; ,

,'sai t,tout 'simpïement~'~' D"aboràla lettre: de l"avion et le

. ' . . . .

p,om dU: ,eollllD.ami.al'l:tde bord rest~i t:au ,tableau ,d"~fflchage ", ":, :,:.', 'toute

:uné<"~

ai

~~:,' ~'1;c,e\l,x' qtiic:~y~nal

eut,:

y,:'j

etâj.:~'~t, ~~" ~egard

. . . ' . " '. .... . . . ' , . .... ' , ' . . " . , ' .

, ' ,

":" è,Pi:toyé et rassUrant.: ,'La mo~t' ~'étaitb6n pour les.<,~ultres •

. " . ' . , . . . ..•. . . . . . ' .

"Puis'le~ manquan'ts ':s'évari~u:lss~ient,":,tepersonhei de l'état 'ci.vil, :se 'hAt~i't'd.:'emballèr ,leu:t's',"âft~ire~ .p~ur

'1es'.'

ranger

avec des étiquettes d.ans le magàsin prévu. 'On,p~ononçai t

','i~,

nom des, disparus uncertalntemps ,puis "les préoccupations

" de chacun reprenaient l'avantage et la .vie continuait •

. : . . ' , ... .

·,:ravie?Seulsdes inconscients pouvaient appeler cela la

. " . . . . ' . "

vie. Des travaux t'orcés plutôt:, sous la menace de maîtres

'" . . . . . .

sans'pitié, toujours 'invisibles, ,qui 'ab~ttaient les t'autit's

, , '

ou les retardaires'. Aucun'

de

ceux' qui étaient déj~ tombés dans les brasiers n'était revenu, et,apr~s tout, on pouvait

croire que ce n'était pas plus terrible que cela. Chaque soir les équipages reprenaient lOalerte, répondaient à la convocation des hauts-parleurs qui beuglaient dans toutes

(38)

les baraques, et préparaient un raid."l

Nous venons de voir l'évolution intérieure du guerrier qu1 est passé de l'état de mécan1que b1en réglée au mode conscient d'existence de l'homme. Parall~lement,

il nous faut rév1ser notre concept1on de la grandeur militaire qui n'est plus dans le "condit1onnement" du soldat. Se soumettre, en toute connaissance de cause, !

l'absurdité de sa condition, vo1l! la grandeur de l'homme de guerre d'aujourd'hui.

(39)

CHAPITRE II L'HOMME DE GUERRE ET L'ARMEE

Apr~s avoir étudié les relations de l'homme de guerre

avec lUi-même en quelque sorte, . puisque nous.1'avons étudié du "dedans" nous allons maintenant le vOl,n dans son milieu: l'armée. Cette derm. ère constitue comme 'on. le 'sai tune . ' ') - c' ::;

société fortement. hiérarchisée •.. Les relat1o~s de, l'hoIIlJp.e de guerre avec i",~rmée se J3itüe,ront.don~ "s~r'trolîs"plaÎls , ' : cc, . .. ':" différen tscompt'e 'tenu de cettê "hi érarchi'sati on ~ c Il y 0" L'

• • 0

aura d'abord les rapports'entre l'homme dé glXeÎ'"~e et ses pairs ce qui constitue. le plan par' excellenc~" des T'apportS' <0

. " , , "

humains, ce que nous nous, efforcerons de montrer. o ' °P,uiS ''Ce

sera le plan des rela.t~0rls ·.aveé·lessupérieurs et enf.in· avec les subordonnés.

La fraternité des armes n'est vraiment complète

., .;.

qu'avec les égaux, ceux dont on partage les sentiments, les joies, les peines, les aspirations. Pour cela il faut vivre ensemble, prendre ses repas au même endroit, être soumis aux c·

mêmes dangers. Cette vie communautaire crée la qualité. toute

particuli~re des liens entre fr~res d'armes.' Ce n'est que

(40)

l'armée, que l'on peut éprouver une solidarité aussi forte. Les amis sont indispensables, d'abord pour ,adoucir les rigueurs de la vie militàire:, 'ainsi que 'jU:tesÉ.oY',le",

confie à son journal intime:. '. . . ' .

"Vraiment, sans la dizaine de bonscèmEl-rades' que ,'. je compte il ne me serait pas pOSSible de vivre. n1

Les camarades, ce séra la possib'-lité l_ ,.. d·é(3hang~r. •

des idées, d'entretenir le comme~ce avec ses semblables. Mais ,plues encore, cela pelmlèttra dé maintenir une vie

11;. ;:,

affeotl#e par un courant de sympathie et d'affection.

... , ..

Les ca:mara~es remplacent la fami'lle dont on est

s'éparé. Tr~s Vi te les camarades repr,ésentent même plus que la famille. Voici comment Jules Roy rapporte les réflexions d'un de ses personnages, le capitaine Chevrier de La Vallée heureuse~

Ul1 (Chevrier) se foutait de la soirée de danse. Il allait revoir Horin, et il se sentit soudain heureux comme s'il rentrait dans sa patrie.1I2

Le mot est lâché "la patriel1

• Les camarades représentent

la patr~et D'aucuns pourront objecter que te'terme est trop fort. Au risque de nous répéter, nous dirons que, en effet, l'armée représente la patrie pour les soldats. Nous

1. Jules Roy, Eetour de l'enfer, Paris, Julliard, 1951, p.' 18. 2. La Vallée heureuse, p.

139-: 139-: ' ,"

. " '.

(41)

, "

o

'0."'\,

~

pourrons en donner deux raisons au moins. En premier lieu parce que c'est une'sooiété repliée sur elle-même donc .

: ... ; " . .

. . ' ..

vivant ,pluS:

ou

m'~ins~·en:"auta.r~ié,sur'le plan moral. La

'deuxi~me' "~i·son",~s't':'q.~~'·'I?:tle·,'Offre

"tine' C'OUpé sociologique

du',p~ys .:pufsqu' elle groupe des' gêns' ,vènant cie mili eux tr~s

0 " "

," divers.'

" , ' , .

A l'époque où l'armée traverse une crise>.riiorale aigul:!, ,c'est-à-dire à partir de la deuxi~me guerre'mo:nd1ale, et

surtout pendant la longue et pénible période des" guerres

o •

di tes de décolonisation, de 1946 à 1962 plus préci,sément;

le guerrier va chercher une justification à son ao'ti'On •. I l " ne peut se dire qU'il, oombat pour conserver à la F:ra:t:i0e. d~fS

terri toires. Ce n'est pas suffisant oomme justifioatioll'.: ,

En effet~ les autochtones de ces territoires ne tiennent pas toujours à perdre leur identité et à s'assimiler aux Français. Dono nos militaires vont se trouver en faoe d'unQ

nationalisme opposé au leur:

"Ils respeotent leur ennemi et même l'envient oar o •

11 a sur eux l'avantage de se faire tuer pour voir flotter' son drapeau à la place du leur: c'est son droit.u1

Le nationalisme de l'ennemi leur paratt donc' '$:uS"si .. louable que le leur. Ils sentent même que la oause'de

',:, ', ..

1. La. Bataille de Dien Bien Phu" p. -l85;'

(42)

i ".'

.'

... : .

o

o

l'ennemi est plus belle que la leur et c'est pourquoi ils l'envi en t. En effet, le guerri er françai s se bat pou,r que des territolreslointains restent sous la souveraineté de la France. Il comprend bien que le monde a cha.ngé~ il a.

d'ailleursl~i~même changé 0 comme nous l'avons vu dans le

chapi treprécédent'. L'homme de guerr~ se ,rend bien compte que cette forme de colonlsatioti est" révolue ~tqu,f il fait une

'J

guerre ,qu'.il

n'a

peut gagner, cuneo guer:-e qui n'est plus, en

:Eai t'" ' qu' -q,n'yombat <fi' arrr~re-garde. lde ~olié\à t .ne pourra,

o 0

'tout "au ,<plus.'t

què

re'ta.rde~ le' tr1'elnphe d'un:e"

Co?

nc.eiPtion

nouvelle du monde

sur

c~lle,

qUi aV9;,l.,t

"'Rr.é1f8.;î.~

a:üo

dix-neuvi~me

~ (1 ~" ., ... .. 0 "

" si~cle •

"'.. .. 0 .:. "

. p~ cQnséquent', les. hommes se; b~.tt~nt. :paT 0 solidari té

envers'.l,euJ;' cam.arades.Î"a.rm~~ était compos.ée· d'pommes

"pour qui le salut des éama:t'ades têllaie;+it <.l.i~u" de mystique ... 1

. ,

-ris

au~·nt· la: rè~fgiop. .. . des "6amarades;' leurs· saints ~... ~ c , '

seront 0 leurs' chefs qu",i1.S "admirent~ qu ',,1.1s 8.iment et qu' ils

o ~uivent~'

o , . " :0

Gommé le di t oX11,l'es'

Roy'

"~'p:ropos de's combattants' -d • Indocni'ne :

"La. plup,art-de ceux qui sont là ont choisi les paras

(43)

t:::?::t*.: .. -~.:-(.,.I.~~",.I ... :).",.,~· .. ·.''': ' . ,

par vocation ou occasion, et les camarades leur tiennent lieu de religion. Ils ne sautent pas pour S.M. Bao Da! qu'ils méprisent ou ignorent.ni

Parmi les camarades que l'on se fait à l'armée il y en a toujours quelques-uns qui deviendront plus intimes, ceux avec qui les relations' humaines aur'ont une incomparable qualit.é.

C'rest cette .qualitê à 1~quê,11e ,Ç>n l'l'atteint qu'à des

').. . 0 ,

momen~sprivil~giés que Jules Ro~~ Tend~e g~ns le passage

o 0

sui van.t tiré dé. ce j our~l ~:r&eo 0 cOl'Î~ti tue Retour de l'enfer:

c u " '.

" .ttJ'écr'ls daD§l J.aehambre de", q~n.'~' pr~s d~u feu, dàns

o 0

o ,

u.n granél septim~nt d~ p~ix et ·de b,onté". ""I-l, y a donc au

o 0

sein m,ê:m.e de notre ne, dès moments à,,' épano-q!ssement: une

. pr.ésence. Qaussi ch~re que:"ceillé .. de G·.'. ~'~ un ,;;?oêle,' une niusi~Ue de" Couperin, 1Jne _. sofr&e) q1,li nça sera pas dévorée ':par ;Lé départ cie l'un ou . de~.l' aûtre;

,.2, "

..

Jules Roy i1ta~t-il 'pas trop insisté sur l'amitié et

la fraternité des armes? N'a-t-il pas exagéré en les

classant parmi les mobiles principaux de l'homme de guerre à partir de 19391

Pour répondre à cette question il n'y a qu'à voir

1. La Batallle de Dien Bien Phu, p. 184-.

(44)

ce qu'ont écrit d'autres écrivains qui furent aussi des

hommes degue:rre~ Je pense d'abord à Saint-Exupéry, aviateur

o

également. Avant d7'di'spa,~artr~, ).e .. 3~ j~~.~:~et 1944, au

. .

cours d'un vol de reconnaissance, Saint~Exupéry avait participé à la campagne d~

1939-1940.

Iléta.it officier au groupe de reconnaissance aérienne

2/33.

Dans s'on livre Pilote de guerre, il présente, avec talent, le déroulement de la mission de reconnaissance qU'il effectue .~ Arras, au-dessus des lignes allemandes. Lui-même et ses .deux co-équipiers reviendront miraculeusement indemnes de cette

mission. Bien plus que le récit de l'action, les réflexions de Saint-Exupéry sur les hommes et laguerr~ font l'intérêt

de l'oeuvre. Nous sommes vers la fin de la' ~'drale de guerre",

c'est ainsi que l'on avait surnommé la guerre

1939-1940.

Les jeux sont faits et pourtant les équipages'sont sacrifiés pour des missions inutiles. Les pilotes font leur devoir, solidaires dans l'absurde:

"Les camarades qui S'habillent, se taisent donc, l'air bourru, et ce n'est point par pudeur de héros. Cet air bourru ne masque aucune exaltation. Il dit ce qu'il dit. Et je le reconnais. C'est l'air bourru du gérant qui ne comprend rien aux consignes que lui a dictées un

m~ absent. Et qui cependant demeure fid~le. Tous les camarades rêvent de leur chambre calme, mais il n'est pas,

(45)

".,,~.

chez nous., un seul d'entre eux qui choisirait véritablement d'aller dormirt"l

Combien cela est A rapprocher de la sttuation des

combat~ants de la période 1945-1962. Comme nous l'avons déjà vu ils savent aussi que leur combat est sans espoir, que cette guerre de guérilla est une guerre d'usure contre un ennemi qui renatt chaque fOis'qu'on croit l'avoir détruit. Ils se sentent liés A leurs camarades et èela leur commande de les s.ecourlr·· comme le di t Jules Roy:

"Des officler·sdéllésde servir en Indochine se portent volontaires par sens de la cama.raderie. Ils ne peuvent pas continuer à boire des pots sur les Champs-Elysées quand les copains se font descendre.n2

Pour Saint-Exupéry les dangers affrontés en commun renforcent les liens. Au retour de sa mission sur Arras il se sent encore plus solidaire des autres pilotes de guerre. Il s'identifie à son unité:

"Mon amour du groupe n'a pas besoin de s'énoncer. Il n'est composé que de liens. Il est ma substance même. Je sui du Groupe, et voil~ tout.n3

1. Antoine de Saint-Exupéry, Oeuvres, Paris, La Pléiade, 1961, p. 286.

2. La Bataille de Dien Bien Phu, p. 25.

(46)

L'attitude de Saint-Exupéry ~ l'égard de ses camarades nous montre clairement que Jules-Rqy n'a pas exagéré l'im-" , ' : . : .: ... ' .

portance de la. fraternité des armes.

on

pourrait même dire

... ' .. ' ., ... ', .. "

que Saint .... Exupéry~a plus· loin PulSQU'il . écrit que son unité . '. . ' ... , ' . : . " , . ' ... : ... ; '

. .

....•.

est sa sub~tance meme. ce'quire;ient'lài;eQuel. .'. '. . : . . ionn'existe vraiment que parles autres et pour les autres. "Cette

im--portance des liens constitue d'ailleurs le message dé Saint-Exupéry dans Pilote degqerre. .'. , . ' , .

Un autre écrivain-pilote, . Pierre Clostermanqui serVl-t··

. : :'''.

"-dans les Forces

AérienneSFrançaisesLib~és· a.

raconté ses ... , expériences dans le .G.:I'.a.n_d ______ __ Voici ce qu'il dit de l'amitié:

"C'est maintenant que je comprends le vrai sens de l'amitié. Voir un vieux camarade,un cher fr~re d'armes partir en mission, et attendre son retour avec angoisse, les nerfs à fleur de peau ••••••••• n1

Ces témoignages de deux autres écrivains-pilotes

nous montrent que Jules Roy n'a pas donné trop d'importance aux notions d'amitié et de fraternité des armes. Il a

d'ailleurs précisé et nuancé ses idées à propos de ces deux notions dans son plus récentouvrage2 •· Cette belle

1. Pierre Closterman, Le Grand Cirgue, Paris, Flammarion, 1948, p. 151.

2. Jules rtoy, Les Chevaux du soleil, Paris, Grasset, 1968, Tome I.

(47)

.... >', "

...

camaraderie fleurit surtout

A

la table des capitaines et il serait vain de la rechercher parmi les officiers d'un grade élevé:

nA ces hauteurs, la fraternité d'armes et la camara-derie n'erts-taient qu'en pa~oles ... l

~ 1,1 (, ;;

Il no~e un, peupllls loi!?; de lamanl~re directe que nous

... :.: ' , . :... . . '.

luiconnalssôhs: .

IlLes offlcie~s géné,raux ose dévorent entre eux comme

. ·tes

10up~;

its

'l),e

do1~ent.â.ttenarede leur~: ~~i~S

que

crocs-en-jambes, et les . grâce~ nevotit q,u' ~ 0 êe~:;' qui o~ervent les

ambitions des plus forts en es;pé~ant, un· jour ,Jas supplanter •

. ,

Telle était la 101. de 1·~tat-~jo~."~2·

() 0

On assiste quelquefoiE; ,~ é!,esmanife-:statio!ls de

fraterni té chez les gén.êrau; ma~s c ~est geI}éra~ement ~~ ... résultat d'ün' caleUJ.° et n0n p,as unse:p.timent spontané.

~.' r.) 0

,Ainsi l'amiral:qui c9mmandal t là flo,tte~fmançai se devant

. ' .

. Alger en 1830crolt de) bO"1lJle nolicti-quede manifester son .. -.. ...: ;', ',) c:" . .

<) 0 .

aml'tié Eitti généf-aL en' LChef

qu

~ il'

teste:

. 0 . '.0 0 0

nUn lar'ge.sou:rir§ détendJt·soudalnement le visage de

Cl

l'amiral. A quoi lui servait de lutter contre un homme

1. Les Chevaux du soleil, p. 33.

(48)

"u .~

que la chance pouvait favoriser? Mieux valait attendre une meilleure occasion et composer. Il avança les bras ouverts vers le commandant en chef.

Si j'avais connu cette baie, il y a quinze jours que nous serions lA •••

Et il aJouta en postillonnant:

Maintenant c'est entre nous

à

la vie et A la mort, monsieur le général.lIl

:,~~ett~ rj:va~i ~~',',e~tr~:'~es ,"hOmmeS, se double d'ailleurs

h~' o~ ".0 _ c. u :: .u~ .. ~ ~". u ;~ • ~ .~ ~~~ .... _. ' ; " _

:"'d'ilne"riva'llté :entre, l~s 'î:t:rines. -,":··:C~am~ral ne veut pas dire

, ,.

~ h ~ ~ _ . ' • ' . " ' . ; , ~ r,'; . ", '" .

-"~1i gé:nér~l .pourquoi. il·oS!." dectde dè~,r~tarder le débarquem:ent

" . ,"

.. " ,

~,. Jù:ger' en 1830: ,. Q • ~. o~

. : . .. ~" . ~"'.

"Après. ~ou1:;"t':EL s"agl"ssatt:'d:!üne affaire intérieure de marine" et ri en ne' le.' f9rçai:t 'à' ~n 'livrer la confidence

à - . . un'-

pékin.

"D'

ai~leurs, ~

l'empressement glacé que les

- , ' , .

. marins met:taîent -au service deI 'armée de terre et à

l'isoierriënt'dans'le

q

tiel ils s'enfermaient, on sentait que l'humeur d~ ·i·~f.ralavait gagné toute la marine. tl2

Nous avons· ainsi vu les sentiments que le guerrier peut nourrir à l'égard de ses pairs. Examinons maintenant quelle sorte de rapports il peut entretenir avec ceux qui

1. Les Chevaux du soleil, p. 66. 2. Op. cit. p. 18-19.

(49)

ne se situent pas sur le m~me planque lui, hiérarchiquement pa.rlant. Prenons d~abordle cas.des rapports ·avec les

supé-.: :", ' , ' :.:" . .

. .

. . . ' '

rieurs. Comment notre auteur lesenvlsagt9-t-il et que pense-t-il de ses chefso

. ..

Jules Roy est sév~reAi"égard des supérièurs •. Lui, soldat de métier,. 11 n'a pas lerespèctdesgalÔnset il .a noté dans son journal cette phrase qU'11 prétend ~tre une interprétation de la pensée de Vauvenargues:

"Les galons n.' ont jamais été.ie ·!3ignedu mérite ni du savoir. nl·

C'est clair, concis et définitif. Ce cl. posé, le

chef n'est donc qu'un monsieur avec des galons et qui donne des ordres. Plus la bataille est importante, par conséquent sanglante, plus grand sera le mérite du chef. Jules Roy note férocement que:

liOn est l! pour se faire tuer t$t ou tard,~ •• plus

il y aura de tombes au cimeti~re, plus grande sera la gloire de nos chefs, mais apr~sl"2

Beaucoup de chefs s'intéressent plus ~. leur gloire qu'au sort de leurs soldats. Notre auteur pourchasse

1. Retour de l'enfer, p. 81. 2. Le Navigateur, p. 131.

Figure

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