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"Le présent liquide. Peurs sociales et obsession sécuritaire", de Zygmunt Bauman

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Academic year: 2021

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Submitted on 20 Apr 2021

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”Le présent liquide. Peurs sociales et obsession

sécuritaire”, de Zygmunt Bauman

Marc Dumont

To cite this version:

Marc Dumont. ”Le présent liquide. Peurs sociales et obsession sécuritaire”, de Zygmunt Bauman. 2007, pp.228-230. �halshs-03203381�

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Il faut se méfier des titres des ouvrages traduits en français et de l’effet parfois déformant de leur titre, qui peut être en grand décalage par rapport à leur langue d’écriture d’origine. Dans le cas précis, tout laisse en effet penser qu’on a af-faire à une version remaniée d’un argument porté par le sociologue polonais depuis quelques an-nées, il n’en est rien. Modus vivendi. Inferno et

utopia del mundo liquido (paru initialement aux

éditions Laterza la même année, le titre est un clin d’œil explicite à l’auteur des Villes invisibles, Italo Calvino pour lequel qu’il n’y a pas d’autres enfers sur terre que ceux que les hommes se don-nent par leurs choix) est l’occasion de souligner plusieurs grandes qualités de son auteur. Celle, d’abord, de la constance dans l’analyse précise et systématique des réalités contemporaines, à laquelle s’ajoute une grande discrétion de

recherche. Bauman n’utilise en effet jamais « l’autoréférence » très courante en sciences sociales (références constantes voire exclusives aux travaux antérieurs qu’il aurait mené), mais reste en permanence ouvert aux travaux de recherche les plus récents qu’il connaît, ras-semble, examine avec soin sans les tordre à ses objectifs de démonstration, se laissant déranger par chacun d’entre eux. Et c’est dans cette veille méticuleuse et constante que réside la clé d’explication du renouvellement, à chacune de ses sorties d’ouvrage, de ses approches et angles d’analyse.

En à peine une dizaine de pages, l’introduc-tion constitue une synthèse magistrale brossant cinq traits des sociétés contemporaines : la mo-dernité liquide (en tant que nouvelle phase de la modernité), une dissociation pouvoirs/politique, une érosion des garanties communes (sécurités sociales...), un effondrement de la réflexion et de

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l’action à long terme ainsi que des structures so-ciales dans lesquelles celles-ci pouvaient s’ins-crire et se penser (permettant par exemple, au niveau de l’individu, de s'organiser en termes de « carrière »), enfin, une disparition de toute forme de responsabilité collective : la moindre décision repose désormais principalement dans les mains de l’individu qui n’a d’autre responsable à qui s’en prendre de leurs conséquences, que lui-même.

Ces cinq traits contribuent à produire une

situation d’incertitude (le terme est important)

généralisée qui posent de manière plus vive que jamais nombre d'interrogations existentielles. Partant de ce noyau dur, Bauman se donne pour objectif d’analyser les causes de cette incertitude : généralisation des peurs (justice inexistante, le mot même perdant tout son sens, par exemple sur un plan international par les camps des américains et leurs exactions) et liquidité du capital qui produi-sent un souci constant et croissant d’une « sécurité personnelle ». Cette sécurité personnelle en de-vient un acteur de premier plan : tant des poli-tiques que des préoccupations de chacun au quotidien (sécurité sociale, de son avenir, tout autant que matérielle). On apprécie spécialement le langage clair et souvent percutant de Bauman qui parle à ce sujet de « panique sécuritaire et de stocks de peurs » exploitées à plein régime par les gouvernants, dont la disparition du politique est pour lui une des clés centrales d’explication : « il nous manque les outils qui permettraient à la politique de retrouver le niveau où le pouvoir s’est déjà établi et qui nous restitueraient le contrôle des forces qui définissent notre condi-tion partagée tout en fixant la gamme des possi-bilités et des limites de notre choix. Ce contrôle

nous a échappé ou nous a été arraché. Le démon de la peur ne sera pas exorcisé tant que nous n’aurons pas construit ces outils » (39)

Son analyse se décline donc en cinq chapitres évoquant tour à tour la modernité liquide et ses

peurs (terrorisme, pédophilie) - dans lequel il

reprend des thèmes de Vies perdues en soulignant que si l’État se retire de certains domaines, il en réinvestit massivement d’autres, se relocalise sur le pénal, le sécuritaire et le police, auquel fait suite une analyse de l'évolution du mythe du pro-grès (l’humanité en marche). Puis, un chapitre concernant l’État et la gestion des peurs où il sou-ligne que l’État ne gère plus des biens - communs et ceux de l'intégrité individuelle - mais des

peurs. Et ce sont alors les individus qui se

retrouvent obligés de se substituer à lui en vue de pérenniser les effets attendus de ces biens classiques, d'où une différenciation très impor-tantes selon qu'on en dispose ou non des com-pétences à « gérer les biens » : nombre d'entre eux se retrouvent dépossédés, démunis, d’où l’accentuation de situation d’exclusion.

Dans un quatrième temps, « si proches, si dis-tants », le sociologue attaque le problème de la ville, ici encore une nouveauté. Il y souligne que les villes deviennent les « dépotoirs des problèmes mondialisés », puisque tout s’y cris-tallise dans une ère de circulation généralisée où personne n'est responsable de rien, impliquant des « politiques urbaines surchargées ». On ne peut s’empêcher de rapprocher cette analyse des moments récents de manifestation qui en prou-vent l’efficacité et les rendent convaincantes, telles que l’affaire des tentes parisiennes. Oui, Paris s’y est bien faite ville « dépotoirs des dé-chets mondialisés » par ces migrants polonais et

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américains en quête de travail et de reconnais-sance sociale ; elle a vu également se confronter des institutions locales et régionales à leur inca-pacité d’assurer la responsabilité de questions de crise dont les dimensions spatiales (celles du Monde) les dépassaient dans une très large me-sure, ouvrant la question d’une gouvernance mon-diale des migrations transnationales et des marchés du travail ouvert par le capitalisme international.

À ce phénomène de concentration des pro-blèmes mondialisé en fait face un autre, celui de la prise de distance et de l'émergence croissante d'enclaves, périurbaines ou autre, sur lequel l’auteur a quelques pages sombres et dures et que l’on incitera d’autant plus à parcourir. Il achève alors sur l'effrayante « utopie à l’heure de l’incer-titude » : nous y sommes contraints de devenir des chasseurs au risque de devenir des gibiers. Le progrès n’est plus « aller de l’avant » mais celui d’« efforts désespérés pour ne pas sortir de la course » (133). Nous ne vivons plus « vers une utopie » mais « dans une utopie », « une utopie qui ne donne pas de sens à la vie, qu’il soit authentique ou frauduleux. Elle aide seulement à repousser les interrogations sur le sens de la vie » (133). On regrettera simplement au bout du compte que Bauman sous-estime le rôle du temps. Parce que la chasse au lièvre reste aussi une course, une accélération emballée qui em-pêche les individus de s’emparer de ce temps et, ce faisant, de se saisir de leur condition politique.

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