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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'éducation à la santé, quel impact sur l'enseignement scientifique ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVI, 2004

L’ÉDUCATION À LA SANTÉ,

QUEL IMPACT SUR L’ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE ?

Jean-Marc LANGE*, Patricia VICTOR**

IUFM-ROUEN, *UMR STEF ENS Cachan, **PAEDI IUFM Clermont-Ferrand

MOTS-CLÉS : ÉVOLUTION CURRICULAIRE – ÉDUCATION À LA SANTÉ – IDENTITÉ PROFESSIONNELLE – ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE

RÉSUMÉ : Nous proposons d’étudier l’impact de l’introduction de l’éducation à la santé (ES) sur l’enseignement scientifique et sur l’identité professionnelle des enseignants. Parmi les caractéristiques de l’ES, trois nous semblent essentielles : la particularité de l’objet de savoir en question, le principe d’éducation à réaffirmer, la place déterminante du sujet-acteur. Assumer ces caractéristiques et leurs conséquences, c’est permettre la construction d’une opinion raisonnée et le développement d’un principe démocratique de responsabilité chez les apprenants.

ABSTRACT : We propose to study the impact of the introduction of education to health (ES) on scientific teaching and the professional identity of the teachers. Among the characteristics of ES, three seem essential to us: the characteristic of the object to know in question, the principle of education to reaffirm, the determining place of the subject-actor. To assume these characteristics and their consequences, it is to allow the construction of a reasoned opinion and the development of a democratic principle of responsibility at learning.

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1. INTRODUCTION

L'éducation à la santé peut-elle appréhender le corps uniquement comme un simple objet scientifique ? Cette question se pose dans un contexte nouveau dans lequel l’attente sociétale, importante, est très diverse par rapport à l’enseignement scientifique. Ceci nous amène à conduire une réflexion sur les implications de cette attente, réflexion basée sur plusieurs années de recherches et de formations dans ce domaine. Dans ce cadre, nous avons en particulier recueilli des données au moyen d’enquêtes et d’entretiens semi-directifs auprès de populations enseignantes variées (PE, PLC, AIS (ASH), tant en formation initiale que continue). De leur analyse, trois caractéristiques de cette « éducation à… » nous paraissent essentielles.

2. LES CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉDUCATION À LA SANTÉ 2.1 Un objet de savoir particulier

Contrairement aux savoirs scolaires habituels qui sont issus de savoirs académiques stabilisés plus ou moins transposés, cette éducation à… est centrée sur un objet de savoir à caractère juridique, issu de compromis politiques et donc polémique et mouvant.

Historiquement, le concept de santé a accepté plusieurs définitions pour l’OMS. La définition de 1947 - « La santé est un état de bien-être physique, mental et social complet et pas simplement l’absence de maladie ou d’infirmité » - est une première tentative d'une approche positive de la santé en rupture avec une conception plus ancienne, pouvant être qualifiée de conception naturaliste, la santé vue comme simple absence de maladie (Giroux, 2004). Après ce premier essai de séparation conceptuelle entre santé et maladie, l'OMS propose en 1986 une nouvelle définition dite de la Charte d’Ottawa : « La mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut, d’une part réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et d’autre part, évoluer avec le milieu qui l’entoure ou s’adapter à celui-ci ». Après une période où le concept avait une très forte composante hygiéniste, donc centré sur le corps biologique, il est donc devenu actuellement pluridimensionnel. Il prend non seulement en compte les aspects physique, mental, social de la vie mais aussi la dimension environnementale et n’est plus considéré comme un but en soi mais comme une ressource de la vie quotidienne, une ressource majeure pour le progrès social, économique et individuel tout en constituant un aspect majeur de la qualité de vie. Si elles restent de peu d'efficacité en termes d'épistémologie médicale, ces différentes évolutions sont le reflet de choix successifs éminemment politiques et donc idéologiques. Elles restent cependant objets de débat entre tenants d'une vision naturaliste et ceux d'une vision normative de la santé (Giroux, 2004).

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Pour nous, cet objet de savoir ne peut devenir objet scolaire, c’est-à-dire objet de connaissance, qu’à certaines conditions. La première est de ne pas le détacher des notions et des concepts biologiques sans pour autant négliger, d’autres aspects comme leurs dimensions socio-économique et politique, éthique et culturelle, et sécuritaire, car ce sont bien les savoirs qui justifient l’école (Astolfi, 2000). A cette première condition s’ajoute la nécessité de rendre visible les savoirs implicites, voire cachés qu’ils véhiculent. Ainsi à la santé se trouve associée une certaine idée du progrès, elle-même en lien avec la notion de découverte scientifique, de la toute puissance médicale, de la performance technologique. Il existe alors un réseau conceptuel qui passe aussi par l'idée de Déterminisme, d'Évolution, de Technologie dont le nœud constitue l'idée même de Progrès1. Pour qu’il devienne objet scolaire tout en préservant son statut particulier, il convient pour

nous de construire des îlots de rationalité, (Fourez2). Ce choix a pour conséquence d’opter non pas

pour une science académique, mais pour une science engagée qui s’intéresse aux questions vives (Simonneaux, 2003) de la société comme, par exemple, la « bien traitance », la gestion du stress, de l’obésité ou des conduites à risques…

2.2 Un principe d’éducation

Mettre en exergue le principe d’éducation, c’est avoir comme finalité, non pas seulement l’objet en lui-même, mais la construction de l’individu et donc une perspective éducative démocratique dans le sens de John Dewey3 dont les travaux nous apportent alors un support efficace. On peut d’ailleurs

constater que cette idée s’illustre actuellement par le développement de la démocratie sanitaire ou par la prise en compte des expériences des populations comme dans l’exemple de la présence de dioxine dans le lait, issue des incinérateurs d’ordures ménagères ou celui des leucémies infantiles autour des usines de retraitement nucléaire. Mais il faut prendre aussi en compte le fait que cet idéal s’exprime dans un contexte sociétal en pleine évolution : montée de l’individualisme et diminution de l’action normalisatrice des institutions et de son acceptation y compris celle de l’Ecole. Si nous rejoignons Gilles Lipovetsky et Sébastien Charles4 dans leur constat d'une hyper-modernité à

l’œuvre dans nos sociétés, la valeur éducative de responsabilité devient, dans ce contexte, primordiale en tant que ciment social.

Alors, en quoi la mission de l’enseignant est-elle originale ? Elle l’est parce qu’elle doit être avant tout éducative. Elle l’est aussi pour lui dans sa mise en œuvre parce que cette mission s’inscrit dans

1 Taguieff P.-A. (2004). Le sens du progrès, une approche historique et philosophique. Paris : Flammarion. 2 Fourez G. (1988). La construction des sciences : les logiques des inventions scientifiques, introduction à la

philosophie et à l’éthique des sciences. Bruxelles : De Boeck Université 2e édition revue 1992. 3 Dewey J. (1916). Démocratie et éducation. Traduction G. Deledalle, 1990, Paris : Armand Colin.

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une approche transversale et dans une dynamique collective de travail (Mérini, 2004), ce qui n’est pas coutumier surtout dans le second degré. L’enseignant doit intervenir à côté et en complémentarité d’autres professionnels tels, le personnel de santé scolaire, la communauté éducative dans son ensemble ainsi que des partenaires extérieurs à l’Institution.

Les observations que nous avons effectuées nous conduisent à penser que ce principe d’éducation ne peut se mettre en œuvre qu’à certaines conditions : tout d’abord par une approche constructive globale et orientée positivement ce qui peut s’opposer à une approche plutôt prescriptive, parcellaire, trop souvent négative et mono-disciplinaire ; également par la volonté d’opter pour une démarche ascendante qui prend en compte l’expérience réflexive des élèves et de la population, et qui permet de la croiser avec l’avis des experts. La mise en œuvre doit aussi prendre en compte la pensée duelle qui, comme l’affirmait Dewey, est effectivement un obstacle potentiel à l’appropriation de l’idéal démocratique. Ainsi, nous avons constaté que, par exemple, l’opposition individuel-collectif se retrouve de façon très affirmée dans le domaine de la santé : « ma santé ne regarde que moi, mais sa prise en charge doit être collective… ». D'autres dualismes sont également à dépasser tels que celui du corps et de l'esprit, de l'humain et de la nature…

Bref, nous pensons qu’elle doit se faire par la construction d’une opinion raisonnée, par l’initiation à la culture du débat, en rupture avec celle de la joute, de la compétition forcenée. Il s’agit de permettre aux élèves d’identifier ce qui relève de la croyance, de l'opinion, de la connaissance étayée par des savoirs scientifiques.

2.3 La place déterminante du sujet

Comme troisième caractéristique, l’importance du sujet-acteur est, pour nous, fondamentale dans le cadre de cette mission éducative. En effet, nous avons constaté que le sexe, l’âge, l’histoire familiale et personnelle, le cursus scolaire et la filière de formation, la représentation de son métier, le rapport à la nature, à la société, à l’idée de progrès, sont autant d’obstacles potentiels à l’appropriation de cet objet comme objet scolaire et à sa mise en oeuvre en conformité avec les injonctions officielles.

Mais comment penser cette place ? Il nous semble intéressant, pour identifier ces obstacles, de mobiliser le concept didactique de « Rapport au savoir ». Nous privilégions l’approche sociologique de Charlot5, pour qui le rapport au savoir se décline en deux composantes : une composante

épistémique qui caractérise le rapport du sujet au monde et l’appropriation qu’il s’en fait et une composante identitaire individuelle et professionnelle.

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Nous faisons également appel au concept sociologique d’« habitus » (Bourdieu6). Si ce concept met

en avant une certaine idée d'inertie et de résistance au changement caractérisant les groupes sociaux et professionnels, il pointe aussi l'idée de ressources à mobiliser dans l'action, ce qui lui confère une dimension créative. Ces concepts deviennent alors potentiellement des outils pour penser la formation (Perrenoud, 2001 ; Lange, sous presse).

3. CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Il nous semble que l’ensemble de ces remarques et propositions peut trouver sa place dans le cadre de la didactique curriculaire. Le concept de matrice curriculaire permet, selon Jean-Louis Martinand (2003) et Joël Lebeaume (2003), de prendre en compte le curriculum et la dynamique de sa construction. La mobilisation de cette didactique curriculaire nous semble indispensable pour pouvoir revisiter les curriculi existants, pour identifier des balises curriculaires (c’est-à-dire les principes inhérents à la construction du curriculum), pour clarifier l’apport des différentes disciplines mobilisées, pour identifier les visées éducatives. Ainsi, la visée éducative de l’éducation à la santé est-elle liée au contexte de politique de santé publique dans lequel cette éducation est mise en œuvre7 ? L’identification de cette dynamique de construction doit être une des questions de

recherche concernant ces domaines.

Les caractéristiques que nous venons de décrire imposent d’assumer des recompositions disciplinaires entre "cœur" et "périphérie", une relation enseignant/apprenant transformée du fait que ces « questions vives », comme le dit L. Simonneaux, convoquent les systèmes de représentations-connnaissances des différents protagonistes, mais également des pratiques nouvelles puisque, aux activités traditionnelles des cours de sciences, doivent s’ajouter la pratique de l’enquête et celle du débat.

BIBLIOGRAPHIE

ASTOLFI J.-P. (2000). L’enseignement scientifique, composante d’une culture pour tous. In Pour une culture commune de la maternelle à l’université. Paris : Hachette éducation.

6 Bourdieu P. (2001). Science de la science et réflexivité. Paris : Raisons d’agir. 7 Martinand J.-L. Conclusion des journées Chamonix 2004

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BOURGEOIS-VICTOR P., COQUIDÉ M., LANGE J.-M. (1998). Conceptions d’enseignants sur l’éducation à la santé : une contribution pour penser la formation. Actes du colloque international Recherche et formation des Enseignants, Grenoble.

GIROUX E. (2004). Concepts de santé et de maladie : problèmes et controverses depuis les cannées 1950. Bulletin d’histoire et d’épistémologie des sciences de la vie. 11 : 1, 71-90.

LANGE J.-M. (sous presse). Vers l’identification des savoirs en action dans l’enseignement des SVT. In : Savoirs en action et acteurs de la formation, dir. J.-P. Astolfi. Rouen : P.U.R.

LEBEAUME J. (2003). Construction de la technologie pour l’école moyenne en France : un aperçu historique. La revue canadienne de l'enseignement des sciences, des mathématiques et des technologies. 3:1, 83-99.

MARTINAND J.-L. (2003). L'éducation technologique à l'école moyenne en France : problèmes de didactique curriculaire. La revue canadienne de l'enseignement des sciences, des mathématiques et des technologies. 3:1, 100-116.

MERINI C. (2004). Transversalité des apprentissages, polyvalence et dynamiques collectives de travail. Actes du 5e congrès international AECSE. Paris : CNAM

PERRENOUD P. (2001). Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant. Professionnalisation et raison pédagogique. Paris : ESF.

SIMONNEAUX L. (2003). Les savoirs chauds, entre sciences et valeurs. In Astolfi J.P. (dir) Éducation et formation : nouvelles questions, nouveaux métiers. ESF

VICTOR P., LANGE J.-M. et COQUIDÉ M. (2001). Éducation à la santé et à l’environnement : concepts, enjeux et stratégies de formation. Actes du séminaire “Recherches en IUFM”, Cachan : Association Tour 123.

Références

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