• Aucun résultat trouvé

La politique agricole commune dans l'étau de l'Uruguay-Round

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La politique agricole commune dans l'étau de l'Uruguay-Round"

Copied!
31
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-01607063

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01607063

Submitted on 2 Oct 2017

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License

l’Uruguay-Round

Herve Guyomard, Louis Pascal Mahe

To cite this version:

Herve Guyomard, Louis Pascal Mahe. La politique agricole commune dans l’étau de l’Uruguay-Round. 1992, 29 p. �hal-01607063�

(2)

Economiques et Sociales

de Rennes

Sociologiè Rurales

de Rennes

65, rue de St-Brieuc

35M2

Rennes cedex

L . -_ _. .~ _

LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

DANS L'ETAU DE L'URUGUAY ROUND

par

Hervé GUYOMARD, Louis Pascal

MAHE

Juin 1992

DOCUMENT DE TRAVAIL N"97.-01

(3)

LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

DANS L'ETAU DE L'URUGUAY ROUND

par

*

-Hervé GUYOMARD, Louis Pascal MAHE

I.N.R.A. - Station d'Economie et Sociologie Rurales de Rennes - 65, rue de St-Brieuc· 35042 Rennes Cédex (France).

.. E.N.S.A. - Département des Sciences Economiques et Sociales de Rennes - 65, rue de St-Brieuc - 35042 Rennes Cédex (France)

(4)

LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

DANS L'ETAU DE l'URUGUAY ROUND

Hervé Guyomard et Louis Pascal Mahé INRA-ENSA Rennes

1.INTRODUCTION

Une réfonne de la Politique Agricole Commune (PAC) de la Communauté Economique Européenne (CEE) ne peut plus être évitéel . Le soutien des prix intérieurs à des niveaux nettement plus élevés que les prix mondiaux, déjà difficile à justifier au plan économique dans une situation d'importateur net, devient insoutenable à moyen et long tenne, sur les plans économique et politique, dans une CEE devenue exportatrice nette pour la quasi-totalité des produits agricoles de zone tempérée.

Toujours sur le métier, sans cesse reportée, cette "nécessaire" réfonne de la PAC est d'ailleurs à l'ordre du jour pennanent depuis au moins 1968 (plan Mansholt). De nombreux projets, présentés dans différents documents de réflexion de la Commission des Communautés Européennes (CCE), n'ont cependant eu que peu de conséquences sur le fonctionnement des Organisations Communes de Marché (OCM),

à

l'exception toutefois de l'OCM lait réglementée par un quota de production depuis Avril 1984 et, dans une moindre mesure, des stabilisateurs budgétaires introduits en 1988 pour les céréales et les oléagineux. La politique de soutien et de stabilisation des revenus par les prix et son corollaire - restitutions variables à l'exportation et prélèvements variables à l'importation - sont toujours à la base du fonctionnement des principales OCM. Différentes mesures prises depuis 1984 ont certes pour objectif premier de freiner la croissance des dépenses agricoles, confonnément aux décisions prises lors du Conseil Européen au Sommet de Fontainebleau de Juin 1984, mais elles ne remettent pas en cause les principes de base de la PAC et ne pennettent pas de résoudre de manière durable ses dysfonctionnements.

En Février 1991, puis en Juillet de la même année (COM(91) 258 final), la Commission a exposé, une nouvelle fois, ses réflexions sur "l'état de la PAC" et sur la nécessité d'une réfonne en profondeur. Ce projet de réfonne comporte certes des points communs avec les propositions ou réfonnes antérieures, comme le retrait de ressources productives (retraite, aide à la cessation d'activité, gel des terres), mais il s'en différencie nettement par sa cohérence

1Ce texte a été écrit avant J'adoption de la réfonne de la PAC enMai 1992, réfonne globalement fidèle aux principes et aux modalités du projet présenté par la Commission des Communautés Européennes en Juillet 1991.

(5)

globale alors que les réfonnes précédentes avaient surtout recours

à

des expédients particuliers

à telle ou telle production. TI implique en effet une réorientation profonde des modalités de soutien, les aides directes aux facteurs de production remplaçant en grande partie les aides aux produits. TI ne répond pas à la seule logique des économies budgétaires, même si celle-ci est déterminante dans une perspective de long tenne, carilvise àobtenir des effets induits positifs sur la demande intérieure, et insiste sur la nécessité de faire jouer un rôle accru aux lois du marché tout en essayant d'intégrer les contraintes agricoles internationales.

Le projet Mc Sharry de réfonne de la PAC s'inscrit en effet dans un contexte plus global qu'il est impossible d'ignorer et qui fait que la réfonne de la PAC, économiquement nécessaire, est sans doute aujourd'hui politiquement réalisable; mais jusqu'à quel point?

Longtemps pierre angulaire de l'édifice communautaire, la PAC est en effet aujourd'hui perçue comme un obstacle à la construction européenne, en raison notamment de son coût disproportionné par rapport à la place du secteur primaire dans le Produit Intérieur Brut de la Communauté et de ses règles de fonctionnement incompatibles, ou du moins difficilement compatibles, avec la réalisation des nouvelles étapes de la construction européenne : Acte Unique, Union Economique et Monétaire, Marché Unique de 1993, et élargissements possibles de la Communauté aux Pays du Nord de l'Europe et aux anciens Pays de l'Est. Les préoccupations croissantes de l'opinion publique à l'égard de l'environnement naturel justifient également cette réfonne et contribuent à la rendre politiquement réalisable en diminuant l'influence du groupe des agriculteurs, favorables au statu quo, sur les décideurs.

La contrainte internationale pesant sur la PAC s'est accentuée avec le cycle des négociations de l'Uruguay Round dans le cadre du GATT (Accord Généra! sur le Commerce et les Tarifs Douaniers). L'issue finale du cycle reste encore incertaine. Le projet de réfonne de la PAC doit cependant être interprété à la lumière des positions actuelles des parties contractantes et des différents compromis mis sur la table (et notamment le dernier en date ou compromis Dunkel). La Commission a toujours affinné, du moins officiellement, que réfonne de la PAC et négociations du GATT sont deux dossiers distincts, même si certains Etats Membres veillent à ce que ceux-ci progressent en parallèle. En fait, le problème de la cohérence entre les deux dossiers se pose inévitablement et conditionnera l'acceptabilité du projet de réfonne au niveau international par les partenaires commerciaux, Etats Unis en premier lieu.

L'objectif de cette communication est en premier lieu d'analyser dans quelle mesure le projet Mc Sharry de réfonne de la PAC est une solution aux problèmes économiques, actuels et futurs, de la politique agricole de la Communauté. Son acceptabilité sur un plan politique est

(6)

discutée, d'une part en fonction des préférences accordées par les décideurs aux divers groupes concernés (producteurs végétaux, producteurs animaux, consommateurs et contribuables), d'autre part en fonction des positions des différents Etats Membres. Ce projet est ensuite replacé dans le cadre des négociations de l'Uruguay Round sur le dossier agricole, qui fait penser au jeu du chat et de la souris entre les Etats Unis et la Communauté. Face

à

la pression du GATT, qui s'ajoute aux déséquilibres internes communautaires, la PAC est condamnée à une réponse. Celle-ci sera vraisemblablement limitée, sauf pour les céréales principaux intérêts commerciaux des partenaires internationaux de la Communauté.

2. LE PROJETMC SHARRY DE REFORME DE LAPAC : PRESENTATION, EVALDATION ET ANALYSE

i) 30 ans de Politique Agricole Commune

Déficitaire en de nombreux produits agricoles lors de sa création, la CEE a vite atteint, puis dépassé, l'autosuffisance en biens agricoles de zone tempérée assurant ainsi la sécurité de ses approvisionnements, c'est-à-dire un des objectifs initiaux du traité de Rome (Article 39). Les mécanismes mis en place dans un régime d'importateur net se sont alors révélés incapables de gérer une situation d'excédents structurels et croissants, mettant ainsi en lumière plusieurs dysfonctionnements générés par le niveau et la hiérarchie des prix communautaires (Demarty, 1988; Delache et Deroin-Thévenin, 1989; Léon et Mahé, 1990) : accroissement des dépenses budgétaires, fragilité des exportations sur pays tiers car étroitement liées aux restitutions et composées essentiellement de produits d'intervention non transformés et à faible valeur ajoutée, mauvaise allocation des ressources, développement des produits de substitution (isoglucose substitut du sucre, margarine substitut du beurre, Produits de Substitution des Céréales (PSC) en alimentation animale, ..), pénalisation des industries d'aval (coût élevé de la matière première) et des consommateurs à faible revenu (à cause de la part élevée des dépenses alimentaires dans les "petits" budgets), redistribution inégalitaire du soutien en faveur des producteurs aisés, ...

Ces dysfonctionnements, et en particulier la contrainte budgétaire, sont à l'origine des mesures ponctuelles prises depuis 1984 (instauration des quotas laitiers en Avril) et surtout depuis 1988 (Sommet de Bruxelles en Février) : politique de prix restrictive, taxes de coresponsabilité des céréaliers et des producteurs laitiers, mécanisme des stabilisateurs et des Quantités Maximales Garanties (QMG) sur les céréales et les oléoprotéagineux,... Cette

(7)

approche, produit par produit, vise

à

une redistribution sélective des dépenses agricoles de la Communauté à cause de la contrainte budgétaire2 et à un meilleur équilibre des marchés communautaires. La stabilisation des dépenses fut réelle en 1989 et 1990 (cf. tableau 1.).Elle était cependant précaire car essentiellement liée

à

des facteurs eldérieurs, climatiques notamment (sécheresse aux Etats Unis, conditions climatiques anormales dans la Communauté pour les campagnes 1988/89 et 1989/90). Depuis 1990, les dépenses se sont à nouveau fortement accrues (même si les dépenses relatives au dernier exercice connu, 1991, restent inférieures au niveau de la ligne directrice (CCE, 1992)). De plus, les déséquilibres entre offre et demande intérieures ne se sont pas réduits3 et la poursuite de la P AC selon les instruments

actuellement en vigueur ne permettra pas de limiter ces excédents. Ainsi, l'offre communautaire de céréales devrait atteindre 187 mi1lions en 1996-97 pour une consommation intérieure stabilisée aux alentours de 141 mi1lions de tonnes: l'excédent serait donc égal à46 millions de tonnes, contre environ 30 mi1lions aujourd'hui (CCE, 1991,COM(91) 72 final).

2La Commission dispose de ressources propres qui proviennent i) des recettes tarifaires et de prélèvements sur les importations,ü)d'un pourcentage des recettes de TVAdans les différents Etats Membres,m)des produits des taxes de coresponsabilité sur les céréales el le lail, el iv) des cotisations perçuesdans le cadre de l'OCM sucre et isoglucose. Les deux premières ressources doivent pennettre d'assurer l'ensemble des dépenses du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA) qui se compose de deux parties: la partie Garantie (plus de 90 %des dépenses totales du FEOGA aujourd'hui) qui couvre les dépenses des OCM el la partie Orientation qui finance les dépenses relatives aux structures agricoles. Depuis 1988, le montant maximal des dépenses du FEOGA Garantie (ou ligne directrice) est fixé (CCE, 1991).

3 La politique des quotas laitiers, et en particulier le resserrement de la contrainte lors des campagnes 1987-88 et 1988-89, s'est néanmoins traduite à la fin de la campagne 1988-89 par i) des stocks de produits laitiers pratiquementntÙS,ü)des économies budgétaires substantielles limitées en partie par le coût de liquidation des stocks anciens, m) l'augmentation des prix mondiaux du beurre et de lapoudre de lait, et iv) d'importantes restructurations delaproduction renforcées par les programmes nationaux. Cependant, cet assainissement du marché ne fut que temporaire et les campagnes suivantes se caractérisent par une reprise des achals à l'intervention, une augmentation sensible des stocks de beurre (323 515 tonnes au1erAvril 1991 contre 81 988 au 1er Avril 1990) et de poudre de lait écrémé (354 191 tonnes au 1er Avril 1991 contre 21 278 au 1er Avril 1990), et une baisse des prix des produits laitiers. Même sila consommation globale de produits laitiers est relativement stable dans la Communauté depuis une dizaine d'années, celle de matière grasse butyrique diminue alors que la teneur en matière grasse du litre de lait augmente : le déséquilibre du marché communautaire delamatière grasse d'origine laitière a donc tendance às'accroître. De plus, les déséquilibres des marchés mondiaux de produits laitiers ont également tendance à s'aggraver en raison notamment des exportations des ex Pays de l'Estàlarecherche de devises. De nouvelles baisses des volumes autorisésdans la

Communauté se sont donc révélées nécessaires, mais l'assainissement du marché nécessitera des baisses

supplémentaires, sans aucun doute dans des proportions importantes : ainsi, la Commission estime, dans sa proposition de réfonne, qu'une baisse de 3%additionnelle serait nécessaire (COM(91) 258final).

(8)

Tableau 1. Evolution des dépenses du FEOGA (CEE à 12, période 1988-92, en lTÛlliards d'Ecus).

Déoenses FEOGA 1988 1989 1990 1991 1992

section Garantie 27.69 25.87 26,45 32.35 35.88

section Orientation 1.14 1.35 1.85 2.U 2.82

Total 28.89 27.30 28.40 34.80 39.01

Lirnedirectrice 27.50 28.62 30.63 32.51 nd

Source: CCE, 1992. Lasirnation de l'agriculturedansla Communauté, rapport 1991.

ii)le projet Mc Sharry de réforme de la PAC: la logique de la Commission

Le projet Mc Sharry de réforme de la PAC, bien qu'abordant les problèmes du secteur agricole de façon globale, est de façon évidente centré sur les céréales car ces dernières jouent un rôle central dans l'occupation du sol, la production finale et dans les interactions animaux-végétaux à cause de l'alimentation animale4 . Il fallait agir sur le prix des céréales, matière de base à transformer, sous peine de fermer encore plus le marché domestique, et notanunent celui de l'alimentation animale, et d'accroître les dépenses de restitutions sur pays tiers. La logique éconolTÛque du projet est donc claire.

La baisse du prix des céréales, jusqu'à un ruveau de 100 Ecus/tonne (-35 %) correspondant au prix mondial anticipé dans "un marché mondial stabilisé" (COM(91) 258 final), totalement compensée à la production pour les surfaces en culture par un système d'aides forfaitaires à l'hectare, devrait inciter les producteurs à opter pour des techniques de production moins intensives, ce qui à moyen terme devrait diminuer les rendements et donc la production. A court terme, la réduction de l'offre serait obtenue par un gel des terres obligatoire pour bénéficier des aides. L'alignement des prix à la demande sur les cours mondiaux devrait accroître la consommation, finale et surtout dérivée, dans la Communauté et donc réduire le déséquilibre du marché communautaire des céréales. Le prix des produits importés concurrents des céréales en alimentation animale devrait certes baisser, en particulier dans le cas des sous-produits, mais pas au point de neutraliser le nouvel avantage des prix des céréales au sein de la ration des animaux. La diminution, rapide, des prix de ces dernières devrait ainsi permettre de renverser la tendance actuelle à la baisse de l'incorporation des céréales en alimentation animale.

4 Pour une illustration du rôle pivot joué par les céréales sur l'équilibre interne de l'agriculture de la

(9)

La réforme des OCM oléoprotéagineux est étroitement liée à celle de l'OCM céréales dans la mesure où le soutien devrait, dans les deux cas, être assuré par un système d'aides directes à l'hectare. Le versement de ces aides est toujours conditionné au gel d'un certain pourcentage des surfaces.

La baisse du coût de la ration devrait bénéficier essentiellement aux monogastriques (porcs, volailles et oeufs) et, dans une moindre mesure, aux productions de viande bovine et de lait. Pour ces deux produits, l'avantage lié à la diminution des prix des céréales sera fonction du taux d'incorporation de ces dernières dans les rations et de la baisse éventuelle du coût du foncier. Les éleveurs les plus extensifs tireront donc un moindre bénéfice de la diminution des prix des céréales. De plus, les aides à la tête de bétail, qui compenseront les baisses des prix5

(-15 % pour la viande bovine, -(-15 % pour le beurre et -5 % pour la poudre de lait écrémé) et des quotas laitiers (-3 %), seront modulées selon des critères de dimension (des troupeaux) et d'extensification (chargement à l'hectare).

iii) une évaluation du projet Mc Sharry

Les conséquences du projet Mc Sharry de réforme de la PAC sont étudiées sur la base de simulations réalisées à l'aide du modèle MISS (Modèle International Simplifié de Simulation). Lescénario analysé correspond à une application de la proposition sur la période 1993-96, après poursuite de l'application des stabilisateurs de 1990 à 1993, sous deux hypothèses principales concernant l'impact des aides compensatrices sur les décisions des agriculteurs: (a) couplage et (b) extensification.

(a) un impact des aides ciblées sur les capacités de production (pour les grandes cultures et la viande bovine) similaire à des compléments de prix. Cette hypothèse est dite de "couplage" des aides. Ainsi, l'effet des baisses de prix des céréales et des oléoprotéagineux sur l'offre de ces productions sera linùtée au différentiel d'inflation dans la mesure où les baisses de prix (en termes nominaux) réellement perçues par les producteurs seront nulles sur les surfaces en culture (scénario couplé).

(b) une baisse des rendements des céréales et des oléoprotéagineux d'environ 15 % par rapport aux niveaux qu'ils atteindraient en fin de période d'application de la réforme sans

5Les prix de marchés des porcs, volailles et oeufs devraient également diminueràla suite de la baisse des prix

(10)

modifications des augmentations tendancielles des rendements, dues au progrès technique autonome, observées sur le passé (scénario extensif).

Les résultats d'une application de ce scénario, présentés en détails dans Guyomard et Mahé (1992), peuvent être organisés autour de quatre thèmes:

a. Les équilibres de marché : la situation générale des marchés communautaires qui découle d'un étalement sur trois ans de la réforme est celle d'un quasi équilibre sur les céréales, d'une réduction des importations des oléoprotéagineux, et d'une quasi stabilité des excédents sur les marchés des produits animaux. La Communauté serait autosuffisante en céréales en 1996, sous le double jeu de la dinùnution de l'offre (-15,9 millions de tonnes par rapport à la base 1990, soit - 10 %) et de la forte croissance de la demande (+9,1 millions de tonnes en alimentation animale et +6,2 millions de tonnes pour les autres utilisations, toujours par rapport

à la base). L'offre de tourteaux protéiques d'origine communautaire dinùnue de 14,9 à 13,4 millions de tonnes, et la demande dérivée de 40,6 à37,3 millions de tonnes (-8 %).

b. Le secteur de l'alimentation animale: le trait donùnant est la substitution des céréales aux protéines végétales et la croissance ralentie des importations de produits de substitution des céréales. La structure de la ration communautaire se modifie profondément par rapport à la base, et encore plus par rapport à un scénario de projection des tendances passées. Ainsi, par rapport à ce dernier scénario, les céréales sont les seuls ingrédients à croître (de 12,0 oùllions de tonnes en 1996) grâce àla très forte amélioration de leur compétitivité prix : le rapport du prix communautaire des céréales à celui des tourteaux passe de 1,23 en 1993, à 1,36 dans le scénario tendanciel mais à 0,83 dans le scénario de réforme de la PAC, en 1996 ; dans le cas du ratio du prix des céréales à celui des sous-produits du mais, les chiffres sont de l,59, 1,87, et 1,43, respectivement6 .

c. Le Revenu Net Agricole (RNA) dans la Communauté: le RNA dinùnue de 0.8 oùlIiard d'Ecus nooùnaux, passant de 121,5 oùlliards d'Ecus en 1990

à

120,7 en 1996. En termes réels (sous l'hypothèse d'un taux d'inflation de 3 % par an, mais une augmentation des prix des consommations intermédiaires "industrielles" de 1,5 % seulement), le RNA baisse de 20,4 milliards d'Ecus, soit -17,0 %. Un taux de dinùnution de la population active agricole compris entre 2,5 et 3 % par an permettrait donc de maintenir pratiquement constant le revenu par tête en termes réels. Cependant, ces évolutions globales masquent des différences par

6 Ces évolutions de la demande dérivée nous paraissent vraisemblablement sous-estimées car les tendances

passées, négatives ou nulles pour les céréales et fortement positives pour les autres ingrédients, autonomes des effets de prix, devraient être rééquilibrées en faveur des céréales à cause de la réduction considérable des distorsions de prix : cet effet devrait accroîtrelademande dérivée de céréales aux dépens de celle des autres ingrédients de l'alimentation animale.

(11)

production : il est clair que les producteurs de céréales et d'oléoprotéagineux opérant sur de grandes superficies subiraient des baisses de revenu plus importantes (à cause de la dégressivité en fonction de la taille de la compensation au titre du gel des terres) et que les producteurs de sucre ne seraient pratiquement pas affectés par la réforme, dans l'état actuel du projet.

d. Les dépenses budgétaires: l'un des paradoxes de la réforme est qu'elle est, en grande partie, une réponse

à

la croissance permanente des coûts budgétaires, mais qu'elle conduit, au moins à court terme, à un alourdissement de ces dernières. Les dépenses prises en compte dans le modèle (qui, en particulier, n'incluent pas les coûts de stockage) augmenteraient de 10,9 milliards d'Ecus nominaux, passant de 18,9 milliards d'Ecus en 1990 à 29,8 milliards en 1996. Les restitutions sur les céréales sont nulles en 1996, mais les aides ciblées (aides compensatrices pour les surfaces en culture et aides au titre du gel des terres) sont bien supérieures aux économies ainsi réalisées. Cette progression des dépenses est surestimée dans la mesure où les dépenses d'intervention sur les marchés devraient être considérablement réduites, mais aucune estimation n'a pu être faite pour l'instant. -Sur un autre plan, ces dépenses

sont minorées car elles ne prennent pas en considération les coûts liés aux mesures

d'accompagnement : programme agro-environnemental, programme forestier et dispositif de préretraite.

iv) la réfonne : un pas dans la bonne direction?

La philosophie économique du projet Mc Sharry est bonne. li constitue un projet de base politiquement acceptable par les différents Etats Membres, et il essaie de concilier différents objectifs (économiques bien sûr, mais aussi de politique sociale, de développement rural et régional, de protection de l'environnement, ..) reconnaissant ainsi les fonctions multiples de l'agriculture. Mais c'est aussi la volonté implicite de reconnaissance de ces objectifs multiples qui crée le risque de maintenir les distorsions de prix existantes, voire d'en générer de nouvelles.

a. Plusieurs éléments de la réforme concourent à une réduction des surplus exportables, d'une part en réduisant l'offre par des incitations à des pratiques plus extensives et par un gel des surfaces, d'autre part en augmentant la demande, et en particulier pour les céréales en favorisant le débouché le plus élastique, celui de l'alimentation animale. Cependant, certains effets pervers potentiels peuvent être soulignés. En premier lieu, l'augmentation potentielle de la demande dérivée de céréales sera d'autant plus faible que la baisse des prix sera étalée sur une période de transition longue. En second lieu, le retour de la Conununauté àune position

(12)

proche de l'autosuffisance devrait tirer le prix de marché des céréales vers le prix de seuil (c'est à dire 110 Ecus/toIUle dans le projet de la Commission), au lieu des 100 Ecus/toIUle7

: cet effet "prix de seuil" devrait, s'il se réalise, freiner l'augmentation du débouché de l'alimentation animales. Le degré de substitution des céréales aux autres ingrédients de l'alimentation animale sera de plus fonction du traitement douanier de ces derniers. La position communautaire au GATT a toujours affirmé la nécessité d'un rééquilibrage de la protection aux frontières sur les différents produits de substitution à un niveau cohérent avec celle appliquée sur les céréales (cf., par exemple, proposition communautaire de Novembre 1990). Néanmoins, les simulations réalisées (Guyomard et Mahé, 1991) montrent que la demande dérivée de céréales est plus sensible à l'effet "prix de seuil" qu'à l'impact d'un rééquilibrage (taxation de 10% des tourteaux protéiques et des produits de substitution).

Plusieurs points d'interrogation complémentaires subsistent en ce qui concerne le retour à un meilleur équilibre des marchés communautaires:

- l'ancienne hiérarchie des prix institutioIUleis des différentes céréales est supprimée. Même s'il est difficile de prévoir les implications de prix réglementaires égaux pour les diverses céréales, on peut s'attendre à ce que les prix de marché du blé et de l'orge, excédentaires dans la Communauté, soient inférieurs à celui du mais, produit pour lequel la CEE est légèrement déficitaire : cette hiérarchie des prix de marché devrait aboutir à des substitutions entre céréales, à l'offre et à la demande.

- la préférence communautaire, égale à la différence entre prix d'intervention et prix de seuil, soit 20 Ecus/toIUle, peut être jugée insuffisante pour couvrir les frais de transport dans les zones les plus déficitaires de la Communauté et ainsi conduire à une augmentation des importations de mais Américain et de blé de force Canadien, par exemple.

- le degré d'incitation à l'extensification est difficile à prévoir avec précision. TI sera d'autant plus faible que les inefficacités actuelles sont grandes. TI est de plus vraisemblable que le gel concernera les surfaces les moins productives.

b. Le projet de réforme constitue une réorientation profonde du soutien, les aides aux facteurs et aux structures de production remplaçant les aides aux produits et le soutien étant, pour la première fois, modulé en fonction de la taille.

La modulation de ces aides en fonction de critères de surface ou de dimension des troupeaux permet de répondre, au moins partiellement, à la critique relative à l'inégalité, aujourd'hui patente, des effets redistributifs de la PAC : cette modulation, loin de faire l'unanimité, est cependant un habile moyen de lui conférer une plus grande légitimité sociale et

7Sur cepoint, voir SWIy, 1992.

S La sensibilité du débouché céréalier de l'alimentation animale au degré de rapprochement des prix communautaires et mondiaux est illustrée dans Guyomard et Mahé, 1991.

(13)

politique dans la Communauté. Les secteurs végétaux et animaux ne font pas l'objet d'un traitement symétrique

à

cet égard car, d'une part il est plus facile de geler certaines surfaces que de modifier les structures de production pour respecter les seuils de dimension des troupeaux et de chargement à l'hectare et, d'autre part les primes animales ne sont pas versées si les critères d'extensification ne sont pas respectés. De plus, les primes animales sont moins importantes pour les vaches allaitantes (75 Ecus/animal) que pour les bovins mâles (180 Ecus/animal) : cet écart pourrait pénaliser les producteurs de vaches allaitantes (génisses non primées, pas d'attribution de la prime aux jeunes bovins) par rapport aux ateliers laitiers (coûts de production plus faibles, prime de 180 Ecus par animal accordée aux taurillons).

L'utilisation d'aides ciblées permet de plus d'améliorer la position de négociation de la CEE9 au GATT,

à

condition qu'elle obtienne le droit de classer celles-ci dans la boîte verte (mesures tolérées et non soumises à réduction), ou au moins dans la boîte jaune (mesures tolérées, surveillées et soumises à réduction graduelle)10 .

c. La préoccupation à l'égard de la protection de l'environnement et du "maintien" de l'espace rural est clairement affirmée. Sans expliciter les dommages écologiques dus

à

l'intensification, ni en attribuer la cause au maintien des prix, le projet Mc Sharry admet néanmoins implicitement le lien puisque les baisses des prix des céréales sont compensées par des aides ciblées partiellement détachées des rendements réels. Les aides aux grandes cultures auront un effet d'extensification (cf point a. ci-dessus) qui se traduira par une diminution des rejets polluants dans le milieu naturel. Dans le cas des productions animales, la fixation de normes de chargement devrait également freiner les rejets. Néanmoins, le projet ne comporte pas de dispositions précises propres

à

résoudre le problème des nuisances liées aux activités hors-sol (porcs, volailles, oeufs et horticulture)lI.

Le projet valorise les extemalités positives créées par l'agriculture : son rôle dans la préservation et l'entretien des espaces est reconnu et encouragé par différentes primes (réduction des inputs polluants, entretien des friches, préservation de la faune et de la flore,

9 Naturellement, la position de négociation de la Communauté au GATI est également améliorée par la réduction des surplus exportables,àla fois en volume et en valeur.

laLes aides accordées en compensation des baisses de prix et de quotas (céréales, viande bovine et lait) ou au titre du gel des terres (céréales et oléoprotéagineux) seront plus facilement classées dans la boite verte que les aides forfaitaires aux oléagineux car ces dernières ne correspondentpasàune compensation maisàune mise en conformité des mécanismes communautaires dans ce secteur avec les conclusions du premier panel soja (qui a condamné l'ancien système d'aides versées, non pas aux producteurs, mais aux triturateurs). Ce point seraanalyséplus en détails dans la section suivante.

li Néanmoins, il s'agit de productions initialement peu soutenues, et d'autres modalités d'interventions non spécifiquement agricoles visent la protection de l'environnement (par exemple, la directive nitrates destinée à limiter la teneur en nitrates des eaux).

(14)

reconstitution de biotopes, .. ). Mais les détails d'application de ces mesures ne sont pas encore précisés.

Le projet contribue également au maintien d'une population rurale liée à l'activité agricole en associant le soutien

à

la gestion d'une surface ou de troupeaux. Il est clair que des objectifs d'aménagement du territoire sont pris en compte par la Commission dans la définition des nouvelles règles de fonctionnement des Organisations Communes de Marché, viande bovine et lait en particulier.

d. De manière générale, la philosophie du projet nous paraît bonne car celui-ci est défini, non pas selon une conception produit par produit qui ne tient pas compte des distorsions existantes, mais en reconnaissant la nécessité d'une adaptation des capacités du secteur agricole en fonction, non seulement d'objectifs économiques dans lesquels les signaux du marché ne peuvent pas être ignorés, mais aussi d'objectifs de développement rural, d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement, biens publics mal valorisés par le marché. Le soutien sera plus transparent (transfert du poids du soutien du consommateur au contribuable), mieux connu, mieux ciblé et donc plus équitable en termes de répartition. Une meilleure adéquation entre instruments et objectifs de la PAC devrait inévitablement en résulter.

v) les réactions des Etats Membres

Les premières réactions des Etats Membres à la proposition de réforme de Juillet 1991 furent négatives, mais moins que prévu, toutes les délégations reconnaissant le fait que"si il n'y avait pas de réforme fondamentale, la situation deviendrait insupportable"12. Les Etats

Membres admettaient, implicitement, la nécessité d'une réforme de la PAC et acceptaient que le document de la Commission soit utilisé comme base de négociations. Naturellement, les aménagements souhaités par les différents pays étaient conformes aux intérêts nationaux, ou du moins à une certaine perception de ce qu'étaient ces intérêts nationaux.

Lors des deux conseils des ministres agricoles du mois de Juillet 1991, trois groupes de pays se sont dessinés (Agra Europe, 19 Juillet 1991), correspondant à trois types de réactions et d'attitudes, même si une telle classification n'est pas valable pour tous les points de la réforme. Ce classement en trois groupes s'est confirmé au moins jusqu'au Conseil Agricole des

12Selon une déclaration duMinistre de l'Agriculture des Pays Bas, Piet Buchanan (Agra Europe Londres, 19 Juillet 1991).

(15)

23 et 24 Septembre 1991. Le premier groupe, qui est composé des "pays du Nord" de la Communauté (Danemark, Grande-Bretagne, et Pays-Bas), est favorable à une baisse sensible des prix de soutien (moins importante que celle proposée par la Commission cependant), mais refuse catégoriquement la modulation des aides : cette dernière, favorable aux petits producteurs, aurait un effet négatif sur l'évolution des structures en avantageant les petites exploitations entendu inefficaces) au détriment des plus grandes exploitations (sous-entendu efficaces). Ces pays ont de plus estimé que les mesures envirOlUlementales sont insuffisantes, regrettant qu'elles ne soient pas davantage au coeur du dispositif. Les "Etats Membres du Sud" (Espagne, Grèce, Portugal et, dans une large mesure, Italie) ne rejettent pas les principes de base du projet, insistent sur la nécessité des aides aux petites structures et d'aides particulières qui prennent en compte les faiblesses "structurelles" de leurs propres agricultures. Les autres pays (Belgique, France, Irlande, Luxembourg, et Allemagne) jugent les baisses de prix proposées par la Commission beaucoup trop importantes, mettant en doute l'augmentation du débouché céréalier de l'alimentation animale au détriment des produits de substitution, et soulignent la nécessité de compensations totales et non limitées dans le temps. De plus, France et Allemagne s'interrogent sur le problème du lien entre réforme de la PAC et négociations du GATT, et en particulier sur la question du rééquilibrage.

De manière générale, les Britanniques et les Néerlandais refusent l'idée d'aides dégressives en fonction de critères de dimension. Ds sont d'accord avec les deux principes de base du projet, prix communautaires plus "réalistes" et réorientation du soutien vers les facteurs, mais proposent que la compensation soit réduite dans le temps et seulement partielle pour des motifs d'ordre budgétaire. La préoccupation financière est d'ailleurs un souci partagé par la plupart des Etats Membres, y compris ceux qui insistent pour une compensation totale et illimitée dans le temps au risque évident de vouloir atteindre des objectifs contradictoires (France et Allemagne, en particulier). L'ampleur des baisses de prix précoIÙsée par la Commission inquiète les Allemands qui seraient plus favorables à une politique mixte - baisse modérée des prix et limitations quantitatives des productions (dirrùnution plus forte des quotas laitiers que celle proposée par la Commission (- 5 % au lieu de - 3 %) et gel des terres plus important). L'objectif premier de l'Allemagne est le maintien des revenus agricoles et la maîtrise des dépenses. A la différence de la France, elle n'a pas d'intérêts à l'exportation. Cette dernière insiste, au contraire, sur la nécessité de maintenir ses capacités exportatrices, refusant donc le renforcement des politiques de contrôle de l'offre et exigeant une baisse des prix plus modérée et étalée sur une période plus longue que les trois ans prévus par la Commission.

D est clair que la nouvelle orientation de la PAC embarrasse la France qui

a,

depuis toujours, basé sa stratégie agricole sur la permanence du parapluie communautaire (cf Guyomard et Mahé, 1991). Le maintien de sa balance commerciale agricole en valeur dans un

(16)

régime de prix élevés ne ferait qu'accentuer la tendance à l'augmentation des importations des différents ingrédients substituts des céréales en alimentation animale. Mais la reconquête de ce marché impliquerait des baisses de prix sévères. La compensation, nécessaire, aurait alors pour conséquences d'alourdir la contribution française au FEOGA (passage du soutien par les prix au soutien par le budget et généralisation des aides aux pays du Sud de la CEE) et d'entraîner une perte nette en termes de balance des paiementsB

Face à l'urgence, interne et externe, l'habileté politique du projet de la Commission réside dans l'équilibre des propositions qui brouille le contour des coalitions traditionnelles entre partisans et adversaires de la réforme. C'est là un atout pour atteindre un compromis. La réforme risque-t-elle néanmoins d'être bloquée et édulcorée par le Conseil des Ministres, les délégations des différents Etats Membres s'opposant à des modalités défavorables aux conceptions qu'ils ont de leurs intérêts nationaux? Une réponse définitive à cette interrogation est difficile, en particulier parce qu'elle dépend de l'issue finale du cycle de IUruguay Round (et du contenu de l'accord final, si accord il y a).

La Commission a toujours affirmé que réforme de la PAC et négociations du GATT sont deux dossiers distincts, et les analyses de la compatibilité du projet Mc Sharry avec les positions de négociation des parties contractantes sont rares et partielles. Ainsi, le lien entre le projet de réforme de la PAC et les engagements de la proposition communautaire de Novembre 1990 au GATT n'a toujours pas été explicité. Néanmoins, l'ordre des priorités s'est, semble-t-il, inversé en Novembre 1991 quand les ministres agricoles affirmèrent qu'il serait difficile de définir une proposition commune de réforme de la PAC avant de connaître le résultat de IUruguay Round, et en particulier les engagements de la Communauté en cas d'accord final au GATT (Agra Europe, 22 Novembre 1991). Cet inversion dans l'ordre des priorités est essentiellement due à l'Allemagne. Son souci principal reste toujours le maintien des revenus de ses agriculteurs, d'où la réaffirmation de la nécessité d'une compensation totale, non discriminante, et illimitée dans le temps, et d'une classification des aides directes dans la boîte verte. L'Allemagne accepterait en contrepartie une diminution importante des prix réalisée sur une période courte, conformément à l'esprit du texte de la Commission (mais contrairement aux premières réactions de ce pays), et une réduction des exportations communautaires de produits agricoles, concession nécessaire de la CEE aux autres pays exportateurs pour un succès final de IUruguay Round. TI est clair que le poids politique des exportations agricoles allemandes, limitées, est faible dans la fonction d'objectif de cet état. TI

13 Le projet Mc Shany devrait entraîner une diminution de la balance commerciale agricole française (diminution des exportations, en volume et en valeur). Cette perte serait aggravée par l'augmentation, inévitable, de la contribution française au FEOGA. Ces deux effets négatifs seront vraisemblablement supérieurs aux aides qui seront verséesàla France au titre des compensations et du gel des terres et, au total, l'effet surlabalance des paiements sera négatif.

(17)

est également clair que cette position s'oppose à celle de la France qui conditionne tout accord au GATT à un maintien de la compétitivité et de la capacité exportatrice de la Communauté.

3. REFORME DE LAPACET NEGOCIATIONS DUGATT

Une plus grande libéralisation des échanges de produits agricoles a souvent été présentée comme une priorité au GATT lors des rounds antérieurs: Dillon Round en 1961-62, Kennedy Round en 1964-67 et Tokyo Round en 1973-80. En ce sens, l'Uruguay Round ne se présente pas différemment. La nouveauté réside dans la reconnaissance quasi générale dans le monde qu'il est urgent de réfonner, non seulement les politiques commerciales (subventions aux exportations et restrictions à l'importation), mais aussi les politiques de soutien inteme14

.

Le déroulement des négociations, depuis le lancement de celles-ci en 1986 à Punta deI Este jusqu'à ce jour, ne se distingue pas non plus des déroulements des cycles précédents : déclaration d'intention fenne sur la nécessité d'une plus grande libéralisation du commerce agricolell, et détérioration rapide des négociations vers un affrontement entre les Etats Urus et la Communauté Econorruque Européenne. La nouveauté réside dans le fait que, aujourd'hui encore, Etats Urus et pays du Groupe de Cairns adoptent une position inflexible sur le problème agricole, affirmant qu'un accord sur les autres dossiers (biens industriels, services, droits de la propriété intellectuelle) ne serait conclu que si il y avait accord sur le dossier agricole.

i) le conflit USA-CEE dans l'Uruguay Round: le jeu du chat et de la souris

La prerruère proposition américaine au GATT, ou option zéro, visait à une complète élimination des mesures de politique agricole - soutien interne et instruments aux frontières - à l'horizon de l'an 2000. Cette position maximaliste des Etats Urus fut favorablement accueillie par les pays du Groupe de Cairns, mais immédiatement rejetée par la Communauté (ainsi que

14 La seconde nouveauté est l'abandon de la référence à un statut spécial, qui avait pennis d'autoriser exceptions et dérogations spécifiques aux règies générales du GATT: waiver aux Etats Uuis, prélèvements variablesdanslaCommunauté,...

15 "Les négociations viseront à libéraliser davantage le commerce des produits agricoles et à assujettir toutes les mesures touchant l'accèsàl'importation et àla concurrenceà l'exportation, à des règles et disciplines du GATT renforcées et rendues plus efficacesdanslapratique, en tenant compte des principes généraux régissant les négociations : i) par l'amélioration de l'accès aux marchés, au moyen notamment de la réduction des obstacles aux importations,ü)par l'amélioration de l'environnement compétitif, grâceàun accroissement de la discipline concernant l'utilisation de toutes les subventions directes et indirectes ainsi que des autres mesures touchant directement ou indirectement le commerce des produits agricoles, en incluant la réduction progressive de leurs effets négatifs et en s'occupant de leurs causes,.."(FOCUS, Octobre 1986, p. 4).

(18)

par le Japon et les "Pays Nordiques", Finlande, Norvège et Suède) car elle aboutissait à un démantèlement des principes de base de la PAC : prix intérieurs élevés déconnectés des prix mondiaux et système des prélèvements et restitutions variables. La CEE proposa d'adopter un processus de négociation en deux étapes : actions à court terme pour stabiliser les marchés les plus déséquilibrés (céréales, sucre et lait) et éviter que ces déséquilibres ne s'aggravent, et dans un second temps réduction des niveaux de soutien, conformément aux actions décidées lors des cycles précédents et mesurée à l'aide de l'indicateur de la Mesure Globale du Soutien (MGS). En d'autres termes, la Communauté souhaitait maintenir les mécanismes de base de la PAC, et proposait des actions coordonnées à court terme et des réformes, non précisées et non contraignantes, àplus long terme.

Le conflit USA-CEE déboucha sur l'échec de la rencontre ministérielle de Montréal en Décembre 1988. Lors de la réunion du Comité des négociations commerciales du GATT à

Genève en Avril 1989, les Etats Unis adoptèrent (temporairement) une position plus flexible, en particulier en abandonnant l'idée d'une élimination totale des subventions aux exportations agricoles et en acceptant de discuter des mesures de court terme sans avoir atteint formellement un accord sur les objectifs de long terme. Les négociations aboutirent alors à la signature de l'Accord-Cadre de Genève qui prévoyait, qu'avant la fin de l'année 1990, les parties contractantes se mettraient d'accord sur un programme et un calendrier de mesures à

court terme et de réformes

à

long terme. L'objectif général est "d'aniver, par un processus suivi s'étendant sur une période convenue, à des réductions progressives substantielles du soutien et de la protection de l'agriculture qui permettraient de remédier aux restrictions et distorsions touchant les marchés agricoles et de les prévenir" (FOCUS, Mai 1989, p. 4-6). Ce sont les propositions élaborées en réponse à cet Accord-Cadre qui serviront de base de discussion pendant la phase normalement finale du cycle (c'est à dire jusqu'au 31 Décembre 1990), et qui servent toujours de documents de référence aujourd'hui (en particulier en ce qui concerne la compatibilité du projet Mc Sharry de réforme de la PAC avec la position communautaire au GATT).

En Octobre 1989, les Etats Unis déposèrent sur la table leur nouvelle propOSition détaillée sous quatre rubriques : accès à l'importation, concurrence à l'exportation, soutien interne, et mesures sanitaires et phytosanitaires. De façon schématique, cette proposition correspondait à une attitude à nouveau radicale de la part des USA, qui demandaient la suppression des subventions

à

l'exportation sur cinq ans et l'élimination des soutiens internes sur dix ans. La réaction de la Communauté fut un nouveau rejet, la proposition d'Octobre 1989 étant simplement considérée comme une version élaborée de l'option zéro. La CEE réaffirma en réponse que le but de la négociation était seulement de réduire progressivement le soutien jusqu'au niveau nécessaire pour rétablir un meilleur équilibre des marchés et une régulation

(19)

plus franche du commerce mondial agricole par les forces du marché. De plus, les politiques agricoles utilisant différent instruments, les engagements de réduction seraient formulés à l'aide de diminution des MGS et non en termes de politiques spécifiques, toujours pour éviter la remise en cause de certains instruments propres à la PAC (subventions aux exportations).

La proposition américaine d'Octobre 1990 reprend les principes de celle d'Octobre 1989, en les assouplissant (réduction, surdixans, de 75%des soutiens internes et de 90 % des subventions aux exportations), mais en réaffirmant la nécessité de négocier simultanément les problèmes d'accès au marché, de concurrence à l'exportation, et de soutien interne. A nouveau, la position communautaire présentée dans sa proposition de Novembre 1990 est encore très éloignée du point de vue américain. Néanmoins, ce texte de Novembre 1990 est la première "réelle" (c'est-à-dire chiifrée) proposition de la Communauté au GATT: elle consiste à réduire de 30 % la Mesure Globale du Soutien pour les principaux produits (céréales, riz, sucre, oléoprotéagineux et produits animaux), à introduire un "équivalent tarifaire" (droit de douane) sur les importations d'oléoprotéagineux et de produits de substitution des céréales afin de rééquilibrer le système des protections entre les différents produits de l'alimentation animale (procédure de rééquilibrage), et refuse de discuter des engagements distincts sur les subventions aux exportations qui devraient automatiquement décroître si le soutien interne est réduit.

Dans la mesure où l'Uruguay Round tend à se réduire à une confrontation USA-CEE sur le volet agricole, l'accord final éventuel au GATT dépendra, dans une large mesure, des concessions que ces deux acteurs accepteront de faire pour ne pas se séparer sur un constat d'échec. L'analyse des fondements économiques et politiques des positions de ces deux acteurs, des origines du conflit et des principaux points de désaccord est alors une première étape vers la définition de ce que pourrait être un compromis possible.

ii) rationalités économiques et politiques des positions des USA et de la CEE

La proposition américaine d'Octobre 1990 réaffirme la nécessité d'actions simultanées sur les politiques d'accès à l'importation, de concurrence à l'exportation et de soutien interne. Cette classification est également retenue dans les propositions des pays du Groupe de Cairns et dans les différents compromis, et en particulier le compromis Suédois de Décembre 1990 et le compromis Dunkel de Décembre 199jl6. La position de la CEE au GATT peut schématiquement se résumer en un accord sur une baisse du soutien interne, toujours sur la

16Le compromis Suédois correspondaitàune ultime tentative pour clore le GATT dans les délais impartis, c'està dire àlafinde l'année 1990. Le compromis Dunkel répondait àun même objectif de conclusion avant lafinde l'année 1991.

(20)

base de la réduction de la MGS, et en un principe que cette baisse du soutien interne se traduira automatiquement en une diminution des subventions aux exportations, sans qu'il soit nécessaire de prendre des engagements supplémentaires sur ce point.

a. concurrenceàl'exportation

Le souci majeur des USA a depuis longtemps été d'atténuer, et si possible d'inverser, les conséquences de la PAC sur le commerce des céréales et des ingrédients de l'alimentation animale, principaux intérêts américains

à

l'exportation. Les Etats Unis n'ont jamais réellement accepté les principes de la Politique Agricole Commune, essentiellement parce qu'une protection élevée sur les céréales dans la Communauté impliquait nécessairement une réduction de leurs débouchés. Les USA ont constamment critiqué le système communautaire des prélèvements et restitutions variables comme étant contraire aux règles du GATT, essayant d'obtenir un classement de ces prélèvements comme mesures non tarifaires qui auraient dues être progressivement éliminées (sans succès au Tokyo Round) et un accès préférentiel sur le marché communautaire (avec succès lors de l'élargissement de la CEE à l'Espagne et au Portugal). Ce souci américain augmentait proportionnellement avec les exportations communautaires : "tandis que les Etats Unis répondaient au problème de la croissance des surplus céréaliers en diminuant les surfaces, la CEE a continué d'accorder un soutien élevé à

ses producteurs et à subventionner ses exportations. En conséquence, la CEE a gagné un total cumulé de 300 millions de tonnes sur les exportations des autres pays depuis 1977, et la majorité de ce gain s'est produit au détriment des Etats Unis" (USDA, 1990, p. Il). La réaction des USA fut, tout d'abord l'instauration d'importants programmes d'aides aux exportations (EEP ou Export Enhancement Program), et en second lieu la tentative répétée d'imposer une négociation distincte sur le dossier de la concurrence

à

l'exportation dans l'Uruguay Round.

Sur le point précis des politiques d'exportation, la CEE est isolée au GATT: elle refuse de contraindre sa position

à

l'exportation, en particulier sur les céréales, parce qu'elle n'a pas de gains en termes de balance commerciale à attendre d'une libéralisation des échanges de céréales. TI est clair, de plus, que le coût politique de cette libéralisation serait importantl7.

17 II es! intéressant de noter que les exportations communautaires de sucre, de produits laitiers et de viande bovine, également fortement subventionnées, ne sont pas la cible des attaques américaines, ce qui s'explique aisément par la balance commerciale et la politique américaine sur ces produits (soutien élevé et quotas d'importation).

(21)

b. rééquilibrage, tarification et accès minimum à l'importation

Les intérêts commerciaux américains sur les tourteaux protéiques et les produits de substitution des céréales (sous-produits du mais en particulier) sont également étroitement liés aux mécanismes, actuels et futurs, de la PAC. Les Etats Urus avaient en effet obtenu que les droits

à

l'entrée dans la Communauté sur ces produits soient nuls (accords du Tol..)'o Round et du Kennedy Round). Ces concessions faites par la Communauté semblaient sans importanceà

l'époque de leurs signatures, mais se révélèrent, avec le temps, extrêmement contraignantes : d'une part, elles sont pour partie àl'origine de la régression continue du débouché interne pour les céréales (incorporation décroissante dans l'alimentation animale) en raison de leur moindre compétitivité-prix par rapport à ces ingrédients importés aux cours mondiaux; d'autre part, elles sont àl'origine de la volonté communautaire de développer le secteur oléagineux, au prix d'un accroissement considérable des dépenses dans ce secteur (3,4 milliards d'Ecus en 1990) dû

àun système de soutien totalement budgétisé (quasi deficiency payments).

L'intérêt commercial américain explique le refus constant des Etats Urus d'une harmonisation de la protection communautaire sur ces produits, soit par taxation, soit par fixation de quotas d'importation. Mais la seule possibilité pour la CEE de s'assurer que le rapport des prix intérieurs des céréales aux autres ingrédients de l'alimentation animale soit identique aux rapports des prix mondiaux est d'appliquer le même régime aux frontières, ou du moins un degré de protection équivalent, à l'ensemble de ces produits (protection uruforme inspirée de la théorie du second best). Cette rationalité explique la condition constamment mise en avant par la Communauté (et toujours rejetée par les Etats Urus) d'un rééquilibrage de sa protection.

La tarification des mesures aux frontières, telle que proposée par les USA (conversion de tous les instruments de protection en droits de douane, leur consolidation et leur réduction sur une période de temps convenue), a l'avantage de rendre la protection transparente et de créer un lien direct entre prix intérieurs et mondiaux. Cette procédure fut utilisée avec succès par les USA dans le cadre de négociations agricoles bilatérales avec le Japon, et ce succès explique, pour partie, la volonté américaine de son utilisation dans le cadre des négociations multilatérales de l'Uruguay Round (Blandford, 1990). Mais la tarification impliquerait le renoncement à l'un des mécanismes de base de la PAC, les prélèvements variables, et leur corollaire, les restitutions18•La CEE a, en conséquence, proposé une "procédure différente de tarification" avec, i) fixation de droits de douane comprenant un élément fixe et un facteur de correction variable pour prendre en compte les fluctuations importantes des taux de change et

18La tarification impliquerait également de profondes réfonnesdansde nombreux pays développés: waiver aux Etats Unis, politique durizau Japon,..(Halhaway, 1987).

(22)

des prix mondiaux, et ii) rééquilibrage sur les produits pour lesquels la Communauté jugeait la protection trop faiblel9. Le dilemme de la Communauté est de trouver le "juste" équilibre entre accroissement du débouché céréalier de l'alimentation animale et stabilisation des prix intérieurs : en effet, si un facteur de correction est mis en place, il devrait maintenir un écart entre prix mondiaux et intérieurs des céréales, et réduire en conséquence l'accroissement de la demande dérivée de ces dernières.

Enfin, la garantie d'un accès minimum aux marchés est difficile à analyser et à mettre en oeuvre dans le cas d'exportateurs nets, comme les USA et la CEE. Cette règle sera ainsi difficile à appliquer pour les céréales dans les deux pays, pour les oléagineux aux USA et pour les différentes productions animales dans la CEE.

c. Soutien interne, découplage et "boîtesdePandore"

Toutes les parties contractantes au GATT acceptent une "certaine" réduction du soutien interne. Les désaccords portent sur la manière dont cette réduction doit être mise en oeuvre : choix de la période de référence, de la période de transition, du degré de réduction, des instruments qui seront soumis à réduction (problème du découplage et du classement des politiques dans les boîtes), de la mesure de cette réduction, d'un prix de référence variable ou fixe, de la mesure du crédit pour les efforts déjà réalisés (notamment pour les produits sous quotas de production),... A titre d'illustration, le choix de l'année 1986 comme base de référence par la Communauté est optimal de son point de vue (au sens de la minimisation des concessions, et non au sens de politiques optimales) car il atténue les baisses qu'il serait nécessaire d'appliquer dans le futur par rapport au choix de périodes de référence différentes (Westhoff, 1991).

Une réduction de la Mesure Globale du Soutien constitue le pivot de la proposition communautaire. Elle est en accord avec sa position antérieure pendant le Kennedy Round (définition du "montant de soutien" et négociation sur sa réduction progressive2°) et son souci majeur qui est la correction des effets négatifs liés à des décisions antérieures de politique agricole. Les prélèvements et restitutions variables étant des conséquences logiques des

19 De plus, la Communauté propose de mesurer la réduction de l'élément fixe par rapport à l'année 1986 (moyenne des années 1986-88 dans la proposition américaine), ce qui signifie que la majeure partie de la réduction a déjà été réalisée (Agra Europe, 8 Novembre 1991).

20Les USA avaient déjà refusé cette approche, argumentant qu'elle permettait à la Communauté de légitimer le mécanisme des restitutions et prélèvements variables et de maintenir une protection élevée. L'intérêt américain aurait sans doute été d'adopter une position moins inflexible en acceptant de discuter sur la limitation de ce "montant de soutien", ce qui aurait au moins permis de fixer des contraintes sur les développements de la PAC (Tracy, 1982; Josling et al., 1990).

(23)

politiques de soutien interne, la réduction de ce dernier devrait automatiquement entrainer une diminution des subventions aux exportations et des niveaux de protection, et il est donc inutile, dans la logique de la Communauté, de spécifier des engagements spécifiques sur les mesures aux frontières. Il est clair qu'une teUe attitude sera constamment rejetée par les USA, qui insistent sur la nécessité de spécifier des engagements précis sur la diminution des subventions aux exportations, notamment pour les céréales, conformément à leur principal intérêt dans la négociation: la reconquête des débouchés céréaliers des pays tiers.

La position communautaire au GATT est de plus compliquée par le changement des modalités du soutien qu'impliquerait le passage à un système d'aides ciblées tel que présenté dans le projet Mc Sharry. Si ces dernières sont classées dans la boîte verte et donc considérées comme théoriquement sans effet sur la production, eUes ne seront pas soumises à un engagement de réduction: dans ce cas, la mise en oeuvre du projet Mc Sharry conduiraità une baisse du soutien sur les céréales et les oléoprotéagineux supérieure aux 30% proposés par la Communauté au GATT. Si au contraire eUes sont rangées dans la boîte jaune et alors soumises

àréduction, les modalités du projet Mc Sharry sont insuffisantes pour remplir les engagements de diminution de 30 % du soutien interne. Or, il n'y a pas de définition de ces boîtes acceptée par toutes les parties contractantes. Les aides ciblées présentées dans le projet Mc Sharry peuvent en partie prétendre à un classement dans la boîte verte pour deux raisons, i) eUes sont basées sur les rendements "régionaux" calculés sur la passé (et non les rendements individualisés actuels), et ü) eUes devraient inciter les producteurs à opter pour des systèmes plus extensifs. Toutefois les aides compensatrices sont, dans le projet, proportionnelles aux surfaces. Les déficiency payrnents américains étant calculés par rapport aux "rendements de programme", et non par rapport aux rendements actuels, peuvent également être considérés, dans une large part, comme découplés. Néanmoins, le compromis Dunkel définit plusieurs critères qu'il convient de respecter pour considérer les versements directs comme découplés :i) le droit

à

bénéficier de versements sera déterminé d'après des critères clairement définis, tels que le revenu, la qualité de producteur ou de propriétaire foncier, l'utilisation de critères ou le niveau de production au cours d'une période de référence définie et fixe ; le montant des versements ne sera pas fonction ni établi sur la base,ü) du type ou du volume de la production réalisée par le producteur au cours d'une année suivant la période de référence, ili) des prix, intérieurs ou internationaux, s'appliquant à une production réalisée au cours d'une année suivant la période de référence, iv) des facteurs de production employés au cours d'une année suivant la période de référence ; et v) il ne sera pas obligatoire de produire pour pouvoir bénéficier de ces versements. Selon ces critères, les aides ciblées du projet Mc Sharry et les déficiency payrnents américains ne seraient donc pas des instruments découplés, car ils sont versésàl'hectare ou

à

la tête de bétail.

(24)

TI est clair que le projet Mc Sharry de réfonne de la PAC n'est réalisable, politiquement et socialement (d'un point de vue strictement communautaire), que si les aides ciblées sont classées dans la boîte verte. TI faut cependant remarquer que les aides accordées aux céréales correspondent bien à des compensations pour des baisses de prix, alors que les aides accordées aux oléagineux correspondent à une mise en confonruté du soutien avec les conclusions du premier panel "soja" (aide versée directement aux producteurs et non plus aux triturateurs). TI sera donc sans doute plus facile pour la Communauté de faire accepter le classement des aides céréalières dans la boîte verte21 que pour les oléagineux, car les baisses des prix des céréales

peuvent être considérées comme de réelles concessions.

iii) un compromis minimal, une fois de plus?

L'histoire va-t-elle se répéter, les négociations débouchant sur un accord minimal, contrairement aux ambitieuses intentions initiales, et sur un report au cycle suivant de la nécessaire réfonne en profondeur des politiques agricoles ? Les points de désaccord sont aujourd'hui encore très nombreux entre les Etats Unis et la CEE, aucun des deux principaux acteurs n'ayant accepté de faire de réelles concessions sur ses objectifs, intérêts commerciaux pour les USA, objectifs de politique interne pour la CEE. Le tableau 2 résume ces points de désaccord en fonction des trois domaines de la négociation: accès

à

l'importation, concurrence à l'exportation et soutien interne.

Le principe d'une tarification du soutien, souhaité par les Etats Unis, est accepté par la Communauté, mais il n'y a pas d'accord sur la définition même de cette tarification. La tarification américaine consiste à transfonner tous les instruments de protection, y compris les subventions domestiques et les barrières non tarifaires, en équivalents droits de douane qui seraient consolidés et réduits sur une période de temps convenue. Cette tarification figure dans toutes les propositions américaines depuis 1986, mais avec des exigences décroissantes dans le temps: élimination complète des équivalents tarifs dans la proposition zéro, réduction de 75 %

dans la proposition d'Octobre 1990. La conception communautaire de la tarification vise d'abord

à

préserver les instruments de base de la PAC, les prélèvements et restitutions variables, et ensuite à mettre en place des droits de douane sur certaines importations actuellement libres. La tarification communautaire, qualifiée de "sale" par les USA et le Groupe

21 Ou au moins dansune boîte "bleue" danslaquelle les aides seraient autorisées pour une période donnée à des finsde compensation, puis soumisesàréduction. L'idée d'nneboîte bleue avait été avancée par les Etats Unis en Décembre 1991, maisla Communauté n'avait pas réagi favorablementàcette concession américaine.

(25)

de Cairns, consiste par suite à décomposer l'équivalent tarif en une partie fixe et une partie variable et

à

rééquilibrer son système de protection22.

La préférence communautaire est toujours présentée comme non négociable par la Communauté. Elle se traduit par une augmentation de l'écart prix de seuil-prix d'intervention à

30 Ecus par tonne dans le récent document de travail dit "Cunha" au lieu des 20 Ecus proposés dans le projet de la Comrnission23 . De plus, la CEE n'est pas la seule

à

demander des exemptions d'une tarification complète. Le Canada sur les produits étroitement réglementés par des politiques nationales de quotas de production et le Japon sur le riz sont deux exemples notoires.

Même si le principe d'une tarification, dont les modalités précises seraient encore

à

définir, est accepté, plusieurs points de désaccord subsistent. Le premier concerne la réduction des subventions aux exportations, mesurée par rapport aux tonnages subventiOlUlés et/ou par rapport aux dépenses. La position communautaire est toujours qu'une réduction du soutien interne entraînera automatiquement une diminution des subventions. Cette attitude ne fait cependant pas l'unanimité au sein de la Communauté, les Allemands étant aujourd'hui apparemment prêts

à

accepter certaines réductions des exportations et les Français étant toujours inflexibles sur ce point. Les USA insistent au contraire sur la nécessité d'engagements spécifiques dans ce domaine, même s'ils sont prêts aujourd'hui à accepter une diminution des exportations subventionnées limitée à 35 % au lieu des 75 % prévus dans leur proposition d'Octobre 1990 (Agra Europe, 6 Décembre 1991). Le second point de désaccord concerne la diminution du soutien interne. Le désaccord ne porte pas tant sur le degré de réduction que sur la période à partir de laquelle cette réduction doit être mesurée : la Communauté réaffirme toujours que celle-ci doit tenir compte des réductions réalisées depuis 1986 (prise en compte du crédit) afin de minimiser les ajustements futurs24 .

22 Sur ce point, la concessionla plus notable de la part de la CEE fut d'exclure,àpartir de l'automne 1991 et sous la pression de certains Etats Membres (pays-Bas en particulier), lestourteauxprotéiques du rééquilibrage. De plus, la Communauté semble préférer aujourd'hui un rééquilibrageparfixation de quotas d'importation sur les différents produits de substitution plutôt que par taxation (Agra Europe, 13 Décembre 1991). Ce choix n'est sans doute pas le meilleur, en particulier parce qu'il maintient la rente des produits de substitution liée aux distorsions de prix.

23 Le document dit "Cunha" correspond à un compromis présenté par le Conseil des Communautés Européennes en réponse aux objections des Etats Membres au projet Mc Sharry (Agra Europe, 14 Février 1992).

24L'enjeu le plus important pour la Communauté sur le plan du soutien interne est que les aides ciblées soient rangéesdansla boîte verte. Un accord semble possible sur ce point,dansla mesure ou un traitement similaire serait accordé aux deficiency payments américains. Ce concensus. qui ne convient naturellement pas aux pays du Groupe de Cairns, vadansle sens d'une réforme minimale au GATI.

(26)

Tableau 2. Les positions des Etats Urus et de la CEE dans les négociations du GATT (Mars 1992) : principaux points de désaccord.

ETATS UNIS

CEE

Accèsàl'importation tarification "stricte" tarification "amendée" rééquilibrage

Concurrenceàl'exportation engagements spécifiques de pas d'engagements spécifiques réduction des subventions aux

exportations

suppression de la loi "Section 301" aux USA qui leur permet de prendre des mesures de rétorsion

contre "des mesures commerciales

déloyales"

Soutien interne aides cibléesdansla boite bleue aides ciblées dans la boite verte (autorisées temporairement sur une (pasd'engagements de réduction) période convenue, puis soumisesà

réduction)

maximisation du crédit

4. CONCLUSION

Même si plusieurs points d'interrogation demeurent, la réforme de la PAC, dans sa version Mc Shany de Juillet 1991, nous paraît être "un grand pas dans la bonne direction". Elle devrait considérablement réduire les déséquilibres de marché dans la Communauté et augmenter sensiblement le débouché céréalier communautaire de l'alimentation animale. La baisse des revenus individuels en termes réels devrait être IirlÙtée, avec des effets différents cependant selon les orientations de production. Le coût budgétaire augmenterait fortement, du moins pendant la période de transition2s •Le soutien sera mieux connu et mieux ciblé, donc plus juste en termes de répartition.

Sur le plan des négociations du GATT, le projet Mc Shany est la carte maîtresse de la Communauté dans le jeu de poker menteur auquel USA et CEE se livrent. Les Etats Urus ont longtemps eu l'irutiative pendant le cycle, la Communauté étant obligée d'adopter une position défensive qui consistait à argumenter son refus des positions maximalistes américaines. Le projet Mc Shany fut alors l'occasion pour la CEE de prendre la main.

2SNéanmoins, l'augmentation des coûts budgétaires est réduite silacomparaison porte, non pas sur la situation actuelle, mais sur un scénario de poursuite delaPAC selon les tendances passées.

(27)

Les questions, inévitablement liées, qui se posent à l'heure actuelle sont i) dans quel sens le projet Mc Sharry va-t'il être modifié par les Etats Membres en fonction de leurs intérêts nationaux? le projet modifié sera-t-il toujours un "grand pas dans la bonne direction" ou une édulcoration politiquement acceptable du projet ilÛtial reportant à nouveau les problèmes sur le futur? dans quelle mesure les négociations du GATT vont elles contraindre la réforme de la PAC ? et dans quelle mesure l'accord final au GATT sera-t-il une réponse aux objectifs ambitieux ilÛtiaux défirûs à Punta dei Este ou un report des problèmes à un round ultérieur?

Une réponse partielle à la prerrûére interrogation peut être proposée sur la base des amendements au projet Mc Sharry présentés dans le document Cunha26, amendements qui correspondent le plus souvent à une atténuation des propositions initiales, par exemple : pour les céréales, la baisse des prix serait inférieure aux 35 % prévus ou/et la compensation serait plus élevée (en particulier la compensation au titre du gel des terres), la préférence communautaire serait de 30 Ecus au lieu de 20 ; pour le lait, la réduction des quantités autorisées ne serait plus prédéterminée, mais défirûe en fonction des évolutions des marchés en cours de campagne, le critère d'attribution des primes serait de 2 UIÙtés de Gros Bétail (UGB) par hectare indépendamment de la classification zone défavorisée ou non, de plus pour les producteurs livrant moins de 60000 kg par an (au lieu de 24000 litres dans le projet Mc Sharry) l'octroi des primes ne serait pas assortie de conditions de chargement; pour la viande bovine, le critère de densité serait également porté à 2 UGB par hectare pour tous et n'entrerait en vigueur qu'à partir de 1996, le versement de la prime 'Jeune bovin" se ferait en deux étapes au lieu de trois précédemment. De plus, l'introduction des concepts de surface de base pour les céréales et de quotas de primes pour la viande bovine peut être interprétée comme une volonté de favoriser les producteurs actuels au détriment des entrants dans la branche. Ceci est particulièrement vrai dans le cas de la viande bovine et fut favorablement accueilli par les Etats Membres, France notamment. TI est clair que ce principe revient à geler les structures actuelles en reportant les problèmes sur le futur, et notamment celui de la mobilité des quotas de primes.

Une seconde réponse

à

la prerrûère interrogation est fourlÛe par les propositions de prix de la Comrrûssion pour la campagne 1992-93. La prerrûère attitude "menaçante" de la Comrrûssion était d'affirmer qu'une baisse importante des prix (sans compensation) était inévitable, essentiellement pour des raisons de respect de la ligne directrice budgétaire (Agra Europe, 24 Janvier 1992 et 7 février 1992). Le paquet finalement proposé (Agra Europe, 13 . Mars 1992) correspond en réalité à une reconduction des politiques antérieures, c'est à dire à un report des réelles décisions aux prochaines campagnes.

26 Le document Cunha a cependant été fortement critiqué et rejeté, comme il fallait s'y attendre, par les différentsEtatsMembres (Agra Europe, 6Mars 1992). Les principales objections sont toujours que le projet "va trop loin" :la baisse des prix proposée est encore trop importante (du point de vue Allemand surtout) et la diminution de l'intervention surla viande bovine est inacceptable (Irlande, France).

Figure

Tableau 1. Evolution des dépenses du FEOGA (CEE à 12, période 1988-92, en lTÛlliards d'Ecus).
Tableau 2. Les positions des Etats Urus et de la CEE dans les négociations du GATT (Mars 1992) : principaux points de désaccord.

Références

Documents relatifs

L'instauration d'un système de prix élevés et les progrès techniques réalisés expliquent en grande partie la croissance de la production agricole devenue excédentaire pour de

La condition (9) implique que, leur coût d'infonnation étant "relativement élevé", les agriculteurs traitent systématiquement. Il est à noter que dans ce modèle,

2. La politique de hausse prudente des prix agricoles communs suivie depuis quelques années a conduit à des hausses de prix qui sont inférieures à la hausse des taux d'inflation.

- système de fonds mutuels sanitaire et marge pour les productions animales. - Une transformation complémentaire de l’aide directe en système interne de gestion du risque (épargne de

Dès lors que le cours des transactions internationales (ce qu'on appelle abusivement le « prix mondial ») apparaît comme la référence de prix à atteindre alors que

Mais tout en œuvrant sur la scène internationale pour mettre fin à la variabilité excessive des prix agricoles dont les premières victimes sont les agriculteurs et les

Dès lors, les objectifs impartis aux transitions écologiques dans la Pac renvoient à autant d’éléments pour lesquels l’agriculture européenne est

Nous continuons à penser malgré tout que le pays aurait pu profiter plus complètement de la croissance des années 60 pour accroître la compétitivité de son