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Porphyre et le Livre de Daniel : réaction à la tradition exégétique chrétienne du IIIe siècle

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Porphyre et le

Livre de Daniel:

réaction à la tradition exégétique chrétienne

du Ille siècle.

Ariane Magny

Département d'histoire Université McGill, Montréal

Août 2004

Mémoire remis à l'Université Mc Gill dans le cadre de la réalisation partielle des exigences requises pour le diplôme de Maîtrise ès Arts.

(2)

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Table des Matières

Résumé ... ii

Remerciements ... iii

Introduction ... 1

I- La controverse entourant la datation du Contre les Chrétiens ... 9

II- Porphyre et saint Jérôme commentent sur Daniel: la contextualisation des fragments d'Harnack ... 30

III- Porphyre, Hippolyte et Origène commentent sur Daniel: la mise en contexte historique des fragments du tome XII du Contre les Chrétiens ... 66

Conclusion ... 96

Bibliographie ... 100

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Résumé

Le philosophe néo-platonicien Porphyre de Tyr (ca.232-305 ap. J.-C.) a composé le

Contre les Chrétiens - un traité en quinze volumes - contre le christianisme. L'attaque de

Porphyre a suscité à travers les âges un émoi tel chez les chrétiens que l'ouvrage sera condamné aux flammes à deux reprises par des empereurs romains. Ce n'est donc qu'au sein des travaux d'apologistes chrétiens que survit le Contre les Chrétiens, c'est-à-dire dans un état fragmentaire. Le sujet de cette étude porte particulièrement sur le tome XII du traité porphyrien, car il est celui que nous connaissons le mieux et qui a frappé le plus fort. Il traite en effet du Livre de Daniel, sur lequel repose une partie majeure des fondements du christianisme: l'annonce des deux parousies. Ce mémoire démontre, en premier lieu, que c'est dans les années 290 que le traité fut composé, ce qui n'en fait pas une menace immédiate pour les chrétiens de la Grande Persécution (303-311). Ensuite, les nouvelles approches méthodologiques sont exposées afin de mieux mettre en lumière le contenu du Contre les Chrétiens. Il est établi que Porphyre procéda à une exégèse détaillée de Daniel visant la critique d'une interprétation littérale chrétienne des Écritures en adaptant l'histoire aux prophéties. Enfin, il est suggéré que le traité ait été écrit en réponse à une tradition d'exégèses allégoriques de Daniel.

Abstract

The Neoplatonist philosopher Porphyry of Tyre (ca.232-305 A.D.) wrote Against the

Christians, a fifteen-volume treatise targeting Christianity. Porphyry's attack was

considered so scandalous that it was twice condemned to flames by Roman emperors. It is thus only in the works of Christian apologists that Against the Christians is extant, i.e. in a fragmentary state. The topic of this study is the twelfth book of Porphyry' s treatise, the best known and probably the most challenging to Christians. lndeed, it deals with the

Book of Daniel, which underlies a great part of Christianity's foundations as it allegedly

foretells both Parousiai. It will first be demonstrated that the writing of the treatise can be dated to the 290s, which indicates it was not an immediate threat to Christians facing the Great Persecution (303-311). Then recent methodological approaches are presented in order to get a better insight of the content of Against the Christians. It is established that Porphyry wrote a detailed exegesis of Daniel with the intention of criticizing the Christian literaI interpretation of the Scriptures by adapting history to prophecy. Finally it is suggested that Porphyry wrote his treatise in response to a Christian allegorical exegetical tradition of Daniel.

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Remerciements

Il n'existe aucun terme qui puisse me permettre d'exprimer pleinement ma gratitude envers la directrice de ce mémoire, Elizabeth de Palma Digeser. Elle a été pour moi le meilleur des guides, et ce tout au long de la composition de ce travail. Sa dévotion et sa générosité ont certainement grandement contribué non seulement à l'accomplissement de la présente étude, mais aussi au développement de cette passion que j'ai pour l 'histoire de l'Antiquité Tardive.

J'aimerais également remercier le professeur Elizabeth Elbourne de l'Université Mc Gill pour ses précieux conseils sur la partie méthodologique de cet ouvrage, le professeur Paul Harvey de l'Université de Pennsylvania State, car le livre qu'il m'a recommandé à la suite de ma première conférence à Chicago a éclairé une grande partie de mes recherches, le professeur Faith Wallis de l'Université McGill, toute l'équipe des prêts inter-bibliothécaires, M. Kendall Wallis, et certainement Colleen Parish.

Je ne saurais conclure sans témoigner mon affection à mes parents, Réjean Magny et Monique Gendron, leur support m'ayant été plus que précieux. Je voudrais également remercier ma sœur Héloïse, ainsi que mes amis, qui ont su me porter une oreille attentive. Je réserve ma dernière pensée - et non la moindre - à Dominic Côté, dont la rigueur et la patience ont été pour moi une source d'inspiration.

(6)

Introduction

l

Le peu d'information que nous possédions sur Porphyre nous provient de La Vie

de Plotin (écrite par Porphyre ca.300), d'Eunape de Sardes, philosophe néo-platonicien

(ca.354-ca.420), qui rapporte brièvement les principales étapes de sa vie dans Les Vies

des philosophes (4, 1, 4), de quelques lignes de la Souda (s.v. «Porphyrios» 2, 2098), et

de l'évêque Eusèbe de Césarée (ca.260-340) dans son Histoire ecclésiastique? Ainsi, Porphyre de Tyr est né en 232.3 Le véritable nom de Porphyre est Malkos, qui se traduit

du syrien au grec ancien par le mot «Basileus», c'est-à-dire «roi» (le philosophe portait le même nom que son père).4 Dans sa jeunesse, certaines sources indiquent que Porphyre aurait été le disciple de l'apologiste chrétien Origène (ca.185-255).5 Il fut ensuite à Athènes le disciple du maître de philosophie, de rhétorique et de littérature Longin 1 Au cours de cette étude, la numérotation d'Adolf von Harnack, «Porphyrius, Gegen die Christen. 15 Bücher: Zeugnisse, Fragmente und Referate,» AKPAW (1916): Nr.1 est préservée pour les fragments du tome XII du Contre les Chrétiens. La référence à ses fragments se trouve en Appendice. De plus, Les abréviations des titres de périodiques suivent les conventions établies par L'Année Philologique.

2 La Vita Plotini est la biographie de son maître Plotin (200-270), père de la philosophie néo-platonicienne.

Nous en connaissons la date de rédaction grâce à quelques indices laissés par Porphyre dans son texte: Porphyre, Vila Plotini, 23 affirme avoir 68 ans au moment où il écrit; il avait également indiqué dans Vita

Plotini 4 qu'il avait 30 ans lors de la dixième année du règne de l'empereur romain Gallien (les dates de son règne étant 253-268). Quant à Plotin, Porphyre nous dit qu'il est mort dans la deuxième année du règne de Claude (268-270) à l'âge de 70 ans (Vita Plotini, 2); T. D. Barnes, «Porphyry Against the Christians: Date and Attribution of Fragments,» JThS 24 (1973): 431; Souda, s.v. Porphyrios, 2, 2098, éd. J. Bidez, Vie de

Porphyre (Gand et Leipzig, 1913), 52-3. «IIo(2rpu(210ç, (; xaTà X(2f(rrtaIlWII 'Y(2âA/;aç b'ç xU(2fwç éxaÀeho BarnÀeuç TU(210ç rpIÀ()(TOrpOÇ, p,a:J.r;Ti;ç 'Ap,eÀlou TOU IIÀWTIIIOU p,a:J.r;Tou, 3/3ârTxaÀoç 3è 'IaI1f3Àfxou, 'Ye'Yollwç érrl TWII ;œOIlWII AU(2'fJÀ/allou xai rra(2aTefllaç éwç !::.loxÀ'fJT/aIlOU TOU {3arTIÀéwç. "E'Y(2ar/le {3/{3Ma rrâp,rrÀelrTTa, rp/ÀorTorpâ Te xai é'fJTO(2/xâ xai 'Y(2ap,p,aT/xâll 1j1l 3è AO'Y'YIIIOU TOU X(2/T/XOU aX(2oarTâp,elloç.» La Souda est un lexique grec répertoriant les ouvrages de l'Antiquité grecque et dont l'auteur est le lexicographe Suidas, ou Hésychius de Milet (ayant vécu vers le milieu du Xe siècle ap. J.-C.).

3 Porphyre, Vita Plotini, 4, avait 30 ans ca.263; Eunape, Vitae sophistarum, s.v. Porphyrios, éd. et trad. par Wilmer Cave Wright, Philostratus and Eunapius: The Lives of the Sophists (Londres et New York, 1922),

353. «IIO(2rpUIWII Tùrroç p,ell 1j rraT(2Iç( .. . ).»

4 Porphyre, Vita Plotini, 17. «BarTlÀeùç 3è TovlIop,a TfjJ IIo(2rpu(2/qJ ép,oi rr(2orTi;lI, xaTà p,èll rrâT(2/oll 3,âÀexToll MâÀxqJ xexÀ'fJp,éllqJ, orre(2 p,01 xai (; rraTi;(2 ollop,a XéXÀ'fJTO, TOU 3è MâÀxou É(2p''fJlIefall ëXOIlTOÇ {3rT/Àeuç, ei' T/Ç elç

'EM'fJII/3a 3/âÀexTOIlp,eTa8âMe/1I éJéÀo/.» Eunape, Vitae sophistarum, s.v. Porphyrios.

5 Nous savons cela par Nicephorus Callistus Xanthopulus, Histoire ecclésiastique, X 36PG 146, 561A3-11 et Socrate Scholasticus, Histoire ecclésiastique, 3, 23, 37-39, éd. A. Smith, Porphyrii philosophifragmenta (Stuttgard, 1993), 14; Porphyre, Vita Plotini, 20, 40, dit lui-même avoir été le disciple d'un certain Origène; Eusèbe, Histoire ecclésiastique, 6, 19,5.

(7)

(ca.213-273), puis à Rome celui de Plotin le néo-platonicien.6 En 268, Porphyre, âgé de

35 ans, souffre de mélancolie et part pour la Sicile pendant une période indéterminée, suivant les recommandations de Plotin qui s'inquiétait de son état.? Il ne reviendra à Rome étudier la philosophie qu'après la mort de Plotin qui elle eut lieu en 270.8 Ce n'est

qu'alors qu'il se faisait vieux que Porphyre épousa Marcella, la veuve d'un de ses amis, probablement juive.9 Il dut la quitter après dix mois de mariage pour les fins d'un voyage

au cours duquel il rédigea sa fameuse Lettre à Marcel/a. 10 Enfin, Porphyre vivait encore

sous l'empereur romain Dioclétien, qui régna de 284 à 305, et est mort à un âge avancé. 11

Selon certaines sources, au cours de sa carrière de philosophe Porphyre rédigea un traité en quinze volumes intitulé Contre les Chrétiens.12 Cet ouvrage créa un grand émoi au sein de la communauté chrétienne, si bien que le traité de Porphyre n'est plus disponible aujourd'hui, ayant été détruit à deux reprises avec les autres écrits anti-chrétiens du philosophe.13 Les responsables de cet état de fait sont des édits impériaux.14 Le premier édit, promulgué en l'an 333 par l'empereur Constantin (ayant régné entre 306

6 Eunape, Vitae sophistarum, s.v. Porphyrios, pour Porphyre disciple de Longin et Plotin; Porphyre, Vita Plotini, 4, pour Porphyre disciple de Plotin; voir J. Bidez (1913), 30 pour les qualités de Longin. Lorsque

Porphyre quitta Longin pour aller vers Plotin, il était âgé de 30 ans (Vita Plotini, 4-5). Quant au surnom

«Porphyre», c'est Longin qui le lui aurait attribué, car ce mot signifie «pourpre» en grec, la couleur des étoffes de la royauté dans l'Antiquité [cf. Eunape, Vitae sophistarum, s.v. Porphyrios].

7 Voir Porphyre, Vita Plotini, 6 pour la date: Porphyre dit s'être retiré en Sicile vers la quinzième année du règne de Gallien; voir Porphyre, Vita Plotini, Il, 15 pour l'épisode de dépression.

8 Porphyre, Vita Plotini, 2; voir aussi note 3; voir Eunape, Vitae sophistarum, s.v. Porphyrios sur l'étude de la philosophie à Rome.

9 Porphyre, Ad Marcel/am, 1; voir Codex Tubingensis, Fragmente griechischer Theosophien, éd. par Hartmut Erbse (Hamburg, 1941) 201, 1-5, in Smith (1993), 15 pour Marcella en tant que juive.

10 Porphyre, Ad Marcel/am, 4. Cette lettre consiste en un propos sur le chemin vers la spiritualité, écrit à sa

femme.

Il Porphyre, Vita Platini, 23. Il écrit avoir rédigé les Ennéades (dont la préface est Vita Platini) à l'âge de

soixante-huit ans; Souda, s.v. Porphyrios, 2,2098; Eunape, Vitae sophistarum, s.v. Porphyrios.

12 Souda, s.v. Porphyrios, 2, 2098, éd. A. Adler, in Smith (1993), 6. «KaTa X(!llTTlaJlWJI ).,0'1'01 lÉ.» Eusèbe,

Histoire ecclésiastique, 6, 19,2. «( ... ) fIo(!rpu(!IOÇ (J1J'Y'Y(!ap,p,am xa9-' ~p,WJI ÉJlITT'YJuap,eJloç.»

13 Certainement La Philosophie des oracles, comme nous le verrons.

14 P.F. Beatrice, «Le traité de Porphyre contre les chrétiens. L'état de la question,» Kernos, 4 (1991):

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et 337), s'adresse principalement au prêtre Arius (250-336), l'homme à l'origine de l'hérésie chrétienne arienne.15 Il contient néanmoins un passage référant à Porphyre:

( ... ) Porphyre, l'ennemi de la véritable piété, pour avoir composé plusieurs écrits scélérats contre le culte de Dieu, a trouvé son juste salaire, à savoir un éternel déshonneur, la perte totale de sa réputation et l'anéantissement de ses ouvrages . . ( )16

Impies ...

En 448, ce sont Théodose II (empereur de 408 à 450) et Valentinien III (empereur de 423 à 455) qui réitèrent la condamnation posthume des écrits du païen dans le cadre du procès de Nestorius et Irénée de Tyr, deux évêques chrétiens jugés coupables d'hérésie. Les souverains ordonnent donc pour une seconde fois la crémation des propos de Porphyre pour empêcher que «les ouvrages susceptibles de mettre Dieu en colère et de nuire aux âmes viennent même jusqu'aux oreilles des hommes».17 Il est donc clair que le néo-platonicien ne laissa pas indifférent le monde gréco-romain des IVe et Ve siècles ap. J.C.

Cependant, des fragments du Contre les Chrétiens ont tout de même été préservés dans les ouvrages de certains chrétiens. Les principales sources pour les fragments du traité de Porphyre sont les apologistes saint Jérôme (ca.34012-420), Eusèbe et saint Augustin (354-386), et l'évêque et théologien Théodoret de Cyr (393-ca.458/66).18 Mais

15 Ibid, 120.

16 Socrate, Histoire ecclésiastique 1,9,30, éd. R. Hussey (Oxon, 1953), in Smith (1993),30. «wrrrree TO/WII [Joecpûeloç 0 T?jÇ ffeofTe{3efaç éxffeoç, fTVIITa'Y{l-aTa rraeallo{l-a xaTà T?jÇ ffe'Y)fTxefaç fTUfTT'Y)fTa{l-élloç, aç/OII eÜeeTo {l-lfTffoll xai TOIOUTOIl, WfTTé Érrollef31fTTOll {l-Ell aUToll rreoç TOII Éç?jç 'YeIlÉfTffal; xeolloll xai rrÀeffTT'Y)ç allarrÀ'Y)fTff?]lIal xaxo3oçfaç, acpalllfTff?]lIal 3E afTe{3?j aUTou fTu'Y'Yea{l-{l-aTa, OÜTW xai IIUII ëJoçell 1\eeloll Te xai TOÙÇ Aeefou O{l-O'Yllw{l-ollaç [JOeCPUelalloùç {l-Ell xaÀelfTffal, l" dill TOÙÇ Teorrouç {l-e{l-f{l-'Y)IITaI TOÛTWII ëXfTl xai Ti;1I rreOfT'Y)'YOefall, rreoç 3E TOÛTOIÇ xai el' TI fTÛ'Y'Yeafl-fl-a {mo Aeelou fTV·TeTa'Y{l-ÉIIOIl eUe/fTXOITO, TOUTO wei rraea3f3ofTffat» [trad. française Beatrice (1991), 120]; Gélase, Histoire ecclésiastique 2, 36, 1. éd. de H.G. Opitz, Urkunden zur Geschichte des arianischen

Streites (Berlin, 1934-35), Urk. 33 [cf. Beatrice (1991), 120].

17«Edictum Theodosii et Valentiniani,» 17 fév. 448 (Collectiana Vaticana), 1 l, 4 in Acta Conciliorum

Oecumenicorum,I 1,4, éd. Eduard Scwartz (Berlin 1927),66.3-4; 8-12, in Smith (1993),32 . «rrallTa 'Yàe

XIIlOÛIITa TOII ffeoll efç oerill fTV'Y'Yea{l-{l-aTa xai Tàç i/;uxàç a31xoûlITa OU3E efç axoàç allffewrrwlI é)..ffelll {3ouÀo{l-effa.» [trad. française Beatrice (1991), 121).

18Jérôme, Breviarum in Psalmos, 77 et 81, éd. Harnack (1916) [référence valable pour les textes qui suivent] (frgt. 10 et 4). Jérôme, Commentaire sur Daniel, [voir Appendice] (frgt. 11, 43 et 44). Jérôme,

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seuls Eusèbe et Jérôme ont vraiment permis la survie de l'ouvrage anti-chrétien. Grâce à

leurs écrits, il est possible, dans une certaine mesure, de reconstituer les grandes lignes du

Contre les Chrétiens. Dans l'ensemble, Porphyre y aurait démontré ses connaissances

approfondies des Écritures juives, sur lesquelles s'appuyaient les apologistes chrétiens de son temps pour démontrer qu'elles annonçaient allégoriquement la venue du Christ, afin d'en critiquer le contenu et d'ainsi détruire cette idée chrétienne voulant que les textes soient inspirés de Dieu.19 Il espérait y parvenir en montrant les inconsistances,

exagérations, impossibilités, fabrications et faussetés que propagent les chrétiens.20 Des reconstructions ayant été faites de cet ouvrage, nous savons que le philosophe s'attaqua au débat entre Pierre et Paul dans un premier livre, à l'exégèse allégorique d'Origène dans un troisième tome, à la datation de la vie de Moïse (qu'il a établi à la période précédent Sémiramis) dans un livre IV, à une critique du Livre de Daniel aux livres XII et XIII, et enfin, dans un quatorzième volume, aux «erreurs de citation vétérotestamentaires

Commentaire sur Matthieu, 3, 3, (frgt. 9b); 9, 9 (frgt. 6); 15, 17 (frgt. 56); 21, 21(frgt. 3); 24, 16 (frgt. 44); 27,45 (frgt. 14). Jérôme, Commentaire sur Osée, 1,2; l, 8, (frgt. 45). Jérôme, Commentaire sur Isaïe, 3, 2; 15, 54, (frgt. 97). Jérôme, Commentaire sur les Galates, Prologue, (frgt. 21 a), l, 1 (frgt. 19); l, 16 (frgt. 20); 2, 11 (frgt. 21c); 5, 10 (frgt. 22); 5, 12 (frgt. 37). Jérôme, Commentaire sur Joël, 2, 28, (frgt. 5). Jérôme, Lettres, 57, 9, (frgt. 2); 112, 6, Il (frgt. 21b) ; 130, 14 (frgt. 25b); 133, 9 (frgt. 82). Jérôme,

Dialogus Adversus Pelagianos, 2,17, (frgt. 70). Jérôme, Liber contra Vigilantium, 10, (frgt. 49b). Jérôme,

De Principo Marci, (frgt. 9a). Jérôme, Liber Hebraicarum Quaestionum in Genesim, 1, 10, (frgt. 55b). Eusèbe, Préparation évangélique, 1, 2, 1 (frgt. 1); 1, 9, 20, 21 (frgt. 41); 5, 1, 9 (frgt. 80), éd. Harnack, (1916) [référence valable pour les textes qui suivent]. Eusèbe, Demonstratio evangelica, l, 1, 12 (frgt. 73); 3,5,95 (frgt. 7); 6, 18, Il (frgt. 47). Eusèbe, Chronica, (frgt. 40, 8, 39).

Augustin, Épître, 102,2 (frgt. 92); 102,8 (frgt. 81); 102, 16 (frgt. 79); 102,22 (frgt. 91); 102,28 (frgt. 85); 102,30,32 (frgt. 46), éd. Harnack (1916).

Théodoret de Cyr, Thérapeutique des maladies helléniques, 7, 36 éd. Harnack (1916), (frgt. 38).

19c. Évangéliou, «Plotinus's Anti-Gnostic Polemic and Porphyry's Against the Christians,» in Neoplatonism and Gnosticism, éd. by R.T. Wallis et J. Bregman (Albanie, 1992), 125; Beatrice (1991), 119; Wilken (1984), 130 et «Pagan Criticism of Christianity: Greek Religion and Christian Faith,» Early

Christian Literature and the Classical Intellectual Tradition 53 (1979): 129-130; P. Benoît, «Un adversaire du christianisme au IIIe siècle: Porphyre,» REi 54 (1947), 265; P. de Labriolle, «Porphyre et le Christianisme,» PHPh 3 (1929): 397; A. Meredith, «Porphyry and Julian Against the Christians,» ANRW 2.23.2 (1980): 113l.

(10)

faites par les Évangélistes.»21 Sur les livres II, XV et V à XI, nous ne connaIssons strictement rien et ne pouvons que nous risquer à faire des inférences.22

Mais il est un tome du Contre les Chrétiens qui soit mieux connu que les autres en raison des nombreuses références lui ayant été faites par Jérôme: il s'agit du tome XII, que Porphyre consacra à une critique de Daniel.23 Or ce livre renferme justement en grande partie les fondements du christianisme.24 Considéré comme prophétique par les chrétiens, il aurait annoncé la venue du Messie et prévoirait celle de l'Antéchrist, de la seconde parousie et de la fin du monde.25 Le Livre de Daniel étant constitué de récits, de songes et de visions racontés par le prophète Daniel, les chrétiens ont utilisé la méthode d'interprétation allégorique pour le lire. Porphyre s'est appliqué à contredire ces prétentions en démontrant historiquement que l'auteur de Daniel était un juif ayant vécu en Judée sous le roi Antiochos IV Épiphane de Syrie (175-164 ap. J.-C.), et que Daniel n'était donc pas un prophète. Ces propos, Porphyre les tint avant la Grande Persécution (303-311) déclenchée contre les chrétiens par l'empereur Dioclétien (284-305).

21Sur le premier livre voir, Benoît (1947), 265-6; P.F. Beatrice, «Le traité de Porphyre contre les chrétiens. L'état de la question,» Kernos, 4 (1991): 123; R.M. Grant, «Porphyry Among the Early Christians,» Romanitas et Christianitas (Amsterdam, 1973), 182; Jérôme, Commentaire sur les Galates, Prologue, éd.

Harnack (1916) (frgt 21a).

Sur le troisième livre, voir Benoît (1947),265; Beatrice (1991), 123; Grant (1973), 182; Eusèbe, Histoire Ecclésiastique, 6, 19,2 (frgt 39).

Sur le quatrième livre, voir Benoît (1947), 265; Beatrice (1991), 123; Grant (1973), 182; Eusèbe,

Chronique, Préface, traduction de Jérôme, éd. Harnack (1916), frgt 40; Eusèbe, Préparation Évangélique,

1,9,20, éd. Harnack (1916), (frgt 41).

Sur les tomes XII et XIII, voir Benoît (1947),265. Benoît suggère qu'il s'agisse peut-être là d'une erreur de copiste; Beatrice (1991), 123; Grant (1973), 182; Jérôme, Commentaire sur Daniel, Prologue (frgt 43a);

Jérôme, Commentaire sur Matthieu 24, 16 (frgt 44). Le fgt 44 porte sur l'abomination de la désolation dut

Temple.

Sur le tome XIV, voir Benoît (1947),265; Beatrice (1991), 123; Grant (1973), 182; Jérôme, De Principo Marcis, éd. Harnack, (1916), frgt 9a.

22Benoît (1947), 265. Hulen (1933), 47, a tenté cette reconstruction.

23T.W. Crafer, «The Work ofPorphyry Against the Christians, and its Reconstruction,» JThS n.s. 15 (1914): 507 ; Saint Jérôme, Commentaire sur Daniel, Prologue (frgt 43a).

24 Bidez (1913), 74; R. L. Wilken, The Christians as the Romans Saw Them (New Haven, 1984), 131. 25 Bidez (1913), 74 ; Origène, Stromata, 10 et Contre Celse, 6, 45-46; Hippolyte, Commentaire sur Daniel, 4, 18-19 et 4, 58.

(11)

De telles allégations n'auraient su demeurer sans réponse de la part de la communauté chrétienne. De sérieuses réfutations ont effectivement été composées par les apologistes chrétiens Méthode d'Olympe, Eusèbe de Césarée et Apollinaire de Laodicée?6 Malheureusement, leurs réponses à Porphyre n'ont pas survécu. Seul Jérôme a su préserver pour la postérité quelques passages du traité anti-chrétien dans son

Commentaire sur Daniel, et c'est fort probablement bien malgré lui puisqu'il s'est

défendu de faire de son commentaire une réponse à Porphyre?7 Au philosophe, saint Jérôme se contente de répondre qu'une partie seulement des prophéties se sont effectivement déjà réalisées, ce qUi explique leur correspondance avec l'histoire. Les autres, qui concernent la fin des temps, sont encore à venir.

Or c'est justement sur le tome XII du Contre les Chrétiens que portera la présente étude. Il importe, d'une façon générale, de comprendre les raisons pour lesquelles Porphyre s'est lancé dans une entreprise si particulière, lui qui était un philosophe païen. Mais afin de mener à bien ce projet, certains éléments doivent être considérés en particulier. Tout d'abord, toute tentative d'interprétation historique du livre XII du Contre

les Chrétiens se voit freinée par un important obstacle historiographique : la datation du

traité. En effet, il n'existe à ce jour aucun consensus chez les historiens contemporains quant à l'attribution d'une date aux quinze volumes anti-chrétiens. Pourtant, il est primordial de tenter de s'approcher avec le plus d'exactitude possible d'une date puisqu'une bonne compréhension du livre XII est obligatoirement tributaire du contexte

26Jérôme, Commentaire sur Daniel, Prologue (frgt 43a). «cui solertissime responderunt Eusebius Caesariensis episcopus tribus uoluminibus, octauo decimo et nono decimo et uicesimo, Apollinaris quo que unD grandi libro, hoc est uicesimo sexto, et ante hos ex parte Methodius.» Méthode d'Olympe est un apologiste chrétien mort en martyr (ca.?-311) ; Apollinaire de Laodicée est un théologien (c.310-390). 27 Jérôme, Commentaire sur Daniel, Prologue (frgt 43a). «Verum quia nobis propositum est non aduersarii calumniis respondere.»

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historique dans lequel il a été placé. Puisque, nous le verrons, ce contexte n'en est pas un de persécution chrétienne, il faut lire l'ouvrage en conséquence. Le premier chapitre établira donc le moment auquel Porphyre a composé le Contre les Chrétiens.

Ensuite, il existe un problème majeur relié au contenu même du livre XII: il n'existe que dans le cadre biaisé de l'ouvrage d'un apologiste chrétien. Adolf von Harnack a entrepris, au début du siècle, une récolte des fragments ayant appartenu au

Contre les Chrétiens.28 Ce faisant, il a également procédé à la collection des fragments

ayant fait partie, selon lui, du tome XII, ce sans se soucier de leur contexte.29 Or son travail, bien que critiqué, n'a pas été sérieusement révisé. Pourtant, les nouvelles approches méthodologiques indiquent que le contexte auquel appartiennent les fragments en fait partie intégrante, étant donné qu'il a lui-même été créé en réaction à ces mêmes fragments. Afin de mieux connaître le contenu du livre XII de Porphyre, il faut donc le contextualiser dans le Commentaire sur Daniel de Jérôme. Ainsi, le second chapitre de cette étude portera sur ce que Porphyre a écrit dans son tome XII.

Finalement, après avoir déterminé la date de la rédaction du Contre les Chrétiens et en avoir examiné le contenu, il est possible de remettre les fragments portant sur Daniel dans leur contexte historique. Les historiens ne se sont jamais penchés sur la question, s'arrêtant à une citation d'Eusèbe selon eux porteuse des motivations anti-chrétiennes de Porphyre et qui rejette tout le blâme sur le seul Origène pour avoir appliqué la méthode d'interprétation allégorique aux Écritures juives.3o Cependant, le contenu des sources anciennes laisse entendre que c'est plutôt à toute une tradition exégétique que répondait

28 Harnack, (1916).

29 Harnack a numéroté de 1 à 97 les fragments du Contre les Chrétiens qu'il a recueillis. Les fragments 43 et 44 sont ceux qui portent sur le tome XII.

(13)

Porphyre en critiquant le Livre de Daniel. Un troisième et dernier chapitre traitera donc

(14)

Chapitre 1- La controverse entourant la datation du

Contre les Chrétiens

Il existe, au sein de la communauté de spécialistes, une grande controverse entourant la datation des quinze volumes de Porphyre intitulés Contre les Chrétiens. Tous sont d'accord pour affirmer que l'œuvre fut rédigée entre les années 270 et c.300 ap.

J.-c.,

c'est-à-dire avant les Grandes Persécutions de 303-311. Cependant, les historiens ne s'entendent pas sur une date plus précise, ce qui pose un sérieux problème quant à l'interprétation des écrits de Porphyre, d'autant plus que ces derniers survivent sous forme de fragments. En effet, afin de replacer les fragments du tome XII dans leur contexte historique, il importe de les dater. Leur datation passe bien entendu par celle du

Contre les Chrétiens. Les seules pistes que possèdent les érudits au sujet de la date du

traité sont les allusions et réponses faites à Porphyre par d'autres auteurs, principalement apologistes. Certains admettent que les volumes datent des années entourant 270, alors que d'autres, suivant un tout autre raisonnement, penchent vers l'hypothèse 300. Or l'impact des écrits de Porphyre est fonction de la date à laquelle ils furent rédigés. Il est clair que le contenu du Contre les Chrétiens est plus susceptible d'avoir été menaçant pour la communauté chrétienne s'il a été écrit à l'aube du massacre, et que cela orienterait les historiens vers une lecture que ceux-ci considéreraient comme étant la culmination de la «Propaganda War» contre les chrétiens. 1 Ainsi, la datation des fragments devrait permettre une plus grande compréhension du rôle du païen néo-platonicien dans ce qui devait mener aux pires persécutions qu'aient connues les chrétiens des premiers siècles de notre ère. Une datation aux années 270 permettrait, en contrepartie, d'affirmer hors de tout doute que Porphyre n'est aucunement lié à ces événements. La présente étude vise à

(15)

évaluer les critères sur lesquels se sont basés les principaux spécialistes pour dater le

Contre les Chrétiens. Il s'agit donc d'un essai historiographique s'appuyant sur les

sources primaires afin de jauger les divers arguments proposés par les spécialistes afin de déterminer la date de la rédaction du Contre les Chrétiens. Je procéderai donc non pas par ordre chronologique et historiographique, mais plutôt par ordre logique des possibilités. l'éliminerai ou considérerai les arguments inutiles ou primordiaux, le cas échéant. La conclusion sera en mesure de fournir l'approximation la plus plausible qui soit.

En premier lieu, il faut mettre en place les données historiographiques du sujet. Parmi les fragments du Contre les Chrétiens ayant survécu, peu nombreux sont ceux qui fournissent des indications relatives à la date de sa rédaction. Cette situation se reflète dans la littérature, d'ailleurs très peu vaste, car les historiens ont développé des théories fort différentes sur le contexte historique de l'ouvrage. Deux points de vue majeurs dominent donc le débat entourant la datation du Contre les Chrétiens. La première théorie sur la question fut mise en place avant l'ouvrage de J. Bidez, mais fut reprise par lui en 1913 pour devenir traditionnelle, à savoir que Porphyre aurait écrit son traité contre les chrétiens ca.270, alors qu'il était en Sicile? Un demi-siècle plus tard, A. Cameron lui emboîte le pas en ajoutant que Porphyre aurait rédigé le Contre les Chrétiens pendant le règne de l'empereur Aurélien (270-275) et n'aurait pu entamer la rédaction avant la fin de l'année 270 et le début de 271.3 T.D. Barnes est venu contrer cette thèse en affirmant

2 J. Bidez, Vie de Porphyre (Gand, 1913), 67 affirme que cette croyance est traditionnelle et donne Hoistenius et Wolff comme référence.

3

A. Cameron, «The Date of Porphyry's KATA XPŒTIANON,» Class. Quart. 18 (1967): 384 et J-M Demarolle, «La chrétienté à la fin du IIIe siècle et Porphyre,» Greek, Roman, and Byzantine Studies, 12 (1971): 49; Bames (1994), 57; A. von Harnack, «Porphyrius, "Gegen die Christen". 15 Bücher: Zeugnisse, Fragmente und Referate,» AKPAW (1916): Nr.l; B. Croke, «The Era of Porphyry's Anti-Christian Polemic,» JRH 13 (1984): 14.

(16)

d'abord que l'ouvrage datait de 306, pUIS de ca.300, c'est-à-dire qu'il aurait immédiatement précédé la Grande Persécution.4 Il a donc conclu au rôle du traité dans le

déclenchement de l'immense vague de haine qui s'ensuivit, tout comme certains lui ayant emboîté le pas.5 Mais nous verrons, dans la présente étude, comment certains récents

développements s'avèrent soutenir une toute autre thèse se situant entre celle de Bidez et de Bames. En effet, Porphyre est plus susceptible d'avoir rédigé son ouvrage anti-chrétien à une date se rapprochant plus des années 290 que de ca.300.6 Cette date est trop éloignée

du contexte de persécutions imminentes pour conclure au rôle politique que Bames prête au Contre les Chrétiens. Ainsi, il est nécessaire de reprendre point par point les assertions proposées par les spécialistes afin d'établir la conclusion la plus logique qui soit. Celle-ci ne dépendra pas directement, comme nous le verrons, des études sur la datation du Contre

les Chrétiens. Il faudra envisager les arguments touchant à des sujets secondaires mais

ayant des implications directes avec notre propos.

Depuis longtemps, la datation de la composition à ca.270 est soutenue par un indice suggérant que les quinze volumes aient été rédigés lors d'un séjour de Porphyre en Sicile. Eusèbe rapporte, dans son Histoire ecclésiastique, que Porphyre, «qui s'était établi de [son temps] en Sicile,» a écrit «une collection contre (eux) [les chrétiens].»7 Or nous savons qu'il se rendit en Sicile suite à un épisode de dépression en 268 pour une période

4 T.D. Bames, «Porphyry Against the Christians: Date and Attribution of Fragments,» JThS 24 (1973): 442; idem, «Scholarship or Propaganda? Porphyry Against the Christians and its Historical Setting,» BICS 39 (1994): 65; idem, «Monotheists at ail?» Phoenix 55 (2001): 159.

5 Bames (1994), 65; Frend (1987).

6 Frend (1987), 10 a proposé «c.290 or perhaps a little later,» c'est-à-dire assez longtemps avant la persécution pour que l'ouvrage ait eu le temps de connaître un impact.

7 Eusèbe, Histoire ecclésiastique, 6, 19, 2. «0 xa,s,' 7Jlkaç È1I LlXéÀ.frt- xaTaUTaç IIof!rpuf!/oÇ 1TU'Y'rf!alklkam xa,s,' 7JIkQ))I éVUT'Y)fTalkévoQ> Bidez (1913), 103.

(17)

indéterminée.8 Porphyre ne revint à Rome qu'après la mort de Plotin pour y reprendre la

direction de son école.9 La référence à la Sicile chez Eusèbe a suffi à Bidez et à d'autres pour conclure que le Contre les Chrétiens date de cette période allant de 268 au début des années 270.10 Cependant, nous possédons des preuves de subséquents séjours de Porphyre en Sicile dont ces historiens n'ont pas su tenir compte, et Eusèbe n'a jamais affirmé que le philosophe avait rédigé le Contre les Chrétiens en Sicile. L'évêque de Césarée a écrit dans Histoire ecclésiastique en 306 que Porphyre vivait en Sicile à son époque, c'est-à-dire bien après 270, et saint Augustin appelle le païen «Porfyrius Siculus».l1 C'est pourquoi Barnes a suggéré que le philosophe soit allé à Rome immédiatement après la mort de Plotin pour ensuite retourner en SicileY Il s'agit d'une supposition valable puisque Porphyre a écrit Isagoge et De abstinentia en Sicile.13 De plus, s'il était d'humeur

dépressive en 268, il n'était pas apte à écrire quoi que ce soit. Barnes s'est toutefois repris en proposant dans un article ultérieur que le nom «Siculus» serait plus une insulte faite à Porphyre qu'une référence sérieuse à l'endroit où il aurait écrit; Porphyre aurait donc pu écrire ailleurs qu'en Sicile.14 Cependant, la citation d'Eusèbe ne prouve en rien que

8 Cameron (1967): 382 croit qu'il y est resté de 268 à 270/1; Porphyre, Vita Plotini, Il, 15. «Ka/ rrOTé É/l-OU JIO(2rpU(2/ou ?7fT9-éTO ÉÇa'Yé/lI É/l-aUTOll 'à/a1l00U/l-ÉlIOU TOU f3/0U' xa; Éça/rpll'TJç ÉmfTTaç /l-0/ Éli Tl(J O/XqJ 'à/aT(2/BoIT/ xa; eirrwlI /l--Y; dlla/ TaUT'TJlI T-Y;lI rr(2offu/l-/all Éx 1I0é(2afT XaTafTTafTéWç, aM' Éx /l-éÀa?,%oÀ/xi;ç T/1I0Ç 1I0fTOU, arro'à'Y}/l-i;fTa/ ÉxéÀéufTé. JIé/fT9-ÛÇ aUTl(J hw éiç T-Y;lI };lXéÀ/all arp/xo/l-'TJlI JI(2oBoll Tilla axouwlI JMh//l-oll allJ(2a 7rê(2; TO

A/ÀuBa/oll 'à/aT(2/Bé/lI'»

9Eunape, Vitae sophistarum, III 14 p. 9, éd. Bidez (19l3), 49 dit que Porphyre retourne à Rome. «.É\UTOÇ /l-èll OUlI Jrr; T-Y;lI 'pW/l-'TJlI hralli;À9-é ( ... ).» Il est à noter que Porphyre ne se trouvait pas avec Plotin au moment de sa mort en 270, mais en Sicile (Vita Plotini, 2, 31-32 et 11,18-19).

10 Notamment Bidez (1913),67; en partie Cameron (1967),384; selon L. Jerphagnon, «Les sous-entendus anti-chrétien de la Vita Plotini,» MH 47 (1990): 42, le Contre les Chrétiens fut rédigé dans les années 270 et commencé en 268 dès l'arrivée de Porphyre en Sicile.

Il Barnes (1973), 434 et (1994), 61; saint Augustin, Retractationes, 2, 57, 10; voir R.W. Burgess, «The

Dates and Editions of Eusebius' Chronici Canones and Historia Ecclesiastica,» JThS 48 (1997): 482; Croke (1984), 13 avait auparavant daté le livre à 295.

12 Barnes (1973), 433.

\3 Bidez (19l3), 58-59, cité par Bames (1973), 433. L'Isagoge est le titre de la traduction latine de Boèce de

l'Introduction aux catégories d'Aristote de Porphyre. De abstinentia est un traité en faveur du végétarisme. 14 Barnes (1994),61-62. Eusèbe ne dit pas où Porphyre a écrit son traité, mais il l'insulte «for settling in the intellectual backwater of Sicily.» Saint Augustin aurait répété l'insulte.

(18)

Porphyre ait composé son traité en Sicile, car il ne fait que dire que le philosophe vivait en Sicile à son époque - xa,[)-'

i;/haç.

Ces arguments ne permettent donc d'aucune façon de dater le Contre les Chrétiens.

Ensuite, un second fait a poussé les spécialistes à pencher pour 270. Comme l'a observé A. Cameron, «one of the authorities Porphyry drew on was Callinicus Sutorius, a sophist and historian from Petra who taught with great success in Athens in the late third century».15 Selon A. Stein, Callinicus aurait écrit une histoire d'Alexandrie dédiée à une certaine Cléopâtre. 16 La dernière reine Cléopâtre étant décédée depuis des lustres (30 av. J.-C.), Stein a su associer ce qui n'était qu'un surnom à l'ambitieuse reine de Palmyre, Zénobie, qui admirait les Ptolémées.17 Elle aurait, selon une autre supposition de Stein, invité des hommes de lettres à sa cour, dont Longin et possiblement son disciple Callinicus. 18 Or Zénobie a régné de 269 à 271, ce qui implique que Callinicus n'ait pu écrire avant 270 et que, par extension, Porphyre qui le cite n'ait pu le faire avant cette dernière date.19 Il aurait donc écrit sous Aurélien ou après.2o Mais Cameron prend pour acquis qu'il s'agit là d'une datation sûre, et érige à partir de ses conclusions des hypothèses entourant les causes de la publication du Contre les Chrétiens.21 Pourtant il n'a fait que démontrer que l'œuvre n'a pu être écrite avant 270-271, terminus post quem.

15 Cameron (1967),382; Jérôme, Commentaire sur Daniel, Prologue (frgt 43c). 16 A. Stein, «Kallinikos von Petrai,» Hermes 58 (1923): 452.

17 Ibid., 452-5.

18 Ibid., 455; Porphyre, Vita Platini, 19.

19 Cameron (1967), 383. Zénobie fut défaite par l'empereur Aurélien en 271.

20 Ibid., 384.

21 Ibid., 383-4. Cameron affirme que Porphyre a écrit sous Aurélien, qui planifiait une persécution des chrétiens vers la fin de son règne en 274/5, et non sous l'empereur Claude. C'est donc un persécuteur qui l'aurait influencé.

(19)

Cela ne permet en rien d'inférer que Porphyre n'a pas composé son traité à une date bien ultérieure à 270?2

L'année 270 a également en partie interpellé les spécialistes en raison d'une information qui nous est révélée par les apologistes chrétiens Lactance (ca.240-ca.325) et Eusèbe: Aurélien planifiait une vague de persécutions, mais est mort avant de parvenir à ses fins. Cet incident fournirait donc l'hypothèse d'un contexte favorable à la rédaction du

Contre les Chrétiens. Dans De mortibus persecutorum, un ouvrage décrivant la mort

horrible infligée par Dieu aux empereurs ayant persécuté les chrétiens, Lactance écrit qu'Aurélien «a provoqué le courroux de Dieu par ses propres actions cruelles. Mais il ne lui a pas été permis d'exécuter ce qu'il avait planifié.» Selon Lactance, c'est une mort atroce qui l'en a empêché.23 Eusèbe, quant à lui, nous fournit une preuve additionnelle de la préparation de tels événements dans Histoire ecclésiastique, compensant pour les

problèmes liés au De mortibus persecutorum; en effet, il est difficile de savoir si Aurélien

songeait vraiment à une persécution parce qu'il a connu une mort horrible ou bien si cette information est fausse:

Tel était alors Aurélien à notre égard; mais, lorsque son règne eut avancé, il éprouva d'autres sentiments envers nous, et désormais il était excité par certains conseils à réveiller la persécution contre nous; et on en parlait beaucoup parmi tous. Déjà il allait décider, et pour ainsi dire il avait presque signé les édits contre nous, lorsque la

22 De plus, Bames a cité Demarolle comme ayant opté pour 270-271. Or celle-ci n'a fait que prendre parti pour des raisons qu'elle laisse dans l'ombre. [cf. Demarolle (1971), 49]; Pier Franco Beatrice, «Le traité de Porphyre contre les chrétiens. L'état de la question,» Kernos 4 (1991): 119, admet que l'argument de Cameron est plausible, voire même déterminant.

23 Lactance, De mortibus persecutorum, 6. «Aurelianus, qui esset natura vesanus et praeceps, quamvis captivitatem Valeriani meminisset, tamen oblitus sceleris eius et poenae iram dei crudelibus factis lacessivit. Verum illi ne perficere quidem quae cogitaverat licuit, sed protinus inter initia sui furoris extinctus est. Nondum ad provincias ulteriores cruenta eius scripta pervenerant, et iam Caenofrurio, qui locus est Thraciae, cruentus ipse humi iacebat falsa quadam suspicione ab amicis suis interemptus.» [une

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justice divine l'atteignit et le retint comme par le bras, pour le détourner de cette tentative, donnant à voir clairement à tous qu'il n'y aurait jamais de facilité pour les princes de ce monde contre les Églises du Christ, à moins que la main qui nous protège ne permît, par un jugement divin et céleste, de le faire pour nous instruire et nous corriger, dans les temps où elle le jugerait bon.24

Ces références justifient également une datation aux années 270-275 (fin du règne d'Aurélien), comme l'a avancé Cameron, puisque le Contre les Chrétiens peut très bien avoir été réalisé dans ce contexte de persécution. Mais elles ne permettent de tirer aucune conclusion sûre.

Considérons maintenant les éléments ayant mené à une datation ca.300. La première suggestion que le Contre les Chrétiens ait été rédigé bien après 270 nous vient de H. Chadwick. Ce dernier s'est intéressé au «philosopher satirised by Lactantius who was active as an anti-Christian pamphleteer in Nicomedia in the spring of 303,» c'est-à-dire à l'aube de la Grande Persécution?5 Chadwick l'a associé à Porphyre; une telle association, si fiable, jetterait une toute autre lumière sur le rôle de Porphyre dans l'événement.26 Lactance qualifie l'inconnu de «prêtre de la philosophie» qui, alors qu'il

professe la continence et autres vertus, pratique en fait chez lui en secret les pires vices

traduction personnelle est fournie pour les textes de cette étude, à moins qu'une traduction française ne figure en bibliographie]

24 Eusèbe, Histoire ecclésiastique, 7, 30, 20, 21, 22. «T%Îho~ p,éll 'Yé T/~ 1;11 TO T'Y)lI/xâ~e rreei i;p,a~ (;

Aue'Y)À/allo~, rre%uO"'Y)~ ~' aUTijJ Tij~ aexij~ aM%ll T/

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i;p,WlI cpeolli;ua~, ?1~ T/uill (3ouÀa/~, w~ all ~/W'YP,Oll xa;)' 7;p,WlI éyefeetell, allex/lIei'To, rroÀu~ Te 1;11 (; rraeà rraU/lI rreei TOUTOU Àho~. p,éMOllTa ~e ?1~'YJ xai uxe~oll eirre/ll TO/~ xa;)' 7;p,WlI 'Y(!â{.L{.Lau/lI ImOU'YJ{.Le/oU{.LellOll ;}e/a {.LéTe/U/lI ~fX'YJ, {.L01l01l OUXi Éç a'YxwlIwlI Tij~ É'Yxe/(!0uew~ aUTOll

arro~eU{.LOUua Àa{.LrreW~ Te TO/~ rraU/lI UUlloeall rrae/UTwua W~ ovrrOTe 'YillO/T' all éçr,UTWlI'YJ TO/~ TOU (3fou a(!XOUU/lI xaTa TWlI TOU Xe/UTOU ÉxXÀ'Y)U/WlI, wh ouxi Tij~ urre(!{.Lâxou xe/(!o~ ;}efçr, xai oueallfqJ xefue/ rra/~efa~ ëwexa xai É7rlUTeOcpij~, xa;)' OÜ~ all aUT-Y; ~ox/p,âÇo/ xa/eou~, TOUT' ÉrrtTeÀe/u;}a/ UU'Y%W(!OUO"'Y)~.»

25 Barnes (1994), 58.

26 H. Chadwick, The Sentences of Sextus (Cambridge, 1959), 142-3; Lactance, Institutions divines 5, 2, 2-12. «Ego cum in Bithynia oratorias litteras accitus docerem, contigissetque ut eodem tempore dei templum euerteretur, duo extiterunt ibidem qui iacenti atque abiectae ueritati nescio utrum superbius an importunius insultarent.. ( ... ) Alius earndem materiam mordacius scripsit, qui erat tum e numero iudicum et qui auctor in prirnis faciendae persecutionis fuit: quo scelere non contentus, etiam perscutionis fuit ( ... ).»

(21)

(avarice, luxure et gourmandise qui sont - soit dit en passant - trois des sept péchés capitaux). Nous pourrions associer Porphyre à cette description, entre autres car son mariage avec une femme plus âgée et très riche présumée juive (Marcella) aurait scandalisé sa famille et l'opinion publique.27 Or selon Barnes, le disciple végétarien et ascétique de Plotin pourrait difficilement être taxé du péché de gourmandise?8 De plus, Lactance mentionne trois livres ayant été écrits par le philosophe, alors que la Souda mentionne quinze tomes pour le Contre les Chrétiens?9 D'après Barnes, la soi-disant

pauvreté intellectuelle de l' œuvre, telle que soulignée par l'apologiste chrétien, est également difficilement réconciliable avec l'impact des propos de Porphyre contre le christianisme, ces derniers égalant en ampleur ceux de Celse et de l'empereur Julien, puisque Lactance lui a dévoué sept livres de ses Institutions divines afin de réfuter ses

arguments?O Cependant, il ne faut pas perdre de vue les motivations de Barnes qui croyait à l'époque que le Contre les Chrétiens avait été écrit après 300. En effet, si Lactance ne

fait pas allusion à Porphyre dans ce passage cela signifie, selon Barnes, qu'il n'a pas encore écrit son ouvrage menaçant, puisque l'apologiste a professé de répondre à tous ceux ayant vainement attaqué le christianisme.31 Barnes ne croit donc pas que Lactance répondait au Contre les Chrétiens dans ses Institutions divines. Il nous faut oublier 303 en

tant que date sûre, ainsi que l'argument directement engendré par une telle datation, à

27Codex Tubingensis, Fragmente griechischer Theosophien, éd. par Hartmut Erbse (Hamburg, 1941) 201, 1-5, in Smith (1993), 15; Porphyre, Ad Marcel/am, 1; E.D Digeser, The Making of a Christian Empire: Lactantius and Rome (Ithaca, 2000), 93.

28 Bames (1994), 59; il à est noter que Lactance fait peut-être une satyre de Porphyre.

29 Bames (1973), 438; selon R.L. Wilken, Christians as the Romans saw them (New Haven, 1984), 134-7 et Digeser (2000), 93-107, ces trois tomes appartiennent à La Philosophie des oracles. La philosophie des

oracles est un traité qui survit sous forme fragmentaire et qui «nous donne tout un système de théurgie à l'usage des prêtres des mystères païens.» [Bidez (1913), 17]

30Bames (1973), 439. Les Institutions divines de Lactance ont été composées pendant la Grande Persécution et visent à défendre le christianisme. L'auteur païen Celse (Ile siècle) a écrit Le Discours Vrai contre les chrétiens.

(22)

savoir que le Contre les Chrétiens fut lié intrinsèquement aux pourparlers de 302 ou 303 ayant précédé la Grande Persécution.32

Un second fait impliquant une datation tardive du Contre les Chrétiens est la possibilité que Porphyre ait écrit une chronique.33 Celle-ci couvrirait l'histoire de la chute de Troie jusqu'au règne de l'empereur Claude II (septembre 268-août 270).34 Eusèbe de Césarée en aurait cité de longs extraits dans sa Chronique, sans toutefois en mentionner le titre, notamment pour sa chronologie des successeurs d'Alexandre le Grand, de la dynastie des Ptolémées et de la monarchie macédonienne?5 Pendant longtemps les historiens ont pris pour acquis que Porphyre avait écrit une chronique qui incluait les recherches sur lesquelles reposaient le Contre les Chrétiens. Puisque Porphyre démontre, dans son traité anti-chrétien, que le Livre de Daniel fut écrit pendant le règne d'Antiochos IV Épiphane, il se serait appuyé sur ses recherches réalisées lors de la rédaction de sa chronique puisqu'elle couvre le même sujet, c'est-à-dire le règne d'Antiochos IV. Ces deux ouvrages de Porphyre doivent, par conséquent, avoir utilisé l'histoire d'Alexandrie rédigée par Callinicus (et non uniquement le Contre les Chrétiens). Bames en conclut donc que le Contre les Chrétiens n'a pu être rédigé immédiatement après que Porphyre eut reçu une copie du livre de Callinicus, puisqu'il devait auparavant écrire sa chronique.36 Or rien ne prouve que l'ouvrage contre les chrétiens a pu être inspiré de la

chronique (l'inverse étant tout aussi plausible). De plus, un problème majeur invalide cet

32 Nous connaissons l'existence de cette cour grâce à Lactance, Institutions divines 5, 2, 3 et Mortibus

persecutorum 10,3-8.

33Bames (1973), 435; Bidez (1913),64 admet l'existence d'une telle chronique; F. Jacoby, Die Fragmente

der griechischen Historiker (Berlin, 1923) en a recueilli les fragments dans la Chronique d'Eusèbe sous la

numérotation 260F 1-3, 31-32.

34 Barnes (1973), 435; Eusèbe, Chronique, éd. Jacoby (1923), 260F T2.

35 Bames (1973), 435; Eusèbe, Chronique, éd. Jacoby (1923), 260F 2, 3. La Chronique d'Eusèbe est une liste datée d'événements de la Création à 303.

(23)

argument, à savoir que nous n'avons pas de preuves tangibles de l'existence d'une telle chronique. Ainsi, selon B. Croke, Eusèbe n'a fait que mentionner «les écrits de Porphyre», ce qui ne signifie pas que celui-ci ait rédigé une chronique.37 De plus, la liste évoquée se trouvait dans le livre XII du Contre les Chrétiens, d'après le Commentaire sur

Daniel de saint Jérôme.38 Bames reviendra d'ailleurs lui-même sur ses dires en alléguant

que Porphyre n'a jamais écrit de chronique.39 Nous ne pouvons donc pas utiliser celle-ci

afin de dater Contre les Chrétiens.

Une troisième preuve utilisée pour repousser la date de la rédaction du Contre les Chrétiens est une citation de cet ouvrage faite par saint Jérôme. Selon Jérôme, Porphyre a

dit que «la Bretagne était une province fertile en tyrans.» 40 Bames s'est donc demandé

quels étaient les despotes ayant vécu à cet endroit, comprenant le mot «tyranni» comme signifiant usurpateurs, et a dressé la liste de ceux étant apparus en Bretagne romaine.41 Il

37 B. Croke, «Porphyry's anti-Christian Chronology,» JThS n.s. 34 (1983), 181; thèse soutenue par Beatrice (1992), 353. Eusèbe, Chronique, éd. Jacoby (1923),260 F2. «0; f.hsTà 'AÀéçallO'eoll TOll MaKsO'olla Al"(l;7TTOU Ka; 'AÀsçallO'eelaç !3arTlÀsuuallTsç alTO Tilç [Joerpuefou tearpijç.»

38 Croke (1983), 182; Jérôme, Commentaire sur Daniel, Prologue (frgt 43c); selon Harnack (1916), frgt 43h les informations de Jérôme, Commentaire sur Daniel, 5, 1 proviennent de cette chronique de Porphyre. 39 Selon Barnes (1994), 55, «the only apparent explicit quotation from Porphyry's Chronicle occurs in August Müller's German translation of a ninth century Arab writer, who cites it for the fact that Thales, the son of Mallus the Milesian, was the tirst of the seven sages [A. Müller, Die griechischen Philosophen in der arabischen überlieferung (Halle, 1873), 5, trad. de l'éd. De al-Nadim par G. F1ügel, Kitâb al-Fihrist

(Leipzig, 1871-2) 1.245, lignes 13-14]. Selon Barnes (1994),55 et Croke (1983), 169, cet Arabe aurait dit avoir étudié une version syrienne de la chronique de Porphyre. Mais selon Croke (1983), 170, un autre Arabe cite la version syrienne de l'Historia philosopharum de Porphyre pour la même information à propos

de Thales. Or Eusèbe a cité cette Historia philosopharum dans le liber prior de sa Chronique.

L'information au sujet de la chronique de Porphyre telle qu'obtenue par le premier arabe mentionné est donc douteuse, selon Croke. Barnes ajoute que la Souda n'a pas inclus de chronique de Porphyre dans la liste de ses ouvrages, ce qui confirme qu'elle n'a pas existé.

4°Barnes (1973), 436; E.D. Digeser, «Lactantius, Porphyry, and the Debate over Religious Toleration,».JRS 138 (1998): 134; Jérôme, Epistulae 133, 9, éd. Harnack (1916), frgt 82. «et - quod solet nobis obicere

contubernalis vester Porphyrius - qua ratione clemens et misericors deus ab Adam usque ad Moysen et a Moyse usque ad adventum Christi passus sit universas gentes perire ignorantia legis et mandatorum dei. Neque enim Britannia fertilis provincia tyrannorum et Scoticae gentes ornnesque usque ad Oceanurn per circuitum barbarae nationes Moysen prophetasque cognoverant. Quid necesse fuit eum in ultimo venire tempore et non priusquam innumerabilis periret hominum multido?» (Harnack, frgt. 82). Jacoby (1923), F61 a lui aussi préservé ce fragment.

41 Selon Barnes (1973), 436, dans l'empire romain tardif, le terme «tyrannus» signifie habituellement usurpateur; les tyrans sont D. Claudius Albinus (193-196/7), gouverneur anonyme de la Bretagne romaine

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déduit de ses recherches que Porphyre n'a pu écrire avant l'usurpation du pouvoir par Carausius, ce qui fixerait un nouveau terminus post quem.42 D'autre part, Barnes ne croit pas que cette allusion puisse faire référence à des personnages mineurs comme Carausius et Allectus.43 Il serait plus logique, selon Barnes, que la cible de la remarque de Porphyre soit Constantin, ayant réclamé le trône en 306, et l'historien est donc tenté d'admettre que le philosophe ait écrit dans le territoire de l'empereur Maxence, membre de la tétrarchie, ayant contrôlé l'Italie et la Sicile entre 306 et 312 et ayant cessé de reconnaître l'autorité de Constantin en 307.44 Mais Barnes est également d'avis qu'il faille se montrer prudent face à cette source, étant donné qu'une allusion à Carausius demeure possible et que l'autorité de Jacoby et Harnack ne garantit pas que Porphyre soit l'auteur de mots pouvant être attribués à Jérôme.45 Cependant, Barnes, qui souhaite démontrer que le Contre les Chrétiens date de ca.300, ne tient pas compte du fait que l'empereur Constantin ne peut

figurer parmi la liste des tyrans, puisque Porphyre était fort probablement mort au moment où Constantin a pris le pouvoir.46 Les usurpateurs auxquels fait référence le néo-platonicien sont donc forcément soit à la fois le gouverneur anonyme, Carausius et Allectus, soit le gouverneur et Carausius seuls (dans le cas où Porphyre aurait écrit juste avant Allectus), puisque le Contre les Chrétiens a été composé au IIIe siècle. Nous

pouvons ainsi fixer un nouveau terminus post quem au début des années 290.

(ca.286-93), Allectus (293-6), Constantin (306), Carausius ou Censeris (pendant le règne de l'empereur Constantius II 337-360), Magnus Maximus (proclamé Auguste en 382 ou 383) et enfin Marcus, Gratien et Constantin, successivement proclamés empereurs par l'armée britannique en 407.

42 Barnes (1973), 437. Barnes avait démontré aux pages 434-5 que Porphyre ne pouvait avoir écrit le Contre

les Chrétiens que très longtemps après 270. Or le gouverneur anonyme s'est rebellé entre 276 et 282.

43 Ibid., 437. 44 Ibid.

45 Ibid.; Croke (1984), 9 est d'avis que Jérôme ait très bien pu faire allusion à des tyrans lui étant contemporains (407); toutefois, Jérôme ne peut être l'auteur du commentaire sur les usurpateurs car il écrivait à Jérusalem plusieurs années après que la Bretagne romaine eut été perdue aux mains des Angles et des Saxons.

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D'autre part, afin de mieux soutenir sa thèse stipulant que Porphyre aurait écrit le

Contre les Chrétiens au début du IVe siècle, Bames croit pouvoir affirmer que l'absence

de références faites à cet ouvrage dans l'Introduction élémentaire générale et le Contre Hiéroclès d'Eusèbe, ainsi que dans les Institutions divines de Lactance, signifie hors de

tout doute que l'ouvrage du néo-platonicien n'existait pas encore au moment de leur rédaction.47 C'est pourquoi Bames croit que Porphyre a écrit après que Constantin eut usurpé le pouvoir. Or selon Croke, le fait qu'Eusèbe ne mentionne pas le Contre les Chrétiens dans son Introduction élémentaire générale (ou du moins dans ce qu'il en

reste) ne prouve rien puisque l'évêque de Césarée y parle du prophète Danie1.48 En effet, Eusèbe traite de Daniel également dans la Démonstration évangélique (écrite en ca.313-5)

alors qu'il connaît le traité de Porphyre, et ce sans faire référence au philosophe, ce qui sous-entend qu'il n'a pas été particulièrement ébranlé par ses propos.49 Quant à Lactance, il ne nomme jamais ceux qu'il oppose pour des raisons de conventions rhétoriques et

semble répondre, dans ses Institutions divines, à certaines questions que Porphyre a

46 Souda, s.v. Porphyrios, 2, 2098, éd. A. Adler, in Smith (1993), 6. «rraea'TellIaç éwç i1lOxÀ'Y}'Tlallou.» Porphyre a donc vécu jusqu'à l'époque de Dioclétien, probablement jusqu'à son abdication en 305.

47Barnes (1973), 438-9; l'Introduction élémentaire générale, comprenant dix volumes dont seuls les livres 6 à 9 survivent sous le nom d'Eclogae prophetica (quelques fragments des autres livres existent encore), a été rédigé pendant la Grande Persécution [303-313 selon Croke (1984), 5]. Cet ouvrage était une introduction générale à la théologie; Bames (1973), 440-41. Le Contre Hiéroclès [ca.311-3 selon Croke (1984), 5] a été rédigé en réponse au Philalèthe de Hiéroclès (philosophe néo-platonicien). Ce dernier visait à glorifier Apollonius de Tyane, philosophe et mathématicien (298), en se servant de la biographie d'Apollonius -écrite par le philosophe Philo strate (c.170-245) - pour en faire le rival de Jésus Christ. Selon Barnes, Porphyre a écrit après Hiéroclès, car Eusèbe dit dans son Contre Hiéroclès i, 1 que Hiéroclès est le premier à avoir comparé Jésus à Apollonius. Dans Jérôme, Breviarum in psalmos, 131,2 nous avons la preuve que Porphyre ait fait cette comparaison.

48 Croke (1984), 6.

49 Croke (1984), 6; Eusèbe, Demonstratio evangelica 8, 2,55. La Démonstration évangélique est la seconde partie d'un ensemble de deux ouvrages (la première étant la Démonstration évangélique), dans laquelle Eusèbe justifie à la fois le rejet de la religion et de la philosophie des Grecs par les chrétiens au profit de celles des juifs, et le rejet du mode de vie des juifs. Selon Croke, Jérôme, dans son Breviarum in psalmos, n'a jamais dit que Porphyre avait fait une comparaison systématique entre Jésus et Apollonius. Il n'est donc pas possible de prendre pour acquis que Porphyre ait écrit après Hiéroclès.

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soulevées dans son Contre les Chrétiens. 50 Nous ne pouvons donc pas tenir compte des

conclusions de Barnes.

D'autre part, Barnes a révisé sa thèse pour c.300 dans un article ultérieur.51 Il y réitère toutefois l'importance politique du Contre les Chrétiens dans le cadre de la Grande Persécution en utilisant deux passages d'Eusèbe. Le premier résume, selon Barnes, l'ouvrage Contre les chrétiens en expliquant l'opinion qu'un Grec puisse avoir au sujet du christianisme, religion se détournant des dieux et méritant donc un châtiment sévère. 52

Quant au second, Porphyre y attaque l'apologiste chrétien Origène (185-254) en contrastant le christianisme avec la légalité. 53 Cela signifierait que selon le philosophe

néo-platonicien, les chrétiens devaient être punis pour illégalité. 54 Il était donc normal de

les emprisonner et de les exécuter pour leur religion. Mais Barnes confond ici le contenu du Contre les Chrétiens avec celui de la Philosophie des oracles. 55 Ce dernier argument

ne permet donc pas de conclure au rôle politique du Contre les Chrétiens.

Il est nécessaire toutefois de vérifier la date de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe fixée à 306 par R.W. Burgess car si cette date est valide, alors le Contre les Chrétiens a

50 E.D. Digeser, «Persecution and the Art of Reading: Exegesis in Lactantius' Divine Institutes.» Conférence présentée à "The First Christian Humanist: Lactantius in Late Antiquity and the Renaissance" pour Center of Medieval Studies, Université du Minnesota, 2000, 3 et 19-20; Croke (1984), 6-7, 9-10 et 13

a démonté l'argumentation e silenlio de Bames.

51 Bames (1994), 59. Ce qui l'a convaincu est le fait que Croke ait réussi à démontrer que Porphyre n'a jamais écrit de chronique. Bames est d'accord avec le fait qu'Eusèbe ait dû se servir de la chronologie présente dans le tome XII du Contre les Chrétiens plutôt que d'une chronique sur laquelle Porphyre aurait

basé son traité anti-chrétien. De plus, Bames ajoute que le fait que Porphyre, qui parle des chrétiens dans sa

Vie de Plotin, 16 ne mentionne pas son Contre les Chrétiens, signifie que celui-ci n'existait pas encore en

300-1 au moment de la rédaction de sa biographie de Plotin [Bames (1994),62]. Or Porphyre ne mentionne pas la plupart de ses ouvrages ailleurs, et le passage de la Vie de Plotin réfère plutôt aux gnostiques,

appartenant à une secte chrétienne.

52 Eusèbe, Praeparatio evangelica, 1, 2, 2-4. 53 Eusèbe, Histoire ecclésiastique, 6, 19,7. 54 Bames (1994), 65.

55 U. von Wilamowitz-Mollendorff, «Ein Bruchstück aus der Schrift des Porphyrius gegen die Christen,» ZNWKU 1 (1900): 10 1. Cet article date de 1900; ce passage est donc associé depuis longtemps à La Philosophie des oracles; voir aussi Wilken (1984), 158.

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pour terminus ante quem l'année 306.56 Croke avait fixé la date de l'ouvrage à 295.57 Selon lui, la première publication de la Chronique d'Eusèbe (dans laquelle est cité Porphyre) date plus de la fin des années 280 que des années 277-78, comme l'a affirmé Barnes.58 Ce dernier croit en effet que la Chronique et l'Histoire ecclésiastique ont été composées avant la fin du Ille siècle. 59 Barnes se base sur une citation de saint Jérôme qui

affirme, en préface de sa traduction latine des Canons, que «the gazetteer was composed after the ten books of Eusebius' Ecclesiastical History and after the Chronological

Canons».60 Croke n'est pas d'avis toutefois que l'ouvrage ait été rédigé juste après le

dernier événement listé (c'est-à-dire vers la fin des années 270), ainsi que l'a déduit Barnes.61 Cela signifierait que la Chronique aurait été réalisée par un jeune homme de vingt ans, ce qui ne semble pas être valable puisque cette œuvre n'est pas celle d'un novice.62 Croke préfère donc dater ces écrits à la fin des années 280.63 Il date ensuite l'apparition des sept livres d' Histoire ecclésiastique à c.295 d'après la reconstruction de Barnes.64 Puis, il démontre que, contrairement à ce que Barnes a insinué, les allusions à Porphyre n'ont pas été simplement ajoutées aux éditions ultérieures Gusqu'en 326, ce qui permettrait de dater le texte tardivement), mais bien qu'elles proviennent des premiers exemplaires.65 «It seems, therefore, that Eusebius did after aIl use Against the Christians in works written in the 280s and c.295, a fact which by itself puts paid to any suggestion

56 Burgess (1997): 482. 57 Croke (1984), 13.

58 Croke (1984), 10; Bames, Constantine and Eusebius (Cambridge, 1981), Ill.

59 Bames (1981), 111.

60 Ibid. Le titre Chronological Canons réfère à la Chronique d'Eusèbe (Chronici canones).

61 Croke (1984), 10.

62 Ibid.; selon R.W. Burgess, «The Dates and Editions of Eusebius' Chronici Canones and Historia

Ecc/esiastica,» JThS 48 (1997): 475, il n'avait pas plus de dix-sept ans. 63 Croke (1984), 10.

64 Croke (1984), 10; Bames, «The Editions of Eusebius' Ecc/esiastical History,» GBRS 21 (1980): 191-201. 65 Bames (1973), 441; Croke (1984), 10-13.

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