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Le rôle de l'État au regard de l'acceptabilité sociale de grands projets à fort impact socio-environnemental : repères pour examiner les interventions du gouvernement du Québec

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Academic year: 2021

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LE RÔLE DE L’ÉTAT AU REGARD DE

L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE DE GRANDS PROJETS À FORT IMPACT SOCIO-ENVIRONNEMENTAL

REPÈRES POUR EXAMINER LES INTERVENTIONS DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

THÈSE PRÉSENTÉE

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DU DOCTORAT EN SCIENCES DE L’ENVIRONNEMENT

PAR

PIERRE BATELLIER

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Avertissement

La diffusion de cette thèse se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles

supérieurs (SDU-522 – Rév.10-2015). Cette autorisation stipule que «conformément à

l’article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l’auteur] concède à l’Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d’utilisation et de publication de la totalité ou d’une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l’auteur] autorise l’Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l’Internet. Cette licence et cette autorisation n’entraînent pas une renonciation de [la] part [de l’auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l’auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

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Je tiens aussi à offrir mes sincères remerciements

À Jean-Philippe Waaub pour sa disponibilité, sa sensibilité et son oreille attentive. J’ai été choyé dans ma codirection de thèse ;

À Marie-José Fortin et Jacques Fortin pour leur présence sur mon comité de thèse et pour avoir été pour moi, à l’instar de mes co-directeurs, une source d’inspiration comme personnes, professeurs et chercheurs ;

Aux collègues du Centr'ERE de l’UQAM, aux doctorants côtoyés dans le cadre du programme de doctorat et à Marie-Ève Maillé, qui m’ont offert, dans les moments parfois solitaires d’un doctorat, un plaisir constant à venir travailler et partager du temps à leurs côtés.

Merci évidemment à Marie-Ève, mes filles, mes parents, mes amis et toute ma famille des deux côtés de l’Atlantique pour leur soutien essentiel à la réalisation de ce projet doctoral. Enfin, merci à l’UQAM qui a rendu cette recherche possible grâce à la Bourse institutionnelle Pierre Dansereau dont j’ai eu l’honneur d’être le premier lauréat.

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parfois au prix d’importants sacrifices, se mobilisent pour leurs milieux de vie, de travail, d’affaires, d’action politique…

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éléments. Tout d’abord, en 2012, je souhaitais poursuivre et amener plus loin des réflexions et des questionnements découlant de mon implication sociale dans plusieurs dossiers (en particulier, ceux du gaz de schiste, des mines et de la consigne sur les contenants de boisson) mais aussi de mon enseignement dans le domaine de la responsabilité sociale de l’entreprise. Je ressentais également le besoin de développer une culture et des compétences en recherche, conditions essentielles pour mieux cheminer dans le milieu universitaire tant sur le plan intellectuel que professionnel, mais aussi pour faciliter un transfert de connaissances entre la littérature académique et la pratique de « terrain ». Un tel transfert m’est apparu en effet particulièrement limité lorsque j’ai commencé en 2012 à explorer la littérature académique sur la question de l’acceptabilité sociale, tout en m’insérant dans les débats publics à ce sujet. Si ce manque de dialogue entre les sphères académiques et les sphères professionnelles et citoyennes a motivé ma démarche, l’élément déterminant de mon choix demeure l’opportunité unique dans une vie que constitue la recherche doctorale pour réfléchir en profondeur sur une question, alors que l’urgence, l’exigence et la routine d’un emploi entravent une telle réflexion. Il importe de souligner que c’est le support financier lié à l’obtention de la Bourse Pierre Dansereau, le soutien de ma compagne et l’appui de collègues et de mentors motivants et inspirants (mon comité de thèse) qui m’ont réellement permis de vivre ce moment de réflexion et de mener à bien ce projet de thèse.

Le choix de mon objet de recherche, soit le rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale

des grands projets à fort impact socio-environnemental découle directement d’une volonté

de poursuivre mes propres réflexions et de répondre à des interrogations à la fois personnelles et collectives au sein des mouvements citoyens auxquels j’ai participé. Il reflète aussi un désir

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de mener une recherche qui soit ancrée dans les débats du moment et de contribuer à la réflexion collective sur le sujet.

Également, la relation entreprises-communautés vue d’abord sous l’angle du « bon voisinage » et ensuite de l’acceptabilité sociale de projets, est devenue un angle émergent de la question plus large de la responsabilité sociale des entreprises qui constitue mon premier champ de recherche et d’enseignement. Réfléchir sur l’acceptabilité sociale venait donc directement enrichir mon champ d’enseignement.

Dès le départ, j’ai été saisi par le caractère complexe et problématique de l’idée d’acceptabilité sociale. Il a fallu relever le défi de définir et de baliser cette notion. Il y avait un risque en effet de voir émerger un autre « terme valise », sans que soient reconnues les nuances majeures qui peuvent exister d’une acception à l’autre. Mon expérience autour des notions de responsabilité sociale, de développement durable ou encore de gouvernance m’a montré l’importance de clarifier les différentes acceptions de tels termes pivots – souvent galvaudés – et d’en saisir les nuances et les lignes de tensions.

Le choix de cibler les grands projets industriels et d’infrastructures relève du caractère catalyseur des discussions collectives que ceux-ci soulèvent et des impacts majeurs sur la population, le climat social et la confiance respective entre les différents protagonistes qu’ils peuvent avoir s’ils sont mal conçus, amenés et gérés sur le terrain et s’ils sont mal planifiés, évalués et encadrés par les autorités publiques. Sur le plan pratique, les grands projets à fort impact socio-environnemental constituent un ensemble qu’il est possible de circonscrire même si les frontières doivent en être clairement précisées.

Aborder la question sous l’angle du rôle de l’État a été un choix clair dès le départ. Il m’est apparu rapidement dès les premiers débats et controverses au sein desquels je me suis engagé et plus particulièrement dans le dossier du gaz de schiste, comme un des principaux angles morts de cette question de l’acceptabilité sociale, trop souvent réduite à une dynamique

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stratégique entre promoteurs1 et citoyens. De même, dans les débats entourant la question de la responsabilité sociale de l’entreprise, l’État est le plus souvent réduit au simple rang de « partie prenante » du système de gouvernance, au même niveau que les autres acteurs (ceux de l’entreprise et de la « société civile », comme les fournisseurs, les riverains ou les ONG par exemple). Le regain d’attention au milieu des années 2010 autour de l’affirmation explicite d’un État promoteur des grands projets avec, par exemple, la révision en 2014 de la mission du Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles pour en faire un ministère à vocation d’abord économique, mais surtout l’accélération d’une refonte majeure de l’action de l’État entourant les grands projets, souvent discrète et fractionnée en différentes réformes (règles d’autorisation environnementale, lignes directrices en matière d’acceptabilité sociale, autonomie et politiques de participation publique municipales, encadrement du lobbying, accès à l’information, etc.) ont confirmé cette intuition première. Cela a conforté mon choix d’objet de recherche notamment celui d’une perspective large des interventions de l’État et sur le « temps long » des grands projets dépassant les phases d’évaluation préalable, d’autorisation et de démarrage du projet.

Lorsque discutées et abordées tant dans la sphère médiatique, dans la recherche académique que sur le terrain des controverses, l’intervention et l’influence de l’État sur les grands projets et la réponse du public à ceux-ci, sont regardées à la pièce, autour de cas, d’institutions spécifiques et lors de phases particulières du projet (participation publique, évaluation environnementale, compensation des impacts, etc.). Ces éléments apportent de très riches éclairages et permettent d’améliorer la compréhension de l’influence des interventions de l’État sur la réponse du public aux grands projets. Cependant, le regard porté sur l’État et son

1 Par « promoteur » est entendu une ou des entités (généralement économiques et/ou politiques) ayant un contrôle du projet et une responsabilité centrale dans son développement, qui dépassent la simple promotion publique du projet au sens de la communication, de la prise de position favorable ou d’un démarchage en ce sens.

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intervention en contexte de grands projets semblait manquer d’une perspective plus globale relative au rôle de celui-ci sur l’ensemble du cycle de vie de tels projets.

Enfin, malgré des déceptions et frustrations – voire de l’indignation – quant à certaines actions et décisions récentes de l’État québécois, je refuse la résignation, le fatalisme et le cynisme, et je crois en la possibilité d’une amélioration de l’action des pouvoirs publics, d’un meilleur État et d’une meilleure action gouvernementale en contexte de grands projets.

Développer une thèse théorique basée sur la recherche documentaire et l’observation participante n’était pas un choix de départ. Ce choix résulte d’un cheminement au cours des premières années de ma démarche doctorale et d’une volonté de cartographier le terrain des débats et de proposer des repères pour mieux comprendre et alimenter les discussions concernant les interactions entre les interventions de l’État et l’acceptabilité sociale. Cette thèse ne s’inscrit donc pas dans un débat théorique; elle a plutôt pour but de contribuer à la construction théorique de son objet d’étude, par la production de synthèses, de typologies et de modèles inédits.

Initialement, cette recherche avait été ancrée autour d’études de cas (dans le secteur minier, puis la filière du gaz de schiste au Québec), étant donné que la stratégie de l’étude de cas permet au chercheur de pénétrer la complexité des réalités sociales telles qu’elles se vivent au creux de leurs contextes (Yin, 2003) et d’explorer des phénomènes nouveaux ou n’ayant pas encore beaucoup attiré l’attention des chercheurs (Roy, 2009, p. 168). Cependant l’ampleur du chantier théorique à déblayer autour des notions clefs, l’étude exhaustive menée par Fortin et Fournis (2013) sur les facteurs d’acceptabilité sociale de la filière du gaz de schiste au Québec - cas que je souhaitais privilégier au départ -, le constat d’un riche contenu non encore mobilisé et synthétisé et aussi mon ancrage sur le terrain au cœur de diverses mobilisations et débats en cours m’ont amené à envisager finalement un objet de recherche plus global, de nature théorique, et à adopter à cet effet les stratégies de la recension d’écrits spécialisés, de l’analyse documentaire qualitative et de l’observation participante.

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En cours de recherche, j’ai pu constater l’émergence d’une riche littérature sur le sujet de l’acceptabilité sociale au Québec, offrant d’intéressantes réflexions conceptuelles. Également, plusieurs cas de grands projets québécois ont été étudiés au fil des dernières années et ont fait l’objet d’ouvrages ou de documentaires (les mégaporcheries, la filière éolienne, le projet de terminal gazier de Rabaska, les projets miniers associés au Plan Nord, plusieurs grands chantiers urbains à Montréal, etc.). Dès le départ, j’ai rapidement repéré de nombreux écrits, incluant une multitude de cas documentés par le passé, ayant des liens avec ce projet de recherche, notamment via des articles académiques, des monographies, des essais « scientifiques » et des sources produites en dehors de la sphère académique. Malgré leur potentiel d’apprentissage social et de construction de savoirs, plusieurs de ces cas ont été laissés de côté ou négligés ou sont tombés dans l’oubli. Le constat de l’ampleur de ce gisement d’écrits et de son potentiel m’a donc amené à intégrer la recherche documentaire à ma démarche méthodologique.

Outre l’analyse documentaire, mon implication à titre de participant direct ou d’observateur de diverses controverses et débats publics entourant des grands projets de 2009 (préalablement au début de la thèse en 2012) jusqu’en 2019, a servi d’espace d’alimentation et de résonance (et j’espère, de futures pistes d’atterrissage) de ma recherche, enrichissant entre autres les propositions de repères pour la discussion de ces enjeux tant dans la sphère publique qu’académique. Cette observation participante a pu être réalisée sur divers terrains, à partir des diverses postures : celles de citoyen mobilisé, de chercheur universitaire et de promoteur de projets (en tant que cofondateur et président de la Coopérative de solidarité les Valoristes2).

2 J’ai cofondé la Coopérative de Solidarité les Valoristes en 2012. J’en suis président depuis sa création. La mission de la Coop est de favoriser et d’appuyer, dans une approche de gestion inclusive et participative, la récupération de matières consignées, recyclables et réutilisables par les valoristes (récupérateurs informels individuels), ainsi que de faire connaître et reconnaître l’importance de la contribution de ces travailleurs méconnus. Son activité principale est la mise en place de centres de dépôts de contenants consignés spécialement adaptés aux réalités et besoins des valoristes.

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Ma démarche s’est nourrie d’une volonté d’essayer d’offrir des balises ou des premières cartes générales (grands ensembles, continents, cours d’eau, relief de la question) dont j’aurais aimé disposer au départ de ma démarche doctorale (j’avais alors l’impression de cheminer à l’aveugle sans grands repères) pour partir à l’exploration de cas, tester des grilles d’analyse et naviguer dans les débats et réflexions sur le rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale et ce, autant dans l’espace public que dans la recherche académique. Les repères produits au terme de cette recherche théorique devront néanmoins faire l’objet d’un dialogue plus soutenu avec les parties prenantes (chercheurs, citoyens mobilisés, fonctionnaires, décideurs publics et privés) pour les valider et les améliorer.

C’est ainsi qu’avec l’appui de mon comité de thèse, j’ai décidé de centrer mon apport sur une cartographie des points charnières entourant la question des facteurs d’influence de l’acceptabilité sociale et le lien entre les interventions de l’État et ces facteurs. La fonction première de la cartographie - qui est une de mes grandes passions personnelles - est de représenter la configuration d’un territoire, cette représentation pouvant avoir des usages multiples (voyages, exploration, urbanisme, usages militaires, etc.). C’est donc dans cette volonté de proposer une configuration du « territoire » du rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale des grands projets que j’ai approché ma recherche et que j’ai confirmé mon choix d’une recension d’écrits académiques et d’une recherche documentaire (documents produits dans le cadre des débats en cours), tout en maintenant un lien avec le terrain – via mon observation participante - pour m’assurer de la pertinence et de l’ancrage de mes propositions. Dans une certaine mesure et avec toute la modestie que nécessite une telle comparaison, je projetais ma démarche comme celle de ces géographes dit « de cabinet » par opposition aux géographes dit « de terrain »qui, contrairement aux navigateurs, aux missionnaires et aux ingénieurs, n’effectuaient pas d’observations et de mesures de terrain, mais qui avaient réussi par leurs réseaux et leurs expériences à rassembler et croiser les connaissances les plus récentes acquises sur le terrain par d’autres, aboutissant à un formidable degré d’exhaustivité et de détails pour l’époque, notamment dans les descriptions

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des terres nouvellement découvertes et explorées dont le Canada. Palomino (2008), grand spécialiste de la question, résume ainsi l’approche qu’avaient ces cartographes de leur travail :

Au XVIIIe siècle, les meilleurs géographes surent établir des réseaux de correspondants qui les tenaient au fait des plus récentes découvertes géographiques. Afin de produire une œuvre exacte et précise, le cartographe de cabinet lisait avec soin les journaux de navigation et les récits de voyage. Il retranscrivait les travaux de ses prédécesseurs et ceux de ses concurrents. Il tirait aussi parti des coordonnées géographiques calculées sur la base des observations astronomiques les plus récentes. Puis il comparait toutes ces sources entre elles, dressait des croquis, traquait les erreurs et les incohérences, avant de faire imprimer sa carte qui était vendue un peu partout en Europe.

Cet arbitrage en faveur d’une approche cartographique, appuyée par la recherche documentaire et l’observation participante s’est donc fait au fil de la recherche et de l’évolution de la problématique dans le débat public, et cela a mené à un ensemble de renoncements tel l’absence d’un terrain spécifique et d’une dynamique d’interactions plus soutenue avec les acteurs (venant parfois aggraver le caractère trop solitaire de la démarche de thèse) et soulevé d’importants défis méthodologiques propres à une telle approche et à un tel changement d’orientation en cours de thèse. Ce processus d’essais-erreurs, d’ajustements et de reconfiguration méthodologiques riche d’apprentissages a enlevé une certaine linéarité à mon travail de recherche, forçant une reconstruction de la trame de cette thèse en cours de route. L’ampleur du sujet couplée au temps long de l’élaboration de la recherche sur plus de sept ans, a aussi forcé de nombreux ajustements et mises à jour exigeantes pour tenir compte de la littérature émergente et de l’évolution de la régulation et des débats entourant l’acceptabilité sociale des grands projets au Québec.

Cependant, au terme du processus, les prises de position du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) depuis 2018 quant à l’importance de l’acceptabilité sociale dans la décision publique, les échanges récents avec différents publics tant dans les milieux citoyens et militants, une tournée autour du lancement du livre que j’ai coécrit avec Marie-Ève Maillé

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en 2017-20183, mes cours donnés à l’Université populaire de Montréal sur l’acceptabilité sociale et divers exercices sur l’acceptabilité sociale avec mes étudiants de HEC, mes interactions au sein du milieu des affaires (dont à l’occasion de la conférence-débat de l’ancien ministre David Heurtel sur l’acceptabilité sociale en février 2019) sont encore venus souligner toute la pertinence et l’utilité actuelle de proposer des repères sur ces questions. Au cours de ma démarche doctorale, dans la volonté de contribuer aux discussions collectives très vives sur ces questions et de confronter et discuter mes premiers travaux, plusieurs réflexions et résultats partiels découlant de ma recherche ont fait l’objet de publications. Ces dernières présentent une cartographie des définitions existantes de l’acceptabilité sociale et portent sur la discussion de postulats jugés problématiques au regard de leur influence sur la manière d’aborder la question de l’acceptabilité sociale, de leur récurrence dans les discours et les pratiques de certains acteurs et des biais et confusions dont ils témoignent entre les notions de postulat, d’hypothèse et de fait démontré. Il s’agit de deux articles (Batellier, 2016a, 2016b) et d’un cahier de recherche (Batellier, 2015). Le livre coécrit avec Marie-Ève Maillé (Batellier et Maillé, 2017) s’inscrit dans une dynamique similaire de partage d’expériences, d’apprentissages et de réflexions sur les questions d’acceptabilité sociale sous l’angle plus particulier de la déconstruction d’un certain nombre d’idées reçues et d’oppositions binaires sans nuances souvent véhiculées dans les débats entourant les mobilisations sociales et la contestation de grands projets, et tendant à entraver et délégitimer la prise de parole citoyenne. Si les sujets traités recoupent certains aspects de ma recherche, les questions centrales ainsi que les angles d’écriture sont différents (par exemple, le livre correspond à un essai engagé). Par ailleurs, je cite parfois les textes coécrits avec Lucie Sauvé portant sur le cas de la filière du gaz de schiste (Batellier et Sauvé, 2011 ; Sauvé et Batellier, 2011) ainsi que l’analyse de Batellier (2012) qui recoupent et reprennent certains constats et

3 Batellier, Pierre, et Marie-Ève Maillé. 2017. Acceptabilité sociale : sans oui, c’est non. Montréal : Écosociété.

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réflexions issus de la participation observante débutée dès 2009 sur laquelle je m’appuie dans le cadre de cette recherche. Si ces publications sont parfois mobilisées et citées dans cette recherche, c’est principalement pour proposer au lecteur d’accéder à des informations supplémentaires, à des exemples ou des éléments d’approfondissement.

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TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS ... iv

LISTE DES FIGURES ... xx

LISTE DES TABLEAUX ... xxi

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ... xxii

RÉSUMÉ... xxiii

INTRODUCTION ... 25

CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE ... 35

1.1) Problématique sociétale ... 35

1.1.1) Les grands projets au cœur de nos sociétés ... 36

1.1.2) L’État acteur central du développement des grands projets ... 40

1.1.3) Une contestation sociale des grands projets récents au Québec et dans le monde ... 44

1.1.4) Des réponses encore partielles malgré une prise de conscience collective ... 52

1.1.5) L’acceptabilité sociale, notion omniprésente érigée en critère central de décision ... 57

1.1.6) Un critère de décision dont les frontières floues préoccupent ... 59

1.1.7) L’État québécois interpelé au regard de ses interventions ... 67

1.1.8) Une refonte majeure de la gouvernance des grands projets au Québec ... 71

1.1.9) Un contexte sociétal propice à une meilleure structuration du débat ... 75

1.2) Problématique de recherche ... 75

1.2.1) Acceptabilité sociale : manque d’ancrage et de balisage conceptuel ... 76

1.2.2) Facteurs influençant la réponse du public : vaste corpus, mais synthèse limitée ... 81

1.2.3) Nécessité d’une perspective globale sur les interventions de l’État et leur influence ... 87

1.2.4) Peu de balises pour attacher les interventions à des conceptions de l’État ... 89

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1.4) Finalité, buts et objectifs de recherche ... 92

CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE ... 97

2.1) Définitions de l’acceptabilité sociale, un ensemble de construits sociaux... 98

2.2) La réponse du public à un projet : processus et résultat multidimensionnels ... 99

2.3) Postulats relatifs à la réponse du public aux grands projets ... 106

2.3.1) Toute réponse du public est potentiellement légitime, rationnelle et informée. ... 108

2.3.2) Le conflit peut être porteur de messages, de signaux et de dynamisme social. ... 109

2.3.3) Le public n’est pas toujours favorable au développement et à la technologie. ... 112

2.3.4) Qui ne dit mot ne consent pas forcément. ... 113

2.4) Le grand projet, échelles et frontières d’analyse ... 114

2.4.1) Échelles d’analyse du grand projet ... 115

2.4.2) Nature, début, fin et grandes phases du grand projet ... 116

2.5) L’État : nature de l’objet ... 123

2.5.1) Définitions générales formelles de l’État ... 123

2.5.2) Précisions des frontières conceptuelles entre État et gouvernement... 126

2.5.3) L’État québécois - portrait des principales institutions concernées ... 127

2.6) Rôle : nuances majeures entre rôles joué, établi, affiché et attendu ... 129

2.7) Synthèse du chapitre ... 131

CHAPITRE III DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ... 132

3.1) Posture du chercheur au début de l’étude ... 133

3.2) Approche générale retenue ... 135

3.3) Deux stratégies globales de recherche ... 139

3.3.1) La recherche documentaire ... 139

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3.4) Stratégies de repérage et de consignation des données ... 144

3.4.1) Recension d’écrits scientifiques sur l’acceptabilité sociale : corpus retenus ... 145

3.4.2) Recension d’écrits scientifiques sur le rôle de l’État : corpus retenus ... 153

3.4.3) Recension d’autres documents... 155

3.4.4) Prise de notes et documentation en lien avec l’observation participante ... 155

3.5) Stratégies relatives à l’analyse des données ... 157

3.5.1) Analyse par questionnement ... 157

3.5.2) Analyse thématique ... 158

3.5.3) Analyse conceptualisante ... 160

3.5.4) Métasynthèse ... 161

3.6) Déroulement de la recherche ... 161

3.7) Critères de validité de cette recherche ... 162

3.7) Éthique de la recherche ... 170

3.8) Principales limites méthodologiques ... 171

3.9) Synthèse du chapitre ... 172

CHAPITRE IV BALISES POUR COMPRENDRE LES NUANCES CLEFS DE LA NOTION D’ACCEPTABILITÉ SOCIALE EN CONTEXTE DE PRISE DE DÉCISION ENTOURANT LES GRANDS PROJETS ... 173

4.1) Portrait des approches et des définitions existantes ... 175

4.2) Nature fondamentale de l’acceptabilité sociale ... 179

4.2.1) L’acceptabilité sociale comme condition ... 179

4.2.2) L’acceptabilité sociale comme outil ou instrument ... 181

4.2.3) L’acceptabilité sociale comme processus ... 183

4.2.4) L’acceptabilité sociale comme résultat ... 186

4.2.5) L’acceptabilité sociale comme processus et résultat ... 188

(17)

4.3) L’acceptabilité sociale comme appui du public ... 192

4.3.1) Nature de l’accord ou de l’appui : que veut dire accepter ? ... 192

4.3.2) Niveau d’accord ou de désaccord : unanimité, consensus et majorité ... 199

4.3.3) Périmètre et modalités d’expression du social ou du public ... 202

4.4) Synthèse du chapitre ... 210

CHAPITRE V CARTOGRAPHIE DES FACTEURS INFLUENCANT LA RÉPONSE DU PUBLIC AUX GRANDS PROJETS ... 212

5.1) Démarche générale de collecte et d’analyse thématique des données ... 213

5.1.1) Un processus en quatre étapes ... 213

5.1.2) Précisions sur la démarche d’analyse thématique ... 215

5.2) Catégorisation préliminaire des facteurs d’influence ... 217

5.2.1) Ensembles de facteurs émergeant de la première phase d’analyse documentaire ... 217

5.2.2) Catégorisation préliminaire des facteurs d’influence ... 223

5.3) Facteurs émergeant de l’observation participante et des récits-études de cas ... 225

5.3.1) Adéquation entre le milieu, le projet et son promoteur ... 226

5.3.2) Confiance mutuelle entre les protagonistes ... 232

5.3.3) Traitement des impacts et retombées du projet... 235

5.3.4) Communications, information et relations Promoteur – Milieu ... 240

5.3.5) Dimension participative du processus décisionnel ... 242

5.3.6) Cadre institutionnel ... 245

5.3.7) Dynamique de débat et de négociation sociale ... 249

5.3.8) Bilan de l’analyse et défis de catégorisation ... 253

5.4) Mise en perspective des premiers résultats avec l’examen de cinq propositions de catégorisation des facteurs d’influence ... 255

5.4.1) Conseil patronal de l’environnement du Québec - proposition de catégorisation ... 256

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5.4.3) UQAM-UQAT – Proposition d’un indice du risque social ... 262

5.4.4) Grille d’analyse de l’acceptabilité sociale des projets urbains de Gariépy ... 265

5.4.5) TES-RCGT - Grille de facteurs mobilisée lors du Chantier sur l’acceptabilité sociale.. 266

5.5) Proposition d’un modèle descriptif et explicatif des facteurs d’influence ... 268

5.5.1) Grille principale des facteurs d’influence ... 268

5.5.2) Cadrage préalable de l’objet de questionnement : Qui accepte ? ... 271

5.5.3) Projet, promoteur, milieu et leur adéquation : Quoi ? Par qui ? Où et quand ?... 272

5.5.4) Processus de décision et de gestion : Comment le projet est-il décidé et géré ? ... 274

5.5.5) Cadre institutionnel : Comment le projet est-il encadré et régulé ? ... 279

5.5.6) Dynamique de débat et de négociation : Comment le projet est-il débattu et négocié ?. 283 5.5.7) Justifications : … Et pourquoi ? ... 285

5.6) Synthèse du chapitre ... 287

CHAPITRE VI REPÈRES POUR EXAMINER LES INTERVENTIONS DE L’ÉTAT À MÊME D’INFLUENCER LA RÉPONSE DU PUBLIC AUX GRANDS PROJETS ... 289

6.1) Classification des facteurs d’influence selon les phases d’un grand projet ... 291

6.2) Interventions de l’État à même d’influencer la réponse du public ... 295

6.2.1) Avant le projet ... 295

6.2.2) Incubation du projet ... 303

6.2.3) Conception du projet ... 307

6.2.4) Atterrissage et vie du projet dans le milieu ... 310

6.2.5) Évaluation et autorisation du projet ... 312

6.2.6) Réalisation (ou abandon), exploitation et fin de vie ... 314

6.2.7) Bilan et proposition d’un modèle systématisé ... 316

6.3) Déterminants généraux de la force d’influence de l’État dans la société ... 319

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6.3.2) Autonomie : capacité à décider-trancher et à résister aux pressions externes ... 323

6.3.3) Ancrage sociétal : capacité à interagir et collaborer avec la société civile ... 326

6.3.4) Cohérence : capacité à assurer une coordination et une cohésion interne ... 327

6.3.5) Compétence : capacité à développer, mettre en œuvre et gérer ... 328

6.3.6) Résilience : capacité à résister aux chocs et s’adapter ... 329

6.3.7) Légitimité : capacité à se faire respecter, à rejoindre et à mobiliser le public ... 329

6.3.8) Synthèse des déterminants de la force d’influence de l’État dans la société ... 330

6.4) Synthèse du chapitre ... 332

CHAPITRE VII CADRE D’ANALYSE DE LA POSTURE ET DE LA CONDUITE DE L’ÉTAT EN MATIÈRE D’ACCEPTABILITÉ SOCIALE ... 333

7.1) Conceptions de la posture et de la conduite de l’État au regard de l’acceptabilité sociale ... 334

7.1.1) Grille d’analyse de la posture et de la conduite de l’État ... 335

7.1.2) Fondements de l’existence et de l’action de l’État ... 336

7.1.3) Missions de l’État et fonctions associées ... 347

7.1.4) Puissance ou capacité d’intervention ... 354

7.1.5) Degré et modalités d’intervention de l’État ... 357

7.1.6) Cibles de l’intervention de l’État ... 360

7.1.7) Une boussole ... 361

7.2) Vers des catégories de posture et de conduite de l’État au regard de l’acceptabilité sociale 363 7.3) Synthèse du chapitre ... 365

CHAPITRE VIII ... 367

DISCUSSION GÉNÉRALE ... 367

8.1) Défis posés par cette recherche et ajustement de sa trajectoire ... 367

8.2) Principaux constats qui ressortent de cette recherche ... 373

(20)

8.4) Enjeux et limites de cette recherche... 383

8.5) Éléments de transférabilité ... 385

8.6) Suites à donner à cette recherche ... 389

8.7) Pistes de recherche à venir ... 392

CONCLUSION ... 397

ANNEXE A – Liste des activités d’observation participante ... 404

ANNEXE B - Documentation (non académique) utilisée provenant notamment de l’observation participante ... 410

ANNEXE C - Repères stratégiques pour examiner le rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale des grands projets à fort impact socio-environnemental ... 413

ANNEXE D – Grille de facteurs d’influence de l’acceptabilité de RCGT et Transfert Environnement et Société (2016) ... 426

(21)

Figure 3. Claims liés aux hydrocarbures au Québec et claims miniers au Canada ... 49

Figure 4. Top 10 business risks facing mining and metals (Ernst&Young, 2019) ... 54

Figure 5. Questionnement de recherche ... 92

Figure 6. Construction de la réponse d’un public (informé) à un projet ... 106

Figure 7. Grille d’analyse de l’acceptabilité sociale, tirée de Fournis et Fortin (2015) ... 207

Figure 8. Pôles composant l’Indice du risque social (Yates et al., 2016) ... 263

Figure 9. Facteurs d’influence selon les phases clefs d’un grand projet ... 294

Figure 10. Principales variables des conceptions de la posture et de la conduite de l’État 362 Figure 11. Ensemble des repères produits dans le cadre de la thèse ... 382

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Tableau 3. Perception de l’acceptabilité sociale du milieu des affaires selon Lavoie-Isebaert (2016) ... 66 Tableau 4. Principales phases du cycle de vie d’un grand projet ... 121 Tableau 5. Plan récapitulatif de la recherche ... 137 Tableau 6. Liste des récits-études de cas analysés ... 152 Tableau 7. Authenticité de la recherche : apports et déclinaison dans cette recherche ... 169 Tableau 8. Principales définitions de l’acceptabilité sociale identifiées ... 177 Tableau 9. Approches de l’acceptabilité sociale selon Saucier et al. (2009, p. 74-75) ... 180 Tableau 10. Synthèse des approches de la notion d’acceptabilité sociale ... 191 Tableau 11. Accepter : sens, synonymes et contraires ... 193 Tableau 12. Nature de l’accord du public et éléments distinctifs ... 199 Tableau 13. Niveaux d’accord et périmètre du public... 202 Tableau 14. Facteurs influençant l’acceptabilité sociale (CPEQ, 2012, p. 4) ... 257 Tableau 15. Facteurs constitutifs d’acceptabilité sociale selon Saucier et al. (2009) ... 261 Tableau 16. Pôle juridique de l’indice du risque social (Bergeron et Krolik, 2016) ... 264 Tableau 17. Facteurs d’influence de l’acceptabilité sociale selon Gariépy (2014), adapté par Gauthier et al. (2015) ... 266 Tableau 18. Facteurs à même d’influencer la réponse du public à un grand projet ... 270 Tableau 19. Interventions clefs de l’État à même d’influencer la réponse du public... 318 Tableau 20. Déterminants de la force d’influence de l’État dans la société ... 331 Tableau 21. Angles d’analyse de la posture et de la conduite de l’État ... 336 Tableau 22. Missions de l’État et fonctions associées ... 349 Tableau 23. Posture, approche de l’acceptabilité sociale et conduite de l’État ... 364

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CPTAQ Commission de protection du territoire agricole du Québec CQDE Centre québécois du droit de l’environnement

EES Évaluation environnementale stratégique

FCCQ Fédération des chambres de commerce du Québec HEC Hautes études commerciales

INM Institut du Nouveau Monde

LQE Loi québécoise sur l’environnement

MAMOT Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire MDDELCC Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte

contre les changements climatiques

MERN Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles MRC Municipalité régionale de comté

MTQ Ministère des Transports du Québec NIMBY Not in my backyard

OCPM Office de consultation publique de Montréal ONG Organisation non gouvernementale

OQLF Office québécois de la langue française RCGT Raymond Chabot Grant Thornton SLO Social license to operate

TES Transfert environnement et société UQAM Université du Québec à Montréal UQAR Université du Québec à Rimouski

(24)

socio-environnemental au Québec (mines, énergie, transport, développement urbain, etc.), le rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale de tels projets fait l’objet d’une attention relativement récente. La discussion à ce sujet demeure émergente et elle est encore peu balisée. Si l’acceptabilité sociale s’est imposée dans les différents argumentaires des acteurs (ONG, citoyens, entreprises, gouvernements), cette notion est rarement clairement définie et demeure mobilisée différemment selon les protagonistes et les problématiques. Quant aux interventions de l’État, leur influence sur la réponse du public est considérée à la pièce, sans perspective globale ni référence à une certaine conduite ou posture attendue de l’État dans la société. Cette situation complexifie le dialogue et génère parfois des tensions.

Cette recherche vise à mieux comprendre et cerner le rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale de grands projets et à proposer des balises permettant d’examiner en particulier l’action du gouvernement du Québec en la matière. Cette étude principalement descriptive et spéculative s’appuie sur une analyse qualitative critique de divers types d’écrits repérés dans les littératures afférentes à l’acceptabilité sociale, de même que sur une observation participante de la dynamique des débats récents au Québec entourant l’acceptabilité sociale de plusieurs grands projets.

Pour mieux cerner la notion d’acceptabilité sociale, ses différentes acceptions et définitions ont été repérées et cartographiées, dégageant ainsi un ensemble de conceptions dominantes et un canevas d’analyse qui pourraient être utiles aux acteurs qui s’interrogent sur le sens à donner à cette notion. Pour comprendre les déterminants du phénomène d’acceptabilité sociale, une synthèse des différents facteurs pouvant influencer la réponse du public aux grands projets a été articulée autour de catégories générales qui ont émergé de notre analyse. À partir de cette synthèse, les interventions critiques de l’État au regard de leur impact potentiel sur la réponse du public ont ensuite été identifiées et classées en fonction des différentes phases clefs d’un grand projet en explicitant les facteurs d’influence mobilisés. Enfin, dans une perspective spéculative, un cadre global d’analyse de la posture et de la conduite de l’État en matière d’acceptabilité sociale a été proposé.

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Les résultats de cette recherche pourront vraisemblablement apporter une contribution aux débats en cours sur la notion d’acceptabilité sociale et sur l’action gouvernementale au regard de la prise de décision relative aux grands projets à fort impact socio-environnemental. Ils offrent des balises pour favoriser des discussions plus éclairées sur le rôle de l’État quant à l’acceptabilité sociale de tels projets. Nous souhaitons également qu’ils puissent contribuer à enrichir divers champs académiques interpelés par cette question complexe, en particulier ceux des sciences politiques, des sciences de l’environnement, de la géographie et des sciences de la gestion, plus spécifiquement, de la gestion de projets au regard de la responsabilité sociale de l’entreprise.

Mots clefs : acceptabilité sociale ; acceptation sociale ; mobilisation sociale ; permis social d’opérer ; conflit ; controverse ; gouvernement ; gouvernance ; État ; rôle de l’État ; espace public ; grands projets ; pouvoirs publics ; environnement.

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INTRODUCTION

Au cours de la dernière décennie, le Québec a connu de nombreuses mobilisations sociales liées à de grands projets industriels et d’infrastructures, « grands » par le montant élevé des investissements consentis, la durée des travaux et l’importance des impacts économiques, sociaux et environnementaux : projets miniers, terminaux méthaniers ou pétroliers, exploitation et transport des hydrocarbures, lignes électriques, projets éoliens, infrastructures de transport, etc. De nombreux acteurs sociaux aux échelles locale, régionale voire nationale contestent ouvertement de tels projets jugés à risque, aussi bien dans les régions urbaines que rurales, éloignées ou en difficulté économique. Les préoccupations exprimées sont diverses : impacts environnementaux, atteintes à la qualité de vie, conflits d’usages du territoire, détérioration du paysage, processus décisionnel et participatif défaillant, mode de gestion inapproprié du projet par le promoteur, vision inadéquate de l’intérêt collectif, du développement ou de l’utilisation des fonds publics, etc. Ne pas prendre en compte ces préoccupations peut compromettre la réalisation et la viabilité des projets, empêcher leur éventuelle bonification, générer des impacts sociaux négatifs et entraîner des conflits. Ces mobilisations sociales ainsi que les (tentatives de) réponses apportées par les promoteurs et les décideurs publics sont de plus en plus envisagées sous l’angle de l’acceptabilité sociale. La notion est devenue la pierre angulaire des discours, arguments et pratiques des parties prenantes aux débats entourant les grands projets. Il coexiste une multitude d’acceptions et de champs de signification de ce terme, souvent implicites, qui varient selon les acteurs et leurs intérêts, et selon les problématiques sociétales. Bien qu’évoquée dans les évaluations et décisions de nombreuses institutions publiques au Québec (Bureau d’audiences publiques en environnement - BAPE, Commission de protection du territoire agricole - CPTAQ, Vérificateur général du Québec, etc.) et largement mobilisée comme critère de décision par

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les décideurs gouvernementaux, cette notion d’acceptabilité sociale est rarement définie et demeurait absente du cadre légal, réglementaire et juridique québécois jusqu’à la nouvelle mouture de la Loi sur la qualité de l’environnement adoptée en 2018 et deux décisions de justice en 2017 (Ressources Strateco inc. c. Procureure générale du Québec et PGQ -

Citoyens sous haute-tension c. Hydro-Québec) qui créent une première jurisprudence sur la

question. Si la malléabilité de la notion permet l’émergence de différents construits sociaux alimentant un nécessaire débat, elle pose aussi le risque d’en faire un terme « valise » manipulable au gré des intérêts des acteurs, favorisant une méfiance, un dialogue de sourds4, voire des conflits sur le sens et les usages de ce terme. Plus généralement, l’absence de mise en lumière et d’explicitation de la signification du terme peut entraver le dialogue et la compréhension mutuelle entre les acteurs sociaux du débat.

Ces mobilisations sociales, la plupart des préoccupations qui les sous-tendent, leurs conséquences socio-économiques et environnementales ainsi que le débat actuel sur la notion d’acceptabilité sociale interpellent directement ou indirectement l’État quant à sa posture et ses interventions. Jusqu’ici traitées par les médias, par une partie des décideurs publics comme privés et par certains chercheurs qui observent la dynamique de manière périphérique aux échanges entre citoyens et promoteurs des projets, la conduite et la posture de l’État sont récemment revenues au centre des discussions. Son rôle au regard de l’acceptabilité sociale fait l’objet d’un nouvel intérêt au Québec en relation avec plusieurs dossiers de « développement » – notamment la production d’hydrocarbures, le projet d’exploration minière Strateco (uranium), la construction de la cimenterie McInnis, le projet de Réseau électrique métropolitain (REM), le pipeline Énergie-Est et autres oléoducs ou encore le projet de 3e lien entre la Ville de Québec et la rive sud du Saint-Laurent – mais aussi en lien avec

4 Même si nous utilisons cette expression idiomatique qui désigne une discussion entre des interlocuteurs, qui ne se comprennent pas ou ne s’écoutent pas tout en pensant qu’ils conversent ensemble d’une même question, nous rappelons qu’elle est problématique et discriminante dans la mesure où, dans les faits, deux personnes malentendantes sont en mesure de très bien communiquer entre elles.

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plusieurs réformes institutionnelles et réglementaires relatives à la gestion des ressources naturelles ainsi qu’au régime d’autorisation environnementale. Cependant, trouver des repères pour aborder et discuter la question du rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale des grands projets à fort impact socio-environnemental demeure difficile.

Certes, dans la sphère académique, tel que nous l’expliciterons au chapitre portant sur la problématique de cette recherche, la question de l’acceptabilité sociale a fait, au Québec comme ailleurs, l’objet d’un intérêt soutenu depuis une quinzaine d’années. La recherche s’est beaucoup intéressée aux facteurs influençant la réponse du public et, plus récemment, au développement conceptuel et théorique de la notion. Plusieurs facteurs d’influence faisant intervenir l’État, notamment en lien avec le processus de décision et le cadre institutionnel entourant les projets, ont été mis en évidence, de même que le rôle de certaines institutions publiques telles le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) ou encore de certains outils et instruments de l’action publique ou de champs de compétence privilégiés telle l’évaluation environnementale de grands projets. Cependant, malgré un vaste corpus traitant de différents instruments de l’action publique en environnement et de façon moindre en contexte de grands projets, il n’existe pas actuellement de perspective globale portant spécifiquement sur les différentes interventions critiques de l’État au regard de leur influence potentielle sur la réponse du public à un grand projet. De plus, au-delà de la mise en évidence d’une telle influence potentielle, les visées implicites ou les résultats attendus de celles-ci, de même que les fondements, principes et conceptions de l’État sur lesquels elles s’appuient sont rarement précisés et discutés, ni situés au regard d’éventuelles attentes sociales à cet effet.

Ce besoin de clarification, de précision et de systématisation concernant tant le sens donné à

acceptabilité sociale que le rôle de l’État au regard des conflits et débats entourant les grands

projets se fait aussi sentir au Québec sur le terrain du débat social. Au cours des dernières années, plusieurs acteurs gouvernementaux et issus de la société civile ont interpelé le

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gouvernement quant à sa gestion de dossiers controversés et son rôle au regard de l’acceptabilité sociale, que ce soit le Vérificateur général du Québec, le BAPE, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), ou encore le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE). Ce dernier interpelle directement l’État par son constat qu’au cours des dernières années, ses batailles juridiques ne se sont plus menées contre des entreprises, mais contre des institutions gouvernementales défaillantes qui souvent ne respectent pas leurs propres règles (CQDE, 2015, 27 août). En 2014, l’entreprise uranifère Strateco a contesté en cour le refus du gouvernement de délivrer les certificats d’autorisation faute « d’acceptabilité sociale suffisante » (Ressources Strateco Inc., 2016). Dans ce contexte, parmi les différentes réformes entourant la participation publique et les grands projets, ont été lancés au Québec 1) le Chantier sur l’acceptabilité sociale et son Livre vert qui ont débouché sur les Orientations du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles

en matière d’acceptabilité sociale (MERN, 2016) et 2) le Projet de modernisation de la Loi sur la qualité de l’environnement (MDDELCC, 2015) qui visait, entre autres, à mieux tenir

compte des préoccupations sociales dans les procédures d’évaluation environnementale. Le gouvernement fédéral du Canada a lui aussi complété en 2017 un examen en vue d’une révision des procédures d’évaluation environnementale des grands projets et de la gouvernance de l’Office national de l’énergie.

Le contexte actuel est donc propice à un examen plus approfondi et systématique et à une réflexion plus globale et structurante concernant le rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale de grands projets au Québec.

Dans la perspective de mieux saisir et comprendre la dynamique d’interaction potentielle entre les interventions de l’État et l’acceptabilité sociale, cette recherche vise à répondre à la question suivante : quelles sont les interventions de l’État susceptibles d’influencer l’acceptabilité sociale des grands projets à fort impact socio-environnemental ?

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Au final, il s’agit de de favoriser des prises de décisions publiques concernant les grands projets à fort impact socio-environnemental qui soient plus efficientes, plus démocratiques et qui répondent au souci du bien commun.

À cet effet, l’objectif global de cette recherche est de développer un cadre d’analyse permettant de saisir et de comprendre les interventions de l’État, plus spécifiquement celles du gouvernement du Québec, susceptibles d’influencer l’acceptabilité sociale de grands projets à fort impact socio-environnemental.

Nous verrons que cette recherche poursuit quatre objectifs généraux, donnant lieu à quatre chapitres de la thèse : 1) Proposer des repères pour mieux cerner la notion d’acceptabilité

sociale en contexte de prise de décision entourant les grands projets (Chapitre IV); 2)

Identifier, caractériser et systématiser les différents facteurs pouvant influencer la réponse du public aux grands projets (Chapitre V); 3) Caractériser et systématiser, sur le cycle de vie d’un grand projet, les interventions de l’État à même d’influencer la réponse du public (Chapitre VI); 4) Dans une perspective spéculative, proposer une systématisation des types de postures et de conduites de l’État en matière d’acceptabilité sociale (Chapitre VII). Cette recherche ne vise pas à circonscrire ou à imposer une définition unique de l’acceptabilité sociale. Elle ne vient pas non plus suggérer ou proposer un modèle d’action de l’État en particulier. Elle vise plutôt à éclairer, situer et nourrir les débats en cours ainsi qu’à fournir certains repères pour y participer plus efficacement. Au fil de la recherche, ont été construits un ensemble de modèles théoriques (typologies et autres catégorisations, déploiement de concepts, etc.) issus de synthèses systémiques (éléments et relations) qui, ensemble, convergent vers un modèle global. Ces repères s’apparentent à des cartes et à une boussole, permettant de s’orienter parmi les nuances de l’acceptabilité sociale, les multiples interventions de l’État en contexte de projets, les différents facteurs pouvant influencer la

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réponse du public aux grands projets et les débats entourant le rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale des grands projets.

Les fruits de cette recherche pourront contribuer aux vifs débats en cours au Québec en éclairant les réflexions et les choix des citoyens, promoteurs et décideurs publics entourant ces enjeux de société. Ils pourront enrichir à cet effet divers champs académiques qui mobilisent la notion d’acceptabilité sociale, notamment ceux des sciences de l’environnement, de la géographie, des sciences politiques et de la gestion au regard de la responsabilité sociale de l’entreprise.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons adopté une approche méthodologique qualitative descriptive et critique, explicative et spéculative. Le matériau de cette recherche provient d’une recherche documentaire (recension d’écrits) et d’une observation participante (parfois participation observante) de la dynamique des débats récents au Québec sur près de dix ans, principalement autour des dossiers du gaz de schiste et autres hydrocarbures au Québec, et du développement minier dans le cadre du Plan Nord, ainsi que lors de conférences, forums et consultations sur l’acceptabilité sociale. Deux stratégies d’analyse ont été privilégiées soit l’analyse par questionnement et l’analyse thématique.

Enfin, il importe de signaler que, dans cette recherche, les questions et les enjeux d’acceptabilité sociale sont essentiellement abordés dans une perspective allochtone, à part certains éléments de discussion de la notion de consentement préalable libre et éclairé, du traitement de l’affaire Strateco impliquant les Cris et de quelques observations sur le terrain. Parmi celles-ci, soulignons les discussions entourant les relations entre les Cris et Hydro-Québec dans le cadre d’un séminaire sur la question 5 ; les expériences d’interaction avec les

5 Dans un séminaire d’une journée à HEC Montréal en novembre 2015, Réal Courcelles, conseiller aux relations autochtones chez Hydro-Québec aujourd’hui retraité, et John Paul Murdoch, conseiller juridique du Grand Conseil des Cris et secrétaire général du Gouvernement de la Nation Crie, ont raconté 40 ans de relations entre la société d’État et la communauté Crie.

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Premières Nations de plusieurs promoteurs de projets partagées lors de conférences ou d’ateliers ; les revendications autochtones formulées dans les espaces de discussion observés ainsi que les relations – souvent nouvelles - entre groupes autochtones et allochtones dans plusieurs mobilisations sociales liées notamment aux dossiers des mines et des hydrocarbures.

Malgré des questionnements similaires, des parallèles et des apprentissages croisés à réaliser au sein des débats en contexte autochtone et allochtone, l’acceptabilité sociale en contexte autochtone et le rôle de l’État au Québec à cet égard répondent à d’autres critères et à d’autres attentes sociales qu’en contexte allochtone. Les questions entourant l’acceptabilité sociale et le rôle de l’État s’inscrivent en effet dans des contextes politiques, sociaux et historiques très différents (relations et rapports de pouvoir, dynamique de la société civile, processus politiques au sein des communautés, etc.). Le traitement des enjeux socio-environnementaux ainsi que les interventions de l’État qui y sont associés sont la plupart du temps différenciés selon qu’il s’agit d’un contexte allochtone ou autochtone.

Par manque de temps, mais aussi de connaissance et de distance critique nécessaire quant aux réalités du monde autochtone, cette dimension pourtant essentielle ne sera pas traitée spécifiquement. Il importe que les communautés autochtones puissent décider elles-mêmes de ce qu’est l’acceptabilité sociale, des règles qui font qu’un projet est acceptable sur leur territoire et que, pour cela, elles aient accès au soutien qu’elles jugent nécessaire. Il importe également que la réflexion sur le rôle et les interventions de l’État se fassent dans une perspective de dialogue autour d’une relation basée sur la confiance et la réciprocité avec les Premières Nations.

Une fois ces précisions apportées, nous explicitons maintenant le fil conducteur et la structure des chapitres de cette recherche.

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Le Chapitre 1 de cette thèse aborde la double problématique à laquelle se rattache en 2019 notre objet de recherche, soit le rôle de l’État au regard au regard de l’acceptabilité sociale de grands projets à fort impact socio-environnemental. Tout d’abord, sur le plan sociétal et plus spécifiquement en contexte québécois, sont décrits les principaux enjeux soulevés par les conflits sociaux qui perdurent autour des grands projets, par la récente omniprésence de la notion d’acceptabilité sociale dans l’espace public alors que celle-ci est encore rarement définie et balisée, et par l’attention désormais portée au rôle de l’État sur cette question. Puis, sur le plan de la recherche, nous soulignons le manque de repères (A) pour mettre en évidence et comprendre les nuances dans les définitions et approches actuelles de la notion d’acceptabilité sociale, (B) pour appréhender de manière détaillée, organisée et selon les différentes phases/moments d’un grand projet les facteurs pouvant influencer la réponse du public à celui-ci, (C) pour aborder de manière globale les interventions de l’État pouvant influencer la réponse du public et (D) pour situer ces interventions au regard de diverses conceptions de la posture et de la conduite de l’État en lien avec l’acceptabilité sociale des grands projets. Certes, entre 2014 et 2019, des apports récents de la recherche ont permis de combler certaines lacunes, mais il reste de larges pans de savoirs à synthétiser et à construire. Découlant de cette problématique, les questions qui ont guidé cette recherche, sa finalité, son but ainsi que ses objectifs généraux et opérationnels sont explicités.

Le Chapitre 2 expose le cadre conceptuel et certains postulats que nous avons adoptés ou construits concernant les termes constituant les piliers de cette recherche : acceptabilité

sociale, réponse du public, grand projet, État, rôle et rôle de l’État. Les choix des acceptions

retenues, à large potentiel d’inclusion sémantique, sont explicités en relation avec les objectifs de recherche.

Le Chapitre 3 traite des fondements épistémologiques de cette recherche et de la méthodologie déployée. Après avoir clarifié ma propre posture en tant que chercheur, l’approche générale soit une analyse qualitative à la fois descriptive et critique, explicative

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et spéculative est exposée. Le déroulement de cette recherche, le matériau mobilisé, les stratégies de repérage et de consignation de données, les méthodes d’analyses privilégiées – principalement l’analyse par questionnement et l’analyse thématique – les critères de validité adoptés ainsi que les principales limites de notre démarche sont ensuite précisés.

Le Chapitre 4 présente les résultats de l’examen et de la structuration du champ lexical et sémantique de la notion d’acceptabilité sociale en contexte de prise de décision entourant les grands projets, tel qu’il se déploie dans la littérature afférente. Il propose une déconstruction de la notion permettant de mettre au jour les principaux paramètres de la notion d’acceptabilité sociale et une proposition de catégorisation des définitions existantes à travers une synthèse originale.

Le Chapitre 5 dresse une cartographie des facteurs pouvant influencer la réponse du public à un grand projet afin de produire des repères permettant de mieux comprendre et appréhender de tels facteurs. Sont présentés ensuite les apports progressifs tirés de l’analyse successive de différents matériaux : recension d’écrits, observation participante, récits et études de cas de grands projets ayant soulevé des enjeux d’acceptabilité sociale, synthèses récentes portant sur les facteurs d’influence. En fin de chapitre, résultant de notre analyse, nous proposons un modèle descriptif et explicatif des facteurs d’influence potentiels.

Le Chapitre 6 revisite la question des facteurs d’influence potentiels sur la réponse du public aux grands projets en centrant l’attention sur les interventions de l’État et en offrant différents repères structurés sous forme d’un cadre d’analyse. Après une caractérisation des interventions de l’État pouvant influencer la réponse du public selon les grandes phases d’un grand projet et en soulignant les facteurs mobilisés, un modèle de synthèse de ces interventions est proposé.

Le Chapitre 7 propose une systématisation des types de postures et de conduites de l’État en matière d’acceptabilité sociale. Les éléments du débat actuel sur l’intervention de l’État en matière d’acceptabilité sociale ont été situés au regard de différentes conceptions contrastées

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de l’État à partir d’un cadre et d’une boussole que nous avons développés à cet effet. Des propositions exploratoires de catégories de postures et de conduites de l’État au regard de l’acceptabilité sociale de grands projets sont esquissées.

Le Chapitre 8 vise à porter un regard critique, à la fois global, récapitulatif et prospectif, sur l’ensemble de notre démarche de recherche et sur ses résultats. Après un retour sur les défis posés par cette recherche et l’ajustement de sa trajectoire en cours de route, nous présentons une synthèse des principaux constats qui en ressortent et nous en soulignons les apports, les enjeux et les limites. Les éléments de transférabilité des repères que nous proposons sont ensuite identifiés et leur application potentielle est envisagée en lien notamment avec la possibilité de porter un regard critique sur les gestes récents du gouvernement du Québec. Pour terminer, les suites à donner à cette recherche sont clarifiées et des pistes d’approfondissement sont suggérées à cet effet.

La conclusion de cette thèse offre une synthèse des résultats marquants de cette recherche, souligne ses apports et esquisse de nouveaux chantiers.

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CHAPITRE I

PROBLÉMATIQUE

Dans ce chapitre, nous présentons d’abord la problématique sociétale générale et spécifique au Québec, à laquelle se rattache en 2019 la question du rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale de grands projets à fort impact socio-environnemental. La section suivante situe ce questionnement du point de vue du chercheur en sciences de l’environnement et précise la principale problématique de cette recherche, à savoir le manque de repères théoriques tant pour situer les enjeux sémantiques et stratégiques de même que les débats entourant la notion d’acceptabilité sociale que pour appréhender, de manière large et sur l’ensemble du cycle de vie d’un grand projet, les interactions potentielles entre les interventions de l’État et l’acceptabilité sociale. Sont enfin explicités la question principale et les angles de questionnement spécifiques qui ont guidé cette recherche, de même que sa finalité, son but ainsi que ses objectifs généraux et opérationnels.

1.1) Problématique sociétale

Cette première section vise à rendre compte des différents éléments de la problématique sociétale qui alimentent notre questionnement relatif au rôle de l’État au regard de l’acceptabilité sociale des grands projets. Nous traiterons d’abord des grands projets qui se succèdent au Québec, des interventions de l’État essentielles à la réalisation de ces projets et des tensions sociales régulières entourant ces grands projets dont certaines perdurent. Nous aborderons ensuite l’émergence de la notion d’acceptabilité sociale au cœur des conflits

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entourant ces projets, comme nouveau critère de décision (planification, évaluation, autorisation, etc.). Nous mettrons en lumière la diversité des approches et des acceptions, une telle diversité étant à la fois saine pour le débat public, mais potentiellement problématique pour le dialogue social en l’absence de clarification et de balisage des nuances entre celles-ci. Nous soulignerons enfin le retour récent de l’État au cœur des débats entourant l’acceptabilité sociale après un certain effacement de celui-ci, un retour qui répond notamment aux pressions de différents acteurs sociaux et qui apparaît essentiel dans le contexte de la profonde refonte de la gouvernance des grands projets au Québec entamée depuis le début des années 2010. De manière générale, cette section vise à souligner l’intérêt, en 2019, d’offrir des repères pour examiner les interventions de l’État et plus particulièrement celles du gouvernement du Québec au regard de l’acceptabilité sociale des grands projets.

1.1.1) Les grands projets au cœur de nos sociétés

Avec l’avènement de l’ère industrielle, les grands projets publics et privés se sont multipliés et diversifiés. Dans son Anthropologie du projet, Boutinet (2012) souligne que, depuis la seconde moitié du XXe siècle, les organisations étatiques, les organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que les entreprises et les partis politiques ne peuvent plus se passer du projet, d’une part pour organiser l’action (planifier, gérer et contrôler) et s’orienter, mais aussi pour se légitimer dans la société, via une feuille de route par « projets » et plus particulièrement pour les gouvernements et certaines entreprises, par les « grands projets ». Le Québec n’échappe pas historiquement à cette dynamique, marqué par une succession de grands projets, qui se sont accélérés au début du XXe siècle, autour notamment de l’urbanisation du Québec et des vastes projets d’infrastructures associés (électricité, eau, port, voies de transports, construction des écoles et hôpitaux, lieux de gestion des matières résiduelles, etc.), mais aussi autour du développement de la filière du bois et du papier avec ses nombreux moulins dont plusieurs de très grande échelle, de grands projets miniers

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(développement de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord et de la Fosse du Labrador ainsi que, plus récemment, du Nord québécois) et bien sûr du développement de la capacité de production hydroélectrique notamment autour de la Baie James à partir des années 1970s (Lehmann, Motulsky et Colomb, 2015).

Dès le début de cette recherche, il nous paraît essentiel de préciser – des éléments complémentaires seront apportés au Chapitre 2 - ce que l’on entend par « grand projet ». Parler de « grand projet » - au Québec, notamment dans la sphère gouvernementale, on parle souvent de « projet majeur » - sous-entend qu’il est possible de classifier les projets selon leur taille. Cette notion de taille est évidemment relative : la « grandeur » d’un projet est forcément fonction de la taille de la ou des communautés qui l’accueille. Par exemple, un petit projet dans une grande métropole très dense peut être un très grand projet à l’échelle d’une petite communauté. Malgré cette relativité inhérente de la « grandeur » pour circonscrire le grand projet, dans la littérature scientifique sur les grands projets et dans les sphères professionnelles (organismes de normalisation, ministères publics, consultants spécialisés, etc.), cette « grandeur » est balisée autour de critères dont quatre convergent dans la plupart des délimitations et définitions proposées avec des seuils qui varient en fonction de la perspective des acteurs.

Le premier critère est l’importance des investissements financiers en jeu6. Les montants

considérés varient selon les référentiels : un projet majeur, selon le thésaurus du gouvernement du Québec, est un « projet d’infrastructure publique d’un coût estimatif supérieur à 100 M$CA » 7; en France, selon Bichon (2017), l’Association française de normalisation (AFNOR) fixe ce seuil minimum de 7 à 15 millions d’euros selon les

6 À noter que pour calculer cette valeur, on considère généralement le montant des investissements matériels et non la valeur des ressources exploitées ou mises à disposition de l’entreprise par l’État ou un particulier, qu’elles soient renouvelables ou non (mines, hydrocarbures, eau, etc.).

7 Gouvernement du Québec - Thésaurus de l’activité gouvernementale. Récupéré de http://www.thesaurus.gouv.qc.ca/tag/terme.do?id=16977

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contextes ; pour Flyvbjerg (2014), le grand projet – en fait il parle de mégaprojets

(megaprojects) - doit dépasser un milliard de dollars américains.

Le second critère du grand projet est sa longue durée et son inscription dans une perspective de long terme. « Concernant la durée d’un grand projet, celle-ci doit se compter en années, voire en décennies, notamment parce que le cycle de vie d’un grand projet d’infrastructure intègre un processus lent et dormant d’avant-projet. » (Bichon, 2017, p. 230).

Le troisième critère a trait à l’échelle d’impacts avec selon Gariépy (2014, p. 20) « des actions entrant en résonance avec plusieurs échelles de territoire », mais aussi à la multiplicité des acteurs concernés dans l’environnement à la fois interne ou externe du projet.

Le dernier critère récurrent dans les critères utilisés pour spécifier la nature particulière du grand projet est l’importance des impacts sur les plans économique et environnemental et, de manière implicite, les impacts sociaux qui demeurent, même si cela semble amené à changer, peu explicités et différenciés en tant que catégorie d’impacts à part entière.

Les critères d’échelle d’impact, de multiplicité des acteurs concernés et d’importance des impacts dépendent beaucoup du milieu dans lequel s’insère le projet et pas seulement des caractéristiques propres du projet. Un même projet peut impliquer un plus ou moins grand nombre d’acteurs et avoir des impacts très différents selon le contexte d’implantation qui est un déterminant important de sa réalisation.

Une marque du grand projet est donc sa complexité inhérente que ce soit tant par la diversité et l’importance des technologies ou procédures utilisées, des parties prenantes ou des impacts qu’il soulève. Cette complexité inhérente fait du grand projet un objet dynamique dépendant de multiples facteurs. Tel que le précise Bichon (2017, p. 231) :

Un grand projet ne peut pas être rationalisé de façon absolue. On ne peut pas le rendre complètement probabilisable. Son processus est soumis à un potentiel important

Figure

Tableau 1. Secteurs et sous-secteurs d’activités associés aux grands projets au Québec
Figure 1. Carte mondiale des conflits liés à l’environnement et à la justice sociale
Figure 2. Dossiers emblématiques de contestations sociales de projets en France
Tableau 2. Exemples de grands projets au Québec depuis 2000 ayant donné lieu à diverses  formes de mobilisation sociale
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